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LIVRE CINQUIÈME : Réfutation de Saint Cyprien.

 

Ce livre traite de la fin de l’épître de Cyprien à Jubaianus, de son épître à Quintes, de sa synodique adressée aux évêques de Numidie et de son épître à Pompeïus.

 

CHAPITRE PREMIER.

CYPRIEN CONSTATANT L’ANTIQUE COUTUME DE L’ÉGLISE.

CHAPITRE II.

LA CHARITÉ DE L’UNITÉ COUVRE LA MULTITUDE DES PÉCHÉS.

CHAPITRE III.

RIEN NE PEUT JUSTIFIER LES SCHISMATIQUES DANS LEUR SÉPARATIONS.

CHAPITRE IV.

SAINT CYPRIEN CONSTATANT L’ANCIENNE COUTUME DE L’ÉGLISE.

CHAPITRE V.
LA RÉITÉRATION DU BAPTÊME SOULÈVE UNE RÉPULSION UNIVERSELLE.

CHAPITRE VI.

CETTE RÉPULSION NE SAURAIT ÊTRE QUE L’ŒUVRE DE DIEU.

CHAPITRE VII.

LE BAPTÊME LÉGITIME POSSÉDÉ LÉGITIMEMENT.

CHAPITRE VIII.

LA VALIDITÉ DU BAPTÊME INDÉPENDANTE DES DISPOSITIONS DU SUJET.

CHAPITRE IX.

LE BAPTÊME DE SAINT JEAN.

CHAPITRE X.

SI LE BAPTÊME DE SAINT JEAN EFFAÇAIT LES PÉCHÉS.

CHAPITRE XI.

LE BAPTÊME DE SAINT JEAN NE DISPENSAIT PAS DU BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.

CHAPITRE XII.

LE BAPTÊME DE CELUI QUI BAPTISE DANS LE SAINT-ESPRIT.

CHAPITRE XIII.

CE QUE LE SAINT-ESPRIT RÉVÈLE À SAINT JEAN.

CHAPITRE XIV.

LE BAPTÊME TOUJOURS LE MÊME, MALGRÉ LA DIVERSITÉ DES MINISTRES.

CHAPITRE XVI.

LE BAPTÊME PEUT ÊTRE VALIDE, QUOIQUE ILLICITE.

CHAPITRE XVI.

LA PRIMAUTÉ NE SE CONFOND PAS TOUJOURS AVEC L’UNITÉ.

CHAPITRE XVII.

CONCLUSION DE LA LETTRE DE CYPRIEN.

CHAPITRE XVIII.

LE BAPTÊME RESTE TOUJOURS VIVANT.

CHAPITRE XIX.

L’ANCIENNE COUTUME FONDÉE SUR LA. RAISON ET LA VÉRITÉ.

CHAPITRE XX.

C’EST DIEU LUI-MÊME QUI BAPTISE PAR SON MINISTRE.

CHAPITRE XXI.

L’UNITÉ DU BAPTÊME ET DE L’ÉGLISE.

CHAPITRE XXII.

CONDITIONS DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

CHAPITRE XXIII.

RÉFUTATION DE LA LETTRE DE CYPRIEN A POMPÉIUS.

CHAPITRE XXIV.

CONTINUATION DU MÊME SUJET.

CHAPITRE XXV.

SAINT ÉTIENNE ET SAINT CYPRIEN.

CHAPITRE XXVI.

L’ÉVÊQUE DOIT ENSEIGNER ET S’INSTRUIRE.

CHAPITRE XXVII.

L’ÉGLISE, JARDIN FERMÉ, FONTAINE SCELLÉE, SOURCE D’EAU VIVE.

CHAPITRE XXVIII.

L’ARCHE DE NOÉ, AUTRE FIGURE DE L’ÉGLISE.

 

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CHAPITRE PREMIER.

CYPRIEN CONSTATANT L’ANTIQUE COUTUME DE L’ÉGLISE.

