I TIMOTHÉE III
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HOMÉLIE III. JE RENDS GRACES A CELUI QUI M'A FORTIFIÉ, AU CHRIST JÉSUS NOTRE-SEIGNEUR, DE CE QU'IL M'A ESTIMÉ FIDÈLE, ME PLAÇANT A SON SERVICE, MOI QUI AUPARAVANT ÉTAIS BLASPHÉMATEUR, PERSÉCUTEUR ET COUPABLE D'OUTRAGES ; MAIS IL M'A FAIT MISÉRICORDE , PARCE QUE J'AI AGI PAR IGNORANCE DANS L'INCRÉDULITÉ; ET LA GRACE DE NOTRE-SEIGNEUR A SURABONDÉ AVEC LA FOI ET LA CHARITÉ QUI EST EN JÉSUS-CHRIST. (I, 42-44.)

 

Analyse.

 

1. Admirable humilité de saint Paul.

2. S'il avait persécuté l'Eglise naissante, il l'avait fait par ignorance et par zèle, et non par amour de la domination.

3 et 4. Que l'amour de Dieu dirige notre vie. — Rendons le bien pour le mal.

 

1. Nous savons que l'humilité procure de grands avantages, mais nulle part on n'y arrive aisément; nous trouvons bien et plus qu'il ne faut l'humilité des paroles, nulle part la vraie humilité. Mais le bienheureux Paul l'a pratiquée avec un grand zèle, et il se représentait toutes les raisons d'humilier son esprit. En effet, comme il est naturel que l'humilité soit difficile pour ceux qui ont conscience de leurs grands progrès dans le bien ; saint Paul devait souffrir une grande violence, car le bien dont il avait conscience produisait comme un gonflement dans son coeur. Considérez donc ce qu'il fait. Il vient de dire que l'Evangile de la gloire de Dieu lui a été confié, Evangile auquel ne peuvent avoir part ceux qui suivent encore la loi; car il y a incompatibilité, et l'intervalle est si grand que ceux qui se laissent entraîner par la loi, ne sont pas encore dignes d'avoir part à l'Evangile ; ainsi dirait-on que ceux à qui il faut des chaînes et des tribunaux ne peuvent être admis au nombre des philosophes. Après donc qu'il s'est exalté et a dit de lui-même cette grande parole, il se rabaisse aussitôt et engage les autres à faire de même. A peine a-t-il écrit que l'Evangile lui a été confié, qu'il se hâte d'ajouter un correctif, afin que vous ne pensiez point qu'il a parlé par orgueil. Voyez donc comme il corrige son discours en ajoutant ces mots : « Je rends grâces à celui qui m'a fortifié, au Christ Jésus Notre-Seigneur, de ce qu'il m'a estimé fidèle, me plaçant à son service ».

Voyez-vous comment il cache partout sa vertu et rapporte tout à Dieu, sachant toutefois réserver son libre arbitre? En effet, un infidèle dirait peut-être : Si tout est de Dieu, si nous ne contribuons à rien, s'il vous transporte comme du bois et des pierres, du vice à la sagesse, pourquoi en a-t-il agi ainsi envers Paul et non envers Judas? Voyez comment, pour détruire cette objection, il use de paroles prudentes : L'Evangile m'a été confié, dit-il, C'est là son avantage et sa dignité; mais elle ne lui appartient pas pleinement, car voyez ce qu'il dit : « Je rends grâces à celui qui m'a « fortifié, à Jésus-Christ n. Voilà ce qui appartient à Dieu; voici maintenant ce qui lui appartient à lui-même : « Parce qu'il m'a estimé fidèle » ; c'est-à-dire estimé devoir faire bon usage de ses propres facultés. « Me prenant », dit-il, « à son service, moi qui auparavant étais blasphémateur, persécuteur et coupable d'outrages ; mais il m'a fait miséricorde, parce que j'ai agi par ignorance dans l'incrédulité». Voyez comment il expose ce qui lui appartient et ce qui appartient à Dieu, attribuant la plus grande part à la Providence divine, et resserrant la sienne, mais toutefois, comme j'ai eu hâte de le dire, sans porter atteinte au libre arbitre. Et pourquoi ces mots : M'a fortifié? L'apôtre avait reçu un lourd fardeau et avait besoin d'une grande assistance d'en-haut. Songez en effet ce que c'était que d'avoir à soutenir chaque jour les outrages, les insultes, les embûches, les périls, les railleries, les injures, le danger de mort; et cela sans faiblir, sans glisser' dans la voie, sans retourner en arrière mais, en butte à mille traits chaque jour, conserver un regard fixe et intrépide, cela n'est point;?au pouvoir des forces humaines, et même ne demande pas l'assistance ordinaire de Dieu, mais une vocation spéciale. C'est parce que Dieu avait prévu ce que serait Paul, qu'il l'a choisi; écoutez ce qu'il dit avant que Paul commence à prêcher l'Evangile : « Celui-(284)ci est pour moi un vase d'élection, qui doit porter mon nom en présence des nations et des rois ». (Act. IX, 15.) De même que ceux qui portent à la guerre le drapeau du souverain, le labarum, ont besoin de force et d'expérience, pour ne pas le laisser tomber aux mains de l'ennemi ; de même ceux qui portent le nom du Christ, non-seulement durant la guerre, mais aussi en pleine paix, ont besoin d'une grande force pour ne pas le trahir devant les bouches qui l'accusent, mais pour le soutenir noblement et porter la croix. Oui, il faut une grande force pour soutenir le nom du Christ. Celui qui se permet dans ses paroles, ses actions ou sa pensée quelque chose d'indigne, ne le soutient pas et n'a pas le Christ en lui. Celui qui en est chargé, doit le porter avec honneur, non à travers une place publique, mais à travers les cieux; et c'est avec tremblement que tous les anges l'escortent et l'admirent.

