Matthieu 5,38-48
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Avertissement
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Matthieu 2,1-4
Matthieu 2,4-11
Matthieu 2,11-16
Matthieu 2,16 - 23
Matthieu 3,1-7
Matthieu 3,7-12
Matthieu 3,13-17
Matthieu 4,1-12
Matthieu 4,12- 25
Matthieu 5,1- 17
Matthieu 5,17 -27
Matthieu 5, 21 - 58
Matthieu 5,38-48
Matthieu 6,1- 16
Matthieu 6,17- 24
Matthieu 6,24-28
Matthieu 6,28-34
Matthieu 7,1-21
Matthieu 7,21-28
Matthieu 7,28 - 8,5
Matthieu 8,5-14
Matthieu 8,14-15
Matthieu 8,23-34
Matthieu 9,1-9
Matthieu 9,9-19
Matthieu 9,18-27
Matthieu 9,27-10,16
Matthieu 10,16-25
Matthieu 10,23 -34
Matthieu 10,34-42
Matthieu 11, 1-7
Matthieu 11, 7-25
Matthieu 11,1-9
Matthieu 11, 25-30
Matthieu 12,9-25
Matthieu 12,25-33
Matthieu 12,33-38
Matthieu 12,38-46
Matthieu 12,46 -13,10
Matthieu 13,10-24
Matthieu 13,24-34
Matthieu 13,34-53
Matthieu 14, 13-23
Matthieu 14,13-23
Matthieu 14,23 - 36
Matthieu 15,1 -21
Matthieu 15,21-32
Matthieu 15,38 -16,13
Matthieu 16,13-24
Matthieu 16, 24-28
Matthieu 16, 28 -17,10
Matthieu 17,10-22
Matthieu 17, 21 - 18,7
Matthieu 18,7 -15
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Matthieu 18,21 - 35
Matthieu 19,1-19
Matthieu 19,16-27
Matthieu 19, 27 - 20,17
Matthieu 20,17-29
Matthieu 20, 29 - 21, 12
Matthieu 21,12-33
Matthieu 21,33-46
Matthieu 22,1-15
Matthieu 22,15-34
Matthieu 22,34-45
Matthieu 23,1-13
Matthieu 23,14-29
Matthieu 23, 29-39
Matthieu 24,1-16
Matthieu 24,16-32
Matthieu 24,32-51
Matthieu 25,1-31
Matthieu 25,31- 26,6
Matthieu 26,6-17
Matthieu 26,17-26
Matthieu 26,26-36
Matthieu 26,36-51
Matthieu 26,51-67
Matthieu 26,67- 27,10
Matthieu 27,11-27
Matthieu 27,27-45
Matthieu 27,45-62
Matthieu 27,62- 28,11
Matthieu 28, 11-20

HOMÉLIE XVIII

VOUS AVEZ APPRIS QU’IL A ETE DIT : ŒIL POUR ŒIL, DENT POUR DENT.- ET MOI JE VOUS DIS DE NE POIT RESISTER AU MECHANT ; MAIS SI QUELQU’UN VOUS DONNE UN SOUFFLET SUR LA JOUE DROITE, PRÉSENTEZ-LUI ENCORE L’AUTRE.- SI QUELQU’UN VEUT VOUS FAIRE UNE QUERELLE POUR VOUS PRENDRE VOTRE ROBE, LAISSEZ-LUI ENCORE EMPORTER VOTRE MANTEAU. » (CHAP. V, 38, 39, 40, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.)

ANALYSE

1. Pourquoi certains préceptes de l’ancienne Loi étaient si peu relevés.

2. C’est par la patience qu’il faut vaincre.

3. Les hommes parfaits sont plus fort que le malheur.

4. Comment l’on doit se conduire envers les ennemis. On arrive au sommet de la perfection en cette matière par neuf différents degrés. - Le Christ modèle de patience et de charité.

5. et 6. Que nous devons nous prévenir les uns les autres par des déférences volontaires ; que rien n’est plus glorieux que d’être méprisé des hommes pour plaire à Dieu.

 

1. Vous voyez clairement, mes frères, que Jésus-Christ ne parlait point des yeux du corps, lorsqu’il nous commandait d’arracher l’œil qui nous scandalise, mais qu’il marquait par cette expression, que nous devons éloigner de nous les personnes dont l’amitié nous nuit, et qui sont capables de nous perdre. Comment en effet, Celui qui ne nous permet pas même d’arracher (149) l’oeil à un autre qui nous l’aurait arraché, pourrait-il nous commander de nous l’arracher à nous-mêmes? Que si quelqu’un blâme l’ancienne loi, de ce qu’elle commande ainsi d’exiger « oeil pour oeil, et dent pour dent; » il ne comprend guère, ni la sagesse que doit avoir un législateur, ni les différentes conjonctures des temps, ni l’avantage que les hommes ont de cette divine condescendance. Car si vous considérez quel était ce peuple, dans quelle disposition il était, et en quel temps il a reçu cette loi, vous reconnaîtrez aisément que Dieu est le seul et le même auteur de l’un et de l’autre Testament, qu’il a établi très-utilement ces lois différentes, et qu’il les a proportionnées aux personnes et aux temps. S’il avait tout d’abord imposé aux hommes la loi évangélique qui est si sublime, les hommes n’auraient reçu ni l’ancienne ni la nouvelle: mais les publiant en divers temps, et chacune en celui qui lui était propre, il s’est servi très utilement de l’une et de l’autre, pour renouveler la face de toute la terre.