 

1. C’est le témoignage du bienheureux Cyprien lui-même que nous invoquons pour prouver l’antiquité de cette coutume de l’Eglise catholique de ne point réitérer le baptême à ceux des hérétiques ou des schismatiques qui demandent à entrer dans l’unité, quand, d’ailleurs, il est certain qu’ils ont reçu ce sacrement selon la forme évangélique. Cette question fut imposée à ce saint évêque par ceux de ses frères qui cherchaient la vérité ou qui combattaient pour la vérité. Dans le cours des discussions qu’il souleva pour prouver qu’il fallait réitérer le baptême aux hérétiques, et auxquelles nous avons déjà répondu, il se posa à lui-même cette objection: « Quelle conduite tenir à l’égard de ceux qui précédemment ont quitté l’hérésie pour entrer dans l’Eglise et y ont été reçus sans aucune réitération du baptême (Cyp., Lettre LXXIII, à Jubaianus)?» Ces quelques paroles réduisent à néant tout ce système des Donatistes, contre lequel la lutte est engagée. En effet, supposé que ces hérétiques si facilement reçus dans l’Eglise, fussent réellement sans baptême et sans aucune justification de leurs péchés, comme il est certain qu’ils furent en communion soit avec les catholiques antérieurs à Cyprien, soit avec Cyprien lui-même, de deux choses l’une: ou bien l’Eglise avait péri souillée qu’elle était par son contact avec ces pécheurs publics, ou bien l’unité elle-même n’est nullement compromise par le mélange, dans son sein, des bons et des méchants. Or, nos adversaires ne peuvent admettre que l’Eglise ait péri pour s’être mise en communion avec ceux qui, selon la parole de Cyprien, furent reçus par elle sans aucune réitération du baptême. Car si l’Eglise eût péri à cette époque, à quelle source les Donatistes auraient-ils pris naissance? Plus de quarante ans s’écoulèrent entre le martyre de Cyprien et cette combustion des livres sacrés, laquelle leur a fourni le thème favori de leurs calomnies et l’occasion de faire schisme contre l’Eglise. Les fastes consulaires sont là pour confirmer cette observation.

Le seul parti qui leur reste à prendre, c’est donc d’avouer que l’unité de l’Eglise de Jésus-Christ n’est point souillée par la présence, dans son sein, de ces pécheurs même connus. Mais faire cet aveu, c’est se mettre dans l’impuissance absolue de justifier leur séparation d’avec toutes ces églises de l’univers dont l’origine remonte aux temps apostoliques. Si donc les chrétiens dont nous parlons, n’ont point péri pour être restés en communion avec des pécheurs, comment ne pas ,conclure que les Donatistes, qui n’auraient pas péri davantage en demeurant dans l’unité, du moment qu’ils se sont séparés et qu’ils ont rompu le lien de la paix, n’ont pu trouver, dans le schisme, qu’une perte infaillible? Toute séparation qui ne peut se justifier par des raisons suffisantes, n’est-elle pas manifestement un schisme sacrilège? Or, si les pécheurs connus comme tels ne souillent pas les bons dans l’unité, quel motif peuvent-ils alléguer pour justifier leur séparation? D’un autre côté, nous affirmons que la présence des méchants ne souille pas les bons dans l’unité, et nous en donnons comme preuve ces paroles de Cyprien, parlant de ceux « qui précédemment étaient « passés de l’hérésie à l’Eglise et y avaient été « reçus sans aucune réitération du baptême». Pourtant si ces transfuges n’étaient point baptisés, ils restaient coupables de tous leurs crimes et de tous leurs sacrilèges; et si dans cet état ils n’ont pu souiller et détruire la sainteté de l’Eglise, ne doit-on pas conclure que cette Eglise ne saurait périr par son contact avec les méchants? Par conséquent, s’ils acceptent comme vraie la parole de Cyprien, le premier accusateur de leur schisme, c’est Cyprien lui-même; mais s’ils prétendent que (130) Cyprien est dans l’erreur, qu’ils cessent donc d’invoquer son témoignage dans la question du baptême.

 

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CHAPITRE II.

LA CHARITÉ DE L’UNITÉ COUVRE LA MULTITUDE DES PÉCHÉS.

