PSAUME CXVII
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DISCOURS SUR LE PSAUME CXVII.

SERMON AU PEUPLE.

CONSTANCE DE L’ÉGLISE.

 

Cette confession dont le Prophète nous parle est une confession de louanges, dans le sens que lui a donné le Sauveur lui-même. Confessons donc le Seigneur parce qu’il est bon, c’est-à-dire que la bonté est son premier attribut, et parce que sa miséricorde est éternelle. Que les grands et les petits, la maison d’Aaron, la maison d’Israël, que tous ceux qui craignent le Seigneur publient la bonté du Seigneur. Avec son secours nous n’avons à craindre ni les hommes ni le démon; notre confiance sera en Dieu seul. Les nations ont environné l’Eglise, et les Juifs assailli le Christ, et l’un et l’autre ont été délivrés. Comme les abeilles environnent la ruche pour y déposer le miel, ils ont mis dans le Sauveur la douceur du miel, ils se sont enflammés comme des épines, à sa passion, et en persécutant les martyrs que soutenait le Seigneur, et dont la confiance n’a pas été ébranlée. Cette Eglise qu’ils voulaient perdre raconte les louanges du Seigneur, qui nous a guéris, qui est lui-même la santé, la pierre angulaire de l’édifice, et le jour où il est devenu cette pierre est vraiment son jour. Bénissons alors celui qui nous a éclairés, établissons une fête éternelle et un éternel alleluia.

 

1. Nous avons entendu, mes frères, l’Esprit-Saint qui nous avertit et nous presse d’offrir à Dieu la confession comme un sacrifice. Or, il y a confession de louanges, et confession de nos péchés. Cette confession qui nous fait avouer nos péchés à Dieu, est connue de tout le monde; et même la multitude peu instruite ne reconnaît guère que cette confession dans les saintes Ecritures : et chaque fois que l’on entend cette expression dans la bouche du lecteur, on entend aussi qu’on se frappe la poitrine. Mais il faut remarquer dans quel sens un autre psaume a dit : « Voilà que j’entrerai dans le lieu d’un admirable tabernacle; jusque dans la maison de Dieu, parmi les s cris de l’allégresse et de la confession, dans les cantiques de nos joies solennelles 1». Il devient évident que le mot de confession, non plus que son expression, ne marque point ici les douleurs de la pénitence, mais bien les joies d’une grande solennité. Si quelqu’un gardait quelque doute en présence d’un témoignage si clair, que répondrait-il devant cet autre de l’Ecclésiastique « Faites les oeuvres du Seigneur, bénissez-le, donnez à son nom la magnificence, confessez-le par les paroles de vos lèvres, par le chant de vos cantiques, par le son de vos harpes, et vous direz dans cette confession : Que toutes les oeuvres du Seigneur sont excellentes 2? » Il n’est point d’esprit si lourd qui ne puisse comprendre que la confession signifie ici la louange de

 

1. Ps. XLI, 5.— 2. Eccli. XXXIX, 19-2!.

 

Dieu; à moins de pousser la perversité de l’esprit, jusqu’à dire que Notre-Seigneur Jésus-Christ confessait aussi à son Père ses propres péchés. Qu’un impie ose nous le dire, à cause du mot de confession, il nous sera facile de le réfuter par le contexte. Voici en effet ce que dit le Sauveur: « Je vous confesse, ô mon Père, Dieu du ciel et de la terre; parce que vous avez dérobé ces mystères aux sages et aux prudents, pour les révéler aux petits. Oui, mon Père; car il vous a plu ainsi 1». Qui ne prendra point cette expression pour une louange au Père? qui ne voit que cette confession n’est point une douleur de l’âme, mais plutôt une joie; puisque l’Evangéliste a dit avant ces paroles : « A cette heure même, il fut transporté par l’Esprit-Saint et dit: Je vous confesse, ô mon Père 2 ? »

2. Si donc, mes bien-aimés, en face de ces témoignages de l’Ecriture, où vous pouvez vous-mêmes en puiser de semblables, il est indubitable que, dans les saintes Lettres, le mot de confession n’a pas seulement le sens d’un aveu des péchés, mais aussi d’une louange en l’honneur de Dieu ; dans ce psaume qui commence par Alleluia, louez Dieu, quel sens plus naturel pouvons-nous donner à ces paroles : « Confessez le Seigneur », que celui d’une louange? On ne saurait plus abréger la louange du Seigneur, qu’en nous disant: « Parce qu’il est bon 2 ». Je ne vois rien de plus grand que cette brièveté; car la bonté est

