PRÉPARATION MESSE

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DE LA PRÉPARATION
A LA SAINTE MESSE.

 

DE LA PRÉPARATION  A LA SAINTE MESSE.

CHAPITRE PREMIER. Comment le prêtre qui veut célébrer la messe doit s'éprouver.

CHAPITRE II. Pourquoi Jésus-Christ n'est présent que sous les deux espèces du pain et du vin.

CHAPITRE III. Pourquoi Jésus-Christ a voulu, en nous donnant soi corps, qu'il demeurât voilé.

CHAPITRE IV. De l'examen de la conscience avant la sainte communion, et dans quel état ou quelle disposition il faut s'en approcher.

CHAPITRE V. Avec quelle charité et quelle ferveur il faut s'approcher de la communion.

CHAPITRE VI. Comment et par quels moyens on doit s'embraser d'amour pour bien célébrer.

CHAPITRE VII. Pourquoi il est nécessaire que notre âme reçoive ce sacrement.

CHAPITRE VIII. Quelle cause et quel motif doivent nous porter à communier.

CHAPITRE IX. Du culte de Latrie, qui n'est dû qu'a Dieu seul.

CHAPITRE X. Du culte de Dulie.

CHAPITRE XI. De l'intention que doit avoir celui qui célèbre la sainte messe.

CHAPITRE XII. De la confession que le célébrant doit faire avant la messe.

CHAPITRE XIII. Ce que le prêtre doit faire pendant le canon.

CHAPITRE XIV. Comment le prêtre doit agir après la communion.

 

CHAPITRE PREMIER. Comment le prêtre qui veut célébrer la messe doit s'éprouver.

 

Je vais, en l'honneur de la glorieuse et indivisible Trinité , et pour la gloire du sacrement par excellence du corps précieux et du sang de Jésus-Christ Notre-Seigneur , vous tracer une règle par laquelle vous pourrez vous élever facilement à la contemplation d'un si auguste mystère, et vous disposer à le recevoir comme il convient. Mais au lieu de parcourir cette règle avec rapidité et superficiellement, vous devez vous efforcer d'en imprimer efficacement le sens en votre coeur , et méditer avec soin et amour chacune des choses qu'elle renferme, soit, en totalité, soit en partie, selon qu'elles sont exposées.

Avant donc de vous approcher de ce festin céleste, éprouvez-vous vous-même, selon la parole de l'Apôtre, et examinez attentivement avec quelle foi , dans quel but, avec quelle charité, pourquoi ou pour quelle cause vous faites une action semblable. En vous disposant à ce banquet divin par un examen aussi diligent, vous aurez accompli le commandement que saint Paul vous fait de vous éprouver vous-même (1).

 

1 I Cor., 13.

 

385

 

Considérez chacune de ces quatre choses en particulier, et voyez d'abord quelle foi exigent de vous la vérité et l'essence de ce sacrement. Vous devez croire fermement et sans le moindre doute, ainsi que l'enseigne et le prêche l'Eglise catholique, qu'au moment où les paroles de Jésus-Christ sont prononcées, le pain matériel et visible , comme s'il rendait honneur à son Créateur véritable , cède la place au pain céleste et vivifiant qui devient présent ; c'est-à-dire qu'il abandonne l'apparence visible des accidents, selon que l'exigent l'accomplissement et le besoin du sacrement, et que, cessant d'exister d'une manière admirable et ineffable, il est remplacé réellement au même instant sous ces accidents par ce que nous allons dire :

D'abord, par la chair très-pure de Jésus-Christ et son corps sacré qui, par l'opération du Saint-Esprit, a été tiré du sein de la glorieuse vierge Marie, attaché à la croix, mis dans le sépulcre et glorifié dans le ciel.

En second lieu, comme la chair ne saurait vivre privée du sang, il y a nécessairement ce sang précieux qui a coulé sur la croix d'une façon si avantageuse au salut du monde.

En troisième lieu, un homme véritable ne pouvant exister sans une âme raisonnable, là aussi se trouve l'âme glorieuse de Jésus-Christ, cette âme qui surpasse en grâce toute vertu , toute gloire , toute puissance, et dans laquelle ont été renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu.

Enfin Jésus-Christ étant vrai Dieu et vrai homme, nous avons dans ce sacrement le Dieu de gloire en

 

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sa majesté. Ces quatre choses toutes ensemble , et chacune tout entière en particulier, sont contenues parfaitement à la fois sous les espèces du pain et du vin. Il n'y a pas moins dans le calice que dans l'hostie, ni dans l'hostie que dans le calice; le défaut de l'un n'est pas suppléé par l'autre, attendu qu'il n'y a aucun vide, mais que tout est en entier sous les deux espèces pour l'accomplissement de ce mystère, dont nous pourrions parler longuement. Mais qu'il nous suffise de croire qu'il y a contenu sous chaque espèce celui qui est Dieu et homme véritable, celui que la multitude des anges environne et que l'assemblée des saints bénit.

 

CHAPITRE II. Pourquoi Jésus-Christ n'est présent que sous les deux espèces du pain et du vin.

