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HOMÉLIE X. SI QUELQU'UN SOUHAITE L'ÉPISCOPAT, IL SOUHAITE UNE (EUVRE BONNE. IL FAUT DONC QUE L'ÉVÊQUE SOIT IRRÉPROCHABLE, MARI D'UNE SEULE FEMME; QU'IL SOIT SOBRE, PRUDENT, DE BONNES MOEURS, HOSPITALIER; QU'IL SACHE ENSEIGNER, NE SOIT PAS LIVRÉ AU VIN, NE FRAPPE PAS, MAIS SOIT MODÉRÉ, ENNEMI DES QUERELLES, DÉSINTÉRESSÉ, SACHANT BIEN GOUVERNER SA MAISON, ET QUE SES ENFANTS LUI SOIENT SOUMIS AVEC UNE ENTIÈRE RÉGULARITÉ DE MOEURS. (III, 1-4 JUSQU'À 9.)
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Analyse.
1. De l'épiscopat et des qualités indispensables à un évêque.
2. Le futur évêque ne doit pas être un néophyte, c'est-à-dire un nouveau converti; il faut aussi qu'il jouisse d'une bonne réputation, même parmi les païens.
3. Des bons exemples. Pourquoi il y a si peu de gentils qui se convertissent.
1. Avant de descendre au détail des devoirs de l'épiscopat, l'apôtre expose sommairement ce que doit être un évêque, non sous forme d'avertissements à Timothée, mais comme parlant à tous, et réglant la conduite de tous par ses instructions à un seul. Et que dit-il.? «Si quelqu'un souhaite l'épiscopat», je ne lui en fais pas un crime, car c'est une autorité tutélaire; si donc quelqu'un a ce désir, non pas seulement parce que c'est un commandement et un pouvoir, mais parce que c'est une autorité tutélaire, je ne le lui reproche pas; « il désire une oeuvre bonne ». Moïse, en effet, a souhaité la charge et non la puissance, et l'a souhaitée assez- pour s'entendre dire: « Qui t'a constitué chef et juge au-dessus de nous?» (Exod. II, 14.) Celui qui désire l'épiscopat de cette manière peut le désirer, car l'épiscopat emprunte son nom à la surveillance sur tous. «Il faut », continue l'apôtre, « que l'évêque soit irréprochable, mari d'une seule femme ». Il ne dit pas ceci pour imposer une loi, de telle sorte que le mariage fût nécessaire pour être évêque, mais pour réprimer un excès; attendu que, chez les Juifs, il était permis de contracter un second mariage et d'avoir deux femmes en même temps. Car, «le mariage est honorable». (Hébr. XIII, 4.) Et quelques-uns affirment que par cette parole, l'apôtre exige que l'évêque n'ait jamais eu qu'une femme. «Irréprochable» : en employant ce mot, il a compris toutes les vertus. En sorte que celui qui a conscience de quelques péchés, a tort de désirer l'épiscopat, dont il s'est lui-même exclu par ses oeuvres ; celui-là en effet doit être gouverné et non gouverner les autres. Celui qui gouverne doit être plus resplendissant qu'un flambeau et avoir une vie sans tache, en sorte que tous les regards se portent sur lui et sur sa vie. Et ce n'est pas sans dessein que l'apôtre écrit cet avis, mais parce que Timothée devait à son tour établir des évêques; ce sont les avis qu'il donnait à Tite, et c'est dans la prévision que beaucoup désireraient l'épiscopat qu'il énonce ces prescriptions. « Sobre et vigilant», dit-il, et par là il entend plein de perspicacité, ayant l'il partout et le regard perçant. Car il est bien des causes qui obscurcissent l'oeil de l'intelligence; le défaut de zèle, les préoccupations, l'embarras des affaires, et tant d'objets qui surgissent de tous côtés. L'évêque doit donc être l'homme toujours sur ses gardes, l'homme qui ne s'inquiète pas seulement de ce qui le touche, mais de ce qui touche les autres. Il doit, toujours veiller, avoir une âme ardente, respirant le feu, pour ainsi dire, ou plutôt celte d'un chef militaire, qui nuit et jour circule à travers son armée; il doit se fatiguer, être au service de tous et prendre soin et souci de tous. « Prudent, de bonnes moeurs, hospitalier». Ces qualités conviennent aussi aux simples fidèles, en cela ils doivent être les égaux des évêques; aussi pour marquer le propre de l'évêque, l'apôtre ajoute : «Qu'il sache enseigner». Cette qualité n'est plus exigée du simple fidèle, mais elle doit appartenir avant toutes les autres à celui qui a reçu le dépôt de l'épiscopat. « Qu'il