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POUR LA FÊTE DE LA BIENHEUREUSE MARIE MADELEINE. SERMON DE NICOLAS DE CLAIRVAUX.
1. Aujourd'hui la miséricorde et la vérité se sont rencontrées, et l'abondance des miséricordes du Seigneur s'est épanchée sur une femme pécheresse. Car le fils de la Vierge est touché par les mains d'une créature coupable et souillée, une femme qui avait perdu toute honte porte les mains sur Dieu et sur le Fils de Dieu. Impure, elle touche les pieds de celui qui est pur et qui purifie ; coupable, elle tombe aux pieds de son Créateur. Celle qui avait prévariqué revient à de meilleurs sentiments et rentre dans son coeur ; elle condamne, par l'abondance de ces larmes, la multitude de ses crimes. La bonté de celui qu'elle touche ainsi laisse accomplir cet acte, l'oeil bienfaisant de sa majesté, par un heureux dédain, ne méprise point l'empressement de l'office qu'on lui rend. Marie couvre de baisers fréquents les pieds de Jésus-Christ,elle les arrose de ses larmes insaisissables, elle les essuie de ses cheveux, et les oint de parfums embaumés. L'ami de la singularité le voit et est envieux, et l'orgueil du Pharisien accuse Jésus d'ignorance et Madeleine de présomption. Mais la clairvoyance divine délibère et suspend son jugement , tant qu'elle reçoit cet hommage, elle retient le reproche quelle a préparé, jusqu'à ce que le sacrifice de Marie s'achève en holocauste. Les anges se réjouissent à la vue d'une pécheresse qui fait pénitence, et leur assemblée céleste est parfumée de cette odeur, et toute la douceur de la miséricorde entoure celui qui sauve et celle qui va être sauvée. Où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rom. V, 20), et la piété, en devenant prépondérante, arrête le cours de nombreux péchés. Que l'étendue de votre piété est grande, Seigneur, dans la confession de cette pécheresse, que vous réprimandez justement l'orgueil et l'illusion du Pharisien. Vous rappelez les attentions de celle qui vous honore, et vous blâmez indirectement l'injustice de celui qui s'indigne dans l'ensemble de ce passage dirigé contre la jalousie de Simon. Et parce que là où est l'esprit du Seigneur, là se trouve la liberté (II Cor. III, 17), beaucoup de péchés sont remis à celle qui a beaucoup aimé, et beaucoup sont le partage de ceux qui se montrent bien négligents. Ce pharisien ne s'était pas rassasié aux mamelles de l'Épouse, il n'avait point pris des sentiments de compassion, il lisait la loi qui ignore la miséricorde, il ne connaissait que la justice. Loi divine, gravée sur des pierres dures, prête à frapper, ne sachant point pardonner. Loi qui ne laisse jamais de place au pardon, qui refuse l'indulgence et ignore le changement. Vin âpre et acide sorti de grappes fort amères, destiné aux hommes cruels, versé à Israël et offert au Sauveur. Vice qui agace les dents de ceux qui le boivent, et qui ne vient point de cette espèce de vigne, dont le Sauveur boit le jus nouveau dans le royaume de son Père. 2. En vérité, les mamelles de l'Épouse sont meilleures que ce vin (Cant. 1, 1). Quelles sont-elles? Que saint Paul se présente parmi nous et qu'il nous découvre ces deux mamelles qui répandent un lait heureux. « Se réjouir avec ceux qui se réjouissent, dit-il, pleurer avec ceux qui pleurent (Rom. XII, 15). » Oh ! comme avec ce peu de mots il a résumé toute la religion ! avec quelle élégante formule il a proposé la piété, établi la justice, écarté la jalousie! Par ces mamelles, l'Eglise, comme une tendre mère, allaite ceux qui progressent et nourrit les parfaits. « Se réjouir avec ceux qui réjouissent, » dit l'Apôtre. Que par là cessent les applaudissements mondains que la folie et la joie du siècle s'éloignent, parce qu'il n'y a point de joie pour l'impie, dit le Seigneur (Isa. XLVIII, 22). Croyez-vous que la bouche de ceux qui se réjouissent quand ils ont fait le mal, et qui tressaillent dans les pires choses, est remplie de joie (Prov. II, 14) ? Ceux qui sont élevés par des louanges adulatrices ne connaissent point, non plus, la joie de la jubilation divine. Ceux qui, revêtus de pourpre et de soie, font chaque jour, de splendides repas, auront-ils en partage la joie et le bonheur ? Nullement. A Dieu ne plaise que les motifs d'allégresse