 

Voyez combien Jésus-Christ a été conduit par de puissantes raisons en choisissant de préférence ces deux espèces pour se rendre présent parmi nous. D'abord , le pain et le vin forment l'aliment par excellence de tout l'homme. Le pain nourrit sa chair, et le vin se transforme en son sang , qui est le siége de l'âme. En second lieu, l'homme use principalement et plus communément de ces aliments, et ils sont les plus sains et les moins sujets à inspirer le dégoût; aussi la pureté de la réfection spirituelle est-elle

 

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parfaitement représentée par eux. En troisième lieu, ils sont une figure très-belle de la Passion de Jésus-Christ, dont le souvenir se renouvelle chaque jour par ce sacrement. Le pain signifie ce corps qui a été trituré, moulu et pétri dans la Passion, cuit et desséché au feu du divin amour dans un four qui n'est autre que l'autel de la croix. Le vin signifie le sang qui a été exprimé du raisin , c'est-à-dire du corps de Jésus-Christ, sous le pressoir de cette même croix, par les efforts du peuple juif. Enfin ces deux aliments nous offrent, en dernier lieu, une image parfaite du corps mystique du Sauveur, qui est son Eglise formée d'une multitude de fidèles prédestinés à la vie, de même que le pain est formé d'un nombre considérable de grains , et le vin d'une quantité de raisins divers.

Lors donc que vous vous approchez de ce sacrement, prenez garde de ne point vous laisser ébranler par le doute, et de n'être point comme un aveugle qui tâtonne , en voulant vous appuyer sur un roseau, je veux dire sur des raisonnements naturels, sur des raisons humaines, pour découvrir comment tout cela peut se faire, à l'exemple des juifs qui disputaient aussi sur ce sujet, et de certains disciples qui s'en scandalisèrent et reculèrent en arrière (1). Mais soumettez-vous tout entier à Dieu, et tenez votre âme captive sous le joug de la foi , qui vous apparaît fortifiée par des témoignages si imposants. Quel doute, en effet, pouvez-vous former sur ce sacrement, qui

 

1 Joan., 6.

 

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a été donné par Jésus-Christ d'une façon si expresse et si claire, enseigné par les Apôtres et par tous les saints Docteurs de l'Eglise , figuré pendant une si longue série d'années, et que nous voyons confirmé par tant de cérémonies, de miracles, de prodiges et de saintes observances, qui sont comme autant de témoignages palpables de sa vérité? Otez de l'Eglise ce sacrement : que restera-t-il dans le monde, si ce n'est l'erreur et l'infidélité! Vous verrez alors si le peuple chrétien ne sera point comme un troupeau dispersé, et s'il ne se plongera pas dans l'idolâtrie, ainsi que le reste des infidèles. C'est par ce sacrement que l'Eglise se maintient, que la foi s'affermit, que la religion de Jésus-Christ se conserve en sa jeunesse et le culte de Dieu dans sa force. C'est pour cela que le Sauveur a dit : « Je suis avec vous jusqu'à la fin du monde. »

 

CHAPITRE III. Pourquoi Jésus-Christ a voulu, en nous donnant soi corps, qu'il demeurât voilé.

 

Vous devez aussi remarquer qu'il était convenable que Jésus-Christ ne nous donnât son corps qu'à l'ombre d'un voile. Quel prix aurait eu votre foi si le Seigneur se fût montré visiblement à vous tel qu'il est? Vous lui eussiez offert vos adorations sans aucun doute et malgré vous. Mais , comment des yeux de

 

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chair auraient-ils pu soutenir une gloire si immense? Et quel homme , à moins qu'il ne soit insensé, dira que vous pourrez manger en sa forme naturelle la chair crue d'un homme et boire son sang? Loin donc de nous toute espèce de doute. De même qu'autrefois la divinité s'est cachée dans le sein de la Vierge, et que le Fils de Dieu s'est rendu visible au monde sous le voile de la nature humaine, ainsi aujourd'hui son humanité unie à sa divinité se cache sous l'apparence du pain et du vin, afin de se proportionner à la faiblesse de notre capacité.

 

CHAPITRE IV. De l'examen de la conscience avant la sainte communion, et dans quel état ou quelle disposition il faut s'en approcher.

 

En second lieu , éprouvez-vous vous-même , et examinez dans quel état et dans quelle disposition vous vous approchez. Pour cela sondez et retournez, en tout sens la demeure de votre conscience, et voyez s'il n'y a point en votre âme quelque souillure, ou en votre corps quelque tache qui puisse blesser les regards de celui qui est le Saint des saints.

Rentrez donc d'abord en vous-même pour reconnaître l'iniquité de votre âme, et rappelez-vous tout le mal que vous avez commis , tout le bien que vous avez négligé, combien la vie est rapide, l'heure de

 

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la mort incertaine, et combien glissante et pleine de dangers est la voie que nous parcourons. Voyez si, à Dieu ne plaise ! depuis votre dernière confession et le pardon que vous avez reçu, vous n'êtes point retombé dans quelque faute mortelle ou dans la pensée de vous livrer encore au péché ; si vous n'avez point ainsi donné la mort à votre âme infortunée, et si vous ne l'avez point séparée par là de sa souche, qui est Jésus-Christ , et de son Eglise. Ce pain céleste et vivifiant ne saurait être une source de vie ni une nourriture pour les membres morts et retranchés de leur tige; car l'Ecriture a dit : « La sagesse n'entrera point en l'âme livrée au mal; elle ne fera point son séjour dans le corps livré au péché (1). » Le sacrement est reçu, il est vrai, par ceux qui sont en un tel état , mais non la chose du sacrement, c'est-à-dire la grâce de Jésus-Christ et l'union de sa charité. La bouche le mange, mais l'esprit y demeure étranger; le corps s'en nourrit, mais le coeur n'y puise aucune force. On l'avale comme un noyau auquel on ne fait éprouver aucune lésion, et il ne vivifie point l'âme, il ne se l'incorpore point, il ne se l'unit pas; mais plutôt, cédant à son dégoût , le Sauveur vomit cette âme comme un cadavre pourri qui n'est plus bon qu'à être la proie des bêtes et des oiseaux sauvages. C'est ce qui a lieu lorsqu'il livre au démon cette infortunée afin qu'il la tourmente. Ainsi nous lisons de Juda que dès qu'il eut mangé ce morceau, Satan entra en lui (2). Si

