|
|
DISCOURS SUR LE PSAUME X.LHÉRÉSIE EN FACE DE LÉGLISE CATHOLIQUE.
Lâme catholique et fidèle répond aux invitations de lhérésie, que sa confiance est dans le Seigneur et non dans les hommes, tandis que lhérésie se confie dans les mérites du ministre des sacrements. Le Seigneur, par une même parole, aveugle les méchants et sauve les justes.
POUR LA FIN, PSAUME POUR DAVID (Ps. X, 1 ).
1. Ce titre na pas besoin dêtre expliqué de nouveau, nous avons exposé suffisamment le sens de cette expression : « In finem, pour la fin » . Voyons donc le texte du psaume, qui me parait un chant contre les hérétiques. Ceux-ci, en effet, rappelant sans cesse avec exagération les fautes de plusieurs membres de lEglise, comme si, dans leurs sectes, tous les membres, ou du moins le plus grand nombre, étaient des justes, sefforcent de nous détourner et de nous arracher des mamelles de lEglise, unique et véritable mère. Ils affirment que le Christ est parmi eux; ils affectent de nous avertir, par intérêt pour nous et par charité, de passer dans leur parti pour y trouver Jésus-Christ, quils se vantent faussement de posséder. On sait que dans ces dénominations allégoriques données par les Prophètes à Jésus-Christ, se trouve aussi celle de Montagne. Il faut donc répondre à lhérésie en loi disant: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne, comme un passereau (Id. 2 )?» Il nest quune seule montagne en qui jaie mis mon espoir; pourquoi me dire daller à vous, comme sil y avait plusieurs Christs? Et si, dans votre orgueil, vous prétendez être cette montagne, javoue que je dois être ce passereau, et que mes ailes sont les forces et les préceptes de Dieu; mais ces ailes mempêchent de voler vers de semblables montagnes, et de reposer mon espoir en des hommes orgueilleux. Jai un nid où je puis reposer, puisque ma confiance est dans le Seigneur. Car le passereau trouve une demeure (Ps. LXXXIII, 4), et le Seigneur est un refuge pour le pauvre (Ps. IX, 10 ). Ainsi, de peur quen cherchant le Christ chez les hérétiques, nous ne le perdions réellement, chantons avec la plus entière confiance: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va sur la montagne comme le passereau ? » 2. « Voilà que les pécheurs ont bandé larc, ils ont rempli de flèches leur carquois, afin de tirer, dans lobscurité de la lune, sur ceux qui ont le coeur droit (Ps. X, 3 ) ». Vaines terreurs de ceux qui nous menacent de la colère des pécheurs, pour nous pousser dans leur parti, comme dans celui des justes. « Voilà », disent-ils, « que les pécheurs ont bandé larc». Cet arc me paraît être lEcriture, quils interprètent dans un sens charnel, et qui ne leur fournit alors que des maximes empoisonnées. « Ils ont préparé leurs flèches dans leur carquois »; cest-à-dire, quils ont préparé dans leurs coeurs, ces paroles quils doivent nous lancer avec lautorité des saintes Ecritures. « Afin de tirer sur linnocent dans lobscurité de la lune »; cest-à-dire, quils ont cru que la foule des hommes ignorants et charnels avait obscurci la lumière de lEglise, et queux-mêmes ne pourraient être convaincus; ainsi ils corrompent les bonnes moeurs par des discours pervers (Ps. X, 3 ). Mais à toutes ces terreurs nous répondrons: « Ma confiance est dans le Seigneur (I Cor. XV, 33 ) ». 3. Jai promis (Ci-dessus, Ps. VIII, n. 9 ), il men souvient, de considérer dans ce psaume comment la lune est une figure convenable de lEglise. Il y a deux opinions probables au sujet de la lune: savoir quelle est la véritable, cest là ce qui est, selon moi, sinon impossible, du moins très difficile aux hommes. Si vous demandez doù vient à la lune sa lumière, les uns répondent quelle a une lumière qui lui est propre, mais que son globe est moitié lumineux et moitié (173) obscur, et quainsi, dans sa révolution, la partie lumineuse se tourne peu à peu vers la terre, et devient visible ; cest pourquoi elle nous apparaît dabord comme un croissant. Car si vous prenez une sphère à moitié blanche, et à moitié noire, et que vous mettiez sous les yeux la partie noire, vous ne verrez rien de blanc, mais ensuite, commencez à tourner vers vous le côté blanc, et faites-le peu à peu, vous verrez cette face blanche apparaître dabord comme un croissant, puis se développer peu à