Au reste s’il a donné ce commandement ce n’était pas pour porter les hommes à s’arracher les yeux les uns aux autres, c’était au contraire pour les empêcher de se porter à des violences. Car la menace de cette peine était un frein pour la colère. Il commençait ainsi à établir insensiblement la vertu dans le monde, en voulant qu’on se contentât d’une vengeance pareille au mal qu’on avait reçu, bien que cependant celui qui commence l’injure mérite une peine plus grave, et que la peine du talion ne semble pas assez rigoureuse au jugement d’une exacte justice. C’est parce qu’il voulait tempérer la justice par la miséricorde, qu’il n’infligeait au coupable qu’un châtiment au-dessous de son crime: c’était aussi pour nous enseigner à montrer beaucoup de patience dans les maux que nous souffrons.

Après avoir rapporté l’ancienne loi tout au long, il montre que ce n’est pas proprement votre frère qui vous offense, mais le démon par votre frère. C’est pourquoi il ajoute : « Et moi je vous dis de ne point résister au méchant (39). » Il ne dit pas de ne point résister à votre frère, mais «au méchant, » montrant que c’est le démon qui lui inspire cette violence, et diminuant ainsi beaucoup notre colère contre celui qui nous aurait offensé, en rejetant toute sa faute sur un autre.

Quoi donc! me direz-vous, ne faut-il point résister au méchant? Il faut lui résister, mais non de la manière que vous pensez, mais de celle que Jésus-Christ nous commande: c’est-à-dire en voulant bien souffrir tout le mal qu’il nous veut faire. C’est ainsi que vous le surmonterez. Ce n’est pas avec le feu qu’on éteint le feu, mais seulement avec l’eau. Et pour vous faire voir que dans l’ancienne loi même, celui qui souffrait l’injure avait l’avantage et qu’il remportait la couronne, considérez la chose en elle-même, et vous jugerez combien la patience de cet homme s’élevait an-dessus de l’autre. Car celui qui a commencé l’outrage est lui seul cause de la perte des deux yeux, c’est-à-dire, de celui de son frère et du sien propre, ce qui doit l’exposer justement à la haine et à l’exécration du monde. Celui au contraire qui a souffert la violence, lors même qu’il en tire une vengeance proportionnée à l’injure qu’on lui a faite, ne passera point pour cruel, ni pour avoir fait aucun mal. C’est pourquoi il trouve beaucoup d’hommes pour compatir à sa douleur parce qu’il est innocent, même après s’être vengé de la sorte. Le mal est égal pour tous deux; mais la gloire n’est pas égale ni devant Dieu ni devant les hommes; ce qui fait une grande inégalité dans l’égalité du mal qu’ils souffrent.

2. Jésus-Christ s’était contenté de dire d’abord: « Celui qui se met en colère sans sujet contre son frère; et qui l’appelle fou, méritera d être condamné au feu de l’enfer; » mais il exige ici de nous une plus grande vertu, ordonnant à celui qui a été outragé, non seulement de conserver la paix et la douceur, mais de témoigner même du respect à celui qui le frappe et de lui présenter l’autre joue. Il nous prescrit cette loi de patience, non seulement dans l’offense particulière qu’il nous marque, mais généralement dans toutes sortes d’injures. De même, en effet, qu’en disant: « Celui qui appelle son frère, fou, mérite d’être condamné au feu de l’enfer, » il ne restreint pas cette vérité à cette injure particulière, mais qu’il l’étend à toutes les autres; de même lorsqu’il nous commande de souffrir généreusement un soufflet, il nous ordonne en même temps de ne nous point troubler dans tous les autres outrages qu’on nous pourrait faire. C’est pourquoi il choisit cette injure comme la plus offensante, et il marque particulièrement l’outrage d’un soufflet, parce que c’est le dernier mépris qu’on puisse témoigner à un homme. (150)

Ce commandement il le donne dans l’intérêt de celui qui est frappé, non moins qu’en faveur de celui qui frappe. En effet, formé par ces saintes instructions du Sauveur, celui qui sera frappé ne se croira point offensé, et il se regardera plutôt comme un homme qui reçoit un coup dans le combat, que comme une personne qu’on outrage. Et de son côté l’offenseur, rougissant de honte en voyant la patience de l’autre, bien loin de redoubler le coup, ce qu’il ne fera pas quand il serait plus cruel qu’une bête farouche, aura une douleur extrême du premier qu’il aura donné. Car rien ne calme tant les hommes violents que la patience de ceux qu’ils outragent. Non-seulement cette douceur arrête le cours des violences, mais encore elle produit le repentir des injures déjà faites; à sa vue, les plus malintentionnés se retirent saisis d’admiration, et souvent ils deviennent amis sincères et dévoués d’ennemis déclarés qu’ils étaient.

