ÉCRITURE SAINTE I
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TRADUCTEUR

EXPLICATIONS DE DIVERS PASSAGES DE L'ÉCRITURE SAINTE.

PARTIE I.

 

A HÉDIBIA.

Première question.

Seconde question.

Troisième question.

Quatrième question.

Cinquième question.

Sixième question.

Septième question.

Huitième question.

Neuvième question.

Dixième question.

Onzième question.

Douzième question.

 

A HÉDIBIA.

 

Quoique je n'aie jamais eu l'honneur de vous voir, et que je ne vous connaisse que par la réputation que vous vous êtes acquise dans le monde par l'ardeur de votre foi, cependant vous m'écrivez des extrémités des Gaules et vous venez me chercher jusqu'au fond du désert de Bethléem, pour m'engager à répondre aux questions que vous me proposez sur l'Ecriture sainte, et sur lesquelles vous m'avez envoyé un petit mémoire par mon fils Apodemius. N'avez-vous pas dans votre province des personnes consommées dans la science de la loi de Dieu, et capables de vous instruire et d'éclaircir vos doutes? Mais peut-être ne cherchez-vous pas tant à vous instruire vous-même qu'à éprouver ma capacité; et après avoir consulté les autres sur les difficultés qui vous arrêtent vous voulez encore savoir ce que j'en pense. Vos ancêtres Patère et Delphide, dont l'un a enseigné la rhétorique à Rome avant que je fusse au monde, et l'autre durant ma jeunesse a illustré toutes les Gaules par les beaux ouvrages qu'il a composés tant en prose qu'en vers, tout muets qu'ils sont dans leur tombeau, me font de justes reproches de la liberté que je prends de donner des instructions à une personne de leur famille. Ils excellaient, je l'avoue, dans l’éloquence et dans les lettres humaines ; mais je puis dire aussi, sans craindre de rien dérober à leur gloire, qu'ils n'étaient guère versés dans la science de la loi de Dieu, dont personne ne peut être instruit que par le Père des lumières « qui éclaire tout homme venant en ce monde, » et qui se trouve au milieu des fidèles assemblés en son nom.

Je vous déclare donc, sans craindre qu'on m'accuse de vanité, que dans cette lettre je ne me servirai point de ces termes pompeux « qu'enseigne la sagesse humaine que Dieu doit détruire un jour,» mais de ceux qu'enseigne la foi, traitant spirituellement les choses spirituelles, afin que « l'abîme » de l'Ancien-Testament « attire l’abîme» de l'Evangile « au bruit que font les eaux, » c'est-à-dire: les prophètes et les apôtres, et que la «vérité » du Seigneur » s'élève jusqu'à ces « nuées » à qui il a commandé de ne point pleuvoir sur les Juifs incrédules et d'arroser au contraire les terres des gentils, de « remplir le torrent des épines » et d'adoucir les eaux de la mer Morte. Priez donc le véritable Elisée de vivifier les eaux mortes et stériles qui sont en moi, et d'assaisonner le mets que je vous présente avec le sel des apôtres, à qui il a dit «Vous êtes le sel de la terre, » parce qu'on n'offre point à Dieu de sacrifice qui ne soit assaisonné avec le sel. Ne cherchez pas ici le faux éclat de cette éloquence mondaine que Jésus-Christ « a vu tomber du ciel comme un éclair, » jetez plutôt les yeux sur cet « homme de douleur qui n'a ni beauté ni agrément,» et qui sait ce que c'est que de souffrir, et croyez qu'en répondant aux questions que vous me proposez, ce n'est pas sur mon érudition et ma capacité que je compte, mais sur la promesse de celui qui a dit : « Ouvrez votre bouche et je la remplirai. »

 

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Première question.

 

Vous mie demandez comment on peut devenir parfait, et de quelle manière doit vivre aine veuve qui n'a point d'enfants.

C'est la question qu'un docteur de la loi faisait à Jésus-Christ : « Maître, » lui disait-il, « que faut-il que je fasse pour acquérir la vie éternelle ? »Le Seigneur lui répondit: « Savez-vous les commandements? » — «Quels commandements? » lui répliqua le docteur. Jésus lui dit « Vous ne tuerez point; vous ne commettrez point d'adultère; vous ne déroberez point; vous ne rendrez point de faux témoignage. Honorez votre père et votre mère, et aimez votre prochain comme vous-même. » Ce docteur lui ayant répondu: « J'ai gardé tous ces commandements dès ma jeunesse, »  Jésus-Christ ajouta : « Il vous manque encore une chose : si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez et le donnez aux pauvres; puis venez et me suivez. »

Pour répondre donc, madame, à la question que vous me proposez, je me servirai des propres paroles de Jésus-Christ. Si vous voulez être parfaite, porter votre croix, suivre le Sauveur et imiter saint Pierre qui disait: « Vous voyez, Seigneur, que nous avons tout quitté pour vous suivre,» allez, vendez tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et suivez le Sauveur. Jésus-Christ ne dit pas : Donnez-le à vos enfants, à vos frères, à vos parents, auxquels, quand même vous en auriez, vous seriez toujours obligée de préférer le Seigneur; mais, «Donnez-le aux pauvres, » ou plutôt à Jésus-Christ, que vous secourez en la personne des pauvres; lequel, étant riche, s'est fait pauvre pour l'amour de nous, et qui dit dans le psaume trente-neuvième : «Pour moi, je suis pauvre et dans l'indigence, et le Seigneur prend soin de moi. » Aussi est-ce de, lui qu'il est écrit dès le commencement du psaume suivant: «Heureux celui qui est attentif aux besoins du pauvre et de l'indigent.» Cette attention est nécessaire afin de pouvoir discerner ceux qui sont vraiment pauvres; car on ne doit point mettre de ce nombre ceux qui, couverts de haillons et vivant dans l'indigence, ne laissent pas de vivre en même temps dans le crime et le désordre. Les véritables pauvres sont ceux dont parle l'apôtre saint Paul lorsqu'il dit : « Ils nous recommandèrent seulement de nous ressouvenir des pauvres. » C'était pour le soulagement de ces pauvres que saint Paul et saint Barnabé avaient soin de faire recueillir les aumônes, le premier jour de la semaine, dans les assemblées des gentils convertis à la foi, et qu'ils prenaient la peine eux-mêmes, sans vouloir s'en décharger sur d'autres, de porter à ceux qui avaient été dépouillés de leurs biens pour Jésus-Christ, qui souffraient la persécution, et qui avaient dit à leur père et à leur mère, à leur femme et à leurs enfants : « Nous ne vous connaissons point.» Ce sont ces véritables pauvres qui ont accompli la volonté du Père céleste et dont le Sauveur a dit : « Ceux-là sont ma mère et mes frères qui font la volonté de mon Père. »

Je ne prétends point par là empêcher qu'on ne fasse l'aumône aux Juifs, aux gentils et à tous les autres pauvres, de quelque nation qu'ils soient ; mais l'on doit toujours préférer les chrétiens aux infidèles, et parmi les chrétiens mêmes, l'on doit mettre une grande différence entre un pauvre dont la vie est pure et les moeurs innocentes, et celui qui mène une vie corrompue et déréglée. De là vient que l'apôtre saint Paul, exhortant les fidèles dans la plupart de ses épîtres à faire la charité à tous les pauvres, leur recommande de l'exercer principalement envers ceux qu'une mène foi a rendus domestiques du Seigneur, c'est-à-dire : qui nous sont unis par les liens d'une même religion, et qui ne rompent point une union si sainte par le dérèglement et la corruption de leurs mœurs. Si saint Paul nous commande de donner à manger à nos ennemis lorsqu'ils ont faim, de leur donner à boire lorsqu'ils ont soif, et d'amasser par là des charbons de feu sur leur tète , combien plus sommes-nous obligés de nous acquitter de ces devoirs de charité envers ceux qui ne sont point nos ennemis et qui font profession d'une vie sainte et chrétienne? Au reste il faut prendre en bonne part et non pas dans un mauvais sens ce que dit l'Apôtre : « En agissant de la sorte, vous amasserez des charbons de feu sur sa tête. » Il veut dire par là qu'en faisant du bien à nos ennemis nous surmontons par ces manières honnêtes et obligeantes leur malice et leur haine, nous amollissons la dureté de leur coeur, nous en bannissons l'aigreur et la passion pour y faire place à l'amitié et à la tendresse, et nous amassons ainsi sur leur tête ces « charbons » dont il est écrit : « Une main puissante lance des flèches très pointues avec des charbons dévorants.» Car, de même que ce Séraphin dont parle Isaïe purifia les lèvres de ce prophète avec un charbon de feu qu'il avait pris sur l'autel, ainsi nous purifions par notre charité les péchés de nos ennemis, surmontant le mal par le bien, bénissant ceux qui nous maudissent , et imitant notre Père céleste qui «fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et fait pleuvoir sur les justes et sur les pécheurs. » Comme donc vous n'avez point d'enfants, « employez les richesses injustes à vous faire plusieurs amis qui vous reçoivent dans les tabernacles éternels. » Ce n'est pas sans raison que l'Evangile appelle les biens de la terre « des richesses injustes, » car elles n'ont point d'autre source que l'injustice des hommes, et les uns ne peuvent les posséder que par la perte et la ruine des autres. Aussi dit-on communément, ce (lui me parait très véritable, que ceux qui possèdent de grands biens ne sont riches que par leur propre injustice, ou par celle de ceux dont ils sont les héritiers.

Ce docteur de la loi ayant entendu dire à Jésus-Christ que pour être parfait il fallait renoncer à toutes les richesses qu'on possédait, et ne pouvant se résoudre à prendre ce parti parce qu'il était fort riche, alors le Sauveur, se tournant vers ses disciples, leur dit : « Qu'il est difficile que les riches puissent entrer dans le royaume des cieux ! »Il ne dit pas : il est impossible, mais : il est difficile, quoique l'exemple qu'il apporte marque une impossibilité absolue. «Il est plus aisé, »dit-il, « qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le royaume de Dieu. » Or, cela est plutôt impossible que difficile, car il ne se peut jamais faire qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille; et par conséquent jamais un homme riche ne pourra entrer dans le royaume des cieux. Mais comme le chameau est un animal tortu et bossu, et qu'il porte ordinairement de pesants fardeaux, de même, lorsque nous nous engageons dans des routes malheureuses qui conduisent au péché, que nous nous écartons de la voie droite que Jésus-Christ nous a marquée, et que nous sommes chargés du poids des richesses ou du fardeau de nos crimes, il est impossible que nous puissions entrer dans le royaume de Dieu; mais si nous voulons nous décharger de ce poids accablant et prendre les ailes de la colombe, alors nous nous envolerons, nous trouverons du repos, et on nous dira : « Quand vous seriez comme à demi morts au milieu des plus grands périls, vous deviendrez comme la colombe, dont les ailes sont argentées et dont l'extrémité du dos représente l'éclat de l'or., » Corrigeons-nous de ces défauts qui nous rendaient autrefois si difformes; déchargeons-nous de ce pesant fardeau dont nous étions accablés; couvrons-nous de cet or éclatant» qui représente le sens spirituel des divines Ecritures, et de ces «ailes argentées,, qui en marquent le sens littéral; et alors nous pourrons entrer dans le royaume de Dieu. Les apôtres représentent à Jésus-Christ qu'ils ont abandonné tout ce qu'ils possédaient, et ne craignent pas même de lui demander la récompense que mérite un si parfait détachement; et le Seigneur leur répond: « Quiconque abandonnera pour mon nom sa maison, ou ses frères, ou ses sueurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, en recevra le centuple, et aura pour héritage la vie éternelle.» Quel bonheur d'avoir Jésus-Christ même pour débiteur, et de recevoir de lui un trésor infini pour le peu de choses qu'on a quittées, des biens éternels pour des biens passagers, des biens durables et solides pour de fragiles et périssables richesses qui nous échappent malgré nous!

