PSAUME XCV
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DISCOURS SUR LE PSAUME XCV (1).

LA MAISON DE DIEU OU L’ÉGLISE.

 

Cette maison, dont il est parlé dans le titre, c’est l’Eglise de Dieu, ou son temple, dont nous devons être les pierres, et qui embrassera l’univers entier; le cantique nouveau, c’est le cantique de la charité de l’Evangile qui régnera aussi partout. Le temple de Jérusalem a disparu; c’était le vieux temple; le nouveau, c’est la charité qui unit les chrétiens. Et tous croiront, car le Saint-Esprit s’est montré sous la forme de langues de feu, pour montrer qu’il doit se répandre dans tous leu peuples. Quiconque bâtit pour sa propre gloire, n’élève qu’une simple muraille blanchie, mais pas une maison ; cette muraille nous laisse toujours dehors, tandis que nous devons être abrités dans la maison de Dieu. Ou fait partie de ce temple et ou le construit quand on comprend les abaissements de Jésus-Christ, il se bâtit dans les forêts, c’est-à-dire dans les nations idolâtres et dès lors esclaves des démons, esclavage dont nous sommes tous rachetés par le sang du Christ, assez précieux pour ne pas se borner au rachat de la seule Afrique. Pour délivrer les hommes, on leur prêche Celui qui a fait les cieux, ou les Apôtres, et les saints. On devient saint en se purifiant par la confession, afin de se dépouiller du péché, de s’en humilier. Apportons, pour offrandes, l’humilité afin d’entrer dans son parvis. Toute la terre, et non pas une seule partie, s’est ébranlée ou soulevée contre le Christ qui l’a calmée, qui l’a raffermie ou soumise par le bois. Alors se réjouiront et les campagnes ou les justes, et les forêts ou les païens convertis, qui profiteront du premier avènement du Christ pour n’avoir plus à redouter le second. Détachons-nous de tout ce qui passe pour attendre son équité et sa vérité.

 

1. Sévère , mon vénérable seigneur et frère 2, diffère encore notre joie au sujet du discours dont il nous est redevable, car il reconnaît lui-même qu’il nous le doit. Dans toutes les Eglises qu’il a visitées sur son passage, Dieu a répandu la joie par sa bouche. Celte Eglise a bien plus de droit à cette joie, puisque c’est d’elle que Dieu l’a tiré pour le rendre si utile aux autres. Que faire de mieux, que nous soumettre, à sa volonté? Toutefois, mes frères, je vous l’ai dit, il ne nous prive pas, il diffère seulement. C’est à vous à forcer ce débiteur, à ne point le laisser partir qu’il ne se soit acquitté. Que votre charité veuille bien écouter; j’exposerai ce qu’il plaira au Seigneur de m’inspirer sur notre psaume; vous le savez déjà, mais on se rappelle volontiers la vérité. Peut-être l’énoncé du titre a-t-il été

 

1. Sermon prêché probablement l’an 405, durant les fureurs des Circoncellions. — 2. Evêque de Milève.

 

pour plusieurs un sujet d’étonnement. Voici en effet le titre du psaume: « Quand on bâtissait la maison après la captivité». A l’énoncé de ce titre, vous cherchiez peut-être, dans le texte du psaume, quelles pierres on allait tailler des montagnes, quelles masses on allait traîner, quels fondements seraient jetés, quelles poutres préparées, quelles colonnes élevées, Or, le psaume n’en dit rien: et néanmoins, s’il parle d’un autre sujet, faudra-t-il croire ou qu’il n’est pas d’accord avec son litre, et qu’il annonce un sujet pour en chanter un autre? Et pourtant le sujet est le même, seulement il faut le comprendre. Il nous parle de la construction de l’édifice. Que toutes les pierres de cet édifice comprennent ce qu’elles ont chanté, car Dieu se bâtit un temple, mais non sur l’emplacement du temple de Salomon. Ce roi bâtit un temple au Seigneur 1 , et vous savez

 

1. III Rois, VI, 1.

 

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ce que le Seigneur disait naguère de ce temple, quand ses disciples, qui en admiraient les pierres et les grandes proportions, lui en témoignaient leur étonnement et leur stupeur:

«  Je vous le dis, en vérité, s’écria le Sauveur, su ne restera pas une pierre sur une pierre qui ne soit détruite 1 ». Telle n’est point la maison qui s’élève aujourd’hui : car voyez qu’elle ne s’élève point en un endroit particulier, ni dans une partie du monde. C’est ainsi que commence le psaume

