JEAN CHRYSOSTOME
Précédente Accueil Remonter Suivante

 

Accueil
Remonter
MAMERTIN
GILLES
NATIVITÉ DE LA B.V.M.
ADRIEN
GORGON ET DOROTHÉE
PROTE ET HYACINTHE
SAINTE CROIX
JEAN CHRYSOSTOME
CORNEILLE ET CYPRIEN
LAMBERT
EUPHÉMIE
MATHIEU
MAURICE
JUSTINE
COME ET DAMIEN
FURSY
MICHEL
JÉRÔME
REMI
LÉGER
FRANÇOIS
PÉLAGIE
MARGUERITE
THAÏS
DENYS
CALIXTE
LÉONARD
LUC
CRISANT ET DARIA
ONZE MILLE VIERGES
SIMON ET JUDE
QUENTIN
EUSTACHE
TOUS LES SAINTS
COMMÉMORATION
IV COURONNÉS
THÉODORE
MARTIN
BRICE
ÉLISABETH
CÉCILE
CLÉMENT
CHRYSOGONE
CATHERINE
JACQUES L'INTERCIS
PERPÉTUE ET FÉLICITÉ
PASTEUR
JEAN, ABBÉ
MOÏSE, ABBÉ
ARSÈNE, ABBÉ
AGATHON, ABBÉ
BARLAAM ET JOSAPHAT
PÉLAGE
DÉDICACE
JOSSE
OTHMAR
CONRAD
HILARION
CHARLEMAGNE
CONCEPTION

SAINT JEAN CHRYSOSTOME **

 

Jean, surnommé Chrysostome, naquit à Antioche, de parents nobles. Son père se nommait Second, et sa mère Anthura. Sa vie, son genre, ses actions et sa persécution, sont décrits au long dans l’Histoire tripartite (l. X). Quand il eut étudié la philosophie, il la délaissa pour s'adonner à la lecture des choses de Dieu. Après sa promotion à la prêtrise, le zèle qu'il avait pour la chasteté le faisait passer pour trop sévère, et il penchait plus vers l’emportement que vers la mansuétude; la raideur de sa conduite ne lui laissait pas la ressource de prendre des précautions pour l’avenir. Dans ses conversations il était regardé comme arrogant

 

** Tiré de la vie du saint.

 

55

 

par les ignorants. Ses leçons étaient solides, ses explications exquises. Il était fort habile pour diriger les âmes. Ce fut sous le règne d'Arcade et d'Honorius et du temps que Damase occupait le siège de Rome qu'il fut ordonné évêque. En voulant corriger tout d'un coup la vie des clercs, il s'attira la haine de tous. Ils l’évitaient comme un furieux et ils le calomniaient auprès de tout le monde : sous prétexte qu'il n'invitait jamais personne à sa table et qu'il ne voulait recevoir aucune invitation, ils avançaient qu'il en agissait ainsi parce qu'il mangeait d'une manière sale. D'autres disaient tout haut que c'était parce qu'il usait seulement de mets choisis et délicats ; et en réalité c'était pour faire abstinence; et comme il souffrait souvent de l’estomac et de la tête, il évitait les repas somptueux. Le peuple, à cause des sermons qu'il prêchait à l’église, l’aimait beaucoup et ne tenait aucun cas de ce que les envieux pouvaient répandre contre lui. Jean s'appliqua encore à reprendre quelques-uns des grands, et il en résulta que l’envie redoubla. de violence contre lui.

