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LETTRES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME
A INNOCENT, ÉVÉQUE DE ROME, JEAN, ÉVÊQUE , SALUT DANS LE SEIGNEUR.
A SON BIEN-AIMÉ FRÈRE JEAN, INNOCENT, ÉVÊQUE.
LETTRE DE L'EMPEREUR HONORIUS A L'EMPEREUR D'ORIENT ARCADIUS.
AUX ÈVÊQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES JETÉS EN PRISON A CAUSE DE LEUR PIÉTÉ.
AVERTISSEMENT.
La première lettre au pape Innocent fat écrite après la fête de Pâques, avant le second exil de saint Chrysostome. Il y raconte en effet tout ce qui s'est passé à Constantinople depuis l'arrivée de Théophile. Le saint est déposé par un conciliabule , puis rétabli dans son siège ; puis encore persécuté, accusé, chassé de l'ég
La lettre d'Innocent à saint Chrysostome nous a été conservée par Sozomène. Innocent s'applique à consoler le saint évêque. Sa lettre respire le respect et la charité la plus tendre. Elle traite de la patience dans l'adversité et de la couronne réservée à ceux qui souffrent avec résignation. C'est la réponse à une lettre du Saint apportée par un diacre nommé Cyriaque.
La lettre d'Innocent au clergé de Constantinople est la réponse à une lettre du même clergé, que le prêtre Germain et le diacre Cassien avaient remise au pape. Innocent y déplore les calamités de l'Eg
La lettre de l'empereur Honorius à l'empereur d'Orient Arcadius se rapporte à la cause de saint Jean Chrysostome. L'empereur y parle d'abord de cette image d'Eudoxie, que l'on promenait par les provinces en l'honneur de l'impératrice. On avait, auparavant érigé une,statue d'Eudoxie devant l'ég
Quant à la lettre aux évêques et aux prêtres jetés en prison à cause de leur piété, elle fut écrite, à ce que l'on croit, à Cucuse l'année 404. Saint Chrysostome leur adressa une autre lettre qui est la 118e.
A INNOCENT, ÉVÊQUE DE ROME.
A MON TRÈS-VÉNÉRÉ ET TRÈS-PIEUX SEIGNEUR INNOCENT, ÉVÉQUE DE ROME, SALUT EN JÉSUS-CHRIST.
1. Avant d'avoir reçu ma lettré, votre piété a sans doute appris les crimes qui viennent de se commettre ici. Ils sont si grands, si affreux, si tragiques, que le bruit s'en est répandu dans tout l'univers. Oui , jusqu'aux extrémités du monde ils ont fait couler bien des larmes et pousser bien des sanglots. Mais il ne suffit point de pleurer: il faut guérir le mal et chercher le moyen d'apaiser cette tempête qui agite si violemment l'Eg
L'évêque d'Alexandrie, Théophile, mandé (390) par le très-pieux empereur, auprès duquel on avait porté plainte contre lui, devait se rendre seul à Constantinople. Mais il a rassemblé bon nombre des évêques d'Egypte, laissant ainsi pressentir qu'il y venait avec des intentions hostiles. Dès son arrivée dans cette grande et pieuse cité, il ne se rendit pas à l'ég
2. Or, sachant bien que nous irions, non pas devant un tribunal (nous nous serions mille fois présenté), mais devant un implacable ennemi (ce que nous montre assez et ce qui s'était déjà passé et ce qui se passa depuis), nous lui avons député plusieurs évêques, Démétrius, évêque de Pessinonte , Eulysius d'Apamée, Lupicinus d'Appiarie, et les prêtres Germain et Sévère, pour lui dire de notre part, avec toute la modestie convenable, que c'était non pas un juge, mais un adversaire, un ennemi déclaré que nous voulions éviter. Comment en effet cet homme, qui, avant d'avoir reçu aucun libelle d'accusation, s'était éloigné des prières et de la communion de l'Eg
Mais, comme je le disais, il ne suffit pas de déplorer le mal qui s'est fait; on doit y porter remède: et c'est pourquoi je conjure votre (391) charité de compatir à mes douleurs, et de faire tout ce qui sera en son pouvoir, pour mettre tsar terme à l'injustice. Mais là ne se bornent point leurs excès: ils sont allés plus loin encore. L'empereur cependant chassa de Constantinople ces hommes qui avaient envahi l'ég