« Je rends grâces », dit l'apôtre, « à celui qui m'a fortifié, au Christ Jésus Notre-Seigneur». Vous le voyez, il témoigne sa reconnaissance. C'est de ce qu'il est un vase d'élection, qu'il témoigne sa reconnaissance envers Dieu. Ce titre vous appartient, ô bienheureux Paul, car Dieu ne fait point acception des personnes. C'est comme s'il disait : Je rends grâces de ce que Dieu m'a honoré de cette fonction, qui montre qu'il m'estime fidèle. Car de même que, dans une maison, l'intendant ne remercie pas seulement son maître d'avoir eu confiance en fui, mais voit dans sa charge un témoignage qu'il a en lui plus de confiance que dans les autres; de même en est-il du ministère apostolique.

Considérez ensuite comment il exalte la miséricorde et la bonté de Dieu, en parlant de sa vie antérieur: « Moi », dit-il, « qui auparavant étais blasphémateur, persécuteur et coupable d'outrages ». Lorsqu'il parle des juifs encore incrédules, son langage est fort réservé: « Je leur rends témoignage », dit-il, « qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais un zèle qui n'est pas selon la science ». (Rom. X, 2.) S'il parle de lui-même, au contraire, il se donne les noms de blasphémateur et de persécuteur. Voyez comme il s'abaissé, comme il est éloigné de l'amour-propre, combien il tient sa pensée dans l'humilité. Il ne lui a pas suffi de dire « blasphémateur », il ajouté « persécuteur » ; il insiste. Il dit en effet qu'il ne se bornait pas à faire lui-même le mal, qu'il ne se contentait pas de blasphémer, mais qu'il persécutait ceux qui voulaient suivre la voie de la religion ; car la fureur du blasphème va bien loin. « Mais », ajoute-t-il, « Dieu m'a fait miséricorde, parce que j'ai agi « par ignorance dans l'incrédulité ».