Un autre fait souleva extraordinairement tout le monde. Eutrope, ministre de l’empereur, et jouissant de la dignité consulaire, voulant instrumenter contre ceux qui cherchaient un asile dans les églises, prit tous les moyens de faire porter, par l’empereur, une loi par laquelle personne ne pourrait s'y réfugier à l’avenir, et de plus que ceux qui s'y étaient réfugiés depuis longtemps, en seraient arrachés. Or, peu de jours après, Eutrope ayant offensé l’empereur, s'empressa de se réfugier dans l’église ; et l’évêque qui le (56) sut vint trouver cet homme qui se cachait sous l’autel, et dans une homélie qu'il fit contre lui, il lui adressa les reproches les plus durs ; ceci offensa bien des gens parce que loin d'user de miséricorde à l’égard d'un malheureux, il ne s'abstint pas de lui adresser des réprimandes. L'empereur fit enlever Eutrope qui eut la tète tranchée. Pour différents motifs, il se laissait aller à attaquer une certaine quantité de personnes, ce qui le rendit généralement odieux. Or, Théophile, évêque d'Alexandrie, voulait déposer Jean et prenait tous les moyens pour mettre à sa place par intrusion un prêtre nommé Isidore : c'est pourquoi il cherchait avec soin des motifs de déposition. Cependant le peuple prenait la défense de Jean dont il écoutait avec une admirable avidité toutes les instructions. Jean forçait aussi les prêtres à vivre selon la discipline ecclésiastique, et il disait que celui-là ne devait pas jouir de l’honneur attaché au sacerdoce qui ne daignerait pas en pratiquer les lois. Ce n'était pas seulement la ville de Constantinople que le saint gouvernait avec courage, mais il établissait encore des lois sages dans plusieurs provinces circonvoisines, en s'aidant de l’autorité impériale. Quand il eut appris que l’on offrait encore des sacrifices aux démons dans la Phénicie, il y envoya des clercs et des moines, et fit détruire tous les temples des idoles. En ce temps-là, existait un certain Gaymas, Celte d'origine, barbare dans ses projets, extrêmement emporté par des goûts tyranniques, infecté de l’hérésie arienne, et cependant il avait été créé officier dans l’armée., Il pria l’empereur de lui donner pour soi et pour les siens une église dans (57) l’intérieur de la ville. L'empereur le permit, et pria Jean de céder une église à Gaymas, espérant ainsi mettre un frein à sa tyrannie. Mais Jean, rempli d'un courage extraordinaire et enflammé de zèle, dit à l’empereur : « Prince, veuillez ne pas permettre cela, et lie donnez pas les choses saintes aux chiens; M'appréhendez rien de ce barbare : commandez qu'on nous fasse venir tous les deux, et écoutez, sans parler, ce qui se dira entre nous : je mettrai un tel frein à sa langue qu'il n'aura pas la présomption de vous renouveler sa demande. » L'empereur, en entendant cela, fut réjoui, et il les manda l’un et l’autre pour le lendemain.

Gaymas ayant réclamé pour lui un oratoire, Jean lui dit : « Partout la maison de Dieu vous est ouverte, en sorte que personne ne vous empêche de prier.» Gaymas reprit : « Je suis d'une autre secte, et je demande à avoir un temple pour les miens et pour moi. J'ai entrepris bien des choses pour l’empire romain, c'est, pour cela que je ne dois pas éprouver l’affront d'un refus. » Jean lui dit : « Vous avez reçu des récompenses plus que n'en méritent vos combats : vous avez été fait commandant des armées, en outre vous avez été orné de la toge consulaire ; et il vous faut considérer ce que vous avez été autrefois et ce que vous êtes aujourd'hui, quelle fut jadis votre pauvreté et quelles sont à présent vos richesses, quels étaient auparavant vos habits, et ceux dont vous vous ornez maintenant. Donc puisque des services de peu de valeur vous ont procuré de si hautes récompenses, ne soyez pas ingrat envers celui qui vous honore. »

 

58

 

