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HOMÉLIES SUR L'OBSCURITÉ DES PROPHÉTIESAVERTISSEMENT.
Ces deux homélies ont été prononcées à Antioche : Il résulte, en effet, d'un passage de la seconde que saint Jean Chrysostome n'était pas alors évêque de la ville où il prêchait. Quant à la date, elle est incertaine. On voit seulement que la seconde homélie fut prononcée mi dimanche quelques jours après la première, et peu de temps avant l'homélie sur ce sujet : Que les démons ne gouvernent point le monde : en ce qui concerne le dernier point, la preuve est un résumé contenu dans ce dernier discours. On a voulu tirer une indication chronologique du passage où saint Chrysostome annonce un discours sur Melchisédech : mais comme il est revenu plusieurs fois sur ce sujet, l'indice est insuffisant.
L'authenticité de ce discours a été contestée sur ce fondement que l'orateur fait de Sennachérib, un roi des Perses. Mais cette confusion est fréquente chez saint Jean Chrysostome, et ne prouve rien par conséquent contre l'attribution consacrée de ces dent; homélies qui comptent d'ailleurs parmi les plus célèbres et les plus intéressantes.
PREMIÈRE HOMÉLIE. COMMENT IL ÉTAIT AVANTAGEUX QUE LES PROPHÉTIES CONCERNANT LE CHRIST LES GENTILS ET LA RÉPROBATION DES JUIFS FUSSENT OBSCURES.
ANALYSE.
1. Difficultés attachées à l'explication des prophètes.
2. Texte de saint Paul relatif à Melchisédech. Double mystère de la double génération du Christ.
3. Obscurité des prophéties. Raison tirée du caractère des Juifs et de leur fureur contre les prophètes qui les menaçaient.
4. Que les Juifs seraient allés, dans leur fureur, jusqu'à détruire les saints Livres. Exemple tiré de l'histoire de Jérémie et de Baruch, et, à ce propos, conciliation de la liberté humaine avec la prescience divine.
5. Fin de la même histoire.
6. Que l'Ancien Testament n'est obscur que dans la partie qui concerne la réprobation des Juifs, la vocation des Gentils et l'abrogation de la loi.
7. Accord de la loi et de la grâce.
1. Je veux aujourd'hui vous servir un festin, prophétique ; je me dispose à lancer ma parole sur l'océan de la sagesse d'Isaïe. Mais comment m'y prendre? J'ai peur, je tremble qu'une fois sortis du port, et parvenus aux pensées du prophète, tant de profondeur ne nous donne le vertige, accident fréquent chez les navigateurs novices. Ceux-ci n'ont pas plus tôt (454) quitté la terre, vu les flots entourner leur vaisseau, et tout disparaître, hors la mer et le ciel, que le vertige les saisit, et qu'ils croient voir leur esquif tourner avec la mer. Mais ces illusions ne sont pas produites par la mer ; elles n'ont d'autre cause que l'inexpérience du nautonnier. On voit d'autres matelots se jeter tout nus dans la mer et plonger, sans rien éprouver de pareil: au fond de l'océan ils se trouvent plus en sûreté que ceux qui restent sur le pont, et bien que l'eau salée leur entre dans la bouche, dans les yeux, dans tout le corps, ils ne se trouvent point gênés. Tels sont les avantages que procure l'exercice , tels sont les inconvénients de l'inexpérience: tant il est vrai que le premier nous apprend à braver jusqu'aux périls , tandis que l'autre nous met en défiance et en crainte, même en l'absence de tout danger. Les uns, assis sur le tillac, n'ont qu'à regarder pour être pris de vertige : les autres conservent leur sang-froid même au milieu des vagues. Il en est de même pour notre coeur : lui aussi, il subit souvent les assauts de vagues plus terribles que les tempêtes de la mer: c'est l'orage de la colère qui bouleverse notre âme jusque dans ses profondeurs; c'est le souffle de la concupiscence qui jette le désordre dans notre entendement. Mais l'homme sans expérience, celui qui ne s'est pas exercé, perd la tête dès que l'orage a commencé, se trouble, laisse la passion submerger, le naufrage engloutir son âme: au contraire, l'homme expérimenté, celui qui s'est habitué à supporter noblement les épreuves de ce genre, élève sa raison au-dessus des passions, l'assied , comme un pilote, au gouvernail, et ne se lasse point de faire tous ses efforts qu'il n'ait dirigé son esquif vers le port tranquille de la philosophie. Ce qui se passe sur mer, ce qui est vrai également du coeur, se rencontre également dans l'interprétation des Ecritures une fois embarqués sur cette mer , nous sommes inévitablement troublés, déconcertés; non que la mer soit redoutable, mais parce que nous, les passagers, nous manquons d'expérience. Voulez-vous vous convaincre qu'un discours naturellement très-simple, peut devenir difficile pour des auditeurs inexpérimentés? Ecoutez le témoignage de Paul. Après avoir dit que le Christ a été pontife selon l'ordre de