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HOMÉLIES SUR LA PÉNITENCE.
QUATRIÈME HOMÉLIE.
ANALYSE.
1° C'est le quatrième jour que l'orateur entretient son auditoire au sujet de la pénitence. Combien la pénitence est consolante , et l'exemple des autres propre à nous encourager! 2° La vertu est facile dans l'adversité, difficile dans la prospérité. 3° Les saints ne se laissent ni abattre par la mauvaise fortune, ni enfler par la bonne. 4° Cherchez, non auprès des hommes, mais dans le sein de Dieu, un refuge toujours facile à trouver. 5° Si Dieu permet que nous soyons souvent affligés, c'est afin de nous forcer à recourir à lui.
1. Les bergers conduisent habituellement leurs brebis aux endroits où ils voient l'herbe plus abondante, et ils ne les en retirent que lorsque le pâturage est entièrement dépouillé. Nous les imitons : voici le quatrième jour que nous faisons paître notre troupeau sur le champ de la pénitence et nous ne songeons pas encore aujourd'hui à le quitter : car nous voyons qu'il y a abondance d'excellente nourriture en même temps qu'abondance de contentement et de profit. Le feuillage des arbres, qui sert aux troupeaux d'abri contre les ardeurs du midi, qui répare l'épuisement de leurs forces, qui leur fournit une ombre agréable et utile, qui les invite à un doux sommeil, ne vaut pas pour eux ce que vaut pour nous la méditation des divines Ecritures ; elle repose et rafraîchit les âmes endolories et abattues de fatigue; elle tempère la violence et la fièvre de leurs peines, elle leur offre des consolations plus suaves et plus réparatrices que tous les ombrages. Lorsqu'un homme surpris et circonvenu par la tentation est tombé, lorsqu'il est rongé par ses remords, lorsqu'au souvenir de son péché il se plonge dans un abîme de découragement et se sent chaque jour davantage embrasé par des flammes secrètes, lorsque des milliers de consolateurs ne lui apportent aucune consolation , s'il entre dans l'ég
2. Donc, si nous voulons ne pas succomber aux maux qui semblent devoir nous accabler, méditons avec soin les récits de l'Ecriture c'est là que nous recueillerons de nombreuses ressources de patience , non - seulement en nous consolant par les exemples de ceux qui ont subi les mêmes afflictions que nous, mais aussi en apprenant les moyens de nous délivrer des peines qui nous ont frappés, de conserver la grâce du pardon après l'avoir reconquise, de nous préserver de la négligence et de ne pas nous laisser emporter par une folle témérité. Que sous la pression de l'adversité nous soyons soumis et humbles, nous montrions une grande religion, ce n'est pas étonnant : la nature des épreuves est telle précisément qu'elle force les âmes (fussent-elles rudes comme la pierre) à en venir là, à sentir la douleur : mais c'est le fait d'une âme religieuse et tenant toujours Dieu présent à son regard -de ne pas retomber, même après qu'elle est sortie des épreuves, dans l'insouciance et dans l'oubli du devoir. Ce qui arriva souvent aux Juifs. C'est pourquoi le Prophète leur disait en se raillant d'eux: Quand Dieu les faisait périr, ils le recherchaient, ils revenaient à lui, ils accouraient dès le petit jour. (Psal. LXXVII, 34.) Et Moïse, qui les connaissait par expérience, les exhortait souvent en ces termes : Quand tu auras mangé et bu, quand tu seras rassasié, prends garde à toi, de peur que tu n'oublies le Seigneur ton Dieu. (Deut. VI,12.) Aussi ne faut-il pas tant admirer les saints parce que au fort de la tribulation ils furent pieux et sages, que parce que, la tempête passée et le calme revenu, ils ont persévéré dans la prudence et la ferveur. Il faut admirer un cheval qui peut, sans le secours du frein, fournir une course parfaitement régulière; mais que, maintenu par le mors et la bride, il aille droit son chemin, je n'y vois rien d'extraordinaire : en ce cas, ce n'est pas à l'excellence du sang, mais à la nécessité imposée par le frein, qu'il convient d'attribuer la régularité de sa marche. Disons la même chose de l'âme : qu'elle soit docile sous la pression de la crainte, ce n'est pas étonnant; mais lorsque les épreuves sont passées et que le frein de la terreur est écarté, montrez-moi une âme se possédant dans la sagesse et dans une parfaite ordonnance. Ah! je crains bien qu'en voulant accuser les Juifs, je ne fasse le procès à notre propre vie : dans le temps où nous étions poursuivis par la faim , la peste, la grêle, la sécheresse, l'incendie, les incursions (293) d'ennemis, les ég