ne soit pas livré au vin n. L'apôtre ne veut pas dire ivrogne, mais brutal et arrogant. « Qu'il ne frappe pas». L'apôtre ne veut pas dire frapper avec les mains. Et que veut-il dire? c'est qu'il est des hommes qui heurtent sans raison la conscience de leurs frères, et c'est, je pense, (310) de ceux-là qu'il entend parler. « Point sordide, mais modéré, ennemi des querelles, désintéressé, sachant bien gouverner sa maison, et que ses enfants lui soient soumis avec une entière régularité de moeurs». Or, si l'homme qui s'est marié se préoccupe des choses du monde, et si l'évêque ne doit pas s'en préoccuper, comment l'apôtre dit-il: « Mari d'une seule femme?» Plusieurs affirment qu'il entendait: «N'ayant eu qu'une femme» ; mais quand il en serait - autrement, on peut être marié, comme ne l'étant pas. L'apôtre a eu raison de faire cette concession à l'état de choses existant alors, et l'on pouvait avec la bonne volonté, en tirer un bon parti. En effet, de même que la richesse laisse difficilement entrée au royaume des cieux, et que bien des riches y sont entrés néanmoins, il en est de même du mariage. Que dites-vous, ô Paul? En parlant des devoirs de l'évêque, vous avez dit qu'il ne doit pas être livré au vin, mais hospitalier, quand vous aviez à faire entendre quelque chose de bien plus grand. Pourquoi n'avez-vous pas dit: L'évêque doit être un ange, et n'être sujet à aucune passion humaine? et ces grands enseignements du Christ que ceux qui sont en dignité doivent observer sans cesse: D'être crucifié, d'avoir toujours son âme entre ses mains? et cette parole du Christ : « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis». (Jean, X,11.) Et encore : « Celui qui ne prend passa croix pour « me suivre, n'est pas digne de moi». (Matth. X, 38.) Paul a dit : Qu'il ne soit pas livré au vin. Voilà de belles espérances, si ce sont là les avis qu'il faut adresser à un évêque ! Pourquoi ne dites-vous pas qu'il doit être déjà en dehors de la terre? pourquoi prescrivez-vous à un évêque ce que vous avez prescrit aux gens du monde? Que leur dit-il en effet? « Mortifiez vos membres terrestres». (Col. III, 5.) « Celui qui est mort est justifié du péché». (Rom. VI, 7.) « Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair». (Gal. V, 24). Et le Christ lui-même a dit : « Celui qui ne renonce pas à tout ce qu'il possède n'est pas digne de moi ». (Luc, XIV, 33.) Pourquoi donc l'apôtre n'a-t-il pas ici tenu ce langage? Parce qu'on ne pouvait trouver que peu d'hommes semblables à ce modèle, et qu'il fallait un grand nombre d'évêques, pour administrer les églises de chaque cité; car les églises allaient être exposées aux embûches. Aussi parle-t-il d'une vertu médiocre et non d'une vertu céleste et sublime : être sobre, prudent et de bonne moeurs est une vertu commune. 2. « Que ses enfants lui soient soumis avec une entière régularité de moeurs ». Car il faut que sa maison donne l'exemple. Qui pourra croire en effet qu'un évêque se fasse obéir d'un étranger, s'il ne s'est pas fait obéir de son fils? « Sachant bien gouverner sa maison » . Les païens eux-mêmes disent que, qui sait gouverner sa maison deviendra vite un bon administrateur. Il en est en effet d'une église comme de la moindre famille; et de même que, dans une maison, les enfants, la femme et le mari, au-dessus de tous, forment une hiérarchie d'autorité, de même, dans l'église, on retrouve partout des enfants, des femmes, des serviteurs. Si le chef d'une église a des associés à son pouvoir, le chef de famille a aussi sa femme. S'il lui faut pourvoir à la nourriture des veuves et des vierges, le chef de famille a ses esclaves, ses filles; seulement une maison est plus facile à gouverner. Celui donc qui ne l'a pas su faire, comment pourra-t-il administrer une église ? « Celui », dit l'apôtre, « qui ne sait pas diriger sa maison, comment prendra-t-il soin de l'Eglise de Dieu (5) ? » « Que ce ne soit pas un néophyte (6) » ajoute-t-il; et par là il n'entend pas un homme jeune, mais nouveau dans la doctrine. « J'ai planté », dit-il ailleurs, « Apollon a arrosé; mais c'est Dieu qui a donné l'accroissement ». (I Cor. III, 6.) C'est donc le nouveau converti qu'il a en vue ; autrement qu'est-ce qui l'empêchait de dire : Un jeune homme ? Pourquoi a-t-il fait .