Que si une femme veuve, surtout si elle est de qualité, a des enfants, elle ne doit pas les laisser dans l'indigence; mais il est juste aussi qu'elle ait sa part des biens qu'elle leur laisse; elle doit premièrement prendre soin des intérêts de son âme, et la regarder comme l'un de ses enfants ; elle doit partager avec eux le bien qu'elle leur donne et ne leur pas abandonner tout; ou plutôt elle doit le partager entre Jésus-Christ et eux. Vous me direz peut-être que cela est bien difficile, et qu'on ne peut traiter des enfants de la sorte sans révolter la nature et combattre les sentiments les plus tendres qu'elle inspire; mais le Seigneur vous répond: « Que celui qui est capable d'une telle résolution la prenne;» il vous dit : « Si vous voulez être parfaite, allez, vendez tout ce que vous possédez, etc. » Il ne vous fait point une loi de cette perfection; il vous laisse la liberté de prendre sur cela tel parti qu'il vous plaira. Voulez-vous être parfaite et vous élever au comble de la vertu? imitez les apôtres, vends z tout ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et suivez le Seigneur. Séparée de toutes les créatures et dépouillée de tout ce que vous possédiez au monde, suivez la croix toute nue et n'ayez qu'elle en partage. Ne voulez-vous point être parfaite, et vous contentez-vous de demeurer au second degré de la vertu? abandonnez tout ce que vous avez, donnez-le à vos enfants et à vos parents. On ne vous fait point un crime de ce que vous vous bornez à ce qu'il y a de moins parfait, pourvu que d'ailleurs vous tombiez d'accord que c'est avec justice qu'on vous préfère celle qui tend à la perfection.

Vous ne manquerez pas de me dire qu'une vertu si sublime n'appartient qu'aux hommes et aux apôtres , mais qu'il est impossible qu'une femme de qualité, qui a besoin de mille choses pour se soutenir dans son état, vende tout ce qu'elle possède. Ecoutez donc ce que dit l'apôtre saint Paul : «Je n'entends pas que les autres soient soulagés et que vous soyez surchargés, mais que, pour ôter l'inégalité, votre abondance supplée à leur pauvreté, afin que votre pauvreté soit aussi soulagée par leur abondance.» C'est pour cela que Jésus-Christ nous dit dans l'Évangile : « Que celui qui a deux robes en donne une à celui qui n'en a point. » Mais si l'on vivait parmi les glaces de la Scythie et les neiges des Alpes, où non-seulement deux et trois robes, mais les peaux même des bêtes suffisent à peine pour se garantir du froid de ces rigoureux climats, serait-on obligé de se dépouiller pour revêtir les autres? Par « une robe »on doit entendre : tout ce qui est nécessaire pour nous vêtir et pour subvenir aux nécessités de la nature, qui nous a fait naître tout nus; et par « les provisions d'un seul jour » on doit entendre : tout ce qui est nécessaire pour nous nourrir. C'est dans ce sens qu'on doit expliquer ce commandement de l'Évangile : « N'ayez point d'inquiétude pour le lendemain, » c'est-à-dire : pour l'avenir; et ce que dit l'Apôtre: « Pourvu que nous ayons de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents.» Si vous avez en cela du superflu, donnez-le aux pauvres; c'est une obligation indispensable pour vous. Ananie et Saphire méritèrent d'être condamnés par l'apôtre saint Pierre, parce qu'ils s'étaient réservé une partie de leur bien par une timide prévoyance. Est-ce donc un crime, me direz-vous, que de ne pas donner tout son bien? Non , mais l'Apôtre les punit de mort parce qu'ils avaient menti au Saint-Esprit, et qu'en se réservant ce qui leur était nécessaire pour vivre, et affectant de renoncer parfaitement à toutes les choses de la terre, ils ne cherchaient que l'approbation et la vaine estime des hommes. Au reste il nous est libre de donner ou de ne pas donner; mais celui qui pour être parfait renonce à tous les biens de la vie présente doit s'attendre de voir un jour sa pauvreté récompensée par la possession des biens futurs.

Pour ce qui est de la vie que doit mener une veuve, l'Apôtre nous en prescrit les règles en peu de mots lorsqu'il dit : « La veuve qui vit dans les délices est morte, quoiqu'elle paraisse vivante. » Je crois aussi avoir traité cette matière à fond dans les deux ouvrages que j'ai dédiés à Furia et à Salvina.

 

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Seconde question.

 

Comment doit-on entendre ce que le Sauveur dit dans saint Mathieu : « Or je vous dis que je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu'à ce jour auquel je le boirai nouveau avec vous dans le royaume de mon Père?»

Ce passage a donné lieu à la fable qu'ont inventée quelques auteurs, qui prétendent que Jésus-Christ doit régner durant mille ans d'une manière sensible et corporelle, et boire de ce vin dont il n'aura point bu depuis la dernière cène qu'il lit avec ses apôtres jusqu'à la fin du monde. Mais pour nous, nous croyons que le pain que le Seigneur rompit et donna à ses disciples n'est autre chose que le corps du Sauveur, comme il les en assura lui-même en leur disant : « Prenez et mangez; ceci est mon corps;» et que le calice est celui dont il leur dit encore: « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui sera répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés. »C'est de ce calice que parle le prophète-roi lorsqu'il dit : « Je prendrai le calice du Seigneur; » et ailleurs: « Que votre calice, qui a la force d'enivrer, est admirable! »

Si donc « le pain» qui est descendu du ciel est le corps du Seigneur, et si « le vin» qu'il donna à ses disciples « est son sang, le sang de la nouvelle alliance, qui a été répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés, » rejetons les fables des Juifs, et montons avec le Seigneur dans cette grande chambre haute toute meublée et préparée, où il fit la Pâques avec ses apôtres; et là, recevons de sa main le calice du Nouveau Testament; faisons-y la Pâques avec lui, et enivrons-nous de ce vin qu'il nous présente, e dont la nature est de rendre sobres ceux qui en boivent. Car le royaume de Dieu ne consiste pas dans le boire et dans le manger, mais dans la justice, dans la joie et dans la paix que donne le Saint-Esprit. Ce n'est pas Moïse, c'est notre Seigneur Jésus-Christ qui nous a donné le véritable pain. Il est tout à la fois et le convive et la viande que nous mangeons à sa table; il y mange et il y est mangé; c'est son sang que nous buvons, et nous ne saurions le boire sans lui. Dans les sacrifices que nous lui offrons tous les jours nous foulons les raisins de cette vraie. vigne, de cette « vigne de force », qui veut dire: choisie, et nous en buvons le vin nouveau dans le royaume de son père, non pas dans la vieillesse de la lettre, mais dans la nouveauté de l'esprit, chantant ce cantique nouveau que nul ne peut chanter que dans le royaume de l'Église, qui est le royaume du Père céleste. C'est de ce pain que le patriarche Jacob souhaitait de manger lorsqu'il disait : « Si le Seigneur mon Dieu demeure avec moi, et me donne du pain pour me nourrir et des habits pour me vêtir, etc. » Car nous tous qui sommes baptisés en Jésus-Christ, nous sommes aussi revêtus de Jésus-Christ. Nous mangeons le pair des anges, et nous entendons le Seigneur qui nous dit: « Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui m'a envoyé et d'accomplir son oeuvre. » Faisons donc aussi la volonté du père qui nous a envoyés; accomplissons son oeuvre, et Jésus-Christ boira son sang avec nous dans le royaume de l'Église.

 

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Troisième question.

 

Pourquoi les évangélistes parlent-ils diversement de la résurrection de Notre Seigneur et de la manière dont il apparut à ses apôtres ?

Vous me demandez d'abord pourquoi saint Mathieu dit que notre Seigneur ressuscita « le soir du dernier jour de la semaine, le premier jour de la suivante commençant à peine à luire; » et que saint Marc au contraire dit qu'il ressuscita le matin : «Jésus, » dit-il, « étant ressuscité le matin du premier jour de la semaine, apparut à Marie-Madeleine, dont il avait chassé sept démons; et elle s'en alla le dire à ceux qui avaient été avec lui, et qui étaient alors dans l'affliction et dans les larmes; mais lui ayant oui dire qu'il était vivant et qu'elle l'avait vu, ils ne la crurent point. »

On peut résoudre cette difficulté en deux manières ; car, ou nous rejetons ce passage de saint Marc, à cause que le chapitre d'où il est tiré ne se trouve point à la fin de la plupart des évangiles qui portent son nom, ni de presque tous les exemplaires grecs , et que d'ailleurs il renferme des choses qui ne s'accordent point avec les autres évangélistes; ou bien l'on doit répondre que saint Matthieu et saint Marc ont tous deux dit la vérité, celui-là en disant que notre Seigneur ressuscita le soir du dernier jour de la semaine, et celui-ci que Marie-Madeleine le vit le matin du premier jour de la semaine suivante; car, pour bien entendre ce passage de saint Marc, voici comment il le faut lire : « Jésus étant ressuscité, » et, après avoir fait ici une petite pause, ajouter ce qui suit: « le matin du premier jour de la semaine il apparut à Marie-Madeleine; » en sorte que, étant ressuscité, selon saint Mathieu, « le soir du dernier jour de la semaine, » il apparut, selon saint Marc, à Marie-Madeleine, « le matin du premier jour de la semaine suivante; » ce qui revient à ce que dit saint Jean, que Jésus-Christ se fit voir le matin du jour suivant.

 

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Quatrième question.

 

Comment accorder ce que dit saint Mathieu, que Marie-Madeleine vit Jésus-Christ « le soir du dernier jour de la semaine, » avec ce que dit saint Jean, que « le matin du premier jour de la semaine» elle pleurait près du sépulcre ?

Par  « le premier jour » de la semaine on doit entendre : le dimanche, parce que les Juifs comptaient la semaine par le jour du sabbat, et par le premier, le second, le troisième, le quatrième, le cinquième et le sixième jour du sabbat,

 

(1) Par le mot capitulum qui est dans le texte latin, et que nous avons traduit par celui de chapitre, on ne doit pas entendre le dernier chapitre de saint Marc tout entier, mais seulement les douze derniers versets de son évangile.

 

que les païens marquent par le nom des idoles et des planètes. De là vient que l'apôtre saint Paul ordonne aux fidèles de Corinthe d'amasser «le premier jour de la semaine » les aumônes qu'ils destinaient au soulagement des pauvres. Il ne faut donc pas s'imaginer que saint Mathieu et saint Jean ne s'accordent pas ensemble : ils n'ont fait que donner à une même heure, qui est celle de minuit et du chant du coq, des noms différents; car saint Mathieu dit que notre Seigneur apparut à Marie-Madeleine « le soir du dernier jour de la semaine, » c'est-à-dire : lorsqu'il était déjà tard , et la nuit étant non-seulement commencée, mais même fort avancée et presque passée. Aussi ajoute-t-il, comme pour s'expliquer lui-même, que le jour de la semaine suivante commençait déjà un peu à paraître. Pour ce qui est de saint Jean, il ne dit pas absolument : « Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine vint dès le matin au sépulcre ; » mais il ajoute : « lorsqu'il faisait encore obscur. » Ainsi ils s'accordent tous les deux pour le temps, qui est celui du chant du coq et de minuit, dont l'un a marqué le commencement et l'autre la fin. Il me semble même que le texte de saint Mathieu, qui a écrit son évangile en hébreu , porte « lorsqu'il était déjà tard, » et non pas « le soir; » ce que l'interprète, qui n'entendait pas bien le véritable sens de ce mot, a traduit par celui de « soir, » au lieu de dire « lorsqu'il était déjà tard. » En effet, dans l'usage ordinaire de la langue latine le mot serò signifie : tard; et nous avons coutume de nous en servir lorsque, par exemple, nous disons à quelqu'un : Vous êtes venu trop tard; faites au moins tard ce que vous auriez déjà dit avoir fait il y a longtemps.