2. « Chantez au Seigneur un cantique nouveau, que toute la terre chante au Seigneur 2 ». Si toute la terre chante un cantique nouveau, c’est par ces chants que s’élève l’édifice: chanter le Seigneur, mais non chanter le vieil homme, c’est le bâtir. Le chant vieilli, c’est l’appétit de la chair; le chant nouveau, c’est l’amour de Dieu. Toute parole de convoitise est chant vieilli ; et quand même résonnerait dans votre bouche la parole d’un cantique nouveau, la louange ne peut être agréable dans la bouche du pécheur 3. Mieux vaut être l’homme nouveau et se taire, que le vieil homme et chanter : si tu es homme nouveau gardant le silence, il n’y a que l’oreille de l’homme qui soit privée, puisque ton coeur chante un cantique nouveau, et ce cantique arrive aux oreilles de Dieu, qui t’a fait homme nouveau. Tu aimes, et en silence: l’amour est la voix qui arrive à Dieu, et l’amour est un cantique nouveau. Ecoute bien qu’il est un cantique nouveau. Le Seigneur a dit: « Je vous donne un précepte nouveau, de vous aimer les uns les autres 4 ». Donc toute la terre chante un cantique nouveau, telle est la maison que l’on bâtit au Seigneur. Toute la terre est cette maison de Dieu. Si toute la terre est la maison de Dieu, quiconque n’est pas uni .à la terre n’est qu’une ruine, et non un palais : et cette ruine est ancienne, elle était figurée par le temple ancien. Car on détruisait là ce qui était vieux, pour édifier ce qui est nouveau. Et comment détruire ce qui est vieux? « En vérité, je vous le déclare », dit le Sauveur, «il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit détruite 5». Le Christ est pierre; et l’Apôtre a dit : « Vous tous qui avez été baptisés en Jésus-Christ, vous avez revêtu le Christ 6». Si tout homme baptisé dans le Christ a revêtu le

 

1. Matth. XXIV, 1,2.— 2. Paralip. XVI, 23; Ps. XCV, 1.— 3. Eccli, XV, 9. — 4. Jean, XIII, 34. — 5. Matth. XXIV, 2. — 6. Gal. III, 27.

 

Christ, qui posera pierre sur pierre, sinon celui qui ajoute baptême à baptême? Mais soyez sans crainte; « on ne laissera pas une pierre sur une pierre sans la détruire ». Quant aux pierres qui doivent servir à l’édifice nouveau, après la captivité, on les choisit de telle sorte, et la charité sait tellement les assembler dans l’unité, qu’il n’y a pas pierre sur pierre, mais que toutes les pierres ne forment qu’une seule pierre. N’en soyez pas étonnés: tel est l’effet du cantique nouveau, c’est-à-dire l’effet de la charité. C’est dans cet édifice que l’Apôtre veut nous faire entrer, et nous relier à cette grande unité, en disant: « Supportez-vous mutuellement dans la charité, travaillant à garder l’unité de l’esprit dans le lien de la paix 1 ». Où est l’unité de l’esprit, là est l’unité de la pierre; mais cette pierre unique est formée de plusieurs pierres. Comment est-elle formée de plusieurs? C’est que les chrétiens se supportent mutuellement dans la charité. Donc la maison du Seigneur notre Dieu se construit : on la fait, on la bâtit, c’est elle que construisent nos paroles, nos lectures, et l’Evangile que l’on prêche dans le monde entier; elle se construit encore. Cet édifice a pris de l’accroissement, a renfermé bien des nations dans son enceinte; il ne renferme pas encore toutes les nations, malgré ses accroissements, et toutefois il doit les enfermer toutes. Ceux qui se glorifient de l’habiter s’opposent à sa construction,et l’on dit qu’il commence à décroître. Il s’accroît au contraire; il est bien des peuples qui ne croient pas encore en Jésus-Christ, et qui croiront en lui. Qu’on ne nous dise point : Tel peuple croira-t-il en lui ? Les barbares croiront-ils? Et pourquoi le Saint-Esprit apparaissait-il en forme de langues de feu 2, sinon parce qu’il n’est aucune langue, dont la dureté ne doive se dissoudre dans ce feu divin ? Nous ne sommes pas en effet sans avoir vu des nations barbares. Le Christ a poussé plus loin que les Romains les limites de son empire : des barrières que le fer n’a point rompues, le sont aujourd’hui par le bois de la croix, car le Seigneur a régné par le bois. Quel est celui qui combat avec le bois? Le Christ. Avec sa croix il a vaincu les rois, et a mis le sceau de sa croix sur le front des vaincus; et ils se glorifient de cette croix, en laquelle est leur salut. Voilà ce qui se fait: ainsi s’accroît la

 

1. Ephés. IV, 2,3. — 2. Act. II, 3.

 

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maison, se construit l’édifice ; et pour bien le comprendre, écoutez ce que dit ensuite le psaume; voyez les ouvriers qui construisent l’édifice. « Chantez au Seigneur un cantique nouveau, que la terre entière chante au Seigneur».

3. « Chantez au Seigneur; bénissez son nom, annoncez de jour en jour son salut 1 ». Comment s’accroît l’édifice? « Annoncez», dit le Prophète, « annoncez de jour en jour son salut ». Qu’on prêche de jour en jour; que l’on construise de jour en jour; que ma maison croisse de jour en jour, dit le Seigneur. Et comme si les ouvriers lui demandaient ; Où voulez-vous qu’on la construise? où votre maison doit-elle s’accroître? choisissez-nous un lieu bien uni, bien spacieux, si vous voulez qu’on vous construise une vaste maison. Où voulez-vous que nous prêchions de jour en jour? Le Seigneur vous montre le lieu : « Prêchez sa gloire chez les nations. Oui, sa gloire, prêchez-la chez tous les peuples ». Sa gloire, et non la nôtre. Ouvriers du Seigneur, prêchez sa gloire chez les nations. Si vous prétendez prêcher votre gloire, vous tomberez : si vous prêchez la sienne, vous entrerez vous-mêmes dans l’édifice que vous construirez. De là vient que vouloir prêcher sa propre gloire, c’est renoncer à faire partie de cet édifice, et dès lors ne point chanter un cantique nouveau dans toute la terre; car c’est n’être plus en communion avec l’univers entier. De là vient qu’ils ne bâtissent point une maison, qu’ils élèvent seulement une muraille blanchie, Or, combien de menaces contre cette muraille? Les Prophètes fulminent contre cette muraille des malédictions sans nombre 3. Qu’est-ce qu’un mur blanchi, sinon l’hypocrisie, la dissimulation? De l’éclat au dehors, de la boue à l’intérieur. Ce que je dirai, a été dit cent fois; ruais puisque le Seigneur l’a fait dire par le même Esprit-Saint, qui nous le suggère, nous le disons encore, et tout ce que nous disons dans le même esprit, nos devanciers l’ont dit également. Ne le passons donc point sous silence, mais disons ce qui nous vient par un don de Dieu. En parlant de cette muraille blanchie, quelqu’un a dit : « De même que dans une muraille qui n’est jointe à aucune autre, mais qui s’élève solitaire, si vous faites une porte, quiconque y entrera se trouvera

