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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME CXIII.PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.LE BAPTÊME DANS LA MER ROUGE.
Le but du Psaume est moins de raconter le passé que dannoncer lavenir. Les faits étaient prophétiques, le Psaume lest aussi. Voilà pourquoi sa narration diffère quelque peu de lhistoire qui ne dit rien de ces tressaillements des montagnes et des collines. Par la foi nous sommes enfants dAbraham, père de toutes les nations qui seront bénies dans le Christ. Or, lEgypte doù sortit Israël est la maison de laffliction, la figure du monde oppresseur dont il faut nous séparer, et toutefois avec le secours de Dieu. Le prophète Michée nous montre aussi quil sagit de nous, en nous parlant de péchés à submerger, et ces péchés sont les ennemis qui nous poursuivent quand nous abjurons le monde, La mer qui senfuit quand nous nous consacrons à Dieu, ce sont les obstacles qui saplanissent. Ce Jourdain qui retourne en arrière figure lhomme qui tournait le dos à Dieu, et qui retourne par la conversion à son créateur. Les montagnes et les collines qui bondissent sont les Apôtres et les prédicateurs qui sapplaudissent de nous avoir engendrés à Jésus-Christ ; parce qualors la terre sest ébranlée , en présence du Seigneur, qui nous a ouvert, dans la pierre ou dans le Christ, les sources de la grâce.
1. Nous avons lu, mes frères, et nous avons tort bien retenu, ce que nous raconte le livre de lExode, que le peuple dIsraël fut délivré de linjuste domination des Egyptiens, passa la mer à pied sec 1, entre les deux murailles que formaient les flots; que le fleuve du Jourdain 2, par où il devait entrer dans la terre des promesses, sarrêta, quand les pieds des prêtres qui portaient larche du Seigneur Vinrent à le toucher ; que les eaux den haut retinrent leur cours, au lieu que celles den bas sécoulèrent à la mer, tant que les prêtres se tinrent debout au milieu du fleuve desséché, et que le peuple passa. Voilà ce que nous savons; et, toutefois, ne nous imaginons pas que dans le psaume que nous chantons, en le faisant précéder et suivre de lAlleluia, lEsprit-Saint ne veuille que nous rappeler le passé, sans nous reporter vers lavenir. « Toutes ces choses, nous dit lApôtre, narrivaient aux Juifs quen figures, et elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui venons à la fin des siècles 3 ». Ainsi donc, lorsque nous entendons le psaume nous dire: « Quand Israël sortit de lEgypte, et la famille de Jacob du milieu dun peuple barbare, Judas devint pour le Seigneur un peuple saint, et Israël le siége de sa puissance; la mer le vit et senfuit, le Jourdain rebroussa vers sa source » ; ne nous imaginons point quon veuille raconter le passé, cest plutôt
1. Exod. XIV, 22. 2. Josué, III, 15-17. 3. I Cor. X, 11. 4. Ps. CXIII, 2, 3.
lavenir que prédit le Psalmiste; quand ces miracles saccomplissaient chez ce même peuple, ils étaient dans le présent, mais ne laissaient pas davoir une signification pour lavenir. Le Prophète, qui chantait ces merveilles prophétiques, nous montre dès lors quil donne à ses paroles le même sens quavaient les faits, puisquun seul et même Esprit a dirigé les faits et dicté les paroles, afin que ces actions et ces paroles fussent des avant-coureurs de ce quil se réservait de nous montrer à la fin des siècles. Le Prophète ne raconte point les faits tels quils se sont passés, mais dune manière quelque peu différente de celle que nous lisons, de peur quon ne crût quil racontait le passé plutôt quil ne prédisait lavenir. Tout dabord, nous ne lisons point que le Jourdain remonta vers sa source, mais quil sarrêta du côté que les eaux descendaient de la source, pendant que le peuple passait. Ensuite nous ne lisons pas que les collines et les montagnes bondirent, ce que le Prophète ajoute, et quil répète même deux fois. Après avoir dit : « La mer le vit et senfuit, le Jourdain rebroussa en arrière », il ajoute: « Les montagnes bondirent comme des béliers et les collines comme des agneaux ». Puis, dans une apostrophe: « Pourquoi, mer, as-tu fui, et toi, Jourdain, pourquoi rebrousser en arrière? Pourquoi, montagnes, tressaillir comme le bélier; et vous, collines, comme des agneaux 1? »
