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HUITIÈME HOMÉLIE. JUGEMENT ET AUMONE. DEMANDE DE LA MÈRE DES FILS DE ZÉBÉDÉE.
ANALYSE. Réponse à une objection des hérétiques. Le Fils a le même pouvoir que le Père. L'aumône se mesure, non par la grandeur du don, mais par la pureté d'intention. Louange de saint Paul dont l'orateur cite les paroles. En quel sens Jésus-
l. Hier nous revînmes du combat, du combat et de la lutte contre les hérétiques , nos armes étaient sanglantes; entre nos mains, le glaive de la parole s'était, si je l'ose dire, rougi du sang de l'hérésie ; nous n'avons pas terrassé les corps, mais abattu les sophismes impies et tout ce qui s'élève avec hauteur contre la science de Dieu. (II Cor. X, 5. ) Car tel est le genre de ce combat; telle est aussi la nature des armes. Saint Paul dit à ce sujet : Les armes de notre milice ne sont point charnelles, elles sont puissantes en Dieu pour renverser les remparts, détruire les raisonnements et tout ce qui s'élève avec hauteur contre la science de Dieu. (II Cor. X, 4.) Il faudrait raconter à ceux qui étaient absents, les péripéties d'hier, l'ordre de bataille, la mêlée, la victoire, les trophées. Mais pour ne pas favoriser votre négligence, je veux passer outre. Vous qui étiez absents, soyez plus diligents à l'avenir, afin de récupérer ce que vous avez perdu par votre absence. Maintenant nous allons continuer. Pour peu que l'on ait de zèle à s'instruire , on pourra, si l'on ne nous a pas entendu hier, apprendre de quelqu'un de nos auditeurs ce que nous avons dit. Rien ne sera plus facile. Car telle fut l'attention des assistants qu'ils se retirèrent, emportant toutes mes paroles dans leurs coeurs, sans en rien laisser perdre. Vous n'aurez donc qu'à les interroger. Quant à la question à traiter aujourd'hui, nous vous l'exposerons nous-même; nous discuterons une objection que nous font les hérétiques. Quelle est-elle.? Dernièrement nous avons parlé de la puissance du Fils; nous avons montré qu'elle est égale à celle de son Père, sujet que nous avons longuement développé. Repoussés sur ce point, ils nous objectent un autre texte de l'Evangile, texte qu'ils n'entendent pas dans son véritable sens. Le voici : Pour ce qui est d'être assis à ma droite oit à ma gauche, ce n'est point à moi à vous le donner. Cet honneur est pour ceux à qui le Père l'a préparé. (Matth. XX, 23.) Je vous renouvellerai d'abord le conseil déjà donné si souvent. Ne lisez pas simplement la lettre, pénétrez le sens. Quiconque s'attache uniquement aux mots, et ne s'occupe que (248) de ce qui est matériellement écrit, tombera dans de nombreuses erreurs. L'Ecriture dit que Dieu a des ailes, comme le témoigne le Prophète : Protégez-moi à l'ombre de vos ailes. (Ps. XVI, 8.) Nous n'en conclurons pas que cette essence spirituelle et immortelle a des ailes. Si cela ne peut se dire des hommes, encore moins. de cette nature pure, invisible, incompréhensible. Que signifient donc pour nous les ailes? le secours, la sécurité, la protection, la défense, un asile inviolable. L'Ecriture dit encore que Dieu dort : Levez-vous, pourquoi dormez-vous, Seigneur. (Ps. XLIII, 23.) Nous ne pouvons pas dire que Dieu dort : ce serait le comble de la folie. Mais ce mot dormir nous montre sa patience et sa longanimité. Un autre prophète dit : Serez-vous comme un homme endormi? (Jér. XIV, 9.) Vous le voyez, il nous faut beaucoup de prudence pour scruter l'Ecriture. En prenant les mots dans leur sens propre et strict, il en résulterait une foule d'absurdités et de contradictions. L'un dit que Dieu dort, l'autre qu'il ne dort pas; et tous deux disent vrai, si vous les entendez convenablement. En disant qu'il dort, l'un montre la grandeur de sa patience; en disant qu'il ne dort pas, l'autre nous révèle son essence pure et incorruptible. Ayons donc beaucoup de prudence et pesons bien ces paroles : Ce n'est point à moi à vous le donner; cet honneur est pour ceux à qui le Père l'a préparé. Ce texte n'ôte rien à Jésus-