 

1 Sap., 1. — 2 Joan., 15.

 

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donc vous êtes enlacé en de tels filets, n'ayez point la présomption pour aucune cause , pour aucun motif, de vous approcher de l'autel sans une contrition véritable , le ferme propos de faire pénitence et sans vous être confessé, car il est horrible de tomber entre les mains du Dieu vivant (1).

Mais hélas ! combien aujourd'hui y a-t-il de prêtres malheureux et insouciants de leur salut, qui mangent le corps de Jésus-Christ à l'autel comme la chair de vils animaux , qui , couverts et souillés d'abominations qu'il n'est point permis de nommer, ne rougissent pas de toucher de leurs mains infâmes, de baiser de leurs lèvres impures le Fils de Dieu , le Fils unique de la vierge Marie ! Oui , je ne crains pas de le dire : si Dieu a pour agréable le sacrifice de tels hommes, il est menteur, il se fait le compagnon des pécheurs. Mais ce qui est pire encore, c'est qu'il s'en trouve de nos jours qui sont arrivés à un tel degré de perversité et d'ignorance, qu'ils s'imaginent, les misérables! que les crimes et les infamies qu'ils se proposent de renouveler chaque jour sont effacés par la sainte communion toutes les fois qu'ils célèbrent sans repentir ni confession. Non , de tels hommes ne sont point des prêtres, mais des sacrilèges. Ce ne sont point des chrétiens, mais des hérétiques; car, sans doute que s'ils avaient une foi sincère , véritable , ils craindraient de se livrer au péché, ou du moins ils, s'abstiendraient de célébrer.

En second lieu, ce n'est pas seulement à la pureté

 

1 Hebr., 10.

 

392

 

du cœur qu'il faut donner votre attention , mais aussi à celle du corps. Gardez-vous donc de vous approcher de ce sacrement couvert d'une souillure, je ne dis point volontaire, ce qui serait une faute grave, mais une souillure arrivée en dehors de votre volonté, durant le sommeil ou par une cause accidentelle, et de celles qui empêchent de célébrer; gardez-vous, dis-je, de le faire alors , à moins que vous n'y soyez contraint par un précepte ou par une grave nécessité. Mais si ce que nous venons de dire arrive sans que vous y ayez donné occasion précédemment par de mauvais désirs ou par des excès dans la nourriture ; si votre âme ne se sent point véritablement souillée par le souvenir de ces choses ou par les images impures qu'elles laissent après elles, je crois que vous pouvez vous approcher , sauf meilleur avis, surtout si une dévotion particulière, à raison de quelque solennité ou de quelque autre cause, vous porte à célébrer.

Vous devez également garder vos mains pures, autant qu'il est en vous ; garder purs tous vos membres. C'est pourquoi je vous conseille de vous abstenir plus que le reste des hommes, en tout temps et surtout lorsque vous devez célébrer, je ne dis pas de tout attouchement honteux et immonde, ce qui serait un péché grave, mais de tout ce qui est tant soit peu inconvenant et de nature à vous souiller. Je vous conseille de vous recueillir entièrement en vous-même, de telle sorte que ni vos actes, ni vos pensées ne se répandent sur aucun objet étranger.

 

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Apportez en outre, le plus grand soin à tenir propres et en bon état les ornements de l'autel et les vases sacrés, afin de traiter avec tout l'honneur et toute l'attention qu'il mérite celui qui est formidable aux Anges et aux Archanges.

 

CHAPITRE V. Avec quelle charité et quelle ferveur il faut s'approcher de la communion.

 

Examinez, en troisième lieu, avec quelle charité et quelle ferveur vous vous approchez , car ce ne sont pas seulement les péchés mortels qu'il faut éviter, mais encore les fautes vénielles , qui naissent en grand nombre de notre négligence et de notre oisiveté, de l'irréflexion et des distractions d'une vie peu recueillie, et d'habitudes que nous devrions corriger. Ces fautes, il est vrai, ne donnent point la mort à l'âme , mais elles rendent celui qui les commet tiède, pesant , plein d'obscurités , indisposé et inepte à célébrer, à moins qu'il n'ait soin de rejeter la poussière et les pailles de semblables fautes par le souffle de l'esprit et les flammes de la charité, en embrasant son cœur du feu divin et en reconnaissant sa propre misère. Ainsi , prenez donc garde de ne point vous approcher avec trop de tiédeur , de dissipation et d'irréflexion , car c'est recevoir Jésus-Christ indignement que de ne point apporter en cet acte le respect,

 

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la circonspection et l'attention qu'il demande. L'Apôtre dit, en parlant de celui qui agit de la sorte : « Il mange et il boit son jugement (1). » Ce qu'il explique plus ouvertement dans le passage qui vient après :

