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SERMON DE NICOLAS DE CLAIRVAUX POUR LA FÊTE DE SAINT ANDRÉ.
On croit de coeur, pour être justifié, et on confesse la foi de bouche pour être sauvé. (Rom, X, 10).
1. Votre désir qui se tait, votre silence attentif, et la solennité remarquable d'un si grand saint, nous avertissent ou plutôt nous contraignent de vous adresser quelques paroles, afin de vous montrer la gloire du Seigneur, la grâce de la dignité apostolique, le courage du témoignage que rendit notre martyr. Rapportons la gloire à celui que célèbrent toutes les nations, qui loue ses ministres, et les rend dignes de louanges. Je veux parler de celui devant qui les anges se tiennent pour écouter ses paroles, qui appelle les étoiles et les étoiles lui répondent, nous voici : celui dont la main a étendu les cieux, qui a établi la terre sur ses fondements solides, qui marche sur les flots de la mer, qui seul opère des merveilles, et dont les anges désirent contempler le visage. C'est lui qui a fait toutes choses et qui, en tout ce qu'il a fait, a réalisé ce qui lui a plu. C'est régner que de le servir, lui qui s'est assujetti pour nous à de dures et lourdes nécessités, et qui, couvrant du cilice de notre mortalité la pourpre de sa nature divine, est venu pauvre et mendiant dans la contrée que nous habitons. Juifs, païens, hérétiques, et vous tous qui formez l'assemblée des moqueurs, ou plutôt des insensés, cela ne vous parait-il pas une plaisanterie de nous entendre dire que le Fils de Dieu s'est incarné, est mort, a souffert, a été percé de clous, et piqué d'une lance ? Oui, c'est là un jeu, mais ce qui est un jeu pour nous, est un jeu contre vous. Ce sage incomparable n'ignorait point ce mystère, jouait, par avance, ce jeu, dans des paroles pleines d'élégance. « Je me délectais chaque jour, en jouant devant lui dans l'univers (Prov. VIII, 30), » En effet, il a joué « devant Dieu, » lorsqu'il prit un corps d'homme, d'après ses ordres, « et dans l'univers, » parce que charmé par l'uvre de la rédemption du monde qu'il venait opérer, « chaque jour, » il goûte ces jouissances dans chacun de ses apôtres, quand il donne à l'un les clefs du royaume du ciel, et fait à l'autre un oreiller de sa poitrine.
2. « Et mes délices sont de me trouver avec les enfants des hommes. » Je pensais, ô Seigneur-Jésus, que vos délices étaient d'être, non avec les enfants des hommes, mais dans la compagnie des anges, en ce, séjour élevé où, par l'éclat étonnant de votre divinité, vous frappez les yeux des trônes et des puissances, ces natures si sublimes, dans ce lieu où vous habitez une lumière inaccessible, et où vous éclipsez de votre lumière, les flambeaux les plus étincelants qui brillent autour de vous. Mais votre piété si clémente, votre tendresse adorable, proclame que ses délices sont d'habiter avec les enfants des hommes. Ce sont ces enfants des hommes qui ont espéré à l'ombre de vos ailes, que vous avez choisis du milieu du peuple, dont vous avez lavé les pieds, en qui vous avez répandu votre esprit, et qui, sur le char des quatre évangiles, ont porté aux quatre extrémités du monde, la foi en votre nom. Remarquez cependant qu'il ne dit pas avec les hommes, mais « avec les enfants des hommes. » Je pense que le mot homme, se rapporte au vieil Adam, et que, le mot enfants des hommes se rapporte au fils de l'homme, sens selon lequel le jeune psalmiste entonnait ainsi l'un de ses cantiques sur son instrument inspiré: « Qu'est-ce que l'homme, pour que vous vous souveniez de lui, ou le fils de l'homme pour que vous le visitiez (Psal. VIII, 5) ? » Voyez-vous que Dieu assure qu'il se souvient de l'homme, et qu'il visite le fils de l'homme? Nous avons la confiance et nous espérons qu'il fera éclater sur nous, sa miséricorde, en présence des enfants des hommes, si, en attendant, il nous protège dans le secret de sa face, loin du tumulte des hommes. Aussi Notre-Seigneur, dont l'école est sur la terre et la chaire dans le ciel, parmi tous les disciples qu'il choisit et distingua des autres, a-t-il choisi l'apôtre saint André dont nous célébrons la fête, de bouche et de coeur. O doux apôtre, ô première vocation faite par le Sauveur, une telle priorité vous fait entrer le premier dans le collège apostolique. Nous n'ignorons pas qu'en une certaine manière, ce grand saint est extrêmement tendre, et est très doux au cur des fidèles; sa passion, en effet, répand une si grande dévotion, qu'elle semble remplir d'une sainte abondance l'esprit de ceux qui l'entendent. Aussi n'est-ce point sans motif que les actes qui la racontent ont été placés dans un degré particulier, parmi ceux qui font autorité. Ceux qui furent les témoins des souffrances des apôtres, les ont écrites par tout l'univers, et furent les secrétaires qui en rédigèrent le récit. Vous connaissez la vocation de saint André, sa vie et son martyre ; que reste-t-il à vous dire, et qu'attendez-vous encore de moi ?