 

1. Ps. XCV, 2. — 2. Id. 3. — 3. Ezéch. XXIII.

 

néanmoins dehors : ainsi dans la secte qui n’a pas voulu chanter avec la maison le cantique nouveau, mais élever une muraille, et une muraille blanchie et sans solidité, que pourrait faire une porte? Y entrer, c’est toujours être dehors ». Eux-mêmes, en effet, ne sont pas entrés par la porte, et voilà que leur porte n’introduit personne. Le Seigneur n’a-t-il pas dit : « Je suis la porte; c’est par moi que l’on entre 1?» Qui donc entre par la porte? Celui qui cherche la gloire du Seigneur, et non sa propre gloire. Qui entre par la porte? Celui qui fait ce qui est dit : « Annoncez sa gloire parmi les nations. Celui qui entre par la porte est le pasteur du troupeau », dit le Seigneur; « mais celui qui escalade par un autre endroit, est un voleur, un larron 2 ». C’est l’humble qui entre par la porte, c’est l’orgueilleux qui escalade par un autre endroit. Aussi est-il dit de l’un qu’il entre, de l’autre qu’il escalade, Mais celui qui entre est reçu, celui qui escalade est précipité. «Annoncez sa gloire parmi les nations». Qu’est-ce à dire « les nations? » Ces nations ne sont peut-être qu’en petit nombre, et la secte qui élève une muraille blanchie, pourra peut-être nous faire cette objection : Pourquoi la Gélulie, la Mauritanie, la Byzacène, la Numidie ne sont-elles point les nations? Ce sont des provinces, et dès lors des nations. Que la parole de Dieu, qui se bâtit une maison dans l’univers entier, enlève tout subterfuge à l’hypocrisie, à ce mur blanchi. C’est peu d’avoir dit : « Prêchez sa gloire parmi les nations »; afin que l’on ne croie point qu’il y a ici quelque nation exceptée, le Prophète ajoute : « Et ses merveilles chez tous les peuples ».

4. « Car le Seigneur est grand, et infiniment digne de louanges 3» . Quel est ce « Seigneur qui est grand et digne de nos louanges », sinon Jésus-Christ? Il s’est montré dans son humanité, vous le savez; il a été Conçu dans les entrailles d’une femme, vous le savez encore; vous savez qu’il est né du sein de Marie, qu’il en a sucé les mamelles, qu’elle l’a porté dans ses bras, qu’il a été circoncis, qu’on offrit une victime pour lui, et qu’il grandit : enfin, vous savez qu’on lui donna des soufflets, qu’on lui cracha au visage, qu’il fut couronné d’épines, cloué à la croix, qu’il mourut, et que son flanc fut ouvert par une

 

1. Jean, X, 7.— 2. Id. 1, 2.— 3. Ps. XCV, 4.

 

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lance. Vous savez qu’il à souffert tout cela, et néanmoins « il est grand, il est digne de vos louanges ». Ne méprisez pas ses abaissements, mais comprenez sa grandeur. Il s’est fait petit, parce que vous étiez petits; comprenez sa grandeur, et vous serez grands en lui. C’est ainsi qu’on lui construit un édifice, ainsi que cet édifice prend d’immenses proportions, et que les pierres que l’on amène à cet édifice vont toujours en croissant. Croissez donc, vous aussi, et comprenez la grandeur du Christ: dans ses abaissements, il est grand, infiniment grand. L’expression manque au Prophète; il voulait nous parler de la grandeur de Dieu, mais dût-il répéter tout un jour: Grand, grand, que dirait-il encore? Après l’avoir dit tout un jour, il finirait puisque le jour finit; or, cette grandeur est avant tous les jours, au-delà de tous les jours, en un mot, sans jour. Que dira donc le Prophète? « Que le Seigneur est au-dessus de toute louange». Que peut une faible langue pour louer un Dieu si grand? En disant: au-dessus, nimis, il a trouvé une expression qui donne à la pensée ce qu’elle peut comprendre; comme s’il disait : Cherche dans ta pensée ce qu’il ne m’est pas donné d’exprimer, et tout ce que tu auras pu penser sera peu de chose encore. Comment la langue dirait-elle ce que la pensée ne peut exprimer? « Le Seigneur est grand, s’il est au-dessus de toute louange ». Qu’on le bénisse, qu’on le prêche, que sa gloire soit annoncée, ainsi se construit l’édifice.