« C'est pour cette raison, dit-il, qu'il y a parmi vous beaucoup de faibles, par l'inconstance de leur foi ; beaucoup de malades, par les blessures du péché mortel , et que beaucoup sont endormis, par l'engourdissement et la paresse. » Oh ! combien nombreux, combien redoutables sont les dangers qui m'environnent de toutes parts ! S'approcher indignement, c'est encourir un jugement effroyable; et ne point s'approcher par mépris ou par une négligence grave, c'est tomber dans une faute qui mérite damnation. Le prêtre qui est sans péché mortel et en bonne disposition, s'il omet de célébrer par négligence et non par respect, ravit, autant qu'il est en lui , à la Trinité l'honneur et la gloire, aux anges la joie, aux pécheurs le pardon , aux justes les secours et la grâce, aux âmes du purgatoire le rafraîchissement, à l'Eglise de Jésus-Christ les biens spirituels , et à lui-même la médecine et le remède contre les péchés elles faiblesses de chaque jour. C'est ainsi que parle le vénérable Bède, et saint Ambroise dit de son côté : « Si toutes les fois que le sang de Jésus-Christ est répandu, c'est pour la rémission des péchés, je dois donc le recevoir en tout temps , afin que tous les jours mes péchés me soient remis. Je pèche

 

1 I Cor., 11.

 

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chaque jour, j'ai donc besoin de prendre chaque jour la médecine qui me purifie (1). »

Celui qui ne s'approche pas, se prive de tous les avantages qui résultent de la sainte communion; et ces avantages sont : la rémission des péchés, l'affaiblissement de la concupiscence, l'illumination de l'esprit , la réfection intérieure, l'incorporation à Jésus-Christ et à son corps mystique, l'affermissement dans la vertu , la force contre le démon , la certitude plus inébranlable de la foi, l'accroissement de l'espérance, l'embrasement de la charité. De plus, il ne remplit pas le ministère de dignité suprême qui lui a été confié, et il n'exerce point l'office par lequel il rendrait à Dieu l'hommage qu'il lui doit. Et cependant il est écrit : « Maudit celui qui accomplit l'oeuvre de Dieu négligemment (2) ! » Ce n'est pas tout : « il méprise le commandement de Jésus-Christ touchant ce sacrement, et c'est à lui que le Sauveur fait cette menace : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous (3). » Il rejette le viatique du pèlerinage, et s'expose ainsi au danger de mourir, car en ne recevant point pour aliment le corps de Jésus-Christ, qui entretient la vie, il devient comme un membre desséché qui ne participe plus à la nourriture du corps auquel il appartient. Enfin, autant qu'il est en lui , il se rend étranger au culte et à l'adoration qu'il doit à son créateur, et ingrat envers ses bienfaits. C'est pour cela qu'il est dit au livre des

 

1 Lib. 4, de Sacr. — 2 Jer., 48. — 3 Joan., 6.

 

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Nombres : « Si quelqu'un étant pur, c'est-à-dire exempt de péché mortel, et n'étant point en voyage, c'est-à-dire empêché d'une autre manière, ne fait pas la Pâque, il sera exterminé du milieu de son peuple, parce qu'il n'a pas offert en son temps le sacrifice au Seigneur (1). » Faites donc tous vos efforts, autant que vous le pourrez, pour éloigner de vous, par la pratique des bonnes oeuvres, par une contrition mêlée de larmes et par l'ardeur de votre dévotion, la tiédeur et la négligence , afin de ne pas être compté parmi ceux qui dédaignent la source de grâces si abondantes.

 

CHAPITRE VI. Comment et par quels moyens on doit s'embraser d'amour pour bien célébrer.

 

 

Si vous voulez vous embraser d'amour , considérez avec toute l'attention dont votre âme est capable, les deux choses suivantes : la fournaise de cette charité suprême qui a poussé la bonté souveraine et la miséricorde céleste à subir pour vous, ver indigne et immonde, l'opprobre si douloureux de la croix; et ensuite le don qui vous est fait de ce très - glorieux corps pour nourriture et de ce très-doux sang pour breuvage.

Et d'abord , méditez cette mort bienheureuse,

 

1 Nombr., 9.

 

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approfondissez-en la cause. Cette cause n'est autre que le besoin extrême que nous avions d'être rachetés. Toute loi juge le criminel de lèse-majesté digne de mort. Or, comme nous étions par nos péchés soumis à une telle condamnation, Dieu , lorsqu'il s'est agi de satisfaire à une dette si immense, a eu pitié de la misère du genre humain, et il a épargné notre vie. Il a accordé et il a réglé aux temps anciens qu'au lieu du sang de l'homme on lui offrît le sang des animaux , qu'on lui fit des sacrifices et qu'on immolât des victimes pour apaiser sa colère. Ainsi toutes les fois qu'un homme tombait dans le péché, il fallait qu'on sacrifiât pour lui une victime. Mais ce n'étaient là que des ombres et des figures, jusqu'à ce que Jésus-Christ, le chef du genre humain, fût envoyé lui-même, victime vivante, douée de raison et pure de tout péché, afin de s'offrir par amour à la mort pour le salut de tous, et payer la dette de notre mort. Comme il ne devait point mourir plusieurs fois, attendu que sa mort avait satisfait pleinement pour les péchés antérieurs et pour ceux qui devaient se commettre ensuite , il nous laissa en mourrant cette hostie de son corps immolée une fois pour nous afin que nous puissions l'offrir tous les jours d'une manière mystique à Dieu le Père, et payer comme il convenait la dette de mort à laquelle nos crimes de chaque jour nous assujettissent. C'est ce qui a fait dire à saint Augustin : « Ce sacrifice se renouvelle chaque jour, bien que Jésus-Christ ait souffert une fois, parce que tous les jours nous

