TOUS LES SAINTS
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TOUS LES SAINTS

 

L'institution de la fête de tous les saints paraît se rattacher à quatre motifs : 1° la dédicace d'un temple; 2° la fête des saints omis dans le cours de l’année ; 3° l’expiation de nos négligences ; 4° une plus grande facilité d'obtenir ce que nous demandons dans nos prières.

 

1. Cette fête fut instituée pour la dédicace d'un temple. Les Romains, après s'être rendus maîtres de l’univers, construisirent un temple magnifique au milieu duquel ils placèrent leur idole, et autour de sa statue, celles des divinités de chaque province tournées de face vers l’idole des Romains. S'il .arrivait qu'une province se révoltât, aussitôt, dit-on, par l’artifice du diable, la statue de l’idole de cette province tournait (247) le dos à l’idole de Rome, comme pour faire entendre qu'elle cessait de reconnaître son haut domaine. Alors les Romains levaient en toute hâte une armée nombreuse contre le pays révolté et le faisaient rentrer sous leurs lois. Mais ce ne fut pas assez pour les Romains d'avoir dans leur ville lés simulacres des faux dieux de toutes les provinces ; ils firent plus ; ce fut de construire un temple consacré à chacun des dieux qui les avaient rendus, en quelque sorte, les vainqueurs et les maîtres de toutes ces provinces. Cependant comme toutes les idoles ne pouvaient avoir chacune un temple dans Rome, les Romains, pour faire parade de leur folie, érigèrent, en l’honneur de tous les dieux, un temple plus merveilleux et plus élevé que les autres qu'ils nommèrent Panthéon, mot qui signifie tous les dieux et formé de Pan, tout et, Theos, Dieu. Les pontifes des idoles avaient en effet inventé, pour induire le peuple en erreur, que Cybèle, nommée par eux la mère de tous les dieux, leur avait ordonné d'élever un temple magnifique à ses enfants, si on voulait vaincre toutes les nations. On jeta les fondements du temple sur un plan sphérique, pour mieux démontrer par là l’éternité des dieux. Mais comme la largeur de la voûte était telle qu'il ne paraissait pas possible qu'elle se soutînt, quand l’édifice fut un peu élevé au-dessus du sol, on en remplit tout l’intérieur avec de la terre, dans laquelle on jeta, dit-on, de la monnaie: et l’on continua d'en faire autant jusqu'à l’entier achèvement de ce temple merveilleux. On permit alors à quiconque voudrait enlever la terre de garder pour soi tout l’argent qui y serait trouvé; la foule accourut et vida de suite (248) l’édifice. Enfin, les Romains fabriquèrent un globe d'airain doré, en forme de pomme de pin, qu'ils placèrent au sommet. On rapporte encore que sur ce globe étaient sculptées demain de maître toutes les provinces, de telle sorte que celui qui venait à Rome pouvait savoir de quel côté du monde était son pays. Mais dans la suite des temps ce globe vint à tomber; de là, l’ouverture qui est restée au sommet. Du temps donc de l’empereur Phocas, quand Rome avait depuis longtemps déjà reçu la foi du Seigneur, Boniface, le quatrième pape après saint Grégoire le Grand, vers: l’an du Seigneur 605, obtint de cet empereur ce temple qu'il purgea de ses idoles immondes et qu'il consacra le 3 des Ides de mai (13 mai), en l’honneur de la bienheureuse vierge Marie et de tous les martyrs. Il lui donna le nom de Sainte-Marie-aux-Martyrs (et il est connu aujourd'hui du peuple sous celui de Sainte-Mariede-la-Rotonde) ; car à cette époque, on ne célébrait pas encore dans l’Eglise de fêtes pour les confesseurs. Or, comme à cette consécration se rendait une multitude de monde infinie et que le manque de vivres ne permettait pas de la célébrer, un pape, du nom de Grégoire IV, établit de la transférer aux calendes (1er) de novembre, alors que la moisson et les vendanges sont terminées ; il décida qu'on célébrerait en ce jour, dans l’univers entier, une fête solennelle en l’honneur de tous les saints. Ce fut ainsi qu'un temple bâti pour toutes les idoles fut dédié à tous les saints, et que l’on adresse de pieuses louanges à la multitude des saints en un. lieu où l’on adorait une multitude d'idoles.