Melchisédech, il poursuit, sur la question de savoir ce que c'est que Melchisédech : «Sur quoi nous « aurions beaucoup de choses à dire, et difficiles à expliquer. » (Hébr. V, 11.) Qu'est-ce à dire, ô bienheureux Paul? Vous auriez de la peine à expliquer ces choses , vous investi de la sagesse spirituelle, vous qui avez ouï les secrètes paroles, vous qui avez été ravi au troisième ciel ? Si vous avez de la peine à les expliquer, qui donc les comprendra? Si j'ai de la peine à les expliquer, répond-il, ce n'est pas qu'elles soient, eu elles-mêmes, difficiles, c'est à cause du peu d'intelligence des auditeurs. En effet, après ces mots : « Difficiles à expliquer, » il ajoute: « Parce que vous êtes devenus peu capables d'entendre. » Voyez-vous bien que ce n'est pas la nature des paroles, mais l'inexpérience des auditeurs qui fait toute la difficulté ? Et non-seulement elle rend difficile ce qui était aisé, mais elle rend long ce qui était court: voilà pourquoi Paul ne dit pas seulement que ce sujet est difficile, ruais encore qu'il est long, et rejette ces deux inconvénients, la longueur comme la difficulté, sur l'incapacité de ceux qui l'écoutent. S'il est nécessaire d'offrir au malade des mets variés, et non pas seulement quelques aliments préparés à la hâte, afin qu'il puisse laisser celui qui ne lui plaît pas , et en prendre un autre, ou, si cet autre ne lui agrée pas davantage, se rabattre sur un troisième, ou, sur un quatrième , s'il n'en est pas d'autre qui lui convienne; afin, dis-je, que nous triomphions de ses dégoûts à force de diversité, et que la facilité de choisir ait raison de ses répugnances, on est quelquefois obligé à la même conduite dans les apprêts d'un festin spirituel. Quand nous sommes faibles, il faut multiplier et varier les discours qui nous sont destinés, y semer des paraboles , des exemples , des artifices, des circonlocutions, que sais-je encore ? afin qu'il nous soit aisé de choisir dans le nombre ce qui peut nous convenir. D'ailleurs quelle que fût la difficulté et la longueur de la matière, Paul n'a point voulu priver pour cela ses auditeurs de savoir ce qu'était Melchisédech: En disant « Beaucoup de choses difficiles à expliquer, » il a voulu seulement réveiller leur zèle et raviver leur attention: ce qui ne l'empêche pas de contenter leur avidité en leur offrant le festin désiré. 2. Suivons cet exemple: quelque immense que soit l'océan des prophètes quelques profonds abîmes qu'il recèle, hasardons-nous sur cette mer, autant qu'il est en nous, ou plutôt, (455) autant que nous le permettra la grâce d'en haut: ce n'est point par confiance en nous-mêmes, c'est pour votre intérêt que nous affrontons ces périls , suivant en cela même l'exemple de Paul. Je disais qu'il ne frustra pas ses auditeurs de l'instruction concernant Melchisédech. Ecoutez plutôt ce qui suit. Après avoir dit : « Beaucoup de choses difficiles à expliquer, » il ajoute : « Melchisédech, c'est-à-dire roi de justice, et ensuite aussi roi de Salem , c'est-à-dire roi de paix : sans père, sans mère, sans généalogie; n'ayant ni commencement de jours ni fin de vie; ressemblant ainsi au Fils de Dieu, il demeure prêtre à perpétuité. » (Hébr. VII, 4.) Est-ce que vos oreilles n'ont pas été choquées d'entendre Paul dire, en parlant d'un homme: « Sans père, sans mère ? » Et que dis-je, en parlant d'un homme ? Quand il s'agirait du Christ, est-ce que ces mots ne provoqueraient pas une longue recherche? Car si le Christ n'a pas de père, comment est-il le Fils ? S'il n'a pas de père, comment est-il le Fils unique? Un fils doit avoir un père: sans quoi il ne serait pas fils. Mais il est bien vrai : le Fils de Dieu n'a ni père ni mère. Et comment cela? Il est sans père, selon la génération terrestre, sans mère selon la génération d'en-haut : ici-bas il n'a pas eu de père, il n'a pas eu de mère au ciel. « Sans généalogie. » Ecoutez, vous qui disputez sans fin sur son essence. Cependant quelques-uns pensent que cette expression : « Sans généalogie » concerne la génération céleste. Pour les hérétiques, ils n'admettent pas même cela ; cette génération même est l'objet de leurs recherches, de leur curiosité indiscrète. D'autres, plus réservés, cèdent sur ce point, mais n'admettent pas que cette expression : « Sans généalogie, » concerne aussi la génération d'en-bas. Montrons donc; que Paul en parlant ainsi, a eu en vue les deux générations, celle d'en-haut et celle d'ici-bas. En effet, si celle-là est redoutable, celle-ci est également mystérieuse. De là cette parole d'Isaïe : « Sa génération, qui la racontera? » (LIII, 8.) Mais, dira-t-on, il s'agit ici de la génération céleste. Alors , que dirons-nous à Paul, qui