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DEUXIÈME SERMON POUR LE JOUR DE L'ÉPIPHANIE DE NOTRE-SEIGNEUR. Sur les Mages, à l'occasion de ce passage du Cantique des cantiques « Sortez de vos demeures, filles de Sion, et voyez le roi Salomon (Cant. III, 10). »
1. Nous lisons que le Seigneur s'est manifesté trois fois le même jour, sinon à la même époque. La seconde et la troisième fois il le fit d'une manière admirable, mais sa première manifestation est la plus admirable de toutes. Je trouve admirable le changement de l'eau en vin, admirable encore le témoignage de Jean, de la colombe et du Père; mais ce qui m'inspire plus d'admiration encore, c'est qu'il fut reconnu par les Mages. Or, ils l'ont reconnu, la preuve en est qu'ils ladorèrent et lui offrirent de lencens. Non-seulement ils reconnurent en lui un Dieu, mais aussi un roi, comme le prouve for qu'ils lui présentèrent. Toutes ces offrandes cachent pour eux un grand mystère de charité, aussi lui offrent-ils de la myrrhe pour indiquer sa mort. Les Mages adorent donc un enfant à la mamelle et lui offrent des présents. Mais, ô Mages, où donc voyez-vous la pourpre royale autour de cet enfant ? Est-ce dans ces pauvres langes dont il est enveloppé ? Si cet enfant est roi, où donc est son diadème? Pour vous, vous le voyez effectivement avec le diadème dont sa mère l'a couronné, je veux parler de cette- enveloppe mortelle dont il dit lui-même en ressuscitant : « Vous avez déchiré le sac dont j'étais vêtu, et vous m'avez environné de joie (Psal. XXIX, 12). » Sortez donc de vos demeures, filles de Jérusalem, et venez voir le roi Salomon qui parait avec le diadème dont sa mère l'a couronné, etc. (Cant. III, 10). » Oui sortez, vertus angéliques, habitants de la Jérusalem céleste, voici votre roi, mais paré de notre couronne, du diadème dont sa mère lui a ceint le front. Mais vous avez jusqu'à ce jour ignoré ces délices, jusqu'à ce jour vous n'avez point goûté ce bonheur. Vous connaissez bien sa grandeur, vous avez maintenant son abaissement sous les yeux; sortez donc de vos demeures et venez voir votre roi Salomon qui paraît avec, le diadème .dont sa mère l'a couronné. 2. Mais il n'est pas nécessaire que nous les y invitions , ils ressentent eux-mêmes le désir de le contempler. Car plus sa grandeur leur est connue, plus son abaissement leur semble aimable et précieux; voilà pourquoi, bien que nous ayons encore plus de sujets qu'eux de nous réjouir,puisque c'est pour nous qu'il est né, et à nous qu'il est donné, ce sont eux cependant nous préviennent et nous exhortent à le voir. J'en vois la preuve dans le fait de l'ange qui annonce la bonne et grande nouvelle aux bergers, et dans les chants de l'armée céleste qui était avec lui (Luc. III, 16). C'est: donc à vous, âmes mondaines, que je m'adresse quand je dis filles de Sion; 'est,à vous qui êtes des filles délicates et faibles plutôt que des fils, car la force vous manque et vous n'avez rien de viril en vous, que je dis : « Sortez de votre demeure, filles de Sion. » Sortez de vos sentiments charnels pour vous élever vers l'intelligence de lesprit, de la servitude, de la concupiscence de la chair, pour rester dans la liberté de l'intelligence de l'esprit. Sortez de votre pays, de votre parenté et de la demeure de votre père « et venez voir votre roi Salomon. »D'ailleurs il ne serait pas sûr pour vous de voir en lui l'Ecclésiaste, car qui dit Salomon, dit pacifique. Or il est Salomon dans l'exil (a); mais qui dit Ecclésiaste dit harangueur de la foule, or il le sera au jugement dernier; qui dit Idite, dit ami du Seigneur, il ne le sera que dans son royaume. Dans l'exil il est doux et aimable; au jugement dernier il sera juste et terrible, et dans le royaume, il sera glorieux et admirable. Sortez donc de vos demeures, et venez voir votre roi Salomon,,car partout il porte sa royauté. Son royaume n'est pas de ce, monde, il est vrai, mais il n'en est pas moins roi dans ce monde. En effet, quand on lui dit : «Vous êtes donc roi? Je le suis, répondit-il, et c'est- pour cela que je suis né et que je suis venu dans le monde (Joan. XVIII, 37). » Maintenant donc il règle nos moeurs, au jugement dernier il discernera nos mérites, et dans son royaume il les récompensera. 3. Sortez donc de vos demeures, filles de Sion, et venez voir votre roi Salomon qui parait avec le diadème dont sa mère l'a couronné, le diadème de la pauvreté, la couronne de la misère. Car il a reçu de
a. Depuis cet endroit jusqu'à ta fin. du paragraphe, saint Bernard continue dans-les mêmes termes qu'il s'exprimera dans le cinquantième de ses sermons divers.
