LETTRE CLXXXVIII
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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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LETTRE CLXXXVIII. (Année 418.)

 

Démétrias, l'illustre vierge, romaine dont les veaux sacrés furent un si grand événement, avait reçu de Pélage une lettre qui inquiétait saint Augustin; elle formait comme un livre. L'évêque d'Hippone crut devoir s'adresser à la mère de Démétrias, pour la mettre en garde , elle et sa fille,, contre l'erreur. Alype se trouvait alors à Hippone ; Julienne lui avait écrit en même temps qu'à saint Augustin et voilà pourquoi la lettre qu'on va lire porte les noms des deus saints amis.

 

ALYPE ET AUGUSTIN A LA VÉNÉRABLE DAME EN JÉSUS-CHRIST, A JULIENNE LEUR ILLUSTRE FILLE, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

 

1. Il a été doux et charmant pour nous que votre lettre nous ait trouvés tous les deux à Hippone; nous pouvons ainsi vous répondre ensemble. Nous nous réjouissons d'apprendre que votre santé soit bonne, et comme nous savons que vous prenez intérêt à la nôtre, nous vous apprendrons avec la même affection qu'elle est bonne aussi, vénérable dame en Jésus-Christ et illustre fille. Vous n'ignorez pas quel religieux attachement nous vous portons, et combien nous nous occupons de vous devant Dieu et devant les hommes. Nous ne vous avions d'abord connue que par lettres; c'est plus tard que nous vous avons vue pieuse et catholique, comme le sont les véritables membres du Christ. Vous avez même entendu, par notre ministère, la parole de Dieu, et comme dit l'Apôtre : « Vous ne l'avez pas reçue comme la parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme la parole de Dieu (1). » Par notre ministère, à l'aide de la grâce et de la miséricorde du Sauveur, la parole de Dieu a porté dans votre maison un si grand fruit, que la pieuse Démétrias a préféré à un mariage déjà tout prêt, l'embrassement spirituel de l'Epoux qui est le plus beau des enfants des hommes : les vierges qui s'unissent à lui obtiennent une fécondité spirituelle plus abondante, sans rien perdre de leur pureté corporelle. Nous n'aurions pas su comment cette fidèle et noble vierge avait reçu nos exhortations, si la nouvelle ne nous en était parvenue par le joyeux et véridique témoignage de vos lettres; nous apprîmes ainsi que, peu de temps après notre départ, Démétrias s'était engagée dans la vie religieuse. C'est une grâce ineffable de Dieu, qui plante

 

1. I  Thess. II, 13.

 

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et qui arrose par ses serviteurs, mais qui donne l'accroissement par lui-même.

2. Cela étant, personne né reprochera à notre affection et à notre pressante sollicitude de vous avertir qu'il faut prendre garde aux doctrines contraires à la grâce de Dieu. L'Apôtre nous ordonne d'annoncer la parole à temps et à contre-temps (1); mais nous ne vous mettons pas au nombre de ceux que nos discours ou nos écrits peuvent importuner, quand nous vous engageons à éviter soigneusement ce qui n'appartient point à la saine doctrine. Voilà pourquoi vous avez reçu avec tant de reconnaissance nos avis. « Je vous rends grâces, nous

dites-vous dans la lettre à laquelle nous répondons, je vous rends grâces de m'avertir si pieusement de ne pas prêter l'oreille à ces hommes qui corrompent la pureté de notre foi par la fausseté de leurs doctrines. »

3. Et vous ajoutez : « Vous saurez que moi et ma maison nous sommes bien éloignés de ces gens-là. Tel est l'attachement de toute notre famille à la foi catholique qu'elle ne s'est jamais égarée dans aucune hérésie et n'y est jamais tombée; je ne parle pas de ces hérésies qui peuvent à peine s'expier, mais j'entends même celles qui semblent ne renfermer que de petites erreurs. » Voilà ce qui nous pousse davantage à vous entretenir de ceux qui s'efforcent de corrompre ce qu'il y a de plus sain. Car nous ne comptons pas votre maison pour une petite église du Christ; et ce n'est pas une petite erreur que celle de ces hommes qui croient que nous avons de nous-mêmes ce qui peut se trouver en nous de justice, de modération, de piété, de chasteté, et que notre Créateur, après nous avoir révélé ce que nous devons faire, ne nous est d'aucun secours pour remplir avec amour les devoirs qu'il nous a prescrits; nos forces naturelles et la connaissance de nos devoirs, voilà, selon eux, à quoi se réduisent la grâce et le secours de Dieu pour bien vivre. Ils nient que nous ayons besoin de l'assistance divine pour avoir une bonne -volonté; c'est en elle pourtant qu'est le bien vivre, et la charité elle-même, si supérieure à tous les dons de Dieu, que Dieu s'est appelé de son nom (2); par la charité seule s'accomplit en nous ce que nous accomplissons de la loi et des commandements de Dieu; les novateurs prétendent que, pour tout cela, notre

