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SUR LES GLOIRES DE LA VIERGE MÈRE HOMÉLIES AU NOMBRE DE QUATRE SUR CES PABOLES DE L'ÉVANGILE: MISSUS EST ANGELUS GABRIEL.
AVERTISSEMENT SUR LES HOMÉLIES SUIVANTES,
SUR LES GLOIRES DE LA VIERGE MÈRE HOMÉLIES AU NOMBRE DE QUATRE SUR CES PABOLES DE L'ÉVANGILE: MISSUS EST ANGELUS GABRIEL.
AVERTISSEMENT SUR LES HOMÉLIES SUIVANTES,
Les quatre homélies suivantes sont un des premiers ouvrages de saint Bernard. Bien qu'elles soient appelées les homélies sur le Missus est, cependant dans la pensée de leur auteur, c'est-à-dire de saint Bernard même, elles devraient avoir pour titre: Homélies sur les gloires de la Vierge Marie. En effet, dans la préface suivante et dans sa lettre dix-huitième, à Pierre, cardinal diacre, il s'exprimé en ces termes : « J'ai composé, dit-il, quatre homélies sur les gloires de la Vierge Mère; tel est leur titre, etc. » Dans sa lettre quatre-vingt-neuvième à Oger, il dit: « Je vous envoie un autre petit ouvrage que je viens de terminer sur les gloires de la Vierge Mère. » On peut consulter au sujet de ces homélies le traité de saint Bernard ou sa lettre soixante-dix-septième à Hugues, chap. V, tom. II, où il explique et justifie une pensée qu'il a émise dans la première de ces homélies.
PRÉFACE.
Je voudrais écrire quelque chose, mais mes occupations y mettent obstacle. Néanmoins, comme le mauvais état de ma santé ne me permet pas en ce moment de me réunir à mes frères, je veux mettre à profit le peu de loisirs qu'il m'est possible de me procurer en prenant un. peu sur mes nuits. Je vais donc essayer, comme j'en éprouve depuis longtemps le désir, d'écrire quelque chose sur les gloires de LA VIERGE MÈRE, à l'occasion du passage de l'Evangile où saint Luc nous rapporte l'histoire de l'Annonciation de Notre Seigneur. Bien que je ne sois point porté à entreprendre cet ouvrage par la pensée que mes frères, dont je dois avoir les progrès à coeur, en aient besoin ou puissent en tirer quelque avantage, pourtant puisque je puis m'y livrer, et, par ce moyen, me préparer même à pouvoir satisfaire d'une manière moins imparfaite à leurs besoins, je ne crois pas faire quelque chose qui leur déplaise si je cède à mon propre attrait.
PREMIÈRE HOMÉLIE. « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une vierge gui avait épousé un homme nominé Joseph, et celle vierge s'appelait Marie. »
1. Dans quelle pensée l'Évangéliste a-t-il affecté d'entrer, en cet endroit, dans un tel détail de noms propres ? Sans doute c'est parce qu'il veut que nous prêtions à son récit une attention égale au soin qu'il apporte lui-même à le faire. En effet, il nous fait connaître, par leurs propres noms, le messager qui est envoyé, le Seigneur qui l'envoie, la Vierge à qui il est envoyé et le fiancé de cette vierge, dont il va jusqu'à nous dire la famille, la ville et le pays. Pourquoi cela ? A-t-il agi ainsi sans motif ? Gardons-nous de le croire. Car s'il est vrai qu'il ne tombe pas une feuille d'un arbre, pas un passereau du ciel sans la permission de notre Père qui est dans les Cieux (Matth., X) ; je ne puis croire qu'il soit tombé une seule parole inutile de la bouche d'un évangéliste, surtout dans le récit de la sainte histoire du Verbe. Non je ne puis le croire. Tous ces détails sont remplis de mystères divins et débordent d'une céleste douceur, s'ils trouvent un auditeur diligent qui sache sucer le miel qui coule du rocher, et goûter l'huile excellente qu'on recueille dans les endroits pierreux. En effet, la douceur du miel dégoûta des montagnes et le lait ruissela des collines (Joel, III, 18), le jour où