 

249

 

II. La fête de tous les saints a été instituée pour honorer ceux dont on ne célèbre pas la fête, et dont on ne fait pas même la mémoire. Nous rie pouvons pas, en effet, fêter tous les saints, tant à cause de leur grand nombre qu'à cause de l’impossibilité où nous réduisent notre faiblesse et notre infirmité, comme aussi à cause de l’insuffisance du temps, qui serait trop court. Car, ainsi que le dit saint Jérôme dans l’épître qui se trouve à la tête de son calendrier, il n'est pas de jour; excepté celui des calendes (1er) de janvier, auquel on ne puisse assigner cinq mille martyrs, voilà pourquoi l’Eglise a sagement disposé que, rie pouvant célébrer la fête de tous les saints chacun en particulier, nous les honorions tous ensemble d'une manière générale. Mais, pourquoi célébrons-nous sur la terre les fêtes des saints? Maître Guillaume d'Auxerre en assigne six raisons, dans sa Somme des offices. La première, c'est l’honneur de la divine majesté ; car en honorant les saints, c'est Dieu que nous Honorons et que nous proclamons admirable en leur personne, puisque celui qui fait honneur aux saints honore spécialement celui qui les a sanctifiés, La seconde, c'est pour obtenir aide à notre misère; par nous-mêmes, nous ne pouvons obtenir le salut ; aussi avons-nous besoin des suffrages des saints, qu'il est juste que nous honorions si nous voulons mériter leur secours. On lit au IIIe livre des Rois, ce que Bersabée (nom signifiant puits d'abondance), c'est-à-dire l’Eglise triomphante, obtint, par ses prières, le royaume pour son fils, c'est-à-dire pour l’Eglise militante. La troisième augmente notre sécurité et notre (250) espérance, par la considération de la gloire des saints, qui nous est rappelée dans la fête que nous célébrons; car si des hommes mortels, semblables à nous, ont pu être élevés à un pareil degré de gloire, il est certain que nous pourrons ce qu'ils ont pu, puisque le bras du Seigneur n'est, pas raccourci. La quatrième, c'est comme exemple offert à notre imitation. Quand revient la fête des saints, nous sommes portés à les imiter, à mépriser, comme eux, les choses de la terre, et à soupirer après les biens du ciel. La cinquième, c'est pour les payer de retour; car les saints font une fête dans le ciel par rapport à nous, puisqu'il y a joie chez les anges de Dieu et chez les âmes des saints, pour un pécheur qui fait pénitence. Donc, il est juste que nous les payions de retour, et que, faisant de nous une fête dans les cieux, nous célébrions aussi sur la terre une fête pour eux. La sixième, c'est pour nous acquérir de l’honneur ; en honorant les saints, nous travaillons à notre avantage, nous nous procurons de l’honneur, parce que leur fête c'est notre gloire ; en honorant nos frères, nous nous honorons nous-mêmes. La charité fait que tous les biens soient communs ; or, nos biens sont célestes, terrestres et éternels.

Outre ces raisons, saint Jean Damascène, au livre IV, chap. VIII, en apporte d'autres. Il se demande pourquoi on doit honorer les saints, ainsi que leurs corps ou reliques. Il en donne des raisons dont plusieurs se tirent de leur dignité, d'autres de l’excellence de leurs corps. Il dit donc que leur dignité a quatre degrés : ils sont les amis de Dieu, les fils de Dieu, (251) les héritiers de Dieu et nos guides. Ses autorités, il les puise, quant au premier degré, dans saint Jean (XV) : « Je ne vous appellerai plus mes serviteurs, mais bien mes amis. » Quant au second degré, dans saint Jean (I) : « Il a donné à ceux qui l’ont reçu le pouvoir d'être faits enfants de Dieu. » Quant au troisième degré, dans la troisième épître aux Romains (VIII) : « S'ils sont enfants, donc ils sont héritiers. » Par rapport au quatrième degré, voici ce qu'il dit

