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DISCOURS SUR LE PSAUME CXVII.SERMON AU PEUPLE.CONSTANCE DE LÉGLISE.
Cette confession dont le Prophète nous parle est une confession de louanges, dans le sens que lui a donné le Sauveur lui-même. Confessons donc le Seigneur parce quil est bon, cest-à-dire que la bonté est son premier attribut, et parce que sa miséricorde est éternelle. Que les grands et les petits, la maison dAaron, la maison dIsraël, que tous ceux qui craignent le Seigneur publient la bonté du Seigneur. Avec son secours nous navons à craindre ni les hommes ni le démon; notre confiance sera en Dieu seul. Les nations ont environné lEglise, et les Juifs assailli le Christ, et lun et lautre ont été délivrés. Comme les abeilles environnent la ruche pour y déposer le miel, ils ont mis dans le Sauveur la douceur du miel, ils se sont enflammés comme des épines, à sa passion, et en persécutant les martyrs que soutenait le Seigneur, et dont la confiance na pas été ébranlée. Cette Eglise quils voulaient perdre raconte les louanges du Seigneur, qui nous a guéris, qui est lui-même la santé, la pierre angulaire de lédifice, et le jour où il est devenu cette pierre est vraiment son jour. Bénissons alors celui qui nous a éclairés, établissons une fête éternelle et un éternel alleluia.
1. Nous avons entendu, mes frères, lEsprit-Saint qui nous avertit et nous presse doffrir à Dieu la confession comme un sacrifice. Or, il y a confession de louanges, et confession de nos péchés. Cette confession qui nous fait avouer nos péchés à Dieu, est connue de tout le monde; et même la multitude peu instruite ne reconnaît guère que cette confession dans les saintes Ecritures : et chaque fois que lon entend cette expression dans la bouche du lecteur, on entend aussi quon se frappe la poitrine. Mais il faut remarquer dans quel sens un autre psaume a dit : « Voilà que jentrerai dans le lieu dun admirable tabernacle; jusque dans la maison de Dieu, parmi les s cris de lallégresse et de la confession, dans les cantiques de nos joies solennelles 1». Il devient évident que le mot de confession, non plus que son expression, ne marque point ici les douleurs de la pénitence, mais bien les joies dune grande solennité. Si quelquun gardait quelque doute en présence dun témoignage si clair, que répondrait-il devant cet autre de lEcclésiastique « Faites les oeuvres du Seigneur, bénissez-le, donnez à son nom la magnificence, confessez-le par les paroles de vos lèvres, par le chant de vos cantiques, par le son de vos harpes, et vous direz dans cette confession : Que toutes les oeuvres du Seigneur sont excellentes 2? » Il nest point desprit si lourd qui ne puisse comprendre que la confession signifie ici la louange de
1. Ps. XLI, 5. 2. Eccli. XXXIX, 19-2!.
Dieu; à moins de pousser la perversité de lesprit, jusquà dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ confessait aussi à son Père ses propres péchés. Quun impie ose nous le dire, à cause du mot de confession, il nous sera facile de le réfuter par le contexte. Voici en effet ce que dit le Sauveur: « Je vous confesse, ô mon Père, Dieu du ciel et de la terre; parce que vous avez dérobé ces mystères aux sages et aux prudents, pour les révéler aux petits. Oui, mon Père; car il vous a plu ainsi 1». Qui ne prendra point cette expression pour une louange au Père? qui ne voit que cette confession nest point une douleur de lâme, mais plutôt une joie; puisque lEvangéliste a dit avant ces paroles : « A cette heure même, il fut transporté par lEsprit-Saint et dit: Je vous confesse, ô mon Père 2 ? » 2. Si donc, mes bien-aimés, en face de ces témoignages de lEcriture, où vous pouvez vous-mêmes en puiser de semblables, il est indubitable que, dans les saintes Lettres, le mot de confession na pas seulement le sens dun aveu des péchés, mais aussi dune louange en lhonneur de Dieu ; dans ce psaume qui commence par Alleluia, louez Dieu, quel sens plus naturel pouvons-nous donner à ces paroles : « Confessez le Seigneur », que celui dune louange? On ne saurait plus abréger la louange du Seigneur, quen nous disant: « Parce quil est bon 2 ». Je ne vois rien de plus grand que cette brièveté; car la bonté est
