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LIVRE DE JOB
Ce livre est appelé du nom de Job, parce qu'il contient l'histoire (le celui-ci, la manière dont il souffrit, étant tenté par le diable, la victoire qu'il remporta en supportant avec piété les plaies qui fondirent sur lui. Il reçut une récompense double et devint plus illustre qu'auparavant. Lorsqu'il endura ses souffrances, il était âgé de soixante-dix ans; il vécut ensuite cent soixante-dix autres années, en sorte que le chiffre des années de sa vie fut de deux cent quarante ans. Job vécut avant Moïse, car il était le cinquième descendant d'Abraham, étant issu d'Esaü. Les amis de Job vinrent pour le consoler à cause des souffrances qu'il endurait, mais ils le firent avec si peu de miséricorde et avec un zèle si amer que leurs discours leur furent imputés à péché. Job pria Dieu pour eux et il leur fut pardonné. Les discours de Job à ses amis sont au nombre de huit, ceux d'Eliphaz à Job au nombre de trois, ceux de Sophar au nombre de deux, ceux de Baldad au nombre de trois. Il y a aussi un discours d'Eliu, fils de Barachel, de Buz. Enfin, le Seigneur parle à Job du milieu du tourbillon et de la nuée. Il répond au Seigneur et lui adresse deux fois la parole, et ainsi se termine ce livre. Le but de tout ce livre est d'exhorter à la patience. ceux sur qui fondent les calamités, ce qui arrive même à ceux qui donnent les plus grandes marques de leur piété, de telle sorte qu'ils ne soient point scandalisés, mais qu'ils s'écrient: « Le Seigneur a donné, le Seigneur a enlevé; il a été fait ainsi qu'il a plu au Seigneur; que son nom soit béni dans les siècles des siècles (Job, I, 21); » ou cette autre parole : « Je suis sorti nu du sein de ma mère et je retournerai nu dans la terre (Ibid.), » et qu'ainsi ils apprennent quelle est lutilité de la patience puisqu'ils en recevront la récompense comme Job. Il s'agit aussi de montrer que Dieu n'est pas l'auteur de nos maux et qu'il ne tente personne, mais que, Dieu le permettant ainsi, les tentations viennent aux hommes par l'intermédiaire du démon pour l'épreuve et la perfection de chacun. On croit que Salomon a écrit ce livre, à moins que Moïse lui-même n'en soit l'auteur. Nous venons de dire le contenu de ce livre; en voici le résumé selon l'ordre des chapitres. Il est dit au commencement que Job habitait la terre de Hus. Ensuite, l'Écriture rend témoignage à sa vie pure, raconte qu'il eut sept fils et six filles (1) et parle du nombre de ses troupeaux. Ses fils, se réunissant tous les jours, faisaient des festins avec leurs trois soeurs, et Job envoyait pour sanctifier ses fils, offrant pour eux un sacrifice au Seigneur. Dieu, s'adressant à Satan, rend un premier témoignage à Job. Première réponse pleine d'envie de Satan à Dieu, concernant Job. Dieu donne puissance au diable sur tout ce qui appartient à Job , mais non sur Job lui-même. D'abord, Satan fait annoncer à Job que ses chevaux et ses ânes ont été pris, que ses serviteurs ont été battus. Un deuxième envoyé vient dire à Job : Vos troupeaux ont été consumés par le feu du ciel et les pasteurs avec eux. Un troisième envoyé annonce à Job qu'on a emmené ses chameaux et que ses serviteurs ont été tailles en pièces. Un quatrième lui annonce que la maison a été renversée et que tous ses enfants sont morts. Au milieu de toutes ces calamités, Job ne pécha point devant le Seigneur. Deuxième témoignage de Dieu parlant a Satan et faisant l'éloge de Job. Deuxième réponse pleine d'envie faite par Satan au Seigneur concernant Job. Le Seigneur livre Job, en faisant la réserve de sa vie. Le diable s'en allant le frappe depuis les pieds jusqu'à la tète et, assis sur son fumier, Job ramasse le pus de ses plaies. Sa femme lui dit de maudire le Seigneur et de mourir; il la réprimande. Trois amis de Job, Eliphaz, roi des Thémadites, Baldad, roi des Sauchées, Sophar, roi des Ménées, apprirent tout ce qui lui était arrivé. Ils partirent chacun de leur contrée pour lui faire visite, et l'ayant considéré, ils déchirèrent leurs vêtements à la vue d'un si grand malheur. Job le premier ouvrit la bouche et il maudit le jour et la nuit dans lesquels il fut mis au monde. Là est cette parole :
1. Le texte grec dit six filles, mais la Vulgate dit trois. A la phrase suivante, le texte grec ne parle plus en effet que de trois.