« Que de peines ne vous donneriez-vous pas, pour trouver un guide qui vous présenterait à un roi mortel et qui parlerait en votre faveur ? Eh bien ! les guides de tout le genre humain, nos intercesseurs auprès de Dieu, ne les honorera-t-on pas? Oui, comme on doit honorer ceux qui élèvent un temple à Dieu; et dont on' vénère la mémoire. » D'autres raisons sont prises de l’excellence de leurs corps; saint Jean Damascène en assigne quatre et saint Augustin en ajoute une cinquième. Les corps des saints, en effet, ont été les celliers de Dieu, le temple de J.-C., le vase du parfum céleste, les fontaines divines et les membres du Saint-Esprit. Ils ont été : 1° les celliers de Dieu, et Dieu les a ornés comme des cénacles ; 2° le temple de J.-C. Dieu a habité en eux par l’intelligence; J.-C. le dit aux apôtres : « Ne savez-vous pas que vos corps sont les temples de l’Esprit-Saint, qui habite en vous ? » Or, Dieu est esprit : et pourquoi donc ne pas honorer des temples, des tabernacles que Dieu anime Saint Jean Chrysostome dit à ce sujet : « L'homme se complaît à élever des palais, et Dieu à habiter dans ses saints.» «Seigneur, dit le Psalmiste, j'ai beaucoup (252) aimé la beauté de votre maison.» Quelle beauté? Ce n'est pas celle qu'on obtient avec une variété de marbres précieux, mais celle qui vient de l’abondance de toutes les grâces. La première flatte la chair, la seconde vivifie l’âme. Celle-là ne dure qu'un temps, trompe les yeux ; celle-ci élève pour toujours l’intelligence jusqu'au ciel. ». 3° Ce sont les vases pleins d'un parfum spirituel : « Des reliques des saints, continue saint Jean Damascène, découle un parfum qui répand la meilleure odeur; et que personne ne vienne me contredire : car, si d'un rocher, d'une pierre dure, il a jailli de l’eau dans le désert; si, de la mâchoire de son âne, Samson brûlant de soif obtint de l’eau, à combien plus forte raison, des reliques des martyrs, doit-on croire qu'il découlera un parfum tout odoriférant, en faveur de ceux qui ont soif de la vertu divine de Dieu dans les saints, qui ont soif de cet honneur qui a sa source en Dieu ? » 4° Ce sont des fontaines divines: ils vivent au sein de la vérité et jouissent de la présence de Dieu. J.-C., notre maître, nous a donné, dans les reliques des saints, des sources de salut qui répandent des bienfaits de toute nature; ils sont l’organe de l’Esprit-Saint.

C'est la raison qu'allègue saint Augustin * : « Il ne faut pas, dit-il, abandonner avec dédain les corps des saints qui, pendant leur vie, ont été l’organe et l’instrument du Saint-Esprit pour toute bonne Oeuvre. » Ce qui fait dire à l’apôtre : « Est-ce que vous voulez éprouver J.-C. qui parle par ma bouche? »

 

* Cité de Dieu, l. I, c. XIII.

 

253

 

Il est dit encore de saint Etienne,que ses ennemis ne pouvaient résister à la sagesse et à l’esprit qui parlait en lui. Saint Ambroise s'exprime ainsi dans. son Hexaëmon : « Voici ce qu'il y a de plus précieux, c'est que l’homme soit l’organe de la voix de Dieu, et qu'il exprime les oracles divins avec des lèvres humaines. »

III. La fête de la Toussaint a été instituée pour expier nos négligences. En effet bien que nous ne fassions la fête que d'un petit nombre de saints, cependant il s'y mêle beaucoup de négligence, et notre ignorance comme notre négligence nous y font oublier une multitude de choses. Si, donc nous avons négligé quoi que ce soit dans les autres solennités des saints, nous pouvons le suppléer dans cette fête générale, et nous purifier des fautes qui pourraient nous être imputées. Cette raison est touchée dans le sermon qui se récite en ce jour dans l’office de l’Église*. Il y est. dit : « Il a été décrété qu'en ce jour on ferait mémoire de tous les Saints, afin que si la fragilité humaine a quelque chose à regretter dans la manière dont elle a solennisé les Saints; soit par ignorance et par négligence, soit par les embarras des affaires, elle puisse l’expier en cette circonstance. » Il faut remarquer qu'il y a quatre classes différentes de saints du Nouveau Testament, que nous honorons dans le courant de l’année et que nous réunissons aujourd'hui tous ensemble, afin de suppléer à ce que nous avons fait avec négligence : ce sont les apôtres; les martyrs,

 

* Il est du vénérable Bède, sermon XVIII.