1. Ps. CXIII, 3 - 6.
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2. Voyons donc la leçon que nous donne le Prophète; car, et ces actions étaient des symboles qui nous concernaient, et ces paroles nous engagent à nous reconnaître nous-mêmes. Si nous conservons fermement la grâce de Dieu qui nous a été donnée, nous sommes Israël et postérité dAbraham; et cest à nous que lApôtre a dit: « Vous êtes donc la postérité dAbraham 1» ; comme il le dit en effet à un autre endroit: « Ce nest point après la circoncision, mais avant, que la foi dAbraham lui fut imputée à justice, et ainsi il reçut la marque de la circoncision, comme le sceau de la justice quil avait mérité par la foi, lorsquil était encore incirconcis, pour être le père de ceux qui croient sans être circoncis, afin que leur foi leur soit également imputée à justice ; et pour être le père des circoncis, qui non-seulement ont reçu la circoncision, mais qui suivent les traces de la foi de notre père Abraham, lorsquil était encore incirconcis 2 ». Car il nest pas seulement père, et selon la chair, du peu. pie circoncis, lui à qui il fut dit : « Je tai établi père de beaucoup de nations ». Or, de beaucoup ne signifie pas de quelques-unes, mais bien de foules, ainsi quil est indiqué clairement dans ces paroles: « En loi seront bénies toutes les nations 3». Que nul chrétien donc ne se croie étranger au nom dIsraël. Car nous sommes unis, par la pierre angulaire, à ceux des enfants dIsraël qui embrassèrent la foi, et dont les principaux sont les Apôtres. De là cette parole du Seigneur : « Jai encore u dautres brebis, qui ne sont pas de ce bercail ; il me faut les amener, afin quil ny ait plus quun seul troupeau et quun seul pasteur 4». Cest donc plutôt le peuple chrétien qui est Israël, cest lui qui est principalement la maison de Jacob, car Jacob et Israël ne sont quun même homme. Or, cette foule de Juifs, à qui leur perfidie a valu la réprobation, qui a vendu son droit daînesse pour un plaisir charnel, appartient plutôt à Esaü et non à Jacob. Car, vous le savez, tel est le sens de cette parole mystérieuse : « Laîné servira le plus jeune 5». 3. Quant à lEgypte, qui signifie affliction, ou celui qui afflige, qui opprime, elle est souvent la figure de ce siècle, dont il faut nous séparer en esprit, pour ne point porter
1. Gal. III, 29. 2. Rom. IV, 10.12. 3. Gen. XXII, 18. 4. Jean, X, 16. 5. Gen. XXV, 23, 33; Rom. IX, 13.
le joug avec les infidèles 1. Car on ne devient citoyen de la Jérusalem céleste quen renonçant tout dabord au monde; de même que le peuple dIsraël ne put être conduit dans la terre des promesses, quen sortant dabord de lEgypte. Mais, de même quil nen sortit que par le secours de Dieu, qui le délivra; de même nul coeur humain ne renonce au monde que par le secours de la divine miséricorde. Car ce qui arriva une fois en figure, arrive en cette dernière heure 2, comme la dit saint Jean, en chacun de ceux qui croient, et que lEglise enfante chaque jour. Ecoutez en effet ce que nous apprend, au sujet de ce mystère, le docteur des nations: « Je ne veux pas vous laisser ignorer, mes frères, que nos pères ont tous été sous la nuée, quils ont tous passé la mer Rouge et quils ont tous été baptisés sous la conduite de Moïse, dans la nuée et dans la mer; quils ont tous mangé la même viande mystérieuse, et quils ont tous bu le même breuvage mystérieux; car ils buvaient de la pierre mystérieuse qui les suivait ; et cette pierre était le Christ. Mais la plupart dentre eux ne furent point agréables au Seigneur, et ils périrent au désert. Or, toutes ces choses étaient des figures qui nous concernent 3 ». Que voulez-vous de plus, mes frères bien-aimés ? Ce nest point là un enseignement basé sur lopinion humaine, mais bien sur le témoignage de lApôtre, cest-à-dire sur le témoignage de Dieu même; car cest Dieu qui parlait dans les Apôtres, lui qui faisait retentir son tonnerre par ces nuées, bien quelles fussent de chair. Telle est donc la grande autorité qui nous assure que toutes ces choses figuratives du passé saccomplissent maintenant dans laffaire de notre salut; elles étaient donc prédites avant dêtre accomplies, et aujourdhui, lire le passé, cest connaître le présent. 4. Ecoutez quelque chose de plus admirable encore, des mystères cachés sous un voile dans les livres anciens, et en partie révélés par ces mêmes livres. Le prophète Michée parle ainsi : « Je vous montrerai les merveilles comme au jour de votre sortie dEgypte. Les nations verront et seront confondues de sa force ; elles mettront leurs mains sur leurs bouches, et leurs oreilles
1. II Cor. VI, 14. 2. I Jean, II, 18. 3. I Cor. X, 1-8.
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seront assourdies; elles lécheront la poussière comme les serpents qui rampent sur la terre; elles seront troublées dans leurs demeures, et dans la stupeur en présence du Seigneur Dieu, et vous les jetterez, Seigneur, dans lépouvante. Qui est semblable à ton Dieu, pour ôter liniquité, et oublier les péchés du reste de ton héritage? Il na point répandu sa colère comme un témoignage, parce quil fait ses délices de la miséricorde ; mais il reviendra et aura pitié de nous, il déposera nos iniquités, il précipitera toutes vos fautes au fond de labîme 1 ». Vous le voyez, mes frères, Dieu nous révèle ici les mystères les plus saints. Dans ce psaume, dès lors, bien que lEsprit-Saint nous découvre les merveilles de lavenir, il semble néanmoins nous entretenir du passé. « Le peuple Juif», dit-il, « fut son peuple saint: la mer le vit et senfuit». Fut, vit, et senfuit, sont les expressions du passé. Le Jourdain rebroussa, les montagnes bondirent , la terre fut ébranlée, tout cela est au passé, et néanmoins nous devons lentendre de lavenir. Autrement, nonobstant la vérité de lEvangile, il nous faudrait aussi voir un fait accompli, et non une prophétie de lavenir, dans cette parole: « Ils ont partagé mes vêtements, et tiré ma robe au sort 2 ». Bien que ces paroles soient au passé, elles étaient néanmoins une prophétie de ce qui devait arriver si longtemps après, à la passion du Sauveur. Et toutefois, mes frères bien-aimés, le Prophète, que je viens de citer, a voulu ouvrir les yeux les moins clairvoyants pour les faire passer instantanément des choses passées à lintelligence des choses futures, afin non-seulement de nous faire croire, sur lautorité des Apôtres, que nous étions figurés dans ces actes, mais de nous le montrer par les Prophètes eux-mêmes, en sorte que, après le témoignage de leurs écrits, la vérité que nous découvrons avec certitude nous remplisse de sécurité et de joie, en tirant ainsi du trésor des saintes Ecritures des choses nouvelles et anciennes, qui ont un si parfait accord. Bien que le Prophète que je viens de citer nait ainsi parlé que fort longtemps après la sortie de lEgypte, et fort longtemps aussi avant les jours de lEglise, il assure néanmoins, à nen pas douter, quil prédit lavenir. « Je ferai des prodiges », nous dit-il,
