VII° CONTEMPLATION

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DES SEPT DEGRÉS DE LA CONTEMPLATION.

 

DES SEPT DEGRÉS DE LA CONTEMPLATION.

I

II

III

IV

V

VI

VII

 

 

Désirant donner une activité plus grande au regard pénétrant des contemplatifs, et réjouir le palais de leur âme en lui faisant savourer des mets d'une céleste douceur, j'ai pensé qu'il serait bon de traiter des sept degrés de la contemplation , degrés d'autant plus glorieux qu'ils sont fondés sur la science de l'expérience. Un pareil sujet , j'en ai la confiance , sera comme un parfum qui répandra sur leur intelligence une abondance de lumière, et sur leur volonté un torrent de cette douceur déifique dont la source est l'abîme de la divine charité. Le premier degré c'est le feu ; le second, l'onction; le troisième, l'extase; le quatrième, la contemplation; le cinquième, le goût; le sixième, le repos ; le septième , la gloire. En effet , l'âme commence par être embrasée; une fois embrasée, elle reçoit l'onction ; ensuite elle est ravie , elle contemple , elle goûte et elle se repose. Nous pouvons posséder tout cela sur la terre , non tout d'un coup , mais par degrés ; et celui-là en fait plus promptement l'expérience , qui s'exerce plus fréquemment aux choses spirituelles. Le septième degré sera donné dans la patrie bienheureuse avec une abondance plus grande à ceux qui , sur cette terre , se seront adonnés avec ardeur aux degrés précédents.

 

I

 

Le feu est l'ardeur véhémente du divin amour, et il est alimenté par la fournaise de cette Jérusalem dont l'éclat surpasse toute splendeur. Il commence par éclairer tout d'un coup d'une lumière brillante et vraiment extraordinaire l'âme du contemplatif ou de l'homme saint voué à la vie active lorsqu'il se répand en prières devant Dieu ; ensuite il allume et embrase ses affections et ses mouvements les plus desséchés ; il brûle et dissipe ce qui est mauvais , enflamme ce qui est tiède, éveille ce qui est endormi, et rend l'âme tout entière aux yeux du Seigneur semblable à l'holocauste engraissé qu'on offre à la fin du jour. Alors Dieu la regarde et elle est dans la joie; il est présent, et elle est saisie de frayeur; il accroît le feu qu'il a allumé, afin que sa chaleur devienne plus intense, et elle, de son côté, recueillant les affections qu'elle sent naître, elle le nourrit afin que l'incendie devienne d'autant plus ardent qu'une matière plus abondante lui sera servie. C'est sur ce degré qu'a fixé son pied celui qui peut dire avec le Prophète : Mon coeur s'est échauffé au-dedans de moi, et le feu s'est embrasé durant ma méditation. — Mon coeur s'est enflammé et mes reins ont été ébranlés (1).

 

II

 

L'onction est comme une liqueur embaumée qui se répand par toute l'âme, l'instruit, la fortifie ,

 

1 Ps.3772.

 

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l'affermit et la dispose à recevoir et à contempler les émissions lumineuses de la vérité. Il avait reçu cette onction céleste , celui qui disait : « Le Seigneur m'a marqué de l'onction de sa miséricorde (1). » Et c'est de cette même onction que parlait David en ce passage : C'est comme la rosée de l'Hermon qui descend sur la montagne de Sion (2). Hermon veut dire une lumière élevée, et il représente fort bien la bonté infinie de Jésus, qui a dit lui-même : Je suis la lainière du monde (3). Cette lumière a été d'abord élevée de la terre sur la croix, et de la croix au-dessus de toute la magnificence des cieux; et bien qu'en tout temps elle ait pu être appelée la lumière suréclatante et la splendeur au-dessus de toute lumière de cette région éternelle de la suprême félicité , elle mérite aujourd'hui ce titre d'une manière qui lui est plus propre à cause de l'éclat si ravissant de son humanité. La rosée de cette montagne est donc descendue sur la montagne de Sion , c'est-à-dire sur l'âme du contemplatif ; elle l'a arrosée en la fécondant ; elle l'a fécondée en l'arrosant, et elle a tempéré avec suavité en elle la chaleur du premier degré, de peur qu'elle ne passât les limites possibles. Ainsi ce que le feu purifie en le brûlant, l'onction l'adoucit en le pénétrant de son baume fortifiant , afin de rendre l'âme plus capable de recevoir les rayons divins destinés à augmenter sa beauté, rayons qui émanent saris interruption de l'aurore toujours brillante de l'éternité , et instruisent de toutes choses l'àme qu'ils illuminent, de sorte que les

 

1 Is., 61. — 2 Ps. 137. — 3 Joan., 8.

 

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ténèbres de l'ignorance ne trouvent plus à se reposer en un lieu où se répandent Ies torrents d'une lumière si glorieuse (1).