 

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commettons le péché et que la faiblesse humaine ne saurait vivre sans péché. Comme nous tombons tous les jours, tous les jours Jésus-Christ est donc mystiquement immolé pour nous. » Aussi tout ce qui se passe à la messe, et les ornements et les cérémonies, tout ne représente qu'une chose : la Passion du Sauveur. C'est pour cela qu'il a dit lui-même : « Faites ceci en mémoire de moi (1) ; » et que l'Apôtre a dit également : « Toutes les fois que vous mangerez ce pain et que vous boirez ce calice, vous annoncerez la mort du Seigneur, jusqu'à ce qu'il vienne pour juger tous les hommes (2). » Lorsque vous vous approchez, dites donc de tout votre coeur :

« O Père céleste ! voilà que , pour honorer la mort de votre Fils unique, Jésus-Christ Notre-Seigneur , je vais vous offrir cette hostie qu'il vous offrit lui-même autrefois sur la croix pour mon salut et le salut du monde entier. Voici que je vais placer sur l'autel de Votre Majesté cette hostie vivante que vous avez envoyée dans votre immense charité pour être immolée pour nous sur l'autel de la croix. Rappelez-vous donc cette sueur très-sainte qui découla de son corps, comme des gouttes de sang, jusque sur la terre. Regardez cette chair virginale battue si cruellement de verges , meurtrie de coups et de soufflets , gonflée de blessures , souillée de crachats, couverte de sang , déchirée d'épines, percée de clous et ouverte par le

 

* Ces paroles sont de Paschase, dans son livre du Corps et de Sang du Seigneur.

1 Luc., 21. — 2 I Cor., 11.

 

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fer de la lance. Que cette charité qui a entraîné votre Fils et l'a porté à peser dans la balance de la croix les péchés du monde entier , vous entraîne aussi , ô Père ! à prendre pitié de notre misère. Arrêtez, je vous en conjure, arrêtez vos regards, non sur nos péchés , mais sur la face de votre Fils. Ce n'est pas en nous appuyant sur nos justices, mais sur la multitude de vos miséricordes , que nous déposons nos prières à vos pieds. »

Si vous désirez de plus en plus vous embraser et vous enflammer d'amour , considérez encore quelle douce nourriture est ce corps sacré , et reconnaissez combien bon et suave est son esprit en nous, combien appropriés , profitables et vivifiants sont les aliments que notre Père céleste nous a préparés.

 

CHAPITRE VII. Pourquoi il est nécessaire que notre âme reçoive ce sacrement.

 

La créature raisonnable ayant été formée pour être capable et participante de la bonté de Dieu, cette participation doit conserver la vie en elle et la conduire à la béatitude suprême. Sans elle, elle ne peul de soi-même que tendre au néant et à la mort éternelle, et elle a besoin de se fortifier sans cesse en prenant cette nourriture qui l'établit aux sources de

 

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la vertu divine et de la gloire de son Dieu. J'appelle donc réfection cette participation, car de même que le corps se vivifie, s'échauffe et s'engraisse par les aliments matériels , de même l’âme raisonnable se nourrit et s'enflamme par l'esprit de Jésus-Christ dont il lui est donné de jouir dans toute l'étendue de ses affections et de son intelligence. Et comme dans la patrie c'est en puisant à longs traits à cette source inépuisable, à cette fontaine vivante de lumière que les anges sont rassasiés de l'abondance de la sainte demeure, la sagesse divine a réglé aussi que l'âme raisonnable, rachetée par elle à un si haut prix, enrichie de grâces si magnifiques et rendue semblable aux anges de Dieu, serait sustentée du même pain dont se nourrissent ces esprits bienheureux , de ce pain sans lequel ni l'homme ni l'ange ne sauraient subsister, et cela d'une manière accommodée à notre faiblesse. En effet, il serait impossible à notre corps mortel de manger ce pain de vie s'il sc montrait à nous dans tout l'appareil qui lui est propre, c'est-à-dire dans tout l'éclat de sa divinité. Ainsi , pour nous offrir une nourriture proportionnée à notre capacité, il a choisi la forme la mieux appropriée en prenant celle du pain et du vin ; car il y a une similitude très juste entre le pain matériel et le pain céleste , entre la réfection corporelle et la réfection de l'âme. De même donc qu'il nourrit les anges, qui sont des esprits vivants, du Verbe incréé, de même il nourrit les hommes mortels du Verbe incarné, qu'ils reçoivent dans ce sacrement. Voilà pourquoi il est écrit :

 

401

 

« L'homme a mangé le pain des anges (1) »; et encore : « Je suis le pain vivant descendu du ciel (2). »