 

254     

 

les confesseurs et les vierges. D'après Raban, ils sont indiqués par les quatre parties du monde : par l’orient, les apôtres; par le midi, les martyrs; par l’aquilon, les confesseurs et par l’occident, les vierges. Les premiers sont les apôtres dont. la dignité et l’excellence sont certaines, car ils l’emportent en quatre manières sur tous les autres saints : 1° par la prééminence de leur dignité ils sont en effet les sages princes de l’Église militante, les puissants assesseurs du juge éternel, les doux pasteurs du troupeau du Seigneur. « C'était convenance, dit saint Bernard, que le, genre humain eût à sa tête des pasteurs et des docteurs pareils, qui joignissent à la douceur la puissance et la sagesse. Ils doivent posséder la douceur, pour  m’accueillir avec bonté et miséricorde; la puissance pour me protéger efficacement; la sagesse pour me conduire à la vie par la voie qui aboutit à la cité d'en haut. » 2° Par la prééminence du pouvoir. Saint Augustin en parle comme il suit : « Dieu a donné aux apôtres pouvoir sur la nature, afin de la guérir ; sur les démons, pour les renverser; sur les éléments pour les changer ; sur les âmes, pour les délier de leur péché ; sur la mort, pour la mépriser; ce pouvoir est au-dessus de celui des anges, pour consacrer le corps du Seigneur. 3° Par la prérogative de la sainteté. Aussi était-ce pour ce qu'ils excellaient en sainteté et qu'ils étaient remplis de grâces que reluisaient en eux comme dans un miroir la vie et la conduite de J.-C., qu'ils reproduisaient en eux, comme on tonnait le soleil à ses ardeurs, une rose à son parfum, et le feu à sa chaleur. Ce qui fait dire à saint Jean Chrysostome, dans son (255) Commentaire sur saint Mathieu : « J.-C. envoie les apôtres, comme le soleil répand ses rayons, comme la rose l’odeur de son parfum, comme le feu ses étincelles, afin que comme le, soleil brille dans ses rayons, comme la rose se devine à son parfum, comme le feu se découvre par ses étincelles, de même la puissance de J.-C. se manifeste par leurs vertus. » 4° Par leur utilité réelle. Voici ce que dit saint Augustin à ce propos : « Ils sont des plus vifs, des plus inhabiles, ils sont en très petit nombre, et cependant quelle noblesse, quelle science, quelle force dans leurs discours ! Les génies les plus extraordinaires, les bataillons les plus épais, les intelligences les plus merveilleuses des auteurs, des orateurs et des docteurs sont soumises par eux au Christ. » — La seconde classe de saints se compose. des martyrs dont la dignité et l’excellence sont évidentes par la multiplicité, l’utilité et la constance de leurs tourments. Ils furent nombreux, parce que outre le martyre de sang, il y en a encore trois autres où le sang n'est pas répandu : savoir la modération dans l’abondance, comme David l’a possédée ; la largesse dans la pauvreté, comme chez Tobie et chez la. veuve de l’Évangile ; la chasteté dans la jeunesse, ainsi que Joseph la pratiqua en Égypte. D'après saint Grégoire il y a trois sortes de martyres où le sang n'est pas versé ; savoir : la patience dans l’adversité : « Nous pouvons, dit ce père, être martyrs sans subir le fer, si nous conservons au fond du coeur une vraie patience. » La compassion pour les affligés: « Celui qui témoigne de la douleur pour les misères d'autrui, celui-là porte la croix dans son esprit. » L'amour