3. Mais plein de confiance dans notre cause, nous ne nous sommes point désisté de notre poursuite, nous avons au contraire redoublé d'efforts auprès de l'empereur. Celui-ci agissant conformément à sa piété, enjoignit à Théophile de venir à Constantinople avec tous ses complices pour y rendre compte de ses actes. Il devait bien penser, lai disait-il, que ce qui s'était fait en notre absence, était une violation flagrante des canons, loin de suffire à le justifier lui-même. Au lieu d'obéir aux ordres du prince, il resta chez lui , alléguant certains mouvements populaires, je ne sais quel zèle intempestif de ses partisans; tout au contraire cependant, le peuple, même avant l'arrivée de la lettre, l'avait accablé de mille injures. Mais nous ne donnerons aucun détail; nous en avons dit assez pour montrer qu'on ne se trompait point sur ses menées criminelles. Nous ne nous sommes pas tenu en repos; nous avons persisté à prier l'empereur de former un tribunal où nous pourrions défendre notre cause. Car nous étions prêt à établir notre innocence et à prouver qu'ils avaient indignement transgressé les lois. Les Syriens qui l'avaient suivi à Constantinople et qui avaient agi de concert avec lui, étaient restés dans cette ville; nous allâmes les trouver, demandant à être jugés par eux, les pressant vivement de nous entendre, de nous remettre les actes d'accusation , de nous dire au moins la nature des griefs que l'on nous reprochait, de nous faire connaître les accusateurs; nous ne pûmes rien obtenir et on nous chassa de l'ég
4. Par là vous pouvez juger de tout le reste ; car raconter en détail ce qui s'est passé , je le répète, c'est chose impossible. Mais, ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que ces maux si nombreux et si grands n'ont pas encore disparu, et on ne sait quand ils finiront. Le péril s'accroît de jour en jour, et nous sommes devenus pour la plupart un objet de risée; ou plutôt personne ne rit, pas même les plus pervers; mais, comme je le disais, tous déplorent ces derniers excès, qu'il serait difficile de surpasser. Et qui pourrait dire aussi le trouble qui agite les autres ég
A INNOCENT, ÉVÉQUE DE ROME, JEAN, ÉVÊQUE , SALUT DANS LE SEIGNEUR.
Ecrite, à ce que l'on croit, l'an 406.
Notre corps, il est vrai, n'occupe qu'une seule place, mais la charité nous perte sur ses ailes dans l'univers entier. Aussi, bien que séparé de vous par une telle distance , chaque jour cependant nous sommes avec vous : les yeux de la charité aperçoivent votre courage, votre attachement sincère, votre fermeté, votre constance, et ces consolations nombreuses, continuelles et puissantes que vous nous adressez. Plus lés flots s'amoncèlent , plus les écueils se multiplient, plus la tempête redouble de fureur, plus aussi s'accroît votre vigilance. Rien ne peut vous rebuter : ni la longueur du chemin , ni les temps , ni les difficultés de la route. Mais vous ne cessez d'imiter ces pilotes excellents, qui déploient tout leur zèle quand ils voient les flots se soulever, la mer se gonfler, et une nuit profonde couvrir l'océan au milieu du jour. Aussi vous rendons-nous de nombreuses actions de grâces, et désirons-nous vous envoyer lettre sur lettre : c'est notre plus grande consolation. Mais le désert où nous vivons, nous prive de ce bonheur; car il n'est pas facile d'arriver jusqu'à nous. C'est chose difficile, non-seulement pour ceux qui sont loin d'ici, mais encore pour ceux qui habitent les contrées voisines; car ceux-ci même sont loin de nous, et le lieu que nous habitons est à l'extrémité de la contrée. D'ailleurs les voleurs assiègent toutes les routes. Que notre silence vous fasse compatir à nos douleurs, loin de vous porter à nous accuser de négligence ! Non , ce n'est point négligence de notre part, si nous gardons le silence; après avoir attendu bien longtemps , nous avons enfin rencontré le prêtre Jean, que nous vénérons et que nous chérissons, et le diacre Paul, et depuis nous ne cessons de vous remercier de nous avoir témoigné une bienveillance, un dévouement tout paternel. Vous avez fait tous vos efforts pour ramener le calme, pour faire disparaître tant d'infamies et de scandales, pour rendre aux Eg
A SON BIEN-AIMÉ FRÈRE JEAN, INNOCENT, ÉVÊQUE.