5. « Il est terrible par-dessus tous les dieux». Y a-t-il en effet des dieux, à qui ce Dieu soit redoutable ? Voyons ceux que le Prophète appelle dieux, et nous comprendrons ses paroles. Mais auparavant, remarquez, mes frères, que celui qui paraît effrayé parmi les hommes, est à son tour « terrible par-dessus tous les dieux ». Les nations n’ont-elles point frémi ? Les peuples n’ont-ils pas médité de vains complots contre le Seigneur et contre son Christ 1 ? Des taureaux gras lie l’ont-ils point environné ? Le lion rugissant n’avait-il pas frémi contre lui 2, et n’était-il point entré dans le coeur des bourreaux qui criaient: «Crucifiez- le, crucifiez-le 3? » comme si ce rugissement devait effrayer celui qui « est terrible», non-seulement au-dessus des hommes, mais encore « au-dessus des dieux? » Le lieu en effet choisi pour y construire l’édifice

 

1. Ps. II,1.— 2. Id. XXI, 13, 14.— 3. Matth. XXVII, 23.

 

est un lieu boisé; de là vient cette expression d’hier: « Nous l’avons trouvée dans les campagnes des forêts 1 ». Or, David cherchait la maison de Dieu, quand il parlait de ces campagnes boisées. Pourquoi ce lieu est-il boisé? Les hommes adoraient des idoles, ce qui n’a rien d’étonnant, puisqu’ils taisaient paître des pourceaux. ils étaient cet enfant qui fuit la maison de son père, pour aller vivre dans la débauche et dissiper son bien avec des femmes perdues, qui fit paître des pourceaux 2, c’est-à-dire qui adorait les démons: la superstition des idolâtres avait fait de la terre entière une immense forêt. Mais celui qui bâtit la maison arrache la forêt; et de là vient ce titre : « Quand ou bâtissait l’édifice, après la captivité ». Car les hommes, dans l’esclavage du diable, offraient des sacrifices à tous les démons; mais ils sont rachetés de cet esclavage. Ils avaient bien pu se vendre, mais ils n’ont pu se racheter. Le Sauveur est donc venu, a payé leur rançon; il a répandu son sang pour racheter l’univers entier. Cherchez-vous ce qu’il a racheté ? Voyez ce qu’il a donné, et comprenez ce qu’il a racheté. C’est le sang du Christ qui est le prix, Que peut-on acheter à un tel prix? Quoi, sinon l’univers entier? Quoi, sinon tous les peuples ? Il faut être bien peu reconnaissants d’une telle rançon, ou bien orgueilleux, pour en diminuer la valeur au point de dire que les Africains seuls sont rachetés, ou pour se croire importants au point de dire que seuls on vaut un tel prix. Qu’ils ne s’élèvent point, qu’ils ne se glorifient point; c’est pour tous que le Christ a payé une telle rançon. li sait ce qu’il a acheté, parce qu’il sait à quel prix. C’est donc parce que nous sommes rachetés, que l’édifice se construit après la captivité. Mais qui nous tenait dans la captivité? Car c’est aux arracheurs de la forêt qu’il est dit « Annoncez»; qu’ils arrachent donc les broussailles, qu’ils nous délivrent de la captivité, qu’ils construisent, qu’ils édifient, en prêchant partout la grandeur de la maison du Seigneur. Comment détruire cette forêt pleine de démons, sinon en prêchant celui qui les domine? Donc tous les peuples n’avaient d’autres dieux que les démons; c’étaient les démons qu’ils appelaient leurs dieux, selon ce mot si clair de l’Apôtre : « Ce que les païens immolent, c’est aux démons qu’ils

 

1. Ps. CXXXI, 7. — 2. Luc, XV, 12-15.

 

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l’immolent, et non à Dieu 1 ». C’est donc parce qu’ils sacrifiaient aux démons qu’ils étaient en captivité, et par cela même la terre était couverte de broussailles; que l’on précise aujourd’hui : « Celui qui est grand, et au-dessus de toute louange ».

6. Comment le Prophète nous montre-t-il sa grandeur, afin d’extirper ces superstitions qui tenaient dans la captivité ce peuple qu’était venu racheter le Dieu « terrible par-dessus tous les dieux? » Comme si on lui objectait: Pourquoi dire: «Au-dessus de tous les dieux? » Sont-ils bien des dieux ? Le Prophète continue en disant : « Tous les dieux des nations sont des démons 2 ». Que votre charité me suive. Il disait tout à l’heure un grand mot: « Le Seigneur est grand »; et dans son impuissance de le louer, il s’écriait : « Le Seigneur est au-dessus de toute louange ». Ne vous ai-je point dit qu’il vous laisse penser ce qu’il ne saurait exprimer ? Or, quand il expose en paroles ce qu’il a dit de grand au sujet de Jésus-Christ, que m’apprend-il? Qu’il est au-dessus des démons? Car, quand il dit qu’ « il est terrible au-dessus de tous les dieux », il ajoute que « tous les dieux des nations sont des démons».C’est peu d’être au-dessus des démons; toi aussi tu seras au-dessus d’eux, si tu le veux, mais en croyant au Christ. Or, est-ce bien à cela que se réduit cette grande parole : « Dieu est grand, et par-dessus toute louange?» Voulant exprimer sa pensée autant que le peut une langue humaine, et quoique le Saint-Esprit touche admirablement les instruments dont il se sert, puisqu’il ne nous fait Parvenir que le son des syllabes, à cause des voies étroites de l’esprit humain, et que ces syllabes forment des pensées en nous, voulant donc s’exprimer en langage humain, que nous dit-il? « Le Seigneur est grand, et au-dessus de toute louange». Dites-nous, ô Prophète, dites-nous combien il est louable. « Il est terrible»,dit-il, «par-dessus tous les dieux ». Pourquoi par-dessus tous les dieux ? « Parce que les dieux des nations sont des démons ». Est-ce donc là toute la gloire de Celui qui est par-dessus toute louange, de surpasser les démons qui sont les dieux des nations? Attendez, écoutez ce qui suit : « Quant au Seigneur, il a fait les cieux ». Déjà il n’est plus seulement au-dessus des démons, mais encore au-dessus des

