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SUR LES HUIT QUESTIONS DE DULCITIUS.

Traduction due à M. l'abbé DEVOILLE

 

Oeuvres Complètes de Saint Augustin, Traduites pour la première fois en français, sous la direction de M. Raulx, Tome Vème, Commentaires sur l'Écriture, Bar-Le-Duc, L. Guérins & Cie éditeurs, 1867. p. 521-535

 

AVANT-PROPOS.

QUESTION PREMIÈRE. — Les pécheurs baptisés sortiront-ils, de l'enfer?

II. —  L'offrande qu'on fait pour les morts leur est-elle utile ? –

III. — Le dernier jugement aura-t-il lieu immédiatement à l'arrivée du Seigneur, et ceux qui seront emportés dans les nuées au devant de lui devront-ils mourir? —

IV. — Bénédiction réservée, d'après le Psalmiste, aux enfants des justes.

VI. —  Samuel a-t-il réellement été évoqué de l'enfer par la pythonisse?

VII. - Comment Sara n'a été déshonorée ni par Abimélech ni par Pharaon.

VIII. - L'Esprit de Dieu qui reposait sur les eaux, est-il le Saint-Esprit?

V. — Comment David était-il élu selon le coeur de Dieu?

 

AVANT-PROPOS.

 

Il me semble, ô Dulcitius, mon fils bien-aimé, que je n'ai pas mis de retard à répondre à vos questions. C'est pendant le temps de Pâque, dont le dimanche est tombé cette année le trois des calendres d'avril, que j'ai reçu de Carthage les lettres que votre charité m'a adressées. Je suis parti pour cette ville, aussitôt après les saints jours; mais la multitude de mes occupations, ce qui saurait ne manquer dans une telle cité, ne m'a pas permis d'y rien dicter. A mon retour, j'ai passé chez les nôtres quinze jours, qu'ont remplis d'autres soucis, suite naturelle d'une longue absence, car on ne m'a laissé revenir qu'après trois mois ; et dès lors je n'ai pas différé à répondre, et à extraire des divers opuscules où je les avais déjà traitées, soit une solution, soit au moins une discussion, sur les questions que vous m'avez proposées. Parmi ces questions est cette où vous demandez comment Dieu, qui prévoit l'avenir, a pu dire de David, coupable de tant et de si grandes iniquités : « J'ai choisi David selon mon coeur (1). » Je n'ai pu retrouver l'endroit où je l'ai traitée, ni me rappeler comment je l'ai expliquée ;fie né sais même si c'est dans un livre ou dans une lettre. Comment vous me mettez dans la nécessité de la discuter de nouveau, je l'ai rejetée à la fin, voulant d'abord reproduire ce qui était tout- préparé dans nies autres ouvrages ; tant pour satisfaire au désir de votre sainteté, ce qui m'est extrêmement agréable, que pour ne pas être obligé de répéter les mêmes choses en d'autres termes, ce qui me conterait beaucoup de travail, sans profit pour vous.

 

QUESTION PREMIÈRE. — Les pécheurs baptisés sortiront-ils, de l'enfer?

 

1. Voici votre première question: « Ceux qui ont péché après le baptême sortiront-ils un jour de l'enfer? Quelques-uns, dites-vous, sont d'un avis opposé et répondent que les tourments des pécheurs ne finiront pas plus que la récompense des justes.. Ils cherchent même à prouver que la peine durera autant que la récompense. On leur objecte ce passage de l’Evangile : Et tu n'en sortiras point que tu n'aies

 

1 III, Rois, VIII, 16.

 

rendu jusqu'au dernier quart d'un as (1). — D'où il faut conclure qu'on pourra sortir quand tout sera payé. Notre opinion se fonde aussi : sur ce texte de l'Apôtre: Cependant il sera sauvé, mais comme par le feu (2). Toutefois, ajoutez-vous, comme nous lisons ailleurs : Or il ne l'avait point connue, jusqu'à ce qu'elle enfanta (3), ce que nous ne pouvons interpréter littéralement en ce sens: qu'il la connut plus tard, voilà pourquoi nous désirons avoir là dessus quelque chose de certain. » Telle est votre proposition.

2. Je prends ma réponse dans mon livre, intitulé : De la foi et des oeuvres, où je me suis exprimé là dessus en ces termes : « Saint Jacques est si opposé à ceux qui pensent que la foi sauve sans les oeuvres, qu'il les compare aux démons : « Tu crois qu'il n'y a qu'un Dieu; tu fais bien; mais les démons croient aussi et ils tremblent. » Que peut-on dire de plus bref, de plus vrai, de plus fort, quand aussi nous lisons dans l'Evangile que les démons furent blâmés le jour où ils confessèrent que le Christ est le Fils de Dieu (4), bien que Pierre ait été loué pour la même confession (5) ? Que servira-t-il,  mes frères, dit saint Jacques, que quelqu'un

dise qu'il a la foi, s'il n'a point les oeuvres ? Est-ce que la foi pourra le sauver ? » Il ajoute même que la foi sans les oeuvres est morte (6). » A quel point se trompent donc ceux qui fondent sur une foi morte l'espérance de la vie éternelle !

3. « Il faut donc apporter une grande attention à bien comprendre ce passage, certainement difficile, de l'apôtre saint Paul: « Car personne ne peut poser d'autre fondement que celui quia été posé, lequel est Jésus-Christ. Que si on élève sur ce fondement un édifice, d'or, d'argent, de pierres précieuses, de bois, de foin, de chaume, l'ouvrage de chacun sera manifesté. Car le jour du Seigneur le mettra en lumière, et il sera révélé parle feu ; ainsi le feu éprouvera l'oeuvre de chacun. Si l'ouvrage de celui qui a bâti sur ce fondement demeure, celui-ci recevra son salaire. Si l'oeuvre de

 

1 Matt. V, 24. —  2 I Cor. III, 15. —  3 Matt. I, 25. —  4 Marc, I, 24, 25 —  5 Matt. XVI,16, 17. —  6 Jacq. II, l9, 14-20.

 

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quelqu'un brûle, il en souffrira la perte; cependant il sera sauvé, mais comme par le feu (1). » Quelques-uns l'interprètent en ce sens : que ceux qui ajoutent les bonnes oeuvres à la foi au Christ, paraissent élever sur ce fondement des édifices d'or, d'argent, de pierres précieuses; tandis que ceux qui ont la même foi et commettent le mat n'élèvent que des édifices de foin, de bois et de chaume. D'où ils concluent que ceux-ci, au moyen de quelques expiations par le feu, pourront être purifiés et sauvés, en vue des mérites de Celui qui est le fondement.

4. « S'il en est ainsi, nous rendons hommage au zèle charitable que l'on déploie pour faire admettre indistinctement au baptême, non-seulement les adultères qui déclarent nul leur mariage, malgré la décision formelle du Seigneur; mais même les femmes publiques qui persévèrent dans leur infâme profession, bien qu'aucune église, même la plus relâchée, ne les y admette, si elles n'ont renoncé à la prostitution. Mais je ne vois pas pourquoi, dans ce système, on ne les admettrait pas. Qui n'aimerait mieux voir ces femmes élever sur le fondement des édifices de bois, de foin et de chaume, pour être purifiées par le feu, même pendant longtemps, plutôt que de les voir périr éternellement ? Mais alors il faudra rejeter tous ces textes si clairs, si peu ambigus: « Quand j'aurais toute la foi, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai point la charité, je ne suis rien (2). Que servira-t-il, mes frères, que quelqu'un dise qu'il a la foi, s'il n'a point les oeuvres ? Est-ce que la foi pourra le sauver ? » Celui-ci encore deviendra faux : « Ne vous abusez point: Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les voleurs, ni les avares, ni les adultères, ni les efféminés, Ni les abominables, ni les ivrognes, ni les médisants, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu (3). » Egalement le suivant : « Or on connaît aisément les oeuvres de la chair, qui sont : la fornication, l'impureté, l'impudicité, la luxure, le culte des idoles, les empoisonnements, les inimitiés, les contestations, les jalousies les colères, les dissensions, les hérésies, les envies, les ivrogneries. les débauches de table et autres choses semblables. Ce vous le dis comme je vous l'ai dit déjà : ceux qui font de telles choses ne posséderont point le royaume de Dieu (4). » Oui, tout cela sera faux. Car ceux qui persévèrent dans de tels désordres seront sauvés par le

 

1 II Cor. III, 11-15. — 2 Ib. XIII, 2. — 3 Ib. VI, 9, 10. — 4 Gal. V, 19-21.

 

feu, pourvu qu'ils croient et qu'ils soient baptisés ; par conséquent tous ceux qui sont baptisés dans le Christ, commissent-ils de tels crimes, posséderont le royaume de Dieu.