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« Comme le serviteur craint son maître, ainsi la lumière a été donnée à ceux qui vivent dans l'amertume, qui désirent le trépas et ne l'obtiennent pas (Job, III, 19.) Car la mort est un repos pour l'homme. » Eliphaz, le premier, répondant à Job, dit : « Cherche dans ta mémoire quel est l'innocent qui a péri, quels sont ceux qui gardent la vérité et qui ont été perdus sans ressource. La férocité du dragon s'est éteinte; le fourmilion a péri parce qu'il n'avait point de nourriture; les jeunes lionceaux se sont séparés fun de l'autre. Il n'y a point de créature vivante qui soit pure devant le Seigneur, ni d'homme qui puisse être justifié par ses oeuvres.» (Job, iv, 7, 11, 17.) « Les insensés, » dit-il, « prennent racine, mais leur nourriture est aussitôt dévorée, car ce qu'ils ont recueilli devient la nourriture du juste (V, 3.) L'homme, » dit-il, « est né pour le travail, mais les petits des vautours gagnent les régions élevées de l'air. Dieu confond la sagesse des sages, et il dissipe les projets des habiles. Mais le Seigneur arrache du danger linnocent et la septième tribulation ne l'atteint pas, » c'est-à-dire : aucune tribulation ne l'atteint. « Examine-toi donc pour savoir en quoi tu as péché. » (Ibid. VII, 13, 19, 1-17.) Première réponse de Job à Eliphaz : « Si quelqu'un pesait pareillement dans la balance la colère qui me frappe et mes douleurs, le poids de ma souffrance surpassera celui du sable de la mer. » (VI, 2, 3.) Et plus loin : « L'âne sauvage ne crie pas en vain, mais seulement lorsqu'il cherche sa nourriture. Le boeuf ne fait pas entendre ses mugissements lorsque le foin est dans la crèche. Ma force n'est pas celle des pierres, mes chairs ne sont pas de l'airain. » (Ibid. V, 12.) Et encore : « La vie de l'homme sur la terre est un combat ; elle ressemble au travail quotidien du mercenaire. » Et encore: « Si j'ai péché, que puis-je faire? » Et encore: « Vous qui connaissez l'esprit de l'homme pourquoi m'avez-vous établi votre contradicteur? » (VII, 1, 20.) Après Eliphaz, Baldad, le Sauchéot, s'adresse à Job : « Jusqu'à quand parleras-tu ? Un esprit abondant en paroles est sur les lèvres. Est-ce que Dieu sera injuste lorsqu'il juge ? ou Celui qui a fait toutes choses ne rendra-t-il pas la justice ? »(VIII 2 , 3.) Et encore ! « De même que le papyrus ne pousse point sans l'eau, et que l'herbe des prés est flétrie sans arrosage, en sorte qu'elle tient encore à la racine et ne sera point moissonnée, parce que avant d'être coupée elle est desséchée, ainsi sera la fin dernière de tous ceux qui oublient Dieu. » (II, 13.) Première réplique de Job à Baldad : « Je sais en vérité qu'il en est ainsi ; car, comment l'homme sera-t-il juste devant Dieu ? » (IX, 2.) Et encore : « Lui seul a étendu le ciel et il marche sur la mer comme sur un sol affermi; ses mains ont fait la pléiade et l'étoile du soir. (VIII, 9.) Qui résistera au jugement de Dieu? Si je suis juste, ma bouche peut-être sera impie, et, si je n'ai point commis de faute, je ne m'en retournerai pas innocent. » (XIX, 20.) Et de nouveau : « Ma vie est plus rapide que la marche d'un coureur. Reste-t-il un vestige de la marche du navire ou du vol de l'aigle qui cherche sa proie? » (XXV, 26.) Souvenez-vous que vous m'avez fait de terre et que de nouveau je retournerai en terre. Vous avez répandu comme le lait ma substance, et le reste. Je serais comme si je n'eusse point été. Pourquoi du sein de ma mère n'ai-je pas