rappelle les deux générations, et ajoute ensuite « sans généalogie? » Car c'est après avoir dit « sans père, sans mère, » qu'il poursuit en disant « sans généalogie , » afin que vous le considériez comme privé de généalogie , à la fois selon la génération suivant laquelle il n'a point de mère, et selon celle suivant laquelle il est sans père , je veux dire la génération d'ici-bas. Voilà pourquoi ce n'est qu'après avoir fait mention de l'une et de l'autre, qu'il ajoute : « sans généalogie. » En effet, celle d'ici-bas est elle-même incompréhensible, afin que nous n'osions pas même porter nos regards sur l'autre. Car si le portique du temple est si majestueux, si redoutable, comment oserait-on pénétrer dans le sanctuaire ? Que Jésus a été engendré par le Père, je le sais : comment? je l'ignore. Qu'il a été enfanté par une vierge, je le sais : comment cela s'est fait, c'est ce que je ne comprends pas davantage. Nous confessons la génération des deux natures, et gardons le silence sur la manière dont l'une et l'autre ont été engendrées. Et si je reconnais, en ce qui regarde la terre et la Vierge, que Jésus a été mis au jour par une vierge, sans rien comprendre à un pareil enfantement mon ignorance sur ce point ne m'induit pas à nier le fait même. Il faut faire de même en ce qui regarde le Père : quand bien même vous ignorez comment la génération a eu lieu, confessez qu'elle a eu lieu. Que si un hérétique vient vous dire : Comment le Fils a-t-il été engendré par le Père? rabattez vers la terre, son orgueil; dites-lui : Descends des cieux, fais-moi comprendre comment il a été enfanté par la Vierge, et alors tu me renouvelleras ta question. Retenez-le bien, pressez-le de toutes parts, ne le laissez pas échapper, ni chercher une retraite dans le labyrinthe des raisonnements. Retenez-le , prenez-le à la gorge, non avec la main, ruais avec la parole, ne lui permettez ni dissertations, ni échappatoires, car c'est ce qu'il désire. S'ils réussissent à nous scanda
Mais si la foi est nécessaire pour les choses terrestres, à plus forte raison l'est-elle pour les choses célestes. Cependant Jésus en cette occurrence parlait à Nicodème d'un enfantement bien moindre: il s'agissait du baptême de la génération spirituelle: eh bien ! il disait que ces choses mêmes ne sont accessibles qu'à la foi. Il les appelait terrestres, non qu'elles aient ce caractère, mais parce qu'elles s'accomplissent ici-bas, et qu'en comparaison de l'ineffable et sublime génération céleste, elles sont véritablement telles. Ainsi donc, s'il est impossible de comprendre comment l'eau peut me régénérer, s'il n'appartient qu'à la foi d'admettre la réalité de ce mystère, sans s'inquiéter de la façon dont il s'accomplit, quelle folie, alors qu'il s'agit de la génération céleste du Fils unique, de recourir aux raisonnements humains, et de demander compte de la manière dont s'est opéré ce miracle. 3. Nous avons suffisamment fait voir comment le Fils unique de Dieu est en effet sans père et sans mère, et comment il est sans généalogie selon les deux générations: revenons maintenant à ce qui presse: remettons à un autre jour ce qui touche Melchisédech, et prêtons une oreille attentive, afin d'entendre les énigmes prophétiques. Les prophéties ressemblent, en effet, à des énigmes: les difficultés abondent dans l'Ancien Testament, et les livres dont il se compose ne sont pas aisés à comprendre: le Nouveau est plus clair et plus simple. Et d'où vient, dira-t-on, cette différence? Cependant le Nouveau Testament nous entretient d'objets plus importants, du royaume des cieux, de la résurrection des corps, des biens ineffables qui surpassent l'intelligence humaine? Quelle est donc la raison de l'obscurité des prophéties? Les prophéties prédisent beaucoup de maux aux Juifs, comment ils seront rejetés, tandis que nous, nous serons appelés; comment le temple sera détruit et ne sera point relevé; comment Jérusalem tombera et sera foulée aux pieds; comment les Juifs, réduits à errer, seront dispersés dans tous les endroits du monde habités; comment, exilés, ils ne conserveront plus leurs anciens usages, et perdront tout ce qu'ils avaient eu jusque là, prophéties, sacrifices, sacerdoce, royauté. En outre, les prophètes leur annonçaient bien d'autres malheurs dont la prédiction remplit leurs livres. Afin donc que les Juifs, entendant trop bien ce langage, ne fissent pas mourir tout d'abord ceux qui le leur tenaient, les prophètes eurent soin de voiler leurs prédictions sous les difficultés de l'interprétation, et de répandre une grande obscurité sur les faits dont ils parlaient: de cette manière l'ambiguïté des paroles devint un abri pour ceux qui les faisaient