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HOMÉLIE XII. AU RESTE, MES FRÈRES, J'AI PERSONNIFIÉ CES CHOSES EN MOI ET EN APOLLON A CAUSE DE VOUS, AFIN QUE VOUS APPRENIEZ EN NOUS A NE PAS AVOIR DES SENTIMENTS CONTRAIRES A CE QUI EST ÉCRIT. (CHAP. IV, VERS. 6, JUSQU'AU VERS. 9.)
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ANALYSE.
1. Ici saint Paul déclare aux docteurs de Corinthe qu'il a fait leur procès sous les noms de Paul et d'Apollon ; et s'adressant tantôt aux maîtres et tantôt aux disciples, il cherche à leur inspirer aux uns et aux autres des sentiments d'humilité,
2. Saint Paul emploie l'ironie pour faire rentrer les Corinthiens en eux-mêmes.
3. Prudence de saint Paul; son habileté à manier les esprits.
4-7. Contre la passion d'être estimé dans le monde. Vanité dei louanges des hommes. Mal que fait la fréquentation des théâtres, des hippodromes et des combats de bêtes. Que les noces se célèbrent à Antioche d'une manière toute païenne et très-condamnable. Description de ces noces. Superstitions diverses, telles que les ligatures, les sistres, etc. Usage des pleureuses de pompes funèbres.
1. Tant qu'il a dû employer un langage sévère, il n'a pas levé le rideau; mais il parlait comme s'il eût été lui-même un des accusés, afin que la dignité des personnes mises en jeu,. faisant contre-poids aux accusations, empêchât tout mouvement de colère. Mais quand il a fallu se relâcher de sa rigueur, alors déchirant le voile et déposant le masque, il met en scène, en prononçant les noms de Paul et d'apollon, les personnages jusqu'alors tenus dans l'ombre. Voilà pourquoi. il dit : « Au reste, mes frères, j'ai personnifié ces choses en moi et en Apollon », Et comme quand un enfant malade donne des coups de pied et refuse la nourriture qu'on lui présente de la part des médecins, ceux qui le soignent font venir son père ou. son précepteur, et les prient d'offrir eux-mêmes l'aliment reçu de la main des médecins, afin que l'enfant, contenu par la crainte, le prenne et se tienne en repos; ainsi Paul, se proposant d'intenter des accusations qui regardaient d'autres personnes, dont les unes ont été trop abaissées, les autres trop honorées, ne met d'abord point ces personnes en scène, mais parle en son nom et en celui d'Apollon, afin de faire accepter le remède qu'il veut appliquer, à la faveur du respect que ces deux noms inspirent; puis le remède une fois accepté, il découvre enfin son but. Or, tout cela n'était point hypocrisie , mais condescendance et ménagement. S'il eût dit ouvertement : Vous jugez des saints , des hommes dignes d'admiration, il les eût irrités et repoussés; mais en disant : « Pour moi, je me mets fort peu en peine d'être jugé par vous »; et encore : « Qu'est-ce que Paul? Qu'est-ce qu'Apollon? » Il fait accepter sa parole. C'est pourquoi il dit : « J'ai personnifié ces choses en moi et en Apollon à cause de vous, afin que vous appreniez par notre exemple à ne pas avoir des sentiments contraires à ce qui est écrit », faisant voir par là que s'i leur avait parlé directement, ils n'auraient point appris ce qu'il fallait apprendre, ils ne se seraient point corrigés, mais blessés de son langage. Et maintenant, par respect polir Paul, ils acceptent le reproche sans difficulté. Mais que signifient ces mots : « Contraires à ce qui est écrit? » Il est écrit : « Pourquoi voyez-vous la paille qui est dans l'oeil de votre frère, et ne voyez-vous point la poutre qui est dans le vôtre? Ne jugez pas, afin que vous ne soyez point jugés». (Matth. VII, 3, 1.) Car si nous sommes liés de manière à ne former qu'un corps, nous ne devons point nous (368) élever les uns contre les autres. « Quiconque s'humiliera sera exalté » (Matth. XXIII, 12), dit Jésus-Christ. Et encore : «Que celui qui veut devenir le plus grand de tous, soit le serviteur de tous ». (Marc, X, 43.) Voilà ce qui est écrit : « Afin que nul par attachement pour quelqu'un ne s'élève contre un autre » . Laissant de nouveau les maîtres de côté, il se tourne contre les disciples; car c'étaient eux qui exaltaient les maîtres. D'ailleurs les chefs n'eussent pas facilement accueilli ce langage, parce qu'ils ambitionnaient la gloire du dehors, aveuglés qu'ils étaient par cette maladie ; mais les disciples étrangers à cette gloire, et se contentant de la procurer aux autres, étaient mieux disposés que leurs chefs à recevoir la réprimande et à se guérir. C'est donc encore de l'enflure de se glorifier pour un autre, même en dehors de ses propres intérêts. Car comme celui qui est fier des richesses des autres, cède à un sentiment d'orgueil ; ainsi . en est-il- de celui qui se pavane de la gloire d'autrui. Et c'est ce que Paul appelle avec raison enflure. Quand donc un membre s'élève, c'est qu'il y a inflammation et maladie; car il resterait au niveau des autres, s'il n'était enflé. Ainsi dans le corps de l'Eglise, celui qui s'enflamme et