 

1. I Tim. IV, 2. — 2. Jean, IV, 8.

 

libre arbitre nous suffit. Ne regardez pas comme une erreur légère de vouloir se dire chrétien et de ne pas vouloir entendre l'Apôtre qui, après avoir dit que « la charité de Dieu s'est répandue dans nos coeurs, » ajoute « par le Saint-Esprit qui nous a été donné (1) : » il parlait ainsi pour que nul ne prétendît avoir la charité par son libre arbitre. Vous voyez combien on se trompe gravement et pernicieusement en ne reconnaissant pas que c'est ici la grande grâce du Sauveur qui, montant au haut des cieux, a fait de la captivité elle-même une captive, et a distribué ses dons aux hommes (2).

4. Comment pourrions-nous donc nous en taire auprès de vous et ne pas vous recommander de vous tenir sur vos gardes, vous que nous devons tant aimer, après avoir lu un certain livre adressé à la pieuse Démétrias vous nous direz quel en est l'auteur et si le livre est arrivé jusqu'à vous (3). Qu'une vierge du Christ, si c'est permis, y lise que le trésor de sa virginité et toutes ses richesses spirituelles ne lui viennent que d'elle-même; qu'elle y apprenne (ce qu'à Dieu ne plaise !) à être ingrate envers le Seigneur, avant d'être arrivée à la plénitude de son bonheur. Voici ce qu'on trouve dans ce livre : « Vous avez donc quelque chose qui vous rend préférable aux autres; et c'est ici toute votre grandeur. La noblesse de la naissance et l'opulence ne viennent pas de vous, vous les avez reçues; quant à vos richesses spirituelles, vous ne les tenez de personne. C'est ici que vous méritez qu'on vous loue, c'est ici qu'on doit vous préférer aux autres, car ces trésors spirituels ne peuvent être que de vous et en vous. »

5. Vous reconnaissez tout ce qu'il y a de dangereux dans ces paroles. Il est très-vrai de dire: « Ces biens ne peuvent être qu'en vous;» c'est ici comme la nourriture : « ces biens ne peuvent venir que de vous; »voilà le poison. A Dieu ne plaise que ces paroles puissent charmer l'oreille d'une vierge du Christ qui comprend pieusement toute la pauvreté du coeur humain et qui, à cause de cela, ne sait se parer que des dons de son Epoux ! Qu'elle

 

1. Rom. V, 5. — 2. Ps. LXVII; Eph. IV, 7. — 3. Saint Augustin semble n'être pas sûr ici que le livre soit de Pélage, mais c'est pour obtenir de plus amples informations, car, à la fin de sa lettre, il laisse voir ce qu'il croit à cet égard. Plus tard, dans son livre de la Grâce de Jésus-Christ, l'évêque d'Hippone cite positivement Pélage comme auteur du Livre à Démétrias.

 

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écoute plutôt l'Apôtre lorsqu'il dit: « Je vous ai fiancée à cet unique Epoux pour vous présenter au Christ comme une vierge pure. Mais je crains que, comme Ève fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits de même ne se corrompent et ne déchoient de la chasteté qui est en Jésus-Christ (1). » Qu'une cierge n'écoute pas celui qui lui dit qu'elle ne tient de personne que d'elle-même ses richesses spirituelles, mais celui qui dit : « Nous portons ce trésor dans des vases de terre, afin que l'excellence de la vertu soit attribuée à Dieu et non point à nous (2). »