Remarquez bien aussi que Dieu ayant soin de nourrir le corps de chaque animal en lui donnant la pâture qui lui convient, s'empresse également de fournir l'aliment que réclament les besoins de son glorieux corps mystique , son Eglise , dont Jésus-Christ est le chef. Ce corps ne saurait subsister et vivre d'une vie autre que celle de son chef, si tous ses membres, qui sont les justes, doivent être unis et joints entre eux pour ne faire qu'un en ce même chef ; il faut , dis-je, qu'ils soient nourris de son esprit et de son amour, et c'est ce qui a lieu par ce sacrement d'unité et de paix. Et comme le corps ne saurait se conserver s'il ne change en soi ce qui lui convient, de même l'âme raisonnable demeure privée de la vie de l'esprit, si elle ne s'incorpore et si elle n'unit à sa substance cet aliment spirituel qui est en rapport avec ses besoins. C'est ce qui a fait dire à Jésus-Christ : « Celui qui me mange vivra par moi (3). »

Or, il y a cette différence entre la manducation corporelle et la manducation spirituelle : « dans la première l'aliment se change en la substance et en la nourriture de celui qui en use; dans la seconde, au contraire, celui qui mange s'incorpore à Jésus-Christ, se change en son amour et en l'unité de son esprit. C'est pour cela qu'il fut dit à saint Augustin : « Je ne serai pas changé en vous, mais vous serez changé

 

1 Ps. 77. — 2 Joan., 6. — 3 Ibid.

 

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en moi, c'est-à-dire en ma ressemblance, par la bonté, la sainteté, etc. (1) » Ainsi le fer uni au feu acquiert avec lui une similitude parfaite.

 

CHAPITRE VIII. Quelle cause et quel motif doivent nous porter à communier.

 

En quatrième et dernier lieu, éprouvez-vous vous-même pour reconnaître quelle cause ou quels motifs vous portent à vous approcher de ce sacrement. Vous devez ici diriger l'attention de votre esprit sur deux points principaux : d'abord sur la pureté de votre affection et la sainteté de votre désir , et ensuite sur l'intention que vous devez avoir et le but que vous devez vous proposer.

Voyez donc par quel désir vous agissez : si ce n'est point par avarice, par orgueil ou vaine gloire, par habitude ou complaisance mondaine, ou en vue de quelque faveur temporelle que vous vous approchez; car il y en a beaucoup de nos jours qui abusent pour leur ruine de ce qui nous a été donné pour notre salut. Hélas ! hélas ! hélas ! Seigneur mon Dieu , combien aujourd'hui de malheureux prennent les saints ordres, reçoivent le caractère sacerdotal, qui n'ont en vue qu'un pain terrestre et nullement le pain céleste; qui ne sont point conduits par l'esprit,

 

1 Confes., I. 7, c. 10.

 

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mais par l'amour du gain ; qui ne cherchent point l'honneur de Dieu , mais la satisfaction de leur ambition; qui s'inquiètent peu du salut des âmes, mais beaucoup du revenu qu'ils pourront tirer ! Combien qui ne se proposent pas de servir Dieu avec un coeur pur et un corps immaculé en se consacrant à ses divins mystères, mais de vivre dans les délices, de s'enrichir, de satisfaire leur orgueil, de s'engraisser du patrimoine de Jésus-Christ et du bien des pauvres ! Hommes funestes , dont l'ambition ravit, par les procès et la simonie, les dignités ecclésiastiques plutôt qu'elle ne les obtient! lion, ils ne sont point appelés de Dieu; ils n'ont reçu d'impulsion que de Satan, comme Dathan et Abiron. Pour vous, ô homme de. Dieu , que le Seigneur soit l'objet de vos voeux et de vos désirs; et voyez quelles affections, quels sentiments vous portent à célébrer nos sacrés mystères.

1° Que ce soit votre conscience qui vous attire, le souvenir de vos fautes passées, dans l'espérance que par Jésus-Christ, comme par une victime d'expiation, vous serez purifié de vos péchés.

2° Que ce soit la vue et la considération de votre infirmité qui vous fassent appeler à vous le Sauveur comme un médecin qui doit fortifier votre faiblesse.

3° Que ce soit le fardeau de la tribulation, afin d'être, par celui qui peut tout, délivré de toute adversité, protégé contre toute affliction.

4° Que ce soit le désir d'obtenir quelque grâce ou quelque faveur spirituelle, par celui à qui le Père céleste ne peut rien refuser.

 

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5° Que ce soit la reconnaissance pour tous les bienfaits temporels et spirituels accordés à vous et aux autres; car comment témoigner notre gratitude à Dieu pour tous les biens dont il nous a comblés , si ce n'est en recevant le calice du salut, et en lui sacrifiant la victime de louange, qui est Jésus-Christ?

6° Que ce soit la charité, la compassion pour le prochain, tant pour les vivants que pour les morts, rien ne pouvant intercéder plus efficacement que le sang de Jésus-Christ répandu pour la rémission des péchés.

7° Que ce soit l'honneur de Dieu et des saints, car nous n'avons en notre pouvoir aucun moyen plus puissant pour louer le Seigneur et les bienheureux suivant leur dignité, que d'offrir et de sacrifier sacramentellement Jésus-Christ à son Père céleste.

8° Que ce soit l'amour et l'affection que vous portez à Dieu qui vous fassent l'inviter à venir en vous, afin qu'après vous l'être uni intimement en vous nourrissant de lui spirituellement, vous l'embrassiez avec délices au-dedans de vous-mêmes.

9° Que ce soit la soif , le besoin d'offrir des actions de grâces; car ce sacrement contient la source de toute grâce et de toute sanctification ; il contient l'auteur même du salut, Jésus-Christ Notre-Seigneur. C'est pour cela qu'on l'appelle Eucharistie, qui veut dire grâce excellente; tandis que les autres sacrements ne sont que les canaux ou les ruisseaux des grâces qui nous sanctifient.