2. Admirez ici sa sollicitude pour nous. En s'adressant aux élus il dit : Venez les béais de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Aux damnés il ne dit pas : Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu qui vous a été préparé; mais qui a été préparé pour le diable. J'ai préparé le royaume pour les hommes, dit-il; l'enfer, au contraire, je l'ai préparé, non pour les hommes, mais pour le démon et ses anges; si vous menez une vie telle que vous méritiez d'être damnés, vous pourrez vous l'imputer justement. Voyez quelle touchante bonté ! Les athlètes n'existent pas encore; les couronnes et les récompenses sont déjà prêtes. Possédez, dit-il, le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde. Même instruction à recueillir de la parabole des dix vierges. A l'arrivée de l'Epoux, les folles disent aux sages: Donnez-nous de votre huile. (Ib. 8). Les autres répondent : Nous craignons qu'il n'y en ait pas assez pour vous et pour nous. L'Ecriture n'entend pas parler d'huile et de feu, mais de la virginité et de la bonté. Le feu est le symbole de la virginité; l'huile celui de l'aumône. Ce passage signifie que la virginité doit être accompagnée de charité; sans quoi le salut des vierges est incertain; mais qui sont ces vendeurs d'huile? Qui, sinon les pauvres? Ils donnent plutôt qu'ils ne reçoivent. Regardez donc l'aumône non comme une perte, mais comme un gain, non comme une dépense, mais comme un prêt avantageux. Vous recevez plus que vous ne donnez. Vous donnez du pain, et vous recevez la vie éternelle ; vous donnez un habit, et vous recevez un vêtement d'immortalité; vous donnez un abri sous votre toit, et vous recevez le royaume des cieux; vous distribuez des richesses périssables, et vous recueillez des biens éternels. Je suis pauvre, dites-vous, comment faire l'aumône ? C'est surtout dans la pauvreté que vous pouvez faire l'aumône. Le riche enivré par l'abondance de ses biens, en proie à une fièvre ardente, tourmenté d'une avarice insatiable, brûle d'augmenter sa fortune; le pauvre, délivré de toutes ces maladies, donne plus facilement de ce qu'il a. C'est d'après la pureté d'intention et non d'après les biens donnés crue se mesure l'aumône. La veuve de (249) l'Evangile donne deux oboles, et l'emporte, par sa charité, sur les plus opulents. Une autre veuve n'avait qu'une poignée de farine et un peu d'huile, elle reçut néanmoins et nourrit le Prophète dont l'àme était aussi élevée que le ciel. Ainsi la pauvreté ne fut un obstacle ni à l'une ni à l'autre. N'apportez donc pas de vaines, d'inutiles excuses. Dieu ne demande pas des largesses abondantes, mais une volonté généreuse. L'aumône se mesure , non d'après le don, mais d'après l'intention. Vous êtes pauvre et le plus pauvre de tous les hommes ? Mais vous n'êtes pas plus indigent que cette veuve qui l'emporta de beaucoup sur les riches. Vous manquez, vous-même, du nécessaire ? Mais vous n'êtes pas plus dénué que la veuve de Sidon ; réduite à la dernière extrémité, attendant la mort, entourée de ses enfants, elle donne cependant ce qui lui reste, et dans cette extrême indigence, elle acquiert d'immenses richesses ; sa main fut comme une aire; son urne comme un pressoir, et du dénuement elle fit sortir l'abondance. Revenons à notre parabole pour ne pas tomber dans des digressions sans fin. A l'arrivée de l'Epoux, les vierges tenaient donc le langage que je vous ai rapporté. Les sages envoyaient les autres chez les vendeurs ; mais ce n'était plus le temps d'acheter de l'huile. On n'en fait sa provision qu'en cette vie. Une fois ce monde quitté et le théâtre fermé, il n'y a plus ni remède, ni pardon, ni excuse pour les actions passées; le châtiment seul reste. C'est ce qui arriva alors. Quand vint l'Epoux, les vierges sages entrèrent avec leurs lampes; les autres, se trouvant en retard, frappèrent à la porte et entendirent cette effroyable parole : Retirez-vous, je ne vous connais pas. Vous voyez encore ici comment Jésus-
3. Que répondent les hérétiques? Rien de sensé? Il a, disent-ils, le pouvoir de châtier et de couronner, de punir et de récompenser; mais pour le trône du ciel, pour cet honneur suprême, il ne peut le donner. Si je vous prouve que rien n'a été soustrait à son jugement; cesserez-vous cette controverse téméraire? Or, écoutez le
Quel est donc cet homme ! Quel autre, sinon ce faiseur de tentes, ce docteur des nations qui a parcouru la terre et la mer comme avec des ailes, ce vase d'élection, ce paranymphe du
4. Notre lutte contre les hérétiques est terminée; nous avons élevé des trophées et remporté une brillante victoire. Par tout ce qui a été dit, nous avons montré que le Fils honore et châtie, qu'à lui appartient tout jugement, qu'il couronne et récompense les plus saints, et que dans les paraboles il s'attribue ce double pouvoir. Il nous reste à répondre aux difficultés de nos frères et à montrer pourquoi il a dit: Ce n'est point à moi à vous le donner. Plusieurs sans doute se posent cette question. Pour résoudre le problème et dissiper toute inquiétude dans vos esprits, suivez-moi attentivement : le plus difficile me reste à traiter. Ce n'est pas la même chose de combattre ou d'enseigner, de terrasser un ennemi ou de relever un frère; il faut