 

2. Mais pour le moment nous n’avons à discuter qu’avec Cyprien lui-même; continuons donc et imitons son amour de la paix. « On me demande », dit-il, « quelle conduite on doit tenir à l’égard de ceux qui précédemment sont venus de l’hérésie à l’Eglise et y ont été reçus sans aucune réitération du baptême ?» Il répond : « Dieu, dans sa miséricorde, est tout-puissant pour pardonner et pour faire participer aux bienfaits de son Eglise ceux qui se sont endormis du sommeil des justes, après avoir été réintégrés dans l’Eglise sans la réitération du baptême». Il a eu raison d’admettre en principe que la charité de l’unité peut couvrir la multitude des péchés. Dès lors que ces hérétiques avaient reçu le baptême, Cyprien se trompait en enseignant avec quelques-uns de ses collègues la nécessité de réitérer le baptême, mais la charité de l’unité couvrait cette erreur, tant qu’elle resta une tentation humaine et ne devint pas une dissension diabolique. Tout ce qu’ils devaient faire, c’était d’attendre que Dieu leur révélât le véritable enseignement catholique (Philipp., III  15) . Malheur donc à ceux qui, sacrilègement séparés de l’unité, réitèrent le baptême déjà conféré par des catholiques ou par des schismatiques! Et si l’on prétend que le baptême n’est conféré que dans l’Eglise catholique, qu’est-ce que devient leur baptême? Soit donc qu’ils rebaptisent ou qu’ils ne baptisent pas, ils ne sont point dans les liens de l’unité et ont besoin pour se guérir des remèdes les plus efficaces. De notre côté, si nous admettons les hérétiques sans les rebaptiser, nous sommes du nombre de ceux que Cyprien croyait dignes de pardon pour sauvegarder l’unité. Mais comme je crois l’avoir suffisamment prouvé dans les livres précédents, les hérétiques, malgré leur perversité, peuvent posséder le baptême chrétien dans toute son intégrité; si tous ceux qui à cette époque réitéraient le baptême ont pu continuer à appartenir à l’unité, comment ne pas admettre que leur amour pour la paix ait pu leur procurer le pardon, comme l’ont obtenu tous ceux qui, après avoir été admis dans l’Eglise sans aucune réitération du baptême, ont eu le privilège, selon saint Cyprien lui-même, de participer à tous les bienfaits de l’Eglise? D’un autre côté, s’il est certain que ni les hérétiques ni les schismatiques ne possèdent le baptême de Jésus-Christ; s’il est certain ensuite qu’ils peuvent être admis dans l’Eglise et obtenir la rémission de leurs propres péchés en dehors de toute réitération de ce sacrement, comment prétendre que ceux qui appartiennent à l’unité se trouvent souillés par les péchés d’autrui? Si le lien de la paix, selon le même Cyprien, jouit d’une puissance aussi grande, comment supposer que ceux qui refusent de quitter l’unité soient souillés par les péchés d’autrui, quand, sans avoir reçu le baptême, il suffit de passer de l’hérésie à l’unité pour obtenir la rémission de ses propres pêchés?

 

 

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CHAPITRE III.

RIEN NE PEUT JUSTIFIER LES SCHISMATIQUES DANS LEUR SÉPARATIONS.

                                                                                                              