été porté dans la tombe ? » (X, 9, 10, 19.) Après Eliphaz, Baldad avait pris la parole; après Baldad, le Ménéen, vient à son tour suivant l'ordre dans lequel chacun espère l'emporter par ses discours sur Job. « Celui qui a parlé beaucoup écoutera aussi. » Et ensuite : « Ton visage brillera comme l'onde limpide. Dépouille-toi de les souillures et tu ne craindras point , et tu oublieras tes souffrances comme le flot qui s'est évanoui. Ta prière sera pareille à l'étoile du matin. » (XI, 2, 15, 17.) Première réponse de Job à Sophar : « Vous êtes donc les seuls hommes et la sagesse mourra avec vous? J'ai cependant un coeur comme le vôtre. » (XII, 2, 3.) Et ensuite: « Qui ignore que tout a été fait par la main du Seigneur, lui qui a dans sa main l'âme de tous les êtres vivants et l'esprit de tous les hommes. S'il relient les eaux, tout se dessèche , » dit-il, « et s'il les envoie, elles ravagent la terre. » (Ibid. XIX, 10, 15.) Et de nouveau: « Qui sera pur de. toute souillure ? Personne de ceux qui auront vécu même un jour sur la terre. » Et encore : « L'arbre n'est pas sans espérance. Lorsqu'on l'a (560) coupé, il peut reverdir, et le rejeton ne manquera point. L'homme s'en va lorsqu'il est mort, et le mortel qui tombe n'est plus. » (XIV, 4, 5, 7, 10.) Tout recommence une seconde fois. Eliphaz s'adresse à Job: « Le sage donnera-t-il pour réponse des paroles qu'emporte le vent? Je te convaincrai par ta bouche et non par mes a paroles. Quel est celui qui est homme et demeure irréprochable? Quel est celui qui est juste, étant né de la femme? » (XV, 2, 6, 14.) Seconde réponse de Job à Eliphaz : « J'ai entendu souvent ces paroles; toutes vos consolations sont mauvaises. Mon témoin est dans le ciel et Celui qui voit ma conscience demeure dans les lieux élevés. Qu'il y ait un juge entre l'homme et Dieu. » (XVI, 2, 20, 22.) Et aussi : « Mon jour a été changé en une nuit profonde. J'attends que le tombeau soit ma demeure. J'ai appelé le trépas mon père; j'ai appelé la poussière ma mère et ma soeur.» (XVII, 12, 14.) Baldad, le second, reprend et s'adresse à Job: « Jusques à quand parleras-tu? Si tu meurs, l'espace qui s'étend sous le ciel sera-t-il inhabitable ? » (XVIII, 2, 4.) Job répond, pour la seconde fois, à Baldad « Jusques à quand affligerez-vous mon âme et me poursuivrez-vous de vos discours ? Vous parlez contre moi sans éprouver de honte. » (XIX, 2, 3.) Et ensuite: « Il m'a dépouillé de ma gloire et il a ôté la couronne de ma tête; il a déraciné mes espérances comme un arbre que l'on arrache. » Et encore : « Mes frères se sont éloignés de moi ; ils ont reconnu des étrangers plutôt que moi ; mes amis n'ont pas eu de pitié pour moi; j'ai appelé mon serviteur, et il ne m'a point écouté; j'ai adressé mes prières à ma femme et elle n'y a point eu d'égard ; j'ai invoqué les fils de mes concubines et ils m'ont repoussé. Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous qui êtes mes amis. Pourquoi me persécutez-vous , comme Dieu lui-même? Qui me donnera que nies paroles soient écrites ? Toutes ces choses ont été accomplies en moi par le Seigneur. Mon oeil le voit et non un autre. Nous trouverons en lui la racine de nos discours. Prenez garde à l'abri derrière lequel vous vous retranchez (1). » (XIX, 9 et suiv.) Sophar de nouveau s'adresse à Job: « Je ne
1. Saint Chrysostome, qui résume rapidement, semble attribuer à Job une parole que celui-ci met dans la bouche de ses adversaires Quare dicitis: Radicem verbi inveniamus contra eum ?