s'enfle, est malade; il dépasse la mesure commune. C'est en cela que consiste l'enflure. Il en arrive ainsi dans le corps, quand quelque humeur étrangère et maligne s'y introduit, et non la nourriture ordinaire. De même, l'orgueil naît quand des pensées étrangères nous envahissent. Et voyez avec quelle justesse il dit: « Ne vous enflez pas ! » En effet, l'homme enflé a comme une tumeur d'esprit, remplie d'une humeur corrompue. Il dit cela non pour empêcher la guérison, mais une guérison qui pourrait tourner à mal. Vous voulez guérir un tel? Je le veux bien; mais que ce ne soit pas au détriment d'un autre. Car ce n'est pas pour nous exciter les uns contre les autres qu'on tous a donné des maîtres, mais pour nous unir mutuellement. On donne un général à une armée, pour qu'il réunisse en un seul corps des membrés divisés; s'il y apportait la division, il serait moins un général qu'un ennemi. « Car qui vous distingue? et qu'avez-vous que vous n'ayez reçu? » Laissant de côté les disciples, il s'adresse aux docteurs. Voici ce qu'il veut dire : Comment savez-vous que vous êtes dignes d'éloges ? Le jugement a-t-il eu lieu? A-t-on fait l'examen? Y a-t-il eu épreuve, enquête sévère? Vous ne sauriez le dire. Et quand même les hommes donneraient leur suffrage, leur jugement n'est pas droit, Mais supposons que vous êtes dignes de louange, que vous avez réellement la grâce, que le jugement des hommes est sain ; eh bien ! ce n'est pas encore le cas de vous enorgueillir. Car vous n'avez rien de vous-mêmes, mais vous avez tout reçu de Dieu. Pourquoi faites-vous semblant d'avoir ce que vous n'avez pas? Que si vous l'avez, les autres l'ont avec vous. Vous n'avez donc qu'après avoir reçu, non pas seulement ceci ou cela, mais tout ce que vous avez. 2. En effet; vos bonnes actions ne sont pas à vous, mais viennent de la grâce de Dieu. Si vous parlez de la foi, elle est le fruit de la vocation; si vous parlez de la rémission des péchés, des dons de la grâce, de l'enseignement de la parole, des vertus;. tout vous est venu de la même source. Qu'avez-vous donc, dites-moi, que vous n'ayez pas reçu et que vous ayez acquis par vous-mêmes? Volas ne pouvez répondre. Quoi l vous l'avez reçu, et vous vous en enorgueillissez? Il fallait au contraire vous en humilier; puisque le don n'est pas à vous, mais à celui qui vous l'a fait. Si vous avez reçu, c'est donc de lui ; si vous avez reçu de lui, ce que vous avez reçu n'est donc pas à vous; si ce que vous avez reçu n'est pas à vous, pourquoi vous en glorifiez-vous; comme si c'était à vous? Aussi l'apôtre ajoute-t-il : « Que si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glorifiez-vous, comme si vous ne l'aviez pas reçu ? » Après avoir prouvé son sujet en passant, il fait voir qu'il leur manque bien des choses; et il ajoute: Certainement quand même vous auriez tout reçu, vous ne devriez point vous en glorifier, car rien ne serait à vous; mais il vous manque encore bien des choses. Il l'avait déjà insinué dès le commencement en disant : « Je n'ai vous parler comme à des hommes spirituels » ; et encore : « Je n'ai pas jugé que je fusse parmi vous autre chose que Jésus-Christ et Jésus-Christ crucifié ». Mais ici il. le fait en les couvrant de honte: « Déjà vous êtes rassasiés , déjà vous êtes riches», c'est-à-dire, vous n'avez plus besoin de rien, vous êtes parfaits, vous êtes parvenus au faite, vous croyez n'avoir plus besoin de personne, ni d'apôtres, ni de maîtres. « Déjà vous êtes rassasiés ». Cest à propos qu'il (369) emploie ce mot : « Déjà », montrant par cet adverbe de temps combien leur opinion est peu admissible et déraisonnable. Il leur dit donc ironiquement : Vous êtes arrivés si vite à la perfection, et pourtant l'espace de temps ne le permettait pas. La perfection est l'oeuvre de l'avenir; être rassasié de peu indique une âme faible; se croire riche de peu, est le propre dune âme dégoûtée et misérable ; car la piété est insatiable ; c'est unie puérilité de croire tout posséder dès l'abord et de s'enorgueillir comme si l'on était arrivé au terme, quand on nest encore qu'au début. Mais ce qui suit est encore plus propre à les couvrir de confusion. Après avoir dit : « Déjà vous êtes rassasiés », il ajoute: «Déjà vous êtes riches; vous régnez sans nous, et plaise à Dieu que vous régiriez en effet, afin que nous régnions avec vous ». Ces paroles sont pleines de gravité : aussi ne les emploie-t-il qu'en dernier lieu et après une vive réprimande. C'est ainsi qu'une exhortation se fait respecter et accepter, quand après des accusations, on s'exprime de manière à faire rougir. Par là on contient même l'insolence de l'âme, et on la frappe plus sûrement que par des accusations manifestes, et on modère la douleur et l'audace qui doivent résulter de l'accusation. Car c'est là le merveilleux des paroles propres à donner la confusion, qu'elles produisent deux effets contraires : en