2. Et pourquoi n'a-t-il pas fait miséricorde au reste des juifs? Parce qu'ils n'ont pas péché par ignorance, mais qu'ils avaient conscience et pleine connaissance du mal qu'ils taisaient. Et, pour le bien comprendre, écoutez l'évangéliste qui nous dit : « Plusieurs d'entre les principaux juifs croyaient en lui, mais n'en convenaient pas; car ils aimaient mieux la gloire qui vient des hommes, que celle qui vient de Dieu ». (Jean, XII, 42,43.) Et le Christ; « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire, que vous vous donnez les uns aux autres? » (Jean, V, 44.) Et encorde passage où il est dit que les parents de l'aveugle parlèrent ainsi à cause des juifs, dans la crainte d'être chassés de la synagogue. (Jean, IX, 22.) Et les Juifs disaient : Voyez-vous que nous ne gagnons rien ? car tout le monde va après lui. Partout, en effet, la passion de dominer les troublait. Et eux-mêmes dirent que « personne n'a le pouvoir de remettre les péchés, si ce n'est Dieu seul ». (Luc, V, 21.) Et aussitôt Jésus fit ce qu'ils disaient être le signe de Dieu. Ce n'était donc pas chez eux cause d'ignorance. Où était alors Paul ? dira-t-on peut-être. Il était assis aux pieds de Gamaliel, n'ayant rien de commun avec cette foule séditieuse. Et où était Gamaliel ? C'était un homme qui ne faisait rien par amour de la domination. Comment donc, après cela, Paul se trouve-t-il avec la foule? Il voyait le nombre des croyants s'augmenter, prendre le dessus et tout le peuple se laisser gagner. Les uns s'étaient réunis au Christ pendant qu'il était sur la terre, d'autres à ses disciples; enfin il se faisait une grande division parmi les Juifs. Et ce qu'il fit alors, il le fit, non par amour de la domination, comme les autres, mais par zèle. Car pourquoi se rendait-il à Damas ? Il regardait ce qui se passait comme un mal, et craignait que la prédication ne se répandît partout. Mais il n'en était pas ainsi des autres. Ce n'était pas par un soin tutélaire pour la foule, mais par amour de la domination qu'ils agissaient. Voyez ce qu'ils disent : « Les Romains détruisent notre nation et notre ville ». (Jean, XI, 48.) C'était donc une crainte humaine qui les agitait.

 

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Mais il est important d'examiner comment Paul, disciple si exact de la loi, ne connaissait pas cet Evangile qu'il a dit avoir été annoncé d'avance parle ministère des prophètes. (Rom. 1, 2.) Comment ne le savait-il pas, lui zélateur de la loi de ses pères, instruit aux pieds de Gamaliel? D'autres, vivant sur les lacs, sur les fleuves, dans les bureaux des publicains, accouraient à Jésus et accueillaient sa parole, et vous, savant dans la loi, vous la persécutiez. C'est pour cela qu'il se condamne en disant : « Je ne suis pas digne d'être appelé apôtre ». (I Cor. XV, 9.) Il reconnaît ainsi en lui une ignorance engendrée par l'incrédulité; c'est pour cela qu'il dit avoir été l'objet de la miséricorde. Que veut donc dire : « M'a estimé fidèle? » C'est qu'il n'a trahi aucun des commandements qu'il a reçus ; il a tout rapporté au souverain Maître , même ses actions, et ne s'est point approprié la gloire de Dieu. Ecoutez en effet ce qu'il dit ailleurs : « Que faites-vous a là? Nous sommes des hommes et dans la « même condition que vous » (Act. XIV, 14) ; c'est ainsi qu'il entend ces mots : Il m'a estimé fidèle. En effet il dit ailleurs : « J'ai enduré plus de fatigues qu'eux tous, non pas moi mais la grâce de Dieu avec moi ». (I Cor. XV, 10.) Et dans un autre endroit : « C'est Dieu qui opère en nous le vouloir et le faire ». (Philipp. II, 13.) Il s'avoue digne de châtiment. Mais la miséricorde intervient en ces circonstances. Et ailleurs encore : « L'aveuglement s'est répandu sur une partie d'Israël ». (Rom. XI, 25.)

« Mais», dit-il à Timothée, « la grâce de Dieu a surabondé avec la foi et la charité, qui est en Jésus-Christ ». (I, 14.) Pourquoi parle-t-il ainsi ? Afin que vous ne pensiez pas qu'il lui a seulement « été fait miséricorde ». J'étais, dit l'apôtre, blasphémateur, persécuteur, coupable d'outrages; et par conséquent digne de châtiment. Je n'ai pas été puni, car il m'a été fait miséricorde. Mais ne s'est-elle étendue qu'à le sauver du châtiment ? Non certes Dieu y a ajouté de nombreux et immenses bienfaits. Dieu ne nous a pas seulement sauvés du châtiment suspendu sur nos têtes , mais il nous a faits justes, ses enfants, ses frères, ses amis, ses héritiers, cohéritiers de Jésus-Christ. C'est pour cela que l'apôtre dit : La grâce a surabondé; car la mesure de ses bienfaits a dépassé le niveau de la simple miséricorde. Ce n'est plus l'acte de la miséricorde, mais de l'amour et d'une extrême tendresse. L'apôtre en exaltant la bonté de Dieu qui lui a fait miséricorde, à lui blasphémateur, persécuteur et coupable d'outrages, et qui ne s'en est pas tenu là, mais a daigné lui accorder de grands bienfaits, écarte encore l'objection des incrédules, en se gardant de laisser soupçonner la suppression du libre arbitre, car il ajoute : « Avec la foi et la charité eu Jésus-Christ ». Tout ce que nous avons apporté, dit-il, c'est que nous avons cru qu'il peut nous sauver.