6. Quant à la sainte continence virginale, que Démétrias apprenne de ce véridique et pieux docteur qu'elle ne l'a pas d'elle-même, mais qu'elle est un don de Dieu, quoique ce don soit accordé à la foi et à la bonne volonté; « Je voudrais, dit l'Apôtre, que tous fussent nomme. moi ; mais chacun reçoit de Dieu un don qui lui est propre, l'un d'une manière, d'autre de l'autre (3). » Que la vierge écoute aussi celui qui est son époux et l'unique époux de toute l'Eglise, lorsqu'il dit en parlant de la chasteté: « Tous n'entendent pas cette parole, ornais ceux à qui il est donné (4). » Elle comprendra que si elle possède un bien si grand et si excellent, elle doit en rendre grâces à Dieu et à Notre-Seigneur plutôt que de prêter l'oreille aux fausses louanges qui le lui représentent comme venant d'elle-même : nous ne disons pas des flatteries de peur de paraître juger témérairement les secrètes pensées des hommes. Car « toute grâce excellente et tout don parfait; dit l'apôtre saint Jacques, vient d'en-haut et descend du Père des lumières (5). » Delà donc vient la sainte virginité par où votre fille l'emporte sur vous qui l'applaudissez et qui vous en réjouissez; elle est après vous par la naissance, avant vous par les oeuvres ; vous êtes sa mère, et, son rang est au-dessus du vôtre; elle vous suit par l'âge et vous devance par la sainteté : en elle commence pour vous ce qui n'a pas pu être en vous. En ne point se mariant, elle ne s'est pas seulement enrichie de biens spirituels, elle a aussi accru les vôtres. Vous vous dédommagez d'être moins qu'elle devant Dieu, par la pensée qu'il a fallu vous marier pour qu'elle naquit. Ces dons de Dieu sont à vous, mais ne viennent pas de vous : car vous portez ce trésor dans des corps

 

1. II Cor. XI, 2, 3. — 2. Ibid.               IV, 7. — 3. I Cor. VII, 7. — 4. Matth. III,11. — 5. Jacq. I, 17.

 

terrestres et comme dans des vases fragiles, afin que l'excellence de la vertu soit attribuée à Dieu et non pas à vous. Ne soyez pas étonnées que nous disions que ces dons soient à vous sans venir de vous; nous disons « notre « pain quotidien, » mais nous ajoutons : « donnez-nous (1), » de peur qu'on ne croie que nous l'ayons de nous-mêmes.

7. C'est pourquoi comme .il est écrit, « priez sans cesse, rendez grâces à Dieu en toutes choses (2), » vous priez pour persévérer et avancer ; vous rendez grâces parce que vous n'avez rien de vous-mêmes. Qui donc vous a séparées de cette masse de mort et de perdition condamnée depuis Adam? N'est-ce pas celui qui est venu chercher et sauver ce qui avait péri (3)? Lorsque l'homme entend l'Apôtre lui dire : « Qui te distingue? » doit-il répondre : ma bonne volonté, ma foi , ma justice, sans que ces paroles retentissent aussitôt à ses oreilles : « Qu'as-tu que tu n'aies reçu? Or, si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifier comme si tu ne l'avais pas reçu (4) ? » Nous ne voulons donc pas qu'une vierge sacrée, lorsqu'on lui dit ou qu'elle lit : « Vous ne tenez de personne vos richesses spirituelles; c'est en ceci que vous méritez d'être louée; c'est en ceci que vous devez être préférée aux autres parce que ces richesses-là ne peuvent être que de vous et en vous : » nous ne voulons pas, disons-nous, qu'elle s'en glorifie comme si elle n'avait pas tout reçu. Qu'elle dise : « Ce que je vous ai voué est en moi, ô mon Dieu ! je l'accomplirai à votre louange (5) ; » mais comme c'est en elle et non point d'elle, qu'elle se souvienne de dire aussi : « Seigneur, c'est votre volonté qui a donné la force à ma vertu (6) : » le bien vient d'elle, sans doute, en ce sens que sans le libre arbitre il n'y a pas de bonne oeuvre possible, mais le bien ne vient pas « que d'elle, » comme il est dit dans ce livre. Si la grâce de Dieu ne vient pas en aide au libre arbitre, il ne peut pas y avoir même une bonne volonté dans l'homme. « Car c'est Dieu, dit l'Apôtre, qui opère en vous le vouloir et le faire, comme il lui plaît (7), » non pas seulement comme les novateurs le soutiennent, en nous apprenant ce que nous avons à faire; mais en nous inspirant aussi la charité, afin que nous fassions avec amour ce qui nous est prescrit.

 

1. Luc, XI, 3. — 2. I Thess. V, 17, 18. — 3. Luc, XIX, 10. — 4. I Cor. IV, 7. — 5. Ps. LV, 12. — 6. Ps. XXIX, 8. — 7. Philip. II. 13.