Que si on nous objecte comment il se peut faire que Marie-Madeleine, après avoir vu le Seigneur ressuscité, vienne encore, comme le marque l'Évangile, pleurer auprès du sépulcre , il faut répondre que, pénétrée. qu'elle était d'un vif sentiment de reconnaissance~ de toutes les grâces que Jésus-Christ lui avait faites , elle courut plusieurs fois à son sépulcre, ou seule ou en la compagnie des autres femmes et que tantôt elle adora celui qu'elle voyait, tantôt elle pleura celui qu'elle cherchait. Quelques-uns néanmoins croient qu'il y a eu deux Maries-Madeleines, toutes deux natives du bourg de Magdelon, et que celle qui, selon saint Mathieu, vit Jésus-Christ ressuscité , est différente de celle qui, selon saint Jean, le chercha avec tant d'inquiétude. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'Evangile fait mention de quatre femmes appelées Marie : la première est la opère de notre Seigneur; la seconde est Marie, femme de Cléophas et tante de Jésus-Christ du côte de sa mère; la troisième est Marie, mère de Jacques et de José, et la quatrième Marie-Madeleine. Quelques-uns néanmoins confondent la mère de Jacques et de José avec la tante de Jésus-Christ. D'autres, pour se débarrasser de cette difficulté, disent qu'à la vérité saint Mare parle de l'une des Marie, mais qu'il ne lui a point donné le surnom de Madeleine, et que ce sont les copistes qu'il l'ont ajouté mal à propos. Pour moi, il me semble qu'on peut répondre à cette difficulté d'une manière plus simple et moins embarrassée en disant que ces saintes femmes, ne pouvant souffrir l'absence de Jésus-Christ, furent en mouvement toute la nuit, et. allèrent non-seulement une et. deux fois, mais à tout moment le chercher à son tombeau, surtout leur sommeil ayant été troublé et interrompu par le tremblement de terre, par le bruit des pierres qui se fendaient, par l’éclipse du soleil, par la confusion et le dérangement de toute la nature, et encore plus par l'empressement extrême qu'elles avaient de voir le Sauveur.

 

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Cinquième question.

 

Comment peut-on concilier ce que dit saint Mathieu, que, le soir du dernier jour de la semaine, Marie-Madeleine, accompagnée d'une autre Marie, se prosterna aux pieds dû Sauveur; et ce que nous lisons dans saint Jean, que Jésus. lui dit : « Ne me touchez pas, car:je ne suis pas encore monté vers mon Père? »

Marie-Madeleine, avec l'autre, avait déjà vu Jésus-Christ ressuscité et s'était prosternée. à ses pieds; mais l'inquiétude que lui donnait l'absence du Sauveur ne lui permettant pas de demeurer tranquille en son logis, elle était revenue au sépulcre durant la nuit ; et voyant qu'un avait ôté la pierre avec laquelle on l'avait fermé, elle courut dire à saint Pierre et à cet autre disciple que Jésus aimait tendrement qu’on avait enlevé le Seigneur du sépulcre, et qu’elle ne savait pas où on l'avait mis. Cette femme faisait paraître tout à la fois et sa piété et son erreur : sa piété, en ce qu'elle cherchait avec tant d'empressement celui dont elle connaissait la majesté; son erreur, en ce qu'elle disait qu'on avait enlevé le Seigneur. Saint Pierre et saint Jean entrèrent ensuite dans le sépulcre, et ayant vu d'un côté les linceuls et de l'autre le suaire dont on avait enveloppé la tête du Sauveur, ils furent convaincus de la résurrection de leur divin maître, dont le corps n'était plus dans le tombeau. Mais « Marie se tint dehors, pleurant près du sépulcre, et s'étant baissée, » pour regarder dedans, « elle y aperçut deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds, » pour lui faire voir qu'il était impossible que les hommes eussent pu enlever un corps que les anges gardaient, et le ravir à ces illustres et puissants défenseurs. Ces anges qu'elle voyait lui dirent: « Femme, pourquoi pleurez-vous?» de même que Jésus-Christ avait dit autrefois à sa mère : «Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? mort heure n'est pas encore venue .» En l’appelant « femme » ils lui reprochent l’inutilité de ses larmes; « pourquoi pleurez-vous?» lui disent-ils. Mais Madeleine était, tellement saisie et hors d'elle-même et sa foi, étonnée des prodiges qu'elle voyait, était, pour ainsi dire, enveloppée d'un nuage si épais que, sans s'apercevoir qu'elle parlait à des anges, elle leur répondit : « Je pleure parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l'ont mis. » O Marie, si vous êtes persuadée qu'il est le Seigneur, et le vôtre en particulier, comment pouvez-vous croire qu'ils l'aient enlevé? «Vous ne savez, » dites-vous, «où ils l'ont mis: » comment pouvez-vous l'ignorer, vous qui venez de l'adorer, il n'y a qu'un moment? Elle voit les anges sans les connaître , saisie qu'elle est de crainte et d'étonnement ; et uniquement occupée du désir de voir le Seigneur, elle tourne la tête et jette les yeux de tous côtés. Enfin, ayant regardé derrière elle, « elle vit Jésus debout, sans savoir néanmoins que ce fût lui. » Ce  n'est pas que Jésus-Christ , comme le prétendent Manès et quelques autres hérétiques , eût changé de figure afin de paraître quand il le voulait sous des formes différentes; mais c'est que Madeleine, surprise et étonnée de, tous les prodiges qu'elle voyait, prit pour un jardinier celui qu'elle cherchait avec tant d'inquiétude et d'empressement. Jésus donc lui dit, comme avaient fait les anges: « Femme, pourquoi pleurez-vous? « Et il ajouta: «Qui cherchez-vous? „ Marie lui répondit : « Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai. » Ce n'est point par le mouvement d'une véritable foi qu'elle donne au Sauveur le nom de « seigneur: « c'est son humilité et la crainte dont elle est saisie qui l'oblige à traiter un jardinier avec tant de respect et d'honnêteté.

Mais remarquez, je vous prie, jusqu'où va son erreur et son aveuglement : elle s'imagine que ce jardinier a pu enlever lui seul le corps de Jésus-Christ, qui était gardé par une compagnie de soldats et dont le sépulcre était sous la protection des anges , et oubliant sa faiblesse naturelle, elle se persuade que, seule et effrayée comme elle est, elle aura néanmoins assez de force pour emporter le corps d'un homme d'un âge parfait, et qui, sans parler du reste, avait été embaumé avec cent livres de myrrhe. Jésus l'ayant appelée par son nom, afin qu'elle connût du moins la voix de celui dont elle ne reconnaissait pas le visage, cette femme, toujours occupée de son erreur, rappelle, non pas « seigneur, » mais rabbi, c'est-à-dire : maître. Quel renversement d'esprit! quel travers d'imagination! Elle donne à un prétendu jardinier le nom de « seigneur, » et à Jésus-Christ ressuscité celui de « maître. » comme donc elle cherchait parmi les morts un homme qui était plein de vie, courant de côté et d'autre sans consulter sa faiblesse, n'ayant pour guide qu'une imagination égarée, et cherchant le corps mort de celui qu'elle avait vu vivant et aux pieds duquel elle s'était prosternée pour l’adorer, le Seigneur lui dit: « Ne me touchez pas, car je ne suis pas encore monté vers mon père; » c'est-à-dire : Puisque vous me cherchez comme un homme mort, vous ne méritez pas de me toucher vivant. Si vous croyez que je ne suis pas encore monté vers mon Père, et que les hommes sont venus furtivement enlever mon corps, vous êtes indigne de me toucher ; ce que Jésus-Christ lui disait, non pas pour refroidir son zèle et réprimer l’empressement aveu lequel elle le cherchait, mais pour lui montrer que ce corps fragile et mortel dont il s'était revêtu était alors environné de toute la gloire et de tout l’éclat de la divinité, et qu'elle ne devait plus souhaiter de voir le Seigneur d'une manière corporelle et sensible, puisque sa foi, si elle eût été bien épurée, devait lui apprendre qu'il régnait maintenant avec son Père. En effet la foi des apôtres parait bien plus vive et bien plus animée, puisque sans avoir vu comme Madeleine ni les anges ni le Sauveur, contents de n'avoir plus trouvé son corps dans le sépulcre, ils crurent aussitôt qu'il était véritablement ressuscité.

Quelques-uns croient que Marie-Madeleine, comme le rapporte saint Jean, vint premièrement au sépulcre, et qu'elle aperçut qu'on avait ôté la pierre qui en fermait l'entrée; et qu'étant ensuite revenue avec saint Pierre et saint Jean, elle y resta seule, et que faisant voir en cela son peu de foi, elle s'attira les justes reproches que lui fit le Seigneur; qu'après cela, étant revenue en son logis, elle retourna encore une fois au sépulcre avec l'autre Marie, et que l'ange lui ayant appris que Jésus était ressuscité, elle sortit du lieu où on l'avait enseveli et l'adora, se prosternant à ses pieds dans le temps qu'il leur dit : « Le salut vous soit donné. »  « Elles s'approchèrent du Sauveur, » dit l'Evangile, « lui embrassèrent les pieds, et l'adorèrent. » Leur foi dans ce moment devint si vive et si ardente qu'elles furent- jugées dignes d'aller apprendre aux apôtres cette heureuse et agréable nouvelle, Jésus-Christ leur ayant dit d'abord : « Ne craignez point; et ensuite. « Allez dire à mes frères qu'ils aillent en Galilée : c'est là qu'ils me verront. »

 

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Sixième question.

 

Comment saint Pierre et saint Jean ont-ils pu si aisément entrer dans le sépulcre, qui était gardé par une compagnie de soldats, sans qu'aucun de ces gardes se soit mis en devoir de leur en défendre l'entrée?

Voici la raison que saint Mathieu nous en donne : «La semaine étant passée, » dit-il «et le premier jour de la suivante commençant à peine à luire, Marie-Madeleine et une autre Marié vinrent pour voir le sépulcre. Et tout d'un coup il se fit un grand tremblement de terre; et un ange du Seigneur descendit du ciel et vint renverser la pierre qui fermait le sépulcre, et s'assit dessus. Son visage était brillant comme un éclair et ses vêtements blancs comme la neige; et les gardes en furent tellement saisis de frayeur qu'ils restèrent comme morts. Saisis donc qu'étaient ces soldats d'une frayeur si grande qu'ils paraissaient comme morts, il est à croire ou qu'ils abandonnèrent le sépulcre, ou que la crainte les avait tellement étourdis et troublés qu'ils n'avaient pas la hardiesse de s'opposer, je né dis pas aux hommes, mais aux femmes même qui voulaient y entrer; car cette pierre qu'on avait ôtée de l'entrée du sépulcre, ce tremblement de terre si grand et si extraordinaire que tout en fut ébranlé, et qui semblait menacer l’Univers d'un bouleversement général ; cet ange qui était descendu du ciel, et dont le visage était si éclatant qu'il ressemblait non pas à ces flambeaux artificiels que les hommes ont coutume d'allumer pour leurs usages, mais à un éclair qui répand partout son éclat et sa lumière; tous ces objets effrayants, qu'ils pouvaient aisément apercevoir même durant la nuit, avaient jeté dans leur âme la crainte et la frayeur; en sorte que saint Pierre et saint Jean entrèrent sans peine et sans obstacle dans le sépulcre. D'ailleurs Marie-Madeleine, qui leur avait appris la nouvelle de la résurrection du Sauveur, avait déjà remarqué qu'on avait enlevé son corps du tombeau et ôté la pierre qui en fermait l’entrée. Au reste il ne faut pas s'imaginer que l'ange soit descendu exprès du ciel pour ôter cette pierre et ouvrir le sépulcre à Jésus-Christ; mais le Seigneur étant ressuscité à l'heure qu'il Voulut, et qu'aucun homme n'a jamais connue, cet esprit céleste vint apprendre aux fidèles ce qui s'était passé, et faire voir par sa présenté, et par le renversement de la pierre, que le corps de  Jésus n'était plus dans le sépulcre; ce que l’on pouvait aisément découvrir à la faveur de cette brillante lumière qui sortait de son visage, et qui faisait disparaître toute l'horreur des ténèbres de la nuit.