3. Cependant le passage de l'Apôtre qui vient d'être lu, me porte à en exposer quelque chose à votre vénérable assemblée. Saint Paul a dit « On croit de cur pour être justifié ; et de bouche on confesse la foi pour être sauvé. L'Écriture le déclare en effet : « Quiconque croit en Dieu, ne sera pas confondu. » En cet endroit, trois choses nous sont proposées, « croire de cur pour la justice, confesser de bouche la foi pour le salut,» et « croire en celui qui ne confond » jamais la confiance de ceux qui espèrent en sa bonté. Le coeur de l'homme est seul capable de prier, et susceptible de recevoir les mystères du Seigneur : purifié et poli, il considère la substance même de la divinité : bien qu'il ne la comprenne pas, il la saisit néanmoins. Le cur est dans la poitrine, l'âme dans le coeur, l'esprit dans l'âme, le Christ dans la foi. Voilà pourquoi, selon moi, l'Apôtre dit que « le Christ habite par la foi dans nos coeurs (Ephes. III, 17). » Votre coeur est donc amené à une pureté excessive, lorsque vous croyez, comme chose inébranlable, tous les mystères de la foi chrétienne, lorsque rien ne vous inspire de doute, bien que vous n'aperceviez pas la raison de ce que vous croyez. Voilà la justice couronnée, la vérité parfaite, et la perfection véritable, si cependant la confession de bouche vient à la suite. Effectivement, sans la foi de la bouche, la foi du cur est nulle ou fort peu de chose, au témoignage du Sauveur qui nous dit : « Quiconque rougira de moi et de mes paroles, le Fils de l'homme rougira de lui, etc. (Luc. IX, 26). » Et le Prophète dit : « La foi est morte et a disparu de leurs lèvres (Jerem. VII, 28). » Il ne parle pas du coeur, mais de la bouche; parce que la foi du cur ne vaut rien sans la foi de la bouche, et réciproquement, celle de la bouche est sans valeur sans celle du cur : en effet, l'une donne la justice et l'autre procure le salut; parce que le salut ne peut être séparé de la justice, ni la justice du salut. Croyez donc et confessez de bouche; néanmoins confessez et croyez : parce que la foi donne la justice, et la confession procure le salut.
4. Et, puisque nous en sommes venus à ce chapitre, et que l'occasion s'est présentée de parler de la confession, il nous faut acquitter la promesse que nous vous avons faite ailleurs, et développer ce que nous pensons à cet égard. Ayez patience, et, si ce discours se prolonge un peu, appliquez-vous à ce que je vais dire, car je le dirai pour votre utilité. La confession est le chemin sans lequel nul ne vient au Père ; qui l'a perdue a perdu Dieu. Lorsque vous vous disposez à sortir de l'abîme des vices, ayez principalement recours à celui qui a reçu la charge de votre âme, et que Dieu a placé à votre tête. Qu'il soit sans titres ou sans distinction, ne vous en émouvez pas, et, en cela même, il y aura le signe de l'humilité qui produit la confession. Souvenez-vous qu'il n'y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu. « Les Scribes et les Pharisiens,» dit le Seigneur, « sont assis sur la chair de Moïse. » Considérez donc, non celui qui est assis, mais le siège, la chaire, non la personne qui l'occupe. Si par hasard, avec sa permission, vous vous adressez à un autre, révélez-lui néanmoins d'abord le secret de votre cour ; parce qu'il n'y a pas de salut parfait si on fuit ou si l'on méprise celui à qui l'on devait s'attacher, et que l'on était obligé d'honorer. Mais si son instruction vous paraît insuffisante, le chemin de la liberté vous est ouvert, vous pouvez vider votre coeur devant un autre prêtre éclairé et discret, en réservant le privilège de celui à qui vous avez confié votre âme.