Par ces paroles, Jean lui ferma la bouche et le força à se taire. Or, pendant que Chrysostome gouvernait avec vigueur la ville de Constantinople, Gaymas qui visait à l’empire, ne pouvant rien faire de jour, envoya pendant la nuit des barbares,pour brûler le palais. On acquit alors la preuve évidente que saint Jean était le gardien de la ville; car une nombreuse troupe d'anges armés et qui avaient pris un corps, apparut aux Barbares qui furent à l’instant mis en fuite. Quand ils rapportèrent cela à leur maître, celui-ci en fut dans une grande admiration; car il savait que les troupes étaient en garnison dans d'autres villes. La nuit suivante, il leur donna donc encore le même ordre, et ils furent comme la première fois mis en fuite par des anges qu'ils aperçurent. Enfin il y vint lui-même, vit le miracle, et s'enfuit, dans la pensée que des soldats se cachaient pendant le jour et gardaient la cité pendant la nuit. Il quitta Constantinople et vint dans la Thrace où il portait partout le ravage avec une armée nombreuse qu'il avait ramassée. Tout le monde redoutait la férocité de ces barbares. Alors l’empereur chargea saint Jean de l’office de légat auprès de Gaymas. Le saint oublia toutes les causes d'inimitié et partit avec joie. Gayrnas, tenant compte de la confiance du saint, revint à de meilleurs sentiments, et s'avança fort loin au-devant de lui; alors il lui prit la main qu'il porta à ses yeux, et commanda à ses enfants de lui baiser les genoux avec respect. Telle était en effet la vertu de Jean qu'il forçait les hommes les plus terribles à s'humilier et à craindre.

Dans le même temps encore, il s'émut une (59) question : c'était de savoir si Dieu a un corps. Cela donna lieu à des contestations et à des luttes; les uns soutenant une opinion, les autres une autre. Ce fut surtout la classe des simples moines, qui se laissa entraîner à dire que Dieu avait une forme corporelle. Or, Théophile, évêque d'Alexandrie, pensait le contraire; en sorte que, dans l’église, il soutenait l’opinion contraire à ceux qui avançaient que Dieu avait une forme humaine, et il prêchait que Dieu est incorporel. Les moines d'Egypte, ayant eu connaissance de cela, quittèrent leurs retraites et vinrent à Alexandrie où ils excitèrent une sédition contre Théophile, en sorte qu'ils prenaient des mesures pour le tuer. Quand il le sut, il eut peur et leur dit : « Comme je vous vois, comme je vois le visage de Dieu. » « Si vous dites vrai, répondirent-ils, que le visage de Dieu soit comme le nôtre, anathématisez donc les livres d'Origène, contraires à notre opinion. Que si vous ne le faites pas, comme vous êtes rebelle envers l’empereur et envers Dieu, vous aurez à endurer des opprobres de notre part. » Et Théophile dit : « Ne commettez aucune violence contre ma personne, et je ferai tout ce qui vous plaît. » Ce fut ainsi qu'il détourna les moines de l’attaquer. Niais ceux-ci, expérimentés et arrivés à la perfection, ne se laissèrent pas séduire, tandis que les simples, entraînés par l’ardeur de leur foi, s'insurgèrent contre ceux de leurs frères qui croyaient le contraire, et en firent tuer un grand nombre. Pendant que ces faits se passaient en Egypte, saint Jean brillait à Constantinople par sa doctrine, et passait auprès de tous pour un homme admirable. (60) Or, les ariens, dont le nombre se multipliait beaucoup, et qui avaient une église hors de la ville, s'assemblaient le samedi et le dimanche entre les portes et les portiques, où ils chantaient, pendant la nuit, des hymnes et des antiennes. Quand venait le point du jour, ils traversaient la ville en répétant ces mêmes antiennes et, sortant hors des portes, ils venaient en foule à leur église. Ils ne cessaient d'agir ainsi pour vexer les orthodoxes, car ils répétaient souvent ces paroles : « Où sont ceux qui disent qu'en trois il n'y a qu'une puissance? » Alors saint Jean, dans la crainte que les simples ne se laissassent entraîner par ces chants, institua que tous les fidèles passeraient la nuit à chanter des Hymnes, afin que l’oeuvre des hérétiques fût étouffée et que les fidèles fussent affermis dans leurs pratiques; de plus, il fit faire des croix d'argent que l’on portait avec des cierges argentés. Les ariens, excités par la jalousie, s'emportèrent jusqu'à vouloir sa mort: et une nuit Brison, eunuque de l’impératrice, fut frappé d'une pierre. Jean l’avait chargé d'exercer à chanter les hymnes; il y eut même quelques gens du peuple qui furent tués de part et d'autre. Alors l’empereur ému défendit aux ariens de chanter publiquement leurs hymnes. En ce temps-là, Sévérien, évêque de Gabales, qui était en honneur auprès d'un certain nombre de grands, et chéri par l’empereur lui-même et par l’impératrice, vint à Constantinople, où saint Jean e reçut avec des félicitations; pendant son voyage en Asie, il lui confia le soin de son église. Mais Sévérien ne se comportait pas avec fidélité et tâchait de s'attirer l’estime du peuple. (61) Sérapion, qui était clerc de Jean, s'empressa d'en informer le saint. Or, une fois que Sévérien passait, Séraphin ne se- leva pas : alors l’évêque indigné s'écria : « Si le clerc Sérapion ne meurt pas, J.-C. n'est pas né de nature humaine. » Saint Jean, apprenant ces excès, revint et chassa Sévérien de la ville comme un blasphémateur. Cela déplut beaucoup à l’impératrice qui fit rentrer l’évêque en priant saint Jean de se réconcilier avec lui : mais le saint n'y consentit en aucune manière : jusqu'au moment où l’impératrice mit son fils Théodose sur les genoux de Jean, en le suppliant, en le conjurant de faire la paix avec Sévérien.