3. Aimons donc Dieu par le Christ. Mais que veulent dire ces mots : « Par le Christ? » Ils veulent dire que c'est à lui-même et non à la loi que nous devons notre salut. Voyez-vous de quels biens le Christ a été pour nous l'auteur et ce que nous devons à la loi ? L'apôtre n'a pas dit seulement que la grâce a abondé, mais qu'elle a surabondé. Oui, elle a surabondé, quand d'hommes qui méritaient mille châtiments, elle a fait tout à coup des enfants d'adoption. Dans le Christ, c'est par le Christ. Voici encore une fois « dans » mis pour « par ». Il n'est pas seulement besoin de foi, mais d'amour. Car aujourd'hui encore il en est beaucoup qui croient que le Christ est Dieu, mais qui ne l'aiment pas et n'agissent point comme des personnes qui aiment; et comment l'aimeraient-ils, quand ils lui préfèrent toutes choses, les richesses, la naissance, le fatalisme, les superstitions, les présages, les augures? Quand nous ne vivons que pour outrager le Christ, dites-moi, comment l'aimerions-nous ? Si quelqu'un a un ami chaleureux et plein d'ardeur, qu'il ait au moins pour le Christ, le même amour; qu'il ait le même amour pour Dieu, qui a livré son Fils pour ses ennemis, pour nous qui n'avons rien fait pour le mériter. Que dis-je, qui n'avons rien fait? Je devrais dire pour nous qui avons commis des crimes d'une audace inconcevable, sans motif, après d'innombrables bienfaits, d'innombrables marques d'amour; et il ne nous a pas pour cela rejetés, mais c'est au moment où nous étions le plus avant dans l'iniquité, qu'il nous a donné son Fils. Et nous, après un bienfait si grand, après être devenus ses amis, après que, par le Christ, nous avons été comblés de biens si grands, nous ne l'aimons pas comme nous aimons un ami. Et quelle sera notre espérance ? Frémissez à cette parole, et plaise à Dieu que ce frémissement vous soit salutaire !

 

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Et quoi, me dira-t-on, nous n'aimons pas même le Christ comme nos amis? Je vais essayer de vous le faire voir; je voudrais que mes paroles fussent des folies et non la vérité, mais je crains de rester encore au-dessous d'elle. Pour de véritables amis, souvent plusieurs ont volontairement souffert; pour le Christ, nul ne consent, je ne dis pas à souffrir, mais àse contenter de sa fortune présente. Pour un ami, souvent nous nous exposons à l'injure, nous acceptons des inimitiés; pour le Christ, nul n'en accepte; mais,. comme dit le proverbe Fais-toi aimer à l'aventure et non haïr à l'aventure. Nous ne voyons pas d'un ceil indifférent notre ami souffrir de la faim; chaque jour le Christ vient nous demander non de grands sacrifices, mais un morceau de pain et nous ne l'accueillons pas, tandis que nous remplissons et gonflons notre ventre jusqu'à un ignoble excès, que notre haleine est infectée de vin, que nous vivons dans la mollesse, que nous prodiguons nos biens les uns à des créatures sans pudeur, les autres à des parasites, ou à des flatteurs, ou encore à des monstres, à des fous, à des nains, car on se fait un amusement des disgrâces de la nature. Jamais nous ne portons envie à nos véritables amis, et nous ne souffrons point de leurs succès; mais envers le Christ, nous éprouvons ce sentiment; on voit donc que l'amitié a sur nous une plus grande puissance que la crainte de Dieu. L'homme perfide et envieux a moins de respect pour Dieu que pour les hommes. Comment cela? C'est que la pensée de Dieu voyant au fond des coeurs, ne le détourne pas de ses machinations, mais s'il est aperçu d'un de ses semblables, il est perdu, il est saisi de honte, il rougit. Que dirai-je encore ? Nous allons trouver un ami dans le malheur, et, si nous différons quelque peu, nous craignons d'être blâmés ; et quand, tant de fois, le Christ est mort dans la captivité, nous n'y avons pas pris garde. Nous allons vers nos amis qui sont au nombre des fidèles, non parce qu'ils sont fidèles, mais parce qu'ils sont nos amis.