 

1. Luc, X, 21.— 2. Ibid. — 3. Ps. CXVII, 1.

 

tellement un attribut de Dieu, que le Fils de Dieu lui-même s’entendant appeler : « Bon maître », par un homme qui ne voyait en lui que la chair, sans comprendre la plénitude de la divinité qui était en lui, et le croyait simplement un homme, lui répondit: « Pourquoi m’appeler bon? Nul n’est bon que Dieu seul 1». Qu’est-ce dire autre chose, sinon, si tu veux m’appeler bon, comprends que je suis Dieu ? Toutefois, le Psalmiste s’adresse à un peuple qui, pour nous figurer l’avenir, fut délivré de ton L labeur, de la captivité, de l’exil, et de tout mélange avec les impies, faveur qu’il obtint par la grâce de Dieu, qui non-seulement ne lui rendait pas le mal pour le mal, mais lui rendait au contraire le bien pour le mal ; dès lors c’est avec raison que le Prophète ajoute : « Parce que sa miséricorde est éternelle ».

3. « Que la maison d’Israël publie qu’il est bon, que sa miséricorde est éternelle. Que la maison d’Aaron publie qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle. Que tous ceux qui craignent le Seigneur publient que sa miséricorde est éternelle 2 ». Vous reconnaissez, je crois, mes frères, quelle est la maison d’Israël, la maison d’Aaron; l’une et l’autre comprennent ceux qui craignent le Seigneur. Ce sont là ces petits et ces grands que, dans un autre psaume, nous vous avons fait remarquer; or, réjouissons-nous que la grâce de celui qui est bon, et dont la miséricorde est éternelle, nous a mis de leur nombre ; car ils ont été exaucés, ceux qui ont dit: « Que le Seigneur vous multiplie, vous et vos enfants 3 » ; afin d’ajouter les Gentils à ceux des Israélites qui ont cru en Jésus-Christ, et d’où sont venus les Apôtres nos pères; ce qui met le comble à l’éminence des parfaits et à l’obéissance des petits. Et dès lors formant l’unité dans le Christ, devenus un seul troupeau sous un seul pasteur, et le corps de cette tête adorable, disons tous, comme un seul homme : « Dans ma tribulation j’ai invoqué le Seigneur, et il m’a exaucé en dilatant mon coeur 4 ». Cette affliction qui nous met à l’étroit prend une fin, et cette béatitude où nous passons n’a point de bornes. « Qui donc oserait accuser les élus de Dieu 5 ? »

4. « Le Seigneur est avec moi, je ne craindrai point les efforts d’un homme 6 ». Mais

 

1. Marc, X, 17, 18.— 2. Ps. CXVII, 2-4. — 3. Id. CXIII, 12-14. — 4. Id. CXVII, 5. — 5. Rom. VIII, 33. — 6. Ps. CXVII, 6.

 

l’Eglise n’a-t-elle d’ennemis que parmi les hommes? L’homme adonné à la chair et au sang est-il donc autre chose que chair et sang? Mais, dit l’Apôtre, « ce n’est point contre la chair et le sang qu’il nous faut combattre; mais contre les puissances et les princes de ce monde, et de ce siècle ténébreux 1 » : c’est-à-dire, ceux qui dirigent les méchants, les hommes épris du monde, et dès lors des ténèbres; car nous aussi nous fûmes ténèbres, et maintenant nous sommes lumière en notre Seigneur 2. « Contre les esprits de malice répandus dans les airs 3 », dit saint Paul, c’est-à-dire contre le diable et ses anges ; et c’est ce même diable qu’il appelle ailleurs le prince des puissances de l’air 4. Ecoute maintenant ce qui suit ; « Le Seigneur est mon soutien, et je mépriserai mes ennemis 5». De quelque nature qu’il me vienne des ennemis, soit des hommes méchants, soit des esprits de malice, appuyé sur le Seigneur, je les mépriserai, et nous confessons notre Dieu en chantant l’Alleluia en son honneur.