 

1. I Cor. X , 20. — 2. Ps. XCV, 5.

 

cieux qu’il a faits. S’il avait dit: « Par-dessus tous les dieux, parce que les dieux des nations sont les démons », et qu’il eût borné là toute la louange du Seigneur, il serait demeuré en arrière de nos pensées au sujet du Christ ; mais quand il dit : « Le Seigneur a fait les cieux » ; voyez quelle différence entre le ciel et les démons, et de plus la différence entre le ciel et le créateur du ciel: telle est la grandeur de notre Dieu. Il ne dit point que le Seigneur est assis au-dessus des cieux; on pourrait croire alors qu’un autre a fait ces cieux sur lesquels il s’assied ; mais il s’écrie : «Le Seigneur a fait les cieux». S’il a fait les cieux, il a fait aussi les anges; et celui qui a fait les anges a fait les Apôtres. Aux Apôtres les démons étaient soumis, et les Apôtres étaient des cieux qui portaient le Seigneur. Et quel Seigneur portaient-ils? Celui qui les avait faits. Ecoute bien qu’ils sont des cieux « Les cieux annoncent la gloire de Dieu 1». C’est à ces mêmes cieux qu’il est dit « Annoncez sa gloire aux nations, et ses merveilles parmi tous les peuples. Car le Seigneur est grand et au-dessus de toute louange; il est terrible par-dessus tous les autres dieux ». Quels dieux? « Tous les dieux des nations sont des démons». Et celui qui est terrible par-dessus tous les dieux, est « le Seigneur qui a fait les cieux ». O cieux qu’il a faits, publiez sa gloire dans tous les peuples! Que sa maison se construise dans toute la terre, et que toute la terre chante un cantique nouveau.

7. « La confession et la beauté sont en présence 2 ». Aimes-tu la beauté? Veux-tu la posséder ? Confesse-toi. Le Prophète ne dit point la beauté et la confession, mais « la confession et la beauté ». Tu étais souillé, confesse-toi afin d’être beau; tu étais pécheur, confesse-toi afin d’être juste. Tu as bien pu te souiller, mais tu ne peux pas toi-même recouvrer la beauté. Qui est donc semblable à cet époux divin, qui a aimé une épouse difforme, afin de la rendre belle? Comment, a dit quelqu’un, a-t-il pu l’aimer difforme? « Je ne suis point venu », répond-il, « pour appeler les justes, mais les pécheurs 3 ». Mais appelez-vous les pécheurs pour qu’ils restent dans le péché? Non, répond-il. Et comment ne seront-ils plus pécheurs? « La confession et la beauté sont en sa présence ». Ils confessent leurs

 

1. Ps. XVIII, 2. — 2. Id. XCV, 6.— 3. Matth. IX, 13.

 

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fautes, ils rejettent le poison qu’ils avaient avalé trop avidement, et ne reviennent plus à ce qu’ils ont vomi, comme le chien immonde 1; et alors la confession devient une beauté. Aimons cette beauté, mais choisissons d’abord la confession ,afin que la beauté vienne ensuite. Un autre aime la puissance, il aime la magnificence; il veut être grand comme les anges. Car il y a de la magnificence chez les anges, et une puissance telle, que s’ils la déployaient, nul ne pourrait résister. Tout homme aspire à la puissance des anges, mais n’aime pas pour cela la pureté des anges. Aime d’abord la justice, et la puissance viendra ensuite. Que dit en effet le Prophète? « La sainteté et la magnificence sont dans son sanctuaire». Tu aspires à la magnificence, cherche d’abord la sainteté; et avec la sainteté tu auras cette magnificence. Mais si tu renverses l’ordre, jusqu’à vouloir tout d’abord la magnificence, tu tomberas avant de te relever; car ce n’est point te relever, c’est t’élever par orgueil. Tu te relèverais plus sûrement, si celui-là t’élevait qui ne tombe jamais. Lui qui ne pouvait tomber, est descendu pour toi: tu étais tombé, et il est descendu pour te tendre la main; tu ne saurais te relever par tes propres forces, embrasse les mains de Celui qui descend vers toi, et que sa force te relève.