 

III

 

L'extase est un ravissement enivrant dans lequel l'âme, abandonnant l'homme extérieur, s'élève au-dessus d'elle-même et se porte, selon l'étendue de ses forces, vers la source surintellectuelle du divin amour au moyen des vertus propres à aider son élévation. Ces vertus sont l'humilité et la pureté. C'est par la première que se fait l'abandon de l'homme extérieur, et par la seconde que l'homme intérieur monte et arrive jusqu'au rayon lumineux où il reçoit les saints et ineffables épanchements de l'amour par excellence. Absorbé dans ces faveurs, il oublie les grâces précédentes et s'élance avec ardeur vers les beautés du tabernacle resplendissant des célestes clartés ; car c'est le divin amour qui produit l'extase, et il ne permet pas à ceux qu'il possède l'amour d'eux-mêmes, mais seulement de ce qui mérite d'être aimé, comme nous l'apprend saint Denis, cet homme initié aux secrets de Dieu (2). C'est donc lorsque nous avons pour Dieu une charité véritable et un amour réel, que nous sommes dans une sainte extase, dans une extase qui incline notre homme spirituel vers les choses intérieures et nous fait oublier tant l'homme extérieur que tout ce qui a précédé jusqu'à ce jour

 

1 I Joan., 2. — 2 De div. nom., c. 4.

 

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IV

 

La contemplation est la recherche pieuse, intellectuelle et affectueuse des richesses bienheureuses placées au-dessus des cieux et connues de Dieu seul. L'intelligence et la volonté concourent à cette action, mais la première d'une manière bien différente de la seconde ; car lorsque l'âme contemplative, tenant suspendus ses sens spirituels, porte son regard sur les objets éternels , la partie la plus pénétrante de l'intelligence et l'affection la plus ardente de la volonté s'élancent à la fois vers les choses divines , s'excitent mutuellement et montent également, l'une en considérant, l'autre en désirant. Mais l'intelligence qui ouvre la marche ne peut entrer, car elle voit comme par un miroir et elle est contrainte à demeurer dehors. L'amour, au contraire, agissant sans intermédiaire, entre et s'unit à son objet , selon cette parole : Celui qui s'attache au Seigneur, est un même esprit avec lui (1). Alors l'intelligence, qui d'abord n'avait pu pénétrer par ses propres forces, ayant été reçue, la volonté est admise à la félicité par cette bonté déifique et surintellectuelle qui est au-dessus de toute essence. Après avoir agi de la sorte vis-à-vis de cette âme, en cédant à la violence embrasée de ses désirs et à ses efforts pour s'élancer en haut, Dieu l'attire plus intimement en lui-même. Là, il embellit son intelligence en versant sur elle la splendeur

 

1 I Cor., 6.

 

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inépuisable de ses rayons éblouissants, et il nourrit la sainte ardeur de sa volonté pour sa douceur divine et infinie en lui communiquant une suavité pleine de lumière. Pendant que toutes deux jouissent ainsi de leur enivrement et que leurs désirs s'accroissent, la divine bonté se donne elle-même et répand sa clarté avec encore plus d'abondance, à cause de l'amour extraordinaire qu'elles ont pour la vérité suprême. Et c'est là le souverain bonheur. Heureux celui qui a pu atteindre à la hauteur de ce degré ! Il est vraiment devenu un ange; il a dans la vie présente commencé les joies de la vie future. Il l'avait éprouvé celui qui s'écriait : Pour nous , nous contemplons la gloire du Seigneur sans qu'un voile couvre notre visage; nous sommes transformés en la même image, et nous avançons de clarté en clarté par l'illumination de l'Esprit du Seigneur (1). Dans ce passage , le saint Apôtre nous montre surtout l'utilité de la contemplation. Qu'est-ce en effet que contempler sans voile la gloire du Seigneur à visage découvert, sinon, après avoir rejeté toute impureté de nature à voiler la face de notre intelligence, considérer pieusement, purement et dévotement la splendeur inconnue, très-simple et suréclatante de l'éternité de Dieu, et la paix ineffable des esprits célestes, paix vraiment inaltérable et inaccessible aux efforts de l'esprit humain

Qu'entend-il lorsqu'il dit que ceux qui se livrent à une telle contemplation sont transformés en la même image, sinon que la cause de cette incomparable suavité

 

1 II Cor., 3.

 