les Cieux laissant tomber leur rosée et les nuées faisant descendre le Juste comme une pluie bienfaisante, la terre ouvrit joyeusement son sein et germa son Sauveur (Isa.. XLV, 8), alors que le Seigneur répandit sa bénédiction sur nous et que notre terre porta son fruit (Psalm., LXXXV, 13), que la miséricorde et la vérité se rencontrèrent sur nue montagne grasse et fertile, et que la justice et la paix se sont donné un baiser (Psalm., LXXXIV, 11). A la même époque, de l'un de ces monts fameux entre tous, (je veux parler de notre saint Évangéliste,) en même temps que dans un récit doux comme le miel il nous raconte le commencement tant désiré de notre salut, comme au souffle du vent du midi, et sous les rayons directs du Soleil de justice, se sont élevées vers nous des senteurs spirituelles. Que Dieu maintenant envoie son Verbe pour les faire fondre devant nous; qu'il fasse souffler son esprit, pour nous faire comprendre le sens des paroles évangéliques et pour les rendre à nos coeurs plus désirables que l'or et que les pierres précieuses, plus douces que le miel dans ses rayons. 2. Il dit donc: « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. » Je ne pense pas qu'il soit ici question d'un de ces anges de moindre dignité qui viennent souvent sur la terre y remplir des missions ordinaires; en effet, ce n'est pas ce que signifie son nom, qui veut dire la force de Dieu, d'ailleurs il ne vient pas, comme c'est l'habitude, sur l'ordre d'un esprit plus grand que lui, mais il est envoyé de Dieu même. Voilà, sans doute, pourquoi il est dit qu'il fut envoyé « de Dieu; » mais l'Évangéliste se sert peut-être aussi de ces paroles « envoyé de Dieu, » pour que nous ne croyions pas que Dieu, avant de communiquer son dessein à la Vierge, en fit part à d'autre esprit bienheureux que l'archange Gabriel qui fut seul trouvé digne parmi le reste des anges d'une telle grandeur, du nom qu'il a reçu et de la mission qui lui fut confiée. D'ailleurs, le nom qu'il a n'est point sans rapport avec le message dont il est chargé. En effet, à quel ange convenait-il mieux d'annoncer la venue du Christ qui est la vertu de Dieu, qu'à celui qui a l'honneur de s'appeler la force de Dieu ? Car qu'est-ce que la force, sinon la vertu. Mais n'allez pas croire qu'il n'était ni bien, ni convenable que le maître et l'envoyé portassent le même nom, car s'ils s'appellent de même, ce n'est pas pour la même raison. En effet, si le Christ et l'ange Gabriel sont également nommés la force ou la vertu de Dieu, c'est en un sens bien différent l'un de l'autre. En effet, ce n'est que nuncupativement que l'Ange est appelé la force de Dieu, tandis que c'est substantivement que le Christ est nommé « la vertu de Dieu (I Corinth., I, 24), » il l'est effectivement; car c'est lui que désigne ce plus fort armé de l'Evangile qui survient et qui, de son bras puissant, terrasse le premier fort armé qui, jusque là, avait gardé sa maison en paix, et lui enlève ainsi toutes les richesses qu'il y avait amassées. Quant à l'Ange, s'il est appelé la force de Dieu c'est, ou parce qu'il a pour office d'annoncer la venue de cette force elle-même, ou bien parce qu'il devait rassurer une vierge naturellement timide, simple et pudique, que la nouvelle du miracle qui devait s'accomplir par elle allait troubler. En effet, il lui dit : « Ne craignez rien, ô Marie, car vous avez trouvé grâce auprès de Dieu. » Il y a même lieu de croire qu'il eut aussi à donner des forces et du courage au fiancé de cette vierge, homme d'une conscience humble et timorée, quoique notre Évangéliste ne le dise point alors. En effet, c'est lui qui lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie pour épouse. » C'est donc un choix plein d'à-propos qui désigna Gabriel pour l'uvre qu'il eut à remplir, ou plutôt c'est parce qu'il l'eut à remplir qu'il fut appelé Gabriel. 