beaucoup de zèle pour raffermir ceux qui chancellent, et rétablir la tranquillité dans ,les esprits troublés. Que mes paroles ne vous étonnent point, si je disque ce n'est ni au Fils, ni même au Père; et je le proclame à haute voix, non, ce n'est ni au Fils ni au Père à régler les degrés de la gloire. Car si ce droit est au Fils, il est aussi au Père ; s'il est au Père, il est aussi au Fils; voilà pourquoi le Seigneur ne dit pas simplement: Ce n'est pas à moi à le donner; il dit : Ce n'est pas à moi à le donner, mais à ceux à qui mon Père l'a préparé. Il montre que ce n'est ni à lui, ni au Père, mais à d'autres. Que signifie donc ce texte? Votre trouble augmente, votre doute grandit, votre anxiété redouble. Mais ne craignez rien. Je ne me retirerai pas que je ne vous aie donné la solution. Permettez-moi de reprendre d'un peu plus. haut. Autrement je ne pourrais traiter assez clairement toute la question. Que signifie donc ce texte? Jésus allant à Jérusalem, la mère des fils de Zébédée, Jacques et Jean, s'approche avec ses enfants et dit: Faites que mes deux fils soient assis l'un â votre droite, l'autre à votre gauche. (Matth, XX, 20.) D'après un autre évangéliste, ce sont les fils qui font cette demande à Jésus-
Il faut que vous le sachiez, avant la Passion ils étaient d'une profonde ignorance. Aussi Jésus-
S'ils ignoraient cette vérité, à plus forte (251) raison les autres mystères, par exemple ce qui regarde le royaume de Dieu, les prémices de notre nature, l'Ascension dans les cieux; ils rampaient encore à terre, ils manquaient d'ailes pour prendre leur essor vers les cieux. 5. Ils étaient pénétrés de cette idée, que leur Maître régnerait bientôt à Jérusalem. Ils ne savaient rien de plus. Un autre évangéliste nous le déclare : Ils croyaient, dit-il, que sa royauté approchait, royauté purement humaine selon eux, et ils pensaient que Jésus-
Par ces paroles : Vous ne savez ce que vous demandez, Jésus -
Voici le sens. Vous mourrez, vous serez torturés et honorés du martyre. Cependant, d'être les premiers, ce n'est pas à moi à vous le donner, c'est aux athlètes à le conquérir par une plus vive ardeur, un plus grand zèle. Pour rendre ceci encore plus clair, faisons une supposition voici un agonothète (1) ; une mère ayant deux fils athlètes vient le trouver avec ses enfants et lui dit : Faites que mes deux fils obtiennent la couronne. Que répondrait-il? La même chose que Jésus-
Qu'il y ait des gloires diverses, saint Paul
1 Celui qui présidait aux jeux, adjugeait et décernait les récompenses.
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nous l'enseigne : Autre est l'éclat du soleil, autre l'éclat de la lune, autre l'éclat des étoiles, et une étoile diffère d'une autre en éclat (I Cor. XV, 41); Si on élève sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses. (Ibid., III, 12.) Saint Paul parle ainsi pour nous montrer les différentes espèces de vertu; et il nous indique en même temps que ce n'est pas en dormant qu'on entre au royaume des cieux, mais qu'il faut, par beaucoup de tribulations, conquérir cette couronne. Les fils de Zébédée, forts de l'amitié et de la faveur de Jésus-
6. J'avais donc raison de le dire, ce n'est ni à lui, ni au Père, mais aux athlètes, aux combattants. C'est pour cela que Jésus-
Vous le voyez, ils voulaient être les premiers, les plus grands et les plus haut placés, et pour ainsi dire les princes des apôtres. Pour réprimer leur ambition, et manifester leur dessein, Jésus-
Vous le voyez, l'humilité ne diminue pas la splendeur du Fils de Dieu, il en résulte au contraire pour nous des biens innombrables et pour lui une gloire plus brillante. Si pour un Dieu infini et ne manquant de rien l'humilité a produit un si grand bien, lui a procuré plus de serviteurs, et a augmenté son royaume ; pourquoi craindre en vous (253) humiliant de vous abaisser? Alors vous serez grands, élevés, brillants, illustres quand vous vous mépriserez vous-mêmes, que vous dédaignerez les premières places, quand vous ne fuirez pas les humiliations, ni les dangers, ni la mort, quand vous serez soumis, dévoués à tous et prêts à tout faire et à tout endurer. Pénétrés de ces sentiments, mes bien-aimés, recherchons l'humilité avec empressement; les injures, les affronts, les déshonneurs, les outrages, supportons tout avec joie. Car rien n'est plus capable que la vertu d'humilité de nous élever, de nous combler d'honneur et de gloire, de nous exalter. En pratiquant cette vertu, puissions-nous obtenir les biens promis par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
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