5. Mais quand j’aurai bravé mes ennemis de la sorte, que nul homme ne fasse valoir auprès de moi sa bonté, son amitié, pour me forcer à mettre en lui mon espérance. « Car il est meilleur pour moi de me confier en Dieu qu’en aucun homme 6 ». Que nul de ces esprits que l’on peut appeler de bons anges, ne s’impose à moi comme si je lui devais ma confiance; car nul n’est bon, si ce n’est Dieu. Et quand un homme ou un ange paraissent nous venir en aide, quand ils le font par une vraie charité, c’est Dieu qui le fait par eux, lui qui leur a donné une bonté proportionnée. « Donc il est meilleur pour nous d’espérer en Dieu, que d’espérer dans les princes 7 ». Les anges en effet sont appelés du nom de princes, ainsi que nous lisons en Daniel : « Michel votre prince 8».

6. « Toutes les nations m’ont environné, et au nom du Seigneur j’en ai tiré vengeance; elles m’ont environné de toutes parts, et au nom du Seigneur j’en ai tiré vengeance 9». Quand le Prophète nous dit que toutes les nations l’ont environné, et qu’il en a tiré vengeance, il nous montre les travaux et les victoires de l’Eglise. Mais comme si on lui demandait comment elle a pu surmonter de si

 

1. Ephés. VI, 12. — 2. Id. V, 8. — 3. Id. VI, 12. — 4. Id. II, 2. — 5. Ps. CXVII, 7. — 6. Id. 8. — 9. Id. 9. — 10. Dan. XII, 1. — 11. Ps. CXVII, 10.

 

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grands maux, elle jette les yeux sur le divin modèle, et tout d’abord elle dit qu’elle a souffert dans son chef; puis elle ajoute: « Ils m’ont serrée de près ». Et c’est avec raison que l’on n’a point ici répété: « Toutes les nations». Car ce sont les Juifs qui ont agi de la sorte. « Et j’en ai tiré vengeance au nom du Seigneur ». Car le peuple fidèle, ou le corps du Christ, a éprouvé des persécutions de la part des Juifs, au sein desquels a pris naissance cette chair auguste qui fut clouée à la croix, et pour lesquels a été fait tout ce qu’ont opéré, en cette vie du temps, son pouvoir immortel et sa divinité cachée sous une chair visible.

7. « Ils m’ont environné, comme un essaim d’abeilles environne la ruche, ils ont pris flamme, comme le feu dans les épines, et j’en ai tiré vengeance, au nom du Seigneur 1». C’est par l’ordre des choses que l’on peut découvrir ici l’ordre des paroles. Car nous savons que le Seigneur, chef de l’Eglise, tut environné par ses persécuteurs, comme la ruche est environnée par les abeilles, et le Saint-Esprit nous montre, par cette ingénieuse expression, ce que faisaient les Juifs sans le savoir. C’est le miel que les abeilles font dans les ruches. Et les persécuteurs du Christ nous l’ont rendu plus doux par sa passion même : afin que nous puissions goûter et voir combien le Seigneur est doux 2,lui qui est mort à cause de nos péchés, et ressuscité pour notre justification 3. Mais le Prophète nous dit ensuite : « Ils se sont enflammés « comme le feu dans les épines », ce qu’il est mieux d’entendre du corps de Jésus-Christ, c’est-à-dire de son peuple répandu dans toute la terre; toutes les nations l’ont environné, puisque c’est des nations qu’il a été formé. « Elles ont pris flamme comme le feu dans les épines », quand elles soumirent au feu de la persécution cette chair pécheresse qui subit les tourments les plus atroces. « Et j’en ai tiré vengeance au nom du Seigneur», dit le Prophète; soit que cette malice qui leur faisait persécuter les bons, venant à s’éteindre, ils soient entrés dans le peuple chrétien ; soit que ceux d’entre eux qui ont méprisé en cette vie la voix miséricordieuse qui les appelait, doivent à la fin éprouver la justice qui les condamnera.

8. « On m’a poussé comme un monceau de

 

6. Ps. CXVII, 12.— 7. Id. XXXIII, 9. — 8. Rom. IV, 25.

 

sable pour me faire :tomber, et le Seigneur m’a soutenu 1». Quoique le nombre des fidèles fût grand, et que la multitude pût en être comparée au sable qui ne peut se nombrer, et fût réunie en un même corps comme en un monceau; néanmoins, qu’est-ce que l’homme, si vous, Seigneur, ne vous souveniez de lui 2? Il ne dit point: La foule des persécuteurs n’a pu l’emporter sur la foule de mes fidèles; mais: « Le Seigneur m’a soutenu ». Ces nations persécutrices n’avaient donc aucun moyen d’ébranler et de renverser la multitude des fidèles qui habitaient dans l’unité de la foi, quand ils crurent en celui qui les soutenait tous et chacun en particulier, et partout; car il n’eût pu faillir à ceux qui l’invoquaient.