3. Ainsi l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Mais où fut-il envoyé? « Dans une ville de Galilée appelée Nazareth (Luc, I, 26.) »Voyons, comme dit Nathanaël « S'il peut sortir quelque chose de bon de Nazareth » (Joan., 1, 45). Nazareth veut dire fleur. Il me semble qu'on peut retrouver comme les germes de la pensée de Dieu, tombés en quelque sorte du ciel sur la terre, dans les paroles adressées d'en haut aux patriarches Abraham, Israe et Jacob et dans les promesses qui leur furent faites; c'est, en effet, de ces germes précieux qu'il est écrit: « Si le Seigneur, Dieu des armées ne nous avait point laissé un germe, nous serions comme Sodome, et nous ressemblerions à Gomorrhe (Isa, I, 9). » Or ce germe a fleuri dans les merveilles qui ont paru quand Israël est sorti d'Égypte, dans les figures et les emblèmes de son voyage à travers le désert, plus tard dans les visions et les prédications des prophètes, et dans l'établissement du royaume et du sacerdoce jus, qu'au Christ qu'on peut à bon droit regarder comme le fruit de ce germe et de ces fleurs, selon cette parole de David: « Le Seigneur répandra sa bénédiction sur nous et notre terre portera son fruit (Psalm., LXXXIV, 13), » et cette autre : « J'établirai sur votre trône le fruit de votre ventre (Psalm., CXXXI, 11). » Le Christ doit donc naître à Nazareth, selon la parole de l'Ange, parce qu'à la fleur on espère voir succéder le fruit : mais quand le fruit grossit la fleur tombe; ainsi lorsque la vérité apparaît dans la chair, les figures passent : voilà pourquoi à Nazareth se trouve ajouté le mot Galilée, c'est-à-dire émigration. En effet, à la naissance du Christ, tout ce dont j'ai parlé plus haut et dont l'Apôtre disait: « Toutes ces choses leur arrivaient en figures (I Corinth., X, 11), » était passé. Et nous qui maintenant jouissons du fruit, nous voyons bien que la fleur a en effet passé et il était prévu qu'elle passerait un jour, alors même qu'elle était pleinement épanouie , c'est ce qui faisait dire à David : « Elle est au matie, comme l'herbe qui doit passer, elle s'épanouit le matin et passe durant la journée, le soir elle se flétrit, tombe et se dessèche (Psalm., LXXXIX, 6.) » Or par le soir, il faut entendre la plénitude des temps, alors que Dieu envoya son Fils unique formé d'uns femme et assujetti à la loi, en disant : « Voici que je fais des choses nouvelles (Apoc., XXI, 5). » Les choses anciennes ont passé et disparu, de même que les fleurs tombent et se dessèchent quand le fruit commence à prendre de l'accroissement. Aussi est-il dit dans un autre endroit: « L'herbe se dessèche et la fleur tombe ; mais la vertu de Dieu demeure éternellement (Isa., XL, 8.) » Je crois qu'on ne peut douter que le fruit soit ce Verbe de Dieu; car le Verbe est le Christ même. 4. Ainsi le bon fruit c'est le Christ qui demeure éternellement. mais où est l'herbe qui se dessèche, où est la fleur qui tombe ? Le Prophète va nous répondre : « Toute chair n'est que de l'herbe et toute sa gloire est comme la fleur des champs (Isa., XL, 6).» Si tonte chair n'est due de l'herbe, il s'ensuit que le peuple charnel des Juifs a dû se dessécher comme la fleur des champs. N'en est-il pas en effet ainsi? N'est-il pas privé de toute la graisse de l'esprit, maintenant qu'il s'en tient à la sécheresse de la lettre? Et sa fleur n'est-elle point tombée, quand a disparu