|
|
HOMÉLIE CONTRE CEUX QUI ONT ABANDONNÉ L'ÉGLISE, POUR ALLER AUX JEUX DU CIRQUE ET DU THÉÂTRE.
AVERTISSEMENT ET ANALYSE.
Voir la vie de saint Jean Chrysostome, tome I, page 3-29-330.
1. Indignité de la conduite de ceux qui ont quitté l'Eg
2. Leur ingratitude après la preuve éclatante qu'ils viennent de recevoir de la bonté de Dieu.
3. Comment se justifieront-ils au tribunal de Dieu. Immoralité et dangers du théâtre.
4. Nécessité de ramener les coupables par de bons conseils, et s'ils résistent par la rigueur et même l'excommunication. Il réclame le concours de tous les fidèles en vue de leur propre salut.
1. Peut-on supporter, peut-on souffrir pareille chose ? Je veux vous prendre pour juges contre vous-mêmes. Ainsi Dieu fit autrefois avec les Hébreux, il les prit pour juges contre eux-mêmes, en leur disant: « Mon peuple, que t'ai-je fait, en quoi t'ai-je affligé, en quoi t'ai-je constristé ? Réponds-moi. » (Mich. VI, 3.) Et ailleurs : « Quelle faute tes pères ont-ils eu a à me reprocher ? » (Jérém. II, 5.) Je l'imiterai, et je vous demanderai encore : Peut-on supporter , peut-on souffrir pareille chose? Après que ma voix a tant de fois fourni sa carrière, après un si long enseignement, plusieurs m'ont abandonné, pour aller voir courir des chevaux, et ils se sont livrés à de tels excès, qu'ils ont rempli la ville entière de bruit et de clameurs désordonnées, et provoqué les rires ou plutôt la tristesse. Pour moi, renfermé dans ma demeure, au bruit de ces voix retentissantes, je souffrais plus cruellement que les malheureux battus par la tempête. Ceux-ci, quand les flots se brisent contre les flancs de leur navire, se sentent en péril de mort et tremblent : plus effrayants encore retentissaient en moi ces cris furieux, et je baissais les yeux à terre, et je me voilais la face : quoi ! les uns, dans les places élevées, s'afficher aussi honteusement ! les autres, dans le bas, au milieu de la foule, applaudir ainsi les cochers, et crier plus fort qu'eux ! Que répondrons-nous donc? Comment nous disculperons-nous, si quelque étranger vient à nous accuser et à dire: Est-ce ainsi que se conduit la ville des apôtres? La ville dans l'Eg
2. Ne savez-vous pas que, si nous réclamons de nos serviteurs, quand nous leur remettons de l'argent, un compte exact et jusqu'à la dernière obole, Dieu, lui aussi, nous demandera compte des jours de notre vie, et de la manière dont nous avons dépensé chacun d'eux ? Que répondrons-nous? Comment nous justifierons-nous, quand il nous demandera compte de ce jour ? Four vous le soleil s'est levé, la lune a éclairé la nuit, et le choeur infini des étoiles a Brillé; pour vous les vents ont soufflé et les fleuves ont coulé ; les semences ont germé, les plantes ont poussé, et la nature a suivi son cours ordinaire : le jour a lui et la nuit a suivi et tout cela s'est fait pour vous; et vous, ainsi servis par toute la création, vous en profitez pour combler les voeux du démon ! Dieu vous a loué cette splendide demeure, qu'on appelle le monde, et vous ne le payez pas ! Et il ne vous a pas suffi d'un jour de désordres ! mais le lendemain, quand vous deviez prendre quelque répit après l'infamie de la veille, vous retourniez au théâtre; vous couriez de la fumées au feu, vous vous jetiez dans un nouveau gouffre plus effroyable ! Des vieillards souillaient leurs cheveux blancs, des jeunes gens ruinaient leur jeunesse, des pères amenaient leurs fils, se hâtant de plonger des enfants innocents dans l'abîme de l'iniquité, bien dignes certes de recevoir, au lieu du nom de pères, celui d'assassins de leurs fils, pour tuer ainsi dans le vice l'âme de ceux qu'ils ont engendrés! - Et dans quel