peu, jusquà ce que la face blanche vous apparaisse complètement, et ne laisse rien voir dobscur. Continuez encore la révolution de votre sphère, et peu à peu la partie obscure se montrera, tandis que la partie blanche ira en diminuant, jusquà ce quelle redevienne un croissant, pour échapper bientôt à la vue, et ne laisser sous vos yeux que la partie obscure; cest ce qui a lieu, nous dit-on, quand la lumière de la lune va toujours en augmentant jusquau quinzième jour, puis diminue jusquau trentième, redevient un croissant, puis bientôt nous dérobe complètement sa lumière. Dans cette opinion, la lune pourrait être la figure allégorique de lEglise, qui brille dans sa partie spirituelle, tandis quelle est obscure dans ses membres charnels ; et souvent ses oeuvres spirituelles la signalent aux hommes; souvent aussi ce côté spirituel se réfugie dans la conscience, où Dieu seul peut le voir, et ne laisse voir aux hommes que la face corporelle, comme il arrive quand nous prions intérieurement, sans aucune apparence extérieure, alors que nos coeurs ne sont plus à la terre, mais élevés à Dieu, selon quil nous est recommandé. Dautres disent que la lune na point une lumière qui lui soit propre, et quelle la reçoit du soleil ; que quand elle est en face du soleil, elle nous présente le côté qui nest point éclairé, et paraît ainsi sans lumière; mais quà mesure quelle séloigne du soleil, cette partie même quelle présentait à la terre est illuminée ; elle commence nécessairement comme un croissant, jusquau quinzième jour, quelle est complètement opposée au soleil: cest alors quelle se lève quand le soleil se couche ; de sorte quun homme qui observerait le coucher du soleil, pourrait aussitôt quil le perd de vue, se tourner vers lorient, et verrait la lune à son lever. Mais à mesure que la lune tend à se rapprocher du soleil, elle nous montre peu à peu sa face obscure, puis redevient un croissant, pour disparaître totalement ; car alors sa partie lumineuse est toute vers le ciel, tandis quelle ne montre à la terre que la face que le soleil ne saurait éclairer. Dans cette seconde opinion, la lune serait la figure de lEglise qui na point une lumière propre, car sa lumière lui vient de ce Fils unique de Dieu, appelé souvent dans les saintes Ecritures, Soleil de justice. Incapable de connaître et de voir ce Soleil invisible, certains hérétiques sefforcent dattirer les esprits simples et sensuels, au culte de ce soleil visible et corporel, qui éclaire les yeux des mouches aussi bien que les yeux corporels des hommes. Ils parviennent même à entraîner ceux qui, dans leur impuissance de découvrir des yeux de lâme la lumière intérieure de la vérité, ne peuvent se con-tenter de la simplicité de la foi catholique; et pourtant il ny a pour les faibles que ce moyen de salut, que ce lait qui puisse les fortifier et les rendre capables dune plus solide nourriture. De ces deux opinions, quelle que soit la vraie, le nom allégorique de la lune convient parfaitement à lEglise. Toutefois, sil nous répugne de nous engager dans ces obscurités plus pénibles quelles ne sont utiles, ou si le temps nous manque, ou même si notre esprit sy refuse, il peut nous suffire de regarder la lune avec le peuple, et sans en rechercher péniblement les raisons, de voir avec tout le monde quelle croît, quelle arrive à son plein, pour décroître ensuite. Et si elle ne disparaît que pour revenir encore, elle devient pour la multitude la moins exercée la figure de lEglise, dans laquelle on croit à la résurrection des morts. 4. Examinons ensuite pourquoi, dans ce psaume, il est parlé de « lune obscure » qui sert aux pécheurs pour décocher leurs flèches sur les coeurs droits. Car on peut dire de plusieurs manières que la lune est obscurcie; elle lest à la fin de sa révolution mensuelle, puis quand un nuage nous dérobe sa lumière, puis quand elle séclipse totalement. Nous pouvons dire alors que les persécuteurs des martyrs ont voulu décocher leurs flèches sur les coeurs droits, pendant lobscurité de la lune ; soit que lEglise naissante nait pas encore jeté sur la terre tout son éclat, ni dissipé les ténébreuses superstitions du paganisme; soit que les blasphèmes et les (174) calomnies contre le nom chrétien aient enveloppé la terre comme dun