la gloire qu'il trouvait dans sa Loi? Si elle n'est point tombée où donc sont ce royaume, ce sacerdoce, ces prophètes, ce temple et toutes ces merveilles enfin dont il aimait à se glorifier en disant: «Quelles grandes choses nous avons entendues et connues et que nos Pères nous ont racontées (Psalm. LXXVII, 3)? » Et ailleurs : « Quelles merveilles n'a-t-il point ordonné à nos Pères de faire connaître à leurs enfants (Ibidem, 7) ? » Telles sont les réflexions que me suggèrent ces paroles : « A Nazareth, ville de Galilée. » 5. C'est donc dans la ville de Nazareth que l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu, mais à qui fut-il envoyé? « A une Vierge qui avait été fiancée à un homme nommé Joseph. » Quelle est cette Vierge si vénérable quelle mérite d'être saluée par un ange? et si humble qu'elle ait un artisan pour époux? Quelle belle alliance que celle de l'humilité avec la virginité. L'âme, où l'humilité fait valoir la virginité et dans laquelle la virginité jette un nouveau lustre sur l'humilité, plaît singulièrement à Dieu. Mais de quels respects ne vous semblera point digne celle en qui la fécondité exalte l'humilité, et la maternité consacre la virginité? Vous l'entendez, une vierge et une vierge humble; si donc vous ne pouvez imiter la virginité de cette humble vierge, imitez du moins son humilité. Sa virginité est digne de toutes louanges, mais l'humilité est bien plus nécessaire que la virginité; si l'une est conseillée, l'autre est prescrite, et si on vous invite à garder l'une, on vous fait un devoir de pratiquer l'autre. En parlant de la virginité, il est dit seulement : « Que ceux qui peuvent y atteindre, y atteignent (Matth., XIX, 12). » Mais pour ce qui est de l'humilité, voici en quels termes il en est parlé . « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Matth., XVIII, 3). » Ainsi l'une est l'objet d'une récompense et l'autre d'un précepte. On peut se sauver sans la virginité, on ne le saurait sans l'humilité. En un mot l'humilité qui gémit sur la perte de la virginité peut plaire encore à Dieu, mais sans l'humilité le dirai-je? la virginité même de Marie ne lui eût point été agréable. En effet, « sur qui jetterai-je les yeux, dit-il, sur qui mon esprit aimera-t-il à se reposer, sinon, sur l'homme humble et pacifique, (Isa., ult., 2) ? Sur l'homme humble, » dit-il, non pas sur celui qui est demeuré vierge; si donc Marie n'était point humble, le Saint-Esprit ne serait pas venu reposer sur elle. Or, s'il ne s'était point reposé sur elle, il ne l'aurait point rendue mère. Comment en effet aurait-elle pu concevoir de lui sans lui. Il est donc bien évident qu'elle n'a conçu du Saint-Esprit, comme elle le dit elle-même, que parce que « Dieu a regardé favorablement l'humilité de sa servante (Luc., I, 48), » plutôt que sa virginité. Elle lui plut sans doute parce qu'elle était vierge, mais elle ne conçut que parce qu'elle était humble, d'où je conclus sans hésiter que c'est à son humilité que sa virginité dut de plaire à Dieu. 6. Que dites-vous, vierge orgueilleuse ? Marie oublie sa virginité pour ne se glorifier que de son humilité, et vous, vous ne songez qu'à vous glorifier de votre virginité sans penser à l'humilité. « Le Seigneur, dit-elle, a regardé l'humilité de sa servante. » Qui est-ce qui parle ainsi? C'est une vierge sainte, sobre et dévote. Seriez-vous plus chaste et plus dévote qu'elle ne le fut? Ou bien pensez-vous que votre pureté est plus agréable à Dieu que ne le fut la chasteté de Marie, pour croire que vous pourrez par elle plaire à Dieu sans être humble, quand Marie ne le put point, toute pure