C'est donc en vain qu'on nous dit: « C'est ce que vous avez été, mais vous avez été lavés (1), » puisque, même après avoir été lavé, on est cela encore. Inutilement aussi saint Pierre nous dira Ce qui vous sauve maintenant vous-mêmes, « c'est un baptême semblable ; non pas une purification des souillures de la chair, mais l'engagement d'une bonne conscience (2) ; » puisque ceux même qui ont la conscience chargée de toutes les infamies et de tous les crimes, et n'en ont fait aucune pénitence, sont cependant sauvés par le baptême, ou du moins par le feu, à cause du fondement posé dans le baptême. Je lie vois pas non plus pourquoi le Seigneur aurait dit : « Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements (3); » ni pourquoi il aurait énuméré ce qui, concerne les bonnes moeurs, si on peut parvenir a la vie sans les observer et par la foi seule, « laquelle, sans les n'ouvres, est morte. »

« Ensuite comment seraient vraies les paroles qu'il adressera à ceux qui seront à sa gauche : Allez au feu éternel, qui a été préparé pour  le démon et pour ses anges? » Il ne leur reproche pas de n'avoir point cru en lui, mais de n'avoir pas fait de bonnes oeuvres. Afin même, que personne ne se flatte d'arriver à la vie éternelle par la foi seule, qui, sans les oeuvres, est morte, il a déclaré qu'un jour il séparerait toutes les nations, qui auront jusques-là usé des mêmes pâturages, pour faire dire : « Seigneur, quand vous avons-nous vu souffrant telle et telle chose, sans que nous vous ayons assisté ? » à ceux qui croyaient en lui, mais ne prenaient aucun souci de faire le bien, comme si une foi morte pouvait conduire à la vie éternelle. Dira-t-on que ceux qui n'ont pas fait d'oeuvres de miséricorde iront seuls au feu éternel, et non pas ceux qui ont volé le bien d'autrui, ou qui ont été cruels envers eux-mêmes, en souillant en eux le temple de Dieu : comme si les oeuvres de miséricorde étaient utiles sans la charité, alors que l'Apôtre nous dit : « Quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres, si je n'ai point la charité, cela ne me sert de rien (4) ; » ou comme si on aimait son prochain comme soi-même quand on ne s'aime pas soi-même ? Car celui qui aime l'iniquité, hait son.

 

1 Cor. VI, 11. — 2 I Pierre, III, 21. — 3 Matt. XIX, 17. —  4 I Cor. XIII, 3.

 

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âme (1). » Il n'y a pas moyen de se faire ici illusion comme quelques-uns qui prétendent qu'il est question de feu éternel, mais non d'éternelle punition ;qui s'imaginent que ceux qu'ils entendent sauver par le feu au moyen de la foi morte, passeront simplement par le feu éternel ; et qu'il n'y aura d'éternel que le feu, et non le supplice des réprouvés, c'est-à-dire que l'effet du feu ne serait point éternel sur eux. Mais, prévoyant cette objection, le Seigneur conclut ainsi

Et ceux-ci s'en iront à l'éternel supplice, et les justes dans la vie éternelle (2). » Le supplice sera donc éternel comme le feu, et la Vérité même a déclaré qu'il est réservé à ceux qui n'auront pas fait de bonnes oeuvres, eussent-ils d'ailleurs eu la foi.

5. « Si donc ces textes sont faux, ainsi qu'une foule d'autres non moins clairs qu'on trouve dans les Ecritures, on aura raison d'entendre le passage sur les édifices de bois, de foin et de chaume en ce sens que ceux qui n'auront eu que la foi au Christ sans faire de bonnes oeuvres, seront sauvés par la foi. Mais si ces textes sont vrais et clairs, évidemment il faut chercher une autre interprétation aux paroles de l'Apôtre , et ranger ce passage parmi ceux de ses écrits que saint Pierre dit être difficiles à comprendre, et que les hommes ne doivent point détourner à de mauvais sens pour leur propre perte 3, en promettant le salut, contre les textes les plus clairs des Ecritures, à des hommes souillés de crimes, obstinés dans leurs malices et quine veulent ni se corriger ni se repentir.

6. « Ici on me demandera peut-être ce que je pense de se passage de saint Paul et en quel sens je l'interprète. Je l'avoue: j'aimerais mieux entendre des hommes plus intelligents et plus instruits l'expliquer de manière à laisser subsister, dans leur incontestable vérité, les témoignages que j'ai rapportés et tous ceux que j'ai passés sous silence, dans lesquels l'Ecriture déclare ouvertement qu'il n'y a de foi utile que celle que l'Apôtre a définie, c'est-à-dire celle qui agit par la charité (4) ; » et que sans les oeuvres elle ne peut sauver ni en dehors du feu ni par le feu car si elle sauvait parle feu, elle sauverait encore. Or c'est clairement, absolument, qu'il est écrit Que servirait-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a point les oeuvres ? Est-ce que la foi pourra le sauver? » Cependant

 

1 Ps. X, 6. — 2 Matt. XXV. 41, 44, 46. —  3 II Pierre, III, 16. — 4 Gal. V, 6.

 

j'exprimerai le plus brièvement possible, ce que je pense de ce passage difficile de 1 Apôtre, pourvu qu'on ne perde pas de vue ce que je viens de dire : que j'aimerais mieux entendre là dessus de plus habiles que moi.

«Dans la construction d'un sage architecte, le Christ est le fondement: cela n'a pas besoin de preuves, car l'Apôtre dit en termes formels : «Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui a été posé, lequel est le Christ Jésus. » Or si c'est le Christ, c'est évidemment la foi au Christ, car, selon le même Apôtre, c'est par la foi que le Christ habite dans nos coeurs (1). Mais la foi du Christ c'est évidemment celle que l'Apôtre a définie quand il a dit «qu'elle agit par la charité. » On ne saurait en effet poser pour fondement la foi des démons, bien qu'ils croient, qu'ils tremblent et confessent que Jésus est Fils de Dieu. Pourquoi? Parce qu'elle n'est pas la foi qui agit par la charité, mais celle qui est arrachée par la crainte. Ainsi la foi du Christ, la foi de la grâce chrétienne, la foi qui agit par la charité, étant posée comme fondement, ne laisse périr personne.

Mais qu'est-ce qu'élever sur ce fondement des édifices d'or et d'argent, de pierres précieuses, ou de bois, de foin, de chaume? Je crains qu'une explication trop subtile ne soit plus difficile à comprendre que le texte même. Je tacherai cependant, avec l'aide du Seigneur, d'exposer ma pensée le plus brièvement et le plus clairement possible. Un homme demanda un jour à notre bon Maître quel bien il fallait faire pour parvenir à la vie éternelle; Jésus lui répondit qu'il n'avait qu'à observer les commandements ; et comme il demandait quels étaient ces commandements, il lui fut dit : « Tu ne tueras pas; tu ne commettras pas l'adultère ; tu ne déroberas point ; tu ne rendras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère, et aime ton prochain comme toi-même. » En faisant tout cela dans la foi du Christ, il devait indubitablement posséder la foi qui agit par la charité. Il lui était même impossible d'aimer le prochain comme lui-même, s'il ne possédait d'abord l'amour de Dieu sans lequel on ne saurait s'aimer soi-même. Or en accomplissant ce que le Seigneur ajoute ensuite en ces termes: « Si tu veux être parfait, va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi (2) ; » en accomplissant

 

1 Eph. III, 17. — 2 Matt. XIX.16-21.

 

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cela, dis je, il eût élevé sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses; car alors il ne se fût plus occupé que des moyens de plaire à Dieu, et ces pensées, j’imagine, sont de l'or, de l'argent, des pierres précieuses. Si au contraire, il avait pour ses richesses une certaine affection charnelle, en fit-il d'ailleurs d'abondantes aumônes, ne commit-il ni fraude ni rapine pour les augmenter, la crainte de les voir diminuer ou de les perdre ne l'entraînât-elle à aucun acte criminel, ( ce qui serait du reste se détacher de l'immuable fondement,) parle seul fait qu'il y tiendrait, comme je l'ai dit, par une affection charnelle, et qu'il souffrirait de s'en voir privé, il élèverait sur le fondement un édifice de bois, de foin, de chaume, surtout s'il avait une femme, et que, dans le but de lui plaire, il mit sa sollicitude dans les choses de ce monde. Ceux donc qui, possédant ces biens et les aimant d'une affection charnelle, ne les perdent pas sans peine, et néanmoins, tout en les possédant, maintiennent sur son fondement la foi qui agit par la charité, et ne lui préfèrent ces biens pour aucune raison ni par aucune vue d'intérêt: ceux-là souffrent quelque détriment en les perdant, et doivent jusqu'à un certain point passer par le feu, pour parvenir au salut. Or on est d'autant plus à l'abri de cette douleur et de ce détriment, qu'on est moins attaché à ces biens et qu'on sait mieux en user comme n'en usant pas. Quant à celui qui, pour, les conserver ou pour les acquérir, commet l'homicide, l'adultère, la fornication l'idolâtrie ou quelque autre crime de ce . genre celui-là ne sera pas sauvé par le feu à cause du foule ment mais, détaché du fondement, il sera livré au feu éternel.

7. « Pour prouver ce que peut la foi seule, ou nous objecte ce passage de l'Apôtre : « Que si l'infidèle se sépare, qu'il se sépare: car notre frère ou notre soeur n'est plus asservie en ce cas (1) ; » c'est-à-dire qu'un mari chrétien, par cela seul qu'il est chrétien, peut, à raison de la foi du Christ et sans se rendre coupable, quitter une femme même légitime, si elle ne veut pas rester avec lui. Mais quand on nous objecte ce texte, on ne fait pas attention qu'il faut l'entendre en ce sens que le mari a une très-bonne raison de renvoyer sa femme, lorsqu'elle lui dit : Je ne veux plus être votre épouse à moins que vous ne m'enrichissiez par le vol même, ou que vous ne continuiez, quoique chrétien, le commerce

 

1 I Cor. VII, 16.

 

de prostitution qui nous faisait vivre, ou bien tout autre métier crinrinelou déshonorant qu'elle connaissait à sou mari et qui lui procurait à elle, soit l'assouvissement d'une passion coupable, soit une existence tacite, soit des vêtements plus élégants. Evidemment si celui à qui sa femme tient ce langage, a vraiment fait pénitence de ses oeuvres de mort pour recevoir le baptême, s'il a pour fondement la foi qui agit parla charité : évidemment il se laissera dominer par la grâce divine plutôt que par la passion de la chair, et il retranchera courageusement le membre qui le scandalise. Or si, par affection charnelle pour sa femme, il supporte le déchirement du coeur et la douleur qui en résulte, voilà le détriment qu'il subit, voilà le feu par lequel il sera sauvé et son chaume constitué. Que s'il a une femme comme n'en ayant pas; en usant non par passion mais par pitié, dans l'espoir de la sauver; rendant le devoir conjugal plutôt qu'il ne l'exige alors il ne souffrira point dans sa chair, quand le lien devra se rompre, puisqu'il ne pensait qu'aux choses de Dieu et aux moyens de lui plaire (1). Et en tant qu'il élevait par ces pensées un édifice d'or, d'argent et de pierres précieuses, il s'exemptera de tout détriment, et son édifice échappera aux flammes, parce qu'il n'est pas de chaume.