faisant, une incision plus profonde, qu'une récrimination ouverte, et en rendant plus patient celui qui la reçoit. « Vous régnez sans nous ». Grande emphase, et à l'adresse des docteurs et à l'adresse des disciples. Il fait voir ici leur peu de conscience et leur extrême folie. Car voici ce qu'il veut dire : Dans les travaux tout est commun entre nous et vous, mais dans les récompenses et les couronnes vous êtes les premiers; mais je dis cela sans douleur. Aussi ajoute-t-il : « Et plaise à Dieu que vous régniez en effet ! » Puis, pour ne pas avoir l'air de faire unie ironie, il continue : « Afin que nous régnions avec vous ». Ce qui veut dire : Car alors, nous aussi, nous aurions obtenir ces biens. Voyez-vous comme il montre tout à la fois sa gravité, sa sollicitude et sa sagesse? Voyez comme il corrige leur orgueil par ce qui suit : « Car il me semble que Dieu nous traite, nous les apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort ». Il y a une grande signification et beaucoup de gravité dans ce mot : « Nous ». Et ce n'est point assez pour lui : il y ajoute le nom de la dignité, les blessant ici vivement : « Nous les apôtres » ; nous qui endurons tant de maux, qui semons la prédication religieuse, qui vous amenions à cette grande philosophie. Et ces derniers des apôtres il les montre comme destinés à la mort, c'est-à-dire condamnés. Car après avoir dit : « Afin que nous régnions avec vous », il adoucit un peu le ton, et pour ne pas les décourager, il reprend son sujet avec plus de gravité, et dit : « Car il me semble que Dieu nous traite, nous les apôtres, comme les derniers des hommes, comme des condamnés à mort ». Ce qui signifie : A ce que je . vois et d'après ce que vous dites, nous sommes les plus abjects de tous, nous sommes condamnés, nous qui sommes toujours exposés à souffrir; mais vous, vous vous figurez déjà le royaume, les honneurs et les récompenses. Et voulant tousser encore davantage les choses à l'absurde, et en faire ressortir l'invraisemblance en usant d'hyperbole, il ne se contente pas de dire : Nous sommes certainement les derniers; mais : Dieu nous a faits les derniers et non-seulement : Les derniers ; mais « Comme des condamnés à mort » ; afin que l'homme le moins sensé comprît labsurdité de sa parole, et y vît l'expression de sa douleur et son intention de les couvrir de honte. 3. Et voyez la. prudence de Paul. Par les mêmes paroles qu'il dit pour se glorifier lui-même dans l'occasion, et se montrer grand et honorable, il les couvre maintenant de confusion en s'appelant condamné : tant c'est une grande chose de savoir tout faire à propos! Il appelle ici « destinés à la mort » des condamnés , des hommes dignes, de mille morts. « Puisque nous sommes donnés en spectacle au monde, aux anges et aux hommes ». Qu'est-ce que cela signifie:: « Nous sommes donnés en spectacle au monde? » Ce n'est pas dans un coin obscur, veut-il dire, ni dans quelque petite partie de la terre que nous éprouvons celai mais en tout lieu et chez tous. Que veut dire.: « Et aux anges? » Ceci : Quand il s'agit d'oeuvres sans importance, on peut attirer l'attention des hommes, mais non celle des anges; or nos combats sont tels qu'ils méritent d'avoir pour spectateurs les anges eux-mêmes. Voyez : il se relève par là même où il .se rabaissait, et comme il fait ressortir leur (370) bassesse du sujet même de leur orgueil. Car comme il, semblait plus déshonorant d'être fou que de paraître sage, d'être faible que d'être fort, d'être obscur que glorieux et illustre, il leur laisse cependant ce dernier rôle pour prendre le premier; mais en leur montrant que celui-ci est le meilleur, puisqu'il attire non-seulement l'attention des hommes, mais celle de l'assemblée des anges. Car nous n'avons point à lutter contre les hommes, mats contre les puissances spirituelles. (Eph. VI, 12.) Aussi le spectacle est-il imposant. «Nous sommes, nous, insensés pour le Christ; mais vous, vous êtes sages dans le Christ ». II veut encore les faire rougir, en leur montrant qu'il est impossible de réunir les contraires et de rapprocher des choses si éloignées. Comment, en effet, serait-il possible que vous fussiez sages; et nous insensés, en ce qui regarde le Christ ? Puisque, en effet, les uns étaient battus de verges, méprisés, injuriés, regardés comme rien, tandis que les autres étaient honorés, passaient pour sages et prudents aux yeux de la foule, l'apôtre demande : Comment ceux qui prêchent comme ils font, peuvent-ils être soupçonnés en sens contraire de leur prédication.? « Nous sommes faibles et vous êtes forts », c'est-à-dire, nous sommes chassés, persécutés; et vous, vous vivez dans l'abondance et êtes servis à souhait. Mais ceci ne s'accommode point au genre de notre prédication. « Nous sommes méprisés, mais vous êtes glorieux ». Ici il s'adresse aux nobles, qui se pavanaient de la pompe extérieure. « Jusqu'à cet heure