qu'elle était. D'ailleurs, plus vous vous élevez haut par le don singulier de la chasteté, plus vous vous faites de tort en la souillant dans votre âme par le mélange de l'orgueil. Après tout, mieux vaudrait pour vous que vous n'eussiez point conservé la virginité que d'être vierge et de vous en enorgueillir. Certainement il n'est pas donné à tout le monde d'être vierge, mais il l'est encore à bien moins de personnes d'être vierges et humbles en même temps. Si donc vous ne vous sentez point capable d'imiter la sainte Vierge dans sa chasteté, imitez-là du moins dans son humilité, et il suffit. Mais si vous êtes en même temps vierge et humble, qui que vous soyez, vous êtes vraiment grand. 7. Mais il y a encore en Marie quelque chose de plus admirable, c'est la fécondité unie à la virginité. En effet, jamais, depuis que le monde est monde, on n'a entendu parler d'une vierge mère. Mais que sera-ce si vous faites attention à celui dont elle est la mère? A quel degré alors ne s'élèvera pas votre admiration? Ne vous semble-t-il pas même qu'elle ne saurait jamais être assez grande? Est-ce que, à votre avis, ou plutôt au jugement même de Dieu, la femme qui a eu Dieu même pour fils n'est point placée plus haut que les choeurs mêmes des anges? Or est-ce que ce n'est point Marie qui appelle sans hésiter le Seigneur et le Dieu des anges son fils, quand elle lui dit: « Mon fils, pourquoi en avez-vous agi ainsi avec nous (Luc, II, 48)? » Est-il un ange qui pût tenir ce langage? C'est déjà beaucoup pour eux et ils s'estiment bien heureux, étant des esprits par nature, d'avoir été faits et appelés anges, par un effet de la grâce de Dieu, selon ce que dit David: « Il a fait des esprits ses anges (Psalm. CIII, 4). » Marie, au contraire, se sentant mère, appelle avec confiance du nom de fils celui dont ils servent la majesté avec respect. Et Dieu ne répugne point. à s'entendre appeler par le nom de ce qu'il a daigné être, car un peu plus loin, l'Evangéliste fait remarquer que « il leur était soumis (Luc., II, 31). » Il ; qui, il? et à eux; à qui, à eux? Un Dieu soumis à des hommes, un Dieu, dis-je, à qui les anges mêmes sont soumis, les Principautés et les Puissances obéissent, soumis lui-même à Marie, non-seulement à Marie, mais aussi à Joseph à cause de Marie. De quelque côté que vous vous tourniez, vous avez également de quoi être frappé d'admiration; le seul embarras est de savoir ce qui mérite le plus que vous l'admiriez, de l'aimable condescendance du fils ou du suprême honneur de la mère. Des deux côtés, même motif de vous étonner, même merveille à admirer; d'un côté, qu'un Dieu soit soumis à une femme, c'est un exemple d'humilité sans précédent, et de l'autre, qu'une femme commande à un Dieu, c'est un honneur que nulle autre ne partage avec elle. Quand on chante les louanges des vierges, on dit qu'elles suivent l'Agneau partout où il va (Apoc., XIV, 4). Quelle n'est donc pas la gloire de celle qui même le précède? 8. O homme, apprends à obéir, terre et poussière apprends à plier et à te soumettre. En parlant de ton Créateur, l'Evangéliste dit: « Et il leur était soumis, » c'est-à-dire à Marie et à Joseph. Rougis donc, ô cendre orgueilleuse! Un Dieu s'abaisse et toi tu t'élèves! Un Dieu se soumet aux hommes, et toi, non content de dominer tes semblables, tu vas jusqu'à te préférer à ton Créateur? Ah! Pussé-je, si jamais je suis dans ces dispositions, avoir la grâce que Dieu lui-même me dise comme il le fit un jour, mais sur le ton du reproche, à son Apôtre: « Retirez-vous de moi, Satan, car vous ne goûtez point les choses de Dieu (Matth., XVI, 23. » En effet, toutes