Dans le même temps encore, Théophile, évêque d'Alexandrie, chassa injustement Dyoscore, un très saint homme, et Isidore qui était auparavant un de ses grands amis. Ceux-ci vinrent à Constantinople pour raconter au prince et à Jean ce qui s'était passé. Or, Jean les traita honorablement, mais il ne voulut pas les recevoir en sa communion avant de connaître l’état des choses. Cependant un faux bruit parvint à Théophile, que Jean était en communion avec eux, et qu'il leur donnait aide. Alors Théophile indigné ne se contenta pas d'exercer sa vengeance contre eux, mais il s'arma de toutes pièces pour déposer Jean. Il dissimula donc son intention et il envoya des messages aux évêques de chaque ville pour annoncer qu'il voulait condamner les livres d'Origène. Epiphane, évêque de Chypre, très saint et très illustre personnage, se laissa circonvenir par Théophile qui s'en fit un ami, et qu'il pria de condamner aussi lui-même les livres (62) d'Origène. Epiphane, dont la sainteté ne découvrait pas ces ruses, convoqua ses évêques à Chypre et interdit, la lecture d'Origène ; il adressa des lettres à saint Jean par lesquelles il le priait de s'abstenir à l’avenir de lire ces ouvrages, et de confirmer les décisions qui avaient été prises. Mais Jean, qui fit peu de cas de cette démarche, s'appliquait aux soins du ministère ecclésiastique où il excellait, et ne s'inquiétait aucunement de ce qu'on pouvait machiner contre lui. Enfin Théophile dévoila cette haine qu'il avait longtemps cachée, et fit connaître qu'il voulait déposer Jean. Aussitôt les ennemis du saint, un grand nombre de clercs, et les seigneurs du palais, trouvant l’occasion favorable, usaient de toutes sortes de moyens pour faire assembler contre Jean un concile à Constantinople. Après quoi, Epiphane vint en cette ville portant avec soi le décret de condamnation d'Origène; mais il ne voulut pas accepter l’invitation de Jean, en considération de Théophile. Or, quelques-uns, par respect pour Epiphane, souscrivirent à la condamnation des livres d'Origène; beaucoup cependant refusaient de le faire. L'un de ces derniers fut Théotin, évêque de Sicée, homme très recommandable par la droiture de sa conduite, qui répondit ainsi : « Pour moi, Epiphane, je ne veux pas faire injure à qui est mort depuis longtemps dans la justice, et je n'ai pas la présomption de  m’exposer à commettre un sacrilège en condamnant ce que nos devanciers n'ont pas voulu flétrir; car je ne vois pas qu'il se trouve une mauvaise doctrine dans ses livres. Ceux qui s'attachent à les mépriser ne se connaissent pas eux-mêmes. Athanase le défenseur du concile de (63) Nicée, invoque le témoignage de ce grand homme en faveur de la foi ; il met ses livres avec les siens quand il dit :  «L’admirable et infatigable Origène nous apporte ce témoignage du Fils de Dieu, alors qu'il affirme qu'il est coéternel au Père. » Jean conçut de l’indignation de ce que, contre tous les règlements, Epiphane fit une ordination dans son église ; cependant il le priait de demeurer avec lui parmi les évêques. Mais Epiphane répondit qu'il ne voulait ni rester, ni prier avec lui, à moins qu'il ne chassât Dyoscore et qu'il ne souscrivît à la condamnation des livres d'Origène. Jean refusant de le faire, Epiphane fut excité contre lui par ceux qui lui portaient envie. Epiphane alors condamna les livres d'Origène et porta un jugement contre Dyoscore ; ensuite il commença à détracter Jean comme leur adversaire. Alors Jean lui manda ce qui suit : «Vous avez agi, Epiphane, en beaucoup de cas contre les règles; d'abord vous avez fait une ordination dans une église placée sous ma juridiction; ensuite de votre autorité, privée, vous y avez célébré les saints mystères ; en outre quand je vous ai invité, vous vous êtes excusé; et en dernier lieu maintenant, vous ne vous en rapportez qu'à vous-même. Or, prenez garde qu'une sédition ne s'élève parmi le peuple, et que le péril n'en retombe sur vous. » Epiphane informé de cela partit, et avant de se mettre eu route pour Chypre, il fit dire à Jean : « J'espère que vous ne mourrez pas évêque. » Et Jean lui fit tenir cette répons, : « J'espère que vous ne rentrerez pas dans votre patrie. » C'est ce qui eut lieu, car Epiphane mourut en route, et peu après (64) Jean, déposé de l’épiscopat, finit sa vie dans l’exil. Au tombeau de cet Epiphane, personnage d'une haute sainteté, les démons sont mis en fuite. Sa générosité envers les pauvres fut prodigieuse. Un jour qu'il avait, donné tout l’argent de l’église sans qu'il lui restât rien, quelqu'un vint tout à coup lui offrir un sac avec beaucoup d'argent et disparut sans qu'on ait su ni d'où il venait, ni où il allait. Quelques pauvres voulurent tromper Epiphane afin qu'il leur donnât l’aumône. L'un d'eux se coucha sur le dos par terre, et debout auprès de lui un autre le pleurait comme s'il était mort, et criait piteusement qu'il n'avait pas de quoi le pouvoir ensevelir. Alors Epiphane survint ; il pria pour que le mort dormît en paix ; ensuite, il donna ce qui était nécessaire pour la sépulture, puis après avoir consolé l’autre, il s'en alla. Alors celui-ci disait à son compagnon en le poussant : « Lève-toi, allons manger ce due tu as gagné. » Mais après l’avoir remué plusieurs fois, il reconnut qu'il était mort ; il courut alors à Epiphane lui dire ce qui était arrivé, et le pria de ressusciter cet homme. Epiphane le consola avec bonté, mais ne ressuscita pas le mendiant afin qu'on ne se jouât pas facilement des ministres de Dieu. Or, quand Epiphane fut parti, on rapporta à Jean que l’impératrice Eudoxie avait excité Epiphane contre lui. Jean, toujours enflammé de zèle, fit au peuple un discours renfermant toutes sortes de critiques contre les femmes sans exception. Ce sermon fut pris par tout le monde comme une attaque directe contre l’impératrice. Celle-ci, qui en fut instruite, se plaignit à l’empereur en disant que le (65) blâme infligé à sa femme retombait principalement sur lui. L'empereur ému fit célébrer un synode contre Jean. Alors Théophile se hâta de convoquer les évêques; et tous les ennemis de Pan vinrent en foule avec grande joie, en le traitant d'orgueilleux et d'impie. Tous les évêques donc réunis à Constantinople ne s'occupaient plus des livres d'Origène, mais se déclaraient ouvertement contre Jean. Ils le firent citer, mais le saint jugea prudent de ne pas se livrer à ses ennemis et déclara qu'il fallait assembler un concile universel. Ils le firent citer encore jusqu'à quatre fois. Or, comme il refusait de comparaître et qu'il réclamait un concile, ils le condamnèrent, sans articuler contre lui d'autre fait qu'ayant été appelé il n'avait pas voulu obéir. Le peuple, qui en fut informé, se livra à une violente sédition ; il ne laissa pas enlever Jean de l’église, mais il demanda hautement que l’affaire fût portée à un concile plus nombreux. Cependant l’ordre du prince exigeait qu'il fût enlevé par force et qu'il fût déporté en exil. Alors Jean, qui craignait les suites de la sédition, se livra lui-même, à l’insu du peuple, pour être mené en exil. Quand le peuple le sut, il s'éleva une émeute tellement grave que beaucoup de ceux qui étaient les ennemis de Jean, et un instant auparavant désiraient sa déposition, se laissèrent aller à la pitié en proclamant qu'il était victime de la calomnie.