1. Mich. VII, 15 -19. 2. Ps. XXI, 19.
« comme à leur sortie de lEgypte. Les nations le verront et seront confondues ». Cest-à-dire, comme la précisé le psaume: « La mer le vit, et senfuit ». Or, si ces expressions « vit » et « senfuit », qui marquent le temps passé, en figurent un autre qui est à venir, devant ces autres expressions: « Ils verront et seront confondus », qui sont bien au futur, quel homme pourrait penser au passé? Un peu après le même Prophète nous montre, avec la clarté du jour, que ces ennemis, qui nous poursuivaient pour nous donner la mort, sont bien nos péchés, que le baptême efface et submerge comme la mer engloutit les Egyptiens : « Dieu », nous dit-il, « se plaît à faire miséricorde ; il reviendra, et nous prendra en pitié ; il submergera nos iniquités, et précipitera nos péchés dans la mer ». 5. Quest-ce à dire, mes chers frères? vous, qui vous reconnaissez pour les véritables enfants dAbraham, qui êtes la maison de Jacob, les héritiers de la promesse, comprenez que vous êtes sortis de lEgypte, puisque vous avez renoncé au monde, que vous êtes séparés du milieu dun peuple barbare, eu abjurant par un humble aveu, les blasphèmes des nations. Ce nest point en effet votre langue, mais la langue barbare, qui ne sait point louer ce Dieu à qui vous chantez lAlleluia; cest en vous que la nation juive a été consacrée à Dieu : « Car le juif nest point celui qui lest au dehors, et la circoncision nest pas celle qui se faisait sur la chair ; mais le juif est celui qui lest intérieurement, et la circoncision se fait dans le coeur 1 ». Interrogez donc vos coeurs; voyez si la foi les a circoncis, et si la confession les a purifiés, alors cest en vous que le peuple Juif est consacré à Dieu, en vous que réside son pouvoir sur Israël. Car il vous a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu 2. 6. Que chacun de vous se souvienne maintenant du moment où il a résolu dappliquer son coeur à Dieu, de shumilier sous son joug qui est si doux, dabjurer toutes les convoitises du vieil homme et de lignorance, de soumettre à Dieu son esprit, en renonçant avec mépris à ce quil y a de charnel en ce monde (ce qui était pour lui un labeur sans fruit, comme sil eût fabriqué sous le joug du démon, des briques en Egypte), alors que la voix de Dieu lui disait: « Venez à moi, vous
1. Rom. II, 28, 29. 2. Jean, I, 12.
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tous qui souffrez, et qui êtes chargés, et je vous soulagerai 1 » ; et en vous chargeant du fardeau du Christ, que chacun de vous se souvienne comment tous les obstacles du monde saplanirent; les voix, qui eussent voulu le dissuader, nosèrent se faire entendre, ou rentrèrent dans le silence, en considérant le nom du Christ honoré et chanté dans toute la terre. Donc, « la mer a vu et a pris la fuite », afin de touvrir un passage sans obstacle à la liberté de lesprit. 7. Pour savoir comment rebroussa le Jourdain,je ne veux point que vous cherchiez hors de vous-mêmes, ou que vous soupçonniez quelque chose de mauvais. Le Seigneur reproche à quelques-uns de lui tourner le dos et non la face 2. Or, quiconque abandonne son principe, et se détourne de son Créateur, tombe dans les eaux amères de ce monde, comme le fleuve dans la mer. Il est donc bon pour lui quil remonte vers sa source; quil se trouve face à face avec ce Dieu, auquel il avait tourné le dos; quil laisse bien derrière lui cette mer de ce monde, quil avait placée devant lui, et où il précipitait sa chute; quil oublie ainsi tout ce qui est derrière lui pour savancer vers ce qui est devant lui 3: tel est le bien pour tout homme déjà converti. Oublier ce qui est derrière lui, avant dêtre converti, ce serait oublier Dieu, puisquil la mis derrière et lui a tourné le dos; et savancer vers ce qui est devant lui, ce serait savancer vers le siècle, car cest au siècle quil a tourné la face pour sy précipiter avidement. Le Jourdain est donc la figure de ceux qui ont reçu la grâce du baptême ; et le Jourdain remonte vers sa source, quand ces hommes se tournent vers Dieu, afin de ne plus lavoir derrière eux, mais de contempler la gloire du Seigneur à visage découvert, et dêtre transformés en sa ressemblance de clarté en clarté 4. 8. « Les montagnes bondirent comme des béliers » ; cest-à-dire les saints Apôtres, fidèles dispensateurs de la parole de vérité, les saints prédicateurs de lEvangile. « Et les collines comme des agneaux 5 » cest-à-dire les néophytes à qui lApôtre a dit: « Je vous ai engendrés par lEvangile à Jésus-Christ » ; et encore: « Ce nest point pour donner de la confusion que je vous écris,
