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SEPTIÈME HOMÉLIE.
ANALYSE. Le péché seul devrait nous attrister. Sur ces paroles : Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. Adam, où es-tu ? Elles renferment d'abondantes consolations. Il faut renoncer à l'habitude de jurer.
1. Hier, je vous entretins longuement de divers sujets. S'il vous est impossible de retenir tant de choses, je voudrais au moins que votre mémoire conservât cette vérité, que c'est en vue de nos péchés seulement que Dieu met dans nos âmes une disposition à la tristesse: il nous l'a fait comprendre par notre propre expérience. Car la perte de nos biens, la maladie, la crainte de la mort et tous les maux auxquels nous sommes exposés, nous jettent-ils dans l'affliction et le découragement? la tristesse, bien loin d'apporter quelque soulagement à nos peines, les augmente encore. Mais la douleur, la tristesse que nous font éprouver nos fautes, en diminuent la gravité; et tel péché, qui tout à l'heure était énorme, devient léger, souvent même disparaît entièrement. Ayez donc constamment cette pensée présente à l'esprit, afin que le péché seul soit pour vous une cause de tristesse. Joignez-y cette autre vérité, .que c'est le péché qui introduisit dans le monde la tristesse et la mort: mais il est détruit à son tour par l'un et l'autre de ces maux, comme nous l'avons fait voir précédemment avec plus de clarté. Ne craignons donc rien tant que le péché et la prévarication. Ne redoutons point les peines et nous les éviterons. Les trois jeunes hommes ne tremblèrent pas devant la fournaise et ils échappèrent à ses flammes : ainsi doivent se conduire les serviteurs de Dieu. Si ceux, en effet, qui ont grandi sous l'ancienne alliance, quand la mort n'avait pas encore été vaincue, quand les portes d'airain, quand les verrous de fer n'avaient point été brisés, si ceux-là, dis-je, se sont précipités avec tant d'audace vers le trépas, quelle excuse ferons-nous valoir, quel pardon pourrons-nous implorer, nous qui jouissons de tant de grâces et qui sommes si loin d'égaler ces jeunes gens en vertu, lorsque cependant la mort n'est désormais qu'un nom vide de sens? La mort, ce n'est plus qu'un sommeil, un départ, une absence, un repos, un port calme et tranquille, l'affranchissement du trouble; la fin des soucis de la vie. Mais n'en disons pas davantage sur ce sujet. Voici le cinquième jour que nous employons à vous consoler, nous finirions par être importun. Nous en avons dit assez pour ceux qui ont voulu entendre. Quant aux pusillanimes, quoi que nous puissions ajouter encore, ils n'en (21) deviendraient pas plus courageux. Il est donc temps que nous commencions à vous expliquer les Ecritures. Sans doute, si nous eussions gardé le silence sur cette calamité, on eût pu nous accuser de cruauté et de barbarie. Mais si nous en faisions l'objet de tous nos discours, on blâmerait avec raison notre peu de courage. Il nous faut donc, après avoir appelé sur vous la protection de Dieu qui peut parler à vos âmes et en bannir entièrement la tristesse, reprendre nos instructions ordinaires. Et, d'ailleurs, n'y a-t-il pas dans toute explication des Ecritures de quoi vous raffermir et vous consoler? Ainsi, au moment même ou nous semblons vous priver de consolations, l'exposition des saints Livres doit vous en fournir de nouvelles. Que chaque texte de lEcriture puisse offrir des consolations, je vous le montrerai d'une manière évidente. Je ne veux point parcourir les traits historiques des Livres saints, et y chercher des paroles propres à relever le courage. Pour vous donner une preuve bien claire de ce que j'ai annoncé, je m'attacherai au livre qu'on a lu aujourd'hui, et, si vous le voulez, au commencement, au début même de ce livre. Il ne semble pas qu'il y ait trace de consolations dans ce début, on le dirait tout à fait étranger à ce dessein. Et pourtant il va prouver ce que j'avançais. Quel est-il donc? Le voici: Au commencement Dieu créa le ciel et la terre. La terre n'était qu'une masse informe; et les ténèbres oeuvraient la face de l'abîme. (Gen. I, 1, 2.) Qui de vous trouve dans ces paroles une consolation pour sa tristesse? N'est-ce pas simplement un récit historique, où nous apprenons la création de l'univers? 