3. Saint Cyprien continue en ces termes: « Parce que l’on s’est trompé une fois, il n’est point à dire que l’on se trompera toujours: n’est-ce point le propre des hommes sages et craignant Dieu d’obéir librement et promptement à la vérité, quand elle leur est connue et manifestée, plutôt que de combattre obstinément contre leurs frères et leurs collègues en faveur des hérétiques ? »Ce langage est plein de justesse, et résister à l’évidence de la vérité c’est d’abord se poser en ennemi de soi-même. Or, de tout ce qui précède, on peut, je crois, conclure sans aucune hésitation que le baptême de Jésus-Christ ne peut être violé par la perversité des hérétiques, soit qu’ils confèrent ce sacrement, soit qu’ils le reçoivent. En admettant même que cette conclusion ne soit pas évidente, du moins paraîtra-t-elle assez probable aux yeux de quiconque réfléchira quelque peu, même malgré lui, à tout ce quia été dit précédemment. Bien loin donc de résister à l’évidence, nous combattons pour la vérité telle qu elle nous apparaît; et si enfin on trouve encore cette prétention exagérée de notre part, ceux mêmes qui ne regardent pas encore la question comme résolue, voudront bien admettre (131) que, du moins, nous cherchons la vérité. Dans cette dernière hypothèse, en admettant que nous soyons dans l’erreur, on admettra que si nous recevons ceux qui ont été baptisés par les hérétiques, nous le faisons avec la même simplicité que le faisaient nos prédécesseurs quand ils recevaient ceux que Cyprien juge dignes de pardon par égard pour l’unité. J’ai suffisamment prouvé que le baptême de Jésus-Christ peut ne rien perdre de son intégrité, quoiqu’étant conféré à des hommes mal disposés au point de vue de la conduite ou de la doctrine, soit qu’ils paraissent appartenir à l’unité, quoiqu’en réalité ils ne soient pas membres de la colombe unique, soit qu’ils aient rompu avec l’Eglise et appartiennent manifestement au schisme. Par conséquent, ceux qui le réitéraient à l’époque dont nous parlons, grâce à la charité de l’unité, étaient aussi dignes de pardon que pouvaient l’être ceux qui, selon saint Cyprien, furent admis dans l’Eglise sans aucune réitération du baptême. Par là même tous ceux qui sans un motif suffisant se sont séparés de la charité de l’unité, ont perdu tout droit à l’indulgence; et quel motif pourraient-ils alléguer, puisque, selon saint Cyprien lui-même, les bons dans l’unité ne sont nullement souillés par la compagnie des méchants? Les schismatiques, voilà donc ceux qui se trouvent évidemment dans un état de perdition, lors même qu’ils ne réitéreraient pas le baptême après l’Eglise catholique. Mais alors de quel supplice ne sont pas dignes ceux qui, n’ayant pas le baptême, c’est là du moins l’opinion de Cyprien, voudraient le réitérer aux catholiques qui déjà le possèdent, ou bien ceux qui, possédant ce sacrement, et l’évidence prouve que les hérétiques le possèdent, osent accuser l’Eglise catholique de ne pas le posséder?

 

 

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CHAPITRE IV.

SAINT CYPRIEN CONSTATANT L’ANCIENNE COUTUME DE L’ÉGLISE.

 

4. Je rappelais tout à l’heure que c’est uniquement avec Cyprien que je discute. Or, s’il était là, je suis persuadé qu’il ne m’accuserait pas « de combattre obstinément contre des frères et des collègues, en faveur des hérétiques »; il ne désapprouverait nullement, je crois, les raisons que nous faisons valoir pour prouver que, malgré la perversité de leur erreur, les hérétiques possèdent le baptême de Jésus-Christ dans toute sa sainteté et toute son intégrité. Il convient lui-même, et de quel poids n’est point pour nous un semblable témoignage, que l’ancienne coutume était de recevoir les hérétiques sans leur réitérer le baptême. Néanmoins, si quelqu’un soutient encore que ce sacrement doit toujours être réitéré aux hérétiques, qu’il ait du moins pitié de ceux qui ne peuvent partager son opinion à cause des nombreuses contradictions qu’elle renferme, et qu’il les traite comme furent traités précédemment les évêques et les prêtres qui se crurent autorisés à admettre dans les rangs de l’unité-, à la seule condition de répudier leur erreur, tous ceux qui avaient reçu le baptême dans l’hérésie, et avec lesquels ils purent opérer leur salut, grâce à la puissante efficacité des liens de l’unité.