évêque Timothée lui-même? Or, Timothée était jeune, puisque l'apôtre dit : «Que personne ne méprise votre jeunesse ». (I Tim. IV, 12.) Parce qu'il le connaissait pour très-vertueux et d'une conduite parfaite : ainsi il lui rend plusieurs excellents témoignages: « Vous avez appris les saintes lettres dès votre enfance»; et encore : « Usez d'un peu de vin, à cause de vos fréquentes indispositions »; ce qui prouve que Timothée jeûnait. Il est clair que ces témoignages et ces recommandations ne pouvaient s'adresser qu'à quelqu'un de très-vertueux. C'est parce que beaucoup de gentils embrassaient la foi et se faisaient baptiser, que l'apôtre défend d'élever un néophyte, c'est-à-dire un homme nouveau dans la doctrine, au faîte de l'autorité. Car celui qui deviendrait maître (311) avant d'avoir été disciple; se. laisserait bientôt aller au vertige par l'enflure que fait éprouver le commandement quand on n'a point appris à obéir. C'est pour cela que Paul ajoute : « De peur que, gonflé d'orgueil, il ne tombe sous la condamnation du démon (6) », c'est-à-dire sous la peine que celui-ci a encourue par son orgueil. « Il faut que l'évêque ait aussi un bon témoignage de ceux du dehors, afin qu'il ne tombe pas dans l'opprobre et dans le piège du démon (7) »; car autrement, il serait outragé par eux. C'est pour un motif semblable qu'il a dit encore: « Mari d'une seule femme», bien qu'il ait dit ailleurs : « Je voudrais que tous vécussent comme moi dans la continence ». (I Cor. VII, 7.) Mais, afin de ne pas resserrer trop la voie, s'il exigeait une vertu si rigoureuse, il ne demande qu'une vertu modérée. Il fallait en effet préposer un homme dans chaque cité; car écoutez ce qu'il écrit à Tite : « Afin que dans chaque cité vous établissiez des prêtres, comme je vous l'ai prescrit (15) ». Mais quoi? s'il a bon témoignage et flatteuse renommée, mais qu'il ne soit pas ce qu'on pense? C'est bien difficile, car ce n'est déjà pas sans peine que même avec une vie droite on acquiert une bonne réputation parmi des ennemis; mais l'apôtre ne s'en est pas tenu là, car il n'a pas dit : « Il faut qu'il ait un bon témoignage », mais : « Qu'il ait aussi un bon témoignage » ; comprenant cette condition parmi les autres, et ne l'isolant point. Mais si l'on en parlait mal sans motif et par envie, d'autant plus qu'il s'agit des gentils? Il n'en est point ainsi, mais ceux-là mêmes respectent une vie irréprochable. Comment cela? dira-t-on. Ecoutez cependant ce que dit l'apôtre de lui-même : « A travers la mauvaise et la bonne renommée». (I Cor. VI, 8.) Ce n'était point sa vie que l'on attaquait, mais sa prédication ; c'est ce qu'il entend par ces mots : « A travers la mauvaise renommée». On accusait les apôtres d'être des séducteurs et des magiciens, à cause de leur enseignement, mais on n'attaquait pas leur vie. Pourquoi personne n'a-t-il dit que ce fussent des impudiques, des insolents, des hommes cupides, mais seulement des séducteurs, ce qui ne touchait qu'à leur prédication ? C'est que celui dont la vie brille par la vertu s'attire le respect des païens eux-mêmes, car la vérité impose silence même à nos ennemis. Et comment tombe-t-il dans le piège? En tombant souvent dans les mêmes fautes qu'eux. Car, s'il est tel que nous le disons, le démon lui aura bientôt tendu un autre piège et bientôt aussi ils le condamneront. Mais, s'il doit avoir bon témoignage des ennemis, il doit bien plus encore l'avoir des amis. Comme preuve, en effet, qu'une vie irréprochable ne peut être flétrie, écoutez ce que dit le Christ : « Que votre lumière brille devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes oeuvres et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Matth. V, 