2. Voulez-vous que je vous montre tout ce qu'il y a de consolant dans ce texte? Prêtez-moi donc une oreille attentive. En apprenant que le ciel, la terre, la mer, l'air, les eaux, ces astres si nombreux, ces deux grands luminaires, ces plantes, ces quadrupèdes, ces poissons, ces oiseaux, en un mot tout ce qui frappe nos regards a été créé par Dieu à cause de vous, pour votre salut, pour votre gloire, ne vous sentez-vous pas aussitôt grandement consolés? Ne comprenez-vous pas toute l'étendue de l'amour de Dieu, quand vous vous prenez à penser qu'un monde si grand, si beau, si admirable, est sorti du néant à sa voix, pour vous, chétives créatures? Si vous entendez ces paroles : au commencement Dieu fit le ciel et la terre, ne les laissez point passer sans les avoir méditées. Parcourez en esprit l'immense étendue de la terre: considérez la richesse, l'abondance des aliments qu'elle nous fournit, les innombrables jouissances qu'elle nous prépare. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que tout cela ne nous a été donné ni comme prix de nos travaux, ni comme récompense de nos mérites. Dieu nous crée, et en même temps nous investit de cette royauté. Faisons, dit-il, l'homme à notre image et à notre ressemblance. (Gen. I, 26.) Qu'est-ce à dire à notre image et à notre ressemblance ? Dieu veut dire à l'image de sa domination. Comme au ciel il n'est personne qui, soit supérieur à Dieu, il n'y aura de même sur la terre aucun être qui soit au-dessus de l'homme. Le Seigneur nous a donc fait, et à nous seulement, l'honneur de nous créer à son image. Cet empire, nous l'avons reçu non pas comme prix de nos oeuvres, mais par un pur effet de sa bonté. De plus, Dieu a voulu que ce fût un privilège de notre nature. C'est la nature ou l'élection qui donnent le pouvoir. La nature a donné au lion l'empire sur les quadrupèdes, à l'aigle l'empire sur les oiseaux; l'empereur tient son pouvoir de l'élection. Ce n'est point en effet par nature qu'il commande à ses semblables; et de là vient que souvent l'empire lui est enlevé. Car c'est le sort des choses qui ne sont pas dans notre nature de changer et de déchoir. Il n'en est pas ainsi du lion. C'est par nature qu'il règne sur les quadrupèdes, comme l'aigle sur les oiseaux. Toujours sa race héritera de cette domination, et jamais on. ne l'en verra dépouillée. Telle est aussi la puissance dont Dieu nous investit dès l'origine, lorsqu'il nous établit rois de la création. Et ce ne fut point le seul honneur qu'il accorda à notre nature. Il y joignit la dignité de l'habitation et nous prépara dans le paradis terrestre une demeure de son choix; il nous donna la raison et fit présent à notre âme de l'immortalité. J'irai plus loin encore: Dieu nous aime à ce point que non-seulement ses bienfaits, mais ses châtiments eux-mêmes sont des marques de sa bonté et de sa bienveillance pour les hommes. Voici une vérité que je vous exhorte à méditer avec la plus grande attention. Dieu est également bon, soit qu'il honore et comble de bienfaits, soit qu'il punisse et châtie. Si les infidèles, si les hérétiques nous attaquent au sujet de la bonté et de l'amour de Dieu pour l'homme, ses (22) châtiments autant que ses bienfaits nous serviront à les confondre. Car si le Seigneur était bon lorsqu'il favorise et ne l'était plus lorsqu'il châtie, il ne serait bon qu'à demi; ce que l'on ne saurait admettre. Parmi les hommes un tel défaut peut exister, parce qu'ils punissent avec colère et passion. Mais Dieu n'est pas sujet aux passions; et par conséquent les peines qu'il inflige comme les bienfaits qu'il accorde viennent de sa bonté. Aussi, la menace de l'enfer ne montre pas moins cet amour que la promesse du royaume des cieux. Comment cela? Je vais le dire. S'il n'eût pas menacé de l'enfer, s'il n'eût préparé le châtiment, combien peu d'hommes eussent conquis le trône qu'il leur destine, car la vue d'une récompense a moins de force pour porter les hommes à la vertu que les menaces pour les exciter à la vigilance. Aussi quoique l'enfer et le royaume des cieux soient choses absolument contraires, l'un et l'autre tendent vers un but unique, le salut de l'homme. La récompense attire à soi; la menace du châtiment entraîne vers la récompense et corrige par la crainte ceux qui seraient tentés de négligence. 