8. Quoi donc? Si « la confession et la beauté sont en sa présence, si la sainteté et la magnificence sont dans son sanctuaire » (car voilà ce que nous annonçons en bâtissant la maison du Seigneur, et cela est prêché aux nations); que doivent faire les nations, auxquelles ceux qui ont défriché la forêt ont prêché le Seigneur? Voici ce que dit le Prophète à ces nations : « Familles des Gentils, «apportez au Seigneur, apportez au Seigneur l’honneur et la gloire 2 »; non pas à vous, car ceux qui ont prêché n’ont point cherché leur propre gloire, mais la gloire de Dieu. Et vous aussi, « apportez au Seigneur l’honneur et la gloire » ; et dites : « Non pour nous, Seigneur. non point pour nous, mais pour votre nom, faites éclater votre gloire 3». Ne mettez votre espérance dans aucun homme. Si quelqu’un de vous reçoit le baptême, qu’il dise Celui-là me baptise, dont l’ami de l’époux a dit : « C’est lui qui baptise 4». Parler ainsi, c’est rendre au Seigneur l’honneur

 

1. II Pierre, II, 22.— 2. Ps. XCV, 7.— 3. Id. CXIII, 1. — 4. Jean, I, 33.

 

et la gloire. « Rendez à Dieu gloire et honneur ».

9. « Rendez au Seigneur la gloire due à son nom ». Ce n’est ni le nom des hommes, ni votre nom, mais le nom du Seigneur qu’il faut glorifier. «Apportez des offrandes, entrez  dans son parvis 1 ». « Apportez des offrandes »: quelles offrandes pour entrer dans son parvis? Voilà que la maison prend de grandes proportions, elle a des parvis: que ceux qui apportent des hosties, entrent dans ces parvis. Devons-vous amener des taureaux, des boucs ou des brebis? Loin de là. « Si vous aviez voulu un sacrifice, je vous l’eusse offert  2», dit le Prophète, qui nous marque la victime qu’il nous faut offrir. Voyez si elle ne serait point celle dont nous avons déjà parlé : « La confession et la beauté sont en sa présence ». La confession est une hostie agréable à Dieu. Vous donc, ô nations, si vous voulez entrer dans les parvis du Seigneur, n’y venez pas les mains vides. « Apportez des offrandes ». Quelles offrandes porter avec nous? « Le sacrifice que demande le Seigneur est une âme brisée, et Dieu ne rejette point un coeur contrit et humilié 3 ». Entrer dans la maison de Dieu avec l’humilité du coeur, c’est y entrer avec une offrande. Y entrer avec orgueil, c’est y entrer les mains vides. D’où viendrait ton orgueil, si tu n’étais vide et frivole? Un homme rassasié n’a point d’enflure. Comment seras-tu rassasié? Si tu apportes une hostie que tu puisses introduire dans la maison du Seigneur. Sans nous arrêter plus longtemps, passons rapidement sur le reste. Voyez la maison qui s’accroît, l’édifice qui s’étend par toute la terre. Réjouissez-vous d’être entrés dans les parvis, réjouissez-vous de faire partie du temple du Seigneur. Car y entrer, c’est faire partie de l’édifice qui est la maison du Seigneur, et qu’habite ce Dieu à qui l’on élève dans l’univers entier un palais, et après la captivité: « Apportez des hosties, et entrez dans les parvis ».

10. « Adorez le Seigneur dans la splendeur de son sanctuaire »; c’est-à-dire dans son Eglise catholique, car tel est son sanctuaire. Que nul ne dise : « Le Christ est ici, ou il est là 5, car alors il s’élèvera de faux prophètes ». Répondez-leur : « On ne laissera pas une pierre sur une pierre qui ne soit détruite ».

 

1. Ps. XCV, 8.— 2. Id. L, 18.— 3. Id. 19.— 4. Id. XCV, 9.— 5. Matth. XXIV 2, 23, 24.

 

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Vous m’appelez à une muraille blanchie, et moi j’adore mon Dieu dans son temple saint.

11. « Que toute la terre soit ébranlée devant sa face : dites aux nations : Le Seigneur a régné par le bois, car il a raffermi la terre qui ne sera point ébranlée 1 ». Combien de preuves que la maison de Dieu s’élève? Les nuées du ciel nous crient de toutes parts que la maison de Dieu se construit dans l’univers entier: et les grenouilles des marais osent nous dire : Nous sommes les seuls chrétiens. Quels témoignages avancer? Ceux du psaume; ceux que tu chantes sans les entendre : ouvre les oreilles, tu chantes ces témoignages, tu les chantes avec moi, mais en désaccord avec moi: ta langue rend le même son que la mienne, et ton coeur est en désaccord avec mon coeur. N’as-tu pas chanté ces paroles? Vois que c’est bien le témoignage de l’univers entier: « Que toute la terre s’ébranle devant sa face ». Et tu soutiens qu’elle n’est pas ébranlée? « Et aux nations: Le Seigneur a régné par le bois ». Prendront-ils ces paroles à leur avantage, et diront-ils qu’ils règnent par le bois, parce qu’ils règnent par les bâtons des circoncellions ? Règne par la croix du Christ, si tu veux régner par le bois. Ce bois dont tu es armé, te fait bois toi-même, tandis que le bois du Christ te fait traverser la mer. Ecoute le psaume qui nous dit : « Il a raffermi la terre, qui ne sera point ébranlée » : et tu dis qu’après avoir été affermie, non-seulement elle est ébranlée, mais même diminuée. Est-ce toi qui dis vrai, ou le Psalmiste qui ment? Les faux prophètes qui nous disent : « Le Christ est ici, ou il est là 2», ont dit vrai, et le vrai Prophète est menteur? Quelle que soit la clarté de ces paroles, vous ne laissez pas d’entendre ce murmure au coin des rues : Tel ou tel a livré les livres saints. Que dis-tu? Est-ce ta voix ou celle de Dieu qu’il faut entendre ? « Il a affermi la terre qui ne sera point ébranlée». Et moi je te montre l’univers entier devenu le temple de Dieu; apporte une hostie, entre dans le parvis du Seigneur. Mais parce que tu n’as pas d’hostie, tu ne veux pas entrer. Qu’est-ce à dire? Si Dieu te commandait de lui offrir un taureau, un bouc, un bélier, tu trouverais ces victimes: il te demande un coeur humble, et tu ne veux pas entrer. Tu ne saurais en