Il arrive tout le contraire lorsqu’on se venge. On se couvre de confusion l’un l’autre, on devient pire qu’on n’était; on ne fait que s’irriter encore davantage de part et d’autre, et souvent on se porte jusqu’aux dernières extrémités et jusqu’à tuer son ennemi. C’est pourquoi non-seulement Jésus-Christ défend à celui qui a reçu le coup, de se mettre en colère, mais il lui commande même d’être prêt à souffrir toute la violence de celui qui le frappe, pour lui témoigner qu’il n’a aucun ressentiment du premier outrage qu’il a reçu, En agissant de la sorte vous blesserez plus sensiblement celui qui vous offense, quelque insensible qu’il puisse être, que si vous le perciez de coups, et les plus impudents seront forcés de rougir, et de vous traiter avec respect.

« Si quelqu’un vous veut faire une querelle pour vous prendre votre robe, laissez-lui encore emporter votre manteau (40). » Jésus-Christ veut que nous montrions cette patience, non-seulement dans les outrages, mais encore dans les pertes d’argent c’est le sens propre de l’expression figurée dont il se sert. De même que tout à l’heure il commandait de surmonter l’injure en la souffrant; il veut de même ici que celui que l’on dépouille, donne plus même qu’on ne veut lui ôter. Il ne dit pas simplement: Donnez votre vêtement à celui qui le demande; mais, donnez-le à celui qui veut disputer contre vous, c’est-à-dire, s’il veut vous faire une affaire, et vous appeler en jugement. Et comme, après avoir défendu de se fâcher sans sujet contre son frère et de l’appeler fou, il va plus loin et commande de tendre la joue droite, de même en cet endroit, après avoir dit: « accordez-vous au plus tôt avec votre adversaire, » il enchérit encore et nous conseille non-seulement de céder ce qu’on veut nous ravir, mais de donner même plus qu’on ne voulait nous prendre.

Mais vous me direz peut-être : Abandonnerai-je donc ma robe, et irai-je tout nu par la ville? Nous ne serions jamais nus, si nous étions fidèles à ces règles, et nous serions plus richement parés, que ne peuvent l’être les mieux pourvus de vêtements. Premièrement, il ne se trouverait personne qui voulût nous offenser, si nous étions dans cette disposition. Et quand il se trouverait quelqu’un d’assez barbare et d’assez brutal pour nous traiter de la sorte, nous en trouverions une infinité d’autres, qui admirant notre vertu, nous couvriraient non-seulement de leurs habits, mais de leurs corps même, s’il était possible. Que si enfin vous étiez réduit à être nu pour avoir accompli ce précepte, cette nudité vous serait glorieuse, et n’aurait rien qui vous fit rougir, puisqu’Adam était nu dans le paradis, et qu’il n’en rougissait pas. Isaïe allait nu et déchaux parmi les Juifs (Is. XX, 3), et nul d’entre eux n’était aussi glorieusement paré de ses habits, que ce prophète l’était de sa nudité. Jamais Joseph ne fut plus glorieux, que lorsque sa chasteté le rendit nu, en le dépouillant de son manteau.

3. Ce n est pas un mal que d’être dans cette nudité, et dans cette pauvreté : mais c’en est un et un bien honteux, que d’être vêtu de ces habits d’aujourd’hui, si somptueux et si magnifiques. C’est pourquoi Dieu souvent a loué ce premier état; et il blâme au contraire cette magnificence et par ses prophètes et par ses apôtres. Ne regardons donc pas comme impossibles les commandements de Dieu, qui au contraire nous paraîtront aussi faciles qu’utiles si nous veillons sur nous-mêmes. Ils sont très-avantageux, non-seulement à nous qui souffrons, mais à ceux-mêmes qui nous font souffrir. Qui n’en admirera la sublimité et l’excellence, puisqu’en nous commandant une si parfaite patience, ils font cesser la violence des injustes, et leur inspirent même l’amour de la vertu et de la sagesse? Car lorsque celui qui vous vole (151) croit que c’est un grand bonheur de pouvoir enlever le bien des autres, et que vous lui témoignez au contraire que vous êtes très disposé à lui donner même ce qu’il ne vous demande pas, que vous opposez votre générosité à sa bassesse, et votre libéralité à son avarice; combien est grande l’instruction que vous lui donnez, puisque vous lui apprenez, non par vos paroles, mais par vos actions, à mépriser le vice, et à désirer la vertu!