1. Luc, X, 21. 2. Ibid. 3. Ps. CXVII, 1.
tellement un attribut de Dieu, que le Fils de Dieu lui-même sentendant appeler : « Bon maître », par un homme qui ne voyait en lui que la chair, sans comprendre la plénitude de la divinité qui était en lui, et le croyait simplement un homme, lui répondit: « Pourquoi mappeler bon? Nul nest bon que Dieu seul 1». Quest-ce dire autre chose, sinon, si tu veux mappeler bon, comprends que je suis Dieu ? Toutefois, le Psalmiste sadresse à un peuple qui, pour nous figurer lavenir, fut délivré de ton L labeur, de la captivité, de lexil, et de tout mélange avec les impies, faveur quil obtint par la grâce de Dieu, qui non-seulement ne lui rendait pas le mal pour le mal, mais lui rendait au contraire le bien pour le mal ; dès lors cest avec raison que le Prophète ajoute : « Parce que sa miséricorde est éternelle ». 3. « Que la maison dIsraël publie quil est bon, que sa miséricorde est éternelle. Que la maison dAaron publie quil est bon, parce que sa miséricorde est éternelle. Que tous ceux qui craignent le Seigneur publient que sa miséricorde est éternelle 2 ». Vous reconnaissez, je crois, mes frères, quelle est la maison dIsraël, la maison dAaron; lune et lautre comprennent ceux qui craignent le Seigneur. Ce sont là ces petits et ces grands que, dans un autre psaume, nous vous avons fait remarquer; or, réjouissons-nous que la grâce de celui qui est bon, et dont la miséricorde est éternelle, nous a mis de leur nombre ; car ils ont été exaucés, ceux qui ont dit: « Que le Seigneur vous multiplie, vous et vos enfants 3 » ; afin dajouter les Gentils à ceux des Israélites qui ont cru en Jésus-Christ, et doù sont venus les Apôtres nos pères; ce qui met le comble à léminence des parfaits et à lobéissance des petits. Et dès lors formant lunité dans le Christ, devenus un seul troupeau sous un seul pasteur, et le corps de cette tête adorable, disons tous, comme un seul homme : « Dans ma tribulation jai invoqué le Seigneur, et il ma exaucé en dilatant mon coeur 4 ». Cette affliction qui nous met à létroit prend une fin, et cette béatitude où nous passons na point de bornes. « Qui donc oserait accuser les élus de Dieu 5 ? » 4. « Le Seigneur est avec moi, je ne craindrai point les efforts dun homme 6 ». Mais