nous souffrons et la faim et la soif, la nudité, les mauvais traitements. Nous n'avons pas de demeure stable, et nous nous fatiguons, en travaillant de nos mains». C'est-à-dire, je ne vous raconte pas des faits anciens, mais des choses dont le temps présent est témoins. Car nous n'avons aucun souci des choses humaines ni de l'éclat du dehors; nos yeux ne sont fixés que sur Dieu ; ce que nous devons faire en tout temps. Nous n'avons pas seulement les anges pour spectateurs, mais le juge même du combat. Nous n'avons pas besoin d'autres éloges. Ce serait injurier Dieu que de ne pas se contenter de son approbation et de rechercher celle de nos semblables. Ceux qui combattent sur un petit théâtre, peuvent en chercher un plus grand, parce que le premier ne suffit pas au déploiement de leurs forces; mais ceux qui combattent sous les veux de Dieu et recherchent ensuite le suffrage des hommes, abandonnant ainsi le plus pour avoir le moins, s'attirent de grands châtiments. Car c'est là ce qui a tout bouleversé, ce qui a troublé le monde entier : dans toutes nos actions nous avons les yeux fixés sur les hommes; dans le bien nous dédaignons l'approbation de Dieu pour capter la renommée et la gloire humaine et dans le mal nous n'avons aucun souci de Dieu et ne redoutons que les hommes. Mais-les hommes, eux aussi, comparaîtront avec nous devant le tribunal, de Dieu, et ne nous serviront de rien ; et c'est le Dieu que nous méprisons qui portera la sentence contre nous. Nous savons cela, et néanmoins nous ne nous occupons que des hommes : voilà notre première faute. Personne ne voudrait commettre la fornication sons le regard de l'homme; quelle que soif l'ardeur de la passion, elle cède au respect qu'inspire la présence d'un de nos semblables mais sous l'oeil de Dieu, non-seulement on commet l'adultère et la fornication, mais beaucoup ont osé et osent des crimes bien plus graves. Cela seul ne Suffit-il pas à attirer mille fois la foudre? Et que parlé-je d'adultère et de fornication? Nous rougirions de commettre des fautes bien moindres en présence des hommes : nous n'en rougissons pas en présence de Dieu. Voilà l'origine, de tous les maux : c'est que dans ce qui est réellement mal, nous ne craignons pas Dieu; mais seulement les hommes. Voilà pourquoi nous fuyons les vrais biens, ceux que le vulgaire n'estime point tels , parce que nous n'examinons pas la nature des choses et que nous n'avons en vue que l'opinion humaine. 4. Il en est de même pour le mal. Par l'effet de cette même habitude, nous poursuivons des biens qui n'en sont pas réellement, mais qui paraissent tels à la multitude; en sorte que nous nous perdons de deux manières. Comme ceci peut paraître obscur à beaucoup d'entre vous, il est nécessaire de lexpliquer plus clairement. Quand il s'agit de commettre la fornication (nous reprenons ici notre sujet), nous craignons plus les hommes que Dieu. Et comme nous nous plaçons sous leur dépendance, que nous les constituons nos maîtres, nous évitons bien des choses qui leur semblent mauvaises et qui ne le sont pas. Ainsi beaucoup regardent la pauvreté comme honteuse (371) ; nous fuyons la pauvreté, non parce qu'elle nous paraît réellement déshonorante, mais parce quo nos maîtres la jugent telle et que nous les craignons. Ainsi encore beaucoup regardent comme une chose ignominieuse et détestable d'être déshonoré, d'être méprisé, de n'exercer aucune charge , de n'avoir pas de puissance. Nous évitons donc cela, non par conviction, mais par égard pour l'opinion de nos maîtres. Dans le sens opposé, nous subissons le même inconvénient : on regarde comme un bien la richesse, le faste, les honneurs, l'éclat; nous les poursuivons, non parce que ces choses nous paraissent bonnes par nature, mais pour obéir à l'opinion de nos maîtres. Or notre maître s'est le peuple ; et la foule est un maître cruel et un dur tyran. Car elle n'a pas besoin de commander pour que nous lui obéissions ; il nous suffit de savoir ce qu'elle veut, et nous cédons sans ordre : tant nous avons de déférence pour elle. Chaque jour Dieu avertit et menace, et n'est point écouté; et une multitude confuse, la lie du peuple, n'a pas besoin de commander; c'est assez qu'elle manifeste sa volonté, on lui obéit immédiatement en tout. Et comment, direz-vous, échapper à ces maîtres? En élevant plus haut ses pensées ; en considérant la nature des choses; en dédaignant les suffrages du vulgaire; en se réglant avant tout de manière à éviter ce qui est réellement mal, non par peur des hommes, mais par crainte de l'oeil qui ne dort jamais; en ne cherchant dans le bien que les récompenses qui viennent de Dieu. Et il arrivera que dans les autres choses nous ne rechercherons pas davantage la faveur populaire. Car l'homme qui se contente des suffrages de Dieu et n'estime pas même la foule digne de le juger quand il fait le bien, ne tiendra pas plus compte de