Dieu veut que nous soyons utiles non-seulement à nous-mêmes, mais à tous nos frères. Si vous ne donnez que ce qu’on vous dispute, pour éviter un procès, vous ne recherchez en cela que votre utilité particulière; mais si vous y ajoutez ce qu’on ne vous demande pas, vous convertirez votre frère, vous le rendrez meilleur. Jésus-Christ compare ses disciples au sel. Le sel se conserve lui-même, et il conserve encore toutes les choses auxquelles on le mêle. Ainsi l’oeil s’éclaire lui-même, et il éclaire aussi le reste du corps. Puisque telle est la fonction que Jésus-Christ vous donne, assistez votre frère qui est assis dans les ténèbres. Agissez avec lui, comme s’il ne vous avait fait aucun tort; persuadez-lui qu’il ne vous a pas même lésé. Ainsi il admirera votre vertu, et il semblera que vous lui aurez plutôt donné ce qu’il vous avait ravi, qu’il ne vous l’a pris. Faites de son péché l’honneur de votre générosité. Et si vous croyez que ce que je vous dis soit trop élevé, écoutez la suite. Vous trouverez, que quand vous feriez ce que je vous dis, vous ne seriez pas encore parfait. Car Jésus-Christ ne termine pas là la patience qu’il exige de vous; mais il l’étend encore plus loin.

« Si quelqu’un veut vous contraindre à faire « mille pas avec lui, faites-en encore deux mille autres (41). » Voilà, mes frères, le comble de la perfection. Après avoir donné votre robe et votre manteau, dit Jésus-Christ, si votre ennemi veut encore que dans cette nudité de votre corps vous le serviez et vous souffriez quelque peine et quelque travail, ne vous y opposez pas. Il veut que tout soit commun parmi nous, non-seulement nos biens, mais notre corps, et que nous en fassions également part, et aux pauvres, et à nos ennemis, parce que le premier est l’effet de la charité; et le second, de la générosité. C’est pourquoi il dit: « Si quelqu’un veut vous contraindre à faire mille pas avec lui, faites-en encore deux mille autres. » Il vous élève encore plus haut, et il veut que vous soyez généreux dans cette occasion comme dans l’autre. Car si ce qu’il ordonne d’abord, quoique beaucoup inférieur à ces dernières ordonnances, ne laisse pas d’avoir ces grandes béatitudes pour récompense, que doivent attendre ceux qui auront pratiqué ces préceptes si sublimes, et qui dès ici-bas dans un corps mortel et passible auront paru comme spirituels et impassibles? Car puisque ni les affronts, ni les plaies, ni la perte des biens ne les touchent point, puisque tous les maux semblables ne les peuvent vaincre, et que plus ils souffrent, plus ils deviennent patients et généreux, quelle doit être la perfection et la pureté de leur âme? C’est pourquoi Jésus-Christ commande en cet endroit la même chose pour le travail du corps, qu’il a commandé auparavant pour souffrir la violence, et la perte de nos biens. Comme s’il disait : ce n’est pas assez de souffrir qu’on vous vole, et qu’on vous outrage; mais si de plus on veut abuser de votre peine en vous faisant marcher loin, et en vous imposant un grand travail, embrassez-le de bon coeur, et mettez-vous au-dessus de cette injustice par votre vertu, et votre courage. « Si quelqu’un veut vous contraindre, » c’est-à-dire : s’il vous entraîne par force, sans avoir raison, et par une pure violence, ne vous impatientez pas néanmoins, et soyez prêt à souffrir encore plus de mal, qu’il ne sera disposé à vous en faire.

« Donnez à celui qui vous demande, et ne rejetez point celui qui veut emprunter de vous (42). » Ce commandement n’est pas si grand ni si difficile que celui qui précède. Mais ne vous en étonnez pas. Le Seigneur agit ainsi d’ordinaire, il mêle ses grands préceptes avec les petits. Que si ceux-ci paraissent légers en comparaison des autres, que diront ceux qui volent le bien de leurs frères, et donnent le leur à des femmes prostituées : qui s’allument ainsi un double feu par ces injustes richesses qu’ils amassent, et par ces honteuses profusions qu’ils en font?

Cet emprunt dont parle Jésus-Christ, ne doit pas s’entendre de ces sortes d’emprunts dont on tire usure; mais du simple argent qu’on prête sans intérêt. Et il va plus loin ailleurs, lorsqu’il nous commande de donner à ceux de qui nous n’espérons rien recevoir.

« Vous avez appris qu’il a été dit: Vous (152) aimerez votre prochain, et vous haïrez votre « ennemi (43).  Et moi je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent; faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous calomnient, et qui vous persécutent (44). »

« Afin que vous soyez enfants de votre Père qui est dans les cieux, qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes (45).» Remarquez comment il réserve pour la fin le couronnement de tous les biens. C’est pour cela qu’il commande non-seulement de souffrir le soufflet qu’on nous donne, mais de tendre même l’autre joue, et de ne pas donner seulement notre manteau avec notre robe, mais de faire encore deux mille pas avec celui qui n’en demande que mille, afin de nous disposer à embrasser de tout notre coeur les commandements encore plus relevés. Mais que peut-on ajouter, direz-vous, à ce qu’il vient de commander? C’est de ne pas regarder comme votre ennemi celui qui vous traite si mal, mais d’en avoir une idée toute contraire. Car le Seigneur ne dit pas : Ne baissez point; mais, « Aimez. » Il ne dit point: Ne leur faites point de mal, mais, « Faites-leur du bien. » Il va même plus loin. Il ne commande pas un amour qui soit commun et ordinaire; mais qui aille jusqu’à « prier pour eux. »