1. Marc, X, 17, 18. 2. Ps. CXVII, 2-4. 3. Id. CXIII, 12-14. 4. Id. CXVII, 5. 5. Rom. VIII, 33. 6. Ps. CXVII, 6.
lEglise na-t-elle dennemis que parmi les hommes? Lhomme adonné à la chair et au sang est-il donc autre chose que chair et sang? Mais, dit lApôtre, « ce nest point contre la chair et le sang quil nous faut combattre; mais contre les puissances et les princes de ce monde, et de ce siècle ténébreux 1 » : cest-à-dire, ceux qui dirigent les méchants, les hommes épris du monde, et dès lors des ténèbres; car nous aussi nous fûmes ténèbres, et maintenant nous sommes lumière en notre Seigneur 2. « Contre les esprits de malice répandus dans les airs 3 », dit saint Paul, cest-à-dire contre le diable et ses anges ; et cest ce même diable quil appelle ailleurs le prince des puissances de lair 4. Ecoute maintenant ce qui suit ; « Le Seigneur est mon soutien, et je mépriserai mes ennemis 5». De quelque nature quil me vienne des ennemis, soit des hommes méchants, soit des esprits de malice, appuyé sur le Seigneur, je les mépriserai, et nous confessons notre Dieu en chantant lAlleluia en son honneur. 5. Mais quand jaurai bravé mes ennemis de la sorte, que nul homme ne fasse valoir auprès de moi sa bonté, son amitié, pour me forcer à mettre en lui mon espérance. « Car il est meilleur pour moi de me confier en Dieu quen aucun homme 6 ». Que nul de ces esprits que lon peut appeler de bons anges, ne simpose à moi comme si je lui devais ma confiance; car nul nest bon, si ce nest Dieu. Et quand un homme ou un ange paraissent nous venir en aide, quand ils le font par une vraie charité, cest Dieu qui le fait par eux, lui qui leur a donné une bonté proportionnée. « Donc il est meilleur pour nous despérer en Dieu, que despérer dans les princes 7 ». Les anges en effet sont appelés du nom de princes, ainsi que nous lisons en Daniel : « Michel votre prince 8». 6. « Toutes les nations mont environné, et au nom du Seigneur jen ai tiré vengeance; elles mont environné de toutes parts, et au nom du Seigneur jen ai tiré vengeance 9». Quand le Prophète nous dit que toutes les nations lont environné, et quil en a tiré vengeance, il nous montre les travaux et les victoires de lEglise. Mais comme si on lui demandait comment elle a pu surmonter de si
1. Ephés. VI, 12. 2. Id. V, 8. 3. Id. VI, 12. 4. Id. II, 2. 5. Ps. CXVII, 7. 6. Id. 8. 9. Id. 9. 10. Dan. XII, 1. 11. Ps. CXVII, 10.
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grands maux, elle jette les yeux sur le divin modèle, et tout dabord elle dit quelle a souffert dans son chef; puis elle ajoute: « Ils mont serrée de près ». Et cest avec raison que lon na point ici répété: « Toutes les nations». Car ce sont les Juifs qui ont agi de la sorte. « Et jen ai tiré vengeance au nom du Seigneur ». Car le peuple fidèle, ou le corps du Christ, a éprouvé des persécutions de la part des Juifs, au sein desquels a pris naissance cette chair auguste qui fut clouée à la croix, et pour lesquels a été fait tout ce quont opéré, en cette vie du temps, son pouvoir immortel et sa divinité cachée sous une chair visible. 7. « Ils mont environné, comme un essaim dabeilles environne la ruche, ils ont pris flamme, comme le feu dans les épines, et jen ai tiré vengeance, au nom du Seigneur 1». Cest par lordre des choses que lon peut découvrir ici lordre des paroles. Car nous savons que le Seigneur, chef de lEglise, tut environné par ses persécuteurs, comme la ruche est environnée par les abeilles, et le Saint-Esprit nous montre, par cette ingénieuse expression, ce que faisaient les Juifs sans le savoir. Cest le miel que les abeilles font dans les ruches. Et les persécuteurs du Christ nous lont rendu plus doux par sa passion même : afin que nous puissions goûter et voir combien le Seigneur est doux 2,lui qui est mort à cause de nos péchés, et ressuscité pour notre justification 3. Mais le Prophète nous dit ensuite : « Ils se sont enflammés « comme le feu dans les épines », ce quil est mieux dentendre du corps de Jésus-Christ, cest-à-dire de son peuple répandu dans toute la terre; toutes les nations lont environné, puisque cest des nations quil a été formé. « Elles ont pris flamme comme le feu dans les épines », quand elles soumirent au feu de la persécution cette chair pécheresse qui subit les tourments les plus atroces. « Et jen ai tiré vengeance au nom du Seigneur», dit le Prophète; soit que cette malice qui leur faisait persécuter les bons, venant à séteindre, ils soient entrés dans le peuple chrétien ; soit que ceux dentre eux qui ont méprisé en cette vie la voix miséricordieuse qui les appelait, doivent à la fin éprouver la justice qui les condamnera. 8. « On ma poussé comme un monceau de