8. « Cette explication, ce me semble, n'est point contraire à la vérité, soit que les hommes ne subissent ces peines que dans cette vie, soit que des jugements de ce genre doivent se rendre après la mort. S'il y a une autre interprétation plus convenable, mais que je ne vois pas, nous ne serons pas, au moins tant que nous nous en tiendrons à celle-ci, obligés de dire aux hommes injustes, insoumis, impies, souillés, de crimes, meurtriers de leur père, meurtriers de leur mère, homicides, fornicateurs, abominables, voleurs d'hommes, menteurs, parjures ou autres ennemis de la doctrine sainte conforme à l'Evangile de la gloire de Dieu (2) : Si vous croyez simplement au Christ et recevez le sacrement de baptême, vous serez sauvés, même sans quitter votre vie criminelle.

9. « Aussi ne sommes-nous nullement embarrassés de l'exemple de la Chananéenne, à qui le Seigneur accorda l'objet de sa demande, après lui avoir d'abord dit: « Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens. » En effet le Christ, qui connaît le fond des coeurs, la voyait changée, quand il faisait son

 

1 I Cor. VII, 23-34. —  2 I Tim. I, 9-11.

 

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éloge. Aussi ne dit-il pas: 0 chienne, ta foi est grande: mais: « O femme grande est ta foi (1)»: Il change le nom, parce qu'il voit un coeur changé, parce qu'il sait que ces reproches ont produit leurs fruits. Mais je m'étonnerais qu'il louât en cette femme la foi sans les oeuvres c'est-à-dire une toi qui n'agit pas par l'amour, une foi morte, celle que saint Jacques n'a pas hésité à appeler, non une foi d'hommes, mais une foi de démons. Enfin si nos adversaires ne veulent pas admettre que la Chananéenne renonça à ses désordres, quand le Christ lui en fit des reproches et lui manifesta son mépris : lorsqu'ils rencontrent des hommes qui se contentent de croire et ne cachent point leur conduite criminelle, mais en font même parade bien loin de s'en corriger; qu'ils guérissent leurs enfants, s'ils le peuvent,            comme fut guérie la fille de la Chananéenne; mais qu'ils rien fassent pas des membres du Christ, puisqu'ils ne cessent pas d'être eux-mêmes des membres de prostituée (2). »

10. Voici encore ce que ,j'ai écrit là dessus dans le livre intitulé: De la foi, de l'espérance et de la charité, et que j'ai adressé à votre frère Laurent, mon fils bien-aimé. « D'après quelques-uns, ceux qui ne renoncent pas au nom du Christ, ceux qui ont reçu le baptême dans son Eglise et n'en sont séparés ni par le schisme ni          par l'hérésie, quoiqu'ils mènent la conduite la plus criminelle, qu'ils ne l'expient point par le repentir, ne la rachètent point par l'aumône, mais y persévèrent obstinément jusqu'au dernier jour de leur vie: ceux-là seront sauvés par le feu, par un feu qui durera longtemps, à raison de l'étendue de leurs crimes et de leurs désordres, mais qui ne sera point éternel. Ceux qui pensent ainsi, me semblent, quoique catholiques, se laisser aveugler et séduire par une bienveillance tout humaine: car si on consulte l'Ecriture sainte, elle donne une réponse bien différente. J'ai écrit sur cette question un livre intitulé: De la foi et des oeuvres, où avec l'aide de Dieu, j'ai &montré, autant que je l'ai pu, que la foi qui sauve est celle que l'apôtre saint Paul caractérise suffisamment quand il dit: « Car dans le Christ Jésus ni la circoncision, ni l'incirconcision ne servent de rien ; mais la foi qui agir par la charité (3). » Si elle fait le mal, ou ne fait pas le bien, il est hors de doute, selon l'apôtre saint Jacques, « qu'elle est morte en elle-même. » Le même apôtre dit encore : « Que servira-t-i1

 

1 Matt. XV, 26-28. — De la Foi et des Oeuvres, ch. XIV-XVI. — 3 Gal. V, 6.

 

à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a point les oeuvres ? Est-que la foi pourra le sauver?» Pourtant si la foi seule peut sauver un homme souillé de crimes, et si c'est ainsi qu'il faut entendre le texte du bienheureux Paul : « Il sera sauvé, « mais comme par le feu, » la foi peut donc sauver sans les oeuvres, et alors ce que dit saint Jacques, son frère dans l'apostolat, deviendra faux, aussi bien que ce qu'il dit lui-même dans ce passage. « Ne vous abusez point: Ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les abominables, ni les voleurs, ni les avares, ni les médisants, ni les ivrognes, ni les rapaces ne posséderont le royaume de Dieu. » Si en effet ceux qui persévèrent dans ces crimes doivent être sauvés pour avoir cru au Christ, comment seraient-ils exilés du royaume des cieux?

11. « Mats comme ces textes de l'Apôtre, si évidents, si clairs, ne sauraient être faux, on ne peut interpréter dans un sens contraire le passage obscur où il est parlé de ceux qui élèvent sur le fondement, qui est le Christ, non de l'or, de l'argent, ni des pierres précieuses, mais du bois, du foin, du chaume; car il est dit qu'ils seront sauvés par= le feu, parce que les mérites de Celui qui est le fondement les empêchera de périr. En effet il n'est pas déraisonnable de comprendre, sous ce nom de bois, de foin et de chaume, les désirs des choses de ce monde, d'ailleurs permises, mais convoitées de manière à ne pouvoir être perdues sans douleur. Or comme celte douleur brûle, si le Christ est dans le coeur comme fondement, c'est-à-dire si on ne lui préfère rien, si celui qui éprouve cette douleur aime mieux perdre ce qu'il affectionne que le Christ lui même, alors il est sauvé parle feu. Si ait contraire à l'heure de la tentation, il a mieux aimé conserver ces choses passagères et mondaines que le Christ, c'est qu'il n'a point en celui-ci pour fondement, puisqu'il lui a préféré des objets éphémères, alors que le fondement est le point principal dans un édifice. Car le feu dont parle ici l'apôtre saint Paul., doit être compris ente seras que tous deux passent par lui, c'est-à-dire et celui « qui élève sur ce fondement un édifice d'or, d'argon t, de pierres précieuses, et celui qui en élève un de bois, de foin, de chaume. » Car après ces paroles, l'Apôtre ajoute: « Le feu éprouvera l'oeuvre de chacun. Si l'ouvrage de celui qui a bâti sur le fondement demeure, celui-ci recevra son salaire. Si l'oeuvre de l'autre brûle, il en souffrira la perte; cependant il sera sauvé, mais comme par le feu. » Le feu (526) éprouvera donc l'oeuvre non d'un seul, mais des deux.

12. «L'épreuve de la tribulation, » est une espèce de feu dont l'Ecriture parle ailleurs en termes exprès: « La fournaise éprouve les vases du potier; et l'épreuve de la tribulation, les hommes justes (1). » C'est dans cette vie que ce feu produit l'effet dont parle l'Apôtre, s'il atteint les deux fidèles, dont l'un pense aux choses de Dieu et aux moyens de lui plaire, c'est-à-dire élève sur le fondement un édifice d'or d'argent, de pierres précieuses; et l'autre s'occupe des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme, c'es-tà-dire élève sur ce même fondement un édifice de bois, de foin, de chaume, car l'ouvrage du premier ne brûle pas, parce qu'il n'a point aimé des objets dont la perte est douloureuse, tandis que celui du second est condamné, parce qu'on ne perd pas sans douleur ce qu'on a possédé avec amour. Mais comme celui-ci, placé dans l'alternative;aimerait mieux renoncer à ce qu'il possède qu'au Christ, qu'il n'abandonne point le Christ par crainte de perdre ces biens, quelque pénible que lui soit leur perte: alors il est sauvé, mais comme par le feu; » parce que le regret de ce qu'il a aimé et perdu, le brûle, mais sans consumer le ferme et incorruptible fondement qui fait sa force.

13. « On peut aussi croire que quelque chose de ce genre se passe après la vie; mais c'est une question à examiner. Peut-être découvrirait-on que certains fidèles subissent un feu expiatoire, et pour avoir plus ou moins aimé les biens périssables, éprouvent un retard plus ou moins long dans leur salut: mais ce ne seraient point ceux dont il est dit qu'ils ne posséderont pas le royaume de Dieu, » à moins d'avoir obtenu la rémission de leurs crimes par une pénitence convenable. Je dis convenable, pour les engager à n'être pas stériles en aumônes : car l'Ecriture attribue à l'aumône une si grande puissance, que le Seigneur déclare qu'il ne ré- compensera les bons que pour l'avoir faite, et ne punira les méchants que pour l'avoir négligée, puisqu'il dira aux premiers : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume; » et aux autres: « Allez au feu éternel (2). » Je pense que ces deux extraits de mes opuscules répondent suffisamment à votre question.