 

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Septième question.

 

Comment accorder ce que nous lisons dans saint Mathieu et dans saint Marc, que lés femmes qui étaient allées au sépulcre avaient eu ordre de dire aux apôtres qu'ils eussent à aller en Galilée et que là ils verraient le Seigneur, avec ce que disent saint Luc et saint Jean, qu'il se fit voir à Jérusalem?

Il y a bien de la différence entre la manière dont le Sauveur apparut aux onze apôtres, «lorsque la crainte qu'ils avaient des Juifs les obligeant à se tenir cachés, il entra dans le lieu où ils étaient, les portes étant fermées, et qu'il leur montra les plaies de ses mains et de son côté, » pour les convaincre qu'il n'était pas un esprit comme ils se l’imaginaient; et entre celle dont il se montra à eux lorsqu'il leur fit voir, comme dit saint Luc, « par beaucoup de preuves, qu'il était vivant, leur apparaissant pendant quarante jours, et leur parlant du royaume de Dieu; et qu'en mangeant avec eux il leur commanda de ne point partir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père. » Car dans l'une il se faisait voir à ses apôtres pour les consoler et dissiper leur crainte, ne se montrant à eux que pour peu de temps, et disparaissant aussitôt à leur yeux, au lieu que dans l’autre il conversait avec ses disciples si longtemps et avec tant de familiarité qu'il mangeait même avec eux. C'est pourquoi l'apôtre saint Paul dit que Jésus-Christ se fit voir en même temps à plus de cinq cents de ses disciples. Nous lisons aussi dans saint Jean que, lorsque les apôtres pêchaient , il parut sur le rivage et mangea « un morceau de poisson rôti et un rayon de miel, leur faisant voir par là d'une manière très sensible qu'il était véritablement ressuscité. Or nous ne voyons point qu'il a rien fait de semblable à Jérusalem.

 

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Huitième question.

 

Comment doit-on expliquer ces paroles de saint Mathieu : «Jésus, jetant un grand cri, rendit l'esprit; en même temps le voile du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu’en bas, la terre trembla, les pierres se fendirent, les sépulcres s'ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient dans le sommeil de la mort ressuscitèrent; et, sortant de leurs tombeaux après sa résurrection, ils vinrent en la ville sainte, et furent vus de plusieurs personnes? »

J'ai déjà expliqué ce passage dans mes commentaires sur saint Mathieu. Il faut remarquer d'abord qu'il n'y a qu'un Dieu qui puisse quitter la vie et la reprendre quand il lui plaît. De là vient que le centenier voyant que Jésus-Christ, après avoir dit : « Mon Père, je remets mon âme entre vos mains, » avait aussitôt rendu l'esprit volontairement, touché d’un si grand prodige, il s'écria : « Cet homme était vraiment le fils de Dieu. »

«Le voile du temple se déchira en deux, » ce qui vérifie ce que rapporte Joseph, que les anges qui gardaient le temple avaient dit: «Sortons d'ici. » L'évangile que saint Mathieu a écrit en hébreu ne dit pas que le voile se déchira, mais que le haut du portail, qui était d'une prodigieuse grandeur, fut entièrement renversé. «La terre trembla, » ne pouvant soutenir le poids de son Dieu attaché en croix. « Les pierres se fendirent,» pour faire voir jusqu'où allait la dureté des Juifs qui refusaient de reconnaître le fils de Dieu qu'ils voyaient de leurs yeux. « Les sépulcres s'ouvrirent, » pour nous marquer que nous devions ressusciter un jour. « Et plusieurs corps des saints, sortant de leurs tombeaux, vinrent en la ville sainte, et furent vus de plusieurs personnes. » Par cette « ville sainte, » on doit entendre Jérusalem, et il ne faut pas la confondre avec toutes les autres villes où l'on adorait les idoles; car il n'y avait que cette ville-là seule qui eût un temple consacré au Seigneur, et où l'on fit profession de la véritable religion et de n'adorer que Dieu seul. Ces saints, qui « sortaient de leurs tombeaux,» ne se firent pas voir indifféremment à tout le monde, mais seulement à plusieurs personnes qui s'étaient déclarées pour Jésus-Christ ressuscité.

Expliquons maintenant cet endroit dans un sens spirituel. « Jésus-Christ expira en jetant un grand cri; et en même temps le voile du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu'en bas, » afin que toutes les nations pussent voir à découvert tous les mystères de la loi qui auparavant leur étaient cachés. Ce voile se déchire « en deux,» pour exposer à nos yeux tout te que renferment l'Ancien et le Nouveau-Testament. Il se déchire «depuis le haut jusqu'en bas,» pour nous découvrir tout ce qui s'est fait depuis le commencement du monde et la création de l’homme , ainsi que l'Histoire Sainte nous le rapporte, et tout ce qui se fera jusqu'à la consommation des siècles.

Mais il faut examiner si c’est le voile (1) extérieur

 

(1) Le voile intérieur couvrait fâche d'alliance et séparait le Saint d'avec le Saint des saints. Num. 26, 33. Le voile extérieur était à l’entrée du tabernacle. Ibid. V. 36.

 

ou le voile intérieur qui se déchira à la mort du Sauveur. Pour moi, il me semble que c'est celui qui était dans le temple et à l'entrée du tabernacle, et qu'on appelait le voile extérieur; car « maintenant nous ne voyons et ne connaissons les choses que d'une manière très imparfaite; mais quand nous serons dans un état parfait,» alors le voile extérieur se déchirera, et nous verrons à découvert tous les mystères de la maison de Dieu qui nous sont maintenant cachés; et nous saurons ce que c'est que ces deux chérubins, cet oracle, et ce vase d'or dans lequel on avait renfermé la manne. « Nous ne voyons maintenant que comme en un miroir et en des énigmes. » Il est vrai que le voile qui nous cachait ce qu'il y a d'historique dans l'Ecriture sainte étant déchiré, nous pouvons entrer dans le parvis du tabernacle du Seigneur; mais néanmoins ses secrets et tous les mystères de la Jérusalem céleste sont toujours voilés pour nous, et nous ne saurions les pénétrer.

« La terre trembla » à la mort du Sauveur, et l’on vit alors l'accomplissement de ce que dit le prophète Aggée : « Encore un peu de temps, et j'ébranlerai le ciel et la terre, et le désiré de toutes les nations viendra ; » afin que plusieurs viennent d'Orient et d'Occident prendre place dans le royaume des cieux avec Abraham, Isaac et Jacob. « Les pierres se fendirent, » c'est-à-dire que la mort de Jésus-Christ toucha les gentils et rompit toute la dureté de leurs cœurs. Par ces « pierres », l'on peut encore entendre : les prophètes, qui aussi bien que les apôtres ont porté ce nom par rapport à Jésus-Christ, qui est la véritable « pierre ». Or ces pierres se sont« fendues,» afin que les gentils vissent à découvert toutes les prophéties que le voile épais de la loi leur cachait. Ces « sépulcres » dont Jésus-Christ a dit dans l'Evangile Vous êtes semblables à des sépulcres blanchis par dehors, mais qui au dedans sont pleins d'ossements de morts, « ces sépulcres, » dis-je, « s’ouvrirent » afin que ceux qui auparavant étaient morts dans leur infidélité, « sortant de leurs tombeaux, » et reprenant une nouvelle vie avec Jésus-Christ vivant et ressuscité, entrassent dans la Jérusalem céleste, pour être citoyens non plus de la terre, mais du ciel, et qu'en mourant avec l'homme terrestre ils « ressuscitassent avec l'homme céleste.

Au reste, pour revenir au sens littéral de ce passage, on ne doit point s'étonner de ce qu'après la mort du Sauveur on appelle Jérusalem «la ville sainte, » puisque, jusqu'à son entière ruine, les apôtres n'ont point fait difficulté d'entrer dans le temple, et, d'observer même les cérémonies de la loi, de peur de scandaliser ceux d'entre les Juifs qui avaient embrassé la foi de Jésus-Christ. Nous voyons même que le Sauveur aima tant cette ville que les malheurs dont elle était menacée lui tirèrent les larmes des yeux, et qu'étant attaché à la croix, il dit à son père : « Pardonnez-leur, mon père, car ils ne savent ce qu'ils font. » Aussi sa prière , fut- elle exaucée, puisque peu de temps après sa mort les Juifs crurent en lui par milliers, et que Dieu accorda à cette malheureuse ville quarante-deux ans pour faire pénitence. Mais enfin ses citoyens n'en ayant pas profité et persistant toujours dans leur malice, Vespasien et Tite, semblables à ces deux ours dont parle l'Écriture (1), sortis du milieu des bois, ont tué et déchiré ces « enfants » qui blasphémaient et insultaient le véritable Elizée lorsqu'il «montait » à la maison de Dieu (car c'est ce que signifie Bethel en hébreu). Or, depuis ce temps-là Jérusalem n'a plus été appelée « la ville sainte ; mais ayant perdu avec sa sainteté le nom qu'elle portait autrefois, on l'a appelée dans un sens spirituel « Égypte » et « Sodome, » et à sa place l'on a bâti une nouvelle ville «qu'un fleuve réjouit par l'abondance de ses eaux, » et du milieu de laquelle sort une fontaine qui a corrigé l'amertume des eaux de toute la terre; de sorte que les malheureux Juifs, dépouillés de leur ancienne gloires sont réduits à gémir sur les ruines de leur temple, tandis que les chrétiens ont le plaisir de voir bâtir tous les jours de nouvelles églises, et qu'ils disent aux habitants de Sion : « Le lieu où je suis est trop étroit

en quoi l'on voit l'accomplissement de ce que dit le prophète Isaïe : « Son sépulcre sera glorieux.»

 

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Neuvième question.

 

Comment le Sauveur donne-t-il le Saint-Esprit à ses apôtres en soufflant sur eux, ainsi que

 

(1) Saint Jérôme fait ici allusion à ce qui est écrit au chap. 2 du quatrième livre des Rois, qu'Elizée allant à Bethel, de petits enfants sortis de la ville se moquèrent de lui en disant: «Monte, chauve, monte, chauve;» et que ce prophète leur ayant donné sa malédiction, deux ours sortirent des bois et déchirèrent quarante-deux de ces enfants.

 

le rapporte saint Jean, puisque, selon saint Luc, il leur promit de le leur envoyer après son ascension?