se rencontrent dans la terre de ceux qui vivent dans les délices, alors que la face entière du monde est soumise à des changements si considérables que celui qui est sur le faite se trouve renversé, et que celui qui est brisé, se relève et respire. Mais il y a une joie basée très-solidement sur une jouissance continuelle, que l'âme parfaite se promet de sa conscience toujours tranquille. En effet, l'esprit qui est soigneusement purifié de toute souillure du siècle, et qui fixe toute la force de ses désirs dans l'amour de la divine contemplation, tressaille d'aise dans le Seigneur, et son âme bondit de bonheur en Dieu qui est son salut. Un coeur si heureux dédaigne les menaces, ne connaît pas la crainte, se joue de vaines espérances, et, à l'abri de tous les scandales, il s'endort dans le Seigneur, se repose en cet unique bien. « Une grande paix est le partage de ceux qui chérissent votre loi, » s'écrie le juste, « et, pour eux, il n'y a point de scandale (Psalm. CXVIII, 65). » Il savait, en effet, que les bourreaux ne persécutent pas les martyrs, mais qu'ils les couronnent. C'est avec les âmes enivrées de ces dispositions que l'Apôtre se réjouit,et il leur promet, en toute assurance, qu'elles se réjouiront encore davantage. Cette joie est certaine et pleine : et d'autant plus certaine, qu'elle est ressentie plus prochainement à propos du même bien. C'est là la mamelle de la congratulation, qui répand le lait de l'exhortation, pour nourrir les parfaits, afin que lorsqu'ils seront sevrés, ils se nourrissent de suite en entrant dans la gloire du Seigneur. 3. La seconde mamelle, « est de pleurer avec ceux qui pleurent. » L'Apôtre nous a-t-il commandé de pleurer la perte de nos biens, la fin de nos plaisirs, la perte de nos enfants, les douleurs causées par les maladies, les tortures de l'indigence, les exactions des puissants? Nullement. Ceux qui pleurent pour de tels motifs, sont à pleurer eux-mêmes. La tristesse religieuse, en effet, verse des larmes sur ses péchés ou sur ceux des autres. Heureux ceux dont le deuil vient de cette source, ils peuvent y espérer une douceur qui les consolera. O qu'elle est animée d'un esprit tendre et fort doux, l'âme de celui qui sait instruire le pécheur avec douceur, arrêter la vengeance, et mettre dans ses propres entrailles, par ses bons procédés, le coupable malheureux jusqu'à ce qu'il l'ait rendu à la vie. L'Apôtre exprime de cette mamelle de la compassion, le lait de la consolation, et en nourrit ceux qui ne peuvent prendre de nourriture solide. L'homme, ami de l'innocence, est ami de la paix, compatit aux douleurs de ceux qui soutirent, se réjouit avec ceux qui sont dans la joie, et arrive parfaite ment à la borne de la perfection. Voilà les mamelles inondées d'une douce liqueur, meilleures que le vin,-plus douces que le lait, qui font sentir la miséricorde, exhalent un parfum de piété. « Embaumées, » dit l'Écriture, des « parfums les plus exquis (Cant. I, 8). » Mamelles tout à fait précieuses, d'où coulent des parfums sans nombre qui embaument la cité du Dieu vivant en s'y répendant de tous côtés. Ce sont les parfums apportés à Jérusalem par la reine de Saba, dont l'Écriture dit : « On ne porta jamais plus de parfums aussi nombreux que ceux que la reine de Sala donna au roi Salomon (III Reg. X. 10). » En parlant de ces senteurs, avec quelle excellente raison cet esprit subtil, qui réclame pour lui tout le sens du Cantique des cantiques, a ajouté qu'elles étaient « des plus exquises. » Car il y a un parfum bon, c'est celui que Marie répandit sur les pieds du Sauveur ; il y en a un meilleur que Marie encore, si pourtant il s'agit de la même personne, a épanché sur sa tête lorsqu'il était à table; et il en est un plus exquis encore, c'est celui qu'elle a préparé pour oindre le corps du Christ. 