6. Ps. CXVII, 12. 7. Id. XXXIII, 9. 8. Rom. IV, 25.
sable pour me faire :tomber, et le Seigneur ma soutenu 1». Quoique le nombre des fidèles fût grand, et que la multitude pût en être comparée au sable qui ne peut se nombrer, et fût réunie en un même corps comme en un monceau; néanmoins, quest-ce que lhomme, si vous, Seigneur, ne vous souveniez de lui 2? Il ne dit point: La foule des persécuteurs na pu lemporter sur la foule de mes fidèles; mais: « Le Seigneur ma soutenu ». Ces nations persécutrices navaient donc aucun moyen débranler et de renverser la multitude des fidèles qui habitaient dans lunité de la foi, quand ils crurent en celui qui les soutenait tous et chacun en particulier, et partout; car il neût pu faillir à ceux qui linvoquaient. 9. « Le Seigneur est ma force, il est ma gloire, il est devenu mon salut 3 ». Qui sont donc ceux qui tombent quand on les pousse, sinon ceux qui veulent être à eux-mêmes leur force, à eux-mêmes leur gloire? Nul ne succombe dans un combat, sinon celui dont la force a succombé comme la louange. Cest pourquoi celui dont le Seigneur est la force et la louange, ne peut succomber non plus que Dieu lui-même. Aussi le Seigneur est-il devenu leur soutien, non quil soit devenu ce quil nétait pas auparavant; mais parce que ces fidèles, en croyant en lui, sont devenus ce quils nétaient pas; et que le Christ est devenu non pour lui, mais pour eux, un Sauveur après leur conversion, ce quil nétait pas quand ils le fuyaient. 10. « Les voix de lallégresse et du salut sont dans la tente des justes 4 » : où ne supposaient que la voix des larmes et de la mort, ceux qui tourmentaient ainsi leur chair. Ils ne comprenaient pas les joies intérieures que les saints puisent dans lespérance de lavenir. De là cette parole de lApôtre: « Comme si nous étions tristes, nous qui sommes toujours dans la joie 5»; et encore: « Et même nous nous glorifions dans laffliction 6». 11. « La droite du Seigneur a signalé sa force ». De quelle force veut parler le Psalmiste? « La droite du Seigneur ma élevé 7 ». Cest une grande force que grandir lhumilité, déifier un mortel, que tirer la perfection de la faiblesse, la gloire de ce qui est abaissé, la victoire de la souffrance, et le
1. Ps. CXVII, 13. 2. Id. VIII, 5. 3. Id. 4. 4. Id. 15. 5. II Cor. VI, 10. 6. Rom. V, 3. 7. Ps. CXVII, 16.
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secours de laffliction; en sorte que le vrai salut soit la part des persécutés, tandis que les persécuteurs nauront que ce salut futile qui vient de lhomme. Tout cela est grand. Comment sen étonner? Ecoute ce que répète le Psalmiste. Ce nest point lhomme qui sest élevé, ni lhomme qui sest perfectionné, ni lhomme qui sest élevé en gloire, ni lhomme qui a vaincu, ni lhomme qui sest procuré le salut: « Cest la droite du Seigneur qui à signalé sa force ». 12. « Je ne mourrai point, mais je vivrai, pour raconter les oeuvres du Seigneur 1 ». Ces bourreaux accumulant les meurtres, croyaient lEglise du Christ exterminée; et voilà quelle raconte les oeuvres de Dieu, partout le Christ est la gloire des martyrs. Il a vaincu ceux qui le frappaient par la douleur, les furieux par la patience, les plus violents par la charité. 