nuage et rendu invisible la lune ou lEglise; soit que tant de martyrs égorgés et tant de sang répandu, aient détourné du nom chrétien les âmes faibles, en couvrant lEglise dun voile sanglant, comme celui qui paraît quelquefois sur la lune et qui lobscurcit ; dans ces jours de terreur, les impies décochaient comme autant de flèches, ces paroles artificieuses et sacrilèges, qui pervertissaient même les coeurs purs. On peut encore entendre ce passage, des pécheurs qui sont dans lEglise, qui ont saisi loccasion dun obscurcissement de la lune, pour commettre les forfaits que nous reprochent maintenant les hérétiques, accusés den être les auteurs. Mais quelle que soit la. source des crimes commis pendant lobscurité de la lune, maintenant que la religion catholique est répandue et respectée dans tout lunivers catholique, pourquoi minquiéter de faits que jignore? Ma confiance est au Seigneur, et loin de moi, « ceux qui disent à mon âme : Va, chétif passereau, vers les montagnes. Car voilà que les pécheurs ont préparé leur arc pour décocher leurs flèches sur les coeurs droits, dans lobscurité de la lune ». Et cette lune leur paraît encore obscure, parce quils sefforcent de jeter lincertitude sur la véritable Eglise catholique, et quils arguent contre elle des fautes de ces hommes charnels quelle contient en grand nombre. Quest-ce que ces tentatives, pour celui qui dit véritablement: Ma confiance est dans le Seigneur, qui montre par ce langage quil est le froment de Dieu, et quil supporte la paille avec patience, jusquà ce que viendra le temps de la vanner? 5. « Ma confiance est donc au Seigneur ». Que ceux-là tremblent qui mettent leur confiance dans un homme, et qui ne peuvent nier quils lui appartiennent, puisquils jurent sur ses cheveux blancs.; et si vous leur demandez en conversation à quelle communion ils appartiennent, ils ne peuvent se faire connaître quen se proclamant de son parti. Mais dites-moi ce quils peuvent répondre, quand on leur représente ces crimes, ces forfaits innombrables qui remplissent chaque jour leur parti? Peuvent-ils dire: « Ma confiance est au Seigneur; et comment dites-vous à mon âme de se réfugier dans les montagnes comme le passereau? » Car ils nont plus confiance dans le Seigneur, en soutenant que les sacrements ne sanctifient que quand ils sont administrés par des hommes saints ? Aussi, demandez-leur quels sont les saints, ils rougiront de dire: Cest nous; et sils ne rougissent de le dire, ceux qui les entendront, rougiront pour eux. Ils forcent donc ceux qui reçoivent les sacrements, à mettre leur confiance dans un homme, dont le coeur échappe à nos yeux. Or, « maudit soit celui qui met son espoir dans un homme (Jér. XVII, 5 )». Dire en effet: Cest ce qui est administré par moi, qui est saint, nest-ce pas dire : Mettez votre espérance en moi? Mais que sera ce sacrement si vous nêtes pas saint? Alors montrez-moi votre coeur. Et si vous ne le pouvez, comment saurai-je que vous êtes saint? Alléguerez-vous ce passage de lEcriture: « Vous les connaîtrez à leurs uvres (Matt. VII, 16 )?» Assurément, je vois chez vous des oeuvres merveilleuses ; je vois chaque jour les Circoncellions courir ça et là sous la conduite de leurs évêques et de leurs prêtres, et donner le nom dIsraël à de terribles bâtons; cest là ce que les hommes de nos jours ne voient et néprouvent que trop. Quant aux actes du temps de Macaire, quils nous reprochent amèrement, peu les ont vus, nul ne les voit maintenant; et quand on les voyait, tout catholique nen pouvait pas moins dire, sil voulait être serviteur de Dieu: « Ma confiance est dans le Seigneur ». Cest le langage que tient encore celui qui voit dans lEglise ce quil voudrait ny point voir, qui se sent nager dans ces filets pleins de poissons, bons et mauvais, jusquà ce que lon arrive sur les sables de la mer, pour séparer les bons des mauvais (Id. XIII, 47 ). Que peuvent répondre ces hérétiques, si lhomme quils veulent baptiser leur fait cette question: Comment mordonnez-vous davoir confiance? Car si le mérite dun sacrement est basé sur celui qui le donne et sur celui qui le reçoit, si cest Dieu qui le donne et ma conscience qui le reçoit, voilà deux termes dont jai la certitude, sa bonté, et ma foi. Pourquoi venir vous interposer, vous dont je ne puis tirer , aucune certitude ? Laissez-moi chanter: « Ma confiance est dans le Seigneur ». Car si je mettais ma confiance en vous, qui peut me garantir que vous navez commis aucune faute cette nuit? Enfin, si vous voulez que jaie confiance en vous, puis-je avoir dautre motif que votre parole? (175)