des (256) ennemis : « Supporter les mépris, dit-il encore, aimer qui vous hait, c'est le martyre au fond de la pensée. Les tourments furent utiles d'abord aux martyrs eux-mêmes, qui par là obtinrent la rémission de leurs péchés, une augmentation de mérites, et la possession de la gloire éternelle. Ils se l’acquirent au prix de leur sang, et c'est pour cela que l’on dit de ce sang qu'il est précieux, c'est-à-dire, plein de prix. C'est à ce sujet que parle ainsi saint Augustin dans la Cité de Dieu : « Quoi de plus précieux que la mort pour laquelle les péchés sont remis et les mérites accrus! » Dans ses Commentaires sur saint Jean : « Le sang de J.-C. est précieux, et même sans prix ; cependant il a rendu précieux aussi le sang de ses fidèles, pour lesquels il a donné son sang comme rançon. » En effet s'il n'avait pas rendu précieux le sang de ses serviteurs, on ne dirait pas : « La mort des saints est précieuse aux yeux du Seigneur. » «Le martyre, dit saint Cyprien, c'est la fin des péchés, le terme du danger, le guide du salut, le maître de la patience, la maison de vie. » « Trois choses, dit saint Bernard, rendent précieuse la mort des saints : cessation de travail, joie de la situation nouvelle, assurance par rapport à l’éternité. » Ils nous sont d'une double utilité : 1° ce sont nos modèles dans la lutte. « Chrétiens, dit saint Chrysostome, tu es un soldat rempli de mollesse, si tu penses vaincre sans combat, triompher sans lutte exerces hardiment tes forces, combats rudement, prends bien tes mesures; considère les conventions, fais attention à ta condition; apprends les règlements de cette milice ; les conventions, c'est ce que tu as (257) promis, la condition, c'est celle dans laquelle tu -t'es engagé; cette milice, c'est celle où tu t'es enrôlé. Tous ont combattu sous ces conventions ; tous ont vaincu dans cette condition, ont triomphé dans cette milice. » 2° Ils nous ont été donnés comme des patrons pour, nous secourir et par leurs mérites et par leurs prières. « O bonté immense de Dieu, dit saint Augustin, qui veut que les mérites des martyrs soient ce qui nous aide ! Il les éprouve pour nous instruire ; il les tourmente pour nous gagner; il veut que leurs supplices soient notre profit.» « Si les apôtres et les martyrs, dit saint Jérôme, revêtus encore de leur corps, peuvent prier pour les autres, quand ceux-ci doivent encore être inquiets par rapport à eux-mêmes, à plus forte raison peuvent-ils le faire, après avoir remporté des couronnes, des victoires, des triomphes! Moïse seul obtient le pardon de six cent mille hommes, et Étienne demande pardon pour Paul et pour beaucoup d'autres, et l’obtient; auront-ils moins de pouvoir lorsqu'ils seront avec le Christ? L'apôtre Paul dit que Dieu lui accorda la vie de deux cent soixante-seize âmes dans un navire : fermera-t-il la bouche quand il sera avec J.-C. ? » 3° Ils souffrirent avec constance; saint Augustin dit à ce sujet: « L'âme du martyre c'est une épée resplendissante de charité, aiguisée par la vérité, agitée. par la force du Dieu (les batailles : elle a fait, les guerres, elle a terrassé ses nombreux contradicteurs, elle a frappé ses ennemis, elle a écrasé ses adversaires. » Saint Chrysostome ajoute: « Ceux qui étaient torturés sont restés plus forts que leurs bourreaux; et des membres écorchés ont vaincu les écorcheurs. »