L'on peut aisément résoudre cette difficulté si fou considère, comme dit saint Paul, que le Saint-Esprit nous communique plusieurs sortes de grâces. «Il y a diversité de dons spirituels,» dit cet apôtre dans sa première épître aux fidèles de Corinthe, a mais il n'y a qu'un même esprit ; il y a diversité de ministères, mais il n'y a qu'un même Seigneur; il y a diversité d'opérations surnaturelles, mais il n'y a qu'un même Dieu qui opère tout en tous. Or les dons du Saint-Esprit qui se font connaître au dehors sont donnés à chacun pour futilité de l'Église l'un reçoit du Saint-Esprit le don de parler dans une haute sagesse; un autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science; un autre reçoit la foi par le même Esprit; un autre reçoit du même Esprit la grâce de guérir les maladies; un autre le don de faire des miracles, un autre le don de prophétie, un autre le discernement des esprits, un autre le don de parler diverses langues, un autre l'interprétation des langues. Or c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ces dons selon qu'il lui plaît. » Le Seigneur donc, comme le rapporte saint Luc dans son évangile, avait dit à ses apôtres après sa résurrection : « Je vais envoyer sur vous le don de mon père qui vous a été promis; mais cependant demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en-haut; » et dans les Actes des apôtres, selon le même évangéliste, il leur commanda de ne point sortir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse du Père, « que vous avez, » leur dit-il, « ouïe de ma bouche; car Jean a baptisé dans l'eau, mais dans peu de jours vous serez baptisés dans le Saint-Esprit.» Saint Jean rapporte aussi sur la fin de son évangile que le jour même que Jésus-Christ ressuscita, c'est-à-dire le dimanche, il entra dans le lieu où étaient les apôtres, les portes étant fermées, et que leur ayant dit pour la deuxième fois : « La paix soit avec vous,» il ajouta: «Comme mon Père m'a envoyé, je vous envoie aussi de même. Après quoi il souffla sur eux et leur dit: « Recevez le Saint-Esprit : les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. »

Le premier jour donc de la résurrection du Sauveur, les apôtres reçurent la grâce du Saint-Esprit pour remettre les péchés, pour baptiser, pour faire les hommes enfants de Dieu, et pour communiquer aux fidèles l'esprit d'adoption, selon ce que Jésus-Christ lui-même leur avait dit : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez.» Mais au jour de la Pentecôte le Sauveur leur promet des dons plus excellents, à savoir qu'ils seront baptisés dans le Saint-Esprit et revêtus de la force d'en-haut, pour prêcher son Évangile à toutes les nations, selon ce que nous lisons au psaume soixante-septième: « Le Seigneur donnera sa parole aux hérauts de sa gloire, afin. qu'ils l'annoncent avec une grande force;» de manière qu'ils devaient alors recevoir le don de guérir les maladies, de faire des miracles et de parler diverses langues, destinés qu’ils étaient pour prêcher l'Evangile à plusieurs nations, afin que dès lors on pût connaître à quels peuples chacun des apôtres devait annoncer les vérités évangéliques. De là vient que l'apôtre saint Paul, qui avait porté l’Evangile dans cette vaste étendue de pays qui est depuis Jérusalem jusqu'à l'Illyrie, et qui se à passer par Rome pour aller en Espagne, remercie Dieu de ce qu'il avait reçu le don des langues plus que tous les autres apôtres, parce qu'étant destiné à prêcher l'Evangile à plusieurs nations, il devait aussi parler plusieurs langues.

Or, ce fut le dixième jour après son ascension, comme le rapporte saint Luc, que le Sauveur s'acquitta de la promesse qu'il avait faite à ses apôtres de leur envoyer le Saint-Esprit. « Quand les jours de la Pentecôte furent accomplis, » dit cet historien sacré, « les disciples étant tous ensemble dans un même lieu, on entendit tout à coup un grand bruit comme d'un vent violent et impétueux qui venait du ciel, et qui remplit toute la maison où ils étaient assis. En même temps ils virent paraître comme des langues de feu qui se partagèrent et s'arrêtèrent sur chacun d’eux. Aussitôt ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit leur mettait les paroles à la bouche. Et alors l'on vit l'accomplissement de ce que dit le prophète Joël : « Dans les derniers temps, » dit le Seigneur, « je répandrai Mon esprit sur toute chair: vos fils et vos filles prophétiseront; vos vieillards auront des songes, et vos jeunes gens auront des visions. » Ce mot, « je répandrai, » marque une abondance de grâces, et revient à ce que le Seigneur avait promis à ses apôtres, que dans peu de jours ils seraient « baptisés dans le Saint-Esprit. » En effet ce baptême fut si abondant qu'il remplit toute la maison où les disciples étaient assis, et que le feu du Saint-Esprit, trouvant dans leurs cœurs des dispositions favorables à ses desseins, leur communiqua le don des langues et purifia leurs lèvres, afin qu'ils prêchassent l'Evangile de Jésus-Christ dans toute sa pureté, de même qu'un séraphin avait purifié celles d'Isaïe qui se plaignait d'avoir les lèvres impures et souillées.

Nous lisons dans ce prophète qu'à la voix des deux séraphins qui étaient autour du trône de Dieu, le dessus de la porte du temple fut ébranlé et que toute la maison fut remplie de fumée, c’est-à-dire d’erreur, de ténèbres et d’ignorance. Mais au commencement de l'Evangile, et dès la naissance du christianisme, le Saint-Esprit remplit toute l'Eglise, afin d'effacer par sa chaleur et par sa grâce les péchés de tous les fidèles, et de purifier par le feu de cet Esprit-Saint, que Jésus-Christ avait promis de répandre sur ses apôtres, les lèvres de ceux qui devaient porter son nom par toute la terre.

Lors donc que saint Jean dit que le Sauveur donna le Saint-Esprit à ses apôtres le premier jour de sa résurrection, et saint Luc qu’il ne le leur envoya que cinquante jours après, il ne faut pas s’imaginer que ces deux évangélistes ne s'accordent pas ensemble: ils veulent seulement par là nous marquer les différents degrés de grâces que Jésus-Christ communiqua à ses apôtres, qui, ayant reçu d'abord le pouvoir de remettre les péchés, reçurent ensuite la puissance de faire des miracles, et tous les autres dons détaillés par saint Paul et dont nous avons parlé ci-dessus mais particulièrement celui de parler diverses langues, qui leur était encore plus nécessaire que les autres afin que, dans le ministère dont ils étaient chargés d'annoncer l’Evangile de Jésus-Christ à toutes les nations de la terre, ils n’eussent pas besoin de se servir d'interprète. De là vient que les Licaoniens, ayant entendu saint Paul et saint Barnabé parler en leur langue, les prirent pour des dieux qui s'étaient revêtus d'une forme humaine.

Pour ce qui est de cette « vertu d'en-haut» dont Jésus-Christ avait promis de «revêtir » ses disciples, ce n'est autre chose que la grâce du Saint-Esprit, qui, ayant pris possession du coeur des apôtres, leur inspirait tant de force et de courage qu'ils ne craignaient ni les tribunaux des juges ni la pourpre des rois. C'est ce que le Sauveur leur avait promis avant sa Passion, en leur disant : « Lorsqu'on vous livrera entre les mains des hommes, ne vous mettez point en peine comment vous leur parlerez, ni de ce que vous leur direz, car ce que vous leur devez dire vous sera donné à l'heure même, puisque ce n'est pas vous qui parlez, mais que c'est l'esprit de votre père qui parle en vous. » Pour moi, je ne crains point de dire que, depuis que les apôtres eurent cru en Jésus-Christ, ils eurent toujours le Saint-Esprit, sans la grâce duquel ils n'auraient jamais pu faire tous les miracles qu'ils faisaient ; mais cette grâce avait ses bornes et ses mesures. C'est pour cela que Jésus-Christ disait à haute voix dans le temple

« Si quelqu'un a soif, qu'il revienne à moi et qu'il boive ; si quelqu'un croit en moi, il sortira des fleuves d'eau vive de son coeur; » comme dit l'Ecriture; ce qu'il entendait de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; et l'évangéliste ajoute au même endroit : « Car le Saint-Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié.» Ce n'est pas à dire qu'il n'y eût point de Saint-Esprit, puisque le Sauveur lui-même disait : « Si je chasse les démons parle Saint-Esprit; » mais c'est que cet Esprit-Saint qui était dans le fils de Dieu n'avait pas encore rempli tout le coeur des apôtres. De là venait cette crainte dont, ils furent saisis à la Passion du Sauveur, et qui les porta à le renoncer et à jurer qu'ils ne le connaissaient point; mais après avoir été baptisés dans le Saint-Esprit, remplis qu'ils étaient de la grâce qu'il avait répandue dans leurs coeurs, ils disent hardiment aux princes des Juifs: « Il faut plutôt obéir à Dieu qu'aux hommes. » Alors on les voit ressusciter les morts, triompher au milieu des tourments, répandre leur sang pour Jésus-Christ, et se couronner de leurs propres supplices.

Les apôtres donc n'avaient point encore le Saint-Esprit et les grâces spirituelles ne coulaient point de leur coeur, parce que le Seigneur n'était pas encore glorifié, Mais quelle

est cette gloire qu'il attendait? Il nous l'explique lui-même dans l'Evangile lorsqu'il dit « Mon père, glorifiez-moi de cette gloire que j'ai eue en vous avant que le monde fût. » La gloire du Sauveur est la croix où il triomphe il y est attaché comme homme, et il y est glorifié comme Dieu. Voulez-vous des preuves de sa gloire? alors on vit le soleil disparaître, la lune se changer en sang, la terre s'ébranler par des secousses extraordinaires, l'enfer s'ouvrir, les morts marcher, les pierres se fendre. C'est de cette gloire que Jésus-Christ parie par la bouche du prophète-roi lorsqu'il dit. « Levez-vous, ma gloire; excitez-vous, mon luth et ma harpe;» et cette gloire,c'est-à-dire: son humanité sainte, lui répond: « Je me lèverai du grand matin,» afin de vérifier par là le titre du psaume vingt et unième qui porte : Pour le secours du matin. Quand je parle de la sorte, je ne prétends pas distinguer en Jésus-Christ le Dieu d'avec l'homme, et faire du fils de Dieu deux personnes différentes, comme les nouveaux hérétiques nous en accusent faussement. Il n'y a en Jésus-Christ qu'une seule et même personne , qui est tout à la fois et fils de Dieu et fils de l'homme; mais dans tout ce que nous a dit ce divin Sauveur il y a des choses qui n'ont rapport qu'à la gloire de sa divinité, et d'autres qui ne regardent que notre propre salut. Car c'est pour nous que, « ne croyant pas que ce fût pour lui une usurpation d'être égal à Dieu, il s'est néanmoins anéanti lui-même en prenant la forme et la nature de serviteur, et se rendant obéissant jusqu'à la mort et jusqu'à la mort de la croix; » c'est pour nous que « le Verbe a été fait chair et qu'il a habité parmi nous. »

Le Seigneur ayant donc dit à ses disciples «Je m'en vais, et je vous enverrai un autre consolateur; » et saint Luc ensuite nous assurant que les apôtres ont reçu ce que Jésus-Christ leur avait promis, je m'étonne que Montan et les deux femmes insensées' qui suivent son parti et ses erreurs, eux qui ne sont que des avortons de prophètes, prétendent que cette promesse du Sauveur n'a été accomplie que longtemps après en leurs personnes; car c'est aux apôtres que le Sauveur a dit: «Je vais envoyer sur vous le don de mon père qui vous a été promis. Cependant demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus

 

(1) Prisca et Maxilla.

 

de la force d'en-haut. » C'est sur les apôtres, et non pas sur Montan, Prisca et Maxilla, que Jésus-Christ a soufflé en leur donnant le Saint -Esprit; c'est aux apôtres qu'il a dit

« Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez;» c'est aux apôtres qu'il a commandé de ne point partir de Jérusalem, mais d'attendre la promesse de son père, promesse dont saint Luc nous fait voir ensuite l'accomplissement lorsqu'il dit: « Ils furent tous remplis du Saint-Esprit, et ils commencèrent à parler diverses langues, selon que le Saint-Esprit leur mettait les paroles à la bouche ; car le Saint-Esprit souffle où il veut. » Lorsque Jésus-Christ promet à ses apôtres de leur envoyer« un autre consolateur, » il donne assez à connaître qu'il était lui-même le consolateur de ses apôtres; et c'est l'idée que l’apôtre saint Paul nous donne aussi de Dieu le Père quand il l'appelle le « Dieu des miséricordes et de toute consolation. » Or si le Père est « consolateur,» si le Fils est « consolateur, » si le Saint-Esprit est « consolateur, » et si l'on baptise les fidèles au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qui ne sont qu'un seul Dieu, il s'ensuit que, n'ayant qu'un même nom de Dieu et de consolateur, ils n'ont aussi qu'une même nature.