pensais pas que tu voulusses répliquer ainsi. La joie des impies tombe en ruines ; lallégresse des pervers périra. Lorsqu'il paraît affermi, l'impie est près de sa fin. » Et encore : « Ses os sont remplis des vices de sa jeunesse. Si sa malice devient douce dans la bouche, il la cachera sous sa langue. Comme le fiel de l'aspic, qui remplit son ventre, ainsi les richesses amassées injustement seront vomies par celui qui les possède. En vain et inutilement il travaille, amassant des richesses dont il ne jouira pas. » Et encore « Il a renversé la maison d'un grand nombre de ceux qui ne pouvaient résister. Que l'arc d'airain le blesse; que le trait lancé traverse sa bouche (1). Les astres parcourront la place de ses tentes. Car tel est le partage de l'homme impie devant le Seigneur. » (XX, 2 et suiv.). Deuxième réponse de Job à Sophar : «Ecoutez, écoutez mes paroles, et que ma consolation ne vienne pas de vous. Car, est-ce donc avec l'homme que je dois lutter par mes dis« cours ? Pourquoi les impies vivent-ils et vieillissent-ils dans la richesse et dans la prospérité ? La femme qui enfante parmi eux échappe au péril. » Là est cette parole: « L'impie dit au Seigneur: Retirez-vous de moi, je ne veux pas connaître vos voies. Quel est le Tout-Puissant pour que nous le servions? Est-ce que ce n'est pas le Seigneur qui donne la science et l'intelligence? Lui« même juge les oeuvres, et c'est pourquoi je sais que vous insistez contre moi avec au« dace. » Et aussi : « Où est la demeure des princes? Au jour de la perdition, le méchant disparaît, et après lui tout homme qui marche dans sa voie. » (XXI, 2 et suiv.) Pour la troisième fois, Eliphaz insiste : « N'est-ce pas le Seigneur qui donne la science et l'intelligence ? Qu'importe-t-il à Dieu que tu sois irréprochable dans tes oeuvres? » En cet endroit, Eliphaz dit à Job: « Tu as renvoyé les veuves sans les assister, tu as opprimé les orphelins, et tu as dit: Le Tout-Puissant le sait-il? Les impies disent : Que nous fera le Seigneur et quel châtiment le Tout-Puissant enverra-t-il sur nous ? » Là est cette parole: « Le Seigneur te purifiera comme l'argent éprouvé par le feu. Regarde le ciel en te réjouissant. Lorsque tu auras prié, il
1 Dans la traduction latine : traverse son corps, en lisant: somatos et non stomatos
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t'exaucera et tu garderas la pureté de tes mains. » (XXII, 2 et suiv.) Troisième réponse de Job à Eliphaz : « Mes mains ont fait l'aumône, et sa main s'est appesantie sur ma douleur. Les ténèbres m'ont environné de toutes parts. » (XXIII, 2, 17.) Les impies n'ont point connu de bornes; ils ont contraint un grand nombre à dormir dépouilles de leurs vêtements. Pour eux, les plantes sortiront desséchées de la terre, car ils se sont emparés des biens de l'orphelin. » (XXIV, 2 et suiv.) Baldad insiste pour la troisième fois : « Celui qui a fait toutes choses. réside au plus haut des cieux. Que nul ne pense qu'il y a des délais pour les brigands de la mer. Comment l'homme sera-t-il juste devant le Seigneur, puisque l'homme n'est que poussière et le fils de l'homme un vermisseau?» (XXVI, 2 et suiv.). Troisième réponse de Job à Baldad : « A qui viendras-tu en aide ou qui suivras-tu? N'est-ce pas Celui qui est le plus puissant? L'enfer n'a point de voiles devant lui. Il a suspendu la terre dans le vide ; il a enchaîné l'eau dans les nuages. D'un mot il a mis à mort le dragon