9. « Le Seigneur est ma force, il est ma gloire, il est devenu mon salut 3 ». Qui sont donc ceux qui tombent quand on les pousse, sinon ceux qui veulent être à eux-mêmes leur force, à eux-mêmes leur gloire? Nul ne succombe dans un combat, sinon celui dont la force a succombé comme la louange. C’est pourquoi celui dont le Seigneur est la force et la louange, ne peut succomber non plus que Dieu lui-même. Aussi le Seigneur est-il devenu leur soutien, non qu’il soit devenu ce qu’il n’était pas auparavant; mais parce que ces fidèles, en croyant en lui, sont devenus ce qu’ils n’étaient pas; et que le Christ est devenu non pour lui, mais pour eux, un Sauveur après leur conversion, ce qu’il n’était pas quand ils le fuyaient.

10. « Les voix de l’allégresse et du salut sont dans la tente des justes 4 » : où ne supposaient que la voix des larmes et de la mort, ceux qui tourmentaient ainsi leur chair. Ils ne comprenaient pas les joies intérieures que les saints puisent dans l’espérance de l’avenir. De là cette parole de l’Apôtre: « Comme si nous étions tristes, nous qui sommes toujours dans la joie 5»; et encore: « Et même nous nous glorifions dans l’affliction 6».

11. « La droite du Seigneur a signalé sa force ». De quelle force veut parler le Psalmiste? « La droite du Seigneur m’a élevé 7 ». C’est une grande force que grandir l’humilité, déifier un mortel, que tirer la perfection de la faiblesse, la gloire de ce qui est abaissé, la victoire de la souffrance, et le

 

1. Ps. CXVII, 13.— 2. Id. VIII, 5.— 3. Id. 4.— 4. Id. 15.— 5. II Cor. VI, 10.— 6. Rom. V, 3.— 7. Ps. CXVII, 16.

 

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secours de l’affliction; en sorte que le vrai salut soit la part des persécutés, tandis que les persécuteurs n’auront que ce salut futile qui vient de l’homme. Tout cela est grand. Comment s’en étonner? Ecoute ce que répète le Psalmiste. Ce n’est point l’homme qui s’est élevé, ni l’homme qui s’est perfectionné, ni l’homme qui s’est élevé en gloire, ni l’homme qui a vaincu, ni l’homme qui s’est procuré le salut: « C’est la droite du Seigneur qui à signalé sa force ».

12. « Je ne mourrai point, mais je vivrai, pour raconter les oeuvres du Seigneur 1 ». Ces bourreaux accumulant les meurtres, croyaient l’Eglise du Christ exterminée; et voilà qu’elle raconte les oeuvres de Dieu, partout le Christ est la gloire des martyrs. Il a vaincu ceux qui le frappaient par la douleur, les furieux par la patience, les plus violents par la charité.

13. Toutefois, que le corps du Christ, la sainte Eglise, le peuple d’adoption nous dise pourquoi il a enduré tant d’indignes traitements. «Le Seigneur m’a châtié sévèrement, mais il ne m’a point livré à la mort 2 ». Que cette rage des impies n’attribue rien à ses forces; elle n’aurait point cette puissance, si elle ne lui était venue d’en haut. Souvent un père de famille fait châtier son enfant par des serviteurs qui sont des scélérats; et néanmoins c’est au premier qu’il destine son héritage, et des fers aux autres. Quel est cet héritage? de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, ou bien un fonds de terre, d’agréables jardins? Vois par où l’on y entre, et comprends ce qu’il est.

14. « Ouvrez-moi », dit-il, « les portes de la justice ». Voilà que nous en connaissons les portes. Quel est l’intérieur? « En y entrant », dit le Prophète, « je confesserai le Seigneur 3 » ; c’est là une confession de louanges, qui est admirable jusqu’à la maison de Dieu, dans les cris d’allégresse et de la confession, dans les harmonies d’une solennité 4. Telle est l’éternelle félicité des justes, qui constitue le bonheur de ceux qui habitent la maison du Seigneur, et qui le bénissent dans les siècles des siècles 5.