5. Ne vous flattez pas, si votre confesseur, par ignorance ou par inadvertance, vous impose une pénitence légère pour des péchés graves, puisqu'il faudra achever dans les flammes du purgatoire ce que vous aurez négligé d'accomplir ici-bas ; car le Très-Haut cherche de dignes fruits de pénitence. Bien que le directeur qui ne vous a point parfaitement conseillé n'échappe point à la main du Tout-Puissant, vous avez pour vous conduire la raison qui vous apprend à vous priver des choses permises autant que vous vous en êtes permis de défendues. Nous écartons donc du vestibule de cette vertu sacrée tous ceux que la crainte porte à se confesser, parce qu'une confession arrachée n'est pas nue confession; ceux que pousse la pensée d'accuser les autres, parce que leur confession n'est pas une confession, mais une offense; ceux que guide le désir de s'excuser, car alors ce n'est pas une confession, mais une défense de soi; ceux que conduit une vaine jactance, parce que ce n'est pas une confession, mais une illusion ; sans parler des autres fléaux qui se cachent sous le saint voile de cet auguste sacrement. Un cur contrit et humilié en lui-même, et de son propre fonds, peut seul parvenir à la pureté que procure cette source purifiante. Je vais vous montrer nu juste se confessant très-justement. Vous cherchez de qui je veux parler? C'est celui qui a chanté le Seigneur dans ses psaumes. «J'ai dit, s'écrie-t--il, je confesserai contre moi, mon injustice au Seigneur (Psalm. XXXI, 5). » J'ai dit : en d'autres termes, je me suis proposé dans mon cour, sans être violenté, sans être contraint ni forcé, mais de mon plein gré. « Mon iniquité,» ajoute-t-il, non pas celle d'autrui, mais la mienne, que je juge, que j'accuse. Vous voyez que le saint se confesse au Seigneur, non par la crainte d'autrui ou pour en accuser d'autres, mais pour se découvrir lui-même. Par suite d'une aveu semblable, « Seigneur, vous remettrez l'impiété de mon péché, à cause d'elle, tout saint vous priera en temps opportun. » Il germe d'abord dans le cour, pour produire la justice, et ensuite il naît dans la bouche pour amener le salut.
6. Le premier degré de la confession, c'est la connaissance du péché. Le commencement du salut, a dit un auteur, c'est la connaissance du péché. En cette connaissance il faut voir ce que vous avez fait, de combien de hontes vous avez affligé votre corps en suivant vos désirs passionnés, comme les nations païennes qui ignorent Dieu, en possédant votre chair dans l'impureté, non dans la sanctification et l'honneur. Il faut considérer aussi ce que vous avez mérité, c'est-à-dire ce feu qui a été préparé au démon et à ses anges et toutes les espèces de châtiments qui s'entassent et s'accumulent en ces lieux de tourments. Il faut regarder enfin ce que vous avez perdu, c'est-à-dire ces biens que l'oeil n'a point vus, que l'oreille n'a pas entendus, qui ne sont point entrés dans le coeur de l'homme, et que Dieu a préparés pour ceux qui l'aiment. 7. Effrayé par la considération de toutes ces choses, venez-en à la pénitence qui punit les vices et nourrit les vertus. Repentez-vous de ce que, enveloppé de vices si grands ;et si nombreux, vous avez croupi trop longtemps dans la boue et la misère. Puis, faites pénitence, brisez votre corps, retranchez à l'animal furieux de votre chair ce qui excite ses convoitises, ne faites plus d'actions dont vous ayez à vous repentir, dans la crainte que, recevant blessure sur blessure, vous ne brisiez les os de votre âme, ces os que le Seigneur garde dans les justes; vous n'en romprez pas un seul d'entre eux, dit-il. Ces deux choses sont si parfaitement liées entre elles, que nul ne peut se connaître s'il ne se repent, ni se repentir s'il ne se connaît. 8. Quand vous vous connaîtrez ainsi et que vous vous repentirez, il faut vous élever au troisième degré, c'est-à-dire à la douleur du coeur et, dès-lors, la justice y sera établie et plantée selon la manière que plante votre Père céleste. Eprouvez donc du regret d'avoir offensé votre Créateur, dont le ciel et la terre, vous excepté, observent les lois avec une infatigable fidélité. Dans cette immense république du Seigneur, il n'y a que vous d'étranger, que vous qui n'ayez point souci des ordres de sa majesté souveraine. Qu'une douleur encore plus vive se saisisse de vous, à la pensée d'avoir offensé avec votre Créateur, votre Père, ce Père qui fait servir à vos besoins le cours des astres, la fécondité de la terre et l'abondance de ses fruits ; qu'à ce sentiment s'ajoute, dans votre âme, un très-grand regret d'avoir méprisé un bienfaiteur si généreux, qui a subi le supplice de la croix pour que vous n'eussiez point à souffrir les douleurs de l'enfer. La justice germant ainsi dans l'homme intérieur, la tige deviendra un arbre, et la langue dira ce que la science proclamait. 