 

1. Ps. XCV, 10. — 2. Matth. XXIV, 23.

 

effet le trouver en toi, puisque tu es rempli d’orgueil. « Dieu a raffermi la terre qui ne sera point ébranlée. Il jugera les peuples dans l’équité ». Alors ceux qui n’aiment point l’équité en cette vie, pleureront leur misère.

12. « Que les cieux se réjouissent et que la terre tressaille 1 ». Qu’ils soient dans la joie, ces cieux qui annoncent la gloire de Dieu; qu’ils soient dans la joie, ces cieux qu’a faits le Seigneur; qu’elle tressaille, cette terre qu’arrosent les cieux. Car les cieux sont les prédicateurs , et la terre ceux qui les écoutent. « Que la mer soit ébranlée, et tout ce qu’elle contient ». Qu’est-ce que la mer? le monde. La mer a été ébranlée, et tout ce qu’elle contient : le monde entier s’est soulevé contre l’Eglise, quand elle se répandait et se construisait dans tout l’univers. Ce soulèvement, vous l’avez entendu dans l’Evangile : « Ils vous traîneront devant les tribunaux 2 ». La mer s’est donc soulevée; mais comment vaincre Celui qui a fait les cieux?

13. « Les campagnes se réjouiront, et tout ce qu’elles renferment ». Les hommes doux, les humbles, les justes, sont les campagnes de Dieu. « Alors tressailliront les bois des forêts 3». Ces bois des forêts sont les païens. Pourquoi seront-ils dans la joie? Parce qu’ils ont été retranchés de l’olivier sauvage pour être entés sur l’olivier franc 4. « Alors tous les arbres des forêts seront dans la joie », parce qu’on y a coupé de grands arbres, des cèdres, des cyprès, d’autres bois incorruptibles pour les faire entrer dans l’édifice de l’Eglise 5; bois des forêts avant d’entrer dans l’édifice, bois des forêts, mais avant de porter l’olive.

14. « Alors tressailliront les bois des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il vient, parce qu’il vient pour juger la terre » . Il est venu une fois, et il doit revenir une seconde fois. Il est venu dans son Eglise, porté sur les nuées. Quelles sont les nuées qui l’ont porté? Les Apôtres qui l’ont annoncé, comme vous l’entendiez par la lecture de saint Paul : « Nous sommes les ambassadeurs du Christ», nous dit-il, « vous conjurant en sort nom de nous réconcilier à Dieu 7». Telles sont les nuées sur lesquelles est venu le Christ, mais il doit venir

 

1. Ps. XCV, 11.— 2. Marc, XIII, 9.— 3. Ps. XCV, 12.— 4. Rom. XI, 17. —  5. III Rois, V, 6. — 6. Ps. XCV, 13.— 7. II Cor. V, 20.

 

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une seconde fois pour juger les vivants et les morts. Il est donc venu une première fois sur les nuées. C’est de ce premier avènement que Jésus a dit dans l’Evangile : « Désormais vous verrez le Fils de l’homme venant sur les nuées 1 ». Qu’est-ce à dire « désormais? » Le Seigneur ne viendra-t-il point lorsque toutes les tribus de la terre seront dans les pleurs? Il est venu dans ceux qui le prêchent, et il a rempli toute la terre. Ne résistons pas au premier avènement, afin de ne point redouter le second. Vous avez encore entendu dans l’Evangile : « Malheur aux femmes enceintes ou nourrices; soyez sur vos gardes, parce que vous ne savez quand viendra cette heure 2 ». Tout cela est dit en figures. Quelles sont les femmes enceintes et les nourrices? Les femmes enceintes sont les âmes qui ont mis leur espérance dans cette vie; et celles qui ont déjà ce qu’elles espéraient sont désignées par les nourrices. Ainsi, tel homme veut acheter une maison de campagne; il ressemble à une femme enceinte; rien n’est fait encore, mais l’espérance est dans son sein ; il l’achète, et le voilà qui a enfanté, qui allaite ce qu’il a acheté. « Malheur aux femmes enceintes ou qui allaitent » : malheur à ceux qui mettent leur espérance dans cette vie, malheur à ceux qui s’attachent aux biens qu’ils ont acquis par leur espérance mondaine! Que doit donc faire un chrétien? User du monde, mais non servir le monde. Qu’est-ce à dire? C’est avoir comme s’il n’avait pas. Voici ce que dit saint Paul, ses exhortations à celui qu’il ne veut point laisser surprendre, comme les femmes enceintes ou nourrices, pour ce jour redoutable : « Du reste, mes frères, le temps est court, aussi faut-il que ceux qui ont des femmes soient comme s’ils n’en avaient point; ceux qui pleurent, comme s’ils ne pleuraient point; ceux qui se réjouissent, comme s’ils ne se réjouissaient pas; ceux qui achètent, comme s’ils ne possédaient pas; ceux qui usent des choses de ce monde, comme s’ils n’en usaient pas. Car la figure du monde passe; et je veux que vous soyez sans inquiétude ». L’homme sans inquiétude attend avec calme l’avènement de son Seigneur. Car, est-ce bien aimer Dieu, que craindre qu’il vienne? N’est-ce point une honte pour nous, mes frères? Nous l’aimons et nous