les fois que j'ambitionne de commander aux hommes, je veux m'élever au dessus de Dieu même, et il est vrai de dire alors que je ne goûte point les choses de Dieu, car c'est de lui qu'il est dit: Et il leur était soumis. » O homme, si tu ne trouves pas qu'il soit digne de toi de prendre modèle sur un de tes semblables, certainement il l'est de marcher du moins sur les pas de ton Créateur. Si tu ne peux le suivre partout où il va, daigne au moins le suivre partout oit il condescend à ta bassesse. C'est-à-dire si tu ne peux t'engager dans les sentiers élevés de la virginité, suis au moins Dieu dans les voies parfaitement sûres de l'humilité, dont les vierges mêmes ne peuvent s'écarter, à vrai dire, et continue de suivre l'Agneau partout où il va. Sans doute, celui qui a perdu son innocence, s'il est humble; l'orgueilleux s'il a conservé sa pureté, suivent l'Agneau; mais ils ne le suivent point partout où il va. En effet, le premier ne peut s'élever à la pureté de l'Agneau sans tache, et le second ne saurait descendre à la douceur de Celui qui a gardé le silence, non-seulement devant celui qui le dépouillait de sa toison, mais même sous la main de celui qui le mettait à mort. Toutefois, le pécheur a pris, pour marcher sur ses pas, en suivant les sentiers de l'humilité, un chemin plus sûr que l'homme qui, dans sa virginité, suit les voies de l'orgueil, car l'humilité de l'un le purifiera de ses souillures, tandis que l'orgueil de l'autre ne peut manquer de souiller sa pureté. 9. Mais heureuse est Marie, à qui ni l'humilité ni la virginité n'ont fait défaut. Et quelle virginité que celle que la fécondité a rendue plus éclatante au lieu de la flétrir. De même quelle incomparable fécondité que celle que la virginité et l'humilité accompagnent. Y a-t-il là quelque chose qui ne soit point admirable? (a) Qui ne soit point incomparable ? Qui ne soit point unique? Je serais bien surpris si vous n'étiez embarrassé pour décider en y réfléchissant lequel des deux est le plus étonnant de voir une vierge féconde ou une mère demeurant vierge ; et ce qu'on doit plus admirer de cette sublime fécondité ou de cette humilité dans une elle élévation; ou plutôt si vous ne préfériez sans hésiter toutes ces choses réunies, à chacune d'elles en particulier, et si vous ne regardiez comme incomparablement meilleur et préférable de les posséder toutes, que de ne posséder que l'une ou l'autre d'elles. Après tout je serais bien surpris si le Dieu que les saintes Lettres nous montrent et que nous voyons nous-mêmes admirable dans ses saints (Psalm., LXVII, 36), ne s'était pas surpassé dans sa mère. O vous qui êtes mariés, respectez la pureté dans une chair corruptible; mais vous, ô vierges sacrées, admirez la fécondité dans une Vierge : enfin nous tous ô hommes admirons l'humilité de la Mère de Dieu. Anges saints, honorez la Mère de votre Roi, vous qui adorez le Fils de notre Vierge, qui est en même temps notre roi et le vôtre, le réparateur de notre race et l'architecte de votre cité. A ce Dieu si humble parmi nous si grand au milieu de vous, rendons également les uns et les autres les hommages qui lui sont dus. Honneur et gloire soient rendus à sa grandeur, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
a A partir de ces mots, la fin de cette homélie et le commencement de la suivante jusqu'à ces mots : His nimirum, n. 2, manquent dans la plupart des anciens manuscrits, où les deux premières homélies se trouvent réunies en une seule, en sorte qu'eu ne compte dans ces manuscrits que trois homélies sur le Missus EST.
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