vice, dites-vous? Ah ! je souffre de ce que, malades, vous ne voyez pas votre mal, pouf appeler au moins le médecin ! Vous vous êtes remplis d'adultère; et vous demandez quel vice? N'avez-vous pas entendu le Christ dire : « Celui qui a jeté sur une femme un regard de convoitise, a déjà commis l'adultère avec elle. » (Matth. V, 28) ? Eh bien ! Et si je n'ai pas jeté sur elle un regard de convoitise, dites-vous? Mais comment pourrez-vous me le faire croire ? Celui qui ne sait pas résister à l'attrait du spectacle, qui se montre si empressé à y courir, comment, après avoir rassasié ses yeux, pourra-t-il rester chaste ? Votre corps est-il donc une pierre, un (489) morceau de fer? Ton enveloppe est de chair, de chair humaine, plus facile à enflammer que l'herbe sèche au feu de la concupiscence. Et que vais-je parler du théâtre? Rencontrons-nous souvent une femme sur la place publique ? nous voilà troubles. Et vous, dominant la scène, assis à une place où tout excite à la débauche, vous voyez une femme perdue entrer tête nue, avec la dernière impudeur, couverte de vêtements tissus d'or, faisant des gestes efféminés et déshonnêtes, chantant des chansons lascives, des vers obscènes, lançant des paroles infâmes, en un mot, se permettant toutes les ignominies que vous, spectateurs, vous pouvez concevoir, et encore vous vous penchez pour n'en rien perdre ! et vous osez' dire que vous n'éprouvez aucun mouvement de la chair? Votre corps est-il donc une pierre? un morceau de fer? Car je ne me ferai pas faute de répéter. les mêmes termes. Seriez-vous plus sages que ces grands et nobles coeurs qu'un regard seul a perdus? N'avez-vous pas entendu Salomon : « Qui marchera sur des charbons ardents sans se brûler les pieds? Qui appliquera du feu sur son sein , sans brûler ses vêtements ? Tel est l'homme qui va voir une femme étrangère ! » (Prov. VI, 28, 27, 29.) Si vous n'avez pas possédé cette misérable, vous êtes unis à elle de désir, et en pensée vous avez commis la faute. Et ce n'est pas pour cet instant seulement; mais la représentation finie, elle partie, vous gardez son image dans votre âme, et ses paroles, et ses gestes, et ses regards, et sa démarche, et la cadence de sa voix, de sa danse, et ses chants obscènes, et vous vous retirez percés de mille blessures. N'est-ce pas là ce qui perd les familles? ce qui raine la pudeur? ce qui dissout les mariages? ce qui soulève tant de disputes, et de querelles, et de dégoûts sans cause? Quand, tout pleins d'elle, vous rentrez déjà vaincus et pris, vous trouvez votre femme déplaisante, vos enfants insupportables, vos serviteurs odieux, votre maison, ennuyeuse, vos occupations habituelles, le soin de vos affaires vous importunent, et tous ceux qui vous approchent vous sont à charge et vous pèsent. 3. Et la raison, c'est que vous ne rentrez pas seul dans votre demeure, ruais que vous y ramenez cette courtisane, non pas ouvertement, visiblement; le mal serait moindre: la femme légitime la chasserait bientôt; mais elle y entre cachée dans votre coeur, dans votre conscience, et elle allume en vous la flamme de Babylone, que dis-je ? une flamme bien plus terrible: car ce ne sont ni les étoupes, ni la naphte, ni la poix, mais toutes ces infamies dont j'ai parlé, qui alimentent le feu, et portent partout leurs ravages. De même que les fiévreux, sans rien avoir à reprocher à ceux qui les servent, sont, à cause de fa force de leur mal, désagréables. à tous, repoussent les aliments, se fâchent contre les médecins, s'emportent contre leurs amis, se mettent en fureur contre leurs serviteurs ainsi ceux qui sont en proie à cette cruelle maladie s'agitent et s'irritent, parce