16.) Mais quoi, si un homme est poursuivi par la malveillance, si quelque circonstance lui vaut une calomnie ? Cela peut arriver, mais celui-là ne doit pas être élevé en dignité, car il y a beaucoup à craindre. Il faut donc, dit l'apôtre, que le futur évêque ait aussi une. bonne renommée même chez les païens, car vos oeuvres doivent briller. Et comme un aveugle même ne dirait pas que le soleil est ténébreux, car il aurait honte de combattre le sentiment universel, de même personne ne flétrira un homme parfaitement honnête; mais les païens pourront le calomnier souvent à cause de sa doctrine ; quant à une vie droite ils ne sauraient l'attaquer; avec tout le monde, ils en sont frappés et l'admirent. 3. Vivons donc de telle sorte que le nom de Dieu ne soit pas blasphémé. Ne considérons point la gloire humaine et ne nous attirons point une mauvaise renommée, mais gardons une juste mesure. « Vous brillez comme des flambeaux dans le monde ». (Philip. II, 15.) Dieu nous a envoyés afin que nous soyons des flambeaux et que nous devenions comme un levain, afin que nous instruisions les autres et que nous vivions comme des anges au milieu des hommes, afin qu'étant semblables à des, hommes parmi de petits enfants, hommes spirituels parmi ceux de la vie présente, ceux-ci en tirent avantage , et que nous soyons la semence qui produit des fruits abondants. Il ne serait pas besoin de discours si notre vie brillait à ce point ; il ne serait pas besoin de docteurs si nous faisions voir nos oeuvres, il n'y aurait plus de païens si nous étions chrétiens comme nous devons l'être, si nous gardions l'enseignement du Christ, si, en butte à l'injustice et à la cupidité, nous bénissions dans les outrages, si nous rendions le bien pour le mal ; car il n'y a pas d'être si farouche (312) qui ne se ralliât à la piété, s'il en était ainsi chez tous. Comprenez-le bien : Paul était seul quand il a converti un si grand nombre d'hommes; si nous lui ressemblions tous, combien de mondes n'aurions-nous pas pu convertir. Voici qu'aujourd'hui les chrétiens sont en plus grand nombre que les païens. Dans les autres arts, un seul maître peut former à la fois une centaine d'apprentis ; ici où nous sommes tant de maîtres et devrions former tant de disciples (1), personne ne se joint plus à nous. Car ceux que l'on veut instruire examinent la vertu de leurs maîtres, et, quand ils nous voient les mêmes désirs, la même ambition qu'à eux-mêmes, celle du pouvoir et de la considération, comment pourront-ils admirer le christianisme? Ils voient des vies dignes de reproches, des âmes terrestres; nous sommes comme eux et bien plus qu'eux fascinés par les richesses; nous tremblons comme eux à la pensée de la mort, nous craignons comme eux la pauvreté, nous nous irritons comme eux contre les maladies ; comme eux, nous aimons la gloire et la puissance, nous nous laissons aller au désespoir de l'avarice, nous courtisons les heureux du siècle (2). Comment peuvent-ils croire ? par les miracles ? mais nous n'en faisons pas; par des changements de vie ? mais il n'y en a plus ; par notre charité? mais on n'en voit nulle part nulle trace. Aussi rendrons-nous compte, non-seulement de nos péchés, mais de la perte des autres. Revenons de notre égarement, veillons, faisons voir sur la terre la cité céleste, disons que « notre conversation est dans le ciel », (Philip. III, 20.) Montrons-nous sur la terre comme des athlètes. Mais, dira-t-on, il y a eu parmi nous de grands hommes ? Comment le croirai-je, répondra le païen? Je ne vous vois point faire ce qu'ils ont fait. Et puisqu'il faut aborder ce terrain, nous aussi nous avons de grands philosophes dont la vie fut admirable. Mais montrez-moi un autre Paul et un autre Jean? Qui ne se rirait de ces raisonnements? Et qui ne continuera pas à demeurer dans l'ignorance en nous voyant philosophes, non en actions, mais en paroles? Maintenant chacun est prêt à se faire tuer ou à tuer pour une obole; pour un vase de terre, vous prononcez