4. Le premier, c'est celui de la contrition, du souvenir des péchés, provenant d'un esprit contrit et brisé de repentir. On le répand aux pieds de celui qui marche sur les ailes des vents; ainsi Marie adore au lieu où les pieds du divin maître s'arrêtèrent. Ils s'arrêtèrent, car par la main très-puissante de son amour, elle tint ces deux pieds, jusqu'à ce qu'elle les eût couverts de parfums et eût entendu qu'on la renvoyait en paix, après lui avoir pardonné ses fautes. « Vos péchés vous sont remis, allez en paix (Luc. VII, 47). » Une grande miséricorde purifie une grande misère et cela très-vite, parce que sans intervalle aucun se suivent, et les larmes de la pécheresse et l'indulgence du Sauveur. On lui pardonne ses crimes et on la renvoie en paix, afin qu'elle ne soit point inquiète du passé et qu'elle soit en sûreté pour l'avenir. Les pieds sont la miséricorde et le jugement : embrasser l'un sans l'autre, est une assurance téméraire, ou un désespoir qu'il faut éviter. Qui, en effet, en contemplant incessamment la miséricorde de Dieu, ne désire pas de suite le repos d'amour plus calme ? Lorsque par la pensée, il voit le Seigneur de toutes choses prendre pour ses serviteurs la forme de serviteur, opérer durant trentre-trois ans notre salut au milieu de la terre: quand il l'aperçoit saisi, lié, blessé, crucifié, et endurer toutes sortes de tourments pour les enfants des hommes: aussitôt il se berce et s'illusionne dans une espérance trompeuse, il se réjouit de se voir regardé avec miséricorde, et avec bonté, il ne s'occupe pas du jugement, il ignore la justice, il n'estime pas qu'on punisse ce qui est digne pourtant de châtiment. Il se trompe en baisant le pied de la miséricorde, de manière à ne pas faire attention à celui du jugement, présumant tout de la bonté de Dieu, croyant que pour obtenir le salut, il suffit uniquement de croire ce qu'il croit. D'un autre côté, lorsqu'il détourne sa bouche et couvre de ses fréquents baisers le pied du jugement, la substance de sa chair et de son âme est ébranlée, et une tempête violente agite la double région qui constitue l'homme. Il est horrible en effet de tomber entre les mains du Dieu vivant (Hebr. X, 31), d'offenser le Créateur, de méconnaître le Seigneur, de se révolter contre la puissance du dominateur souverain, qui a le pouvoir de précipiter le corps et l'âme dans les abîmes de l'enfer. C'est chose terrible, comme parle l'Apôtre, que cette attente du jugement (Ibid. 27), alors que le feu s'enflammera en sa présence et que les vertus des cieux seront ébranlées, et que, les consciences étant vacillantes, un feu très-violent consumera l'univers dans toute son étendue. Il n'y a rien de plus effroyable que de voir la demeure du diable remplie de sang, regorgeant d'opprobres et de tourments. Qui ne serait consterné en considérant longtemps tin semblable tableau, qui ne serait entraîné dans les gouffres du désespoir? Il ne faut donc point s'arrêter trop à ce pied, de crainte que la rigueur du juge ne nous fasse perdre de vue le côté de la bonté. Que l'affection de l'âme pénitente oigne l'un et l'autre pied, mais que, tantôt embrassant la miséricorde, tantôt baisant la justice, elle offre l'holocauste d'un coeur contrit. Voyez Marie s'attachant fortement au pied du jugement, lorsque, femme noble et pécheresse, elle ne regarde pas ceux qui sont assis à table, mais, le corps prosterné, se roule aux pieds de la majesté divine, remplie de douleur, impatiente de crainte, et blessée des traits de la componction. Mais elle embrasse avec plus d'affection le pied de la miséricorde, espérant qu'on l'exercera à son endroit; elle se colle fortement aux pieds du Rédempteur, jusqu'à ce qu'elle entende : « Vos péchés vous sont remis, » 5. C'est là un parfum bien précieux, il embaume non-seulement la maison de la terre, mais encore le palais des cieux. Ce sont des espèces bien viles qui le composent, on en peut trouver une grande quantité dans nos jardins. Nos péchés plantés dans nos consciences, en nombre incalculable, en sont les ingrédients. Placés dans le mortier de la pénitence, broyés par la macération, arrosés de l'huile de la discrétion, mis au feu de la douleur, cuits dans le vase de la discipline, ils forment un parfum précieux et agréable aux pieds du Sauveur. Nous le confectionnons d'une manière plus abrégée, en abandonnant entièrement toutes choses à celui qui le goûte. Et quoique la matière paraisse indigne, ce parfum est bon néanmoins, il remplit la maison, pénètre les cieux, réjouit les anges, et procure allégresse et joie à la cité bienheureuse. C'est là le sacrifice de justice : « Parce qu'un esprit brisé de douleur est un sacrifice à Dieu (Psalm, L, 