13. Toutefois, que le corps du Christ, la sainte Eglise, le peuple dadoption nous dise pourquoi il a enduré tant dindignes traitements. «Le Seigneur ma châtié sévèrement, mais il ne ma point livré à la mort 2 ». Que cette rage des impies nattribue rien à ses forces; elle naurait point cette puissance, si elle ne lui était venue den haut. Souvent un père de famille fait châtier son enfant par des serviteurs qui sont des scélérats; et néanmoins cest au premier quil destine son héritage, et des fers aux autres. Quel est cet héritage? de lor, de largent, des pierres précieuses, ou bien un fonds de terre, dagréables jardins? Vois par où lon y entre, et comprends ce quil est. 14. « Ouvrez-moi », dit-il, « les portes de la justice ». Voilà que nous en connaissons les portes. Quel est lintérieur? « En y entrant », dit le Prophète, « je confesserai le Seigneur 3 » ; cest là une confession de louanges, qui est admirable jusquà la maison de Dieu, dans les cris dallégresse et de la confession, dans les harmonies dune solennité 4. Telle est léternelle félicité des justes, qui constitue le bonheur de ceux qui habitent la maison du Seigneur, et qui le bénissent dans les siècles des siècles 5. 15. Mais vois comment on entre par les portes de la justice. « Ce sont les portes du Seigneur », dit le Prophète, « et cest par elles
1. Ps. CXVII, 17. 2. Id. 18. 3. Id.19. 4. Id. XLI, 5. 5. Id. LXXXLIII, 5
quentreront les justes 1 ». Du moins, que nul homme injuste ne puisse les franchir, pour entrer dans cette Jérusalem qui ne reçoit aucun incirconcis, et où lon dit: « Loin dici les chiens 2 ». Quil me suffise, dans mon pèlerinage lointain, «davoir habité sous les pavillons de César, et davoir gardé la paix avec ceux qui naimaient pas la paix 3 »; davoir supporté jusquà la fin le mélange avec les méchants: mais « voici les portes du Seigneur, cest par là quentreront les justes». 16. « Je vous confesserai, ô mon Dieu, parce que vous mavez exaucé et que vous êtes devenu mon sauveur 4 ». A chaque instant on vous montre que cest là une confession de louanges; non celle qui découvre ses plaies au médecin, mais celle qui lui rend grâce de la guérison quil lui doit. Et le médecin est aussi la santé. 17. Or, quel est ce médecin? Cest « la pierre quont repoussée ceux qui édifiaient ». Car cest lui qui « est devenu la pierre de langle 5, afin de former en lui ces deux peuples en un seul homme nouveau, détablir la paix entre eux, les réunissant en un même corps pour les réconcilier avec Dieu 6 ». Et ces deux peuples sont ceux de la circoncision et des Gentils. 18. «Cest le Seigneur qui lui adonné cette mission 7»; cest-à-dire que le Seigneur la établi pierre angulaire. Quoique le Seigneur nen soit arrivé là que par la souffrance, ce ne sont pas néanmoins ceux qui lont fait souffrir qui lui ont donné cette mission. Car ceux qui bâtissaient lédifice lont repoussé; mais, dans lédifice invisible quil élevait, le Seigneur a posé comme pierre angulaire celle que lon avait repoussée. « Et cest là une merveille pour nos yeux », cest-à-dire les yeux de lhomme intérieur, pour les yeux de ceux qui ont la foi, qui ont lespérance, qui ont la charité; non pour les yeux charnels de ceux qui lont rejeté parce quils ne voyaient en lui quun homme. 19. « Voici le jour que le Seigneur a fait 8». Notre interlocuteur se souvient donc davoir dit, dans les psaumes précédents: « Le Seigneur a incliné son oreille vers moi, et je linvoquerai en mes jours 9 » ; faisant allusion
1. Ps. CXVII, 20. 2. Apoc. XXII, 15. 3. Ps. CXIX, 5. 4. Id. CXVII, 21. 5. Id. 22. 6. Ephés. II, 15, 16. 7. Ps. CXVII, 23. 8. Id. 24. 9. Id. CXIV, 2.