1. Matth. XI, 28. 2. Jérém. II, 27. 3. Philipp. III, 13. 4. II Cor. III, 18. 5. Ps. CXIII, 4.
mais pour vous avertir, comme des enfants bien-aimés 1 » ; et encore : « Offrez au Seigneur les petits des béliers 2 ». Jetez les yeux sur la terre, vous qui savez admirer ces merveilles, qui en ressentez de lallégresse et chantez des cantiques dactions de grâces au Seigneur votre Dieu : jetez les yeux, et voyez comment saccomplissent, parmi les nations, ces prophéties et ces actions figuratives, qui ont devancé de tant de siècles. 9. Voyez et chantez avec le Prophète : « Pourquoi tenfuir, ô mer; et toi, Jourdain, pourquoi rebrousser en arrière ; montagnes, pourquoi bondir comme des béliers; et vous, collines, comme des agneaux 3 ? » Doù vient, ô monde, que tes obstacles sont impuissants? et vous, fidèles, répandus par myriades sur la terre entière, comment avez-vous renoncé au monde, pour vous tourner vers Dieu ? Doù vous viennent ces transports de joie, vous à qui lon dira : « Courage, bon serviteur, parce que tu as été fidèle en peu de choses, je tétablirai sur beaucoup 4? » Doù vous vient votre joie, vous à qui lon dira au dernier jour : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès lorigine du monde 5 ». 10. Tout vous répondra, et vous vous répondrez à vous-mêmes: «La terre sest ébranlée devant la face du Dieu de Jacob 6 ». Quest-ce à dire : « Devant la face du Seigneur », sinon en présence de Celui qui a dit : « Voici que je suis avec vous jusquà la consommation des siècles 7? » Car la terre sest. ébranlée, en effet, elle qui était demeurée dans une langueur coupable, sest ébranlée pour être solidement affermie devant la face du Seigneur. 11. « Cest lui qui a changé la pierre en un torrent, et les rochers en une source deau 8 ». Lui-même sest changé en eau, et ce qui en lui était en quelque sorte solide, sest liquéfié, afin darroser ses fidèles, et dêtre en eux une source deau vive, jaillissant jusquà la vie éternelle 9, parce quil se montra, surtout dabord, à ceux qui ne le connaissaient point. De là ce trouble de quelques-uns qui nattendirent point que le Christ leur ouvrit les saintes eaux de lEcriture qui les eussent
1. I Cor. IV, 14, 15. 2. Ps. XXVIII, 1. 3. Id. CXIII, 5, 8. 4. Matth. XXV, 21. 5. Id. 34. 6. Ps. CXXII, 7. 7. Matth. XXVII, 20. 8. Ps. CXIII, 8. 9. Jean, IV, 14.
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inondés, et qui sécrièrent : « Ce discours est dur, et qui peut lentendre 1?» Telle est la pierre, telle est la dureté convertie en étang deau, et ce rocher devint une source deau vive, quand,après sa résurrection, il leur montra par tous les Prophètes, à commencer par Moise, que le Christ devait souffrir de la sorte 2, et quil leur envoya lEsprit-Saint, dont il est dit: « Que celui qui a soif vienne à moi, et quil boive 3 ». 12. « Ce nest point à nous, Seigneur, ce nest point à nous, mais à votre nom quil faut donner la gloire 4». Cette grâce, ou cette eau vive, qui séchappe de la pierre (et la pierre était le Christ 5), na pas été donnée en vertu des mérites qui lauraient précédée; nais celui qui justifie limpie 6 la donnée par un acte de miséricorde. Car cest pour les impies que le Christ est mort 7, afin que les hommes ne cherchassent point leur gloire, mais celle de Dieu. 13. « A cause de votre miséricorde et de votre vérité », ajoute le Prophète. Voyez combien souvent sont unies dans lEcriture, ces deux vertus, la miséricorde et la vérité. Cest dans sa miséricorde que Dieu appelle à lui les impies, et cest dans sa vérité quil juge ceux qui ont refusé de venir. « Afin que les nations ne disent jamais : Où est leur Dieu 8 ? » Au dernier jour apparaîtront sa miséricorde et sa vérité, quand le signe du Fils de lhomme se montrera dans le ciel, et alors toutes les tribus de la terre seront dans les larmes, et ne diront point: « Où est leur Dieu? » car alors on ne leur prêchera plus
1. Jean, VI, 61. 2. Luc, XXIV, 26, 27. 3. Jean, VII, 37. 4. Ps. CXIII, 1. 5. I Cor. X, 4. 6. Rom, IV, 5. 7. Id. V, 6. 8. Ps. CXIII, 2.
la foi en lui, mais elles le verront dans sa majesté. 14. « Notre Dieu est au plus haut des cieux ». Non point dans ces mêmes cieux où les nations voient le soleil, la lune, ces oeuvres de Dieu, qui sont leurs divinités; mais notre Dieu est par-dessus les cieux, cest-à-dire au-dessus de tous les corps, et célestes et terrestres. Il nhabite point le ciel, de manière à craindre que le ciel se retire, et quil se trouve ainsi sans aucun siège. « Cest lui qui a fait tout ce quil lui a plu dans les cieux et sur la terre 1». Il na aucun besoin des ouvrages quil a créés, comme pour sen faire un siége ou une demeure. Mais il subsiste dans son éternité, il y demeure pour faire ce quil lui plaît dans le ciel et sur la terre, Les cieux en effet ne le portaient point afin dêtre faits par lui, puisque sils nétaient déjà faits, ils ne pourraient le porter. Cest donc lui qui maintient comme ayant besoin de lui ces créatures dans lesquelles il est présent, et non lui qui a besoin dêtre contenu en elles. Ces paroles: « Il a fait ce quil lui a plu dans le ciel et sur la terre », peuvent encore sentendre en ce sens que volontairement il répand sa grâce sur ceux de son peuple qui sont élevés, et sur ceux qui sont dans les basses conditions, afin que nul ne se glorifie du mérite de ses oeuvres. Que les montagnes en effet bondissent comme des béliers, que les collines tressaillent comme des agneaux, la terre sest ébranlée devant la face du Seigneur, afin que nul ne demeure éternellement dans les souillures dici-bas.