4. Considérez par combien de degrés il nous ait passer pour monter à la plus haute perfection. Je vous prie de les compter. Le premier c’est de n’être point le premier à faire du mal. Le deuxième, lorsqu’on nous en a fait, de n’en point tirer une vengeance, égale. Le troisième, de ne point rendre la pareille à l’offenseur, mais de ne rien faire. Le quatrième, de s’offrir volontairement à l’injure. Le cinquième, de vouloir souffrir plus qu’on ne nous veut faire endurer. Le sixième, de ne point haïr celui qui nous maltraite. Le septième, d’avoir même de l’affection pour lui. Le huitième, de lui faire du bien. Et le neuvième enfin, de prier Dieu pour lui. Voilà le comble de la vertu chrétienne. C’est pourquoi Jésus-Christ y attache cette haute récompense. Comme ce commandement était relevé, et qu’il avait besoin d’une âme généreuse, et d’un grand travail le Sauveur y joint aussi une récompense, qu’il n’a promise à aucune de toutes ces autres vertus. Il ne promet point une terre comme à ceux qui sont doux, ni des consolations comme à ceux qui pleurent, ni la miséricorde comme à ceux qui seront miséricordieux; ni le royaume même du ciel; mais ce qui est plus étonnant, il promet que nous deviendrons semblables à Dieu, autant que des hommes le peuvent être : « Afin, » dit-il, «que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux. »

Et remarquez que ni ici, ni dans ce qui précède, il ne nomme point Dieu son Père, mais qu’il l’appelle ou un grand Roi, comme lorsqu’il parle des jurements; ou le Père de ceux à qui il parle, comme en cet endroit. Il voulait réserver cela à un autre temps plus favorable.

Il ajoute ensuite: « Il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » Comme s’il disait : Il est si éloigné de haïr ceux qui le méprisent, qu’il leur fait même du bien. Et cependant cette comparaison n’est pas égale, non-seulement à cause de l’excellence des biens que Dieu fait aux hommes, mais encore à cause de son infinie grandeur. Celui qui vous méprise est un homme semblable à vous; mais celui qui offense Dieu est son esclave, et un esclave qui en avait reçu mille biens. Vous ne lui donnez que des paroles, lorsque vous priez pour lui; mais Dieu lui donne des biens réels et admirables, en faisant lever son soleil sur lui, et en lui procurant des pluies durant tout le cours de l’année. Cependant une laisse pas de vous donner la gloire d’être égal à Dieu, autant qu’un homme peut l’être. Ne haïssez donc plus celui qui vous a fait tort, puisqu’il vous procure un si grand bien, et qu’il vous élève à une si haute gloire. Ne lancez donc point d’imprécations contre celui qui vous outrage, puisqu’alors vous ne laisseriez pas de souffrir le mal qu’il vous fait, et que vous en perdriez tout le fruit. Vous endureriez une peine; et vous n’en auriez point de récompense. Ce serait le dernier aveuglement, qu’après avoir souffert les plus grands maux, on ne pût souffrir les plus légers.

Mais comment, direz-vous, puis-je pardonner ainsi à ceux qui m’offensent? Quoi ! lorsque vous voyez un Dieu qui se fait homme, qui s’abaisse et qui souffre si épouvantablement pour vous; vous hésitez encore, et vous demandez comment vous pouvez remettre à vos frères les injures qu’ils vous font? Ne l’entendez-vous (153) pas crier du haut de sa croix: « Pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu’ils font. »(Luc, XXIII, 34.) N’entendez-vous pas saint Paul qui dit : « Jésus-Christ est ressuscité, et est monté au ciel, et est assis à la droite de Dieu, où il intercède pour nous? » (Rom, VIII, 34.) Ne savez-vous pas qu’après sa mort et après sa résurrection il envoya aux Juifs qui l’avaient tué, ses apôtres pour les combler de biens, quoique ces mêmes juifs dussent leur faire souffrir mille maux?

Mais vous dites qu’on vous a cruellement offensé. L’avez-vous été autant que votre Seigneur? Avez-vous été comme lui chargé de chaînes, battu de verges, outragé de soufflets, couvert de crachats par les derniers de tous les hommes, condamné à la mort, et à la mort la plus cruelle et par des personnes qui vous avaient des obligations infinies? Si votre frère vous a beaucoup offensé, efforcez-vous de lui faire plus de bien, afin de rendre votre couronne plus illustre, et de délivrer votre frère du profond assoupissement où vous le voyez. Plus les frénétiques frappent les médecins, et plus ceux-ci les plaignent, plus ils s’appliquent à les guérir parce qu’ils savent que cet outrage n’est qu’un effet de la violence de la maladie. Imitez cette conduite à l’égard de vos ennemis, et traitez ainsi ceux qui vous outragent. Ces personnes sont vraiment malades. Elles souffrent une véritable violence. Délivrez-les donc de cette langueur mortelle. Aidez-les à vaincre leur passion, et à chasser d’eux ce démon cruel de la colère et de la fureur.