entendre. Qu'est-ce qui le prouve? Car nous avons vies comptes à rendre, bien que nous parlions devant des amis: qui sait si dans le nombre, il n'y a pas aussi beaucoup de personnes animées d'autres sentiments? Qu'elles s'instruisent donc, elles aussi, afin de prendre rang, à leur tour, parmi nos amis. Je disais que si les Juifs avaient su les maux qui devaient fondre sur eux, la prise de Jérusalem, cette éternelle et irréparable vengeance du Christ, s'ils avaient entendu les prophètes s'exprimer clairement à ce sujet, ils se seraient hâtés de les faire périr. Comment le prouverons-nous? D'abord par leur caractère qui était passionné et féroce. C'était un peuple toujours altéré du sang des prophètes, et dont les mains. étaient exercées an massacre des saints. C'est ce que leur reproche le grand Hélie, en disant « Seigneur, ils ont tué vos prophètes, ils ont ruiné vos autels. » (III Rois, XIX, 10. ) Le Christ dit encore : « Jérusalem, Jérusalem, qui as tué les prophètes, et lapides ceux qui ont été envoyés vers toi. » Isaïe profère une accusation pareille, quand il s'écrie: « Vos mains sont pleines de sang. » (Isaïe, I, 15. ) Et voici une autre parole du Christ: « Vos pères ont tué les prophètes, et vous, vous bâtissez leurs monuments : comblez la mesure de vos pères. » (Matth. XXIII, 31, 32.) Voyez-vous comment et le Maître et les serviteurs attestent cette humeur sanguinaire ? Mais qu'est-ce à dire: « Comblez la mesure de vos pères? » C'est-à-dire, tuez-moi aussi : au meurtre des serviteurs ajoutez le sang du maître. Leurs homicides se comptaient par milliers ; mais ils (457) n'avaient égorgé que des frères en esclavage c'est quand ils eurent porté la main sur le Maître, que la mesure fut comblée. Cela se conçoit : tant qu'ils n'avaient pas tué le Maître, ils avaient l'espoir d'être sauvés et ils comptaient que l'Agneau de Dieu prendrait sur lui les péchés du monde. Mais une fois qu'ils eurent fait périr le médecin, qu'ils eurent attenté au propitiatoire même, qu'ils se furent détournés de Celui qui était venu pour remettre les péchés , ils furent déchus de toutes leurs espérances. De là cette parole : « Comblez la mesure de vos pères. » Je l'accorde, dira-t-on: que les Juifs étaient homicides et sanguinaires, c'est ce qu'établissent bien des témoignages: mais où voyez-vous qu'ils n'auraient pas épargné les prophètes , s'ils avaient été informés par eux de la ruine future de Jérusalem, de la fin de la loi, de la modification de l'Ancien Testament ? D'abord, cela résulte manifestement de ce qui précède mais je veux encore rendre la chose plus évidente, en m'appuyant sur les Ecritures mêmes. Un prophète venait-il à leur dire que Jérusalem était menacée d'une destruction temporaire, au lieu de se convertir, et de détourner d'eux la colère divine , ils déchargeaient leur courroux sur le prophète. L'histoire même va vous montrer la vérité de ce que j'avance. Les Perses, une fois, assiégeaient leur ville; l'armée barbare la bloquait : le péril n'avait rien de problématique, Jérusalem était comme prise au filet, environnée de toutes parts d'hommes armés. Néanmoins, malgré l'évidence du danger, lorsque Jérémie vint dire aux Juifs que la ville serait livrée aux Chaldéens (ce qui n'était pas même une prophétie, car l'avenir apparaissait à tous les yeux), lorsqu'il annonça cette vérité sensible et manifeste, ces pervers, ces fous, ces ingrats, s'emportèrent à un tel excès de démence, qu'ils le considérèrent comme un traître,un ennemi public, et l'accusèrent de paralyser les bras du peuple. (Jérémie, XXXIII, 4. ) Et pourtant il les fortifiait, il réveillait leur zèle, il s'efforçait de les ramener à Dieu, et de mettre autour d'eux ce solide et inexpugnable rempart : mais eux, sans faire attention à tout cela, voulaient qu'on le fît mourir. C'est ainsi qu'ils avaient coutume de rémunérer leurs bienfaiteurs. Et le pardon même du roi n'adoucit point leur colère: ne pouvant faire périr Jérémie, ils le jetèrent dans un marais fangeux. 