BENOÎT
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SAINT BENOÎT

 

Benoît est ainsi nommé ou parce qu'il  a bénit beaucoup, ou parce qu'il a reçu en cette vie beaucoup de bénédictions, ou parce que tous le bénissaient, ou bien parce qu'il a mérité la bénédiction éternelle. Sa vie fut écrite par saint Grégoire.

 

Benoît était originaire de. la province de Nurcie. Ayant été placé à Rome pour faire ses études, tout jeune encore, il abandonna les lettres et résolut de s'en aller au désert. Sa nourrice, qui le chérissait avec une grande tendresse, le suivit jusqu'en un lieu qu'on nomme OEside, où elle demanda à emprunter un crible pour nettoyer du froment, mais en le mettant sans précaution sur une table, le crible tomba et fut cassé (352) en deux. Saint Benoît la voyant pleurer prit les deux parties du crible et se levant, après une prière, il les trouva solidement réunies. Peu De temps après, il quitta à la dérobée sa, nourrice et vint en un endroit où il resta trois ans inconnu aux hommes, à l’exception d'un moine appelé Romain, dont les soins assidus lui assuraient le nécessaire. Or, comme de l’antre où Benoît restait, jusqu'au monastère de Romain il n'y avait pas de chemin, celui-ci liait le pain au bout d'une très longue corde et c'est ainsi qu'il avait coutume de le faire passer. A cette corde, il attacha aussi une sonnette, afin que, averti par le son, l’homme de Dieu sût quand Romain lui apportait du pain et pût sortir pour le prendre. Mais l’antique ennemi de l’homme jaloux de la charité du premier et de la manière dont le second se sustentait, jeta une pierre et cassa la sonnette : cela toutefois n'empêcha pas Romain de servir Benoît. Après quoi le Seigneur apparut dans une vision à un prêtre qui se préparait à manger le jour de la solennité de Pâques, et lui dit : « Tu te prépares des friandises et mon serviteur meurt de faim en tel lieu.» Le prêtre se leva incontinent, et étant parvenu à trouver Benoît après de grandes difficultés : « Levez-vous, lui dit-il, et prenons de la nourriture, parce que c'est aujourd'hui la Pâque du Seigneur.» Benoît lui répondit : « Je vois bien qu'il est Pâques, puisque j'ai l’avantage de vous voir. » Placé en effet loin des hommes, il ne savait pas que ce jour fût celui de la solennité de Pâques. Le prêtre lui dit : «Vraiment c'est aujourd'hui le jour de la résurrection de N.-S. : aussi ne, convient-il pas que (353) vous fassiez abstinence; c'est pour cela que je vous ai été envoyé. » Et après avoir béni Dieu, ils prirent de la nourriture.  — Un jour un oiseau noir, nommé merle, se mit à voler d'une manière importune autour de la figure de Benoît, de sorte que le saint aurait pu le saisir avec la main; mais il fit le signe de la croix et l’oiseau se retira. Bientôt après, le diable lui ramena devant les yeux de l’esprit une femme qu'il avait vue autrefois, et il alluma dans son coeur une. telle passion pour cette personne, que, vaincu par la volupté, il était près de quitter le désert. Mais rendu subitement à lui-même par la grâce divine, il quitta ses vêtements, et se roula sur les épines et les ronces éparses çà et là, avec tant de violence que son corps en fut tout meurtri, il guérit ainsi par les plaies de sa chair les plaies de sa pensée : il vainquit le péché! en déplaçant l’incendie. A dater de ce moment aucune tentation ne s'éleva. en son corps. Sa renommée avait grandi; l’abbé d'un monastère étant mort, toute la communauté vint le trouver et lui demander de la gouverner. Il refusa longtemps, et dit d'avance aux moines que leurs moeurs ne s'accordaient point avec les siennes; enfin il fut forcé de donner son consentement. Mais comme il commandait que là règle fût observée selon toute sa rigueur dans le cloître, les moines se reprochaient l’un à l’autre de l’avoir demandé pour leur chef, car leur irrégularité blessait l’amour qu'il avait pour le devoir. Quand ils s'aperçurent qu'avec lui il ne leur était plus possible. de faire le mal et que c'était chose pénible de rompre leurs habitudes, ils mêlèrent du poison avec son (354) vin et le lui servirent à table. Mais Benoît fit le signe de la croix, ce qui brisa le verre comme par un coup de pierre. Il comprit. donc qu'il y avait là une boisson de mort, puisqu'elle n'avait pu recevoir le signe de la vie; il se leva aussitôt et il dit avec calme : « Que le Dieu tout-puissant ait pitié de vous, mes frères; ne vous ai-je pas dit que vos moeurs et les miennes ne s'accordaient pas? » Il revint alors à la solitude qu'il avait quittée; et où ses miracles qui se multipliaient tous les jours le rendirent célèbre. Une foule de personnes étant venues à lui, il bâtit douze monastères. En l’un d'eux, il y avait un moine qui ne pouvait pas vaquer longtemps à la prière, mais pendant que les autres étaient à l’oraison, il allait dehors et se livrait à des distractions terrestres et futiles. L'abbé de ce monastère en ayant instruit saint Benoît, celui-ci s'empressa de venir; il vit qu'un petit enfant noir tirait dehors, par le bord de son habit, ce moine qui ne pouvait pas rester à la prière ; et il dit à l’abbé du monastère et au moine saint Maur : « Est-ce que vous ne voyez pas quel est celui qui le tire ? » Et comme ils répondaient : « Non; » il dit : « Prions pour que vous le voyiez aussi. » Et pendant qu'ils priaient, saint Maur vit, mais l’abbé ne put voir. Un autre jour donc, après la prière, l’homme de Dieu rencontra le moine dehors, et le frappa avec une verge à cause de son aveuglement; depuis ce temps, il resta à la prière, sans plus sortir. Ce fut ainsi que l’antique ennemi de l’homme n'osa plus maîtriser les pensées du moine, comme s'il eût reçu lui-même les coups. De ces monastères il y en avait. trois élevés sur les rochers d'une montagne, (355) et c'était avec un grand labeur qu'on tirait l’eau d'en bas : comme les frères priaient souvent l’homme de Dieu de changer les monastères de lieu, une nuit il alla avec un enfant au haut de la montagne où, après avoir prié longtemps, il mit trois pierres en cet endroit pour servir de signe. Rentré le matin à la maison, les frères vinrent le trouver pour la même causé et il leur dit : « Allez creuser au milieu de la roche sur laquelle vous trouverez trois pierres, car le Seigneur peut vous en faire jaillir de l’eau: » Ils y allèrent et ils trouvèrent cette roche déjà couverte de gouttes; ils y creusèrent un trou et bientôt ils le virent plein d'eau : elle coule encore jusqu'à présent en assez grande quantité pour descendre du sommet de la montagne jusqu'en bas. Une fois, un homme coupait des ronces avec une faux autour du monastère de l’homme de Dieu; or, le fer sauta du manche et tomba dans uri lac profond; et comme cet homme s'en tourmentait fort, saint Benoît mit le manche sur le lac et un instant après le fer vint nager vers son manche.