Nous pleurons sur les possédés lorsqu’ils se présentent à nous; et non-seulement nous ne tâchons pas, mais nous appréhendons extrêmement d’être possédés comme eux. Agissons de même à l’égard de ceux qui sont transportés de fureur. Le démon les possède comme ceux qu’on appelle proprement possédés, et d’autant plus malheureusement, qu’ils sont furieux sans avoir perdu l’esprit. Ainsi leur folie est d’autant plus inexcusable qu’elle est volontaire. N’insultez donc point à ces malades, mais ayez compassion d’eux.

5. Quand nous voyons une personne tourmentée de la bile, et qui témoigne par le soulèvement de son estomac, qu’elle veut rejeter quelque humeur maligne; nous lui tendons la main pour la soutenir, nous n’appréhendons point que nos habits soient gâtés, et nous ne pensons qu’à la secourir. Traitons ainsi ces autres malades; supportons-les pendant qu’ils jettent tout leur feu, et toute leur mauvaise humeur; et ne les quittons point qu’ils ne s’en soient, entièrement déchargés. Ce sera alors qu’ils comprendront l’obligation qu’ils vous ont, et qu’ils reconnaîtront de quelle maladie vous les aurez délivrés. Que dis-je, qu’ils reconnaîtront l’obligation qu’ils. vous auront? Dieu même vous récompensera d’une couronne de gloire, et vous comblera de biens, parce que vous aurez sauvé votre frère d’une maladie si dangereuse. Cet homme vous re. gardera toute sa vie comme son maître; et il aura un profond respect pour votre modération et votre douceur.

Ne voyez-vous pas tous les jours que les femmes qui sont dans les douleurs de l’enfantement, mordent et déchirent celles qui les assistent, sans que celles-ci le sentent; ou plu. tôt elles le sentent, mais elles le supportent avec courage dans la compassion qu’elles ont des douleurs excessives que souffrent ces femmes en cet état. Imitez au moins ces personnes, et ne soyez pas plus délicat que des femmes.

Quand ceux qui vous outragent, et qui sont en effet plus pusillanimes que les femmes, auront jeté dehors, et comme enfanté cette fureur qu’ils avaient conçue, ils admireront votre courage, et ils reconnaîtront que vous êtes véritablement homme. Que si ce que je vous dis vous paraît pénible, souvenez-vous que Jésus-Christ s’est fait homme pour vous imprimer cette modération dans le coeur, et pour nous mettre en état d’être également utiles à nos amis et à nos ennemis. C’est pourquoi il nous commande d’avoir soin des uns et des autres: de nos amis et de nos frères, lorsqu’il nous commande de quitter l’offrande à l’autel pour aller nous réconcilier avec eux, et de nos ennemis, lorsqu’il nous ordonne de le aimer et de prier pour eux. Il ne nous y exhorte pas seulement par l’exemple de Dieu, mais encore par un autre tout contraire.

« Car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense en aurez-vous? Les publicains ne le font-ils pas aussi(46)? » Saint Paul dit la même chose: « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’à répandre le sang en combattant contre le péché. » (Hébr, XII, 4) Si donc vous faites ce que je dis, vous demeurerez uni à Dieu, mais si vous le négligez, vous serez au rang des publicains. Que si (154) la grandeur de ce précepte vous étonne, jetez les yeux sur la différence qu’il y a entre inciter Dieu ou les publicains. Ne considérez pas seulement la difficulté du commandement, mais pesez-en aussi la récompense. Voyez à qui nous nous rendons semblables en l’accomplissant; et à qui nous le serons en le violant.

Lorsqu’il s’agit de nos frères, Jésus-Christ veut que nous nous réconciliions avec eux, et que nous ne les quittions point que nous ne soyons rentrés en grâce; mais pour les autres hommes, il ne nous impose plus cette nécessité, il se contente que nous leur rendions seulement ce que nous leur devons, et il rend ainsi sa loi légère. Comme il avait dit à ses disciples en leur parlant des Juifs : « C’est ainsi qu’avant vous ils ont persécuté les prophètes (Matth. V, 12.), » de peur qu’ils ne prissent de là occasion de les haïr, il leur commande aussi non-seulement de les supporter en cet état, mais encore de les aimer. Il arrache, comme vous voyez, jusqu’aux moindres racines de la colère, des désirs sensuels, de l’avarice, de la vanité, et de tous les soins de cette vie.