3. Voilà ce que je disais alors, ce que je dis encore aujourd'hui; voilà ce que je dis par vous aux autres. Imitons les saints qui ne se laissèrent ni abattre par le malheur ni amollir par la prospérité, comme ont fait bien des gens de notre temps , pareils à ces barques légères qui sont enveloppées et submergées par la moindre agitation des flots. Souvent la pauvreté, arrivant à l'improviste, nous coule à fond et nous noie; d'autres fois la richesse, en nous favorisant, nous enfle et nous jette dans la plus complète oisiveté. Je vous en supplie donc, dédaignez tout le reste pour songer, chacun de votre côté, à préparer vos âmes pour le salut; votre salut une fois assuré, peu importe quels maux vous frappent; la faim, la maladie, la délation, le pillage de vos biens, un malheur quelconque, tout vous sera tolérable et léger en raison du précepte de Dieu et de l'espérance que nous avons en lui; mais au contraire, c'est en vain que la richesse abonde, que les enfants prospèrent, que des biens infinis vous fournissent toutes les jouissances, l'homme qui les possède ne fait qu'accumuler des chagrins et des peines, quand son âme est mal disposée vis-à-vis de Dieu. Ne poursuivons pas l'opulence et ne fuyons pas la pauvreté ; ayons avant tout le souci de notre âme, mettons-la en bon ordre non-seulement pour l'arrangement de notre vie présente, mais encore pour notre départ de ce monde en l'autre. Encore un peu de temps, et l'examen de chacun de nous aura lieu, lorsque devant le tribunal redoutable du Christ nous comparaîtrons tous, entourés de nos couvres personnelles, et voyant de nos propres yeux, ici les larmes des orphelins, là les honteuses débauches dont nous avons souillé nos âmes, ailleurs les gémissements des veuves, plus loin les outrages faits aux malheureux et les rapines commises contre les pauvres, et non-seulement ces actes coupables et tous les autres semblables, mais encore tout ce que nous avons fait de mal par la pensée : Dieu est en effet le scrutateur des pensées et le juge des intentions. (Héb. IV, 42) ; (294) c'est lui qui examine les coeurs et les reins, (Ps. VII, 10), lui qui rend à chacun selon ses uvres. (Matt. XVI, 27.) Ce sermon ne regarde pas uniquement ceux qui vivent dans le siècle, mais ceux aussi qui, pour mener la vie monastique, sont allés dans les montagnes dresser leurs tentes; ils doivent non-seulement garder leurs corps purs de toute souillure de fornication , mais aussi préserver leurs âmes de la satanique envie de posséder. C'est aux hommes et à l'Eg
4. Que dire à cela ? Comment obtiendrons-nous miséricorde, et comment nous sauverons-nous? Je vais vous le dire : ouvrons toujours notre coeur à la prière et à ses fruits, c'est-à-dire à l'humilité et à la douceur. Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur; et vous trouverez le repos pour vos âmes. (Matth. XI, 29.) Et David : Le sacrifice agréable à Dieu est une âme pénitente; Dieu ne méprisera pas un cur contrit et humilié. (Psalm. I, 19.) Dieu ne recherche et n'aime rien tant qu'une âme douce, humble et reconnaissante. Et vous aussi, mon frère, remarquez ceci lorsqu'un accident vous frappe à l'improviste et vous chagrine, ne cherchez pas refuge auprès des hommes, ne jetez pas les yeux sur un secours périssable; mais, laissant tout cela de coté, courez par la pensée au médecin des âmes. Le seul qui puisse apporter remède aux blessures de votre coeur est Celui qui a fait le coeur de chacun de nous et qui connaît toutes nos oeuvres (Ps. XXXII, 15) ; voilà celui qui peut entrer dans notre conscience, poser la main sur notre âme et l'émouvoir. S'il n'y parvient pas, tout ce qu'essayeront les hommes restera inutile et vain; au contraire, lorsque Dieu nous console et nous exhorte, rien n'est capable de nous faire le moindre préjudice, lors même que les hommes nous écraseraient