14. Quant à ces paroles du Seigneur : « Tu ne sortiras point de là, avant que tu n'aies payé

 

1 Eccli. XXVII, 6. —  2 De la foi, de l'espérance et de la charité, ch, 67-69.

 

jusqu'au dernier quart d'un as, » je n'ai pas besoin de répondre puisque vous résolvez vous-même la question, d'après une locution semblable dans un autre passage de l'Evangile : « Il ne la connut point, avant qu'elle enfantât son fils. » Pour vous dire toute ma pensée, je désirerais, si cela était possible, ou plutôt je désire, si cela se peut, être vaincu, dans cette question, par la vérité elle-même. En effet l'opinion qui soutient que ceux qui meurent dans la communion catholique, quoiqu'ils aient persévéré jusqu'au bout dans leur vie criminelle et licencieuse, verront un jour, après longtemps peut-être, finir leurs supplices vengeurs, cette opinion touche plus particulièrement l'affection que je porte à ceux qui participent avec non s aux sacrements du corps et du sang du Christ ; (bien que nous détestions la conduite coupable de ces pécheurs, que nous ne pouvons ni corriger parla discipline ecclésiastique, ni écarter de la table du Seigneur :) mais celle à laquelle je désire être forcé de me rendre, est celle qui ne contredit point les textes si clairs des saintes lettres. Car on ne peut en aucune façon croire ou appeler vérité ce qui leur est opposé. Jusqu'à ce que nous entendions ou que nous lisions rien de pareil, écoutons celui qui dit: « Ne vous abusez point : Ni le fornicateurs, ni les idolâtres, etc ne posséderont le royaume de Dieu. » Si tout ce qu'on nous objecte ne peut donner un autre sens à ces paroles de l'Apôtre, évidemment c'est contre ces objections que saint Paul nous a armés et préparés lui-même, en disant: « Car sachez comprendre qu'aucun fornicateur, ou impudique, ou avare, ce qui est une idolâtrie, n'a d'héritage dans le royaume du Christ et de Dieu. Que personne ne vous séduise par de vains discours (1). » Quand donc nous entendrons dire que certains fornicateurs, ou impudiques ou avares, sont sauvés par le feu, de manière à avoir un héritage dans le royaume du Christ et de Dieu, ne fermons pas l'oreille aux réclamations de saint Paul nous disant : « Aucun fornicateur, ou impudique, ou avare n'a d'héritage dans le royaume du Christ et de Dieu; » puis ajoutant, pour nous tenir en garde contre de telles paroles : « Que personne ne vous séduise par de vains discours. »

 

II. —  L'offrande qu'on fait pour les morts leur est-elle utile ? –

1. Votre seconde question est celle-ci : « L'oblation qu'on fait pour les morts profite-t-elle à leurs âmes, nos actes personnels

 

1 Eph. V, 6, 8.

 

527

 

étant évidemment à notre décharge, ou à notre charge; et quand d'ailleurs nous lisons que personne ne peut chanter les louanges du Seigneur dans le tombeau? Sur quoi beaucoup prétendent que s'il peut y avoir là quelque profit après la mort, l'âme, en y confessant ses péchés, se procurerait à elle-même un soulagement bien plus grand que d'autres n'en peuvent procurer aux morts par l'oblation. »

2. J'ai dit quelque chose là-dessus dans le livre que j'ai écrit récemment en réponse au saint évêque de Nole, Paulin, qui me consultait pour savoir si la sépulture faite dans les tombeaux des martyrs est de quelque utilité aux âmes des morts. J'en extrais pour vous ce passage: « Je dois depuis longtemps une réponse à votre sainteté, mon vénérable frère dans l'épiscopat, Paulin, depuis que vous m'avez écrit par des personnes de la maison de notre très-religieuse fille, Flora, pour me demander s'il est avantageux à l'âme d'un mort que son corps soit enseveli près du tombeau d'un saint. Car c'était la faveur que cette veuve avait sollicitée de vous, pour son fils mort en cette contrée ; et vous la consoliez en lui répondant que le corps du jeune fidèle, Cynégius, avait été enseveli, conformément au voeu de sa tendresse maternelle, dans la basilique du bienheureux confesseur, Félix. Cela vous donna occasion de m'écrire par les mêmes messagers, et de me poser la question que je viens,de dire ; vous me priiez de donner mon avis, tout en exprimant le vôtre. Car il vous semble, dites-vous, que ce n'est pas sans raison que les esprits religieux et fidèles prennent ces sortes de précautions.en faveur de leurs morts. Vous ajoutez encore qu'il n'est pas possible que la coutume universellement répandue dans l'Eglise de prier pour les morts n'ait aucune raison d'être ; et que, pour ces motifs, on peut conjecturer qu'il est utile à un mort que ses parents pourvoient à l'ensevelir en un lieu qui semble déjà par lui-même une supplication à l'adresse des saints.

3. « Cela posé, vous ajoutez que vous ne voyez pas clairement comment cette opinion pourrait s'accorder avec le texte suivant de l'Apôtre : « Car nous devons comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ce qu'il a fait dans son corps, soit bien soit mal (1). » En effet l'Apôtre nous

 

1 II Cor. V, 10.

 

avertit, ici, que ce qui peut nous être utile après la mort doit être fait avant la mort, et non au moment où ce qui s'est fait pendant la vie doit recevoir sa récompense ou sa punition. Mais, pour résoudre la difficulté, il suffit d'observer qu'il est pendant cette vie une certaine conduite qui mérite que ces précautions soient utiles après la mort; en sorte que les bonnes oeuvres, dont le corps vivant a été l'instrument, soient cause qu'après le trépas on trouve du soulagement dans les devoirs religieux dont on est l'objet. Mais il y a des défunts à qui ces mêmes devoirs sont absolument inutiles ; les uns parce que leurs oeuvres ont été si mauvaises, qu'ils ne sont pas même dignes de recevoir de tels secours ; les autres parce qu'ils ont tant fait de bien qu'ils n'ont plus besoin d'aucune aide. C'est donc la conduite tenue pendant la vie qui détermine l'utilité ou l'inutilité des devoirs que la piété rend aux morts. Si on n'a rien fait pendant la vie pour en mériter les fruits, c'est en vain qu'on les sollicite après la mort. Ainsi donc, d'une part, ce n'est pas en vain que l'Eglise excite la piété de ses enfants envers les morts autant qu'il est en elle; et, de l'autre, chacun reçoit cependant ce qui est dû à ce qu'il a fait dans soi, corps, soit bien soit mal: le Seigneur, rendant à chacun selon ses oeuvres. En effet pour que les devoirs accomplis après la mort soient utiles, il faut s'en être rendu digne pendant sa vie (1). »

4. Voici encore ce que j'ai dit à Laurent, peu près dans le même sens : « Pendant le temps qui s'écoule depuis la mort de l'homme ,jusqu'à la dernière    résurrection, les âmes sont renfermées dans des retraites cachées, selon que chacune d'elles mérite le repos ou la souffrance, à raison de ce qu'elle a fait quand elle habitait dans la chair. On ne peut contester que les âmes des morts ne soient soulagées par la piété des leurs, quand le sacrifice du Médiateur est offert pour elles, ou qu'il se fait des aumônes dans l'Eglise. Mais ces bienfaits ne s'appliquent qu'à ceux qui les ont mérités pendant leur vie. En effet il y a certain genre de vie qui n'est ni assez bon pour se passer de ces secours, ni assez mauvais pour n'en pas profiter; comme il y a des chrétiens qui ont été tellement bons, qu'ils n'en ont aucun besoin, et d'autres tellement mauvais, qu'ils n'en peuvent tirer aucun profit après la mort. C'est donc en cette vie que se détermine le sort bon ou mauvais qui suivra le trépas.

 

1 Du soin des morts, ch. I.

 

528

 

Mais que personne n'espère profiter devant Dieu, après la mort, de ce qu'il a négligé pendant sa vie. Par conséquent les devoirs pieux que l'Eglise remplit si souvent à d'égard des morts, ne sont point en contradiction avec ces paroles de l'Apôtre : « Car nous devons tous comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû à ce qu'il a fait dans son corps, soit bien soit mal, » puisque c'est pendant la vie que chacun s'est rendu digne de profiler de ces secours. Car ces secours ne s'appliquent ras à tous ; et pourquoi, sinon à raison de la différence de la conduite tenue pendant la vie ? Quand donc on offre soit le Sacrifice de l'autel, soit un sacrifice d'aumônes quelconques, en faveur de tous les fidèles trépassés, ce sont des actions de grâce pour ceux qui sont tout à fait bons, des expiations pour ceux qui ne sont pas tout à fait mauvais : et si ces derniers n'en tirent aucun soulagement, c'est au moins une consolation quelconque pour les vivants. Quant à ceux qui en profilent, ou ils obtiennent par là la rémission entière de leurs dettes, ou tout au moins leurs souffrances en sont plus supportables (1). »

 

III. — Le dernier jugement aura-t-il lieu immédiatement à l'arrivée du Seigneur, et ceux qui seront emportés dans les nuées au devant de lui devront-ils mourir? —

 

1. Voici votre troisième question : « Devons-nous croire que le jugement aura lieu immédiatement à l'arrivée du Seigneur, on quelque temps après? Car nous lisons que ceux qui vivront encore lors de cet avènement, seront emportés dans les nuées au-devant du Christ dans  les airs, et qu'ils seront à jamais avec le Seigneur. Je désire donc savoir si le jugement suivra immédiatement l'arrivée, ou si ceux qui seront emportés dans les nuées subiront la mort, à moins peut-être que le changement qui s'opèrera alors ne doive leur tenir lieu de mort. »