 

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8. Il savait quel grand bien est la continence, celui qui déclarait que « personne ne peut être continent sans un don de Dieu. » Non-seulement il savait la grandeur de ce bien et combien il est digne de nos désirs, mais il n'ignorait pas aussi qu'il ne peut pas y avoir de continence sans une grâce de Dieu. La Sagesse le lui avait appris; car il dit : « Et cela même était de la sagesse de savoir de qui venait ce don. » Cependant il ne lui a. pas suffi de le savoir : « J'allai au Seigneur, dit-il, et je le priai (1). » Le secours de Dieu ne consiste donc pas uniquement à savoir ce qu'on doit faire, mais encore à faire avec amour ce qui nous est prescrit; et personne. ne peut, sans la grâce de Dieu, ni savoir qui donne la continence ni l'obtenir. Voilà pourquoi le Sage, sans se contenter de savoir d'où part ce don, prie pour l'obtenir : il veut avoir en lui ce qu'il sait ne pas venir de lui; et si, à cause de son libre arbitre, ce bien vient quelque peu de lui-même, il ne vient pas que de lui, parce que nul ne peut être continent sans une grâce de Dieu. L'auteur du livre, au contraire, en parlant des richesses spirituelles, parmi lesquelles la continence brille de tant de beauté, ne dit pas ces richesses peuvent être en vous et de vous, mais : « elles ne peuvent être que de vous et « en vous : » faisant ainsi croire à une vierge du Christ que de même que ces richesses spirituelles ne sont pas autre part qu'en elle, ainsi elles ne peuvent lui venir d'ailleurs que d'elle-même, et la poussant de cette manière (ce dont Dieu la garde !) à s'en glorifier comme si elle ne les avait pas reçues.

9. Et nous qui savons dans quel esprit et quels sentiments d'humilité chrétienne a été nourrie cette vierge sacrée, nous pensons qu'en lisant de telles paroles, si toutefois elle les a lues, elle aura gémi, frappé humblement sa poitrine et peut-être versé des larmes ; elle aura prié avec confiance le Seigneur à qui elle s'est consacrée et par qui elle a été sanctifiée, lui demandant que de même que ces paroles ne sont pas les siennes mais celles d'un autre, ainsi une foi pareille ne sait jamais sa foi, et que jamais il ne lui arrive de croire qu'elle ait quelque chose dont elle puisse se glorifier en elle-même et non pas dans le Seigneur. Car sa gloire est en elle-même et non point dans les paroles d'autrui, comme dit l'Apôtre . « Que chacun examine donc ses propres actions, et

 

1. Sag. VIII, 21.

 

 

alors seulement il aura de quoi se glorifier en lui-même et non dans un autre (1). » Mais à Dieu ne plaise qu'elle soit elle-même sa propre gloire, et non pas celui à qui le Psalmiste disait : « Vous êtes ma gloire, et c'est vous qui élevez ma tête (2). » Sa gloire est en elle d'une façon profitable à son salut, lorsque Dieu qui est en elle est lui-même sa gloire, ce Dieu dont elle reçoit tous lesbiens par lesquels elle est bonne; elle aura tous les biens par lesquels elle deviendra meilleure, autant qu'elle pourra le devenir en cette vie, et tous ceux par lesquels elle sera parfaite, lorsqu'elle le sera parla grâce divine et non point par des louanges humaines. Car son âme sera louée dans le Seigneur (3) qui aura rassasié de bonheur ses désirs (4); c'est le Seigneur lui-même qui lui aura inspiré jusqu'à ces désirs des biens éternels, de peur qu'il ne reste à la vierge quelque chose en quoi elle se glorifie comme si elle ne l'avait pas reçu.

10. Nous sommes sûrs de ne pas nous tromper lorsque nous croyons que tels sont les sentiments de votre fille; mais faites que nous en soyons plus sûrs en nous répondant. Nous avons appris que vous étiez restée, avec tous les vôtres, fidèle à la croyance de l'indivisible Trinité. Mais l'erreur humaine ne se glisse pas seulement autour de la vérité des trois personnes divines; il est d'autres points où l'on se trompe très-pernicieusement, comme celui par exemple que nous avons traité dans cette lettre, plus longuement peut-être qu'il n'eût fallu avec une personne d'un piété et d'une foi si pures. Toutefois nier que ce soit de Dieu que viennent les biens qui ne viennent que de lui, c'est faire injure à Dieu et par là même à cette sainte Trinité : qu'un pareil mal soit loin de vous comme nous croyons que vous en êtes bien loin ! A Dieu ne plaise que ce livre, d'où nous avons cru devoir extraire quelques mots d'un sens très-clair, ait rien produit de semblable, nous ne disons pas dans votre coeur ni dans celui de la pieuse vierge votre fille, mais même dans le coeur du moindre serviteur et de la moindre servante de votre maison !

11. Si vous voulez examiner plus attentivement ce que l'auteur semble dire pour la grâce ou le secours de Dieu, vous y trouverez des paroles si ambiguës qu'elles peuvent se rapporter soit à la nature, soit à la connaissance de la loi, soit à la rémission des péchés.