Un jeune moine appelé Placide, en allant puiser de l’eau, tomba dans le fleuve; bientôt l’eau l’emporta et l’entraîna loin de ta terre presque à la distance du jet d'une flèche. Or, l’homme de Dieu qui était assis dans sa cellule vit cela en esprit tout aussitôt; il appela Maur, lui raconta l’accident arrivé à cet enfant et lui commanda d'aller le sauver. Après avoir reçu la bénédiction du saint, Maur, s'empressa d'y aller, et pensant qu'il marchait sur la terre, il vint sur l’eau jusqu'auprès de l’enfant qu'il tira en le prenant par les cheveux : puis il revint rapporter à l’homme de Dieu ce qui (356) lui était arrivé; mais le saint l’attribua non pas à ses mérites, mais à l’obéissance. de Maur. — Un prêtre du nom de Florent, envieux du saint, conçut une telle aversion contre lui qu'il envoya à l’homme de Dieu un pain empoisonné pour du pain bénit. Le saint le reçut avec reconnaissance, et le jeta au corbeau qui avait coutume de recevoir du pain dé, ses mains, en lui disant : « Au nom de J.-C., prends ce pain et jette-le en tel endroit que homme vivant ne le,puisse prendre. » Alors le corbeau ouvrit le bec, étendit les ailes, se mit à courir autour du pain et à croasser avec force, comme s'il eût voulu dire qu'il voulait bien obéir, mais que cependant il ne pouvait faire ce qui lui était commandé. Le saint lui commanda à diverses reprises en disant : « Prends, prends, n'aie pas peur, et jette-le, ainsi que j'ai dit. » Enfin le corbeau prit le pain, ne revint que trois jours après et reçut de la main de Benoît sa ration accoutumée. Florent, voyant donc qu'il ne pouvait pas tuer le corps de son maître; résolut de tuer les âmes des religieux : il fit alors folâtrer et chanter sept jeunes filles toutes nues dans le jardin du monastère, afin d'exciter les moines à la luxure. Le saint ayant vu cela de sa cellule et craignant que ses disciples ne tombassent dans le péché, céda la place a l’envieux et prit quelques frères avec lesquels il alla habiter ailleurs. Mais Florent, qui se trouvait sur une terrasse, le voyant s'en .aller, en conçut de la joie, lorsque tout à coup la terrasse s'affaissa et le tua à l’instant. Alors. Maur courut dire à l’homme de Dieu : « Revenez, parce que celui qui vous persécutait est tué. Aussitôt qu'il eut entendu cela, le saint poussa de