2. Sur cette question : Le jugement aura-t-il lieu aussitôt après l’arrivée du Seigneur? je crois qu'il suffit de s'en rapporter au symbole, dans lequel nous confessons que le Christ viendra, de la droite de son Père, pour juger les vivants et les morts. Comme il viendra pour cela, qu'aurait-il à faire dès qu'il sera venu, si ce n'est ce pourquoi il sera venu ? Pour ce qui regarde ceux qui seront emportés dans les nuées, je vais mettre sous vos yeux ce que j'écrivis à mon fils Mercator, que vous connaissez sans doute, lorsqu'il me consulta sur certaines opinions des Pélagiens,

 

1 Enchir. ch. 109, 110.

 

qui nient que la mort soit la peine du péché : « En ce qui concerne, disais-je, ceux dont l'Apôtre parle en ces termes, à propos de la résurrection des morts : « Ensuite nous qui vivons, qui sommes restés, nous serons emportés avec eux dans les nuées au devant du Christ dans. les airs, et ainsi nous serons à jamais avec le Seigneur, n il y a sans doute quelque difficulté, mais dans le sujet lui-même, et non au point de vue des Pélagiens: car dans le cas où ceux-là ne devraient pas mourir, je ne vois pas trop ce que les hérétiques y gagneraient, puisqu'on pourrait dire de ces fidèles ce qu'on a dit de deux hommes seulement, Enoch et Elie. Mais au fait, à s'en tenir aux paroles de l'Apôtre, il semble dire qu'à la fin des siècles, à l'arrivée du Seigneur, quand les morts devront ressusciter, quelques hommes, encore vivants, seront subitement transformés dans l'heureuse immortalité, accordée aux autres saints et seront, suivant le mot du même Apôtre, « emportés avec eux dans les nuées. » C'est la seule pensée que j'aie jamais eue, chaque fois que j'ai réfléchi sur ce passage.

3. « Mais j'aimerais bien entendre là dessus des hommes plus instruits ; car il peut se faire que l'Apôtre, s'adresse à ceux-mêmes qui croient que quelques hommes passeront à la vie éternelle sans avoir subi la mort, quand il dit: « Insensé, ce que tu sèmes n'est point vivifié, si auparavant il ne meurt. » Car comment ressusciterons-nous tous, » comme on lit dans la plupart des exemplaires, si tous nous ne mourons ?En effet on ne peut ressusciter, si l'on n'est pas mort. Et s'il faut lire, comme le portent quelques copies : « Nous nous endormirons tous, » le sens est encore plus facile et plus clair. Tous les passages qu'on pourra citer des saintes Ecritures semblent insinuer cette croyance : que personne ne parviendra à l'immortalité, s'il n'a auparavant subi la mort. Ainsi quand l'Apôtre dit : « Nous qui vivons et qui sommes réservés pour l'avènement du Seigneur, nous ne préviendrons pas ceux qui se sont déjà endormis. Car le Seigneur lui-même, au commandement et à la voix de l'archange et au son de la trompette de Dieu, « descendra du ciel, et ceux qui seront morts dans le Christ ressusciteront d'abord. Ensuite nous qui vivons, qui sommes restés, nous serons emportés avec eux sur les nuées au devant du Christ dans les airs ; et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur (1). » Sur ce texte, ai-je

 

1 Thess. IV, 14-16.

 

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dit, je voudrais entendre des hommes, plus savants ; et si l'on pouvait me l'expliquer de manière à prouver que lotis les hommes qui vivent ou vivront après nous doivent mourir, je corrigerais tout ce que j'ai dit là dessus dans un autre sens. Car nous ne devons pas être des docteurs indociles ; il est plus facile de corriger un méchant qu'un entêté ; par tout ce que nous écrivons, nous formons et nous instruisons notre propre faiblesse ou celle des autres, mais il n'y a là aucune autorité canonique.

4. « Mais s'il n'y a pas moyen de donner un autre sens à ces paroles de l’Apôtre ; s'il est évident qu'il n'a pas entendu dire autre chose que ce que les termes crient, en quelque sorte, à savoir: qu'à la fin du monde, lors de l'avènement du Seigneur, il y aura des hommes qui n'auront point dépouillé leur corps, mais seront revêtus d'immortalité, en sorte que ce qu'ils auront de mortel sera absorbé par la vie (1) : si cela est, 'ce texte s'accommode parfaitement à ce que nous confessons dans la règle (le foi ; que le Seigneur viendra juger les vivants et les morts; sans qu'il soit besoin d'entendre par, vivants, les juste , et par morts, les impies, bien que les uns et les autres doivent être jugés, mais par vivants ceux qui à son avènement ne seront pars encore sortis de cette vie, et par morts ceux qui auront quitté leur corps. Ce point une fois solidement établi, il faudra alors interpréter ces paroles : « Ce que tu sèmes n'est point vivifié, s'il ne meurt ; » et celles-ci : « Nous ressusciterons tous, » ou encore : « Nous nous endormirons tous, » dans un sens qui ne contredise point l'opinion: que quelques hommes passeront avec leurs corps au sein de la vie éternelle, sans avoir subi la mort.

5. « Mais quelle que soit de ces deux interprétations la plus vraie et la plus exacte, qu'importe à la cause de ces hérétiques que nous subissions tous la mort que nous avons méritée, ou que quelques-uns en soient exempts, puisqu'il est certain que, sans le péché, la mort eût épargné, non-seulement l'âme, mais le corps, et crue la vertu de la grâce éclate mieux à faire passer les justes de la mort à la vie éternelle, qu'à les dispenser de mourir ? En voilà assez pour ceux dont vous me parlez dans votre lettre : car je ne pense pas qu'ils disent qu'Adam fût,mort, même corporellement, s'il n'avait pas péché.

6. « Quant à ce qui regarde la question de la résurrection, il faut étudier un peu plus le sujet

 

1 II Cor. V 4.

 

à cause de ceux qui ne mourront pas, pensons-nous, et passeront, de cette vie mortelle à l'immortalité sans, l'intermédiaire de la mort ; et si vous avez entendu ou la quelque discussion raisonnable là dessus, quelque définition claire et positive, ou s'il vous arrive jamais d'en entendre ou d'en lire, prenez, je vous en. prie, la peine de me l'envoyer. Car, je dois en faire l'aveu à votre charité; j'aime mieux apprendre qu'enseigner. C'est du reste l'avis que nous donne l'apôtre saint Jacques, : « Ainsi, que tout homme soit prompt à écouter, et lent à parler (1). » Le charme do la vérité doit nous inviter à apprendre ; le devoir de la charité peut seul nous forcer à enseigner; et il faut désirer de voir cesser l'obligation que l'homme peut avoir d'instruire son semblable, afin d'être tous enseignés de Dieu; c'est ce qui à déjà lieu néanmoins quand nous apprenons ce qui tient à la vraie piété, bien que la leçon semble `nous venir d'un homme. En effet ni celui qui plante n'est quelque chose, ni celui qui arrose ; mais celui qui donne la croissance, Dieu ?. » Or, quand des Apôtres qui plantent et( ni arrosent ne sont rien, si Dieu ne donne la croissance ; à combien plus forte raison cela est-il vrai de moi, de vous, de tout autre personnage de ce siècle, quand nous nous imaginons être des docteurs (3) ? »

 

IV. — Bénédiction réservée, d'après le Psalmiste, aux enfants des justes.

 

1. Vous demandez en quatrième lieu: « Pourquoi David a dit : Sa race sera puissante sur la terre, la postérité des justes sera bénie (4) ; — quand nous savons qu'il y a, des enfants des justes qui sont maudits, et que des fils de méchants ont été et sont bénis?

2. Je réponds à telle question par l'explication que j'ai donnée, quand j'exposais ce psaume devant le peuple : « Heureux en effet l'homme qui craint te Seigneur; il mettra ses délices à accomplir sa loi. —  C'est à Dieu; le seul juste vrai et miséricordieux, à voir quel progrès le juste tait dans l'accomplissement de sa loi, car la vie de l'homme est une épreuve sur la terre, » comme le dit le saint homme Job (5). Il est encore écrit : « Le corps qui se corrompt, appesantit l'âme et cette dépouille terrestre abat a l'esprit et le trouble de mille soins (6). » Mais c'est le Seigneur qui nous jugé ; et nous ne devons pas juger avant le temps, jusqu'à ce que vienne le Seigneur, jusqu'à ce qu'il éclaire ce

 

1 Jacq. I, 19. —  2 I Cor. III, 7. — 3 Lettre 193, ch. IV, n. 9-13. —  4 Ps. CXI, 2. — 5 Job. VII, 1. —  6 Sag. IX, 14.

 

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qui est caché dans les ténèbres, qu'il manifeste les pensées secrètes des coeurs, et que chacun reçoive alors de Dieu sa louange (1). C'est donc à lui à voir les progrès que chacun fait dans l'exécution de ses commandements. Cependant celui qui se plaît à construire en paix son édifice, met toute sa volonté dans la loi ; « et précisément parce qu'il met toute sa volonté dans la loi » il ne doit point désespérer, car la paix appartient sur la terre aux hommes de bonne volonté (2).