 

1. Marc, XIII, 26. — 2. Id. 17, 33. — 3. I Cor. VII, 29-32.

 

craignons qu’il ne vienne? En vérité, l’aimons-nous? Ne lui préférons-nous pas nos péchés? Haïssons donc le péché, aimons Celui qui viendra les punir. Il viendra, bon gré, mal gré. Qu’il ne soit point venu encore, ce n’est pas une raison pour qu’il ne vienne point. Il viendra, et à l’heure que tu ignores; et s’il te trouve prêt, cette ignorance ne te nuira point. « Alors tressailliront tous les arbres des forêts devant la face du Seigneur, parce qu’il est déjà venu ». Et ensuite? « Parce qu’il vient pour juger la terre; tous les arbres des forêts seront dans l’allégresse ». Il est venu une fois, il viendra une seconde fois juger la terre, et il trouvera dans la joie ceux qui auront cru à soin premier avènement, « parce qu’il est venu ».

15. « Car il viendra juger dans l’équité l’univers entier » : non une partie, car il n’a pas racheté une partie. Il jugera le monde entier, parce qu’il a payé la rançon de tout le monde. Vous avez entendu l’Evangile dit qu’à son avènement, il rassemblera les élus « des quatre vents du monde 1». Or, rassembler ses élus des quatre vents, c’est bien les rassembler du monde entier. Et en effet, Adam, je l’ai dit déjà, signifie en grec tout l’univers. Il est composé de quatre lettres, A, D, A, et M. Or, dans le langage des Grecs, ces quatre lettres sont les initiales des quatre parties du monde. Ils nomment l’Orient Anatole, l’Occident Dusin, le Nord Arkton, le Midi Mesebian. Dans ces initiales nous trouvons Adam, qui est ainsi répandu dans le inonde entier’. Il n’était jadis qu’en un lieu, d’où il est tombé, et il a été réduit en poudre pour être jeté dans tout l’univers : mais la divine miséricorde a rassemblé de toutes parts ces débris, les a fondus au feu de la charité, et a réuni ce qui était brisé. Ce grand artiste a su réparer sou ouvrage; ne désespérons point. La tâche est difficile, mais pensez quel est l’architecte. Celui-là nous a rétablis, qui nous avait déjà faits; celui qui nous a formés, nous reformera. « Il jugera l’univers entier dans l’équité, et les peuples dans la vérité ». Quelle équité, quelle vérité? Il rassemblera ses élus pour juger avec lui, et séparera les autres. Il placera les uns à droite, les autres à gauche. Quoi de plus conforme à ta vérité, à la justice, que de réduire à n’attendre du souverain aucune miséricorde, ceux qui n’ont voulu

 

1. Marc, XIII, 27. — 2. Gen. III, 6.

 

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faire aucune miséricorde avant son avènement? Mais ceux qui auront voulu faire miséricorde, seront jugés avec miséricorde. Il sera dit à ceux de droite : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde 1 ». Et le Sauveur énumère les oeuvres de miséricorde : « J’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire 2» ; et le reste. Que doit-il reprocher à ceux de gauche? De n’avoir point voulu faire miséricorde. Et où vont-ils? « Allez au feu éternel 3». Cette parole sévère produira un immense gémissement. Mais que nous dit un autre psaume? « La mémoire du juste ne périra point, et il ne craindra point la parole terrible 4 ». Quelle est cette parole terrible? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges 5». Or, celui qui se réjouira d’entendre la parole de bénédiction, n’aura pas à craindre la parole

 

1. Matth. XXV, 34. — 2. Id. 30. — 3. Id. 41. — 4. Ps. CXI, 7. — 5. Matth. XXV, 41.

 

terrible. Comment se réjouiront-ils de la parole de bénédiction? « Venez, bénis de mon Père ». Quelle parole ne craindront-ils point? « Allez au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges ». Voilà la justice, voilà la vérité. « Il jugera l’univers entier dans la justice, et les peuples dans la vérité ». Parce que tu es injuste, le juge ne sera-t-il pas juste? Parce que tu es menteur, la vérité cessera-t-elle d’être vraie? Si tu veux obtenir miséricorde, sois miséricordieux avant son avènement; pardonne si l’on t’a offensé, donne de ton abondance. Et de qui viennent les dons, sinon de lui? Donner ton bien serait une largesse; donner du sien est une restitution. « Qu’as-tu donc que tu n’aies pas reçu 1?» Ainsi voilà les hosties agréables à Dieu, la miséricorde, l’humilité, la confession, la paix, la charité. Voilà ce que nous apportons, afin d’attendre en sécurité l’avènement du souverain juge, « qui jugera l’univers entier dans l’équité, et les peuples dans sa vérité ».

 

1. I Cor, IV,7.

 

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