C’est ce qu’il fait dès le commencement de ce sermon, mais surtout à l’endroit où nous sommes arrivés. En effet, celui qui est pauvre d’esprit, qui est doux, et qui pleure, bannit de lui la colère; celui qui est juste et miséricordieux, chasse l’avarice; celui qui a le coeur pur, s’éloigne de toute impureté; et celui qui souffre les persécutions, les outrages et les calomnies, se met en état de mépriser toutes les choses de la terre; et de se purifier du faste de la vanité du monde

Mais après avoir dégagé de ces liens les mes de ses auditeurs, et les avoir comme frottées d’huile pour le combat, il s’applique encore à déraciner ces vices avec plus de soin qu’auparavant. Il commence par la colère. Il la détruit entièrement en disant : «Que celui qui se fâchera contre son frère sans sujet, »et qui lui dira «Raca,» ou qui l’appellera «fou,» sera puni. Que celui qui veut offrir son présent n’approchera point de l’autel avant qu’il se soit réconcilié avec son frère, et que celui qui a un ennemi, tâchera de se le rendre ami avant que d’entrer en jugement. Il passe ensuite à l’impureté. Il dit: Que celui qui regarde une personne avec un oeil impudique, sera puni comme un adultère: Que celui à qui la compagnie d’une femme, ou d’un homme, ou d’un de ses intimes amis, peut être une occasion de chute et de scandale, doit les éloigner et se retrancher de lui: Que celui qui est lié à une femme par le mariage ne la quittera point pour en épouser une autre. Et c’est ainsi qu’il coupe la racine de l’impureté.

Il attaque ensuite l’avarice en défendant de jurer ou de mentir, ou de plaider contre celui qui emporte notre robe, en nous commandant de lui laisser notre manteau, de donner même les assistances corporelles qu’on exige de nous, et par là il enseigne admirablement à étouffer l’amour des richesses. Enfin il ajoute, comme pour le couronnement de tous ces différents préceptes: « Priez pour ceux qui vous calomnient.» C’est ainsi qu’il élève ses disciples à la plus haute perfection. Car s’il est évident qu’être doux est moins que de se laisser maltraiter; qu’être miséricordieux, est moins que de donner son manteau à celui qui nous ôte notre robe; qu’être juste, est moins que de souffrir l’injustice; qu’être pacifique, est moins que de faire volontairement plus qu’on n’exige de nous, ou de tendre la joue droite quand on nous frappe sur la gauche, c’est de même beaucoup moins d’être persécuté, que de bénir ceux qui nous persécutent.

6. C’est de cette manière qu’il nous élève peu à peu jusqu’au plus haut des cieux. Après cela de quels supplices ne serons-nous pas dignes, si tandis qu’on nous commande de nous rendre semblables à Dieu, nous ne faisons pas même ce que font les païens et les gentils? Si les publicains, les païens et les pécheurs aiment ceux qui les aiment: que deviendrons-nous nous autres, si nous n’aimons pas nos propres frères, et si nous témoignons ce, manquement de  charité, par l’envie que nous causent les louanges et l’estime dont ils sont l’objet? A quels supplices ne serons-nous pas condamnés, si lorsque Jésus-Christ nous commande d’être plus justes que les pharisiens, nous sommes moins vertueux que les païens même? Comment oserons-nous approcher de l’entrée du ciel, et de ces portes sacrées si nous ne sommes pas meilleurs que les publicains? Car Jésus-Christ le donne à entendre lorsqu’il dit: « Et si vous n’aimez que vos frères, que ferez-vous en cela de particulier? Les païens ne le font ils pas aussi (47)? » Mais une des choses qui doit nous faire le plus admirer la manière dont Jésus-Christ instruit les hommes, c’est (155) qu’il propose les récompenses avec une sorte de prodigalité, comme de voir Dieu, d’avoir part au royaume des cieux, de devenir enfants de Dieu, et semblables à lui; d’avoir part à ses. miséricordes et à ses consolations divines, et de jouir d’une couronne immortelle, tandis qu’au contraire, s’il est obligé de faire quelque menace, il ne le fait que comme en passant. Car il ne parle qu’une seule fois ici du feu de l’enfer, et il fait la même chose ailleurs, ayant plus pour but de toucher ses auditeurs par la honte que par des menaces, comme lorsqu’il dit: « Les publicains ne font-ils pas la même chose? » Et: « Si le sel devient fade, » etc.; et: « Celui-là sera appelé le dernier dans le « royaume des cieux. » Il y a même des endroits, où au lieu de punition, il ne marque que le péché même où l’on tombe, afin de laisser juger à l’auditeur de la sévérité du châtiment. Comme lorsqu’il dit: « Il a déjà commis l’adultère dans son coeur. » Et: « Celui qui quitte sa femme la rend adultère. » Et: « Ce qui est de plus, vient du mauvais. » Car il ne faut point marquer d’autre punition à des personnes raisonnables pour les éloigner de quelque péché, que de leur en montrer la grandeur. C’est pour ce sujet qu’il apporte ici l’exemple des publicains et des gentils, afin que cette comparaison fasse plus d’impression sur ses disciples. Saint Paul a imité cette conduite, lorsqu’il a dit: « Ne vous affligez point comme les autres qui n’ont point d’espérance (I Thes. IV, 12: ) » et « comme les gentils qui ne connaissent point Dieu. » (Ibid. 5.) Et pour leur montrer qu’il ne leur demande rien de fort grand, mais seulement d’un peu au-dessus de la pratique ordinaire, il leur dit: « Les païens n’en font-ils pas autant? » Mais il ne s’arrête pas là, et c’est par les récompenses qu’il conclut, c’est sur les bonnes espérances qu’il laisse ses auditeurs: « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait (48). » Il nomme le ciel presque partout pour accoutumer ses disciples à des pensées plus hautes et plus sublimes; Car ils étaient encore faibles et dans des sentiments humains et charnels.