3. Ce n'est pas sans motif que je m'étends sur cette matière. Souvent, quand surviennent des famines, des sécheresses ou des guerres, quand la colère du prince menace une cité ou qu'il se produit des événements de ce genre, on surprend la simplicité d'un grand nombre et on leur persuade que de tels maux accusent la providence de Dieu. Pour éloigner de vous cette séduction, pour vous convaincre jusqu'à l'évidence que la famine, la guerre et les autres fléaux quels qu'ils soient, montrent l'amour et la sollicitude du Seigneur, il me faut bien m'arrêter longuement sur ce point. Les pères, et ceux mêmes qui chérissent le plus leurs enfants , les privent parfois de nourriture , leur font sentir la verge , leur infligent des humiliations et corrigent de mille manières les vices de leur naturel. Ils restent pères cependant lorsqu'ils punissent leurs fils, aussi bien que lorsqu'ils les caressent. C'est même surtout alors qu'ils se montrent vraiment pères. Or, si l'on n'attribue pas à la cruauté et à la barbarie, mais à l'amour et à la sollicitude ces punitions infligées par des hommes que la fureur et l'indignation emportent souvent au delà des bornes; ne doit-on pas à plus forte raison avoir de Dieu la même idée, puisqu'il n'est point d'amour paternel qui ne le cède à sa tendresse infinie. Et ne voyez pas ici une simple conjecture. Pour vous persuader le contraire, revenons à l'Ecriture. Lorsque l'homme eut été trompé et séduit par le génie du mal, comment Dieu le traita-t-il après une si grande faute? Le fit-il rentrer dans le néant? C'est ce qu'exigeait la justice : .cette créature qui, sans l'avoir mérité, avait été l'objet de tant d'amour, et ensuite se montrait rebelle dès l'origine, ne devait-elle pas disparaître du monde et tomber dans le néant? Il n'en est rien cependant : Dieu ne témoigne ni haine ni mépris à celui qui payait son bienfaiteur d'une si noire ingratitude, et il vient à lui comme un médecin à son malade. Ne passez pas légèrement sur ce récit, mon frère. Quelle bonté de la part de Dieu ! Il n'envoie ni un ange, ni un archange ou quelque autre membre des célestes hiérarchies, mais descend lui-même, Lui, le souverain Seigneur, auprès de l'homme déchu, le relève, l'entretient seul à seul, comme l'ami entretient son ami tombé dans le malheur et courbé sous l'infortune. Si Dieu en agit de la sorte, n'est-ce pas l'effet d'une extrême sollicitude? Les paroles mêmes que Dieu adresse à l'ingrat sont une preuve de sa tendresse ineffable pour lui. Qu'est-il besoin de vous les redire toutes ? La première manifeste à elle seule toute la tendresse du Seigneur. Il ne dit pas, comme on devrait s'y attendre après un tel outrage : « Etre criminel, être exécrable, toi que j'ai tant aimé, toi que j'avais investi d'un tel empire, toi que j'avais, sans aucun mérite de ta part, préféré à tout ce qui peuple la terre, toi à qui mes oeuvres offraient de tous côtés des gages de ma sollicitude et des preuves certaines de ma providence, tu as mieux aimé donner ta confiance au génie du mal et de la destruction, à l'ennemi de ton propre salut qu'à ton souverain Maître et à ton protecteur ! Quel présent as-tu reçu de lui qui soit comparable à mes dons ? N'ai-je point pour toi créé le ciel et la terre, et la mer et le soleil, et la lune et tous les astres? Les anges n'avaient pas besoin de ces créatures. C'est pour toi, pour ton agrément, que j'ai formé ce monde si vaste et si beau. Et tu as mieux aimé te fier à une simple parole, à une promesse insidieuse et mensongère, qu'à ma bonté, qu'à ma providence attestée cependant par tant de bienfaits tu t'es livré au démon, tu as foulé aux pieds mes préceptes. » N'est-ce pas ainsi et plus durement encore (23) que le Seigneur outragé devait reprocher à l'homme son ingratitude? Et cependant