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aux jours du vieil homme. Aussi dit-il maintenant: « Voici le jour que le Seigneur a fait 1», ou le jour dans lequel il ma sauvé. Tel est le jour dont il est dit: « Au temps favorable je tai exaucé, et au jour du salut je tai secouru 2 » : cest-à-dire au jour où le Christ a été fait tête de langle. « Réjouissons-nous dès lors, et tressaillons de joie ». 20. « O mon Dieu, sauvez-moi; ô mon Dieu, tracez-moi un chemin heureux vers la vérité 3 ». Puisque viennent les jours de salut, « sauvez-moi». Puisque, au retour dun long exil, nous nous séparons de ceux qui haïssaient la paix, avec lesquels nous étions en paix, et qui nous faisaient la guerre sans motif, quand nous leur parlions 4, « tracez pour notre retour un chemin heureux », parce que cest vous qui vous êtes fait notre voie. 21. « Bienheureux, en effet, celui qui vient au nom du Seigneur 5 ». Maudit soit dès lors celui qui vient en son propre nom, ainsi quil est dit dans lEvangile : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne mavez point reçu; quun autre vienne en mon nom, vous le recevrez ». « Nous vous avons béni de la maison du Seigneur». Je crois quaux petits sadressent ici les parfaits cest-à-dire ces grands qui touchent de lesprit, autant quon le peut en cette vie, le Verbe qui est Dieu et en Dieu. Et toutefois, ils abaissent leur discours au niveau de ces petits, afin de pouvoir leur dire ce que dit lApôtre : « Soit que nous soyons hors de nous-mêmes, cest pour Dieu; soit que nous soyons plus calmes, cest pour vous; puisque lamour de Jésus-Christ nous presse 6 ». Les parfaits bénissent donc les petits, de lintérieur de cette maison de Dieu où la louange en son honneur sélèvera dans les siècles des siècles; aussi voyez ce que de là ils annoncent aux hommes. 22. « Cest le Seigneur qui est Dieu, et sa lumière sest levée sur nous 7 ». Ce Seigneur qui est venu au nom du Seigneur, que les architectes ont repoussé, et qui est devenu la tête de langle 8, ce médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme 9 qui est Dieu, qui est égal à son Père, cest lui qui nous a éclairés, afin que nous comprenions ce que nous avons cru, et que nous vous le
1. Isa. XLIX, 8. 2. Ps. CXVII, 25. 3. Id. CXIX, 7. 4. Id. CXVII, 26. 5. Jean, V, 43. 6. II Cor. V, 13, 14, 7. Ps. CXVII, 27. 8. Matth. XXI, 9, 42. 9. I Tim. II, 5.
prêchions, à vous qui le croyiez déjà, mais sans le comprendre. Afin donc de le comprendre vous-mêmes, « Etablissez-vous un jour de fête avec un grand concours de peuple, jusques aux cornes de lautel»; cest-à-dire jusquà lintérieur de la maison de Dieu, de cette maison doù nous vous avons béni, et qui renferme ce quil y a de plus élevé dans lautel. « Etablissez-vous un jour de fête », non plus avec lenteur ni avec indifférence, mais avec un grand concours de peuple. Voilà ce que signifie cette voix de lallégresse qui solennise un jour de fête, et que font retentir ceux qui marchent dans le lieu dun tabernacle magnifique, jusquà la maison du Seigneur 1. Sil y a là un sacrifice spirituel, un éternel sacrifice de louanges, il y a là aussi un prêtre éternel, et pour autel éternel lâme des justes dans une souveraine paix. Pour parler plus clairement, mes frères, quiconque veut comprendre le Verbe qui est Dieu, ne doit point se contenter de cette chair dont le Verbe sest revêtu pour lui, afin de le nourrir de lait, ni de célébrer sur la terre cette solennité dans limmolation de lAgneau ; mais il faut sans délai nous établir en grande foule, jusquà ce que nous élevions bien haut notre esprit vers le Seigneur, pour arriver jusquau divin tabernacle de celui qui a bien voulu nous donner pour nourriture le lait de son humanité visible. 23. Et là quelle sera notre occupation, sinon de chanter ses louanges? Que pourrons-nous dire, sinon : « Cest vous qui êtes mon Dieu, je vous confesserai; cest vous qui êtes mon Dieu, et je publierai vos grandeurs ; je vous confesserai, Seigneur, parce que vous mavez exaucé, et que vous vous êtes fait mon Sauveur 2 ? » Ces paroles ne sexhaleront point avec bruit, mais elles seront lexpression de notre amour qui sattachera de lui-même au Seigneur; cest lamour qui sera notre voix. Voilà que le Prophète achève par la louange ce quil a commencé par la louange. « Confessez le Seigneur, parce quil est bon, parce que sa miséricorde est éternelle ». Cest ainsi que le Prophète a commencé, ainsi quil termine. Car, depuis ce commencement dont nous sommes éloignés, jusquà cette fin dernière où nous revenons, il nest point de joie plus suave que la louange de Dieu, que léternel Alleluia.
1. Ps. XLI, 5. 3. Id. CXVII, 28. 4. Id. 29.
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