celle-ci, quand il s'agira d'éviter le mal. Comment cela peut-il se faire? direz-vous. Considérez ce que c'est que l'homme, ce que c'est que Dieu, à qui vous aurez recours si vous abandonnez Dieu, et vous serez bientôt parfaitement en règle. L'homme est sujet aux. mêmes fautes, au même jugement, au même châtiment que vous ; il est devenu semblable à la vanité; son jugement n'est pas droit, il a besoin d'être dirigé den-haut; terre et cendre, l'homme, quand il loue, loue souvent au hasard, ou par faveur, ou par haine ; et s'il calomnie ou accuse, c'est encore par le même principe. Il n'en est pas ainsi de Dieu : son suffrage est impartial, son Jugement pur. C'est pourquoi il faut toujours recourir à lui ; non-seulement pour. cette raison , mais encore parce qu'il vous a créé, parce qu'il vous ménage plus que qui que ce soit et qu'il vous aime plus que vous-même. Pourquoi dons, délaissant up si glorieux suffrage, recourons-nous à l'homme qui n'est rien, qui fait tout sans raison et au hasard ? il vous appelle méchant, scélérat, quand vous ne l'êtes pas? Plaignez-le plutôt et pleurez sur lui, parce qu'il est perverti et que son âme est aveuglée; parce que les apôtres ont subi ces calomnies et ont ri de ceux qui les avaient forgées. Il vous appelle vertueux et homme de bien ? Si . vous êtes tel, ne vous enflez pas de cette bonne opinion ; si vous ne l'êtes pas, méprisez-la encore davantage et regardez-la comme une moquerie. Voulez-vous savoir jusqu'à quel point les jugements de la multitude sont faux, inutiles, ridicules, tantôt dictés par la fureur et la folie; tantôt puérils comme ceux de l'enfant au berceau? Ecoutez ce qu'ils ont été jadis: Je ne parle pas seulement ici des jugements de la multitude , mais d'hommes estimés comme très-sages, d'anciens législateurs. Qui passa jamais dans l'opinion du vulgaire pour plus sage que celui qui fut jugé capable de donner des lois aux cités et aux peuples? Et pourtant aux yeux de ces sages la fornication n'était point un mal, ne méritait aucun châtiment. Aucune de ces législations païennes ne la punissait, ne, livrait le coupable à un tribunal; et aujourd'hui encore, si une action est intentée pour ce crime, elle devient pour la foule un objet de risée et le juge l'écarte. Le jeu de hasard, est également innocent chez eux, et personne. n'a jamais été puni pour s'y être livré. L'excès dans le boire et dans le manger, non-seulement . n'est point un- crime, mais passe pour un haut fait aux yeux d'un grand nombre; dans les repas militaires, il y a émulation sur ce point; ceux qui ont le plus besoin d'un esprit sain, d'un corps robuste, sont précisément ceux qui s'adonnent le plus à la passion de l'ivrognerie, brisant ainsi leurs forces physiques, obscurcissant leur intelligence. Or aucun législateur n'a décerné de peines contre ce désordre. 5. Qu'y a-t-il de. pire que cette folie? Sont-ce les suffrages de tels hommes que vous (372) ambitionnez, sans scruter votre propre conscience? Quand même toits vous admireraient , ne devriez-vous pas encore rougir, vous voiler la face de honte, en recueillant leurs applaudissements , puisque leurs Jugements partent d'une source si impure? De plus, le blasphème n'est point une chose horrible pour un législateur ; aucun blasphémateur n'est traduit devant un tribunal ni puni. Mais celui qui vole un habit ou coupe une, bourse, est torturé et souvent condamné à mort; tandis que l'homme qui outrage Dieu est innocent aux yeux. de ces législateurs. Si un homme marié déshonore sa servante, ni lés lois profanes, ni l'opinion publique n'y attachent la moindre in portance. Voulez-vous d'autres preuves de leur folie? Ils ne punissent point ces crimes, mais ils font des lors pour d'autres sujets. Quels sujets? Ils établissent des théâtres; ils y introduisent des choeurs de prostituées, de jeunes débauchés, l'opprobre de la nature; ils y convoquent un peuple entier, y attirent toute une ville comme à une récréation, et y couronnent ces grands souverains dont les trophées et les victoires sont le constant objet de leurs louanges. Quoi de plus froid que de pareils honneurs ? Quoi de plus désagréable que de tels plaisirs? Et c'est là que vous chercherez des approbateurs de votre conduite? Vous voulez, dites-moi, partager des éloges avec des danseurs, des débauchés, des mima et des femmes publiques? Et ce ne serait pas là le comble de la folie? Volontiers je demanderais à ces gens-là : N'est-ce pas une indignité de renverser les lois de la nature, de se livrera des commerces monstrueux? Certainement, répondront-ils paraissant ainsi condamner ce genre de crime. Pourquoi alors mettez-vous en scène ces impudents libertins ; et, ce qui est pire encore, les comblez-vous de mille précieux. présents? Ailleurs vous les puniriez comme des coupables, et ici vous les traitez comme des bienfaiteurs de la ville, et les entretenez aux dépens du trésor