Repassons, mes frères, dans notre esprit toutes ces instructions si saintes, et témoignons à l’avenir un grand amour pour nos ennemis. Rejetons cette coutume ridicule de quelques personnes déraisonnables, qui attendent que ceux qu’ils rencontrent les saluent les premiers, négligeant ainsi ce qui les rendrait heureux selon la parole de Jésus-Christ, et affectant ce qui les rend ridicules. Car pourquoi ne saluez-vous pas le premier celui que vous rencontrez? C’est, dites-vous, parce qu’il attend que je le prévienne. N’est-ce pas pour cela même que vous devez vous hâter, afin qu’en le prévenant vous receviez la récompense que Jésus-Christ a promise? Je ne le ferai pas, dites-vous, parce qu’il veut exiger cela de moi. Qu’y a-t-il de plus extravagant que cette pensée ? Parce qu’il m’offre une occasion d’être récompensé de Dieu, je ne veux pas m’en servir. Car s’il vous salue le premier, vous ne gagnerez plus rien en le saluant. Mais si vous le prévenez, la vanité est votre profit, et son orgueil sera votre couronne.

N’est-ce pas un étrange aveuglement de pouvoir gagner beaucoup par peu de paroles, et de vous priver volontairement de cet avantage? Mais de plus vous tombez dans le même vice que vous reprenez dans votre frère. Car si vous le blâmez de ce qu’il attend que vous le saluiez le premier, pourquoi imitez-vous ce que vous condamnez en lui? Pourquoi affectez-vous de faire comme un bien, ce que vous reprenez en lui comme un mal ? Voyez-vous par là qu’il n’y a rien de plus ennemi de la raison, que celui qui n’est pas ami de Dieu ?

C’est pourquoi je vous conjure, mes frères, de fuir une coutume si dangereuse et si peu raisonnable. Cette maladie d’esprit a séparé une infinité d’amis, et fait une infinité d’ennemis. Prévenons donc les hommes, et aimons à les saluer toujours les premiers. Car si Jésus-Christ nous commande de nous tenir prêts à souffrir les soufflets, à laisser prendre notre robe, et à suivre nos ennemis lorsqu’ils nous contraignent de marcher bien loin, qui pourra nous excuser si nous faisons preuve d’un orgueil si opiniâtre, lorsqu’il ne s’agit que de saluer et de dire un mot?

Vous me direz peut-être : Mais si je lui rends cette déférence, les autres me mépriseront et me railleront. Quoi donc! de peur d’être méprisé par un extravagant, vous ne craindrez pas d’offenser Dieu? Et pour empêcher qu’un autre homme comme vous ne vous raille, vous foulerez aux pieds la loi de Celui qui vous a tant fait de grâces? Si c’est un mal qu’un homme vous méprise, quelle indignité sera-ce que vous désobéissiez à Dieu même qui vous a créé?

Mais de plus, si vous souffrez quelque mépris (157), c’est pour vous un sujet de récompense. Car vous le souffrez pour Dieu et pour avoir obéi à sa loi. Qu’y a-t-il de plus glorieux que cette souffrance et où trouvera-t-on une couronne qui l’égale? Qui me rendra assez heureux que d’être méprisé pour Dieu, plutôt que d’être honoré de tous les rois de la terre? Je ne vois rien de si illustre, ni de si glorieux que ce mépris.

Suivons donc cet esprit, puisque Dieu nous l’ordonne et regardons comme un néant toute la gloire des hommes. Aspirons à cette haute sagesse et réglons par elle toute la suite de notre vie. Ce sera ainsi que nous jouirons par avance des biens du ciel et de la gloire qui nous est promise en vivant dès ici-bas comme des anges qui conversent avec les hommes et en nous tenant au-dessus de tous les désirs terrestres, de tout le trouble des passions, comme ces puissances célestes et spirituelles, et que nous recevrons ensuite ces biens ineffables de l’autre vie, que je vous souhaite à tous, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient toute gloire, tout empire et toute adoration avec son Père éternel et saint principe, et avec le Saint-Esprit, la source et le principe de toute bonté, maintenant et à jamais, et dans tous les siècles des siècles, Ainsi soit-il.

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