Celui dont l'âme est innocente, devrait vivre au sein du bonheur et n'implorer que la divine miséricorde : cependant, voici que nous vous exhortons à la patience dans cette lettre, que vous remettra le diacre Cyriaque. Si l'injustice accable par sa violence, que du moins une conscience pure fasse concevoir une douce espérance. Vous n'ignorez pas, en effet, vous, le maître et le pasteur de tant de peuples, que Dieu ne cesse d'éprouver les gens de bien ; qu'il veut connaître l'étendue de leur patience, savoir s'ils sont capables de résister à toute espèce de fatigues et d'ennuis. Vous savez que la conscience est ce qu'il y a de plus. fort contre l'injustice : ne pas supporter l'injustice avec courage, c'est donner de soi-même une idée peu avantageuse. Car on doit tout supporter, quand on se confie en Dieu d'abord, et ensuite en sa propre conscience. On peut exercer la patience de l'homme de bien; en triompher, jamais : car les divines Ecritures gardent son âme. Que d'exemples ne renferment-elles pas, ces divines lectures que nous faisons à nos peuples! Elles nous montrent presque tous les saints, tourmentés de mille manières, soutenant pour ainsi dire un examen et obtenant ainsi la couronne de la patience. Que cette bonne conscience que vous avez de vous-même, soit donc votre consolation, vénérable frère! telle, est en effet dans le malheur la consolation de l'homme vertueux. Ainsi visitée par le Christ, Notre-Seigneur, toute conscience droite et pure entrera dans un port sûr et tranquille.
L'ÉVÊQUE INNOCENT
AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES, A TOUT LE CLERGÉ ET AU PEUPLE DE L'ÉGLISE DE CONSTANTINOPLE, SES FRÈRES BIEN-AIMÉS, SOUMIS A L'ÉVÊQUE JEAN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.