3. « Voilà pourquoi sa race ou sa semence sera puissante sur la terre. » La semence de la future moisson, ce sont les oeuvres de miséricorde, suivant ce témoignage de l'Apôtre . « Or faisant le bien, ne nous lassons point; car nous recueillerons la moisson en son temps (3) ; et ailleurs : « Or je vous le dis : Qui sème peu,  moissonnera peu (4). »  Mais, mes frères, n'est-on pas bien puissant quand on achète le royaume des cieux, non-seulement comme Zachée au prix de la moitié de ses biens (5), mais encore, comme la veuve, pour deux petites pièces de monnaie (6), et que l'une a autant que l'autre? N'est-on pas bien puissant quand on acquiert ce même royaume; comme le riche avec ses trésors, et comme le pauvre avec un verre d'eau froide? Il en est pourtant qui donnent dans des vues terrestres, soit dans l'espoir d'obtenir du Seigneur une récompense temporelle, soit dans le but de plaire aux hommes; mais « la semence des justes sera bénie, » c'est-à-dire les oeuvres de ceux à qui le Dieu d'Israël est bon, de ceux qui ont le coeur droit, c'est-à-dire de ceux qui se soumettent au Père quand il corrige, qui croient à sa parole quand il promet; et non les oeuvres de ceux dont les pieds s'égarent, dont les pas ont chancelé, comme il est dit dans un autre psaume, parce qu'ils se sont indignés nés contre les pécheurs en voyant la paix dont ils jouissent, et qu'ils regardent leurs oeuvres comme perdues parce qu'on ne leur accorde point de récompense périssable (7).

L'homme qui craint le Seigneur et qui est devenu, par une conversion sincère, un temple consacré à Dieu, ne cherche point la Gloire humaine ni les richesses de la terre, et cependant la gloire et les richesses sont dans sa maison. n Car sa maison c'est son coeur, où honoré des éloges de Dieu, espérant l'éternelle vie, il est plus richement logé que ceux qui habitent dans

 

1 I Cor. IV, 4, 6. —  2 Luc,  II, 14. —  3 Gal. VI, 9. — 4 I Cor. IX, 8. — 5 Luc, XIX,  8. — 6  Marc, XII, 42. — 7 Ps. LXX, 1-14.

 

des demeures splendides, sous des lambris dorés, au milieu des adulations des hommes, mais qui redoutent la mort éternelle. « Car sa justice subsistera dans les siècles des siècles; » et c'est là sa gloire, ce sont là ses richesses. Tandis que la pourpre du riche, son fin lin, ses repas splendides, tout ce qui est aujourd'hui à son service, passe néanmoins; et quand la fin sera venue, sa langue brûlante demandera à grands cris qu'un doigt trempé dans l'eau en laisse tomber une goutte sur elle (1). »

Voilà ce que je me rappelle avoir dit en expliquant ce psaume (2), et c'est, ce me semble, une réponse suffisante à votre quatrième question. Quant à la cinquième, j'ai promis de la traiter après toutes les autres.

 

VI. —  Samuel a-t-il réellement été évoqué de l'enfer par la pythonisse?

 

1. Votre sixième question est celle-ci : « Est-ce bien le prophète Samuël que la pythonisse a évoqué du tombeau, « selon le récit du livre des rois (3)? »

2. Simplicien d'heureuse mémoire, évêque de Milan, m'a un jour proposé la même question. Voici ce que je lui répondis : « Vous demandez si l'esprit impur qui était dans la pythonisse a pu faire que Samuël apparut à Saül et s'entretînt avec lui (4). Mais il est bien plus étonnant que Satan, le prince des esprits immondes, ait pu parler à Dieu, et lui demander permission de tenter Job, le plus juste des hommes (5), comme il a demandé aussi à cribler les apôtres (6). Or, là n'est pas la difficulté : car la vérité, présente partout, peut parler par l'intermédiaire de quelle créature elle veut, et à quelle créature il lui plaît, et cela ne suppose pas grand mérite en celui à qui Dieu parle: ce qu'il dit offre seul de l'intérêt. Il est bien des innocents à qui l'empereur ne parle pas, quoiqu'il veille sur leur vie avec le plus grand soin, tandis qu'il parle à beaucoup de coupables dont il ordonne l'exécution. S'il n'y a point là de difficulté, il n'y en a pas davantage à ce qu'un esprit immonde ait pu s'entretenir avec l'âme d'un saint homme, car Dieu créateur et sanctificateur est bien au-dessus de tous les saints.

Si maintenant on s'étonne fille le malin esprit ait eu la permission d'évoquer l'âme d'un saint titi mystérieux séjour des morts, ne doit-on pas s'étonner davantage que Salan ait transporté le Seigneur lui-même et l'ait placé sur le faite du

 

1 Luc, XVI,19-24. —  2 V, Explic. du Ps. III, n. 2, 3. — 3 I Rois XXVIII, VII, 19. —  4 I Rois  XXVIII, 7-19. — 5 Job. I , 11. — 6 Luc, XXII, 31.

 

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temple (1) ? De quelque manière que ceci se soit fait, l'évocation de Samuël est également mystérieuse. Dira-t-on que Satan a obtenu plus facilement la permission de saisir le Seigneur vivant et de le placer où il lui a plu, que de faire sortir l'âme de Samuël, après sa mort, du lieu où elle était? Mais si nous ne sommes pas troublés de ce passage de l'Evangile, parce que le Seigneur a voulu et permis ce fait sans rien perdre de sa puissance ni de sa majesté, comme il s'est laissé saisir, garrotter, tourner en dérision, crucifier et mettre à mort par les Juifs eux-mêmes, quoique pervers, impurs et faisant les oeuvres du démon; il n'est pas déraisonnable de croire qu'en vertu de quelque secrète disposition de la volonté divine, et non par force ni pour obéir à l'ordre irrésistible d'une puissance magique, ruais secrètement et pour se conformer au dessein de la Providence, qui restait caché pour la pythonisse et pour Saül; l'âme du saint prophète ait consenti à se montrer aux yeux du prince pour lui signifier l'arrêt de Dieu. Pourquoi en effet l'âme d'un juste, évoquée par des méchants du séjour des morts, perdrait-elle sa dignité, quand les hommes de bien, même pendant leur vie, se rendent souvent près des méchants à leur appel, remplissent près d'eux les devoirs de la justice, traitent les maladies de leur âme, selon l’usage ou le besoin du moment, et cela, sans rien perdre de l'éclat de leur vertu ?

3. « Il y aurait du reste, une solution plus facile, une explication plus simple de ce fait : ce serait de dire que l'esprit évoqué n'était point réellement celui de Samuël, mais un fantôme, une figure imaginaire formée par le démon et que l'Ecriture appelle Samuël, parce qu'on donne ordinairement aux images le nom des êtres qu'elles représentent. C'est ainsi qu'on applique le nom de l'oh';et représenté aux tableaux, aux statues de métal, de bois, ou de toute autre matière propre à la sculpture; aux êtres mêmes imaginaires qui apparaissent dans les songes, et à peu près à tout ce qui est image. Qui hésite en effet à donner le nom d'homme au portrait d'un homme? Dès que nous voyons une figure représentée par le pinceau, nous titi appliquons immédiatement un nom propre; ainsi en présence d'un tableau ou d'une galerie de portraits, nous disons : Voilà Cicéron, voici Salluste, Achille, Hector, voilà le fleuve Simoïs, voilà Rome, quand, en réalité, il n'y a que des images peintes. Les

 

1 Matt. IV, 5.

 

Chérubins sont des puissances célestes; cependant les statues de métal placées par ordre de Dieu et pour des vues profondes sur l'Arche du Testament, ne portent pas d'autre nom que celui des Chérubins (1). De même celui qui a un songe ne dit pas: J'ai vu l'image d'Augustin ou de Simplicien, mais : J'ai vu Augustin ou Simplicien, bien que dans le moment nous ignorions ce qu'il voyait : tant il est évident que ce qu'il a vit ce ne sont pas les personnes mêmes, mais leurs images. Pharaon dit qu'il a vu en songe des épis et des vaches (2), et non des images d'épis ou de vaches. Si donc il est constant que nous donnons aux images le nom des objets qu'elles représentent, il n'y a rien d'étonnant à ce que l'Ecriture appelle Samuël ce qui a pu être qu'une image de Samuël façonnée par celui qui se transforme lui-même en ange de lumière et ses ministres en ministres de justice (3).

4. « Maintenant si l'on s'étonne que le malin esprit ait prédit la vérité à Saül, on pourra aussi s'étonner que les dénions aient reconnu le Christ (4) que les Juifs ne reconnaissaient pas. Quand Dieu vent manifester la vérité à quelqu'un en ce qui recarde seulement les choses temporelles et relatives à notre humanité, et qu'il emploie pour cela des esprits de rang inférieur et réprouvés, on petit facilement et sans inconvenance admettre qu'étant juste et tout-puissant et voulant punir ceux à qui ces prédictions s'adressent, en leur faisant subir par avance le châtiment qui les menace, il accorde à de tels esprits par une secrète opération de sa Providence, la faculté de prévoir jusqu'à un certain point, afin qu'ils annoncent aux hommes ce qu'ils ont appris des anges. Or ils n'apprennent que dans la mesure où le permet Dieu, le maître et le régulateur suprême. C'est ainsi que dans les Actes des Apôtres un esprit de python rend témoignage à l’Apôtre saint Paul et travaille à évangéliser (5).