10° Enfin que ce soit l'ardeur qui vous fait soupirer du fond de vos entrailles après le moment où , par la

 

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vertu de cette charité excessive et la douceur de cet aliment sacré, vous serez purifié de toute souillure de l'âme et du corps , soustrait à tous les dangers et les tentations, uni inséparablement à Jésus-Christ votre Sauveur, et maintenu dans son amour. Ce sont ces effets qu'exprime Jésus-Christ quand il dit à son Père : « Je désire que là où je suis, ceux que vous m'avez donnés y soient avec moi; qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et vous en moi, afin qu'ils soient consommés dans l'unité (1). »

 

CHAPITRE IX. Du culte de Latrie, qui n'est dû qu'a Dieu seul.

 

En second lieu, dirigez votre esprit vers l'intention et le but que vous devez avoir dans l'action que vous allez faire. Il y a trois choses que doit avoir en vue celui qui célèbre : « honorer Dieu par le culte de latrie ; faire mémoire de la mort de Jésus-Christ et venir en aide à l'Eglise entière..

Or, en premier lieu, proposez-vous de rendre à Dieu le culte dont nous avons parlé. Ce culte de latrie, c'est l'honneur souverain qui appartient à Dieu, comme Maître suprême, en attestation de notre entière dépendance de lui, dépendance qui nous oblige non-seulement à sacrifier tout ce que nous avons , mais nos personnes mêmes pour sa gloire et à

 

1 Joan., 17.

 

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mourir pour lui, s'il le faut, en reconnaissance de ses bienfaits et de l'immense bonté dont il nous a donné tant de preuves. Ce culte rendons-le en nous prosternant en présence de sa majesté avec un coeur contrit et un esprit humilié, avec une volonté parfaite, et des actes, un maintien, des signes extérieurs en rapport avec cet abaissement intérieur. Vénérons ce Maître suprême par des sacrifices et des offrandes; rapportons à lui toute notre espérance et tout notre désir, comme à notre fin dernière, comme à celui de qui nous espérons tout, de qui nous attendons tout, soit la récompense de ce que nous aurons accompli, soit la punition du mal dont nous serons coupables , selon la balance de sa justice et selon son bon vouloir.

 

CHAPITRE X. Du culte de Dulie.

 

On rend aussi aux saints un honneur et un hommage que l'on appelle dulie. Ce n'est point un culte proprement dit ni une adoration, mais une subrogation et en même temps une invocation adressée aux saints , afin qu'ils soient nos avocats auprès de Dieu ; et les hommages qu'on leur rend ont pour but Dieu lui-même à qui ces bienheureux sont si étroitement unis. Mais quant à Dieu, nous devons le craindre, l'honorer, l'aimer sans mesure.

D'abord , c'est à cause de sa toute-puissance et de

 

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sa justice que nous devons craindre souverainement celui qui a sur nous un droit absolu, et au pouvoir de qui il est de nous précipiter en enfer ou de nous mettre en possession du ciel. Et c'est de cette crainte que naissent la honte et la douleur du péché, les gémissements et les larmes, le brisement du coeur, les supplications, les jeûnes, les disciplines, les pèlerinages, et autres semblables exercices de pénitence.

Nous devons à Dieu un honneur suprême à cause de sa sagesse et de sa majesté; et c'est cette considération qui produit le respect et la vénération, les génuflexions, les inclinations et les prostrations du corps , les oraisons , les purifications , les consécrations, la propreté des vases sacrés, l'éclat et la beauté des ornements, la magnificence, la splendeur et la solennité des jours consacrés au Seigneur. C'est pour cela qu'on illumine et qu'on chante des psaumes, des hymnes, des leçons, etc.

On doit aimer Dieu par-dessus tout en considération de sa bonté et de sa clémence; et c'est de cet amour que viennent les actions de grâces, les chants de louanges, les hymnes et les bénédictions, les saints désirs hautement exprimés, les encensements et autres choses semblables.

 

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CHAPITRE XI. De l'intention que doit avoir celui qui célèbre la sainte messe.

 

Nous devons avoir pour but, en rendant ainsi fréquemment à Dieu un culte public, de sanctifier son nom en nous, de le glorifier aux yeux du monde par la sainteté de notre vie , d'accroître son culte et sa gloire dans l'univers, et de faire connaître à tous que nous sommes les ministres de celui qui seul est le Dieu véritable et de Jésus-Christ notre Sauveur. Vous devez avoir pour but également de faire mémoire de la mort de Jésus-Christ , ainsi que nous l'avons dit plus haut, et de venir en aide à l'Eglise tout entière. Pour cela proposez-vous de prier pour le Pape , les Cardinaux , les Patriarches , les Archevêques, les Evêques, les Docteurs, les Curés, les Prêtres, les Clercs, les Moines, les Religieux et toutes les communautés; pour les rois, les gouverneurs, les princes et autres personnages éminents ; pour les vierges, les veuves, les orphelins, les voyageurs, les affligés, les captifs, les malades et les infirmes, et pour tout le peuple de Dieu. Priez aussi pour les hérétiques , les schismatiques et les païens, afin qu'ils se convertissent au vrai Dieu et qu'ils entrent dans l'unité de l'Eglise. Vous devez avoir encore quelque fin particulière , et prier spécialement pour vos

 

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proches, vos parents les moins éloignés, vos amis, ceux qui vous sont recommandés et espèrent en votre souvenir. Priez d'une manière toute particulière pour vous-même, et gardez-vous d'exclure aucun de ceux que nous avons nommé, surtout pour cause de haine ou de rancune , afin de les empêcher de participer à un si grand bienfait. Vous pécheriez gravement en célébrant ainsi les saints mystères avec des sentiments de vengeance.