Pour peu que l’on considère attentivement l’antique coutume de l’Eglise, l’imposante autorité du concile général sanctionnant cette coutume, les nombreux témoignages des divines Ecritures, les arguments que nous fournissent les écrits de Cyprien, et les raisons sur lesquelles s’appuie cette vérité, on comprend facilement que le baptême de Jésus-Christ, consacré par les paroles évangéliques, ne peut être invalidé ni par la perversité du ministre ni par celle du sujet. Soyons également persuadés que, grâce au lien de l’unité, ceux qui partagèrent l’opinion contraire sans blesser la charité catholique, ont pu faire leur salut éternel. Enfin, restons sincèrement convaincus que ni la zizanie ni la paille n’ont pu souiller, dans l’unité de l’Eglise répandue sur toute la terre, ceux qui ont eu la volonté sincère de devenir le bon grain; d’où il suit que nulle cause sérieuse n’a jamais pu les autoriser à se séparer de l’unité par un divorce sacrilège. Toutes ces conclusions s’imposent à nous dans toute leur évidence, soit qu’on partage l’opinion de Cyprien, soit qu’on s’en tienne à la coutume de tout temps observée par l’Eglise universelle, Par conséquent les schismatiques déclarés suivent une voie sacrilège qui ne saurait les conduire au salut; et quant aux sacrements divins qu’ils tiennent de la libéralité du seul époux légitime, dans cet état, ce n’est point pour leur salut qu’ils les possèdent, mais pour leur éternelle confusion. (132)

 

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CHAPITRE V.

LA RÉITÉRATION DU BAPTÊME SOULÈVE UNE RÉPULSION UNIVERSELLE.

 

5. Supposé que des hérétiques, renonçant sincèrement à leur erreur, prennent la résolution de revenir à l’Eglise, parce qu’ils sont persuadés qu’il n’y a de baptême possible pour eux que dans l’Eglise catholique; nous n’aurions nullement le droit de consentir à la réitération de ce sacrement. Tout ce que nous devrions faire, ce serait de leur rappeler que l’intégrité du baptême ne peut être d’aucune utilité à leur perversité, s’ils refusent de se convertir; que d’ailleurs l’intégrité de ce sacrement n’a subi aucune atteinte de leur perversité, tant qu’ils n’ont pas voulu se corriger; et enfin que ce n’est point parce qu’ils veulent se corriger qu’ils peuvent recevoir un meilleur baptême. Qu’ils s’empressent donc de renoncer à leur situation criminelle, et aussitôt ce qui n’était pour eux qu’un titre de plus à l’éternelle damnation, deviendra le principe efficace de leur salut. En présence d’une semblable doctrine, ils désireront le salut dans l’unité catholique; ils cesseront de s’attribuer un sacrement qu’ils ne tiennent que de Jésus-Christ et cesseront de confondre avec leur erreur personnelle le sacrement de vérité qu’ils portent en eux-mêmes.

6. Ajoutons que par l’effet d’une mystérieuse inspiration de Dieu, les hommes éprouvent toujours je ne sais quelle répulsion dès qu’il s’agit de réitérer le baptême, quelque part qu’il ait été reçu précédemment. Ce n’est pas non plus sans se frotter le front et sans manifester un vif mécontentement que les hérétiques eux-mêmes sont mis en demeure de discuter cette réitération. Enfin, il n’est pas jusqu’aux laïques les plus invétérés dans la secte et les plus indisposés contre l’Eglise catholique, qui n’avouent hautement que cette question est, entre toutes, celle qui leur déplaît davantage. Plusieurs, attirés vers le schisme par l’espérance de quelques avantages temporels, ou pour échapper à tels désagréments, savent manoeuvrer en secret afin d’obtenir comme une précieuse faveur le privilège personnel de ne pas être rebaptisés. Il en est également un grand nombre qui, après s’être laissé séduire et tromper par toutes les calomnies et toutes les accusations lancées contre l’Eglise, refusent cependant de se jeter dans le schisme, uniquement pour ne pas être rebaptisés. Effrayés de cette impression qu’ils rencontrent dans tous les hommes, les Donatistes ont cru devoir accepter le baptême conféré par ces mêmes Maximianistes qu’ils avaient condamnés, garder le silence et étouffer leur haine, plutôt que de réitérer le baptême à ces multitudes Mustitaniennes et Assuritaniennes auxquelles ils firent l’accueil le plus empressé, ainsi qu’à Félicianus, à Prétextat et à tant d’autres contre lesquels ils avaient lancé l’anathème.