15. Mais vois comment on entre par les portes de la justice. « Ce sont les portes du Seigneur », dit le Prophète, « et c’est par elles

 

1. Ps. CXVII, 17.— 2. Id. 18. — 3. Id.19. — 4. Id. XLI, 5.— 5. Id. LXXXLIII, 5

 

qu’entreront les justes 1 ». Du moins, que nul homme injuste ne puisse les franchir, pour entrer dans cette Jérusalem qui ne reçoit aucun incirconcis, et où l’on dit: « Loin d’ici les chiens 2 ». Qu’il me suffise, dans mon pèlerinage lointain, «d’avoir habité sous les pavillons de César, et d’avoir gardé la paix avec ceux qui n’aimaient pas la paix 3 »; d’avoir supporté jusqu’à la fin le mélange avec les méchants: mais « voici les portes du Seigneur, c’est par là qu’entreront les justes».

16. « Je vous confesserai, ô mon Dieu, parce que vous m’avez exaucé et que vous êtes devenu mon sauveur  4 ». A chaque instant on vous montre que c’est là une confession de louanges; non celle qui découvre ses plaies au médecin, mais celle qui lui rend grâce de la guérison qu’il lui doit. Et le médecin est aussi la santé.

17. Or, quel est ce médecin? C’est « la pierre qu’ont repoussée ceux qui édifiaient ». Car c’est lui qui « est devenu la pierre de l’angle 5, afin de former en lui ces deux peuples en un seul homme nouveau, d’établir la paix entre eux, les réunissant en un même corps pour les réconcilier avec Dieu 6 ». Et ces deux peuples sont ceux de la circoncision et des

Gentils.

18. «C’est le Seigneur qui lui adonné cette mission 7»; c’est-à-dire que le Seigneur l’a établi pierre angulaire. Quoique le Seigneur n’en soit arrivé là que par la souffrance, ce ne sont pas néanmoins ceux qui l’ont fait souffrir qui lui ont donné cette mission. Car ceux qui bâtissaient l’édifice l’ont repoussé; mais, dans l’édifice invisible qu’il élevait, le Seigneur a posé comme pierre angulaire celle que l’on avait repoussée. « Et c’est là une merveille pour nos yeux », c’est-à-dire les yeux de l’homme intérieur, pour les yeux de ceux qui ont la foi, qui ont l’espérance, qui ont la charité; non pour les yeux charnels de ceux qui l’ont rejeté parce qu’ils ne voyaient en lui qu’un homme.

19. « Voici le jour que le Seigneur a fait 8». Notre interlocuteur se souvient donc d’avoir dit, dans les psaumes précédents: « Le Seigneur a incliné son oreille vers moi, et je l’invoquerai en mes jours 9 » ; faisant allusion

 

1. Ps. CXVII, 20. — 2. Apoc. XXII, 15. —  3. Ps. CXIX, 5. — 4. Id. CXVII, 21. — 5. Id. 22.— 6. Ephés. II, 15, 16. — 7. Ps. CXVII, 23.— 8. Id. 24. — 9. Id. CXIV, 2.

 

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aux jours du vieil homme. Aussi dit-il maintenant: « Voici le jour que le Seigneur a fait 1», ou le jour dans lequel il m’a sauvé. Tel est le jour dont il est dit: « Au temps favorable je t’ai exaucé, et au jour du salut je t’ai secouru 2 » : c’est-à-dire au jour où le Christ a été fait tête de l’angle. « Réjouissons-nous dès lors, et tressaillons de joie ».

20. « O mon Dieu, sauvez-moi; ô mon Dieu, tracez-moi un chemin heureux vers la vérité 3 ». Puisque viennent les jours de salut, « sauvez-moi». Puisque, au retour d’un long exil, nous nous séparons de ceux qui haïssaient la paix, avec lesquels nous étions en paix, et qui nous faisaient la guerre sans motif, quand nous leur parlions 4, « tracez pour notre retour un chemin heureux », parce que c’est vous qui vous êtes fait notre voie.