qu'ils voient toujours leur mal sous leurs yeux. O conduite indigne ! Le loup, le lion, les autres bêtes sauvages, attaquées à coups de flèches, fuient le chasseur; et l'homme, cet être raisonnable, une fois blessé, suit celle qui l'a blessé, en sorte qu'il reçoit un trait bien plus dangereux, et se complaît dans sa blessure; et, pour comble d'opprobre, il rend sa maladie incurable. Comment en effet celui qui ne hait pas sa blessure et ne désire pas en être guéri, chercherait-il un médecin ? Aussi suis-je accablé de douleur et d'amertume, quand je vous vois sortir delà infectés d'un tel mal, et exposés pour un instant de plaisir à de perpétuels tourments ! Oui, avant même l'enfer et ses supplices, vous vous soumettez aux peines les plus rigoureuses. N'est-ce pas le dernier des supplices,.dites-moi, que de nourrir une telle passion, de brûler sans cesse, de porter en tous lieux les flammes d'un amour insensé, et de plus les remords de votre conscience? Comment oserez-vous approcher de ce seuil sacré? comment vous asseoir à la céleste table? comment entendre des discours sur la continence, quand vous êtes pleins de blessures saignantes, de plaies ouvertes, et que votre âme est asservie par la passion ? A quoi bon en dire davantage ? Avoir ce qui se . passe ici, chacun peut comprendre ces souffrances des âmes. Je vois, tandis que je vous parle, des fidèles se frapper le front, et je vous sais gré de votre sensibilité. Mais je ne puis m'empêcher de le penser, ce sont ceux qui n'ont fait aucun mal, qui pleurent la chute de leurs frères. Aussi suis-je moi-même accablé de douleur et d'amertume, en voyant un troupeau pareil dévasté par le démon. Mais si vous le voulez, nous l'arrêterons bien vite. Comment, et par quelle conduite? En ramenant à la santé ceux qui sont malades; en déployant les filets de là vérité, et cherchant (490) de toutes parts ceux qui ont été pris par les bêtes sauvages, et les arrachant de la gueule même du lion. Ne me dites pas: Ceux qui ont été enlevés au troupeau, sont peu nombreux; ne fussent-ils que dix, ce serait une perte énorme; ne fuissent-ils que cinq, que deux, n'y en eût-il qu'un ! Le divin Pasteur a abandonné ses quatre-vingt-dix neuf brebis, pour courir après la centième, et il n'est pas revenu avant de la ramener, et il a complété la centaine entamée, en y faisant rentrer celle qui s'était égarée. Ne dites pas quil n'y en a qu'un, mais songez que pour cette âme, tout ce qui se voit a été fait; que pour elle lois, châtiments, supplices ont été édictés; que pour elle se sont accomplis tant de miracles, et toutes les opérations de Dieu; que pour elle il a sacrifié jusqu'à son Fils unique. Réfléchissez au prix qu'il a été payé même pour un seul, et ne dédaignez pas son salut,. mais allez, ramenez-le à nous, exhortez-le à ne plus retomber en pareille faute, et nous avons une justification suffisante. Mais s'il n'écoute ni mes conseils, ni vos exhortations, je finirai par me servir de la puissance que. Dieu m'a donnée non pour détruire, mais pour édifier. 4. Je vous préviens donc, et je le proclame hautement, si l'un de vous, après cette exhortation, cette leçon, déserte l'Ég
Ainsi ne bravez pas notre sentence. Quoique indigne et misérable, j'ai reçu de la grâce de Dieu autorité pour agir ainsi. Loin de ces lieux donc de tels hommes, afin que ceux qui sont saints deviennent plus forts, et que les malades se relèvent de ce mal terrible. Si vous tremblez à cette menace, car je vous vois tous sombres et confondus, que les coupables viennent à résipiscence, et ma sentence est levée. Car si j'ai reçu le pouvoir de lier, j'ai aussi celui de délier, et de faire rentrer dans l'Ég
|