public. Oui, dites-vous, mais ils sont déshonorés. Pourquoi donc les formez-vous? Pourquoi les employez-vous pour honorer les rois? Pourquoi épuisez-vous les villes? Pourquoi tant dépenser pour eux? S'ils sont déshonorés , il faudrait les chasser comme tels: Pourquoi les avez-vous rendus infâmes? Est-ce pour les estimer ou pour les mépriser? Pour les mépriser , évidemment. Vous les rendez donc infâmes pour les mépriser, et vous accourez pour les voir, et vous les admirez, et vous les louez, et vous les applaudissez comme s'ils étaient honorables. Et que dire des séductions offertes dans les hippodromes et les combats d'animaux? On est stupéfait en songeant qu'on apprend là, au peuple, à être barbare, cruel, inhumain; qu'on l'habitue à voir des hommes mis en pièces. Je sang couler , les bêtes sauvages exercer toute; leur cruauté. Et les sages législateurs ont introduit, dès le commencement ers épidémies, et des villes entières admirent et applaudissent. Mais laissons cela de côté, si vous le voulez, puisque l'absurdité en est évidente et avouée de tous, bien que les législateurs l'aient jugé autrement, et passons à des lois honorables, où-vous verrez que l'opinion du vulgaire a encore apporté la corruption. Le mariage, est regardé comme une chose honorable chez. nous et cirez les gentils, et il l'est en effet; mais il se passe dans sa célébration les choses ridicules que vous allez entendre. Car la coutume a si bien trompé, égaré les esprits, que beaucoup n'en comprennent pas l'absurdité et ont besoin qu'on la leur découvre. On a donc introduit pour cette occasion des danses, des cymbales; des flûtes, des chants obscènes, des excès de table, des débauches, tous les désordres que Satan peut inspirer. Et je sais qu'en attaquant ces abus je paraîtrai ridicule; et que la foule m'accusera de stupidité pour avoir essayé de détruire les anciennes coutumes : tant est grand, comme je l'ai dit, entraînement de l'habitude; mais je ne cesserai pas pour autant. Si la masse repousse ma parole, peut-être, oui, peut-être quelques-uns l'accueilleront-ils, et aimeront-ils mieux être ridicules avec nous que de prendre part aux railleries contre nous: railleries vraiment déplorables et dignes des plus grands châtiments. N'est-ce pas une chose absolument condamnable qu'une jeune fille, restée vierge jusque là; élevée dès le bas âge dans le sentiment de la pudeur, soit tout à coup forcée de le déposer, reçoive dès le moment de son mariage , des leçons d'impudicité, et soit produite en public par des libertins, des fornicateurs et des débauchés? quels germes de vice ne seront pas, dès ce moment, déposés dans l'âme de la jeune mariée? L'impudence, l'audace, l'immodestie, l'amour de la vaine gloire; car elle (373) désirera voir tous les jours ressembler à celui-ci. Voilà ce qui engendre chez les femmes le goût du luxe et de la dépense, l'indécence, et mille autres vices. Ne m'objectez pas la coutume. Si c'est un mal, il ne faut pas le faire une seule fois ; si c'est un bien, il ne faut jamais le discontinuer. Dites-moi : la fornication est-elle un crime ? Si elle est un crime; la permettrons- nous une seule fois ? Certainement non. Quand on ne la commettrait qu'une fois, elle serait toujours un crime.. Donc, si c'est un mal de procurer à une jeune femme de tels plaisirs, on ne doit pas même le faire une fois; si ce n'est pas un mal, qu'on le fasse toujours. 6. Mais quoi ! direz-vous, blâmez-vous le mariage? A Dieu ne plaise que je le blâme je ne suis pas assez fou pour cela. Ce que je blâme, c'est ce qui vient à sa suite, les parfums, le fard, et les autres superfluités de ce genre. Dès ce jour, la jeune mariée s'attirera de nombreux amants, avant même de cohabiter avec son époux. Mais beaucoup admireront. sa beauté. Qu'arrivera-t-il alors? Quand même elle serait chaste, elle aura peiné à échapper aux mauvais soupçons ; si au contraire elle se néglige, elle tombera vite dans le piège, initiée dès ce moment aux pensées de libertinage. Nonobstant ces suites fatales, quand le fait n'a pas lieu, des hommes qui ne sont guère au-dessus des animaux, prennent cela pour un affront, et proclament que c'est une indignité, qu'une femme ne soit pas produite en ce jour et exposée aux regards de nombreux spectateurs. Et c'est ce fait lui-même qu'il fallait envisager comme injurieux; ridicule et comique. Et je sais que c'est nous que beaucoup traiteront d'insensé et de ridicule ; mais je consentirai à être tourné en dérision, s'il en résulte quelque profit. Je serais seulement ridicule si, en vous exhortant à mépriser l'opinion populaire, j'étais moi-même atteint de cette maladie. Voyez maintenant ce qui suit : non-seulement pendant le jour, mais pendant la nuit, ce sont des hommes ivres, a moitié endormis, enflammés par la volupté, qui se disposent à contempler la beauté du visage de la jeune femme. Et ce n'est pas à la maison, mais à travers les