Dieu ne lui adresse aucun reproche, au contraire. Dès le premier mot il le relève. De l'abattement, de la crainte et de la terreur, il le fait revenir à la confiance en lui adressant le premier la parole. Ce n'est point assez de lui parler le premier, il l'appelle par son nom et lui dit : Adam, où es-tu? (Gen. III, 9.) Voulant par là lui témoigner son amour et sa tendresse; car c'est là, vous le savez tous, le signe de la véritable amitié. N'est-ce pas aussi ce que font ceux qui regrettent leurs amis descendus dans la tombe? Ne répètent-ils pas sans cesse leurs noms. Ceux au contraire qu'anime la haine et qui ont du ressentiment ne peuvent entendre nommer ceux qui les ont offensés. Saül n'avait reçu de David aucun outrage, souvent au contraire il l'avait accablé d'injures : mais, lorsqu'il l'eut pris en haine et en aversion, il ne voulait plus entendre prononcer ce nom qu'il détestait. Le jour où il ne le vit pas au milieu des convives assis à sa table, que dit-il? II ne demanda pas où était David; mais où est, dit-il, le fils de Jessé (I Rois. XX) ? le désignant par le nom de son père. Les Juifs plus tard tiennent envers Jésus-
4. Dieu , au contraire, voulant manifester ici que le péché n'avait pas éteint son amour, que la désobéissance n'avait pas étouffé sa bienveillance paternelle, mais qu'il entourait encore le pécheur d'une tendre sollicitude , lui dit : Adam, où es-tu ? Non qu'il ignorât en quel lieu se trouvait Adam, mais parce que le criminel a la bouche, pour ainsi dire cousue; le péché force la langue à se replier: la conscience la tient captive, et le pécheur reste muet, et comme enchaîné dans un morne silence. Dieu, qui veut lui rendre, avec la confiance et la liberté de parler,un peu de courage et l'enhardir à s'excuser afin d'user d'indulgence à son égard, lui parle le premier; ainsi il diminue l'anxiété du coupable, il éloigne de lui la crainte et lui ouvre la bouche en l'appelant par son nom. C'est pourquoi il disait : Adam, où es-tu? Où t'avais-je laissé ? Où est-ce que je te retrouve; je t'ai laissé plein d'une libre franchise, environné de gloire, et je te retrouve dans le déshonneur et dans le silence. Mais voyez jusqu'où va la sollicitude du Seigneur ! Ce n'est point Eve, ce n'est point le serpent qu'il appelle, mais celui des trois qui était le moins coupable. Il le cite le premier à son tribunal, afin que jugeant d'abord celui qui mérite quelque indulgence, il puisse porter une sentence plus douce sur la femme dont la faute était si grave. Les juges ne veulent point interroger par eux-mêmes leurs semblables, bien qu'ils ne soient pas d'une autre nature : ils ont recours à un de leurs officiers et le chargent de transmettre à l'accusé leurs questions; c'est par cet intermédiaire qu'ils disent et entendent tout ce qui sert à instruire la cause. Dieu n'a pas besoin d'intermédiaire entre l'homme et lui : c'est lui-même qui le juge, lui-même qui le console. Il y a quelque chose de plus admirable encore: Dieu répare le mal. Les juges, lorsqu'ils ont saisi des voleurs et des sacrilèges, ne s'inquiètent pas de les rendre meilleurs : ils se bornent à leur infliger le châtiment dû à leurs crimes. Dieu au contraire s'est-il saisi d'un pécheur, il ne se demande pas quel châtiment il lui infligera, mais comment il le corrigera, le rendra meilleur et désormais invincible. Il est donc à la fois juge, médecin et docteur. Comme juge, il interroge; comme médecin, il corrige; comme docteur, il instruit les coupables et les excite à pratiquer la vertu. Un seul mot, un mot si court vous a fait découvrir en Dieu un abîme de tendresse. Que serait-ce, si nous lisions la cause tout entière, si nous en développions tous les détails? Voyez-vous maintenant comment tout dans l'Ecriture peut servir à consoler, à rassurer les âmes ? Nous reviendrons sur ce sujet en temps opportun. Mais auparavant il faut dire à quelle époque ce livre parut. Ce ne fut pas dès l'origine ni immédiatement après la création d'Adam, mais après bien des générations. Il n'est pas inutile de rechercher pourquoi il fut écrit si tard, pourquoi les Juifs seuls le reçurent, et non pas tous les hommes : pourquoi il fut écrit en langue hébraïque, pourquoi enfin dans le désert du Sinaï. Ce n'est point en passant seulement que l'Apôtre rappelle cette circonstance du lieu il nous y laisse entrevoir un sublime objet de méditations lorsqu'il dit: Ce sont là les deux alliances; l'une, celle du Sinaï, ne produit que des esclaves. (Gal. IV, 24.) 