Alors Sévérien, dont il a été question plus haut, se mit à détracter Jean dans les instructions qu'il faisait à l’église : il disait que quand bien même il n'y aurait pas d'autre crime à lui imputer, c'était assez de son orgueil pour le déposer. La sédition contre l’empereur (66) et contre les évêques ayant pris d'énormes proportions, Eudoxie pria l’empereur de faire ramener Jean de l’exil. Il se fit encore un violent tremblement de terre dans la ville, et tout le monde disait que cela arrivait parce que Jean avait été injustement chassé. On envoya donc des ambassadeurs à l’évêque pour le prier de revenir au plus tôt secourir la ville ruinée et calmer la sédition excitée parmi le peuple. Après les premiers on en fit partir d'autres, et après ceux-ci d'autres encore pour le forcer à hâter son retour. Jean s'y refusait ; cependant ils le ramenèrent le plus vite qu'ils purent. Le peuple tout entier alla à sa rencontre avec des cierges et des lampes. Cependant il ne voulait pas se placer sur son siège épiscopal, en disant que cela ne pouvait se faire sans un jugement synodal et que c'était à ceux qui l’avaient condamné à révoquer leur sentence. Cependant le peuple était soulevé pour le voir assis sur son siège et pour entendre parler ce saint docteur. Il l’emporta enfin, Jean fut donc forcé d'adresser un discours et de s'asseoir sur son trône épiscopal. Théophile alors prit la fuite. Arrivé à Hiérapolis, l’évêque de cette ville vint à mourir, et on élut Lamon, qui était un moine d'une haute sainteté. Il refusa à plusieurs reprises, mais Théophile lui conseillant d'accepter, Lamon le promit en disant: « Demain, il en sera ce qu'il plaît au Seigneur. » Le lendemain, on vint à sa cellule le conjurer de recevoir l’épiscopat: « Prions auparavant le Seigneur, dit-il. » Et pendant. qu'il priait, il rendit le dernier soupir. Jean cependant instruisait son peuplé avec assiduité. Or, dans le même temps, on avait élevé, sur la place (67) qui se trouvait vis-à-vis de l’église de Sainte-Sophie, une statue d'argent revêtue d'une chlamyde, en l’honneur de l’impératrice Eudoxie; les soldats et les grands y célébraient des jeux publics: ce qui déplaisait fort à Jean parce qu'il voyait en cela un outrage à l’église.