9. Le quatrième degré est donc la confession de la bouche. Il faut la faire intégralement ; il ne faut pas avouer une partie des péchés et en cacher l'autre : il ne faut pas, d'un côté, vous accuser et de l'autre vous excuser, mais, avec le juste, vous devez dire : « Ne laissez pas aller mon coeur en des paroles de malice pour chercher des excuses dans vos péchés (Psalm. CXL, 4). » Ce sont là en effet, des paroles de malice et d'une malice telle qu'il peut à peine s'en trouver de plus grave et de pire. Il faut se confesser avec humilité et avoir dans le cur ce qu'exprime la bouche. Car il se rencontre des personnes qui ont coutume, hélas, de raconter en confession leurs succès dans les lettres ou leur courage dans le combat, introduisant ainsi (orgueil sous le manteau de l'humilité, et croyant pouvoir éviter les regards du juge qui voit tout. N'est-il pas vrai que, réprimandés par les prophètes Samuel et Nathan, les rois Saül et David, dirent: « J'ai péché (I. Reg. XV, 24)? » Et cependant Saül s'entendit dire : « Le Seigneur vous a enlevé l'autorité royale et l'a donnée à votre rival, » tandis qu'à David il fuit dit : « Le Seigneur a ôté votre péché et vous ne mourrez point (II. Reg. XII, 13). » D'où vient cette différence, sinon de ce que Saül n'eut point dans le coeur les sentiments qu'il proférait de bouche, et que, dans le coeur de David, brilla l'humilité que ses lèvres exprimaient ? Il faut aussi se, confesser avec un esprit de foi et croire que c'est dans la foi de l'Eglise que les péchés nous sont remis. Caïn et Judas avouèrent sincèrement et humblement leur crime, mais non pas avec foi; aussi l'un, dans son désespoir courut se pendre (Matth. XXVII, 5), et l'autre vomit ce grand blasphème : « Mon iniquité est trop grande pour que j'en obtienne le pardon (Gen. IV, 13). » Tu mens, misérable; la bonté de Dieu est plus grande que n'importe quel crime : car sa miséricorde s'étend sur toutes ses oeuvres (Psalm, CXLIV, 9). 10. Le cinquième degré est la mortification de la chair : il faut affaiblir le corps par les jeûnes et les veilles, de crainte que, par de nouvelles excitations, il ne revienne à ses coupables voluptés. Mais, cette mortification, il la faut pratiquer avec la « permission des supérieurs, » ce que l'on fait sans leur assentiment est réputé vaine gloire et n'a point de titre à la récompense. «Secrètement, »votre main gauche ne doit pas savoir ce que fait votre droite. «Discrètement, » à cause de la faiblesse du corps et de ses diverses infirmités. Nous avons vu, en effet, plusieurs religieux, au commencement de leur conversion, violer les règles de la discrétion au point de ne pouvoir plus vaquer à l'office divin, et d'avoir besoin, durant longtemps, de soins tout particuliers. Illuminé comme nous venons de le dire, l'homme passe au sixième degré qui est la correction des oeuvres. Eloignez donc votre langue du mal, opérez le bien, retenez par la continence les mouvements désordonnés de vos sens, c'est ainsi que la paix s'établira dans la terre de votre humanité. Reprenez les méchants selon la charge que vous avez : et, vous présent, ne souffrez point qu'on ensevelisse la justice. Venez su septième degré : c'est la persévérance dans le bien. A ce point, le Seigneur vous appellera avec Moïse du milieu du nuage épais : (Exod. XXIV, 12), et vous fixerez les yeux de votre âme sur la substance même de la divinité. Ce qui produit la persévérance, c'est l'attente des récompenses, le souvenir des châtiments, les prémices de l'esprit et le don céleste dont parle l'Apôtre (Hebr. VI, 2), don qu'ignore celui qui n'en a point fait l'expérience, et que comprend celui qui l'a goûté; car la sottise est le partage de celui qui ne l'a point goûté, et il ne peut comprendre ce qui est de l'Esprit de Dieu. (I. Cor. II, 14). 