« Cependant le mensonge se mêle à leurs paroles, et c'est moins pour éclairer que pour tromper qu'ils prédisent. C'est sans doute ainsi qu'on s'explique que l'ombre de Samuël en prédisant à Saül qu'il mourrait, ajouta : « Tu seras avec moi : » ce qui était faux. Car nous lisons dans l'Evangile qu'une grande distance sépare les bons des méchants après la mort, puisque le Sauveur atteste qu'il y a un vaste abîme entre le riche orgueilleux subissant déjà le supplice de l'enfer, et le pauvre couvert d'ulcères qui languissait

 

1 Ex. XXV, 18. —2 Gen. XLI, 17-28. — 3 II Cor. XI, 14, 15 . — 4 Mat. VIII, 20. — 5 Act. XVI 17.

 

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guères à sa porte (1). Cependant si ces paroles de Samuël à Saül : « Tu seras avec moi, » indiquent non une égalité de bonheur, mais l'égalité dans la mort, puisque tous les deux, en tant qu'hommes, ont pu mourir, et qu'elles n'aient été qu'une prédiction de mort faite à un homme vivant votre prudence comprend, ce me semble, que des expressions 'peuvent s'interpréter de deux manières qui n'ont rien de contraire à la foi.

« Peut-être, du reste, un examen plus approfondi et plus scrupuleux que rie me le permettent mes forces et mon temps, éclaircirait -il cette autre question, à savoir : si l'âme humaine, une fois hors de cette vie, peut ou ne peut pas être évoquée par des incantations magiques et apparaître aux regards avec des formes corporelles, de manière à être, non-seulement visible, mais reconnaissable; et dans le cas où cela serait possible, si l'âme d'un juste ne pourrait aussi se faire voir, non forcément et en vertu de ta magie, mais par obéissance à l'ordre mystérieux du  souverain législateur. Dans le cas; où cela serait reconnu impossible, on n'admettrait plus les deux explications de ce passage, mais on en rejetterait une et l'on considérait l'apparition de Samüel comme celle d'un fantôme fabriqué par Satan. Mais, dans l'une et l'autre hypothèse, comme la ruse de Satan et son habileté à créer des figures imaginaires prennent tontes les formes pour tromper les sens humains, procédons avec lenteur et sans préjudice de rechercher plus approfondies tant qu'il ne nous sera pas donné de trouver une explication plus satisfaisante,  pensons qu'il y a eu ici quelque opération diabolique, par l'intermédiaire de celle méchante phythonisse (2).

5. Voilà ce que j'écrivais alors sur la pythonisse et sur Samuël. Mais mes propres recherches m'ont démontré dans la suite combien ;j'avais raison de dire que t'était sans préjudice d'une étude plus approfondie que nous devions considérer l'image de Samüel comme un fantôme créé par l'art malfaisant de la pythonisse. En effet j'ai trouvé, dans le titre de l'Ecclésiastique, à l'endroit où les Patriarches sont loués les uns après les autres, cet éloge fait de  Samuël : qu'il a prophétisé même après sa mort (3). Si on rejette le témoignage de ce livre, pace qu'il n'est point dans le canon des Hébreux, que dirons-nous de Moïse qui étant mort certainement, d'après le Deutéronome (4), a néanmoins, d'après l'Evangile, apparu aux yeux

 

1 Luc, XVI, 26. — 2 Questions de Simplicien liv. II question 3. — Eccl. XLVI, 23. — 4 Deut. XXXIV, 5.

 

des vivants avec Elie qui n'est. pas mort (1)? 

 

VII. - Comment Sara n'a été déshonorée ni par Abimélech ni par Pharaon.

 

1. Voici votre septième question : « Comment faut-il répondre  à ceux q ai prétendent que Sara n'a pas échappé au déshonneur, puisqu'il est écrit qu'Abimélech fut détourné en songe d'avoir aucun commerce avec elle (2) et que Pharaon s'unit à elle charnellement (3) ? »

2. Je ne vois pas pourquoi on dit que Pharaon s'unit charnellement à Sara, puisque le texte ne nous oblige pas à le croire. Ce prince la prit pour femme, il est vrai, et, à cause d'elle, les Egyptiens comblèrent Abraham de présents ; mais l'Ecriture ne dit pas que Pharaon ait eu commerce avec elle; car Dieu l'en détourna en le frappant de plaies nombreuses et cruelles. Les femmes que les rois agréaient pour épouses n'entraient pas immédiatement en commerce avec eux ; mais comme nous le voyons dans 1e livre qui porte le nom de Livre d'Esther, elles usaient de parfums, d'essences, d'aromates, pendant quelques mois, et même pendant un an, avant de monter dans la couche royale (4). Or c'est pendant ce temps là que s'est passé ce que raconte l'Ecriture, jusqu'à ce que Pharaon repentant et effrayé rendît l'épouse à son mari.

Mais comme Abimélech fut détourné en songe d'avoir commerce avec elle, nos contradicteurs prétendent que le sommeil et le songe ne vinrent qu'après gale le fait avait eu lieu. Or, pour ne pas parler de l'intervalle de temps pendant lequel, avons-nous dit, les femmes se préparaient à plaire aux rois, Dieu n'avait-il pu. avant tout, plonger Pharaon dans le sommeil et l'avertir en songe

3. Voici un fait qui s'est passé ,dans la Mauritanie de Sétif : car le dieu des Patriarches ne laisse pas d'être aussi notre Dieu Un jeune catéchumène, nommé Cettichius, avait enlevé, pour l'épouser; une veuve qui avait résolu de vivre dans la continence. Avant qu'ils eussent agi maritalement, le jeune homme surpris. par le sommeil et épouvanté par un songe, la ramena intacte à l'évêque de Sétif, qui, l'avait, énergiquement réclamée. Ils vivent encore tous les deux.convertis par le prodige qui s'était opéré en lui, le catéchumène fut baptisé, il est, même parvenu à l'épiscopat par une vie honorable ; la veuve a persévéré dans son pieux dessein.

4.: J'ajoute ici ce que j'ai répondu au manichéen Fauste, qui accusait Abraham d'avoir

 

1 Matt. XVII, 3. — 2 Gen.  XX. —  3 Ib. XII. — 4 Esth. II, 12.

 

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livré sa femme à la passion de deux rois: « Accuser d'une infâme trafic le juste et fidèle Abraham ; prétendre que, par avarice et par gourmandise, il a livré à deux reprises différentes, sa femme, qui était très-belle, à Abimélech et à Pharaon pour qu'ils en abusassent, après leur avait dit frauduleusement qu'elle était sa soeur; affirmer cela; ce n'est pas distinguer, en homme véridique, ce qui est honnête de ce qui est criminel, mais c'est tout noircir avec une intention perfide. Sans doute cette démarche d'Abraham a l'apparence d'un coupable trafic, mais seulement pour ceux qui me sauraient, à la lumière de la loi éternelle; discerner le bien du mal ; pour           ceux aux yeux  de qui la fermeté peut passer pour de l'opiniâtreté, la confiance pour de l'audace, ou qui formulent d'autres accusations de ce genre, faute de discernement. Abraham ne consentit t pont à ce que son épouse fût souillée, il ne spécula point sur son adultère ; mais comme elle-même lui avait offert spontanément sa servante Agar,

on pour qu'il satisfit une coupable passion, mais pour qu'il eût des enfants, et, cela, sans troubler l'ordre naturel, puisqu'elle commandait plutôt à son époux qu'elle ne cédait ;son désir ; ainsi, à sou tour, ne doutant nullement de la chasteté de sou épouse et de la pureté de son attachement pour lui, convaincu que la vertu habitait dans son coeur, il dissimula la qualité d'épouse, et déclara qu'elle était sa soeur, de peur d'être tué, de peur qu'ensuite sa femme, ne tombât captive, au pouvoir d'impies étrangers :assuré d'ailleurs que Dieu ne :permettrait pas quelle éprouvât aucun traitement coupable ou honteux. Et sa foi, et sa confiance ne furent pas trompées. Pharaon épouvanté Par des prodiges, frappé de divers fléaux à cause d'elle, apprit :par révélation d'en haut qu'elle était mariée et la rendit, pure et honorée, :à son époux;; et Abimélech, instruit et prévenu aussi par un songe, en fit autant (1). »

 

VIII. - L'Esprit de Dieu qui reposait sur les eaux, est-il le Saint-Esprit?

 

1. En dernier lieu, vous me demandez des explications sur l'Esprit de Dieu qui; reposait sur les eaux. « Quelques-uns,. dites-vous, affirment que c'était l'Esprit

Saint ; d'autres prétendent que c'était l'esprit du monde, parla raison que l'historien n'a pu placer le Créateur parmi les créatures, ni assigner

 

1 Contre Fauste. l. XXII, ch. 33.

 

un lieu à Celui :qui est tout entier partout avec le Père et le Fils. »

2. Je vais transcrire l'opinion que j'ai exprimée là dessus, dans le  premier des douze livres où j'ai commenté, autant que j'ai pu, la Genèse, non d'après le sens allégorique, mais selon le sens littéral. « Dieu, disais-je, possède une bienveillance souveraine, sainte et juste, :et. un certain amour pour ses ouvrages, qui provient, .non du besoin, mais, de sa bienfaisance. Aussi avant d'écrire : « Dieu dit que la lumière soit, » l'écrivain sacré dit d'abord: « Et l'Esprit de Dieu reposait sur les eaux. » soit que sous le nom d'eau on désigne ici toute la création matérielle, comme pour indiquer l'élément dont ont été formés fous les êtres que nous pouvons déjà distinguer dans leurs espèces, puisqu'en effet nous voyons que tout sur la terre naît et se développe sous toutes les formes dans un milieu liquide; soit qu'on applique ce mot aux fluctuations de la  vie intellectuelle, avant qu'elle se fût attachée à sa fin : il est certain, que cet Esprit qui repose ,est l'Esprit de Dieu, car les éléments que Dieu avait créés au début pour en faire des oeuvres parfaites, étaient soumis à la bonne volonté du Créateur ; et quand Dieu disait par son Verbe : « Que  la lumière soit, » tous. des êtres devaient être maintenus, chacun selon son mode d'existence, dans sa faveur et ses généreux :desseins, et se trouver bons précisément pour avoir plu à Dieu, suivant les termes de l'Ecriture : « Et la lumière était bonne. »