La lettre que vous m'avez envoyée par le prêtre Germain et le diacre Cassien, m'a mis sous les yeux une scène qui m'a rempli de tristesse . J'ai lu et relu ces maux sans nombre qui accablent la religion. Il n'y a vraiment que la patience qui puisse consoler nos coeurs. Car Dieu saura donner un terme à tant de désordres, et nous nous réjouirons d'avoir souffert. Ce motif de consolation, je le trouve au début même de votre lettre, et je vous loue d'y avoir inséré tant de témoignages si propres à consoler. Vous nous avez ainsi prévenu nous-même. Que pourrions-nous dire autre chose en effet pour soutenir votre courage ! Notre-Seigneur arme de patience ceux de ses serviteurs qui vivent au milieu des souffrances : ils savent se consoler eux-mêmes en se rappelant que les saints aussi ont eu beaucoup à souffrir. Bien plus, nous pouvons à notre tour puiser dés consolations dans votre lettre : car nous partageons toutes vos douleurs; en vous persécutant, on nous persécute avec vous. Qui pourrait supporter tant de crimes de la part de ceux qui devraient aimer le calme, la paix et l'union? Par un déplorable renversement de tout ordre, voilà que l'on chasse de leurs sièges des prêtres innocents. La première victime de cette violence, c'est notre frère Jean, votre évêque, dont on n'a pas instruit la cause, contre lequel on ne peut alléguer, on ne tonnait même aucun motif d'accusation. Quelle perfidie! Pour écarter toute occasion de jugement, pour qu'on ne songe pas même à la chercher, on substitue des évêques à la place d'évêques encore vivants; comme si en débutant par un acte aussi criminel, on pouvait se taire regarder comme capable d'aucune action bonne et conforme à la justice. Nos pères ont-ils jamais rien fait de semblable? Il était au contraire défendu d'ordonner un évêque à la place d'un autre qui vivrait encore. S'imagine-t-on qu'une ordination illégitime puisse nuire en rien à la dignité d'un évêque? Est-il évêque celui qui usurpe le siège d'un autre? Quant à l'observation des canons, les seuls auxquels on doive obéir, sont ceux du concile de Nicée ; ce sont les seuls que doive reconnaître l'Eg
LETTRE DE L'EMPEREUR HONORIUS A L'EMPEREUR D'ORIENT ARCADIUS.
Je vous ai averti au sujet de cette image promenée dans les provinces, chose inouïe jusque là; je vous ai parlé des bruits injurieux qui se répandaient dans tout l'univers. Je souhaitais de vous voir renoncer à cette résolution, vous repentir de l'avoir prise, et faire, tomber ainsi ces fâcheuses rumeurs, en sorte que les peuples n'eussent pas à censurer votre conduite. L'affection que je vous porte m'a déterminé pareillement à attirer votre attention sur l'Illyrie menacée de périr, et à vous dire combien j'étais affligé de penser que vous ne vouliez pas reconnaître ce danger pressant de la république, et de l'apprendre par une autre voie que vos lettres. Cependant nous ne pouvons cacher à votre sérénité ce que la renommée, toujours prompte à annoncer le mal, n'a pu nous taire au sujet des affaires de la religion et des malheurs que fait craindre votre conduite. C'est , le propre de la nature humaine; tout incident nouveau offre aux hommes une occasion de blâme, et leur goût pour la médisance fait éclater leur méchanceté contre leur époque. Voici donc ce qu'on nous a rapporté : A Constantinople, au jour sacré de la fête de Pâques, de cette fête où la religion rassemble en un même lieu les populations des villes voisines pour célébrer cette grande solennité en présence des princes; tout à coup les ég