rebelle. » (XXVI, 2 et suiv.) Sophar renonce à rien ajouter pour la troisième fois et les deux autres gardent le silence, n'ayant rien à dire, puisque Job soutient qu'il est juste, et celui-ci commence un nouveau discours sur le même sujet, ses amis l'écoutant et en tirant profit. « Le Seigneur est vivant, dit-il, lui qui m'a jugé, et c'est le Tout-Puissant qui a rempli mon âme d'amertume. Tant qu'un souffle de vie restera en moi et que l'Esprit divin sera dans mes narines, mes lèvres ne proféreront rien d'injuste. Je vous apprendrai ce qui repose entre les mains du Seigneur. Vous-mêmes savez que vous ajoutez les choses vaines aux,choses vaines. Le parcage de l'homme impie sera celui-ci devant le Seigneur : ses fils, quelque nombreux qu'ils soient, seront réservés au glaive et nul n'aura compassion de leurs veuves. (XXVII, 2 et suiv.) Si l'impie ramasse l'argent comme la terre, sait-il quel est le lieu où il se forme? quel est l'endroit où l'or est distillé ? Le fer vient de la terre et l'airain est taillé comme la pierre. Mon oeil, dit-il, a vu tout ce qui est précieux. Mais où se trouve la sagesse? L'abîme dit : elle n'est pas en moi ; et la mer répond : elle n'est pas avec moi. Appelle la sagesse au-dessus de toutes les choses les plus chères. La topaze de l'Ethiopie ne peut lui être comparée ; l'or le plus pur ne peut lui être assimilé. Le Seigneur lui-même dirige ses voies. Il voit tout ce qui est sous le ciel, il connaît les choses qui sont sur la terre, le séjour des vents et la mesure des eaux. Il dit à l'homme : voici que le culte de Dieu est la sagesse. » (XXVII, 16; XXVIII, 2 et suiv.) Les trois amis de Job continuant de se taire; il ajoute : « Qui me donnera de revoir le temps de mes premiers jours, dans lesquels le Seigneur était mon gardien, lorsque son flambeau brillait sur ma tête, lorsque je m'avançais le matin dans la cité et que mon siège était disposé sur la place publique. J'ai sauvé le pauvre de la main des puissants. La bénédiction de ceux qui périssaient est venue sur moi. J'étais l'il de l'aveugle, le pied du boiteux, le protecteur de ceux qui avaient besoin d'aide. J'ai brisé la mâchoire des hommes injustes, et j'ai enlevé leurs rapines qu'ils retenaient avec les dents. Comme la terre aride reçoit la pluie, ainsi ils écoutaient mes discours. J'étais comme un roi au milieu de ses guerriers. (XX, 2 et suiv.) Les fils des insensés, ceux dont le nom est sans honneur ont fait de moi un amusement et un objet de dérision. Ils ne m'ont pas épargné et m'ont craché à la face. Ils m'ont traité comme la fange; ma portion a été la poussière et la cendre. Vous m'avez frappé, Seigneur, d'une main puissante ; je suis devenu le frère des dragons (1), l'égal des oiseaux de nuit. (XXX, 8 et suiv.) Si mon coeur a suivi la femme d'un autre, que ma femme aussi plaise à mon prochain. Car, c'est une ardeur indomptable qui porte l'homme à souiller la femme du prochain. Si j'ai méprisé celui qui périssait dans sa nudité, si je ne l'ai point couvert, si ses épaules n'ont point été réchauffées par la toison de mes troupeaux, que mon épaule soit séparée de l'os auquel elle est attachée. Si je me suis réjoui de la ruine de mes ennemis et si mon tueur a dit : c'est bien, que mon oreille entende la malédiction qui retombe sur moi. Si je n'ai pas rendu à mon débiteur son obligation sans en rien retenir, si la terre gémit contre moi, qu'elle me rende au lieu du blé l'ortie.» (XXXI, 9 et suiv.)