4. Vous le voyez, nous ne faisons rien parla crainte de Dieu, ni par amour pour lui, mais nous agissons par amitié ou par coutume. Quand un ami est absent, nous pleurons, nous gémissons; si nous le voyons mort, nous nous lamentons, bien que nous sachions que ce n'est point une séparation éternelle; mais quand le Christ est éloigné de nous chaque jour, ou

plutôt quand chaque jour nous l'éloignons d nous, nous n'en éprouvons aucune douleur et nous ne pensons pas être malheureux quand nous commettons l'injustice, quand nous ! contristons, quand nous l'irritons, quand noue faisons ce qui lui déplaît. Mais nous ne non contentons point de ne pas le traiter en ami; je vais vous montrer que nous le traitons en ennemi. Comment cela? C'est que « la prudence de la chair, dit l'Écriture, est ennemie de Dieu ». (Rom. VIII, 7.) Or nous nous tenons attachés à cette prudence, et nous persécutons le Christ qui veut accourir à nous; car tel est l'effet des actions mauvaises; nous nous rendons chaque jour coupables des outrages qu'il subit par notre cupidité et nos rapines. Un homme jouit d'une éclatante renommée, parce qu'il célèbre la gloire du Christ et qu'il sert les intérêts de l'Église; eh bien ! nous lui portons envie, parce qu'il fait l'oeuvre de Dieu; nous paraissons ne porter envie qu'à lui, mais elle remonte jusqu'à Dieu lui-même. Nous ne voulons pas que le bien se fasse par d'autres que par nous; qu'il se fasse pour le Christ, mais pour nous; car, si nous le désirions en vue du Christ, il nous serait indifférent qu'il s'opérât par d'autres mains ou par les nôtres.

Car, dites-moi : si un médecin a un enfant menacé de devenir aveugle, et qu'étant lui-même impuissant à le guérir il en trouve un autre capable de le faire, l'écartera-t-il d'auprès de son fils? Non certes, mais il sera prêt à lui dire : Par vous ou par moi, que mon enfant soit guéri. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas son intérêt qu'il a en vue, mais celui de son fils. De même aussi nous dirions, si nous considérions la cause du Christ : Par nous ou par un autre, que ce qui est expédient s'opère ; et, comme dit l'apôtre, « par vérité ou par occasion, que le Christ soit annoncé ». (Phil. I, 18.) Écoutez ce que dit Moïse, quand on voulut exciter sa colère, parce que Eldad et Moad prophétisaient : « N'ayez point de jalousie à mon sujet; qui me donnera de voir tout le peuple du Seigneur devenir prophète ? » (Nomb. XI, 29. ) Tout cela vient de l'amour de la renommée. N'est-ce pas là la conduite d'ennemis, d'ennemis déclarés? Quelqu'un vous a- t-il mal parlé? Faites-lui bon accueil. Est-ce possible ? Oui, si vous le voulez. Quel mérite avez-vous, si vous aimez celui qui n'a pour vous que de bonnes (287) paroles? Car vous ne le faites pas pour le Seigneur, mais pour votre renommée. Quelqu'un vous a-t-il fait tort? Faites-lui du bien; car si vous rendez service à ceux qui vous en rendent, vous n'avez rien fait de grand. Avez-vous subi une grande injustice, une grande offense ? Efforcez-vous de rendre le bien pour le mal. Oui, je vous en conjure, agissons ainsi de notre côté; cessons d'offenser et de haïr nos ennemis. Dieu nous ordonne d'aimer nos ennemis, et nous persécutons le Dieu d'amour. Qu'il n'en soit point ainsi. Nous en convenons tous de bouche, mais non tous par nos actions. Telles sont les ténèbres du péché, que ce que nous n'oserions dire, nous l'osons faire. Tirons notre salut de ceux qui nous font tort et outrage, afin d'obtenir ce qui appartient aux amis de Dieu. « Je veux », dit Jésus, « que là où je suis, là soient aussi mes disciples, afin qu'ils voient ma gloire » (Jean, XVII, 24); gloire à laquelle je souhaite que nous arrivions tous en Jésus-Christ Notre-Seigneur, avec qui soit au Père et au Saint-Esprit , gloire, à présent et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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