Ces nouvelles, je ne puis le dissimuler, nous ont vivement ému. Après un tel sacrilège, qui ne redouterait le courroux du ciel? Comment ne pas croire que l'univers romain, que le monde entier court les plus grands périls ? l'auteur de notre puissance, le suprême gouverneur de cette république qu'il nous a confiée, ne doit-il pas être irrité par tant d'actions funestes et exécrables? ô mon frère, ô vénérable descendant d'Auguste, s'il s'élève entre les prélats quelque différend au sujet de la religion; n'est-ce pas aux évêques qu'il appartient dé prononcer? Oui; c'est d'eux que relèvent les affaires religieuses; pour nous, notre devoir est d'obéir à la religion. Mais passe encore que l'empereur se soit arrogé trop de puissance en ce qui concerne les questions religieuses et catholiques; fallait-il donc exiler les prêtres, et répandre le sang humain? N'est-ce pas là pousser l'indignation jusqu'à l'excès? Quoi! dans ce lieu où prient les coeurs purs, où se forment des voeux pieux, où s'offrent d'augustes sacrifices, on a vu briller le glaive, que l'on doit à peine tirer du fourreau pour sévir contre les coupables! Les faits eux-mêmes nous ont montré de quel oeil la majesté divine a vu ces choses. Ils ont justifié les reproches que je vous adresse en ce moment; et puissions-nous ne rien voir de plus fâcheux! L'âme saisie de crainte, à la pensée de tant de crimes, redoute une vengeance plus terrible encore, après avoir déjà ressenti les coups d'une justice irritée. Veuille le ciel ne pas réa
J'apprends que cette ég
Recevez un témoignage de ma droiture et de ma franchise. J'ai cru devoir donner ces conseils à votre clémence, pour n'être suspect à qui que ce soit. peut-être, si j'eusse gardé le silence, aurait-on cru que je me félicitais en secret de ce qui avait eu lieu. On aurait pu penser que je donnais mon consentement à de telles actions, et qu'après avoir souvent conseillé de ne pas les commettre, je n'étais. pas fâché. de les voir accomplies. Comment ne pas éprouver de douleur si l'on se rappelle son titre de chrétien, quand on voit. tout à coup la religion troublée et la foi catholique rendue chancelante? C'était un différend survenu entre les évêques; un concile devait se réunir et décider. Les deux partis avaient envoyé des députés aux prêtres de la Ville Eternelle et de l'Italie; on attendait d'eux une sentence qui devait servir de règle. Jusqu'à ce qu'elle eût été prononcée, il ne fallait rien exécuter, ni rien innover. Cependant on précipite toute chose avec une étrange ardeur, et, sans attendre la lettre que l'on avait sollicitée de part et d'autre, sans rien examiner, on exile les prélats, on sévit contre eux, avant d'avoir reçu la décision demandée. Rien de plus prématuré que cette condamnation, comme l'événement l'a montré. Car ceux à l'autorité desquels on en avait appelé, sont demeurés en communion avec l'évêque Jean, ont décidé qu'il fallait entretenir la concorde, et qu'on ne devait excommunier personne avant de l'avoir jugé. Comment empêcher maintenant que les schismes ne divisent l'Ég
AUX ÈVÊQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES JETÉS EN PRISON A CAUSE DE LEUR PIÉTÉ.
Bienheureux, vous tous qui avez été jetés en prison, chargés de chaînes et de liens. Oui, vous êtes bienheureux, trois fois bienheureux. Vous vous êtes attiré l'admiration et l'amour de l'univers. Partout , sur la terre, sur la mer, on chante vos glorieux exploits, votre courage, votre invincible constance, votre âme vraiment libre et généreuse. Rien n'a pu vous effrayer, ni les tribunaux, ni les bourreaux, ni les plus cruelles tortures, ni la mort dont on vous a menacés. En vain les lèvres du juge lançaient la flamme contre vous, en vain vos ennemis grinçaient les dents, vous dressaient mille embûches, vous calomniaient, vous chargeaient d'impudentes accusations, en vain vous mettaient-ils chaque jour la mort devant les yeux. Vous avez trouvé dans ces supplices mêmes d'abondantes consolations. C'est pourquoi tous vous décernent des couronnes, et publient votre vertu, non-seulement vos amis, mais encore vos ennemis, et ceux qui vous ont persécutés. Vos ennemis ne le font pas ouvertement sans doute; mais si l'on pouvait lire dans leur conscience, on les trouverait remplis d'admiration pour votre conduite. Telle est en effet la vertu, elle excite l'admiration de ceux-mêmes qui lui font la guerre: la méchanceté est au contraire condamnée même par les méchants. Voilà votre récompense dans cette vie; mais qui pourrait dire les biens qui vous sont réservés dans les cieux? Vos noms sont inscrits au livre de vie, avec ceux des martyrs. J'en suis certain. Je