1. Ps. CXXIX, 3.
SECOND DISCOURS SUR LE PSAUME CXIII.SECOND SERMON. SECONDE PARTIE DU PSAUME.
Ces grâces du Seigneur par lesquelles finit le psaume précédent, nous viennent de la miséricorde et de la vérité que les nations verront au dernier jour, alors que Dieu fera éclater la gloire de son noix, et quelles ne diront plus: Oh est leur Dieu? Quant aux dieux des nations, ce sont des simulacres fabriqués par les hommes et inférieurs même aux bêtes, puisque du moins celles-ci ont un cri, inférieurs au cadavre, qui du moins a vécu. LEcriture en réprouvant fréquemment les idoles, combat le penchant des hommes à se laisser séduire par la forme attrayante, et à lui attribuer quelque puissance. Mais si quelque puissance habite lidole, cest une puissance démoniaque; et si lon prétend adorer les mêmes éléments dans ces mêmes idoles, cest mettre la créature à la place du Créateur; souvent encore la statue nous fait illusion au point que pour adorer la statue du soleil nous tournons souvent le dos au soleil. Pour nous, si nous avons des vases sacrés, ce sont des instruments et non les objets dun culte. Quant à la maison dIsraël, et à la maison dAaron , ou des saints grands et petits; ils ont mis leur espérance dans le Créateur du ciel et de ta terre, qui a béni les uns et les autres, et à leur tour ils le béniront dans léternité.
1. Pour tout homme, qui examine avec attention, il y a dans tous les psaumes une liaison telle que le suivant pourrait toujours se joindre au précédent; ici, néanmoins, nous devons envisager celui-ci comme nen formant quun seul avec le précédent. Cest en effet dans ce précédent que le Prophète a dit: « Ce nest point sur nous, Seigneur, ce nest point sur nous, mais bien sur votre nom quil faut faire éclater votre gloire, à cause de votre miséricorde et de votre vérité afin que les nations ne disent plus : Où est leur Dieu 1? » Car nous adorons un Dieu invisible, que ne peut voir loeil du corps, et que naperçoit que le petit nombre dont le coeur est très-pur. Or, comme si les nations pouvaient dès lors nous dire: Où donc est leur Dieu? car elles peuvent mettre sous nos yeux leurs divinités : voilà que le Prophète nous avertit que la présence de Dieu se fait sentir par ses oeuvres, « puisquil est au-dessus des cieux, et quil fait ce quil lui plaît dans le ciel et sur la terre ». Et comme sil nous disait: Que les Gentils nous montrent leurs dieux, « Les idoles des nations », sécrie le Prophète, « sont de lor et de largent, oeuvres de la main des hommes 2 ». Cest-à-dire, quoique nous ne puissions mettre sous vos yeux charnels ce Dieu que nous adorons, et que vous devez comprendre par ses oeuvres, ne vous laissez pas néanmoins séduire par la vanité des idoles, sous le prétexte que vous pouvez montrer du doigt ce que vous adorez.
1. Ps. CXIII, 1, 2. 2. Id. 4.
Il serait plus honorable pour vous de navoir aucune divinité à montrer, que de montrer par ces idoles, que vous étalez à nos yeux, jusquoù va laveuglement de votre coeur. Que nous montrez-vous en effet, sinon de lor et de largent? Ils en ont même dairain, de bois, de terre cuite, et de telle ou telle autre matière. Mais lEsprit-Saint a préféré mentionner ce quils ont de plus précieux, parce que lhomme, qui aura rougi dadorer ce quil y a de précieux, renoncera dautant plus facilement au culte de ce quil y a de plus vil. On lit en effet dans un autre endroit des saintes Ecritures, à propos des idolâtres: « Ils disent au bois: Tu es mon père, et à la pierre : Tu mas engendré 1 ». Mais que celui qui se croit plus sage, parce quil a tenu ce langage à lor et à largent, non plus au bois et à la pierre, jette ici les yeux et y apporte loreille de son coeur : « Les simulacres des nations sont de lor et de largent». Le Prophète ne désigne ici rien de vil et de méprisable; et pour lhomme, dont le coeur nest point encore devenu terre, lor et largent ne sont quune terre, mais plus belle, plus brillante, plus ferme, plus solide. Ne va donc point chercher la main des hommes pour faire une fausse divinité avec le métal qua créé le vrai Dieu, ou même pour faire un faux homme, que tu vas adorer à la place du vrai Dieu, un homme que personne, sans folie, ne voudrait pour ami. Cette ressemblance quon lui a formée, cette harmonie que lon
