SCHISME
Accueil Remonter Suivante

 

Accueil
Remonter
SCHISME
JOVINIEN
JEAN DE JÉRUSALEM
RUFIN
VIGILANTIUS
ORIGÈNE
PÉLAGE
SUR LES JUIFS
MONTANISTES
ÉCRIVAINS
CONTRE UN MOINE
THÉOPHILE

SÉRIE V. POLÉMIQUE.

 

QUESTIONS SUR LE SCHISME DE L'ÉGLISE D'ANTIOCHE

 

AU PAPE DAMASE.

 

PARTIE I.

 

Comme l'Orient, agité par ses anciennes fureurs, déchire la robe sans coutures du Seigneur, comme les renards ravagent la vigne de Jésus-Christ, et comme parmi tant de citernes entr'ouvertes qui ne sauraient garder l'eau on a de la peine à découvrir où est la fontaine scellée et le jardin fermé de l'Église, j'ai cru devoir consulter la chaire de saint Pierre, et sa foi, qui a reçu autrefois des louanges de la bouche même de l'apôtre saint Paul, et chercher la nourriture de mon âme dans le lieu même où j'ai été revêtu de Jésus-Christ. La vaste étendue des terres et des mers qui me sépare de Rome n'a pu m'empêcher d'y aller chercher la perle évangélique. « En quelque lieu que soit le corps, les aigles s'y assembleront. » Tandis que les enfants libertins consument leur patrimoine en débauches, vous seul conservez sans partage l'héritage de vos pères. Votre terre, toujours féconde et abondante, produit sans mélange et rend au centuple la semence que le Seigneur y a jetée . dans la nôtre le pur froment, étouffé sous les sillons, dégénère en ivraie. Aujourd'hui le soleil de justice se lève dans l'occident, au lieu que dans l'orient cet orgueilleux Lucifer qui est tombé du ciel établit son trône au-dessus des astres. « Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre, » vous êtes des vases d'or et d'argent. Ici nous n'avons que des vases de terre et de bois, qui doivent être brisés avec une verge de fer ou consumés dans des flammes éternelles.

Quoique je sois ébloui par l'éclat de votre dignité, je nie sens néanmoins attiré par votre bonté paternelle : je demande au grand prêtre la victime du salut, et au pasteur le secours qu'il doit donner à ses brebis. Qu'on ne m'accuse donc point de témérité, qu'on ne me vante point ici la dignité et la grandeur du siège de Rome : je parle au successeur d'un pécheur et à un disciple de la croix. Comme je ne veux suivre que Jésus-Christ, aussi ne veux-je communiquer qu'avec Votre Sainteté, c'est-à-dire avec la chaire de Pierre. Je sais que l'Église a été établie sur cette pierre : quiconque mange l’Agneau hors de cette maison est profane ; quiconque ne se trouve pas dans l'arche de Noé périt par le déluge. Comme le désir de pleurer mes péchés m'a obligé de me retirer dans cette vaste solitude qui sépare la Syrie d'avec le pays des Barbares, et que je suis trop éloigné de Rome pour pouvoir demander toujours à Votre Sainteté «le saint du Seigneur, » je m'attache aux saints confesseurs égyptiens, vos confrères, et je me cache parmi eux comme une petite barque qui se met à l'abri à côté des grands vaisseaux. Je ne connais pas Vital, je reflète Mélèce, je ne sais qui est Paulin. Celui qui n'amasse point avec vous dissipe au lieu d'amasser, c'est-à-dire que celui qui n'appartient pas à Jésus-Christ appartient à l'Antéchrist.