 

CHAPITRE XII. De la confession que le célébrant doit faire avant la messe.

 

Tout cela étant fait, lorsque, par la méditation des diverses choses dont nous venons de parler , vous aurez senti s'allumer en vous le feu divin, rejetez avec un esprit contrit et humilié toute la boue de vos péchés, et qu'il n'en reste rien. Rappelez-vous combien de fautes vous avez commises par pensées, paroles et actions; combien de bonnes oeuvres vous avez omises, et que cependant vous auriez dû et pu faire; et ensuite vous approchant de votre père et médecin spirituel, faites l'aveu de ces fautes non en général et en gros, comme font certains hommes dont le coeur est endurci, et qui couvrent sous le voile de leurs paroles dans une accusation générale leurs péchés les plus énormes, accusation sans honte ni

 

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douleur, et qu'ils feraient sans doute avec aussi peu de confusion sur une place publique. Ce n'est pas là une confession, mais un mensonge et une dérision. Si donc vous voulez être guéri , découvrez vos blessures; accusez du fond du coeur tout ce qui s'est passé depuis votre dernière confession, non-seulement les actes, mais encore les fautes vénielles les plus considérables qui blessent l'âme et lui laissent des inquiétudes. Quant au reste, accusez-le brièvement et clairement d'une manière générale.

Ensuite ayant fait la pénitence qui vous a été imposée, récitez les cinq psaumes : « Quam dilecta, — Benedixisti, —Inclina, —Credidi, — De profundis, avec leurs versets et oraisons. Dites aussi, si le temps vous le permet, la prière Summe sacerdos, etc. C'est une prière excellente et très-pieuse. Enfin, en vous dirigeant vers l'autel, souvenez-vous de Jésus-Christ se dirigeant vers le Calvaire, et fixez votre coeur sur tout ce qui s'est passé dans la Passion. Lisez clairement et distinctement ce qui doit être lu, ayant soin de ne point trop multiplier les oraisons, et de ne rien ajouter, soit par dévotion, soit par un mouvement de votre volonté, à ce qui a été établi par les saints Pères.

 

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CHAPITRE XIII. Ce que le prêtre doit faire pendant le canon.

 

Lorsque vous serez arrivé au sacré canon, re-cueillez votre esprit pour l'empêcher d'errer sur divers objets; apportez une grande vigilance dans les signes et dans les actes, une plus grande dans les paroles, et une très-grande dans l'attention , à cause surtout de la présence de la Majesté infinie. Au Memento, tant des vivants que des morts, ne faites aucune recommandation nominale et de vive voix ; mais rappelez seulement en votre esprit les personnes qui vous sont le plus chères, et pour les autres, réunissez-les en commun, reportant votre intention sur toutes celles pour lesquelles vous avez prié auparavant ou promis de prier. Arrivé à ces mots, qui pridie, dirigez votre esprit et votre intention pour faire ce que Jésus-Christ a eu en vue dans la Cène et ce que la sainte Eglise notre mère se propose de faire. A la communion arrêtez-vous un peu et dites, non de bouche, mais de coeur :

« O mon Seigneur! Qui êtes-vous, et qui suis-je pour oser vous introduire dans la sentine de mon corps et de mon âme? Pourquoi m'avez-vous créé pour recevoir de moi une injure si révoltante? Mille ans de larmes ne suffiraient pas pour me préparer à recevoir comme il convient une seule fois un si

 

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auguste sacrement : Quelle est donc l'indignité d'un pécheur comme moi qui vous offense chaque jour, qui persévère dans le mal sans aucun amendement , et qui s'approche de vous couvert de péché? Mais je sais que votre miséricorde l'emporte infiniment sur ma misère, et c'est pour cela que, me confiant en votre charité, j'ose vous recevoir. »

Or, deux choses sont requises pour s'approcher dignement de la communion : « une profonde humilité accompagnée d'un anéantissement entier de soi-même et une vive compassion pour Jésus mourant.

 

CHAPITRE XIV. Comment le prêtre doit agir après la communion.

 

Lorsque vous avez communié, si vous n'éprouvez point un certain rassasiement spirituel , c'est un signe de maladie ou de mort. Vous avez mis le feu dans votre sein et vous n'en ressentez point la chaleur ; le miel dans votre bouche, et vous n'en goûtez point la douceur. Si cependant vous jouissez de quelque consolation, ne vous en faites point gloire, mais attribuez-le à cette bonté immense qui veut bien consoler même les méchants et les indignes, et dites en votre coeur :

« Dieu me force par ses bienfaits à détester ma misère. S'il agit ainsi envers moi quand je ne suis qu'un

 

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pécheur, que fera-t-il donc lorsque j'aurai réformé ma vie. Oui ! je veux employer tous mes efforts à devenir autre que je ne suis; je veux m'attacher à mon Dieu pour toujours. »

Et cependant ne croyez pas pouvoir arriver là par vos propres forces, mais bien par le secours de la grâce. Que Jésus daigne nous accorder à tous ce bonheur. Ainsi soit-il.

 

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