Au reste les prophètes ont reçu le Saint-Esprit aussi bien que,les apôtres. De là vient que David disait: « Ne retirez pas de moi votre Esprit saint. » Nous lisons aussi dans l'Ecriture sainte que Daniel était animé de l'esprit de Dieu, et que c'était par l'inspiration du Saint-Esprit que David disait : « Le Seigneur a dit à mon seigneur : « Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marche-pied. » Ce n'est que par les lumières de cet Esprit saint que les prophètes ont pu prédire les choses à venir. « C'est par la parole du Seigneur, » dit le Psalmiste, « que les cieux ont été affermis, et c'est le souffle de sa bouche qui fait toute leur vertu.» Tout ce qui appartient au Père et au Fils appartient aussi au Saint-Esprit. Quand il est envoyé, c'est le Père et le fils qui l’envoient. L'Ecriture sainte l'appelle en mille endroits «l'esprit de Dieu le Père et l'esprit de Jésus-Christ. » De là vient, comme il est rapporté dans les Actes des apôtres, que ceux qui avaient reçu le baptême de Jean et qui

croyaient en Dieu le Père et en Jésus-Christ, mais qui ne savaient pas même qu'il y eût un Saint-Esprit , furent baptisés derechef, et l'on peut dire que ce fut alors qu'ils reçurent le véritable baptême, parce que sans le Saint-Esprit il n'y a point de Trinité. Nous lisons encore au même endroit que saint Pierre dit à Ananie et à Saphire qu'en mentant au Saint-Esprit, c'était à Dieu et non pas aux hommes qu'ils avaient menti.

 

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Dixième question.

 

Comment doit-on entendre ce que dit l'apôtre saint Paul aux Romains, depuis cet endroit « Que dirons-nous donc? Est-ce qu'il y a en Dieu de l'injustice? A Dieu ne plaise que nous ayons cette pensée ! » jusqu'à celui-ci : « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé quelqu'un de notre race, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe ? »

Toute l'épître aux Romains a besoin d'explication, car elle est si obscure et si remplie de difficultés qu'on ne saurait l'entendre sans le secours du Saint-Esprit, qui l'a dictée lui-même par la bouche de l’Apôtre. Mais l'endroit le plus difficile et le plus embarrassant est celui que vous me proposez. Quelques-uns, pour sauver la justice de Dieu, prétendent que s'il a élu Jacob et rejeté Esaü lorsqu'ils étaient encore dans le sein de Rebecca, ce n'a pu être que pour des raisons qui ont précédé leur naissance; de même qu'il a choisi Jérémie et saint Jean-Baptiste dès le sein de leurs mères, et destiné l'apôtre saint Paul, avant même qu'il fût né, pour prêcher l'Evangile.

Pour moi, je ne saurais approuver que ce qui est reçu de tous les fidèles, et ce que je puis sans crainte enseigner publiquement dans l'Eglise, de peur de tomber dans les illusions et les rêveries de Pythagore, de Platon, et des disciples de ceux qui, voulant faire passer les opinions des païens pour des dogmes de religion, disent que les âmes sont tombées du ciel et que, selon leurs différents mérités, elles ont été unies à certains corps pour y expier leurs anciens péchés. Je crois qu'il vaut beaucoup mieux avouer de bonne foi notre ignorance, et mettre ce passage de saint Paul au nombre des mystères dont nous ne saurions pénétrer la profondeur, que de s'engager, sous prétexte de justifier la conduite de Dieu, dans les hérésies de Basilide et de Manès, dans les monstrueuses opinions ! qu'un certain Egyptien a débitées, et dans les visions chimériques avec lesquelles on a trompé les Espagnols. Expliquons donc ce passage du mieux qu'il nous sera possible, et suivons saint Paul pied à pied sans nous écarter de ses sentiments.

Cet apôtre, prenant le Saint-Esprit même à témoin de la douleur sincère dont son coeur est pénétré, commence d'abord par déplorer l'aveuglement de ses frères et de ses parents selon la chair; c'est-à-dire : des Israélites, qui avaient méconnu et rejeté le fils de Dieu, eux à qui appartenait l’adoption des enfants de pieu, sa gloire, son alliance, sa loi, son culte et ses promesses, et desquels Jésus-Christ même est sorti selon la chair par la naissance qu'il a reçue de Marie. Et cette douleur dont il se sent pressé est si vive et si continuelle qu'il souhaite de devenir lui-même anathème, et d'être séparé de Jésus-Christ, c'est-à-dire de périr tout seul pour empêcher que tout Israël ne périsse. Sur quoi. prévoyant qu'on ne manquerait pas de lui dire : Quoi donc ! Est-ce que tous les Israélites sont perdu? N'avez-vous pas reconnu vous-même Jésus-Christ pour le fils de Dieu ? les autres apôtres et une infinité de personnes d'entre les Juifs ne l'ont-ils pas reconnu? voici ce qu'il répond à cette objection. L'Ecriture sainte représente Israël sous deux idées différentes, et sous la figure de deux enfants, dont l'un est selon la chair et l’autre selon l'esprit et la promesse. Abraham a eu deux enfants , Ismaël et Isaac ; celui-là étant né selon la chair, n'a point de part à l'héritage de son père ; et celui- ci, étant né de Sara selon la promesse, est appelé enfant de Dieu, suivant ce que dit l'Ecriture : « C'est Isaac qui sera appelé votre fils; » c'est-à-dire que ceux qui sont « enfants selon la chair » ne sont pas pour cela enfants de Dieu, mais que ce sont les « enfants de la promesse » qui sont réputés être les enfants d'Abraham.

Cette vérité parait non-seulement dans Ismaël et Isaac, trais encore dans les deux enfants de Rebecca, Esaü et Jacob, desquels Dieu a choisi l'un et rejeté l'autre. Saint Paul prétend faire voir par là que les deux aînés de ces frères, Ismaël et Esaü, sont la figure de la réprobation du peuple juif, et que les deux cadets,

 

(1) C’est-à-dire les erreurs qu'un certain Egyptien nommé Marc avait répandues en Espagne et en Portuga1.

 

Isaac et Jacob, nous représentent le choix que Dieu a fait des gentils et de ceux d'entre les Juifs qui devaient croire en Jésus-Christ. Mais parce que, pour prouver son sentiment, il s'était servi de l'exemple de deux frères jumeaux, Esaü et Jacob, dont il est écrit : « L'aîné sera assujetti au plus jeune ; » et dans le prophète Malachie : « J'ai aimé Jacob et j'ai haï Esaü,» il se fait à lui-même et explique selon sa coutume l'objection qu'il prévoyait bien qu'on pouvait lui faire sur cela, et après l'avoir réfutée il revient à son sujet. S'il est vrai, dit cet apôtre, que l'élection de Jacob et la réprobation d'Esaü, « qui n'étaient pas encore nés et qui n'avaient fait ni aucun bien ni aucun mal» pour se rendre dignes ou des bontés ou de la colère de Dieu, est un effet non pas de leurs propres mérites, mais de la volonté de celui qui a choisi l'un et rejeté l'autre, « que dirons-nous donc? Est-ce que Dieu est injuste? » suivant ce qu'il dit lui-même à Moïse : « Je ferai miséricorde à qui il me plaira de faite miséricorde, et j'aurai pitié de qui il me plaira d’avoir pitié. » Si nous croyons que Dieu fait tout ce qu'il veut, et qu'il choisit les uns et rejette les autres sans avoir aucun égard à leur mérite et à leurs oeuvres, «cela ne dépend donc ni de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde; »  comme il paraît d'une manière très sensible par ces paroles que le même Dieu dit dans l'Ecriture à Pharaon : « C'est pour cela même que je vous ai établi pour faire éclater en vous ma toute-puissance, et pour rendre mon nom célèbre par toute la terre. » Si cela est ainsi, et si Dieu, selon qu'il lui plaît, fait miséricorde à Israël et endurcit Pharaon, c'est donc à tort qu'il se plaint et qu'il nous reproche ou de n'avoir pas fait le bien, ou d'avoir fait le mal, puisque, sans avoir égard ni à nos bonnes ni à nos mauvaises actions, il peut quand il lui plaît choisir les uns et réprouver les autres, surtout l'homme étant trop faible pour s'opposer à ses volontés.

Or voici ce que l'apôtre saint Paul répond à cet argument qui est très fort de lui-même et qui, étant appuyé sur l'autorité de l'Ecriture sainte, paraît presque invincible: « O homme, qui êtes-vous pour contester avec Dieu? » c'est-à-dire : Puisque vous contestez avec Dieu, que vous vous élevez contre lui, que vous cherchez dans les saintes Ecritures tant de preuves et d'autorités pour condamner sa conduite, et que vous l'accusez de vouloir et de faire des choses injustes, vous faites voir par là que vous ayez le libre arbitre, que vous pouvez faire tout ce que vous voulez, et qu'il est en votre pouvoir de vous taire ou de parler quand il vous plaît. Car si vous êtes persuadé que Dieu vous a fait de la même manière qu'un potier fait un vase d'argile, et que vous ne pouvez pas résister à sa volonté, faites réflexion « qu'un vase d'argile ne dit pas à celui qui l'a fait: « Pourquoi m'avez- vous fait de la sorte?» car le potier a le pouvoir de faire d'une même terre, ou d'une même masse d'argile, un vase d'argile destiné à des usages honorables, et un autre destiné à des usages vils et honteux. » Mais Dieu a fait tous les hommes d'une même nature et d'une même condition; il leur a donné en les formant la liberté de faire tout ce qu'il leur plaît, et de se porter à leur gré ou au bien ou au mal; et cette liberté est si pleine et si entière qu'il y en a qui portent leur impiété jusqu'à disputer contre leur créateur et à vouloir examiner les raisons de sa conduite.

« Qui peut se plaindre de Dieu , » continue l'Apôtre, « si, voulant montrer sa juste colère et faire connaître sa puissance, il souffre avec une patience extrême les vases de colère destinés à la perdition, afin de faire paraître les richesses de sa gloire sur les vases de miséricorde qu'il a destinés à sa gloire? sur nous qu'il a appelés non-seulement d'entre les Juifs, mais aussi d'entre les gentils? selon ce qu'il dit lui-même par la bouche du prophète Osée «J'appellerai mon peuple ceux qui n'étaient point mon peuple; ma bien-aimée celle que je n'avais point aimée; et il arrivera que dans le même lieu où je leur avais dit autrefois: «Vous n'êtes point mon peuple, » ils seront appelés les enfants du Dieu vivant, etc. » Si la patience de Dieu, dit saint Paul, n'a servi qu'à endurcir le coeur de Pharaon, et si le Seigneur a différé si longtemps de punir les Israélites, afin de pouvoir condamner avec plus de justice ceux dont il avait souffert les impiétés avec tant de patience, ce n'est pas sa bonté infinie et son extrême patience qu'il faut condamner, c'est la dureté de ceux qui se sont perdus par le mauvais usage qu'ils oint fait de ses bontés et de ses miséricordes. Considérez le soleil ; sa chaleur est toujours la même ; cependant elle produit des effets différents selon la nature des différents sujets sur qui elle agit, amollissant les uns, affermissant les autres, désunissant ceux-ci, resserrant ceux-là, faisant fondre la cire et endurcissant la boue, quoique cette chaleur ne change jamais de nature. Il en est de même de Dieu; car par sa bonté et par sa clémence il endurcit les vases de colère destinés à la perdition, c'est-à-dire : le peuple d'Israël; mais pour ce qui est des vases de miséricorde qu'il a destinés à sa gloire, c'est-à-dire nous autres., qu'il a appelés non-seulement d'entre les Juifs, mais aussi d'entre les gentils, il ne les sauve pas sans raison et sans un juste discernement; il agit en cela pour des causes antécédentes, parce que les uns ont rejeté le fils de Dieu et que les autres ont bien voulu le recevoir.