4. Mais s'ils rie supportaient pas la prédiction d'une captivité temporaire, comment auraient-ils écouté l'annonce de leur perpétuelle servitude. S'ils ne voulurent pas écouter Jérémie qui leur disait : Vous irez à Babylone, et le punirent d'avoir prononcé ces paroles, qu'aurait-ce été, si les prophètes leur avaient dit, non pas, Vous irez à Babylone; mais : Vous serez disséminés dans tout l'univers et vous ne reviendrez plus? N'auraient-ils pas bu le sang de ces téméraires? Mais peut-être ne voyez-vous là qu'une conjecture : Eh bien ! je vais vous donner une preuve irréfutable que les prophètes ne pouvaient sans danger révéler aux Juifs l'avenir, je veux dire leur chute et notre élévation. Dites-moi : Etienne, le premier des martyrs, pourquoi l'ont-ils lapidé? N'est-ce pas cela qu'ils lui reprochaient ? Ne disaient-ils pas : « Cet homme profère des paroles de blasphème ? » Et encore: « Il a dit que Jésus détruirait ce temple, et changerait les traditions que nous a données Moïse. » (Act. VI, 11-14.) Et voilà pourquoi ils l'ont lapidé. Que si alors ils ne souffraient point qu'on leur tînt ce langage, et cela, en présence de la confirmation donnée par les faits eux-mêmes, comment auraient-ils pu se résigner à entendre pareille prédiction sortir de la bouche des prophètes ? Vous avez entendu, mon cher auditeur, que c'est à cause du temple et du changement des institutions qu'ils ont lapidé Etienne. Ecoutez maintenant comment le Christ même a reçu d'eux le même reproche. Il a dit : « Détruisez ce temple et dans trois jours je le relèverai. » (Matth. XXVI, 61 ; Jean, II, 19.) Voyez-vous comment c'était toujours à propos de la destruction du temple et de la réforme des institutions qu'ils s'irritaient? Voilà pourquoi, si les prophètes parlaient de ces choses ils n'en parlaient pas ouvertement. De même, si les Juifs voulaient faire périr Paul, c'est parce qu'il cherchait à leur persuader de renoncer à leurs institutions. « Tu vois, mon frère. combien de milliers de Juifs ont cru, et ils ont tous entendu dire de toi, que tu enseignes le renoncement à la loi. » (Act. XXI, 20.) Les fidèles ne voulaient pas qu'on leur parlât de renoncer à la loi comment donc ceux qui ne croyaient pas encore auraient-ils pu se laisser dire que la loi aurait une fin ? Que les Juifs auraient tué les prophètes, s'ils avaient prédit clairement une chose pareille, c'est ce que nous avons fait voir par des témoignages, celui du bienheureux (458) Jérémie, celui du premier martyr Etienne, celui dit Christ lui-même , ainsi que de l'apôtre Paul. C'est sur les mêmes griefs qu'ils les condamnèrent tous. Mais qu'ils seraient allés jusqu'à brûler les livres prophétiques, s'ils en avaient compris le sens , c'est ce que j'avais essayé de vous prouver à l'aide d'une histoire qui sera d'abord obscure pour vous , mais ne tardera point à s'éclaircir, tant je ferai d'efforts pour vous l'expliquer. Quelle est donc cette histoire? Ecoutez. « Et il arriva, dans la quatrième année de Joachim , fils de Josias , roi de Juda, que le Seigneur dit à Jérémie : Ecris tous les discours que je t'ai tenus depuis le temps de Josias jusqu'à ce jour. (Jérém. XXXVI, I, 2); » c'est-à-dire tous les maux que je me propose de leur faire. Observez la conduite de ce Dieu plein de bonté et de sollicitude. Les Juifs ne voulaient pas entendre les prophéties séparément: Eh bien ! réunis-les toutes, dit-il, et augmente leur terreur, afin que la peur au moins les corrige. Rappelez-vous ce que je veux prouver: qu'ils auraient été jusqu'à détruire les saints Livres, s'ils avaient eu connaissance de ce qui est aujourd'hui réalisé. « Peut-être ils entendront » (il faut continuer l'histoire) « les maux que je me propose de leur faire, et ils se détourneront de leur voie de perdition. » Peut-être? Et c'est Dieu qui parle? Est-ce donc, dites-moi , qu'il ignore l'avenir? Est-ce qu'il ne sait pas si les Juifs entendront ou non , Lui qui sait toutes choses avant qu'elles n'arrivent, Lui qui sonde les reins et les coeurs, Lui qui peut juger les pensées et les projets, Lui aux yeux de qui tout est à nu, à découvert? D'où vient donc qu'il dit: Peut-être ils entendront? Il faut bien vous rendre compte de ce point aussi , à cause de ceux qui accusent d'ignorance le Fils unique. Voici que le Père , également, parle en cet endroit comme un ignorant: car ce mot « Peut« être, » est un signe d'ignorance: mais cette ignorance n'est qu'apparente. Ainsi donc quand vous entendrez faire au sujet du Fils quelque objection pareille , confondez leur cause, à tous deux. Il est le Fils, et il imite constamment le Père. Mais remettons à un autre temps ces discussions, de peur de nous écarter de notre objet, et disons l'origine de cette expression : « Peut-être ils entendront. » Si Dieu avait dit: « Ils entendront, » sans .ajouter . « Peut-être , » il eût dit une chose fausse ; car les Juifs ne devaient pas entendre. S'il avait dit, ce qui était vrai , à savoir qu'ils n'entendraient pas , c'est inutilement qu'il eût dépêché le prophète à des sourds. Et ce n'est pas seulement pour cette raison qu'il a employé des expressions ambiguës, c'est encore afin que sa prescience ne fût pas considérée comme prédéterminant fatalement l'obéissance: sans cela quelques-uns auraient pu dire que Dieu avait prédit, et qu'ainsi l'événement n'était pas douteux: c'est ce qui arrive pour Juda. Dieu avait prédit, diton, qu'il trahirait, et voilà pourquoi il a trahi. Folie ! impudence ! La prescience, entendez-vous, ne saurait être la cause du crime : à Dieu ne plaise ! Elle n'est pas prédéterminante à l'égard des événements futurs, elle est seulement prévoyante. Ce n'est point parce que le Christ avait prédit , que Juda devint traître; c'est parce que Juda devait devenir traître, que le Christ l'a prédit. C'est pour empêcher qu'on ne vînt dire, Dieu a dit, qu'ils n'entendraient pas et leur a fermé la porte du repentir , c'est pour prévenir une pareille objection, que Dieu a dit au prophète: « Peut-être ils entendront.» 