sa marâtre une couronne d'épines, une couronne de misère. Mais il en recevra une de justice de la main des siens, le jour où les anges iront arracher tous les scandales du milieu de son royaume, alors qu'il viendra pour juger avec les anciens de son peuple, et que l'univers entier se déclarera pour lui contre les insensés. Son Père le gratifie d'une couronne de gloire, selon ce mot du Psalmiste : « Vous lui avez donné une couronne de gloire et d'honneur (Psal. VIII, 6). » Venez donc le contempler, filles de Sion, sous le diadème dont l'a couronné sa mère. Prenez la couronne de votre roi devenu petit enfant pour vous, et, avec les Mages, adorez son abaissement; car leur foi et leur dévotion vous sont aujourd'hui proposées en exemple. A qui, en effet, comparerons-nous, à qui assimilerons-nous ces hommes aujourd'hui? Si je considère la foi du bon larron et la confession du centurion, il me semble que les Mages l'emportent sur tous les deux, attendu que pour ceux-ci déjà il avait fait bien des miracles, déjà il avait été annoncé par bien des bouches, déjà même il avait reçu les adorations de bien des gens. Remarquons néanmoins quel fut le langage de ces deux hommes. Le bon larron s'écriait du haut de la croix : « Seigneur, souvenez-vous de moi, lorsque vous serez arrivé dans votre royaume (Luc. XXII, 42). » Le supplice de la, croix serait-il la voie qui le conduit à son royaume? Qui donc t'a appris qu'il fallait que le Christ souffrit pour entrer dans sa gloire? Et toi, centurion, où as-tu appris à le connaître? L'Évangéliste nous dit que : « En voyant qu'il avait expiré en jetant ce grand cri, il s'écria : certainement cet homme était le Fils de Dieu (Marc, XV, 39). » Chose étrange et bien digne d'admiration! 4. Aussi vous dirai-je, voyez et remarquez quels yeux perçants, quels yeux de lynx a la foi. Elle voit le Fils de Dieu dans un enfant à la mamelle, elle le voit dans un homme attaché à la croix, enfin elle le voit dans un mourant En preuve, c'est que le centurion le reconnut sur la croix et les mages dans une étable: l'un le reconnaît malgré ses clous; les autres, malgré ses langes; celui-là reconnaît la Vie dans la mort, ceux-ci la vertu de Dieu dans le faible corps d'un nouveau-né; le premier, l'Esprit suprême dans un dernier soupir; les seconds, le Verbe de Dieu dans un muet enfant; car ce que l'un confesse par ses paroles, les autres le confessent par leurs présents. Le bon larron confesse le roi, et le centurion, le Fils de Dieu et de l'homme en même temps. Mais que signifient les trois présents des Mages? Leur encens ne montre-t-il point qu'ils reconnaissent en Jésus non moins un Dieu que le fils de Dieu? Aussi, mes frères bien-aimés, je demande à Dieu que l'immense charité que le Dieu de toute majesté nous a témoignée, vous profite, ainsi que le profond abaissement auquel il s'est soumis, et l'immense bonté que le Christ nous a montrée par son abaissement. Rendons grâce au Rédempteur, notre médiateur, qui nous a fait connaître l'extrême bonne volonté de Dieu le Père à notre égard; car nous savons si bien quelles sont ses dispositions à notre égard, que nous pouvons dire avec raison : « Nous courrons, mais non pas au hasard (I Cor. IX, 26). » Nous ne pouvons douter, en effet, que le coeur de Dieu le Père ne soit à notre égard dans les dispositions où nous l'a montré celui même qui est sorti de son coeur.
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