1. Jérém. XI, 27.
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a gardée dans les membres, lui donne un certain attrait pour le coeur des hommes grossiers. Mais, de ces membres dont la beauté est si ravissante pour toi, ô vanité de lhomme, viens nous montrer les mouvements, comme tu nous en montres les proportions. 2. « Elles ont une bouche et ne parlent point; elles ont des yeux et ne voient point; elles ont des oreilles et nentendent point; elles ont des narines et ne flairent point; elles ont des mains et ne touchent point; elles ont des pieds et ne marchent point; et leur gosier ne rend aucun son 1». Il leur est donc bien supérieur, cet ouvrier qui a pu les fabriquer par le mouvement et ladresse de ses mains : et pourtant tu rougirais dadorer cet ouvrier. Toi-même, qui ne les as point faites, tu es bien supérieur, puisque tu fais ce quelles ne font point. La bête même leur est supérieure, et cest pourquoi le Psalmiste ajoute: « Leur gosier ne rend aucun son ». Car après avoir dit tout à lheure : « Elles ont une bouche et ne parlent point », à quoi bon, après avoir fait lénumération des pieds à la tête, nous parler du cri du gosier, sinon, je crois, parce que nous comprenons que tout ce quil avait dit des autres nombres, était commun aux bêtes et aux hommes? Car les bêtes voient, entendent, sentent, marchent, et même quelques-unes, comme les singes, se servent dès mains. Ce que le Prophète avait dit à propos de la bouche, est particulier à lhomme, puisque les bêtes ne parlent point. Mais afin quon ne puisse rapporter tout ce qui est dit, à loeuvre des membres humains , ni préférer seulement les hommes aux dieux des nations, il ajoute après tout cela: « Leur gosier ne rend aucun son »; ce qui est commun aux hommes et aux bêtes. Si, tout dabord, quand il a énuméré les membres humains, à commencer par la bouche, il eût dit : « Elles ont une bouche, et ne crieront point », tout cela pourrait encore se rapporter à la nature humaine, et lauditeur ny trouverait pas aussi facilement quelque chose qui tînt de la bête. Mais quand, à propos de la bouche, il a dit ce qui est propre à lhomme, et quaprès lénumération des différents membres du corps, quil semblait terminer aux pieds, le Prophète ajoute: « Leur gosier ne donne aucun cri », il stimule ainsi lattention de lauditeur ou du lecteur,
1. Ps. CXIII, 5-7.
afin quen cherchant là-propos de cette parole, il comprenne que, non-seulement les hommes, mais aussi les bêtes, sont préférables aux dieux des nations; et que sil répugne à ces nations dadorer une bête, à qui néanmoins Dieu a donné loeil, louïe, lodorat, le toucher, la marche, et le cri du gosier, on comprenne combien il est honteux dadorer un simulacre muet, qui na ni vie, ni sentiment, et dont les membres, semblables aux nôtres, sont une amorce pour lâme adonnée aux sens charnels, et qui séprend dune idole comme si elle était vivante et animée, dès quelle voit en elle ces membres , quelle trouve animés et vivants dans le corps quelle habite. Combien les rats, les serpents, et autres animaux semblables, jugent-ils mieux, en quelque sorte, les idoles des nations, si losa peut sexprimer ainsi, puisque, ne trouvant point en elles la vie humaine, ils se mettent peu en peine de leur ressemblance avec lhomme? Aussi lon voit souvent quils y font leur nid, et sans le bruit des hommes qui vient les effrayer, ils nauraient point dasile plus sûr. Cest donc lhomme qui se remue, pour effrayer une bête vivante et léloigner de son Dieu; et il adore comme une puissance ce Dieu sans mouvement, dont il a éloigné lanimal qui lui était supérieur! Car il a éloigné une bête qui voyait, dun Dieu qui ne voyait pas; une bête qui entendait, dun Dieu qui était sourd; une bête qui criait, dun Dieu muet; une bête qui marchait, dun Dieu un mobile; une bête qui sentait, dun Dieu insensible; une bête vivante, dun Dieu mort, et même pire que sil était mort. Car, sil est évident quun mort ne vit plus, il est aussi évident quil a vécu. Un mort est donc bien préférable à un dieu qui na aucune vie, qui na jamais vécu. 3. Quy a-t-il de plus évident que tout cela, mes frères bien-aimés? quoi de plus évident? Quel enfant, si on linterroge, qui ne réponde que e les idoles des nations ont des yeux et « ne voient point, une bouche et ne parlent point », et tout le reste quajoute le Psalmiste? Pourquoi donc ce soin que prend lEsprit-Saint de nous enseigner tout cela en plusieurs endroits de lEcriture, comme si nous ne le savions point; sinon parce que cette figure extérieure des membres que nous sommes accoutumés de voir vivante chez les êtres animés, et de sentir vivante en nous, (630) quoique faite, comme ils lavouent, pour servir didole, et posée à ce sujet avec éclat dans un lieu élevé, ne laisse pas, lorsque nous la voyons adorée avec un profond respect par la foule, de faire naître en chacun de nous une affection vile et erronée, qui nous fait croire quil y a là une puissance cachée, puisque lon ne voit dans cette idole aucun signe de vie? Alors la forme séduisante, limpression produite par lautorité de quelques faux sages qui les ont établies, des foutes qui les ont adorées, nous fait croire quune statue qui ressemble si bien au corps vivant, nest point sans un être vivant qui lhabite. Cest ce penchant des hommes qui porte les démons à semparer des idoles des Gentils, et sous leur influence lerreur se multiplie à linfini avec ses poisons mortels. Cest contre ces erreurs que les saintes lettres nous prémunissent en tant dendroits, de peur quen face de ce culte dérisoire, quelquun ne vienne dire : Ce nest point lidole visible que jadore, mais la puissance invisible qui lhabite. LEcriture, dans un autre endroit, condamne ainsi ces mêmes puissances : « Les dieux des nations sont des démons, mais le Seigneur a créé les cieux 1». Et lApôtre nous dit aussi : « Non que lidole soit quelque chose, mais comme les sacrifices des nations soffrent aux démons et non à Dieu, je ne veux point que vous ayez part avec les démons 2 ». 4. Dautres croient avoir un culte pins pur, parce quils disent : Ce nest ni la statue, ni le démon que jadore, mais je vois dans cette forme corporelle le signe de lobjet que je dois adorer. Ils assignent donc une signification à chacune de leurs statues, en sorte que lune est le symbole de la terre, de là le nom de temple de la terre, templum telluris; lautre de la mer, comme la statue de Neptune; celle-ci de lair, comme celle de Junon; celle-là du feu, comme celle de Vulcain; une autre de Lucifer, comme celle de Vénus; une autre du soleil, une autre de la lune, dont les statues portent les mêmes noms, comme celle de la terre; une autre de tel ou tel astre, telle ou telle créature, car nous ne pouvons tout énumérer. Mais pressez-les de nouveau, et reprochez leur dadorer des corps, et principalement la terre, la mer, lair, le feu, dont lusage nous est ordinaire (car en ce qui regarde les corps célestes, comme ils sont hors de notre portée,