Il compta assez sur ses forces pour s'élever, dans ses discours, avec vigueur contre cet abus. Et quand il fallait employer des paroles de supplication pour détourner les seigneurs de se livrer à ces jeux, il ne le fit pas, mais il usa de toute l’impétuosité de son éloquence pour maudire ceux qui commandaient de pareils excès. L'impératrice. qui regardait tout cela comme une injure personnelle, travaillait de nouveau à faire célébrer encore un concile contre lui. Jean qui le pressentit prononça dans l’église cette fameuse homélie commençant par ces mots: « Hérodiade est encore en délire, elle est encore agitée, elle danse encore, elle demande encore une fois qu'on lui donne 1a tête de Jean dans un plat. » Ce fait excita bien davantage la colère de l’impératrice. Alors un homme voulut tuer Jean; or, le peuple surprit l’assassin et le traîna devant le juge; mais le préfet se saisit de lui afin qu'il ne fût pas massacré. Le serviteur d'un prêtre voulut aussi se jeter sur lui et tenter de le tuer, mais il en fut empêché par un particulier qui fut égorgé par l’assassin, ainsi qu'un autre qui se trouvait là. On se mit alors à crier, et comme la foule accourait, il en massacra encore plusieurs. Dès ce moment, Jean fut protégé parle peuple qui montait la garde jour et nuit dans sa maison. Par les conseils de l’impératrice, les évêques s'assemblèrent à Constantinople et les accusateurs de (68) Jean s'opiniâtrèrent de plus en plus. La fête de la naissance du Seigneur étant survenue, l’empereur fit dire à Jean que, s'il ne se justifiait pas des crimes dont on l’accusait, il ne communiquerait pas avec lui. Cependant les évêques ne trouvèrent rien à lui reprocher, si ce n'est qu'après sa déposition, il avait osé siéger dans sa chaire sans le décret d'un concile. Et ainsi, ils le condamnèrent. Enfin, à l’approche de la fête de Pâques, l’empereur lui manda qu'il ne pouvait rester dans l’église avec un homme condamné par deux conciles. Jean se tint donc à l’écart et il ne descendait plus du tout dans l’église. Ceux qui tenaient pour lui étaient appelés Johannites. Cependant l’empereur le fit ensuite chasser de la ville et conduire en exil dans une petite ville sur les limites du Pont et de l’empire romain, pays voisin de cruels barbares. Mais dans sa clémence, le Seigneur ne permit pas longtemps que l’un de ses plus fidèles athlètes restât dans de pareils lieux.