5. Souvenez-vous de ce que je veux établir: Si je ne cesse de vous le rappeler, c'est afin que vous n'oubliiez pas, quand je serai arrivé à la solution, la question que nous nous sommes posée en commençant. Quelle est donc notre proposition ? C'est que si les Juifs avaient pressenti les malheurs qui devaient fondre sur eux (je parle de ceux auxquels ils sont maintenant en proie), ils seraient allés jusqu'à détruire les livres, et n'auraient pas même respecté les saintes Ecritures. Mais revenons à notre histoire. « Ayant ouï cela, Jérémie appelle son disciple Baruch, fils de Nérias , et lui dit : « Ecris sur un livre tous les maux qui doivent leur arriver. (Jér. XXXVI, 4.) » Qu'est-ce à dire? Dieu t'a donné une commission et tu envois ton disciple? Est-ce que tu trembles? Est-ce que tu as peur? Est-ce que tu es intimidé? Et si tu as peur, comment ton disciple aura-t-il assez de courage ? mais ce n'est rien de tout cela ; la raison est. tout à côté. Après avoir dit : Ecris et lis , il ajoute : « Car pour moi je suis retenu en prison. » O grandeur d'âme ! Il était en prison, et il ne renonçait pas pourtant à prophétiser. Contemplons le courage de ce juste , admirons la sagesse de son âme. Il ne dit pas : Tous mes malheurs sont une (458) conséquence de ma franchise ; j'ai prodigué en vain mes paroles, sans aucun profit ni pour les autres , ni pour moi ; des chaînes, voilà tout ce que j'y ai gagné; et Dieu ne m'a pas encore affranchi de mes liens, qu'il me renvoie vers ces bêtes féroces. Il ne dit, ne pensa rien de pareil ; il ne songeait qu'à une chose : au moyen d'exécuter l'ordre du Seigneur ; et attendu que par lui-même il en était incapable, il employa son disciple à cette oeuvre : « Dis-leur, » dit-il , « et dis-leur tous les maux; car pour moi je suis retenu en prison. » Jérémie dit, et Baruch écrivit. sur un livre. C'était temps de jeûne, quand ces choses se passaient, une fête approchait qui attirait tout le monde à la métropole; la réunion devait être générale, car l'assemblée avait à s'occuper d'affaires pressantes. « Baruch entra devant les magistrats , et il lut aux oreilles des magistrats toutes ces paroles. » Il en dit, de plus, la raison : « Peut-être votre miséricorde tombera-t-elle devant la face du Seigneur. » C'était pour qu'ils ne crussent point qu'il parlait en accusateur , et qu'ils s'adoucissent en apprenant qu'il venait à eux pour leur intérêt. Que font alors ces hommes? Au lieu de le remercier, de le louer, de l'admirer comme ils auraient dû le faire , ils vont rapporter au roi ce qui était écrit dans le livre, et déposent ce livre dans la maison d'Elisama. Et le roi ayant « envoyé Judi » (un des hommes de son entourage), « ordonna que le livre lui fût apporté ; et le roi était assis dans sa demeure d'hiver. » On était, en effet, dans le neuvième mois, c'est-à-dire en novembre, Jérémie comptant à commencer par mars. Ceci même est à remarquer, car s'il avait compté à partir de septembre , on n'aurait pas été en hiver. Mais à quoi bon ce détail ? La suite vous en fera voir clairement l'utilité. « Et un foyer était devant lui ; » c'est-à-dire un brasier, parce qu'il faisait froid. Voyez-vous comme la divine Ecriture n'omet rien ? Un brasier allumé était devant le roi; autour de lui, ses officiers; on apporta ce livre précieux (prédire les maux n'est-ce pas y apporter remède?), et on en fit lecture. Veuillez ne pas oublier, je vous prie, où j'en veux venir. « Et quand trois pages furent lues , ayant pris le canif, il coupa le livre et le jeta dans le brasier allumé , jusqu'à ce que le livre eût péri tout entier. » Eh bien! voyez-vous comment ils n'épargnent pas même les livres, ne respectent pas même les saintes Ecritures? Parce qu'il était question de l'asservissement de Jérusalem , ce livre fut déchiré, et le rôt, faute d'avoir sous sa main le prophète, déchargea sa colère sur ce qu'il avait écrit. Celui qui sévissait ainsi contre un objet inanimé, qu'aurait-il fait à un être vivant, s'il l'avait tenu en son pouvoir? Les bêtes féroces qui ont saisi