21. « Bienheureux, en effet, celui qui vient au nom du Seigneur 5 ». Maudit soit dès

lors celui qui vient en son propre nom, ainsi qu’il est dit dans l’Evangile : « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne m’avez point reçu; qu’un autre vienne en mon nom, vous le recevrez ». « Nous vous avons béni de la maison du Seigneur». Je crois qu’aux petits s’adressent ici les parfaits c’est-à-dire ces grands qui touchent de l’esprit, autant qu’on le peut en cette vie, le Verbe qui est Dieu et en Dieu. Et toutefois, ils abaissent leur discours au niveau de ces petits, afin de pouvoir leur dire ce que dit l’Apôtre : « Soit que nous soyons hors de nous-mêmes, c’est pour Dieu; soit que nous soyons plus calmes, c’est pour vous; puisque l’amour de Jésus-Christ nous presse 6 ». Les parfaits bénissent donc les petits, de l’intérieur de

cette maison de Dieu où la louange en son honneur s’élèvera dans les siècles des siècles; aussi voyez ce que de là ils annoncent aux hommes.

22. « C’est le Seigneur qui est Dieu, et sa lumière s’est levée sur nous 7 ». Ce Seigneur qui est venu au nom du Seigneur, que les architectes ont repoussé, et qui est devenu la tête de l’angle 8, ce médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme  9 qui est Dieu, qui est égal à son Père, c’est lui qui nous a éclairés, afin que nous comprenions ce que nous avons cru, et que nous vous le

 

1. Isa. XLIX, 8. — 2. Ps. CXVII, 25. — 3. Id. CXIX, 7. — 4. Id. CXVII, 26.— 5. Jean, V, 43. — 6. II Cor. V, 13, 14, — 7. Ps. CXVII, 27. — 8. Matth. XXI, 9, 42. — 9. I Tim. II, 5.

 

prêchions, à vous qui le croyiez déjà, mais sans le comprendre. Afin donc de le comprendre vous-mêmes, « Etablissez-vous un jour de fête avec un grand concours de peuple, jusques aux cornes de l’autel»; c’est-à-dire jusqu’à l’intérieur de la maison de Dieu, de cette maison d’où nous vous avons béni, et qui renferme ce qu’il y a de plus élevé dans l’autel. « Etablissez-vous un jour de fête », non plus avec lenteur ni avec indifférence, mais avec un grand concours de peuple. Voilà ce que signifie cette voix de l’allégresse qui solennise un jour de fête, et que font retentir ceux qui marchent dans le lieu d’un tabernacle magnifique, jusqu’à la maison du Seigneur 1. S’il y a là un sacrifice spirituel, un éternel sacrifice de louanges, il y a là aussi un prêtre éternel, et pour autel éternel l’âme des justes dans une souveraine paix. Pour parler plus clairement, mes frères, quiconque veut comprendre le Verbe qui est Dieu, ne doit point se contenter de cette chair dont le Verbe s’est revêtu pour lui, afin de le nourrir de lait, ni de célébrer sur la terre cette solennité dans l’immolation de l’Agneau ; mais il faut sans délai nous établir en grande foule, jusqu’à ce que nous élevions bien haut notre esprit vers le Seigneur, pour arriver jusqu’au divin tabernacle de celui qui a bien voulu nous donner pour nourriture le lait de son humanité visible.

23. Et là quelle sera notre occupation, sinon de chanter ses louanges? Que pourrons-nous dire, sinon : « C’est vous qui êtes mon Dieu, je vous confesserai; c’est vous qui êtes mon Dieu, et je publierai vos grandeurs ; je vous confesserai, Seigneur, parce que vous m’avez exaucé, et que vous vous êtes fait mon Sauveur 2 ? » Ces paroles ne s’exhaleront point avec bruit, mais elles seront l’expression de notre amour qui s’attachera de lui-même au Seigneur; c’est l’amour qui sera notre voix. Voilà que le Prophète achève par la louange ce qu’il a commencé par la louange. « Confessez le Seigneur, parce qu’il est bon, parce que sa miséricorde est éternelle ». C’est ainsi que le Prophète a commencé, ainsi qu’il termine. Car, depuis ce commencement dont nous sommes éloignés, jusqu’à cette fin dernière où nous revenons, il n’est point de joie plus suave que la louange de Dieu, que l’éternel Alleluia.

 

1. Ps. XLI, 5. — 3. Id. CXVII, 28. — 4. Id. 29.

 

 

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