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HOMÉLIES SUR SAINTE PÉLAGIE.DEUXIÈME HOMÉLIE.
Pélagie, cette vierge sainte, mériterait un plus grand nombre de spectateurs , car ses combats furent grands, et demandent des spectateurs à flots plus abondants. Cependant il lui suffit du Christ, dont la présence est le seul ornement du discours et de la fête que nous lui décernons; et, en effet, où est le Christ, là se trouve en même temps tout le chaeur des anges. Il est vrai aussi de dire que tous les martyrs ont montré des membres plus puissants que les tortures, et, par là, se sont conquis, pour les opposer au démon, un grand nombre de spectateurs; on les a vus, avec un corps, surpasser les esprits sans corps, et montrer l'énergie de leur chair en lutte avec le fer des bourreaux. Mais quand nous voyons jusqu'à des jeunes filles impatientes de mourir pour le Christ crucifié, alors je trouve encore plus ridicule l'irréflexion du démon : il sut inventer les moyens de répandre en foule ses oracles de tous côtés; il s'est donné comme annonçant l'avenir par avance, et il n'a pas prévu, il a oublié de prophétiser toute l'étendue de la confusion et du ridicule qu'il encourrait aujourd'hui. Essayez de comprendre quelque sujet de dérision plus burlesque que ce qui est arrivé aujourd'hui au démon ! Il avait la vierge prise dans ses filets, et il perd sa proie ; il tenait la jeune fille, il n'a pas pu la garder; on eût dit que c'était une ombre, non une vierge qu'il avait saisie. C'est qu'elle unissait, à la simplicité de la colombe, la prudence du serpent; la simple colombe s'est laissée prendre , mais le serpent, plein de prudence, a échappé; quoiqu'elle se vît prise, elle ne désespéra pas de la victoire; elle ne laissa surprendre ni son coeur ni sa pensée, quoique sa personne fût captive; elle imagina un expédient, une sage combinaison, pour déjouer l'esprit inconsidéré des soldats, et les frapper pour ainsi dire de stupidité. Quelle fut cette combinaison? La jeune fille fit semblant d'avoir changé d'avis; et, pour qu'on se fiât à son air, malgré la tempête qui grondait sur elle, malgré le naufrage qui l'entourait de si grands périls, elle montrait un visage calme et gai. Les soldats, dupes de cette ruse, trompés par la sérénité de la jeune fille, commencèrent à lui témoigner quelques égards. Elle leur avait demandé de lui permettre de se retirer tout le temps qui lui serait nécessaire pour revêtir le costume d'une nouvelle épouse; les soldats la laissèrent libre de s'éloigner. Non-seulement ils voulaient lui être agréable, mais ils se promettaient aussi les compliments du juge, à qui ils auraient amené une jeune fille ornée et parée. Celle-ci, maîtresse de ce qu'elle désirait, se hâta de revêtir ce qui est la vraie beauté, c'est-à-dire la force d'âme, la riche et ferme espérance de la résurrection ;. et aussitôt elle monta en courant sur le toit de sa maison, et de là se précipita. Elle accomplit résolument cette gymnastique hardie que le démon ne craignit pas autrefois de proposer au Seigneur lui-même : Si vous êtes le Fils de Dieu, précipitez-vous. (Matth. IV, 6.) de ne puis considérer la foi, la grandeur d'âme de cette jeune fille sans être stupéfait. Que n'aurait pas (503) pensé en ce moment une autre jeune fille? Elle aurait certes dit : de me précipite, puisque j'y suis forcée par la crainte du déshonneur. La pensée est louable, pourvu que la chute détermine la mort; les ennemis auront beau s'acharner sur mon corps privé de vie, je ne sentirai rien, je n'aurai pas conscience de ce qu'ils feront. Maintenant, si je me brise les membres sur la terre, mais sans mourir, déformée, tourmentée par la douleur, je n'en serai pas moins conduite devant le juge; et alors je souffrirai ce que j'ai toujours craint; ils exerceront leur infâme brutalité sur mon corps meurtri, ils me dépouilleront de l'honneur que je veux garder pur, et ainsi je subirai un double malheur: mes membres fracassés, ma virginité perdue. C'était assez de pareilles réflexions pour bouleverser toute autre jeune fille. Mais Pélagie avait confiance; elle sentait sans doute qu'il y avait quelqu'un qui lui garantissait l'événement; et voilà pourquoi elle montra un courage si prompt à se précipiter. Ainsi une jeune fille, une vierge, t'a vaincu par son énergie, par son courage, ô démon ! Le défi que tu as jadis proposé au Seigneur, une jeune fille, sa servante, l'a retourné contre toi-même, et, courant sur le faîte du toit, de là, elle s'est élancée; le juge l'a appelée; c'est toi qui a suggéré tout cela; elle ne t'a pas obéi, elle n'a pas accepté un combat plein de ruses ; elle connaissait bien la malice de tes pensées; c'est ton habitude d'appeler les vierges devant les juges, comme pour les faire battre de verges, et bientôt, sans combat, de précipiter dans les abîmes, bien plus tristement captives, celles qui n'ont pas craint le combat. Si tu n'as pas d'arrière-pensée, quand tu appelles une jeune fille au combat, dans le stade, mesure-toi désormais avec elle; quand elle se jette du haut d'un toit, soutiens-la dans sa chute; ose donc l'affronter; ne recule pas devant les luttes de ce genre. Donne l'essor que tu voudras à ton astuce. Tu as la terre pour champ de bataille; pousse désormais vivement les glaives, pour donner la mort; prépare, pour tuer les hommes , les durs instruments de meurtre; apprête-toi à briser la jeune fille qui tombe. Tous tes artifices, si retors, si profonds qu'ils soient, se sont trouvés sans aucune puissance; la vierge les a vaincus; et, ce qui est plus remarquable, elle n'a pas réclamé de Dieu ce qui est écrit : Commandez à vos anges, Seigneur, que je ne heurte pas mon corps contre la pierre (Luc, IV, 10, 11) ; mais ce qu'elle lui demanda, c'est de prescrire à son âme, aussitôt après sa chute, de quitter son corps. O jeune fille, femme par ton sexe, mais d'un courage digne de l'homme l ô vierge, qui mérites d'être célébrée à double titre, et parce que tu fais partie de la troupe des vierges, et parce que tu as été inscrite au nombre des martyrs ! ô jeune fille, chaste jusqu'à ne pas permettre aux regards libertins d'un juge de jouir de ton aspect ! Imitons donc, nous aussi, sa modestie, sa continence, et dressons des trophées de nos victoires sur les voluptés; réprimons la fougue de nos désirs déréglés, effrénés; animons-nous à la piété, fortifions-nous dans la ferveur; délivrons, même nos juges, des tentations, et, quand il le faut, remplaçons l'humilité par de l'audace; enfin, sur cette terre, mortifions nos membres, afin que le Seigneur, s'emparant de notre corps humilié, l'exalte, le rende digne de la communication de son propre corps et de sa forme divine; à lui la gloire, à lui la domination, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Traduit par M. PORTELETTE.
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