ÉPIPHANIE IV
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EPIPHANIE VI

SERMON UNIQUE POUR LE JOUR DE L'OCTAVE DE L'ÉPIPHANIE. Sur la circoncision, sur le baptême et sur ces paroles de Notre-Seigneur à saint Jean ; « C’est ainsi qu'il faut que nous accomplissions toute justice (Matt. III, 15).

 

1. Au peuple à la tête dure, il fallait le couteau de la circoncision, à son coeur de pierre il fallait le tranchant de la pierre (Josué V), comme on lit que Jesus Nave l'employa pour le circoncire. Mais notre Jésus, comme un agneau plein de douceur, fit disparaître ces usages cruels. Seigneur, vous ôtés un agneau qui vient avec le lait et la laine, éloignez de moi, je vous prie, le couteau, car il est bien dur et bien cruel de faire sentir le tranchant du couteau de pierre à l'enfant nouveau-né. C'est ce qu'il fit dans sa miséricorde, à la dureté qui pouvait convenir à des esclaves, a succédé la douceur qui convient à des enfants, et maintenant un peu d'eau, avec l'onction de la grâce, fait disparaître facilement la rouille du péché originel que le couteau pouvait à peine détacher autrefois. Certes, il ne faut point s'étonner que les choses aient changé avec le temps, et qu'à chaque époque aient été appliqués des usages qui leur convenaient. Mais Jésus-Christ se soumit aux uns et aux autres, afin de remplir l'office de la pierre angulaire qui réunit deux murailles, et pour renouer, comme en les cousant ensemble, les bouts de deux courroies, de même qu'il commença la véritable pâque en même temps qu'il accomplit la pâque figurée.

2. Il voulut encore être circoncis, afin de montrer qu'il était le maître de l'ancienne loi comme il l'est de l'Évangile. Car, si c'est lui qui a dit de sa propre bouche : «Si un homme ne renaît par lé baptême de l'eau et par la grâce du Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu (Joan. III, 5). » C'est lui aussi, qui a dit par la bouche de son serviteur: « Quiconque n'aura point été circoncis dans la chair, sera exterminé du milieu de mon peuple (Gen. XVII, 14). » S'il n'avait reçu que le baptême, on aurait pu croire qu'il avait évité la circoncision, parce qu'elle n'avait aucun rapport à lui; de même, s'il s'était fait circoncire sans recevoir le baptême, comment croirais-je que je dois dédaigner la circoncision pour le baptême? Or, il a reçu le baptême après avoir été circoncis et m'a appris ainsi à m'en tenir à ce qu'il reçut en dernier lieu.

3. Enfin, comment ce Dieu qui aime et recommande l'union, qui fait habiter ensemble ceux qui vivaient seuls sur la terre (Psal. LXVII, 7), aurait-il pu renoncer à l'union et scandaliser les hommes? Or, il aurait certainement, de son temps, scandalisé ceux qui l'auraient vu négliger de se faire circoncire, de même que l'Église se scandaliserait, de nos jours, de voir un enfant n'être point porté au baptême. D'ailleurs, il ne voulut pas seulement recommander le rapprochement et l'union, il se proposa aussi de nous donner un exemple d`Humilité, en se chargeant de l'appareil dont toute blessure exige l'application, bien qu'il ne fût pas blessé lui-même. Voilà pourquoi l'Apôtre a dit en parlant de lui « Dieu a envoyé son Fils, formé d'une femme et assujetti à la loi (Gal. IV, 4). »

4. Mais de peur qu'on ne dit peut-être, s'il fut circoncis, c'est parce que ses parents l'ont voulu, car il n'était alors qu'un tout petit enfant, il ne se présenta au baptême qu'à l'âge de trente ans, et vint à cet âge courber, sous la main de Jean-Baptiste, un front qui fait trembler les Puissances, et que les Principautés adorent. Qui ne tremblerait lui-même à cette seule pensée? O qu'elle paraîtra élevée au jugement dernier, cette tête qui s'incline ainsi en ce moment ! combien ce front, si humble à cette heure, paraîtra élevé et sublime alors ! « Laissez-moi faire pour cette heure, dit-il, car c'est ainsi qu'il faut que nous remplissions toute justice (Matt.III, 15). » Ainsi, celui qui n'est venu que dans la plénitude des temps, et en qui habite la plénitude de la divinité, ne sait qu'une chose, tout remplir. Il y a deux justices; l'une stricte et rigoureuse, telle, en un mot, qu'à peine aurez-vous tourné le dos, elle tombe dans la fosse du péché; elle consiste à ne point se préférer à ses égaux et à ne point s'égaler à ses supérieurs. On la définit, une vertu qui consiste à rendre à chacun ce qui lui appartient. Il y en a une autre plus grande et plus large qui consiste à ne point nous égaler à notre égal, en même temps que nous ne nous préférons point à notre inférieur. C'est le propre d'un orgueil aussi grave qu'excessif de se préférer à ses égaux ou de s'égaler à ses supérieurs, et celui d'une grande humilité,. de se mettre au-dessous de ses égaux et de s'égaler à ses inférieurs. Mais le comble de la justice est de se placer au dessous de ses inférieurs. De même que c'est le fait d'un souverain et intolérable orgueil de, se préférer à ses supérieurs, ainsi est-ce le comble et la plénitude de la justice de se mettre au dessous de ses inférieurs mêmes. Quand saint Jean dit à Notre Seigneur : « C'est à moi plutôt de recevoir le baptême de vos mains (Matt. III, 14), » il fait acte de la première sorte de justice, puisqu'il se place au dessous de son supérieur; mais ce que fait Jésus-Christ est le comble de là justice, puisqu'il s'abaisse sous les mains de son serviteur.

5. Que chacun voie maintenant quel modèle il doit préférer, de celui-là ou de celui-ci, qui est élevé au dessus de tout ce qui est appelé Dieu, ou qui est adoré comme Dieu (Thes. II, 3). Efforçons-nous, mes frères, de remplir toute justice, car la justice est la voie qui conduit à la joie. La joie est la récompense, la justice en est la source et ce qui la mérite. C'est en effet de la justice que naîtra notre joie, quand apparaîtra le Christ qui est notre vie, et que nous paraîtrons avec lui dans la gloire; attendu qu'il a été fait lui-même notre justice par son Père. Heureux ceux qui, dès maintenant, trouvent dans la justice, une source de joie, qui tressaillent de bonheur dans leur conscience, parce qu'ils sucent le miel délicieux qui coule de la pierre, et mangent l'huile des oliviers qui poussent dans les rochers les plus durs (Deut. XXXII, 13). Maintenant, il est vrai, la justice semble laborieuse et pénible, mais il viendra un temps ou elle sera désirée et possédée, aimée et reçue sans aucune peine, dans une douceur et un bonheur complets, alors que nous serons en possession de la justice même. Mais malheur à ceux qui s'écartent de la route, qui se détournent de la justice, pour se mettre à la recherche d'une joie vaine et passagère. Car s'ils demandent du bonheur aux choses qui passent, il ne peut que passer avec elles, lorsqu'elles passeront elles-mêmes: de même que le feu. s'éteint quand le bois qui l'aliments est consumé, ainsi en est-il de ce bonheur, nul n'en peut douter, lorsque le monde avec toutes ses concupiscences, est passé.

 

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