Or, par ces  vases de miséricorde » on doit entendre non-seulement les gentils, mais encore ceux d'entre les Juifs qui ont voulu croire en Jésus-Christ et qui, conjointement avec ceux-là, ne font plus qu'un seul peuple de fidèles; ce qui fait voir que Dieu, dans le choix qu'il fait, ne considère pas les nations, mais les volontés des hommes. Et en cela fon a vu l'accomplissement de ce que dit le prophète Osée «J'appellerai mon peuple ceux qui n'étaient pas mon peuple, » c'est-à-dire : les gentils, « et ceux à qui j'avais dit autrefois; « Vous n'êtes point mon peuple, » seront maintenant appelés les enfants du Dieu vivant; » et de peur qu'on n'appliquât cette prédiction qu'aux gentils, saint Paul appelle aussi des « vases d'élection et de miséricorde »ceux d'entre les Juifs qui ont cru en Jésus-Christ; car, « pour ce qui est d'Israël, »  dit cet apôtre, « Isaïe s'écrie: «Quand le nombre des enfants d'Israël serait égal à celui du sable de la mer, il n'y en aura qu'un petit reste de sauvés; »  c'est-à-dire: Quoique tous les enfants d'Israël ne croient pas en Jésus-Christ, il y en aura pourtant quelques-uns, mais en petit nombre, qui croiront en lui; « car Dieu, dans sa justice, a consumé et retranché de son peuple, » en sauvant par l'incarnation et les humiliations de Jésus-Christ ceux qui ont bien voulu croire en lui. C'est ce que le prophète Isaïe nous dit dans un autre endroit: « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé que quelques-uns de notre race, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe. »

Saint Paul; après avoir rapporté les passages de l'Ecriture où les prophètes ont prédit la double vocation des gentils et des Juifs, revient à son sujet et dit. que les gentils, qui ne cherchaient point la justice, l'ont néanmoins embrassée, parce qu'ils ont cru en Jésus-Christ sans faire vanité de leurs oeuvres , et qu'au contraire la plupart des Israélites se sont perdus parce qu'ils « se sont heurtés contre la pierre d'achoppement et de scandale, et que, ne connaissant point la justice qui vient de Dieu, et s'efforçant d'établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu, » c'est-à-dire : à Jésus-Christ « qui nous a été donné de Dieu pour être notre justice. »

Un certain auteur, dont j'ai lu les commentaires, prétend que saint Paul par sa réponse a plutôt embarrassé cette question qu'il ne l'a expliquée; car, après s'être proposé cette objection : « Que dirons-nous donc? Est-ce qu'il y a en Dieu de l'injustice?» après avoir dit

« Cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde; » et « Dieu fait miséricorde à qui il lui plaît et endurcit qui il lui plaît; » et derechef « Qui peut résister à sa volonté? » voici, dit cet auteur, ce que répond l’apôtre : O homme, qui n'êtes que terre et que cendre, osez-vous bien faire cette question à Dieu? Voulez-vous vous révolter contre celui qui vous a fait, vous qui n'êtes qu'un vase d'argile et la fragilité même? Un vase de terre peut-il dire à celui qui l'a fait : Pourquoi m'avez-vous fait de la sorte? Le potier n'a-t-il pas le pouvoir de l'aire de la même masse d'argile un vase destiné à des usages honorables et un autre destiné à des usages vils et honteux? Demeurez donc dans un éternel silence; reconnaissez votre propre fragilité, et ne demandez point compte à Dieu de ses actions, puisqu'en traitant les uns avec miséricorde et les autres avec sévérité, il n'a fait que ce qu'il a voulu.

 

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Onzième question.

 

Que signifient ces paroles de l'apôtre saint Paul dans sa seconde épître aux fidèles de Corinthe : « Nous sommes aux uns une odeur de mort qui les fait mourir, et aux autres une odeur de vie qui les fait vivre; et qui est capable d'un tel ministère? »

Il faut rapporter ici dans toute son étendue l'endroit d'où ces paroles sont tirées, afin que, par la liaison qu'elles ont avec ce qui les précède et ce qui les suit, on puisse mieux comprendre quel en est le véritable sens. « Etant venu à Troade, » dit l'Apôtre, « pour prêcher l'Evangile de Jésus-Christ, quoique le Seigneur m'y eût donné de grandes ouvertures pour m'acquitter de mon ministère, avec succès, je n'ai point eu l'esprit en repos, parce que je n'y avais pas trouvé mon frère Tite ; mais ayant pris congé d'eux, je m'en suis allé en Macédoine. Cependant je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand par nous en tous lieux l'odeur de la connaissance de son nom; car nous sommes devant Dieu la bonne odeur de Jésus-Christ, soit à l'égard de ceux qui se sauvent, soit à l'égard de ceux qui se perdent; aux uns une odeur de mort qui les fait mourir, et aux autres une odeur de vie qui les fait vivre; et qui est capable d'un tel ministère? Car nous ne sommes pas comme plusieurs qui corrompent la parole de Dieu, mais nous la prêchons avec une entière sincérité, comme de la part de Dieu, en la présence de Dieu, et au nom de Jésus-Christ. »

Saint Paul instruit ici les fidèles de Corinthe de tout ce qu'il a fait et de tout ce qu'il a souffert, et comment il a toujours rendu grâces à Dieu dans quelque situation où il se soit trouvé, afin de les animer par son exemple à combattre généreusement pour les intérêts de la foi. « Je suis venu, » dit-il, « à Troade, » qui auparavant s'appelait Troie, « afin de prêcher l'Évangile de Jésus-Christ »en Asie; «mais quoique le Seigneur m'y eût donné de grandes ouvertures pour m'acquitter de mon ministère avec succès, c'est-à-dire: Quoique plusieurs personnes, convaincues par les miracles et les prodiges que Dieu opérait par mon ministère, eussent cru en Jésus-Christ, et que j'eusse tout sujet d'espérer de voir naître et augmenter la foi parmi ces peuples par la grâce du Seigneur, cependant «je n'ai point eu l'esprit en repos;» c'est-à-dire: Je n'ai pu jouir de la consolation que j'espérais y trouver, parce que je n'y ai point rencontré mon frère Tite, comme je m'en étais flatté, ayant ouï dire qu'il y était, ou lui-même m'ayant promis de s'y rendre.

Mais quelle si grande consolation et quel repos d'esprit saint Paul pouvait-il recevoir de la présence de Tite, et pourquoi son absence l'oblige-t-elle à prendre congé des habitants de Troade pour' aller en Macédoine? J'ai déjà dit quelquefois que l'apôtre saint Paul était très savant, ayant été instruit « aux pieds de Gamaliel, » qui, selon les Actes des apôtres, avait dit dans le conseil des Juifs : «Pourquoi vous embarrasser de ce que font ces gens-là? Car si ce qu'ils prêchent est l'ouvrage de Dieu, vous ne sauriez le détruire , et si c'est l'ouvrage de l'homme, il tombera de lui-même. , Or, quoique saint Paul eût une connaissance parfaite des saintes Ecritures, qu'il fût naturellement éloquent, et qu'il possédât le don de parler plusieurs langues, comme il s'en glorifie lui-même au Seigneur, en disant : «Je loue mon Dieu de ce que j'ai le don des langues plus que vous tous, » cependant il ne pouvait pas s'exprimer en grec d'une manière digne de la majesté et de la grandeur de nos mystères. Ainsi Tite lui servait d'interprète, de même que saint Marc en servait à saint Pierre, sur les relations duquel il a écrit son Evangile. Aussi voyons-nous que les deux épîtres qu'on attribue à saint Pierre sont d'un style et d'un tour bien différent; ce qui fait juger qu'il a été obligé quelquefois de se servir de différents interprètes.

Saint Paul ayant donc eu le chagrin de ne point rencontrer à Troade celui par la bouche duquel il devait y prêcher l'Evangile, il prit le parti de passer en Macédoine, où un Macédonien, qui lui avait apparu pendant la nuit, l'avait invité d'aller, en lui disant : «Passez en Macédoine, et venez nous secourir. » Il espérait aussi y trouver Tite, et d'ailleurs il avait dessein d'y visiter les frères ou de s'exposer à la persécution des infidèles; car c'est ce qu'il veut dire par ces paroles : « Cependant je rends grâces à Dieu qui nous fait toujours triompher en Jésus-Christ, et qui répand par nous en tous lieux l'odeur de la connaissance de son nom. Il nous fait triompher, » c'est-à-dire: « il triomphe de nous,» ou bien: « il triomphe par nous, » selon ce que dit l’Apôtre dans un autre endroit «Dieu nous fait servir de spectacle au monde, aux anges et aux hommes. » C'est ce qui lui fait dire dans la suite : « Étant venus en Macédoine, nous n'avons eu aucun relâche selon la chair, mais nous avons toujours eu à souffrir; ce n'a été que combats au dehors et que frayeurs au dedans. Mais Dieu, qui console les humbles et les affligés, nous a consolés par l'arrivée de Tite, et non-seulement par son arrivée, mais encore par la consolation qu'il a lui-même reçue de vous. » Ayant donc pris congé des habitants de Troie ou de Troade, il alla en Macédoine dans l'espérance d'y trouver Tite, et de se servir de lui dans les fonctions de son ministère; mais il est aisé de juger qu'il ne l'y rencontra pas, et que Tite n'y arriva qu'après que saint Paul eut essuyé bien des peines et des persécutions. Comme donc il avait eu beaucoup à souffrir avant l'arrivée de Tite, il rend grâces à Dieu, au nom de Jésus-Christ qu'il prêchait aux nations, de ce qu'il avait bien voulu se servir de lui pour faire triompher son fils. En effet, les tourments que souffrent les martyrs, le sang qu'ils répandent pour le nom de Jésus-Christ, la joie qu'ils font paraître au milieu des plus cruels supplices, tout cela est un triomphe pour Dieu. Lorsqu'on voit les martyrs soutenir avec tant de constance l'horreur et la cruauté des plus horribles tourments, et mettre toute leur joie dans les supplices qu'on leur fait souffrir, l'odeur de la connaissance de Dieu se répand parmi les gentils, et fon se sent convaincu par le témoignage de sa propre conscience que, si l'Evangile n'était pas véritable, il ne se trouverait jamais personne qui voulût répandre son sang pour sa défense. Car ce n'est point parmi les délices et les plaisirs du monde, parmi les soins qu'on se donne pour amasser des richesses, parmi les douceurs d'une vie molle et tranquille que l'on confesse le nom de Jésus-Christ : c'est dans les prisons, dans les plaies, dans les persécutions, dans la nudité, dans la faim et dans la soif. Voilà ce qui fait le triomphe de Dieu et la victoire des apôtres.