Je ne puis le dire sans douleur, après la division du concile de Nicée, après le décret du concile d'Alexandrie fait du consentement des évêques d'orient et d'occident, les chefs des ariens et ceux qui tiennent leurs assemblées à la campagne veulent que je reconnaisse trois hypostases, moi, élevé dans  l’Eglise latine et à qui ces termes sont nouveaux. Quels sont, je vous prie, les apôtres qui out parlé de la sorte ? quel est le nouveau saint Paul, le (344) nouveau maître des nations qui a enseigné cette doctrine? Je leur demande ce qu'ils entendent par trois hypostases : ils répondent qu'ils entendent : trois personnes existantes. Je leur dis que c'est là ma croyance, mais ils ne se contentent pas du sens que je donne à ces paroles, ils veulent que je les prononce : il faut qu'il y ait quelque ruse cachée sous ces mots. Je dis hautement : « Quiconque ne confesse pas trois hypostases, c'est-à-dire trois personnes existantes, qu'il soit anathème; » mais parce que je ne me sers pas des termes qu'ils souhaitent ils me font passer pour hérétique. Que si par le mot hypostase on entend l'essence et la substance, et qu'on ne dise pas qu'il n'y a dans Dieu qu'une hypostase en trois personnes, l'on est séparé de Jésus-Christ. C'est sur cela qu'on me fait mon procès, et qu'on m'accuse d'être uni avec vous par la même confession de foi.

Dites-moi , je vous prie, quel parti je dois prendre : je ne craindrai pas de dire qu'il y a trois hypostases si vous me le commandez. Qu'on fasse, si vous le jugez à propos, une nouvelle confession de foi après celle qui a été faite dans le concile de Nicée, et que les orthodoxes se servent des mêmes termes que les ariens pour expliquer leurs sentiments. Toutes les écoles par le mot hypostase n'entendent autre chose sinon l'essence de la substance

or, je vous prie, peut-on dire sans sacrilège qu'il y a trois substances dans la Trinité? Il n'y a dans Dieu qu'une seule nature qui existe véritablement, car ce qui subsiste par soi-même tire existence de son propre fonds sans le secours d'aucun être étranger. Toutes les créatures n'existent point véritablement, quoiqu'elles paraissent exister, parce qu'il a été un temps qu'elles n'existaient point , et ce qui n'était point autrefois peut encore cesser d'être. Ainsi le nom d'essence n'appartient proprement qu'à Dieu seul qui est éternel, c'est-à-dire qui n'a point de commencement. C'est pour cela que, parlant à Moise du milieu du buisson ardent, il lui dit : « Je suis celui qui suis; »et encore: si Celui qui est m'a envoyé.» Il est certain que les anges , le ciel , la terre, la mer existaient alors : comment donc Dieu s'attribue-t-il à lui seul le nom d'essence, qui est commun à toutes les créatures? Puis donc qu'il n'y a qu'une seule divinité, c'est-à-dire une seule et véritable nature en trois personnes, dire qu'il y a trois choses, trois hypostases, trois substances en Dieu, c'est vouloir soutenir, sous un prétexte spécieux de piété, qu'il y a trois natures.

Or si cela est, pourquoi nous séparer d'Arius puisque nous sommes dans les mêmes sentiments? que Votre Sainteté ne communique-t-elle avec Ursinus, et Ambroise avec Auxence? Mais à Dieu ne plaise que Rome abandonne sa foi pour prendre ces sentiments impies, et que les fidèles suivent cette doctrine sacrilège! Contentons-nous de dire qu'il n'y a en Dieu qu'une seule substance, et trois personnes existantes, parfaites, égales et coéternelles : qu'on ne parle point, je vous prie, de trois hypostases, et qu'on n'en admette qu'une. Si néanmoins vous jugez à propos qu'on confesse trois hypostases en expliquant ce que l'on doit entendre par ces mots, je ne m'y oppose pas; mais, croyez-moi, on cache ordinairement le poison sous le miel, et l'ange de Satan se transforme en ange de lumière. Ils expliquent le mot hypostase dans un sens très catholique; mais, quoique je l'admette dans le sens qu'ils lui donnent, ils ne laissent pas de me regarder comme un Hérétique. Pourquoi s'opiniâtrent-ils à vouloir qu'on prononce ce mot? quels pièges cachent-ils sous des paroles ambiguës? Si leur foi est conforme à l'explication qu'ils donnent à ces paroles, je ne leur ferai pas de procès sur les choses qu'ils ne veulent pas s'expliquer; mais aussi, si je suis dans les mêmes sentiments qu'ils affectent d'avoir, que ne me laissent-ils la liberté de les expliquer à ma manière ?