 

258

 

La troisième classe de saints renferme les confesseurs, dont la dignité et l’excellence sont évidentes en ce qu'ils ont confessé Dieu en trois manières : de coeur, de bouche, et d'action. La confession du coeur ne suffit pas sans celle de la bouche, comme le prouve par quatre raisons saint Chrysostome, Sur saint Mathieu : 1°« La racine de la confession; c'est la foi du cœur, et la confession c'est le fruit de la foi;. or, comme il est de toute nécessité que tant que la racine est vivante en terre, elle produise des branches et des feuilles, car si elle n'en produit pas, soyez sûr que sa racine est desséchée sous terre; de même; tant que 1a foi du coeur reste entière, toujours, elle enfante la confession dans la bouche : que si la confession de la bouche est flétrie, tenez pour certain que la foi du coeur est desséchée depuis longtemps déjà. » 2° « Si c'est un avantage pour vous de croire du fond du coeur, et de ne pas confesser votre foi devant les hommes, donc un infidèle hypocrite trouvera avantageux de confesser J.-C., quand bien même il ne croirait pas en lui du fond qui coeur : Maintenant s'il ne gagne rien à confesser sans avoir la foi, vous non plus, vous ne gagnerez rien à croire, si vous ne confessez pas. » 3° « Si vous croyez avoir fait assez pour J.-C. que de le connaître, sans le confesser. devant les hommes, ce sera donc assez pour vous que J.-C. vous connaisse, mais ne vous confesse pas devant, son Père. Or, si connaître Dieu n'est pas chose suffisante pour vous; votre foi un lui suffira pas davantage. » 4° « Si la foi du coeur eût suffi, Dieu n'aurait créé que votre coeur seulement; mais il a encore créé votre bouche afin que vous le (259) confessiez de coeur et de bouche. » 3° Ils ont confessé Dieu par leurs oeuvres. Saint Jérôme dans son commentaire sur ce passage de l’épître à Tite : « Ils font profession de connaître Dieu », montre comment on peut confesser ou nier Dieu par ses Oeuvres. « J.-C., dit-il; est sagesse, justice, vérité, sainteté; et courage. On renie la sagesse par la folie, la justice par l’iniquité, la vérité par le mensonge, la sainteté par les turpitudes, le courage par faiblesse d'esprit, et chaque fois que nous nous laissons vaincre par les vices et par les péchés, tout autant de fois, renions-nous Dieu ; tandis qu'au contraire, toutes les fois que nous faisons le bien, nous confessons Dieu. » La quatrième classe des saints est celle dés vierges, dont la dignité et l’excellence est évidente : 1° parce qu'elles sont les épousés du roi éternel. « Imaginez, si vous le pouvez, dit saint; Ambroise, une beauté plus grande que la beauté de celle qui est aimée par le Roi, qui est prisée par le Juge, qui est dédiée au Seigneur, qui est consacrée à Dieu ? Toujours épouse et jamais mariée! » 2° Parce qu'elles sont comparées aux Anges. « La virginité, dit ailleurs saint Ambroise, surpasse la nature humaine, puisqu'elle fait des hommes les compagnons des anges. Cependant chez les vierges, la victoire l’emporte encore sur celle des anges : car ceux-ci vivent sans la chair, tandis que les vierges triomphent dans la chair. 3° Parce qu'elles sont plus illustres que tout le reste des fidèles : « La virginité, dit saint Cyprien, est la fleur de l’église, la beauté et l’ornement de la grâce spirituelle. l’heureuse disposition à la louange et à l’honneur, une pauvre intègre et sans corruption, (260) l’image de Dieu, la plus illustre portion du troupeau de J.-C. » 1° Parce qu'elles sont préférées aux personnes mariées. Or, cette excellence que possède la virginité par rapport à l’union conjugale, est claire et certaine si on les compare. Le mariage féconde le corps, la virginité féconde l’esprit. Saint Augustin dit qu'il y a plus de générosité à imiter par avance avec la chair la vie des anges que d'augmenter dans la chair le nombre des mortels. Or, la fécondité est plus grande, comme aussi plus pleine de bonheur, à agrandir son esprit. qu'à concevoir dans son sein; le mariage procrée des enfants de douleurs, et la virginité des enfants de joie et d'allégresse. « La continence, dit saint Augustin, est loin d'être stérile, mais c'est une mère féconde d'enfants de joie qu'elle enfante de vous, Seigneur. » Le mariage remplit la terre d'enfants, la virginité en. remplit le ciel. Saint Jérôme a dit : « Le mariage remplit la terre, la virginité remplit le paradis. Le mariage traîne, après soi grand nombre d'inquiétudes, la virginité engendre le calme. Gilbert disait : que la virginité est l’absence des chagrins, la paix de la chair, la rançon du vice et la reine des vertus. Le mariage, c'est le bien, la virginité, c'est le mieux. « Il y a autant de différence entre le mariage et la virginité, dit saint Jérôme à Pammachius, qu'il y en a entre ne pas pécher et bien faire; ou pour adoucir, l’expression, qu'il y en a entre le bien et le mieux. Le premier est comparé aux épines, la seconde aux roses. » Saint Jérôme dit à Eustochium : « Je loue le mariage parce qu'il enfante des vierges. Je cueille la rose au milieu des épines, je tire l’or de la (261) terre, et la perle du coquillage. » 5° Parce qu'elles possèdent de nombreux privilèges. Les vierges en effet auront une couronne enrichie d'or; elles seules chanteront, le cantique; elles seront revêtues comme le Christ ; elles marcheront toujours à la suite de l’Agneau.