Mais comme on pourrait faire à saint Paul cette objection : Comment donc se peut-il faire que tous n'aient pas cru en Jésus-Christ? cet apôtre, selon sa coutume, la prévient et la réfute en cette manière. Il est vrai que nous sommes devant Dieu la bonne odeur du nom de Jésus-Christ, et que l'Evangile que nous prêchons, semblable à un agréable parfum, se répand de tous côtés; mais parce que Dieu a laissé aux hommes l'usage de leur libre arbitre afin que, faisant le bien volontairement et non point par nécessité, il puisse récompenser les fidèles et punir les incrédules , il arrive que l'odeur que nous t'épandons, quoique bonne de sa nature, donne ou la vie ou la mort, selon les bonnes ou les mauvaises dispositions de ceux qui reçoivent ou qui rejettent l'Evangile ; en sorte que ceux qui croient en Jésus-Christ se sauvent , et que ceux qui ne croient pas en lui se perdent sans ressource. Au reste il ne faut pas s'étonner que la prédication de l'apôtre saint Paul ait produit parmi les peuples des effets si différents, puisque l’Evangile dit de Jésus-Christ même : « Cet enfant est pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs en Israël, et pour être en butte à la contradiction des hommes. » Qu'un lieu soit net ou qu'il soit sale, il reçoit également les rayons du soleil, et cet astre, sans intéresser la pureté de sa lumière, la répand indifféremment et sur les fleurs et sur le fumier. Il en est de même de la bonne odeur de Jésus-Christ : quoiqu'elle ne puisse changer de nature ni cesser d'être ce qu'elle est, néanmoins elle devient pour les fidèles un principe de vie et pour les incrédules un principe de mort; non pas de cette mort corporelle qui nous est commune avec les bêtes, mais de cette mort spirituelle dont il est écrit : « L'âme qui aura péché mourra elle-même. » Par cette prie que la bonne odeur de Jésus-Christ donne aux fidèles il ne faut pas plus entendre ce souffle qui nous anime, et qui est le principe de toutes nos actions et de tous nos mouvements, mais cette vie dont parle le prophète-roi lorsqu'il dit : « Je crois fermement voir les bien du Seigneur dans la terre des vivants, » (car Dieu est le Dieu des vivants et non point des morts) et dont saint Paul a dit : « Notre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ; mais lorsque Jésus-Christ qui est notre vie viendra à paraître, alors nous paraîtrons aussi avec lui dans la gloire. »

Or ne pensez pas, ô Corinthiens, dit l'Apôtre, qu'il importe peu que les uns reçoivent la vérité que nous prêchons et que les autres la rejettent, que ceux-ci meurent d'une mort véritable et que ceux-là vivent de cette vie qui dit elle-même : « Je suis la vie; » car si nous n'avions pas annoncé l'Evangile, les incrédules n'auraient pas reçu la mort ni les fidèles la vie, parce qu'il n'est pas aisé de trouver un homme digne d'annoncer les merveilles de Jésus-Christ, et qui dans les fonctions de son ministre ne cherche point sa propre gloire, mais celle de celui qu'il prêche. Lorsque saint Paul dit qu'il ne ressemble pas a plusieurs qui font un trafic de la parole de Dieu, il fait voir qu'il y en a beaucoup « qui s'imaginent que la piété leur doit servir de moyen pour s'enrichir, » qui n'ont en vue dans tout ce qu'ils font qu'un honteux intérêt, et « qui dévorent les maisons des veuves ; » mais que pour lui il prêche l’Evangile « avec une entière sincérité, comme de la part de Dieu,» et en présence de celui qui fa envoyé ; ne prêchant qu'en Jésus-Christ et pour Jésus-Christ, et n'ayant en vue dans son ministère que de faire triompher Jésus-Christ et de procurer sa gloire.

Il faut observer ici que l'Apôtre nous marque à la fin de ce chapitre le mystère de la très sainte Trinité lorsqu'il dit : « Nous prêchons l'Evangile de la part de Dieu, dans le Saint-Esprit, en la présence de Dieu le Père, et au nom de Jésus-Christ. » Nous avons dit, que saint Paul alla de Troade en Macédoine : en voici la preuve tirée des Actes des apôtres: « Ayant passé la Mysie, ils descendirent à Troade, où Paul eut la nuit cette vision : un homme de Macédoine se présenta devant lui, et lui fit cette prière : « Passez en Macédoine, et venez nous secourir. » Aussitôt qu'il eut eu cette vision nous nous disposâmes à passer en Macédoine, ne doutant point que Dieu ne nous y appelât pour y prêcher l'Evangile. »

 

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Douzième question.

 

Comment doit-on entendre ces paroles de l'apôtre saint ,Paul dans sa première épître aux Thessaloniciens : « Que le Dieu de paix vous sanctifie lui-même en toute manière, afin que tout ce qui est en vous, l'esprit, l’âme et le corps, se conservent sans tache pour l’avènement de notre Seigneur Jésus-Christ? »

Quoique cette question soit très fameuse, il faut néanmoins l'expliquer en peu de mots. Saint Paul avait dit un peu auparavant : « N'éteignez pas l'esprit. » Si nous comprenons bien le véritable sens de ces paroles, nous comprendrons en même temps quel est cet esprit que nous devons conserver sans tache avec l'âme et le corps pour le jour de l’avènement du Seigneur; » car qui pourrait croire que le Saint-Esprit puisse s'éteindre comme une flamme, qui étant éteinte cesse d'être ce qu'elle était ? qui pourrait s'imaginer qu'on puisse détruire cet Esprit saint, qui dans l'ancienne loi disait par la bouche d’Isaïe, de Jérémie et des autres prophètes: « Voici ce que dit le Seigneur, » et qui dans la nouvelle a dit par le prophète Agabus: « Voici ce que dit le Saint-Esprit. » Il y a plusieurs sortes de dons spirituels, mais il n'y a qu'un même Esprit ; il y a plusieurs sortes de ministères, mais il n'y a qu'un même Seigneur; il y a plusieurs sortes d'opérations surnaturelles, mais il n'y a qu'un même Dieu qui opère tout en tous. Or les dons du Saint-Esprit qui se font connaître au dehors sont donnés à chacun pour l'utilité de l'Eglise : l'un reçoit du Saint-Esprit le don de parler dans une autre sagesse ; un autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science; un autre reçoit la foi par le même Esprit, un autre le don de faire des miracles; un autre reçoit du même Esprit la grâce de guérir les maladies, un autre le don de prophétie, un autre le discernement des esprits. Or c'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant ces dons à un chacun selon qu'il lui plait. » C'était cet Esprit dont David appréhendait d'être privé lorsqu'il disait à Dieu: « Ne retirez pas de moi votre Esprit saint. » Quand Dieu le retire, cet Esprit, il ne l'éteint pas quant à sa substance, mais il l’éteint pour les âmes qu'il prive de sa lumière. Pour moi, je crois que par ces paroles: « N'éteignez pas l'Esprit, » l'Apôtre veut dire la même chose que par celles-ci: « Conservez-vous dans la ferveur de l’Esprit », car l'Esprit ne s'éteint jamais dans une âme dont la ferveur ne s'est point ralentie par l'habitude du crime ni par les refroidissements d'une charité tiède et languissante.

« Que le Dieu de paix » donc « vous sanctifie en toutes manières » ou, « en toutes choses,» ou plutôt selon la force du texte grec, « vous donne une sainteté pleine et parfaite. » Il l'appelle «Dieu de paix, » parce que nous avons été réconciliés avec lui par Jésus-Christ, « qui est notre paix, qui des deux peuples n’en a fait qu'un, » et qui, comme dit l'Apôtre dans un autre endroit, est la paix de Dieu qui surpasse tout sentiment, qui garde les cœurs et les pensées des saints. » Or celui qui a été sanctifié, et qui est parfait en toutes choses, conserve « son esprit, son âme on corps sans tache pour le jour de l'avènement du Seigneur; » son corps s'il emploie membres aux usages auxquels ils sont destinés, s’il se sert par exemple de ses mains pour travailler, de ses pieds pour marcher, de ses yeux pour voir, de ses oreilles pour entendre, de ses dents pour manger, de son estomac pour digérer les viandes, de son ventre pour se décharger des superfluités de la nature, vu si tous les membres de son corps sont entiers et parfaits. Mais est-il croyable que saint Paul fasse des vœux au ciel pour que Jésus-Christ, au jour du jugement, trouve les corps des fidèles en leur entier? la mort ne les réduira-t-elle pas tous en poussière? ou s'il s'en trouve encore quelques-uns, comme certains auteurs le prétendent, qui soient encore vivants et animés , n'auront-ils pas toujours quelque chose de défectueux, particulièrement les corps des martyrs et de ceux à qui l'on aura arraché les yeux ou coupé le nez et les mains pour la cause de Jésus-Christ ? Ce que l'Apôtre donc entend par un « corps entier » est celui comme je l’ai dit déjà ailleurs, « qui, demeurant attaché à la tête et au chef qui unit et lie toutes les parties de et corps, s'entretient et s'augmente pour l'administration du corps de Jésus-Christ.» Or ce corps n'est autre que l’Eglise, et quiconque aura une union étroite avec le chef de ce corps et avec tous les autres membres qui le composent conservera son corps tout entier, autant que la fragilité humaine le peut permettre. C'est de la sorte qu'on doit conserver l'intégrité de l'âme, qui peut dire : « Bénissez, mon âme, le Seigneur qui guérit toutes vos infirmités, » et dont il est écrit : « Il a envoyé sa parole, et il les a guéris. » Nous conservons aussi l'intégrité de l'esprit lorsque nous ne nous égarons point dans les choses spirituelles ; que nous vivons de l'esprit ; que nous suivons avec docilité les mouvements et les impressions de l'esprit; que nous mortifions par l’esprit les œuvres, de la chair, et que nous produisons les fruits de l’esprit, je veux dire: la charité, la joie, la paix, etc.

Voici encore une autre explication que l'on peut donner aux paroles de l’apôtre saint Paul. Salomon nous ordonne de « décrire et trois manières » les maximes qu'il nous enseigne et de le faire « avec science et avec attention, afin de pouvoir répondre selon la vérité à ceux qui nous interrogent. » Nous pouvons décrire dans notre coeur « en trois manières, » les maximes et les règles que nous prescrit l’Ecriture sainte : premièrement selon le sens littéral et historique ; secondement selon le sets moral; et enfin, selon le sens spirituel. Dans le sens littéral nous nous attachons simplement aux faits et nous suivons l'histoire pied à pied, selon l’ordre dans lequel elle est écrite ; dans le sens moral nous quittons la lettre pour prendre des idées plus grandes et plus nobles, appliquant au règlement de nos moeurs et à notre propre édification tout ce qui s'est fait d'une manière charnelle parmi le peuple juif; dans le sens spirituel nous nous élevons à quelque chose encore de plus sublime, nous détachant de toutes les choses de la terre, nous occupant uniquement des choses du ciel et de la félicité qui nous est préparée, et regardant tous les biens de la vie présente comme une ombre en comparaison du bonheur solide que nous devons posséder un jour. Or Jésus-Christ sanctifiera par sa paix et rendra parfaits ceux qu'il trouvera dans cette heureuse situation, c'est-à-dire uniquement occupés du soin de conserver l'intégrité de leur corps, de leur âme et de leur esprit, et d'acquérir une parfaite connaissance de la vérité et de cette triple science dont parle Salomon.

Plusieurs, s'attachant simplement à la lettre, entendent de la résurrection ce que dit l'apôtre saint Paul, que nous devons « conserver sans tache notre esprit, notre âme et notre corps pour le jour de l'avènement du Seigneur.» Quelques-uns prétendent prouver par ce passage que l'homme est composé de trois sortes de substances : d'un esprit , qui est le principe de ses sentiments et de ses pensées ; d'une âme, qui est la source de sa vie; et d'un corps, qui lui sert d'instrument pour toutes les actions extérieures. Il y en a d'autres qui prétendent que l'homme n'est composé que d'une âme et d'un corps, et que cet esprit qu'on y ajoute n'est point une substance mais un certain principe qui, selon les différents effets qu'il produit, est appelé tantôt esprit, tantôt sentiment, tantôt pensée ; car il n'y a pas dans l'homme autant de différentes substances qu'on leur donne de noms différents. Et lorsqu'on leur oppose ce passage de l'Ecriture : « Esprits et âmes des justes, bénissez le Seigneur, » ils le rejettent en disant qu'il ne se trouve point dans le texte hébreu. Pour moi, comme je l'ai déjà dit, je crois que par cet esprit qui « se conserve sans tache avec l'âme et le corps » on ne doit point entendre: le Saint-Esprit; dont la substance ne saurait périr, mais : ses dons et ses grâces, qui s'allument ou s'éteignent en nous selon le bon ou le mauvais usage que nous en faisons.

 

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