1. Seirenon dans le grec. La Vulgate dit : frater draconum. (XXX, 29.)
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Eliu, fils de Barachiel, fils de Buz, s'irrita contre Job parce qu'il se disait juste devant le Seigneur. C'est pourquoi, le fils de Barachiel, le Buzite, dit: « Je suis le moins avancé en âge, et c'est pourquoi j'ai craint de déployer devant vous ma science. » (XXXII, 2, 6. ) Eliu se levant avec impudence parle ainsi contre Job, tandis que les trois autres se taisent: « Je parlerai de nouveau, car les paroles se pressent sur mes lèvres. » (Ibid. XVII.) Eliu dit à Job: « C'est l'Esprit de Dieu qui m'a fait, c'est le souffle du Tout-Puissant qui m'enseigne. Si tu le «peux, réponds-moi. Que Dieu détourne l'homme de l'iniquité. Il épargne son âme en le gardant de la mort et l'empêchant de tomber durant la guerre. Il le reprend en lui envoyant la maladie qui l'étend sur sa couche. Il renouvelle son corps comme l'enduit appliqué sur la muraille et il remplit ses os de leur moelle. C'est pourquoi, l'homme s'accusera lui-même en disant qu'ai-je fait ? il ne m'a pas puni selon la grandeur de mes péchés. » Eliu dit encore à Job: « Ouvre l'oreille, Job, et écoute-moi; demeure en silence et je parlerai. Si tu as des paroles à ajouter, réponds-moi, car je veux que tu sois juge de la justice de mes discours. » (XXXIII, 4 et suiv. ) Poursuivant encore, Eliu dit pour la troisième fois: « Sages, écoutez-moi: il est bon que ceux qui ont la science ouvrent l'oreille , car l'oreille juge les discours. » Eliu dit encore : « Quel homme est semblable à Job, qui avale la dérision comme l'eau, qui n'a point péché, qui n'a point agi sans piété? Que ce ne suit pas moi qui renverse la justice devant le Tout-Puissant. Mais il rend à chacun des hommes selon a ses oeuvres. Celui-là est impie qui dit au roi: « Tu as agi avec iniquité ; et: il n'a pas redouté ma face lorsqu'il était en ma présence. Car, Dieu voit tout; il comprend ce qui n'a point de vestige, les choses merveilleuses et relevées, celles dont le nombre ne peut être compté. L'homme prudent entend mes paroles ; mais Job n'a point parlé avec sagesse. » (XXXIV, 2 et suiv.) Continuant une quatrième fois, Eliu parle contre Job: « Pourquoi as-tu jugé de la sorte dans tes jugements? qui es-tu pour dire : Je suis juste devant le Seigneur? » (XXXV, 2. ) Pour la cinquième fois, Eliu insiste dans ses discours et ni Job, ni ses amis ne l'accusent comme injuste. Il est manifeste par là que les trois amis ont changé de sentiment. Il dit à Job : « Supporte encore un instant mes discours, afin que je tinstruise ; car j'ai encore quelque chose à dire. » (XXXVI, 2.) Et Eliu s'exprime ainsi : « Ouvre tes oreilles pour mes paroles, ô Job. Reconnais la puissance du Seigneur. As-tu près de toi un scribe ou un livre? Les nuages dorés viennent-ils de l'aquilon ? » (XXXVII, 14 et suiv. ) Dieu se manifeste ; il juge Job et l'instruisant du mystère du Christ, il dit : « Quel est celui qui obscurcit mes conseils et qui renferme ses paroles dans son coeur? » Dialogue du Seigneur : « J'ai donné des portes à la mer pour la renfermer; je lui ai dit : tu viendras jusqu'ici et tu n'iras pas plus loin, mais tes flots se briseront sur eux-mêmes. » Discours du Seigneur: « As-tu pris la fange pour en former l'animal? Les portes de la mort s'ouvrent-elles devant toi par la craint ? Les portiers de l'enfer ont-ils tremblé en te voyant? » Et encore : « As-tu