Le pape Innocent, qui apprit cela, en fut contrasté ; et voulant célébrer un concile, il écrivit au clergé de Constantinople de ne pas donner un successeur à Jean. Mais le saint, fatigué par la longueur de la route et tourmenté très violemment de douleurs de tête, souffrait encore de l’insupportable chaleur du soleil. Cette sainte âme fut déliée de son corps à Comanes, le lie jour du mois de septembre. A sa mort, une grêle violente tomba sur Constantinople et sur tous ses faubourgs; chacun disait que c'était le fait de la colère de Dieu parce que Jean avait été condamné injustement. La mort de l’impératrice, arrivée aussitôt après, confirma (69) ces dires: car elle mourut quatre jours après la grêle. Quand le docteur de l’univers fut mort, les évêques d'Occident ne voulurent plus rester en communion avec ceux d'Orient, jusqu'à ce que son très saint nom eût été rétabli sur les dyptiques avec ceux des évêques, ses prédécesseurs. Cependant Théodose, fils très chrétien de l’empereur Arcade, qui avait hérité de la piété et, du nom de son aïeul, fit transporter dans la cité impériale les saintes reliques de ce docteur, dans le mois de janvier. Le peuple, toujours resté fidèle à son évêque, alla au-devant avec des lampes et des cierges.

Alors Théodose se prosterna devant les reliques du saint, en le suppliant de pardonner à Arcade, son père, et à Eudoxie, sa mère, comme ayant péché par ignorance; ils étaient morts depuis longtemps. Ce Théodose porta si loin la clémence; qu'il ne laissa mourir aucun criminel de lèse-majesté, et il disait : « Plût à Dieu qu'il me fût possible plutôt' de rappeler les morts à la vie. » Sa cour paraissait être un Monastère, car on célébrait les matines et on lisait les livres saints. Sa femme, nommée Eudoxie, composa beaucoup de poèmes en vers héroïques. Il eut une, fille, nommée aussi Eudoxie : il la donna en mariage à Valentinien qu'il avait fait empereur. Tous ces détails sont extraits de l’Histoire tripartite. Saint Jean mourut vers l’an du Seigneur 407.

 

Haut du document

 

Précédente Accueil Remonter Suivante