1. Ps. XCV, 5. 2. I Cor. X,19, 20.
et que nous ne pouvons les atteindre que par le rayon visuel, ils nen rougissent pas tant), ils oseront bien vous répondre quils nadorent point des corps, mais bien les divinités qui y président. Un seul arrêt de lApôtre nous montre quelle sera la peine et la condamnation de tous ces hommes : « Ils ont changé », dit-il, « la vérité de Dieu en mensonge, ils ont honoré et servi la créature plutôt que le Créateur, qui est béni dans les siècles 1». Dans la première partie de cet arrêt, en effet, lApôtre condamne les idoles, et dans la seconde le sens quon leur attribue. Donner à des ouvrages qua travaillés louvrier, les noms des choses que Dieu a faites, cest changer en mensonge la vérité de Dieu; mais regarder ces choses comme divines et les adorer, cest servir la créature plutôt que le Créateur qui est béni dans les siècles. 5. Mais où est lhomme qui adore ou qui invoque une idole, et qui nest point disposé à croire quil en est écouté, à espérer que cette idole lui accordera ce quil désire? Des hommes donc, engagés dans ces sortes de superstitions, tournent souvent le dos au soleil pour prier devant une statue quils appellent soleil; et quand ils entendent derrière eux le mugissement de lamer, ils simaginent que la statue de Neptune, quils prennent pour la mer, entend leurs sanglots. Tel est leffet produit, ou plutôt extorqué en quelque sorte par cette conformation des membres. Lesprit qui vit dans les sens du corps est plus porté à croire quil y a du sentiment dans un corps semblable au corps quil habite, que dans le soleil dont la forme est ronde, et que dans létendue des eaux, et dans ce qui nest pas circonscrit dans ces lignes quil a coutume de voir chez les êtres vivants. Cest pour détruire ce penchant, auquel tout homme charnel se laisse prendre si facilement, que la sainte Ecriture nous dit dans ses cantiques des choses très-connues, afin de nous les rappeler et de stimuler nos esprits qui sendorment si facilement dans la routine des corps visibles. « Les idoles des nations », dit-elle, « sont de largent et de lor ». Mais cest Dieu qui a créé largent et lor. « Ce sont là des oeuvres faites de mains dhommes ». Car ils adorent ce quils ont fait eux-mêmes avec de lor et de largent. 6. Il est vrai que nous-mêmes, nous avons
1. Rom. I, 25.
631
des instruments, des vases du même métal qui nous servent à la célébration de nos mystères, et que lon appelle sacrés, parce quils sont employés en lhonneur de celui que nous servons dans lintérêt de notre salut. Or, ces instruments, ces vases, que sent-ils autre chose que loeuvre de la main des hommes? Et toutefois ont-ils une bouche pour ne point parler? Ont-ils des yeux pour ne point voir? Leur adressons-nous des prières parce quils nous servent à prier Dieu? La principale cause de cette impiété folle et sacrilège, vient de ce que la forme dun corps, qui est semblable à un homme vivant, et qui attire les idolâtres à lui adresser des prières, a plus deffet sur lesprit de ces malheureux, que lassurance que cette idole est sans vie, et nest digue que du mépris des hommes. Ces idoles, parce quelles ont mine bouche, quelles ont des yeux, quelles ont des oreilles, min nez, des mains et des pieds, ont plus de force pour courber une âme vers la terre, que pour la redresser, par cela même quelles ne parlent point, quelles ne voient point, quelles nentendent point, ne sentent point, ne touchent point, ne marchent point. 7. Il faut dès lors que saccomplisse la sentence quajoute le Psalmiste ; cest-à-dire, « Que ceux qui les font leur deviennent semblables, et tous ceux qui se confient en elles 1». Avec leurs yeux ouverts et impressionnés, que ces malheureux voient; et que le coeur fermé et insensible ils adorent des idoles qui ne voient point et qui ne vivent point. 8. « Cest dans le Seigneur qua espéré la maison dIsraël 2 ». Or, lespérance qui voit nest plus une espérance. Comment, en effet, espérer ce que lon voit? Si donc nous espérons ce que nous ne voyons point, nous lattendons par la patience 3 ». Mais afin que notre patience dure jusquà la fin, « le Seigneur est leur protecteur et leur appui ».Les hommes spirituels, toutefois, ceux qui instruisent les hommes charnels avec un esprit de douceur, qui prient comme des supérieurs pour des inférieurs, ne voient-ils pas déjà, et nont-ils pas en réalité ce que les inférieurs nont quen espérance ? Nullement; car « la maison dAaron, elle aussi, a espéré dans le Seigneur 4 ». Donc, pour avancer avec persévérance vers ce qui est devant