19). » 6. Le second parfum est celui de la dévotion, ressentie au souvenir des bienfaits du Seigneur. La matière qui entre dans sa composition est tout à fait noble, et celle qui forme le précédent est méprisable à côté de celle-ci; car les espèces qui le constituent ont été apportées du ciel et ne peuvent se trouver dans la terre des enfants des hommes. En effet, les vertus apportées du ciel et broyées au moyen d'une méditation très soignée, imbibées de l'huile de l'allégresse, mises sur le feu de la justice, dans le récipient de l'humilité, forment un parfum d'une odeur et d'une vertu admirable, qui peut seul être répandu sur la tête du Seigneur assis à table, seul être offert en hommage à sa divine majesté. Nous ne faisons qu'indiquer les choses, laissant l'abondance des paroles à ceux qui savent tirer beaucoup de choses de peu. Il faut cependant indiquer la différence qu'il y a entre les deux, et remarquer la plus grande dignité du second;, le premier est « le sacrifice à Dieu d'un coeur contrit, » et le second, « est le sacrifice de louange, » qui honore Dieu. Nous oignons donc les pieds du Sauveur, lorsque nous sommes repentants de nos péchés; nous oignons sa tête, lorsque nous rendons grâce au distributeur des vertus, de celles qu'il nous a accordées. Le passage des pieds à la tête demande quelque temps, parce qu'il est très-difficile et présomptueux de voler de la plante des pieds au chef du Seigneur, Et ce n'est point la même personne qui a oint les pieds et la tête : puisque la pécheresse n'a rien fait de ces choses, selon cette parole: « Tourne les impies et ils ne seront plus (Prov. XII, 7). » Marie oignit donc la sainte tête du Seigneur, déjà chérie, déjà devenue familière, déjà bien éloignée des sentiers de cette pécheresse, que confondait le malheureux esprit aux sept vices. 7. Or, si les deux parfums dont nous venons de parler sont d'une dignité si relevée que l'un convient aux pieds et l'autre à la tête du souverain monarque , où pouvons-nous trouver le troisième, qui est le plus excellent et le plus exquis? Mais à Dieu ne plaise que l'Épouse de la vérité s'écarte de la vérité et se vante d'avoir quelque chose qu'il lui soit impossible de posséder. Le troisième parfum est donc celui de la piété; par dessus tous les aromates, il est salutaire pour toutes les maladies et dans tous les périls, dans aucune épidémie on a pu le trouver inefficace. Voici ce qu'on en lit : « Marie Madeleine et Marie, mère de Jacques et Salomé, achetèrent des parfums pour venir oindre Jésus (Marc. XVI, 1). » Voyez-vous au premier aspect de ce passage, que ce n'est pas assez d'une seule ou de deux personnes, mais que trois peuvent à peine suffire pour acheter un parfum d'une si riche composition ? Comprenez-vous que ce mélange est fait,non pour les pieds ou pour la tête; mais pour le corps tout entier du divin crucifié ? C'est une composition bien précieuse que celle qui est faite pour le corps tout entier du Créateur. Et remarquez que le Sauveur reçut avec une bonté bienveillante le parfum répandu sur ses pieds, qu'il convainquit le Pharisien murmurateur, par une parabole qu'il lui exposa assez longuement, dont il fit ensuite l'application (Luc. VII, 41). Quant à celui qui fut versé sur sa tête, il réprimanda ses disciples qui s'indignaient de cette perte, leur assurant que cette femme avait accompli là une bonne oeuvre (Matth. XXVI, 10) ; il apaisa l'animosité qui gonflait leur âme, par des paroles modérées (Marc. XIV, 6). Mais ce parfum si salutaire, si merveilleux, il ne voulut pas qu'on le dépensât pour son cadavre, il le réservait pour son corps vivant, car Jésus-Christ la deux corps, un qu'il a tiré de la Vierge, l'autre, celui de l'Eglise qu'il tient pour plus précieux, puisqu'il l'a racheté dans son amour. Pour lui, il s'est exposé, à la mort et aux tourments, il a été attaché à la croix, mais en la société des criminels, et condamné à un supplice ignominieux. Pouvons-nous faire une composition si salutaire ? Ses espèces sont toutes les misères des malheureux, soit des corps soit des âmes, placées sous le regard de la piété. Placées dans le mortier de la largesse, broyées par la douceur, arrosées de l'huile de la charité, au feu de la compassion, écumées dans le vase de la persévérance, elles composent un parfum admirable pour les anges eux-mêmes. 