ne suis pas monté au ciel, il est vrai, mais les divins oracles me l'ont enseigné. Jean, le fils de la femme stérile, l'habitant du désert, témoin de l'adultère d'Hérode, blâma ce prince, sans pouvoir le convertir; on le jeta en prison, on lui trancha la tête; il eut ainsi l'honneur d'être martyr et le premier des martyrs. Quelle récompense n'obtiendrez-vous donc pas, vous qui avez défendu les lois et les constitutions des Pères, quand on les foulait aux pieds, soutenu le sacerdoce audacieusement outragé et profané; vous qui avez souffert tant de supplices pour la vérité, pour confondre la calomnie ? Il ne vous est point permis d'avoir la femme de votre frère (Matth. XIX, 4), disait le courageux, le sublime précurseur de Jésus, et c'en fut assez pour prouver son intrépidité. Vous aussi, vous avez dit voici que nos corps vont être livrés aux supplices et aux tourments; eh ! bien, faites-les mourir, accablez-les des supplices les plus cruels, vous ne pourrez nous contraindre à proférer des calomnies; nous aimons mieux mourir mille fois. On ne vous a point tranché la tête; mais le traitement qu'on vous a fait subir n'est-il pas encore plus affreux? Il y a certes moins de mérite à perdre la vie par un supplice d'un instant, que de lutter si longtemps contre de telles douleurs, et de telles menaces, que d'être jeté en prison, traîné devant les tribunaux, livré aux mains des bourreaux, aux langues impudentes des calomniateurs, à leurs injures, à leurs sarcasmes, à leurs railleries. Il n'est point de lutte plus glorieuse que celle-là; c'est saint Paul qui nous l'apprend en ces termes Rappelez-vous les jours anciens, oie éclairés par la lumière de la foi, vous avez soutenu le glorieux combat des afflictions. (Hébr. X, 32.) Il énumère ensuite les phases diverses de cette lutte: On a donné en spectacle vos opprobres et vos afflictions; et vous avez compati aux douleurs des affligés. (Ibid. XXXIII.) Compatir aux douleurs d'autrui, c'est engager un combat; n'est-ce donc pas combattre aussi que de souffrir soi-même? Vous êtes morts, non pas une fois ou deux seulement, mais mille fois; non point dans la réalité, mais par la volonté. Réjouissez-vous donc, et tressaillez d'allégresse. Le Seigneur vous ordonne, non-seulement de ne pas vous attrister, de ne pas vous laisser abattre, mais encore de vous réjouir et de tressaillir d'allégresse, quand on en viendra à proscrire votre nom, comme détestable. S'il faut se réjouir à (398) propos des calomnies, songez quelles récompenses, quelles couronnes méritent ceux qui sont non-seulement calomniés, mais encore battus de verges, mis à la torture, percés de glaives acérés, chargés de chaînes, envoyés en exil, menés de pays en pays, assaillis par des légions d'ennemis. Réjouissez-vous donc et tressaillez d'allégresse. (Matth. V, 12.) Montrez-vous pleins de courage et de force, songez que par votre exemple vous avez ranimé le courage des chrétiens, raffermi ceux qui chancelaient, les absents comme les présents; songez que les chrétiens les plus éloignés ont retiré de vos souffrances les plus grands avantages sans en avoir été les témoins, mais pour les avoir entendu raconter. Ayez toujours à la bouche ces paroles de l'Apôtre. Les souffrances de cette vie ne sont point proportionnées â la gloire dont nous serons environnés dans les cieux. (Rom. VIII, 18.) Encore un peu de temps: le terme de vos épreuves, le moment de la délivrance approche. Ne vous lassez point de prier pour nous. Une longue distance nous sépare, et il y a longtemps que nous vivons loin de vous; mais nous vous aimons comme si nous étions près de vous, nous couvrons de nos baisers vos tètes chéries et ornées de couronnes, nous vous serrons affectueusement dans nos bras; nous savons bien que vous nous offrez en retour cette charité qui ne s'est jamais démentie. Si l'on peut s'attendre à une récompense uniquement parce que l'on vous aime, songez quelles récompenses sont réservées à ceux, qui comme vous, se sont couverts de gloire dans de si nombreux combats.
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