Mais alors quelle confiance puis-je avoir, que ceux qui étaient hier en communion avec vous, qui communiquent aujourdhui, qui communiqueront demain, nauront commis aucune faute, après ces trois jours ? Et si ni vous ni moi ne sommes souillés par ce que nous ignorons, pourquoi rebaptisez-vous ceux qui nont rien connu de la trahison de Macaire ni de ses persécutions? Et ces chrétiens qui viennent de la Mésopotamie, qui ne savent le nom ni de Cécilien ni de Donat, comment osez-vous les rebaptiser, et nier quils soient chrétiens? Sils sont souillés par les péchés des autres, vous aussi, vous êtes sous le poids des crimes qui se commettent chaque jour, à votre insu, dans votre parti; et cest en vain que vous objectez aux catholiques les décrets impériaux , vous qui sévissez dans votre camp avec les bâtons et les flammes. Tel est donc labîme où sont tombés ceux qui, voyant les désordres dans lEglise catholique, nont pu dire: « Ma confiance est au Seigneur n, et qui ont mis leur espoir dans les hommes. Ils lauraient dit sans doute, sils neussent été les uns ou les autres tels quils croyaient ceux dont ils ont feint de se séparer par un sacrilège orgueil. 6. Que lâme catholique sécrie donc : « Ma confiance est au Seigneur ; comment osez-vous me dire: Passereau, va dans les montagnes ? car voilà que les pécheurs ont bandé leur arc, ils ont rempli de flèches leur carquois, pour les décocher sur les justes durant une lune obscure». Puis, de ces pécheurs, sélevant à Dieu, quelle dise: « Voilà quils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait (Ps. X, 4 )». Et quelle tienne ce langage, non-seulement contre ceux dont nous parlons, mais contre tous les hérétiques. Car tous, autant quil est en eux, ont détruit cette louange parfaite que Dieu a tirée de la bouche des enfants nouveau-nés et à la mamelle (Id. VIII, 3 ), quand, par de vaines et pointilleuses questions, ils tourmentent les faibles et ne les laissent point salimenter du lait de la foi. Et comme si lon disait à cette âme : Pourquoi vous outils engagée à passer dans les montagnes comme le passereau ; pourquoi vous effrayer au sujet des pécheurs qui ont bandé leur arc, pour percer les coeurs droits dans lobscurité de la lune ? la voilà qui répond : Ce qui meffraie, cest « quils ont détruit ce que vous aviez rendu parfait ». Où lont-ils détruit, sinon dans leurs conciliabules, où loin de donner du lait aux faibles et à ceux qui ne con naissent point la lumière intérieure, ils les tuent de leurs poisons? « Mais le juste, qua-t-il fait? » Si Macaire et Cécilien sont coupables envers vous, que vous a fait le Christ qui a dit: « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix (Jean, XIX, 27 ) » ; cette paix que vous violez par le schisme le plus criminel ? Que vous a fait le Christ, qui déploya tant de patience envers le disciple qui le trahissait, jusquà ladmettre à cette première Eucharistie quil consacrait de ses mains, quil instituait de sa parole, et quil lui présenta comme aux autres Apôtres (Luc, XXII, 19, 21 )? Que vous a fait le Christ, qui donna mission de prêcher le royaume de Dieu à ce même traître quil avait appelé un démon (Jean, VI, 71 ), qui même avant de trahir le Seigneur, ne put en garder fidèlement les deniers (Id. XII, 6 ), et quil envoya néanmoins avec les autres disciples (Matt. X, 5 ) », pour nous apprendre que les dons de Dieu arrivent en ceux qui les reçoivent avec foi, quand même le ministre qui les distribue serait semblable à Judas? 