grands gémissements, soit à cause de la mort de son ennemi, soit parce que son disciple s'en était réjoui. Il lui infligea une pénitence de ce qu'en lui annonçant; un pareil malheur, il avait eu la présomption de se réjouir de la, mort d'un méchant. Quant à Benoît, il n'évita pas l’ennemi en changeant le lieu de sa demeure : car il vint au mont Cassin, et du temple d'Apollon qui s'y trouvait, il fit un oratoire en l’honneur de saint Jean-Baptiste ; et convertit de l’idolâtrie tout le peuple d'alentour. Mais l’antique ennemi, supportant cela avec peine, lui apparaissait visiblement sous une forme hideuse; sa bouche et ses yeux paraissaient jeter des flammes; il l’insultait en disant : «Benoît, Benoît, » mais comme le saint ne lui répondait rien, au lieu de Benoît, Bénedict; il disait : « Maudit, maudit, pourquoi me persécutes-tu? » Un jour les frères voulaient élever une pierre qui était par terre pour la mettre en oeuvre, mais ils ne pouvaient y parvenir. Des hommes en grand nombre qui étaient là ne pouvaient non plus la soulever, quand l’homme de Dieu arrivant, donna sa bénédiction et la pierre fut, élevée avec la plus grande célérité; ce qui fit juger que le diable était assis dessus et empêchait de la mouvoir. Quand la muraille eut atteint une certaine hauteur, le démon apparut à l’homme de Dieu et lui fit signe d'aller trouver les frères : aussitôt il leur envoya dire par un exprès

« Mes frères, prenez garde à vous, parce que le malin esprit vient vers vous. » A peine le messager, eut-il fini de parler que le démon fait tomber la muraille dont la chute écrasa un jeune religieux. Mais l’homme de Dieu fit apporter le mort tout brisé en un sac, le (358)  ressuscita par une prière et le renvoya à son travail.