visité les trésors où s'amasse la neige? as-tu contemplé les trésors de la grêle? d'où vient le givre? « comment est préparé le cours de la pluie qui tombe avec force? » Et encore : « Quel est le père de la pluie? quel est le sein d'où la glace est sortie? qui a enfanté le brouillard dans le ciel et les gouttes de rosée sur la terre? appelleras-tu la nuée par tes paroles et t'obéira-t-elle en répondant par le bruit des grandes eaux? est-ce que si tu commandes à la foudre, elle s'élancera? qui a donné à la femme la science qui organise le corps? qui a préparé au corbeau sa proie ? car ses petits ont volé en croassant devant le Seigneur et cherchant leur nourriture. » (XXXVIII, 2 et s.) Et encore : « L'autruche a des ailes; elle laissera ses veufs dans la terre; Dieu n'a pas mis en elle la sagesse et cependant l'oiseau se rira du cavalier. » Et encore: « Est-ce par ta science que l'épervier se tient au haut des airs, tandis que le vautour s'assied et demeure sur son nid? » ( XXXIX,13 et s.) Le Seigneur parla de nouveau à Job : « Est-ce toi qui jugeras les jugements du Tout-Puissant? Celui qui argumente contre Dieu ne répondra-t-il point? » Job dit au Seigneur : « J'ai argumenté contre le Seigneur, je suis jugé et instruit par les paroles que je viens d'entendre. » (Ibid. 32.) Le Seigneur parla ensuite, une seconde fois, se manifestant au milieu de la nuée : « Ceins tes reins comme (563 un guerrier; je t'interrogerai et tu me répondras. » Discours du Seigneur : « Je confesserai que ton bras est puissant pour donner le salut. Voici que les autres animaux sauvages viennent se nourrir devant toi de l'herbe des champs comme les boeufs. Mais la force de Behemoth (1) est dans l'ombilic, il élève sa queue comme un cyprès, ses côtes sont d'airain, son épine dorsale est du fer fondu; il dort à l'ombre de toute espèce d'arbres. Tu conduiras Léviathan (2) avec un hameçon; tu placeras une muselière autour de ses narines,lorsque tous les navigateurs se réunissant ne pourraient emporter seulement la peau de sa queue. (XL, 2 et s.) Car il regarde le fer comme une paille, l'airain comme un bois pourri; un arc d'airain ne le blessera point. » (XLI, 18-19.)
1. Le texte ne nomme pas Behemoth , bien que rapportant les paroles de la Vulgate qui le concernent. 2. Le texte dit leonta et non Léviathan, mais en se reportant à la Vulgate on peut rétablir ce mot dans la traduction.
Job cesse alors de parler, après qu'il s'est écrié: «Je sais que vous pouvez tout et que rien ne vous est impossible. Qui donc pourrait vous cacher ce qu'il pense? Je me suis estimé comme cendre et poussière. » (XLII, 2, 3, 6.) Le Seigneur reprend Eliphaz, le Thémanite, parce qu'il a péché, et avec lui ses deux amis, parce qu'il n'a point parlé selon la vérité devant le Seigneur comme son serviteur Job. Alors, s'accomplit la purification des trois amis, par le ministère de Job, prêtre de Dieu. Il est dit comment le Seigneur glorifia Job, et, à la prière de celui-ci, intercédant pour ses amis, leur remit leur faute. Lorsque tous ceux qui étaient de la race de Job apprirent ces choses, ils vinrent le trouver; ils mangèrent et burent avec lui et, pleins d'admiration pour sa personne, ils lui donnèrent chacun un agneau et quatre drachmes d'or. Il est écrit qu'il ressuscitera avec ceux que ressuscitera le Seigneur. Dans ces choses est toute la substance et la force du livre de Job.
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