7. « Le Seigneur habite son saint temple (Ps. X, 5 ). Cest dans ce sens que lApôtre a dit: « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple. Quiconque ose violer le temple de Dieu, Dieu le perdra (I Cor. III, 17 ) ». Or, cest violer le temple de Dieu que den rompre lunité, cest ne plus être dans lunion avec cette tête (Coloss. II, 19 ) dont tout le corps soutenu par ses liens et ses jointures avec une si juste proportion, reçoit laccroissement dans la mesure qui est propre à chacun de ses membres, et se forme par la charité (Eph. IV, 16 ). Le Seigneur est donc dans ce temple formé de plusieurs membres, qui ont chacun leurs fonctions, et qui sont reliés par la charité, en un seul édifice. Cest violer ce temple, que se séparer de lunité catholique, pour chercher ailleurs la dignité dun chef. « Le Seigneur habite son temple saint, le Seigneur a son trône dans le ciel (Ps. X, 5 ) » Si parte ciel vous entendez le juste, comme la terre nous désigne le pécheur , ainsi quil est dit: « Tu es terre, et tu retourneras en terre (Gen. III, 19 ), ces expressions : « Le Seigneur a son trône dans le ciel », sont une répétition de ce qui a été dit: « Le Seigneur habite son saint temple». 8. « Ses yeux regardent le ciel ». Cest à lui que le pauvre sabandonne, et il lui sert de refuge (Ps. X, 10 ). Cest pourquoi toutes ces séditions, tous ces troubles que lon soulève dans les filets jusquà ce quils arrivent sur le rivage, ont pour auteurs des hommes qui refusent dêtre les pauvres de Jésus-Christ; et cest à leur perte, mais pour notre amendement, que les hérétiques prennent de ces troubles occasion de nous insulter. Mais pourront-ils détourner les regards de Dieu de ceux qui veulent bien être pauvres pour lui? « Car ses yeux regardent le pauvre ». Avons-nous à craindre que dans la foule nombreuse des riches, il ne puisse discerner ces quelques pauvres, pour les conserver et les nourrir dans le giron de lEglise catholique ? « Ses paupières interrogent les «enfants des hommes (Id. 5 ) ». Selon la règle que nous avons posée, jentendrais volontiers par ces « enfants des hommes » ceux que la foi a fait passer du vieil homme à lhomme nouveau. Car loeil de Dieu paraît se fermer pour eux, quand certains passages des Ecritures les stimulent par leur obscurité à en rechercher le sens; comme il semble souvrir quand ils reçoivent avec joie la lumière de passages plus clairs. Or, ces vérités des livres saints, tantôt claires et tantôt voilées, sont comme les paupières de Dieu qui interrogent, ou plutôt qui approuvent ces enfants des hommes stimulés plutôt que lassés par les obscurités, affermis plutôt quenorgueillis par la découverte. 9. « Le Seigneur interroge le juste et limpie (Id. 6)». Et quand il interroge ainsi le juste et limpie, quel mal pouvons-nous craindre de la part des impies qui pourraient être, avec des coeurs peu sincères, en communion de sacrements avec nous? « Mais celui qui aime liniquité nuit à son âme(Ibid. ). Ce nest donc point à celui qui a mis sa confiance en Dieu, et qui nespère point dans les hommes, cest à son âme seulement que nuit celui qui aime le péché. 10. « Il fera tomber des piéges sur les pécheurs (Id. 7 ) ». Si lon désigne sous le nom de nuages les Prophètes en général, soit les bons soit les mauvais appelés aussi faux prophètes (Matt. XXIV, 24 ), les faux prophètes sont destinés parle Seigneur à devenir des piéges quil fait tomber sur les pécheurs. Car il ny a pour les suivre, que le pécheur, qui se prépare ainsi le dernier supplice, sil persévère dans le crime, ou qui abjure son orgueil, sil cherche un jour le Seigneur avec plus de sincérité. Mais si les nuées ne doivent désigner que les bons, les vrais prophètes, il est encore évident que leurs paroles, entre les mains de Dieu, sont des piéges pour les pécheurs, en même temps quune rosée quil répand sur les justes pour leur faire porter de bons fruits. « Aux uns», dit lApôtre, « nous sommes une odeur de vie pour la vie, aux autres, une odeur de mort pour la mort (II Cor. II, 16 ) ». Car on peut, sous le nom de nuages, désigner non-seulement lApôtre , mais quiconque donne aux âmes la rosée de la parole de Dieu. Pour celui qui comprend mal ces paroles, cest le piége que Dieu fait tomber sur les méchants ; et pour celui qui les entend dans le vrai sens, cest la rosée qui féconde les coeurs pieux et fidèles. Cette parole de lEcriture, par exemple: « Ils seront deux dans une même chair (Gen. II, 24 ) », peut devenir un piége pour celui qui linterprète dans le sens de lincontinence. Mais si vous lentendez avec saint Paul qui sécrie : « Moi, je le dis dans le Christ et dans IEglise (Eph. V, 23 )», cest une rosée sur un champ fertile. Cest le même nuage, ou lEcriture sainte qui produit ces deux effets. De même encore le Seigneur nous dit : « Ce nest point ce qui entre dans votre bouche, mais bien ce qui en sort, qui souille votre âme (Matt. XV, 11 ) ». A cette parole, un pécheur se dispose à la bonne chère; tandis quelle prévient le juste contre le discernement des viandes, Cette même nuée de lEcriture laisse donc tomber, selon le mérite de chacun, et des piéges pour le pécheur, et pour le juste une pluie fécondante. 