«Donc au début même de la création, désignée sous le nom de ciel et de terre, parce que le ciel et la terre devaient, en sortir, se trouve rappelée l'idée de la Trinité dans, le Créateur. En effet quand l'Ecriture dit : « Dans le principe, Dieu créa le ciel et la terre, »; par Dieu nous entendons le Père par principe, le Fils, qui est vraiment le principe, non de non Père, mais de la créature, formée par lui, surtout de la. créature spirituelle, et conséquemment de toute la création : puis quand l'Ecriture ajoute : « L'Esprit de Dieu reposait sur les eaux, ». nous retrouvons, là, le. complément de la Trinité. Ainsi dans la transformation et l'achèvement de la création, c'est-à-dire lors de la division des espèces, cette même Trinité se représente encore : à savoir le Verbe de Dieu, et celui qui l'a engendré, dans ces mets : « Dieu dit ; » 'puis la Bonté :sainte, par laquelle tout ce qui est parfait dans son espèce plaît à Dieu : « Dieu vit que cela était bon »

 

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3. « Mais pourquoi la créature, quoique imparfaite, est-elle mentionnée avant l'Esprit de Dieu , puisqu'on lit d'abord : « la terre était infirme et sans ordre, et les ténèbres couvraient la face de l'abîme, » puis ensuite : « Et Esprit de Dieu reposait sur les eaux (1) » Comme l'amour qui naît de la privation et du besoin s'attache avec tant de force à son objet qu'il lu;est entièrement soumis, n'aurait-on pas dit du Saint-Esprit, expression de la bienveillance et de l'amour de Dieu, qu'il était porté sur les eaux, pour montrer que si Dieu aima ses oeuvres futures, ce n'était ni par nécessité ni par besoin ; ruais plutôt par un excès de bienveillance ? L'Apôtre a cette idée en vue quand, sur le point de parler de la charité, il annoncer qu'il va montrer une voie plus élevée (2), et ailleurs quand il dit : « La charité du Christ qui surpasse toute science (3). » Avant donc de rappeler l'intervention de l'Esprit de Dieu et de dire qu'il reposait sur la création, il était convenable de parler d'abord de l'oeuvre ébauchée sur laquelle il était porté et qu'il dominait, non comme d'un lieu plus élevé, mais par l'effet de sa puissance souveraine et supérieure à tout (4). »

 

V. — Comment David était-il élu selon le coeur de Dieu?

 

l. Prêtez maintenant un moment d'attention à la question que j'ai remis à traiter en dernier lieu. Vous demandez : « Pourquoi le Seigneur, qui prévoit l'avenir, a-t-il dit: J'ai choisi David selon mon coeur (5), — puisque ce prince s'est rendu coupable de si grands crimes?»

2. Si nous devons entendre ces paroles de David, même, qui régna sur Israël après la réprobation et la mort de Saül, il faut dire qu'elles s'expliquent précisément par la prescience de Dieu car le Seigneur prévoyait en lui une telle piété, une pénitence si sincère, qu'il se trouvait du nombre de ceux dont il a dit lui-même : « Heureux ceux à qui leurs iniquités sont pardonnées et dont les péchés ont été couverts. Heureux l'homme à qui Dieu n'a point imputé son péché (6). » Pourquoi donc, prévoyant qu'il pêcherait et qu'il expierait ensuite sa faute par une pieuse humilité et un sincère repentir, Dieu n'aurait-il pas pu dire : « J'ai trouvé David selon mon coeur, » puisqu'il ne devait point lui imputer son péché, à raison de ses bonnes oeuvres multipliées, de la piété qui anima sa vie et qui lui fit offrir le sacrifice d'un cour contrit en expiation de ses fautes ? C'est pour cela que Dieu a pu dire

 

1 Jean I, 1-4. — 2 I Cor. XII, 31. — 3 Eph. III, 19. — 4 V. Genèse au sens littéral, t. IV, l. I, ch, XXVII, n. 11-13. — 5 IV Rois, VIII, 16. — 6 Ps. XXXI, 1, 2.

 

avec une parfaite vérité : « J'ai trouvé David selon mon coeur. » Car bien qu'il ne fût pas selon le coeur de Dieu en péchant, il y fut du moins en lavant ses fautes par une pénitence proportionnée. Il n'y eût donc rien en lui qui ne fût selon le coeur de Dieu, sauf ce que Dieu ne lui imputa pas. Or, à part cela, puisque ses fautes ne lui furent pas imputées, que restait-il en lui qui ne justifiât ces paroles : « J'ai trouvé David selon mon coeur ? »

3. Mais si nous voulons voir ici une prophétie relative au Christ, il n'y aura à résoudre aucune difficulté. Seulement on nous demandera peut-être comment on a pu donner au Christ le nom de David. Nous répondons que c'est à cause de la race de David, dont le Christ est né selon la chair. Nous avons d'ailleurs des exemples à l'appui de cette explication. Le prophète Ezéchias donne évidemment au Christ le nom de David, quand il met ce langage dans lit bouche du père Et je susciterai sur mors troupeau le Pasteur unique pour les paître, David mon serviteur ; « lui-même aura soin de les paître, et il sera pour elles un pasteur; mais moi, le Seigneur, « je serai leur Dieu, et mon serviteur David prince au milieu d'eux ; moi, le Seigneur, j'ai parlé. » Et ailleurs : « Et un seul roi commandera à tous, et désormais il n'y aura plus deux nations, et ils ne seront plus divisés en deux royaumes ; ils ne se souilleront plus à l'avenir avec leurs idoles, avec leurs abominations et toutes leurs iniquités ; je les retirerai de tous les lieux où ils avaient péché, et je les purifierai. Et ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu ; et mon serviteur David sera leur roi, et ils n'auront tous qu'un seul pasteur (1). » Le prophète Osée, en prédisant aux Juifs leur état actuel et en leur annonçant qu'ils croiront un jour au Christ, donne également au Christ le nom de David : « Parce que les enfants d'Israël seront pendant de longs jours, sans roi, sans prince, sans sacrifice, sans autel, sans sacerdoce, sans révélation. » Telle est actuellement, personne ne le conteste, la situation des Juifs. Comme autrefois, dit l'Apôtre saint Paul en parlant aux Gentils, vous-même n'avez pas cru à Dieu et que maintenant vous avez obtenu miséricorde à cause de leur incrédulité ; ainsi eux maintenant n'ont pas cru, pour que miséricorde vous fût faite, et qu'à leur tour ils obtiennent

 

1 Ex. XXXIV, 23, 24; XXXVII, 22-24.

 

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miséricorde. » C'est ce que le même prophète avait aussi proclamé d'avance, en ajoutant : « Et après, les enfants d'Israël reviendront et ils chercheront le Seigneur leur Dieu et David leur roi, et ils éprouveront une sainte horreur devant le Seigneur, à la vue des biens réservés aux derniers jours (1). » C'est encore le Christ qui est annoncé ici sous le nom de David : car au temps où ces prophéties avaient lieu, David, le roi d'Israël, était mort depuis bien des années, et le Seigneur Jésus devait naître de sa race selon la chair ; c'est pourquoi il est appelé David dans le langage prophétique.

L'apôtre saint Paul semble, il est vrai, rappeler ce témoignage dans les Actes des Apôtres de manière à ne l'entendre que du roi David, successeur de Saül. Car il dit, entre autres choses : «  Et alors ils demandèrent un roi, et Dieu leur donna Saül fils de Cis, de la tribu de Benjamin, pendant quarante ans. Puis le leur ayant ôté, il leur suscita pour roi David, à qui il rendit ce témoignage : J'ai trouvé David fils de Jessé, « homme selon mon coeur qui fera toutes mes volontés. » Mais comme il ajoute : « C'est de sa postérité que Dieu, selon sa promesse, suscité à Israël le Sauveur Jésus (2) : » il fait voir, par une raison plus profonde, que ce texte doit

 

1 Osée, III, 4, 6. —  2 Act. XIII, 21-23.

 

s'appliquer an Seigneur Jésus, qui a réellement accompli toutes les volontés de Dieu le Père, plutôt qu'au roi David. Sans doute, comme nous l'avons expliqué plus haut, on peut dire avec raison de ce prince qu'il fut trouvé selon le coeur de Dieu, puisque ses péchés lui furent remis, et non imputés à cause de son pieux repentir; mais comment a-t-il fait toutes les volontés de Dieu? Au milieu des plus grands éloges et tout en racontant l'histoire de son règne et ses belles actions, l'Ecriture fait cependant remarquer qu'il ne détruisit point les hauts lieux, où le peuple de Dieu sacrifiait contre la défense de Dieu lui-même, qui ne voulait point qu'on offrit des victimes hors du tabernacle du témoignage, bien que d'ailleurs ce tôt aussi à lui qu'on offrit des sacrifices sur les hauts lieux. Ce fut un roi de la race de David, Ezéchias, qui les détruisit plus tard, à la grande gloire de son nom (1).

4. J'ai répondu, autant que j'ai pu, à vos questions. Si vous avez trouvé, ou si vous découvrez jamais, quelque chose de mieux sur ces divers sujets, nous vous serons très-reconnaissant de nous en taire part. Car, comme je vous l'ai dit plus haut, j'aime mieux m'instruire qu'enseigner les autres.

 

1 IV Rois, XVIII, 4.

 

Traduction due à M. l'abbé DEVOILLE

 

 

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