 

1. Gal. VI, 4. — 2. Ps. III, 4. — 3. Ibid. XXXIII, 2. — 4. Ps. CII, 5.

 

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Comme les novateurs sont forcés d'avouer que nous devons prier de peur que nous n'entrions en tentation, ils peuvent entendre que nous sommes secourus en ce sens que nos oraisons et nos instances nous ouvrent l'intelligence de la vérité, et que nous apprenons nos devoirs, sans que notre volonté reçoive des forces pour leur accomplissement. Ils rapportent aussi à la connaissance des prescriptions établies ce qu'ils disent de Notre-Seigneur Jésus-Christ comme modèle d'une bonne vie dans la grâce et le secours de Dieu; ils y trouvent un exemple qui nous apprend à bien vivre; mais ils ne veulent pas y voir un secours pour que nous fassions avec amour ce qui nous a été prescrit.

12. Trouvez dans ce livre, si vous le pouvez, quelque chose où, en dehors de la nature et de ce qui lui appartient par le libre arbitre, en dehors de la rémission des péchés et de la révélation de la doctrine, l'auteur reconnaisse un secours de Dieu comme le reconnaît celui qui a dit : « Et quand je vois que personne ne peut avoir la continence si Dieu ne la lui donne, et que cela même était de la sagesse de savoir d'où venait ce don, j'allai au Seigneur et je le priai (1). » Ce Sage, en priant, ne voulait l;as recevoir la nature dans laquelle il avait été créé; il ne s'occupait pas du libre arbitre avec lequel il était né; il ne demandait pas la rémission des péchés puisqu'il demandait la continence de peur de pécher; il ne désirait pas connaître ce qu'il devait faire puisqu'il avouait qu'il savait d'où vient le don. de la continence ; mais il voulait recevoir de l'Esprit de sagesse assez de force de volonté et assez d'amour pour accomplir toute la grandeur de cette vertu. Si donc vous trouvez dans ce livre quelque chose de semblable , daignez nous l'apprendre, et nous aurons beaucoup de grâces à vous rendre.

13. Car nous né salarions assez dire combien nous désirons trouver une franche déclaration de la grâce de Dieu dans les écrits de ces hommes qui se font lire par leur vivacité et leur éloquence; nous souhaitons ardemment y découvrir des passages qui reconnaissent clairement cette grâce que saint Paul prêche avec tant de force ; car l'Apôtre nous dit même que la foi nous est donnée selon la mesure qu'il plaît à Dieu (2), la foi sans laquelle il est impossible de lui plaire (3), la foi dont le juste

 

1. Sag. VIII, 21. — 2. Rom. XII, 3. — 3. Héb. XI, 6.

 

vit (1), qui opère par amour (2), avant laquelle et sans laquelle il n'y a pas de bonnes oeuvres, parce que, dit l'Apôtre, « tout ce qui ne vient pas de la foi est péché (3). » Nous voudrions que ces hommes reconnussent que nous ne sommes pas seulement aidés d'en-haut, pour bien vivre, par la révélation de la science qui enfle sans la charité (4), mais encore par l'inspiration de la charité elle-même, qui est la plénitude de la loi (5), et qui édifie notre coeur pour que la science ne l'enfle point. Jusqu'ici nous n'avons pu trouver rien de pareil dans leurs écrits.

14. Nous voudrions surtout que ces sentiments de foi se rencontrassent dans le livre d'où nous avons extrait un passage où l'auteur, en louant la vierge du Christ comme ne tenant de personne ses richesses spirituelles qu'il prétend ne venir que d'elle-même, ne veut pas qu'elle se glorifie dans le Seigneur, mais qu'elle se glorifie comme si elle n'avait rien reçu. L'auteur de ce livre, sans. y mettre ni son nom ni le nom de votre Révérence, déclare cependant qu'il écrit à Démétrias sur la demande de sa mère. Mais le même Pélage, dans une de ses lettres où il se nomme ouvertement et prononce aussi le nom de cette vierge sacrée, dit qu'il lui a écrit, et s'efforce de prouver, par son ouvrage même, qu'il reconnaît très-clairement la grâce de Dieu qu'on lui reproche de taire ou de nier. Mais est-ce le même livre où se rencontrent les paroles sur les richesses spirituelles, et ce livre est-il parvenu à votre sainteté? C'est ce que nous vous prions de vouloir bien nous apprendre.

 

 

1. Rom. I, 17. — 2. Galat. V, 6. — 3. Rom. XIV, 23. — 4. I Cor. VIII, 1. — 5. Rom. XIII,10.

 

 

 

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