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n'est point différente des choses mêmes que nous nous sommes représentées, lesquelles, après nous avoir tirés de nous-mêmes et nous avoir absorbés en elles, nous abreuvent d'un torrent de délices et nous transforment nécessairement d'hommes terrestres en hommes célestes , d'hommes charnels en hommes spirituels , et de créatures corporelles en créatures angéliques? Cette parole : être transformés en la même image, me semble donc signifier être transformés en la chose qu'on s'est représentée. Et c'est avec raison que l'Apôtre ajoute : Nous avançons de clarté en clarté par l'illumination de l'Esprit du Seigneur, car ce divin Esprit nous conduisant par la main, nous remplit de ses saintes et divines splendeurs , et par là nous avançons de lumière en lumière, selon cette parole du Prophète : « C'est en votre lumière que nous verrons la lumière (1) . » Cette contemplation , ou, si vous voulez, cette recherche ne compte pour rien les dangers ni les peines , et quand une âme est pure, pieuse et libre des choses extérieures , elle lui procure des avantages inestimables, alors même que cette âme ne découvrirait rien.

 

V.

 

Le goût est une jouissance anticipée, extraordinaire et ineffable de la douceur inappréciable de Dieu , jouissance versée des trésors secrets de l'Esprit-Saint dans l'âme des contemplatifs. Je l'appelle une

 

1 Ps. 35.

 

533

 

jouissance d'avant-goût , car ce qui nous est donné n'est qu'une faible portion de cette abondance sans limites de la divine douceur, et encore sans aucun doute, c'est par un effet providentiel de la bonté céleste que cette faveur nous est accordée. En effet , tandis que cet écoulement délicieux et céleste se fait goutte à goutte en nos âmes , nous nous portons nous-mêmes par des prières plus fréquentes et nous élevons avec plus d'ardeur nos soupirs vers l'Océan de toute plénitude. Ces ineffables jouissances attirent plus qu'elles ne nourrissent, quoi qu'elles fassent l'un et l'autre, car elles excitent la faim et ne produisent jamais la satiété. C'est au bienfait de ce degré qu'on attribue la science d'expérience par laquelle nous nous efforçons de nous rendre semblables aux esprits célestes selon la connaissance que nous avons d'eux. Car tout ce que les âmes saintes connaissent , elles en font l'expérience en ce degré; et ainsi , de même que le soleil domine la terre, de même cette connaissance est au-dessus de la simple science. Heureux et glorieux sont ceux qui ont été élevés à la cime de ce degré ! Ils sont remplis avec abondance de la suavité des noces éternelles, ils goûtent et ils voient combien le Seigneur est doux.

 

VI

 

Le repos est une tranquillité admirable et ineffable de l'âme entière, tranquillité produite en nous par la douceur infuse d'une oraison fréquente. La jouissance

 

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d'un tel repos n'est accordée qu'aux hommes profondément spirituels, à qui il est donné de s'élever dans leur contemplation au-dessus des substances célestes elles-mêmes. Car la bonté suprême se rend familière et se communique à eux tandis que leur coeur se dilate avec force en de pieux désirs , et ils reçoivent entières et sans affaiblissement les bienheureuses émissions qui demeurent inconnues aux présomptueux. Alors leurs âmes saintes se trouvant fortifiées avec surabondance par une nourriture si inaccoutumée, leur raison devient brillante de lumière, la concupiscence se calme, l'irascibilité se change en joie, et c'est, nous n'en doutons pas, de la réunion de toutes ces choses qu'émane ce repos déifique. Or, ce degré est d'autant plus glorieux et plus précieux qu'il s'approche davantage du dernier degré, qui est le partage de la patrie.

 

VII

 

J'ai cru qu'il était plus sûr de se taire sur ce dernier degré que d'en parler ; car personne sur la terre n'a pu monter jusque là , ni en faire l'expérience, si ce n'est saint Paul, cet apôtre céleste que l'Ecriture nous montre y avoir été ravi. Heureuse mille fois l'âme de la très-douce et glorieuse vierge Marie, qui a reçu en cette vie ce qu'aucun n'a eu en sa possession ? Elle a porté cette gloire qui soutient les autres; elle est montée à ce degré par la connaissance de la foi, et il est lui-même descendu vers elle en se revêtant de

 

535

 

notre chair. Quel est donc ce degré? quelle est donc cette gloire, me direz-vous? Rien autre chose que celui que Marie a enfanté, qu'elle a nourri de son lait virginal, touché de ses mains si pures, réchauffé dans son très-doux sein , couvert de ses pudiques baisers, étreint de ses chastes embrassements, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui est béni dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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