IV. Enfin, la fête de tous les saints a été instituée pour obtenir plus facilement ce que nous demandons dans nos prières : comme nous les honorons, en ce jour, tous à la fois, eux aussi prient tous ensemble pour nous, afin que nous obtenions plus facilement miséricorde de Dieu. S'il est en effet impossible de ne pas exaucer les prières d'une multitude, il sera plus impossible encore que les prières réunies de tous les saints ne soient pas exaucées. Cette raison est indiquée par l’oraison de l’office de ce jour dans laquelle nous disons: « Nous vous supplions, Seigneur, d'augmenter, avec le nombre de nos intercesseurs, l’abondance de votre miséricorde après laquelle nous soupirons*. » Les saints intercèdent pour nous par mérite et par affection : par mérite, quand leurs mérites nous secondent : par affection, lorsqu'ils désirent l’accomplissement de nos souhaits : ce dont ils s'abstiennent toutefois à moins qu'ils ne reconnaissent . la nécessité d'accomplir la volonté de Dieu. Que tous les saints s'unissent en ce jour pour intercéder unanimement en notre faveur, nous en avons la preuve dans une vision qu'on raconte avoir eu lieu l’année qui suivit

 

* C'est l’oraison . Veneranda, qui reste reléguée dans les Sacramentaires.

 

262     

 

l’institution de cette solennité. A pareil jour, le coûtre de l’église de Saint-Pierre avait eu la dévotion de faire une station à chaque autel, et après avoir imploré les suffrages de tous les saints, il était enfin revenu à l’autel de saint Pierre, où s'étant reposé un instant, il fut ravi hors de lui. Il vit alors le Roi des rois assis sur un trône élevé, et autour de lui tous les anges. La Vierge des vierges ornée d'un diadème éclatant arriva aussitôt suivie d'une multitude de vierges et de continentes : A l’instant le roi se leva pour l’accueillir, et l’invita à s'asseoir sur un siège qu'il fit placer auprès du sien. Après cela vint un personnage, revêtu d'un habit de poil de chameau, suivi par nue multitude de vieillards vénérables. Ensuite s'en présenta un autre orné de vêtements pontificaux escorté par un choeur de plusieurs autres revêtus de la même manière : Enfin s'avança une multitude innombrable de soldats, après lesquels se présenta une foule infinie de nations diverses. Tous étant parvenus jusque devant le trône du Roi, ils fléchirent les genoux et l’adorèrent. Alors celui qui était orné d'habits pontificaux commença les matines que tous les autres continuèrent. Or, l’ange conducteur du coûtre lui expliqua la vision : « La vierge qui se trouvait au premier rang, c'était la mère de Dieu; celui qui était vêtu de poil de chameau c'était saint Jean-Baptiste avec les patriarches et les, prophètes; celui qui était revêtu d'ornements pontificaux était saint Pierre, avec les autres apôtres, les soldats étaient les martyrs, et le reste de la foule, se composait des confesseurs. Tous étaient venus en présence du roi pour rendre grâces de l’honneur à eux rendu (263) en ce jour par les mortels et pour prier en faveur de l’univers entier. » Ensuite il le conduisit dans un autre endroit où il lui montra des personnes des deux sexes, les unes sur des tapis d'or, d'autres à table, dans les délices : d'autres en fins nus, pauvres et mendiant des secours. Il lui dit alors que ce lieu était le purgatoire; que les âmes qui vivaient dans l’abondance étaient celles dont les âmes les aidaient beaucoup de leurs suffrages, que les indigentes étaient celles dont on n'avait aucun souci. Il lui ordonna de rapporter toutes ces particularités au souverain Pontife, afin qu'après la fête de tous les saints il établît le jour des âmes, de manière que l’on adressât des supplications générales en faveur de ceux qui ne pouvaient en avoir de particulières.

 

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