rues qu'ils la présentent en spectacle, l'accompagnant jusqu'à une heure très-avancée; avec des flambeaux, afin que. chacun puisse la voir ce qui ne tend qu'à lui faire dépouiller pour l'avenir un reste de pudeur. Et on ne s'en tient pas là : on la conduit au milieu de paroles obscènes, usage qui est passé en loi dans la foule. Et des milliers d'esclaves fugitifs, de vauriens, d'hommes perdus, profèrent librement tout ce que le caprice Mur inspire, et contre elle et contre l'époux qui doit habiter avec elle; en tout cela il n'y a rien d'honnête, mais tout y sent l'obscénité. La mariée qui voit et entend tout cela, ne reçoit-elle pas une belle leçon de chasteté ? Et il y a une émulation diabolique entre les acteurs; c'est à qui l'emportera sur les autres en paroles injurieuses et impudiques, propres à faire rougir les spectateurs; et en fin de compte, la victoire appartient à celui qui a vomi le plus de turpitudes et d'impudicités. Je sais que je suis ennuyeux, odieux et importun pour vouloir retrancher ce plaisir de la vie. Aussi je m'attriste en voyant que des choses aussi désagréables puissent passer pour un plaisir. Comment, en effet, ne serait-il pas désagréable d'êtres accablé d'injures et d'affronts, d'être insulté par la foule en compagnie d'une jeune femme? Quoi ! si quelqu'un injurie votre épouse sur la place publique, vous mettez tout en mouvement, vous croyez ne pouvoir plus jouir de la vie.; et quand vous vous conduisez honteusement avec elle sous les yeux de toute une ville, vous vous en réjouissez, ions en êtes fier? Quelle folie ! Affaire d'habitude, direz-vous. Eh ! voilà justement ce qui. doit faire verser des larmes, que le démon ait fait passer cela en habitude. Comme le mariage est une chose honorable, destinée à là propagation de notre espèce, et une source de,grands biens, ce méchant esprit en ressent un vif chagrin, et sachant qu'il est un remède contre la fornication, il prend d'autres moyens pour introduire toute espèce d'impudicités. Beaucoup de jeunes filles ont été déshonorées dans ces assemblées. Si cela n'arrive pas toujours, le démon se contente, en attendant, que des paroles et des chants obscènes aient déshonoré l'épouse à travers les rues et les places publiques. Et comme tout se passe le soir, de peur que la nuit ne voile ces turpitudes, on allume. de nombreux flambeaux qui les mettent, dans tout. leur jour. Car pourquoi cette foule? pourquoi l'ivresse? pourquoi des instruments de musique ? N'est-ce pas évidemment pour que ceux qui sont chez eux ensevelis dans le sommeil soient avertis, s'éveillent (374) au son des instruments, et se mettent à la fenêtre pour voir passer la comédie ? Et que dire des chants mêmes, qui ne respirent que la licence, ne célèbrent que des amours illicites, des unions illégitimes, des familles détruites, mille scènes tragiques, et où l'on n'entend que les mots d'amant et d'amante, de bien-aimé et de bien-aimée? Et le pire encore, c'est qu'il y a là. des jeunes , filles qui, dépouillant toute pudeur, à l'honneur, ou plutôt à la honte de la mariée, sacrifient leur salut, se conduisent avec indécence parmi des jeunes gens, et, par, un satanique accord, prennent part aux chants impurs et aux paroles coupables. Me demanderez-vous encore d'où viennent les adultères? les fornications ? les profanations du mariage? Mais, direz-vous, ce rie sont pas, les vierges bien nées et pudiques qui se conduisent ainsi. Eh ! puisque vous savez cela avant moi; pourquoi riez-vous de moi? Si ces coutumes sont bonnes , permettez que celles-ci les pratiquent. Quoi donc? parce que les autres sont pauvres, ne sont-elles pas aussi des vierges ? ne sont-elles pas obligées d'être chastes ? Est-ce qu'une jeune fille qui danse sur le théâtre, au milieu de jeunes libertins, il vous semble pas plus dégradée qu'une femme publique? Si vous ajoutez qu'il n'y a que des servantes qui le fassent, je ne vous fais pas grâce peur autant : car à pelles-là encore il ne fallait pas permettre de le faire. 7. Et là est la source de tous les maux : On ne tient plus compte des serviteurs. On a donné un assez grand signe de mépris quand on a dit : C'est un domestique, ce sont des servantes. Et pourtant on entend dire chaque jour: «Dans le Christ, il n'y a plus d'esclave, ni d'homme libre». (Gal. III, 28.) Vous ne méprisez ni un cheval, ni un âne, vous mettez tout én oeuvre pour qu'ils ne soient pas vicieux; et, vous dédaignez des serviteurs qui ont une âme comme vous? Que dis-je, des serviteurs ? Vous négligez même vos fils et vos filles. Qu'arrive-t-il ensuite? Qu'il faut gémir quand ils sont tous perdus; et souvent, pour combe de malheur, après qu'ils ont dépensé des. sommes considérables au milieu de la foule et du tumulte. Ensuite si un enfant naît du mariage, nous revoyons encore la même folie, et une four d'usages ridicules. En effet, quand il faut lui donner un nom, on ne le