1. Ps. CXIII, 8. 2. Id. 9. 3. Rom. VIII, 24, 25 4. Ps. CXIII, 10.
eux, pour courir jusquà ce quils aient atteint celui qui les appelle 1, et pour le connaître comme ils en sont connus 2, il faut que « Dieu soit leur aide et leur protecteur ». Les uns et les autres « craignent le Seigneur, e espèrent dans le Seigneur, et il est pour eux un aide et un appui 3». 9. Ce nest point nous en effet, qui, par nos mérites, avons prévenu la divine miséricorde, mais bien « le Seigneur qui sest souvenu de nous et nous a bénis : il a béni la maison dIsraël, il a béni la maison dAaron ». Et en bénissant les uns et les autres, « il a béni tous ceux qui craignent le Seigneur 4 ». Quels sont, me diras-tu, ces uns et ces autres? Le Psalmiste répond : « Les petits et les grands» ; cest-à-dire la maison dIsraël et la maison dAaron, ceux-là mêmes qui, dans cette nation, crurent au Sauveur Jésus : « puisque tous ne furent pas agréables au Seigneur 5. Mais si quelques-uns nont pas cru en lui, leur infidélité anéantira-t-elle donc la fidélité de Dieu? Loin de là 6 ; car tous ceux qui sont dIsraël ne sont point pour cela israélites; non plus que tous ceux qui sont de la race dAbraham, ne sont fils dAbraham » ; mais selon quil est écrit : « les restes seront sauvés ». Car cest au nom de ceux du peuple qui ont cru quil est dit: «Si le Seigneur des armées navait réservé quelquun de notre race, nous serions devenus semblables à Sodome et à Gomorrhe 7 ». Ce reste est donc appelé semence, parce quil a été répandu et sest multiplié dans toute la terre. 10. Or, dans la maison dAaron, les grands ont dit: « Que le Seigneur vous multiplie, quil ajoute à vous et à vos enfants 8». Cest ce qui est arrivé. Voilà que des enfants dAbraham, suscités dentre les pierres 9, sont venus se joindre à eux; voilà que sont venues aussi des brebis qui nétaient point de ce bercail, en sorte quil ny a plus quun seul troupeau et quun seul pasteur 10: voilà que pour venir à eux les nations ont embrassé la foi, et que sest accru le nombre , non-seulement de sages évêques, mais aussi de peuples soumis; le Seigneur multipliant ainsi non-seulement les pères qui doivent aller à lui dans le Christ, et y conduire ceux qui
1. Philipp. III, 12 -14. 2. I Cor. XXXI, 12. 3. Ps. CXIII, 11. 4. Id. 12, 13. 5. I Cor. X, 5. 6. Rom. III, 3. 7. Id. XX, 27, 29. 8. Ps. CXIII, 14. 9. Matth. III, 9. 10. Jean, X, 16.
632
voudront les imiter, mais encore les fils qui marcheront sur les traces des pères. Voici, en effet, comment leur parle Celui qui les a engendrés à Jésus-Christ par lEvangile: « Soyez mes imitateurs comme je le suis du Christ ». Dieu a donc multiplié, non-seulement les montagnes qui bondissent comme des béliers, mais aussi les collines qui bondissent comme des agneaux. 11. Cest donc à tous ceux-là, aux grands et aux petits, aux montagnes et aux collines, que le Prophète sadresse quand il dit: « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre 2 ». Comme sil disait: soyez les bénis du Seigneur qui a fait de vous les cieux et la terre, le ciel dans les grands, la terre dans les petits; mais non ce ciel visible, parsemé dastres lumineux que nous voyons. « Le ciel du ciel est au Seigneur », qui a élevé lesprit de quelques saints à de telles hauteurs que nul dentre les hommes, mais Dieu seul, peut les instruire. Or, en comparaison de ce ciel, tout ce que lon voit des yeux du corps ne mérite que le nom de terre, et « Dieu la donnée aux enfants des hommes 3 », afin quen la considérant, ils comprennent autant quils pourront le Créateur, quils ne peuvent découvrir encore que par le moyen de la créature, à cause de linfirmité de leur coeur. 12. Ces mêmes paroles : « Le ciel des cieux est au Seigneur, et il a donné la terre aux enfants des hommes », peuvent avoir un autre sens que je ne dois point vous dissimuler. Toutefois ne perdons point de vue ce que nous avons dit. Or, les grands et les petits, avons-nous dit, sont désignés dans ces paroles: « Soyez les bénis du Seigneur, qui a fait le
1. I Cor. IV, 15, 16. 2. Ps. CXIII, 15. 3. Id. 16.
ciel et la terre ». Si donc nous désignons les grands par les cieux, et les petits par la terre, comme les petits en grandissant deviendront des cieux, et quon les nourrit de lait dans cette espérance; ainsi ces mêmes grands, quand ils nourrissent les petits, sont le ciel pour la terre, de manière néanmoins à comprendre quils sont aussi les cieux des cieux quand ils méditent sur lespérance dont ils nourrissent les enfants. Et toutefois, parce que ces saints personnages ne puisent plus dans un homme ni au moyen dun homme, mais bien en Dieu, les eaux abondantes et pures de la sagesse, ils ont donné leurs soins à des enfants qui seront un jour des cieux, puisquils sont eux-mêmes les cieux des cieux, et qui sont maintenant la terre à qui ils peuvent dire: « Jai planté, Apollo a arrosé, cest Dieu qui a donné laccroissement 1 ». A ces enfants des hommes dont il a fait des cieux, il a donné la terre pour y travailler, ce même Dieu qui sait pourvoir à la terre au moyen du ciel. Que le ciel et la terre demeurent donc au Dieu qui les a faits; quils vivent de lui, en le confessant et en le bénissant; car sils veulent vivre deux-mêmes, ils trouveront la mort ainsi quil est dit : « Un mort, comme ce qui nest plus, ne confesse point le Seigneur 2 ». Mais « les morts ne vous loueront point, Seigneur », dit le Prophète, « non plus que ceux qui descendent dans lenfer ». Et dans un autre endroit lEcriture vous crie: « Une fois au fond de labîme du mal, le pécheur na plus que le dédain 3; mais nous qui avons la vie, nous bénissons le Seigneur dès maintenant et jusque dans les siècles ».
1. I Cor. III, 6. 2. Eccli. XVII, 26. 3. Prov. XVIII, 3.
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