ceux qui les assaillent, voient-elles ceux-ci leur échapper en laissant entre leurs dents les peaux dont ils sont couverts, elles assouvissent leur colère en rongeant ces vêtements : ainsi fit le roi. Faute d'avoir trouvé le possesseur du livre, il déchira le livre même ; et il ne se contenta pas de le déchirer, il alla jusqu'à le jeter dans le brasier allumé, afin qu'il ne restât pas un vestige des choses qui y étaient écrites. Mais vous ne connaissez pas encore toute sa fureur : vous en serez instruits, si vous suivez bien cette relation. Jérémie ne dit pas que le roi brûla le livre après l'avoir lu, mais « après en avoir lu trois ou quatre pages, il le déchira. » Il n'attendit pas même la fin de la lecture , le préambule même suffit déjà pour l'exaspérer. Voilà pourquoi il n'eût pas été sûr, pour les prophètes juifs, de révéler clairement tous les malheurs futurs. Si ce roi ne put supporter la prédiction d'une captivité temporaire, comment aurait-il enduré l'annonce de la captivité perpétuelle? Que dis-je? le roi ne s'en tint pas là : il fit chercher partout le prophète, dit l'Ecriture; mais il ne le trouva point : car Dieu le cacha. Il le cacha dans une retraite; quant aux autres prophètes, il les abrita derrière l'obscurité de leur langage. 6. Mais ce n'est pas cette histoire seule qui prouve clairement qu'il était téméraire et périlleux, chez les Juifs , de prédire la gloire et les honneurs réservés aux Gentils, et la déchéance dont les Juifs eux-mêmes étaient menacés : ce sont encore les paroles de Paul. Paul, voyant un prophète toucher un mot de cette prédiction et annoncer , dans un langage plus clair que celui des autres, notre fortune et l'infortune des Juifs , demeure étonné et confondu de son audace , et s'exprime ainsi : « Mais Isaïe ne craint pas de dire : J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, je me suis montré à ceux qui ne me demandaient pas. J'ai dit me voici, à la nation qui n'avait pas invoqué mon nom.» (460) (Rom. X, 20; Isaïe, LXV, 1.) Si la prophétie n'avait pas été périlleuse, comment s'expliqueraient ces mots de Paul : « Isaïe ne craint pas de dire : « J'ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas? » Grande accusation contre les Juifs, en vérité; ceux qui ne cherchaient pas trouvèrent, et ceux qui cherchaient ne réussirent pas; ceux qui n'avaient pas entendu crurent, et ceux qui avaient entendu crucifièrent. Voilà pourquoi Paul appelle Isaïe audacieux. C'était, en effet, une marque d'audace extrême, de faire entendre, sans ménagement, les accusations, au milieu des accusés; de prononcer une prophétie qui les dépouillait de leurs honneurs, et admettait d'autres à la gloire due à eux-mêmes. Ceux qui l'écoutaient cessaient d'être ses juges et devenaient tous ses accusateurs. Or comment se soustraire au péril, quand, pour juges, on n'a que des ennemis ? Voilà pourquoi Paul a dit : « Il ne craint pas de dire. » Mais je veux rendre ce point encore plus évident pour vous. Si les Ecritures n'ont parlé de nous et des Juifs qu'avec ambiguïté, c'est afin que les Juifs n'en comprissent pas le langage avant le temps fixé. J'en atteste la grande voix de Paul, cet organe du ciel, cette trompette des cieux, ce vase d'élection, ce paranymphe du Christ. « Je vous ai fiancés, » dit-il, « à un époux unique, au Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge pure.» (II Cor. XI, 2.) Voilà le témoin que je produis devant vous pour vous attester clairement que telle est la raison qui a fait jeter de l'obscurité sur certaines, parties de l'Ancien Testament, non sur la totalité: car si tout avait été obscur, c'est en vain qu'un tel langage aurait été tenu aux hommes d'alors. Il est question dans les prophéties des guerres temporaires qui éclatèrent alors, de pestes, de famines : elles contiennent encore ce qui est accompli aujourd'hui, la vocation de l'Eg
Maintenant, si vous voulez vous convaincre que toutes les prophéties n'étaient pas obscures, et que cette partie seule était enveloppée, écoutez Paul qui établit clairement ces deux vérités, à savoir que la loi était laissée dans l'ombre ; mais pour cette partie seulement, écrivant aux Corinthiens, il leur tient à peu près ce langage: « Ayant donc une telle espérance, nous usons d'une grande liberté; et non comme Moïse, qui mettait un voile sur son visage, pour que les enfants d'Israël ne regardassent pas ce qui devait disparaître; aussi leurs esprits se sont hébétés. Car jusqu'à ce jour le même voile demeure sans être levé, lorsqu'ils