1 Manuscrit du musée britannique de Moscou et de la Laurentienne.
2 Manuscrit de la Laurentienne.
mille jugements; si vous perdez un enfant vous ne vous connaissez plus. Je ne parle pas de ces désordres lamentables, les auspices, les augures, les observations superstitieuses, les thèmes généthliaques, les amulettes, les divinations, les formules d'incantation, les sortilèges ; grands crimes et capables de provoquer la colère de Dieu, quand il nous voit coupables d'une telle audace, après qu'il nous a envoyé son Fils. Eh quoi ! ne faut-il que se lamenter quand à grand'peine une faible part des hommes arrive au salut éternel? Mais ceux qui se perdent l'entendent dire gaiment, parce qu'ils ne subissent pas seuls leur sort, mais se perdent avec un grand nombre. Quelle joie est donc celle-là? Ils en subiront le châtiment. Ne croyez pas en effet que, comme il arrive sur la terre, il y ait une consolation dans l'autre monde à trouver des compagnons de son malheur. Comment le prouveriez. vous? Je vais vous rendre la vérité manifeste. Dites-moi, en effet, si un homme est con. damné au feu et qu'il voie son fils brûler avec lui, s'il voit la fumée s'élever de ses chairs, ne ressentira-t-il pas une douleur mortelle? Si ceux mêmes qui ne sont pas atteints par lé mal sont, à ce spectacle, saisis d'horreur et tombent en défaillance, combien plus ceux qui souffrent aussi. N'en soyez pas surpris, car écoutez la parole d'un sage : « Tu as été atteint comme nous, tu as été compté pour un d'entre nous ». (Is. XIV, 10.) Il y a de la sympathie entre les hommes, et nous sommes frappés par les maux d'autrui. Sera-ce donc une consolation ou un accroissement de souffrances qu'éprouvera un père en voyant son fils soumis a la même peine que lui? un mari en voyant sa femme? des hommes, un autre homme? Ne sommes-nous pas alors plus douloureusement atteints? Mais les peines de l'autre vie ne ressemblent pas à celle-ci. Non, elles sont bien différentes, car le pleur y sera inconsolable, et tous se verront entre eux, et souffriront ensemble. Dans une famine éprouve-t-on quelque soulagement de ses propres maux, parce qu'on les voit partagés par autrui ? Et que sera-ce, quand ce sont un fils, un père, une épouse, des petits-fils qui subissent la même peine que nous? Quand nous voyons souffrir nos amis, en éprouvons-nous de la consolation? Non, non; mais nos douleurs en deviennent plus intenses. Il y a (313) d'ailleurs des souffrances trop aiguës pour être soulagées par le partage. Ainsi, qu'un homme soit dans le feu et un autre encore, pourront-ils se consoler entre eux? Dites-moi, je vous prie, si nous sommes saisis d'une fièvre violente, toute consolation n'est-elle pas vaine pour nous? Oui, sans doute; car l'âme, lorsque le mal l'a surmontée, n'a plus le loisir de se prêter à des consolations. Voyez les femmes qui ont perdu leurs maris; combien ne peuvent-elles pas compter de veuves comme elles? Mais leur mal en devient-il moins grand? Ah ! ne nous entretenons point d'une telle espérance; trouvons la seule consolation véritable dans le regret de nos péchés et la fidélité à la bonne voie qui conduit au ciel, afin que nous obtenions le royaume des cieux par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient gloire et puissance aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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