8. Dans la maison du Seigneur des vertus, il y a des hommes qui ont des richesses: recherchons s'il se trouve chez eux des parfums de ce genre. Le premier qui se présente, c'est saint Paul qui en est tout imbibé , comme c'est sa coutume en tout lieu, « qui est infirme, » dit il, « sans que je le sois (II Cor. XI, 29) ? » Âme heureuse devenue pour elle-même comme un vase perdu, pour s'approprier toutes les misères et les réunir en son coeur : il s'était consacré tout entier au corps de Jésus-Christ, devenu tout à tous, pour les gagner tous. Et cet homme simple, droit et craignant Dieu, voyez comment il marchait non-seulement en homme, mais ce qui est bien plus exact, au dessus de l'homme « J'ai été,» dit-il, « l'il de l'aveugle, le pied du boiteux, j'étais le père des pauvres (Job. XXIX, 15). » Qui l'avait pénétré de ce parfum, cet autre que du giron de sa miséricorde, il répandit plus copieusement les effets de sa tendresse ? Je veux parler de Samuel (Reg. XXIX, 15), qui, non pas une fois, mais tous les jours de sa vie, pleurait sur Saül lorsqu'il le savait éloigné des yeux de la Divinité. La compassion qui avait pénétré son âme, ne s'arrêtait pas, et il versait des larmes inutiles mais pieuses. David ne cessait de se lamenter sur le sort d'un fils parricide (II Reg. XIII). Il pleurait, non les liens de la nature rompus, mais la perte de la foi. Voyez comment Joseph était tout couvert de ce miel (Gen. XLV, 12). Ses frères comparaissent en sa présence, non comme devant un frère, mais comme devant leur maître; ils avaient conscience de leur trahison, ils se sentaient coupables d'homicide, et souillés par un fratricide. Joseph les voit, et, oubliant tous leurs mauvais traitements, ses yeux se remplissent de douces larmes, et la tendresse de la piété cachée au dedans de son coeur s'échappe au dehors par ses yeux. Il fuit la haine, il ignore la colère, il ne se réserve pas un temps pour se venger, il rend le bien pour le mal, la douceur pour la cruauté. J'ai presque oublié Moïse; il fut tellement pénétré de cette liqueur sacrée, qu'il en est entièrement inondé et qu'il la répand de tous côtés. Israël pèche et Moïse s'efforce de le réconcilier avec son Créateur (Exod. XXXII, 10), mais le Seigneur diffère d'exaucer ses prières. Le maître de toutes choses fait beaucoup de promesses à son serviteur, et celui qui a fait Moïse lui demande pour ainsi dire une permission. Laisse- moi, dit-il, « que ma fureur éclate contre eux, et je t'établirai au dessus d'une grande nation. » Moïse répliqua : « Ou pardonnez-leur cette faute, ou, si vous vous y refusez, effacez-moi du livre que vous avez écrit. » Douceur tout à fait stupéfiante! Il refuse de commander à une nation étrangère, et il désire être rayé du livre de vie, si on ne pardonne pas à des coupables. 9. Voilà les parfums de la piété et de la miséricorde qui s'échappent des mamelles de l'Epouse, ils guérissent toutes les infirmités, ils combattent toutes les passions. Marie heureuse oignit les pieds de Jésus; plus heureuse, elle parfuma la tête de son auteur ; très-heureuse, elle prépare pour son corps mort une composition délicieuse. Considérez de quelle très-vive affection cette femme bienheureuse aimait le Christ notre roi. « Seigneur, » dit-elle, si vous «l'avez enlevé, dites-le moi et je l'emporterai (Joan. XX, 15). » De qui parlez-vous, Marie ? N'ayant fait mention de personne, à qui se rapporte ce, je l'emporterai? Pensez-vous que le souvenir de votre bien-aimé soit dans tous les coeurs comme au fond du vôtre? « Et je l'emporterai, » dit-elle. Chose admirable ? Femme très-faible, vous enlèverez et vous porterez un homme arrivé à l'âge parfait que cent livres de parfum ne suffiront pas à embaumer? Paroles brûlantes d'amour, qui, partant d'une affection vive et pure, promettent ce qu'elles ne peuvent tenir. Car rien ne parait difficile au cur qui aime. Oui doit désespérer, lorsqu'une si grande pécheresse, obtient non-seulement le pardon, mais la gloire ? Qu'elle intercède aujourd'hui pour nous et nous rende propice notre juge, son ami, qui est Dieu béni dans les siècles. Amen.
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