Un laïc, homme d'honnête vie, avait coutume, chaque année, de venir à jeun visiter saint Benoît. Un jour qu'il. y venait, s'adjoignit à lui un autre personnage, chargé de vivres, pour son voyage : or, comme il se faisait tard, ce dernier dit : « Frère, venez et mangeons pour que nous ne soyons pas fatigués en chemin. » Sur sa réponse qu'il ne goûterait à aucune nourriture en route, l’autre se tut pour l’heure; peu de temps après, il lui fit encore la même invitation, mais le laïc ne voulut pas céder. Enfin une heure entière s'étant écoulée, dans la fatigue du voyage, ils arrivèrent à un pré avec une fontaine, et où l’on pouvait se reposer et se rafraîchir. Alors le voyageur en lui montrant ce lieu le pria de s'y arrêter un instant pour manger, Ces paroles ayant flatté les oreilles du laïc et le lieu ayant charmé ses yeux, il consentit. Lorsqu'il fut arrivé auprès de saint Benoît, l’homme de Dieu lui dit : « Frère, voici que le malin n'a pas pu vous persuader une première fois, ni une seconde fois, mais la troisième il l’a emporté. » Alors le laïc se jeta à ses pieds et pleura sa faute. — Totila, roi des Goths, voulant éprouver si l’homme de Dieu avait l’esprit de prophétie, donna à un de ses gardés ses vêtements royaux et l’envoya au monastère avec tout l’appareil d'un souverain. Quand Benoît le vit venir, il dit: « Otez, mon fils, ôtez : ce que vous portez n'est pas à vous. » Celui-ci se jeta à l’instant à terre, et il eut une grande frayeur d'avoir osé vouloir se jouer d'un si, grand homme. — Un clerc, tourmenté par le diable, fut amené à Benoît pour en recevoir guérison, et quand (359) le diable eut été chassé de son corps, Benoît dit : « Allez et dorénavant ne mangez pas de viande, et n'approchez pas des saints ordres : car le jour où vous aurez la présomption de les recevoir, vous appartiendrez au démon. » Le clerc garda cette recommandation un  certain temps; mais voyant que l’époque approchait de passer des ordres mineurs aux ordres sacrés, il ne tint pas compte des paroles du saint, comme si un long espace de temps les lui eût fait oublier, et reçut l’ordre sacré. Mais aussitôt le diable, qui l’avait quitté, s'empara de lui et ne cessa de le tourmenter jusqu'à ce qu'il lui eût fait rendre l’âme. - Un homme envoya, par un enfant, à saint Benoît, deux flacons de vin; or, l’enfant en cacha un dans le chemin et porta l’autre; l’homme de Dieu reçut avec reconnaissance cet unique flacon et donna cet avis à l’enfant lors de son départ : « Mon fils, garde-toi de boire de ce flacon que tu as. caché; mais incline-le avec précaution et regarde ce qu'il contient. » Celui-ci se retira tout confus : en revenant, il voulut s'assurer de ce que le saint lui avait dit; et quand il eut incliné le flacon, aussitôt il en sortit un serpent. — Une fois, l’homme de Dieu soupait alors qu'il faisait nuit; un moine, fils d'un avocat, l’assistait en tenant une lampe, et par esprit d'orgueil se mit à penser à part soi : « Quel est cet homme pendant le repas duquel j'assiste, auquel je tiens une lampe, que je suis réduit à servir? Qui suis-je moi pour que je sois son serviteur? » Aussitôt l’homme de Dieu lui dit : « Fais le signe de la croix sur ton coeur, mon frère, fais le signe de croix sur ton coeur; qu'as-tu à dire? » Et il appela les (360) frères, leur dit de prendre la lampé de ses mains ; pour lui, il le fit aller au monastère et lui commanda de rester en repos: — Un Goth appelé Zalla, hérétique arien du temps du roi Totila, exerça avec fureur des actes atroces de cruauté contre les personnes religieuses appartenant à la foi catholique; tout clerc ou tout moine qui venait en sa présence, ne sortait pas de ses mains la vie sauve. Un jour, poussé par l’esprit d'avarice et ne pensant que rapine, ce roi faisait endurer à un habitant de la campagne des tourments cruels, et lui infligeait différentes torturés; vaincu par la douleur, le paysan déclara avoir mis sa personne et ses biens sous la protection du serviteur de Dieu, Benoît. Le bourreau le crut et cessa de tourmenter le patient qui revint à la vie. Mais en cessant de le tourmenter, Zallalui fit lier les bras avec de fortes courroies, et le fit marcher en avant de son cheval pour qu'il lui montrât ce Benoît qui avait reçu son;bien. Le paysan marcha donc devant lui, les bras liés, et le mena au monastère du saint homme qu'il trouva seul assis à,la porte de sa cellule et faisant une lecture. Le paysan, dit à Zalla qui le suivait par derrière et qui le tourmentait : « Voici celui dont je vous ai parlé, le Père Benoît. » Zalla; l’esprit échauffé, le regarda avec un air méchant et croyant agi avec lui comme avec les autres, il se mit à crier de toutes ses forces en disant : « Lève-toi, lève-toi; rends les biens de ce rustaud : rends ce que tu as pris. » A cette voix, l’homme de Dieu leva vite les yeux, cessa de lire, puis jeta un coup d'oeil sur Zalla et sur le paysan qu'il remarqua être tenu par des liens: Ayant tourné les yeux (361) vers les bras de cet homme, les courroies qui le liaient se détachèrent miraculeusement avec une telle vitesse que personne, tout habile qu'il eût été, n'eût pu le faire en si peu de temps. Le captif ayant été soudain mis en liberté, Zalla, effrayé d'un pareil trait de puissance, se jeta contre terre et baissant sa tête cruelle jusqu'aux pieds du saint, il se recommanda à ses prières. Quant au saint homme, il ne se leva pas, il n'interrompit point sa lecture mais il appela les frères auxquels il enjoignit d'introduire Zalla dans la maison pour y recevoir la bénédiction. A son retour, il l’avertit de ne plus se livrer à de pareils excès de cruauté. Zalla prit une réfection, s'en alla, et ne s'avisa plus de réclamer rien du paysan que l’homme de Dieu avait délié non pas avec les mains, mais de son regard.