11. Ecoutez en peu de mots quel est celui qu'il faut choisir pour administrer ce sacrement. Il faut qu'il soit aussi instruit que religieux, qu'il ait le zèle de la gloire de Dieu, mais un zèle réglé selon la science car une religion indiscrète est plus nuisible qu'utile. Instruit, pour savoir ce qu'il doit prescrire, envers qui et quand il doit être indulgent, de connaître les consolations que fournissent les Ecritures ; pieux, afin qu'il lève vers le Seigneur des mains pures et intercède avec confiance en faveur des pécheurs; qu'il prenne bien garde de ne jamais parler, et de ne jamais répondre à qui lui parle, de ce qu'il a reçu sous le sceau de la confession, qu'il veille aussi à ne point humilier devant lui celui qui lui a découvert les bas sentiments de son âme : qu'il ne soit pas défiant et n'augure pas d'après le passé, quelle sera la conduite à venir du pénitent. Si par hasard ce qu'il a entendu en confession est l'objet d'un jugement à son tribunal qu'il ne prenne point parti pour où contre comme sachant quelque chose; mais, comme s'il était complètement ignorant en cette affaire, il doit laisser la justice humaine suivre son cours; son désir doit être de compatir au sort de son pénitent et de le délivrer : il doit s'efforcer de diminuer en quelque chose la sévérité du jugement, imitant la douceur de son Seigneur dont le saint roi dit au livre des Psaumes: « Parce que vous m'avez jugé et avez décidé ma cause (Psalm. IX, 5). » Mais, ô douleur ! de nos jours, par tout l'univers, un mal s'est répandu comme une épidémie; on met à la tête des églises des hommes que ne recommande ni la sainteté ni la doctrine, des aveugles pour conduire d'autres aveugles, qui roulent dans les abîmes et y entraînent les autres avec eux 12. Nous avons parlé du pénitent et du prêtre qui l'entend : parlons à présent des obstacles de la confession. Autant que je puis les connaître, il y en a quatre principaux : la honte, la crainte, l'espérance et le désespoir. Rien n'est plus fort que le respect humain pour combattre la grâce de Dieu : car, lorsque nous rougissons de dire les fautes que nous avons commises, nous craignons moins Dieu que les hommes. « C'est la confusion qui amène le péché ( Eccli. IV, 25). » Opposons-lui la considération de la raison, le respect pour Dieu qui est présent à tout, la comparaison d'une confusion plus grande . car la raison nous avertit de nous confesser, Dieu nous y pousse, lui qui a vu nos manquements. Et si nous rougissons de les dire ici-bas, que sera-ce en cette grande confusion, où toutes nos fautes seront découvertes aux yeux de tous les hommes ? La crainte en retient plusieurs, ils ont peur qu'on leur inflige une pénitence trop lourde qu'ils ne pourraient souffrir. Mais il est dit avec vérité que celui » qui craint la gelée, verra la neige tomber sur lui ». C'est dans ce cas qu'il faut considérer combien terrible est le châtiment de l'enfer, combien long, combien infructueux, et combien, au contraire, la pénitence qu'on fait à présent est courte, légère et fructueuse. L'espoir en arrête beaucoup ; désirant les biens présents, ils ne veulent pas ouvrir leur conscience : ils craignent, s'ils apparaissent aux hommes tels qu'ils sont, de ne point parvenir aux biens de ce monde. Il faut leur inculquer que les biens d'ici-bas sont petits, incertains et éphémères, et que ceux de la vie future sont incalculables, très-assurés et éternels. Le désespoir tue bien des personnes par la seule crainte de ne pouvoir être continentes. Il est vrai que « lorsque le pécheur est tombé au plus profond de l'abîme, il méprise (Prov. XXIII, 3). » Nous devons détruire ce sentiment par l'énergie de la confession, par la grâce de l'humilité et par la compassion de celui à qui nous découvrons notre conscience. Il faut savoir que, autre est la confession qui pleure le péché, autre celle qui le loue et l'exalte. La confession est un bel ornement pour l'âme, elle purifie le pécheur, et rend le juste encore plus pur. 13. Vient ensuite : « Celui qui croit en lui ne sera pas confondu ». Croire à Dieu, c'est ajouter foi à ses paroles. Croire Dieu, c'est reconnaître qu'il est partout. Croire en Dieu, c'est placer en lui toute son espérance. Les démons croient Dieu et à Dieu : mais ils ne croient pas en celui qui ne confond jamais ceux qui ont foi en lui, parce qu'ils n'établissent pas leur espérance en cet être bon et adorable. J'ai parlé comme j'ai pu, sinon comme j'aurais voulu, sur le sacrement de pénitence. Ce discours s'est trop prolongé. mettons-y un terme par ces paroles : Que l'Epoux de l'Eglise nous donne de croire pour la justice, de confesser de bouche pour le salut, et de croire en lui, Fils de Marie et Dieu béni dans les siècles. Amen.
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