7. Ce voile nous donne encore un autre enseignement: c'est que les Juifs voient la loi de la même manière qu'ils voyaient alors Moïse. Ainsi qu'alors ils ne pouvaient apercevoir le glorieux visage du législateur derrière le tissu qui le couvrait, de même aujourd'hui la gloire (461) de la loi échappe à leurs regards. Enfin, ce même voile nous est encore nécessaire pour que nous l'opposions aux hérétiques. Ceux-ci, voyant dans le texte cité une condamnation de la loi, se sont armés de ce passage de l'Epître : en y trouvant que la loi porte un voile, qu'elle est abrogée, ils ont vu là une accusation portée contre elle, et ont renoncé aux Ecritures, mais pour succomber à leurs propres raisonnements. Cela même, en effet, prouve la grandeur de la loi. Si le voile mis alors sur la face de Moïse ne compromettait en rien sa majesté, et témoignait seulement de la, faiblesse des Juifs, que dis-je? s'il rendait à Moïse le plus magnifique hommage, à Moïse, dont le visage rayonnait d'une gloire telle, qu'il ne pouvait plus se montrer sans voile aux autres serviteurs de son Maître, il en est de même pour la loi. Si la loi n'eût pas été revêtue d'une gloire inaccessible, elle n'aurait pas eu besoin d'un voile. Ainsi donc lorsque Paul nous dit «qu'un voile demeure sur la lecture de l'Ancien Testament, » il fait allusion à son obscurité; mais quand il ajoute, « Sans être levé, parce que c'est par le Christ qu'il s'enlève, » il nous indique quelle est la partie de la loi qui est obscure. Ce qui est obscur dans la loi, ce n'est pas ce qui regarde la conduite et les institutions ; sans cela, elle eût été octroyée inutilement; les parties obscures sont seulement celles qui pouvaient nous instruire de l'abrogation qui devait être opérée parle Christ. En effet, c'est encore un trait de la sagesse divine, que d'avoir fait prédire par la loi même qu'elle serait abrogée par la venue du Christ, et que ce temps marquerait sa fin. C'est justement cette partie de la loi où est prédite cette abrogation, qui seule était obscure. Le grand Paul n'indique pas autre chose, lorsqu'il ajoute : « Sans être levé , parce que c'est par le Christ qu'il s'enlève. » Comme en entendant dire qu'un voile est sur la lecture de l'Ancien Testament, vous pourriez croire qu'il est obscur et ambigu dans son entier, Paul a soin de vous prémunir aussitôt contre ce faux soupçon. Il vient de dire : «Un voile reste sur la lecture de l'Ancien Testament; » il ajoute : «Sans être levé, parce que c'est par le Christ qu'il s'enlève.» Ce qui n'a pas été révélé, c'est justement cette abrogation par le Christ: cela n'a pas été révélé à ceux qui ne s'approchaient pas dans un esprit de foi. Quant à celui qui s'approche muni de la grâce du Saint-Esprit, il voit la loi sans voile, il en contemple la gloire toute nue. Or la gloire de la loi, sachez-le bien, c'est d'avoir pu enseigner qu'il appartient au Christ de l'abroger. Sa vraie gloire, cest d'avoir été en état de vous initier au Christ ; or, elle vous initie, en indiquant sa propre abrogation. De sorte que nous trouvons ici l'occasion de porter un coup mortel aux hérétiques. Si la loi était hostile et contraire au Christ, au lieu d'être son ouvrage, Paul n'aurait point parlé de sa gloire, en souvenir de ce qu'elle a pu instruire ceux qui la suivaient, qu'il appartenait au Christ de l'abroger. Si la loi était mauvaise, il ne fallait pas que son voile tombât; même le temps de la grâce venu, elle devait rester voilée et obscure. Mais si c'est. une vertu de la grâce de rendre ses fidèles plus perspicaces quand il 's'agit de comprendre la loi, si bien qu'ils n'y trouvent que motifs et raisons de croire dans le Christ; y a-t-il une preuve plus frappante de la parenté qui existe entre la grâce et la loi, que d'une part, cette clairvoyance donnée par le Christ à ses disciples, pour comprendre le régime de la loi , et d'autre part, le secours que prête celle-ci, bien connue et bien comprise, à ceux qui sont initiés à la doctrine du Christ, pour les acheminer à la vie éternelle? Cela ne montre point que le Christ soit en opposition avec la loi, ni la loi en guerre avec le Christ; on y voit tout le contraire : la loi, d'un côté, frayant la voie à la sublime sagesse chrétienne, de l'autre, le Christ, prenant l'homme à ce degré pour le conduire au plus haut sommet. Pour tant de bienfaits, rendons grâces au bon Dieu qui règle chaque chose suivant l'opportunité, dont l'industrie se multiplie pour notre salut, et, autant qu'il est en nous, montrons une conduite digne de sa bonté et de son inépuisable providence, afin d'obtenir les biens éternels, auxquels puissions-nous tous parvenir, par la grâce et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire, honneur, puissance, au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il !
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