cherche pas parmi ceux des saints, comme le faisaient nos ancêtres ; mais on allume des lampes auxquelles on donne des noms, et celle qui dure le plus laisse le sien au nouveau-né; c'est une probabilité qu'il vivra longtemps. Et s'il arrive (cas assez fréquent), qu'il meure de mort prématurée, le diable a une belle occasion de rire de s'être joué des parents comme d'enfants niais. Et que dire des bandelettes et oies clochettes attachées à la main, et du cordon rouge, et de cent autres folies de ce genre, quand on devrait uniquement placer l'enfant sous la sauvegarde de la croix? Mais cette croix qui a converti le monde entier, qui a fait au démon une si cruelle blessure et a ruiné tout son pouvoir, elle est aujourd'hui un objet de mépris; c'est à une trame, à une chaîne, à des amulettes que l'on confie le salut d'un enfant. Dirai-je quelque chose de plus ridicule encore? Que personne ne m'accuse d'importunité, si je vais jusque-là. Car celui qui veut retrancher de la pourriture, ne craint pas de salir ses mains: Quelle est donc cette chose ridicule? Une chose qui n'a l'air de rien (et c'est de quoi je gémis), mais qui est le principe d'un vraie démence, d'une extrême folie. Des femmes, des nourrices, des servantes, mettent de la boue dans de l'eau de bain, y trempent le doigt et en marquent le front de l'enfant; et si vous le demandez : Pourquoi cette eau ; sale, pourquoi cette boue? On vous répond : C'est pour détourner les mauvais regards, la jalousie, et l'envie. Vraiment ! quelle vertu a l'eau sale ! quelle puissance a la boue ! Elle renversé tout l'empire de Satan. Et vous ne rougissez pas? Vous ne devinez pas enfin les ruses du diable ? Vous ne voyez pas comment il amène peu à peu et dès le premier âge, dans ses filets? Mais si la boue a tant de vertu, pourquoi ne vous en frottez-vous pas le front, vous homme mûr, et qui avez plus d'envieux qu'un enfant? Pourquoi ne vous en frottez vous pas tout le corps? Si une simple onction sur le front produit de si grands effets, pourquoi ne pas l'étendre au corps entier? Tout cela est une farce, une comédie satanique, qui ne prête pas seulement, à rire, mais précipite en enfer ceux qu'elle séduit. Rien d'étonnant que de telles choses se passent chez les gentils; mais qu'elles aient lieu chez les adorateurs de la croix, chez ceux qui participent aux plus hauts mystères secrets, qui possèdent une si haute philosophie : (375) voilà ce qu'on ne saurait assez déplorer. Dieu vous a honoré de. l'huile spirituelle, et vous salissez votre fils avec de la boue ? Dieu vous a honoré, et vous vous déshonorez? C'est de la croix, cette invincible protectrice, qu'il faut se signer le front, et vous la rejetez pour tomber dans un égarement diabolique? Et s'il en est parmi vous à qui ces choses paraissent de peu d'importance, qu'ils sachent qu'elles sont l'origine de grands maux , et que Paul na point cru devoir les négliger comme insignifiantes. Qu'y a-t-il en effet de moins important pour l'homme que de se couvrir la tête? Et voyez pourtant quel intérêt l'apôtre y attache, avec quelle énergie il le défend, lapant jusqu'à dire, entre autres choses, qu'en se couvrant l'homme déshonore sa tête. Mais si un homme déshonore sa tête en la couvrant, comment celui qui frotte de boue un enfant, ne le rend-il pas abominable? Comment, je vous le demande, le remettra-t-il aux mains du prêtre? Comment oserez-vous prier le prêtre de marquer du sceau, un front que vous avez enduit de boue ? Ne faites pas cela , mes frères, ne le faites pas; mais dès le bas âge; munissez vos enfants des armes spirituelles; apprenez-leur à se signer le front avec la main; et avant qu'ils le puissent, imprimez-leur vous-mêmes le signe de la croix. Que dire des autres observances sataniques que, pour leur propre malheur, les sages-femmes emploient dans les douleurs de l'enfantement? Et de celles qui accompagnent la mort et la sépulture : ces gémissements, ces lamentations insensées, ces extravagances sur les tombeaux, ce soin des monuments funèbres, ces troupes inutiles et ridicules de pleureuses, ces jours de remarque, ces entrées, ces sorties? Et voilà la gloire que vous recherchez? Et comment ne serait-ce pas le comble de la folie d'ambitionner les suffrages d'hommes aussi pervertis, aussi désordonnés dans leur conduite, au lieu de recourir à Celui dont l'oeil ne dort pas, et de ne s'attacher qu'à son approbation dans nos actes. et dans nos paroles? Les louanges de ceux-là ne sauraient nous servir; mais Celui-ci, si nos actions lui sont agréables, nous rendra glorieux ici-bas et nous communiquera, au jour à venir, ses mystérieux trésors. Puissions-nous tous tels obtenir par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui appartiennent au Père, en union avec le Saint-Esprit, la gloire, lempire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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