A une époque, la famine exerçait ses ravages sur le pays de la Campanie. On était en proie à la disette et déjà au monastère de saint Benoît le blé manquait ; presque tous les pains avaient été mangés, de sorte qu'il n'y en avait plus que cinq pour la collation des frères. Le vénérable abbé, qui les voyait tous consternés, s'attacha à les reprendre avec modération de leur pusillanimité, et à les encourager peu à peu par des promesses, en disant : « Pourquoi donc votre esprit est-il dans la tristesse de ce qu'il n'y a pas de pain? Aujourd'hui, Il est vrai, il est en petite quantité, mais demain, il y en aura en abondance. » Or, le jour suivant, on trouva devant la porte du couvent deux cents boisseaux de farine dans des sacs que le Dieu tout puissant avait envoyés sans qu'on sache encore à présent par quels moyens. A cette vue, les frères (362) rendirent grâces à Dieu et apprirent qu'il ne fallait s'inquiéter ni de l’abondance ni de la disette. — On lit encore, qu'un homme avait un fils attaqué d'un éléphantiasis * en sorte que déjà ses cheveux tombaient, sa peau s'enflait et il n'était plus possible de cacher la sanie qui allait en augmentant. Le père l’envoya à Benoît qui lui rendit, subitement sa santé première. Ils en témoignèrent de grandes grâces à Dieu et dans la suite l’enfant persévéra dans de bonnes oeuvres, et mourut heureusement dans le Seigneur. — Lé saint avait envoyé un certain nombre de frères en un endroit pour y élever un monastère, et les prévint que tel jour il viendrait les voir pour leur donner le plan des constructions. Or, la nuit qui précédait le jour indiqué, il apparut en songe à un moine qu'il avait mis à la tête de l’oeuvre et à son prévost, et leur désigna en détail chacun des endroits où ils devaient bâtira Mais comme ils n'ajoutaient pas foi à la vision qu'ils avaient eue et qu'ils attendaient le saint, à la fin ils retournèrent le trouver et lui dirent: « Père, nous attendions que vous viendriez comme vous l’aviez promis, et vous n'êtes pas venu. » Il leur dit : « Frères, pourquoi dire cela? Ne vous ai-je point apparu et ne vous ai-je, pas désigné chaque endroit? Allez et disposez tout ainsi que vous l’avez vu. »

Non loin du monastère de Benoît, vivaient deux religieuses de noble lignée, qui ne contenaient pas leur langue; parleurs propos indiscrets, elles portaient

 

* Maladie qui rend la peau rugueuse comme celle de l’éléphant.

 

souvent à la colère leur supérieur : celui-ci en informa l’homme de Dieu qui fit donner cet avis aux religieuses : « Réprimez votre langue, autrement je vous excommunierai (excommunication qu'il ne lança pas par ces paroles, mais dont il les menaça). Ces religieuses ne changèrent point et moururent quelques jours après, elles furent ensevelies dans l’élise. Mais pendant la messe et quand le diacre dit comme de coutume : « Que celui qui n'est pas de la communion sorte dehors,» la nourrice de ces religieuses, qui toujours offrait l’oblation pour elles, les vit sortir de leurs tombés, et sortir de,l’église : ceci ayant été rapporté à Benoît, le saint donna de ses propres mains une offrande en disant : « Allez et présentez cette offrande pour elles, et elles ne seront plus excommuniées désormais. » Ce qui ayant été exécuté, lorsque le diacre chantait la formule d'ordinaire, on ne les vit plus quitter l’église. —  Un moine était sorti pour visiter ses parents sans avoir la bénédiction, et le jour qu'il arriva chez eux, il mourut. Quand il fut enterré, la terre le rejeta une première et une deuxième fois. Ses parents vinrent trouver saint Benoît et le prièrent de lui donner sa bénédiction. Il prit alors le corps de N. S. et dit : « Allez poser ceci sur la poitrine du mort et ensevelissez-le ainsi. » On le fit et la terre garda le corps ainsi enseveli et ne le rejeta plus. — Un moine, qui ne voulait pas rester dans le monastère, insista tant auprès de l’homme de Dieu que celui-ci, tout contrarié, lui permit de s'en aller. Mais il ne fut pas plutôt hors du cloître qu'il rencontra en son chemin un dragon, la gueule ouverte. Dans l’intention de s'en (364) garer, il se mit à crier : « Accourez, accourez, il y a un rayon ; il me veut dévorer. » Les frères accoururent, mais ne trouvèrent point de dragon,; alors ils ramenèrent au monastère le moine tout tremblant et ébranlé. Il promit à (instant que jamais il ne sortirait du moustier. — Une famine extraordinaire ravageait tout le pays et l’homme de Dieu avait donné aux pauvres tout ce qu'il avait pu trouver; en sorte qu'il ne restait, dans le monastère, qu'un peu d'huile dans un vase de verre; il commanda alors au célérier de donner ce peu d'huile,à un pauvre. Le célérier entendit bien ce que saint Benoit lui commandait, mais il se décida à faire fi de ses ordres, parce qu'il ne restait plus d'huile pour les frères. Dès que l’homme de Dieu s'en aperçut, il commanda de jeter le vase de verre avec l’huile par la fenêtre afin qu'il ne restât rien dans le monastère contre l’obéissance. On jeta donc le vase qui tomba sur des blocs de pierres, sans que ce vase fût brisé, ni l’huile répandue; alors le saint le fit ramasser et donner,en entier au pauvre. Puis il reprocha au moine sa désobéissance et sa défiance ; il se mit ensuite en prières: aussitôt un grand tonneau qui se trouvait là se remplit d'huile ; elle montait en si grande abondance qu'elle paraissait sourdre du pavé.