Je conjure donc Votre Béatitude, par ce Dieu crucifié qui a été le sauveur du monde et par les trois personnes de la Trinité qui n'ont qu'une même essence, de m'écrire si je dois confesser ou non trois hypostases; et, de peur que ceux qui porteront vos lettres n'aient de la peine à me trouver, je vous prie d'avoir la bonté de les adresser au père Evagrius, qui a l'honneur d'être connu de vous. Marquez-moi aussi, je vous prie, avec qui je dois communiquer dans Antioche, parce que les habitants de la plaine, joints aux hérétiques de Tarse, ne cherchent qu'à s'autoriser de la communion qu'ils disent avoir avec vous afin de soutenir les trois hypostases dans leur ancien sens.

 

Haut du document

 

345

 

PARTIE II.

 

L'Évangile nous parle d'une femme qui par ses importunités mérita d'obtenir de son juge ce qu'elle souhaitait, et d'un ami qui, s'étant retiré chez lui avec ses domestiques et ayant déjà fermé la porte de sa maison, se leva néanmoins pour donner des pains à un de ses amis qui venait à minuit les lui demander. Dieu même, tout invincible qu'il est, s'est laissé vaincre par les prières du publicain, et la ville de Ninive, qui s'était perdue par ses crimes, se sauva par ses larmes. Je vous parle de la sorte afin que dans votre élévation vous ne dédaigniez pas de jeter les yeux sur moi, ni de prendre soin d'une brebis malade, quelque nombreux d'ailleurs que soit votre troupeau. Jésus-Christ fit autrefois passer un larron de la croix dans le ciel et changea en la gloire du martyre la peine de ses crimes, pour faire voir que la conversion du pécheur n'est jamais hors de saison. Ce divin Sauveur reçoit avec joie l'enfant prodigue lorsqu'il revient à la maison paternelle; ce bon Pasteur laissant quatre-vingt-dix-neuf brebis, en va chercher une qui était restée en arrière et la rapporte sur ses épaules. Saint Paul, de persécuteur de l'Église devient prédicateur de l'Évangile. Dieu le prive de la vue du corps afin d'éclairer son esprit, et cet homme, qui traînait devant les tribunaux des Juifs les serviteurs de Dieu chargés de chaînes, se fait gloire de celles qu'il porte pour l'amour de Jésus-Christ.

Je vous ai déjà dit que j'ai reçu autrefois à Rome la robe de Jésus-Christ, et que je demeure maintenant sur les frontières de la Syrie, pays sauvage et barbare. Ne regardez pas, s'il vous plait, ma retraite comme un exil auquel on m'aurait condamné malgré moi: je me suis moi-même imposé cette pénitence pour l'expiation de mes péchés. Mais, comme dit un poète païen, « celui qui se retire au delà des mers peut changer de climat, non d'esprit et d'inclinations : » poursuivi donc sans cesse par un implacable ennemi, j'ai à souffrir dans la solitude une guerre plus cruelle que jamais : d'un côté l'hérésie arienne, soutenue par le crédit et par la puissance des grands du siècle, vomit contre moi sa rage et sa fureur; de l'autre les trois différents partis qui déchirent l'Église d'Antioche s'efforcent à l'envi de m'engager dans leurs intérêts. Les solitaires du pays, plus anciens que moi, veulent me soumettre à leur autorité. Cependant je dis hautement : « Quiconque est uni à la chaire de saint Pierre est de mon parti. » Melèce, Vital et Paulin disent qu'ils sont dans votre communion : je le pourrais croire s'il n'y en avait qu'un seul qui le dit, mais dans l'état des choses il faut nécessairement que deux d'entre eux, ou même tous les trois, ne disent pas la vérité.

Je vous conjure donc par la croix du Seigneur, par la passion que Jésus-Christ a dû souffrir pour entrer dans cette gloire qui est la couronne de notre foi, de vouloir bien imiter le zèle des apôtres, dont vous tenez le rang et la dignité. Je souhaite que vous soyez assis sur un trône avec eux pour juger les nations, qu'une main étrangère vous ceigne sur la fin de vos jours à l'exemple de saint Pierre, et que vous deveniez enfin avec saint Paul citoyen du ciel. Mais je vous prie en même temps de me marquer avec qui je dois communiquer dans la Syrie. Ne méprisez point une âme pour le salut de laquelle Jésus-Christ a donné sa vie.

 

Haut du document

 

Accueil Remonter Suivante