 

 

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CHAPITRE VI.

CETTE RÉPULSION NE SAURAIT ÊTRE QUE L’ŒUVRE DE DIEU.

 

7. Comme de tels faits n’arrivent que rarement, et à de grandes distances, ils inspirent moins d’horreur. Mais je suppose que l’on réunisse en un seul lieu tous ceux qui, soit en danger de mort, soit dans les solennités de Pâques, ont été baptisés par les Maximianistes, et qu’on leur commande de recevoir de nouveau le baptême, sous prétexte que celui qu’ils ont reçu dans le schisme est radicalement nul , qu’arriverait-il? A quelles récriminations ne les verrions-nous pas se livrer dans l’obstination de leur erreur? contre l’éclat et la chaleur de la vérité n’opposeraient-ils pas le vain fantôme de leur constance pour cacher la rigueur et le froid de leur endurcissement? Assurément, ils ne toléreraient pas cette réitération du baptême; ceux mêmes qui voudraient l’entreprendre reculeraient devant la multitude de ces réitérations à opérer, surtout qu’il leur faudrait également rebaptiser les Primianistes, dont plusieurs avaient été baptisés dans la secte de Maximien, et dont le baptême avait été ratifié sans aucune observation, dès qu’on eût entrevu quelque chance de détruire la secte. Quoi qu’il en soit, je suis persuadé que les Donatistes ne renonceraient pas à cette réitération, s’ils ne sentaient pas qu’en l’exigeant ils soulèveraient contre eux une horreur si violente, que tout doit céder devant elle, voire même la honte d’une contradiction. Pour moi, je me garderais bien de soutenir que nous devons reculer devant une impression purement humaine, si la vérité nous faisait un devoir de rebaptiser tous ceux qui passent de l’hérésie dans l’Eglise. Mais, entendant (133) saint Cyprien s’écrier « que le moyen le plus « puissant de contraindre les hérétiques de revenir à l’unité, c’était de leur réitérer le baptême dans l’Eglise catholique », j’ai cru devoir rappeler toute l’horreur qu’inspire aux hommes cette manière de procéder; je tenais à dire que Dieu seul a pu imprimer cette horreur dans l’esprit des hommes, puisqu’elle seule suffirait pour justifier la conduite de l’Eglise de toutes ces attaques auxquelles les faibles ne sauraient répondre.

 

 

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CHAPITRE VII.

LE BAPTÊME LÉGITIME POSSÉDÉ LÉGITIMEMENT.

 

8. Ces mêmes paroles de Cyprien m’obligent à ajouter d’autres observations absolument nécessaires à la solution de la question. « Si », dit-il, « dans notre enseignement et dans « notre manière d’agir nous laissons croire « aux hérétiques que leur baptême est juste « et légitime, ils s’empresseront de conclure « qu’ils possèdent justement et légitimement « l’Eglise et les autres bienfaits de l’Eglise ». Il ne dit pas des hérétiques qu’ils penseront posséder les trésors de l’Eglise; mais qu’ils penseront « les posséder justement et légitimement ». De notre côté, nous affirmons qu’ils ne possèdent le baptême ni justement ni légitimement; quant à la possession elle-même, nous ne pouvons la leur refuser, puisque nous reconnaissons partout et toujours le sacrement du Seigneur dès qu’il est conféré dans la forme évangélique. Ils ont donc le baptême légitime, mais ils ne l’ont pas légitimement. Ce n’est que dans l’unité catholique et par une conduite vraiment chrétienne que l’on possède légitimement le baptême légitime. Au contraire, celui qui, dans l’Eglise catholique, ressemble à la paille mêlée au froment, et celui qui, en dehors de l’Eglise, ressemble à la paille emportée par le vent, possèdent, il est vrai, le baptême légitime, muais ils ne le possèdent pas légitimement. Ils le possèdent comme ils en usent; or, ce n’est pas- en user légitimement que d’en user contre la loi, comme en usent tous ceux qui, après avoir été baptisés, vivent avec le péché, soit dans l’unité, soit dans le schisme.