Une fois il était descendu pour, faire visite à sa soeur, et comme il était resté jusqu'à l’heure du souper, elle le pria de passer la nuit chez elle : comme il n'y voulait pas consentir, elle s'inclina, appuya la tête sur ses mains pour prier le Seigneur et quand elle se, releva, il se fit de si grands éclairs et du tonnerre (365) si violent, la pluie tomba avec tant d'abondance, qu'il. n'eût su où poser les pieds, quoique un instant auparavant le ciel fût parfaitement serein. Or, en répandant un torrent de larmes, elle avait fait changer la sérénité de l’air, et attiré la pluie L'homme de Dieu tout contristé lui dit : « Que le Dieu tout puissant vous le pardonne, ma soeur; qu'est-ce que vous avez fait? » Elle lui répondit : « Je vous ai prié et vous n’avez pas voulu m’écouter; j’ai prié le Seigneur et il  m’a bien entendue. Sortez maintenant, si vous le pouvez. » Et il en advint ainsi pour qu'ils pussent passer la nuit toute entière en s'édifiant mutuellement dans de saints entretiens. Trois jours après qu'il fut revenu au monastère, en levant. les yeux, il vit l’âme de sa soeur, sous la forme d'une colombe qui pénétrait jusqu'aux profondeurs du ciel: et bientôt il fit porter son corps au. monastère où il fut inhumé dans un tombeau qu'il avait fait préparer pour lui. — Une nuit que le serviteur de Dieu regardait par une fenêtre et priait Dieu, il vit se répandre en l’air une lumière qui dissipa toutes les ténèbres de la nuit. Or, à l’instant tout l’univers s'offrit à ses yeux comme s'il eût été rassemblé sous un rayon de soleil et il vit l’âme de saint Germain, évêque de Capoue, portée au ciel : dans la, suite il put s'assurer évidemment que c'était l’heure à laquelle elle, quitta le corps du prélat.

            L'année même de sa mort, il en prédit le jour à ses frères : et avant le sixième qui précéda son trépas, il fit ouvrir son sépulcre. Bientôt il fut saisi de la fièvre, et comme la faiblesse augmentait à chaque instant, le sixième jour, il se fit porter à l’oratoire, où il se (366) prépara à la mort par la réception du corps et du sang de N. S.; alors, soutenant ses membres défaillants sur les mains des frères, il se tint debout, les yeux élevés vers le ciel et rendit son dernier soupir en priant. Le jour même que l’homme de Dieu passa de cette vie au ciel, deux frères, dont un était dans sa cellule, et l’autre fort éloigné, eurent la même révélation : ils virent une traînée de lumière, ornée de tapis et resplendissante d'une quantité innombrable de lampes, qui, partant de la cellule de saint Benoît, se dirigeait vers le ciel du côté de l’orient. L'un d'eux demanda à un personnage vénérable qui parut tout brillant sur cette trace, ce que c'était que ce chemin qu'ils voyaient, car ils ne le savaient pas, et il leur fut dit : «Voilà le chemin par lequel Benoît, l’homme chéri de Dieu, monte au ciel. » II fut inhumé dans l’oratoire de saint Jean-Baptiste qu'il avait construit lui-même sur un autel dédié à Apollon et qu'il avait renversé. Il vécut vers l’an du Seigneur 518, au temps de Justin l’ancien.

 

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