5. Il y a mille autres questions qu'il faudrait résoudre. Mais le temps ne nous permet pas de nous engager dans un sujet si vaste. Le réservant donc pour un moment plus convenable, (24) nous vous exhorterons encore à vous abstenir de jurer, et nous supplierons votre charité d'employer à cela toute votre ardeur. Car n'est-ce pas une chose étrange? Un serviteur n'ose appeler son maître par son nom sans y joindre quelque formule d'honneur, et le nom du Maître des anges on le prononce avec audace, on le répète à tout propos avec le plus grand mépris ! S'il vous faut ouvrir l'Évangile, vous vous lavez d'abord les mains, et pénétrés de respect et de piété, vous le prenez avec crainte et en tremblant; et le Maître de l'Évangile, votre langue téméraire profère à tout instant son nom redoutable ! Voulez-vous apprendre comment parlent de lui les puissances du ciel, avec quel religieux effroi, quelle stupeur, quelle admiration ! Je vis, dit le Prophète, le Seigneur assis sur un trône élevé, et les séraphins étaient debout autour du trône : ils criaient l'un à l'autre et ils disaient : Saint, saint, saint est le Seigneur des armées : toute la terre est remplie de sa gloire. (Isai. VI, 1-3.) Entendez-vous avec quelle crainte, quel tremblement elles le nomment, au milieu des louanges et des hymnes de gloire? Et vous, dans vos prières et vos supplications, vous l'invoquez avec une déplorable indifférence, quand il faudrait trembler, veiller et être attentif ! Et dans vos serments, où il ne faudrait pas même prononcer ce nom admirable, vous accumulez jurements sur jurements. Comment implorer le pardon , quelle excuse invoquer ? Que vous sert de mettre toujours en avant l'habitude? On rapporte d'un orateur profane que, par suite d'une mauvaise habitude, il agitait sans cesse l'épaule droite en marchant. Il sut bien en triompher. Il suspendit de chaque côté, au-dessus de ses épaules, des glaives acérés, afin que la crainte d'une blessure servît à corriger le membre sujet à ces mouvements disgracieux. Faites de même pour votre langue : au lieu de glaive, faites-lui craindre les châtiments de Dieu et vous la dompterez entièrement. Il est impossible, absolument impossible, que vous soyez vaincus, si vous vous tenez sur vos gardes, si vous mettez de l'empressement à suivre ces conseils. Vous applaudissez maintenant à nos paroles. Mais une fois corrigés, vous nous louerez bien plus vivement encore et vous vous féliciterez vous-mêmes. Vous nous écouterez plus volontiers et vous invoquerez avec une conscience pure le Seigneur qui, pour soutenir votre faiblesse, va jusqu'à vous dire: Vous ne jurerez pas même par votre tête. (Matth. V, 36.) Et vous le méprisez au point de jurer par sa gloire ! Mais que faire, direz-vous, lorsqu'on nous met dans cette nécessité? Dans quelle nécessité, je vous prie? Que tous sachent bien que vous aimez mieux tout souffrir plutôt que de transgresser la loi de Dieu, et ils cesseront de vous imposer cette nécessité. Ce n'est point le serment qui rend digne de foi, mais le témoignage que fournit notre vie, l'intégrité de notre conduite et la considération que nous nous sommes acquise. Combien se sont épuisés à jurer sans persuader personne; combien d'autres, par un simple signe de tête, ont inspiré plus de confiance que ceux-là avec tous leurs serments ! Instruits de toutes ces vérités, plaçons sous nos regards les châtiments réservés aux serments téméraires et au parjure, et brisons avec cette coupable habitude. Ce sera comme un degré pour arriver à la pratique des autres vertus et pour mériter les biens futurs. Puissions-nous tous en être jugés dignes par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
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