de mille chagrins; quand Dieu affermit notre coeur, rien ne peut l'ébranler. Puisque nous savons cela, mes amis, cherchons toujours notre refuge auprès de Dieu, auprès de celui qui a volonté et pouvoir de nous délivrer du malheur. Lorsqu'il nous faut implorer les puissances humaines, nous sommes obligés de parlementer d'abord avec les portiers, puis de nous adresser aux habitués de la maison et aux courtisans, et enfin de parcourir un long détour; avec Dieu, rien de semblable, il nous écoute sans intermédiaire, il accueille nos requêtes sans dépense et sans frais; il suffit de crier du fond du coeur vers lui, de lui offrir nos larmes, à peine admis en sa présence nous l'attirons à nous. Recourons-nous à un homme, souvent nous avons à craindre qu'un de nos ennemis, un de leurs affidés, un adversaire quelconque, entendant l'exposé de notre affaire ou l'apprenant par autrui, né vienne à la traverse de notre droit; avec Dieu nous n'avons aucune inquiétude de ce genre. Lorsque vous voulez me prier, nous dit-il, venez à moi, venez tout seul, sans témoins, c'est-à-dire priez du coeur, sans remuer même les lèvres. Entrez dans votre chambre, fermez-en la porte sur (295) vous et priez votre Père en secret; et votre Père, qui voit ce qui se passe en secret, vous accordera en public ce que vous demanderez. (Matth. VI, 6.) Voyez quel excès d'honneur ! Lorsque vous me priez, dit-il, faites que personne ne s'en aperçoive; mais lorsque je vous favorise, je rends toute la terre témoin de mon bienfait. Laissons-nous donc persuader prions ; mais ne prions ni pour l'apparence, ni contre nos ennemis, et ne prétendons pas enseigner à Dieu la manière dont il nous doit secourir. Quand nous nous adressons aux avocats et aux rhéteurs qui plaident devant les tribunaux, nous leur exposons simplement nos affaires, nous les laissons libres de choisir eux-mêmes le mode de la défense et de traiter de nos intérêts comme ils l'entendront; à plus juste titre, faut-il en agir de même sorte avec Dieu. Lui avez-vous expliqué votre cause et raconté vos souffrances? eh bien ! prenez garde de lui expliquer aussi de quelle façon il doit vous aider; il sait parfaitement ce qui vous convient. Il est certaines gens qui, pour prier, récitent à la file des milliers de phrases : Seigneur, donnez-moi la santé du corps; Seigneur, augmentez au double mes possessions ; Seigneur, protégez-moi contre cet ennemi. Tout cela est pleinement absurde. Il faut écarter toutes ces sottes réclames, et prier uniquement à la manière de ce publicain qui disait : Mon Dieu, ayez pitié d'un pauvre pécheur. (Luc, XVIII, 13.) Et Dieu saura bien comment vous secourir. Cherchez d'abord le royaume de Dieu, dit l'Evangile, et tout le reste vous sera donné par surcroît. (Matth. VI, 33.) Pratiquons donc, mes chers amis, pratiquons cette laborieuse et humble sagesse, frappons notre poitrine à l'exemple du publicain, et nous obtiendrons ce que nous demandons; si notre prière sort d'une âme remplie par la colère et la haine, nous serons trouvés devant le Seigneur, abominables et odieux. Broyons notre coeur, humilions notre âme, prions pour nous et pour ceux qui nous persécutent. Si vous voulez attirer le Juge souverain au secours de votre âme et l'attacher à votre parti, ne l'interpellez jamais contre votre ennemi. Ce Juge, en effet, est de tel caractère, qu'il accueille et exauce les demandes de ceux qui prient pour leurs ennemis, qui oublient les injures reçues, qui rie s'emportent pas contre leurs adversaires ; et d'autant qu'ils entrent davantage en ces dispositions, d'autant Dieu traite plus rigoureusement leurs ennemis, si ces derniers ne se convertissent pas à une sincère pénitence. 5. Quand une injure vient vous atteindre, prenez garde, mes frères, de vous livrer de suite à l'indignation et au découragement ; rendez plutôt grâces à Dieu avec une sage modération et attendez son secours. Dieu ne pouvait-il pas, avant toute prière, nous accorder tous les biens ? Ne pouvait-il pas nous faire une vie exempte de douleurs et libre de tout souci ? Eh bien ! il réa
Traduit par M. l'abbé A. SONNOIS.
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