11. « Des torrents de feu et de souffre, la fureur des tempêtes, cest là le calice quil leur prépare (Ps. X, 7 ) ». Tel est le châtiment et la fin de ceux qui blasphèment le nom du Seigneur; dabord ils sont dévorés par lincendie de leurs passions, ensuite lodeur fétide de leurs oeuvres corrompues les éloigne de lassemblée des saints; enfin, entraînés et submergés dans labîme, ils subissent dindicibles tourments. Telle est, Seigneur, la part de leur calice, tandis que vous avez pour le juste un calice enivrant et glorieux (Id. XXII, 5 ). « Car ils seront enivrés par la sainte abondance de votre maison (Id. XXXV, 9 ) ». Si le Prophète emploie cette (177) expression, « la part de leur calice », cest, je crois, pour nous détourner de croire que, même dans le supplice des méchants, la Providence outrepasse les bornes de léquité. Aussi a-t-il ajouté, comme pour nous rendre raison de ces châtiments : « Cest que le Seigneur est juste, et quil aime les justices (Ps. X, 8 )». Et ce nest pas sans raison quil dit les justices, au pluriel, afin de nous montrer dans ces justices les justes eux-mêmes. Car il semble que dans plusieurs justes, il y ait plusieurs justices, bien quil ny en ait quune seule en Dieu, qui est la source des autres; comme si un seul visage se trouvait en face de plusieurs miroirs, ceux-ci le refléteraient et feraient apparaître plusieurs fois ce visage, néanmoins unique. Aussi le Prophète revient-il au singulier, en sécriant: « Sa face a vu léquité ». Et peut-être a-t-il dit: « Sa face a vu léquité », dans le même sens quil dirait : Cest dans sa face que lon voit léquité, cest-à-dire quand on connaît sa face. Car la face de Dieu, cest la puissance quil a de se faire connaître à ceux qui en sont dignes. Ou bien : « Sa face a vu léquité», parce quil ne se fait pas connaître aux méchants, mais aux bons; et cest là léquité. 12. Si lon veut que la lune soit la synagogue, il faut alors entendre le psaume de la passion du Sauveur, et dire des Juifs, « quils ont détruit ce que Dieu avait rendu parfait»; et du Seigneur : « Pour le juste, qua-t-il fait? » lui quils accusaient de détruire la loi, tandis queux-mêmes en détruisaient les préceptes par une vie coupable, et les méprisaient jusquà les remplacer par leurs traditions. Alors Jésus-Christ, selon sa coutume, parlerait dans son humanité, et dirait: « Ma confiance est dans le Seigneur; comment dites-vous à mon âme : Va, passereau, vers les montagnes? » répondant ainsi aux menaces de ceux qui le cherchaient pour le prendre et le crucifier. Alors les pécheurs voulaient décocher leurs flèches sur les justes ou sur ceux qui croyaient en Jésus-Christ, et lobscurité de la lune peut fort bien désigner la synagogue remplie dhommes pervers. Cest à cela que se rapporterait ce passage: « Le Seigneur habite son saint temple; le Seigneur a son trône dans le ciel », cest-à-dire le Verbe, ou le Fils de Dieu qui est dans le ciel, habite aussi dans lhomme. « Ses yeux regardent le pauvre », cest-à-dire cet homme dont il sest revêtu, tout Dieu quil était, ou celui pour lequel il a souffert dans son humanité. « Ses paupières interrogent les enfants des hommes ». Fermer les yeux, puis les ouvrir, voilà probablement ce quil désigne sous le nom de paupières, et que nous pouvons entendre de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ ; car alors il éprouva les fils des hommes ou ses disciples, que sa mort avait effrayés, et que réjouit sa résurrection. « Le Seigneur interroge le juste et limpie », en gouvernant lEglise du haut du ciel. « Mais celui-là hait son âme qui aime liniquité », et la suite nous en montre la raison. Ce passage : « Il fera pleuvoir des piéges sur limpie », ainsi que le reste du psaume jusquà la fin, doit sentendre dans le sens indiqué plus haut. (178)
|