 

 

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CHAPITRE VIII.

LA VALIDITÉ DU BAPTÊME INDÉPENDANTE DES DISPOSITIONS DU SUJET.

 

9. Parlant de la loi, l’Apôtre a dit: « La loi est bonne, pourvu qu’on en use légitimement (I Tim., II, 8) »; on peut également dire du baptême : Le baptême est bon, pourvu qu’on en use légitimement. De même que ceux qui n’usaient pas légitimement de la loi, ne faisaient pas que la loi cessât d’être bonne ou même d’exister; de même n’arrivera jamais     à faire que le baptême cesse d’être bon ou même d’exister quiconque n’en use pas légitimement, soit parce qu’il vit dans l’hérésie, soit parce qu’il se livre au désordre des moeurs. Voilà pourquoi, s’il se convertit à l’unité catholique ou à une conduite digne de ce sacrement, il ne commence pas à avoir un autre baptême légitime, mais à user légitimement de celui qu’il possède. Quant à la rémission définitive des péchés, elle ne suit le baptême qu’autant qu’il est légitime et surtout qu’on le possède légitimement. Dans le cas contraire, ou bien les péchés ne seront pas remis, ou bien ils revivront aussitôt après le baptême, et cependant, on ne saurait en conclure ou que le baptême est mauvais, ou bien qu’il est nul dans celui qui l’a reçu. De même que Judas a fourni au démon l’entrée de son coeur, non pas en recevant un mauvais sacrement, mais en recevant dans de mauvaises dispositions le sacrement qui lui était donné par le Sauveur lui-même (Jean, XIII, 27); de même celui qui reçoit indignement le sacrement du Seigneur ne rend pas ce sacrement mauvais parce qu’il est mauvais lui-même; ou bien parce qu’il le reçoit d’une manière inutile au salut, il ne s’ensuit pas qu’il ne reçoit absolument rien. En effet, le corps et le sang du Seigneur étaient réellement conférés à ceux que l’Apôtre apostrophait en ces termes : « Celui qui mange indignement le corps du Seigneur mange et boit sa propre condamnation (I Cor., XI, 29) ». L’important n’est donc pas de savoir ce que les hérétiques ont de commun avec l’Eglise, mais plutôt ce qu’ils n’ont pas, c’est-à-dire la fin du précepte, sans laquelle tout ce qu’ils peuvent avoir conservé de bon n’est pour eux d’aucune utilité. « La fin des commandements, c’est la charité qui naît d’un coeur pur, d’une bonne conscience (134) et d’une foi sincère (I Tim., I, 5)». Quand donc nous pressons les hérétiques de rentrer dans l’unité et dans la vérité de l’Eglise catholique, ce n’est point pour leur conférer un sacrement dont ils conservent, jusque dans l’hérésie, le caractère indélébile, mais pour lever tous les obstacles qui empêchent ce sacrement de produire en eux ses effets salutaires.

 

 

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CHAPITRE IX.

LE BAPTÊME DE SAINT JEAN.

 

10. Voyons maintenant ce que saint Cyprien nous enseigne sur le baptême de saint Jean. « Nous lisons, dans les Actes des Apôtres, que Paul baptisa, ceux mêmes qui avaient reçu le baptême de saint Jean ( Act., XIX, 3-5) ». Or, ceci s’explique parfaitement, puisque le baptême du Précurseur n’était point le baptême de Jésus-Christ ; ce n’était qu’une cérémonie mystérieuse et sainte, qui n’avait pour auteur saint Jean-Baptiste qu’autant qu’il avait reçu du Sauveur lui-même l’autorisation d’en user, selon cette parole du même Précurseur: «L’homme ne peut recevoir que ce qui lui vient du ciel (Jean, III, 27) » Et comme on aurait pu croire que ce droit lui avait été conféré par le Père et non par le Fils, c’est de Jésus-Christ qu’il prononce cette belle parole : « Nous avons tous reçu de sa plénitude (Id., I, 16.) ». Or, par l’effet d’une grâce spéciale, saint Jean reçut le pouvoir d’établir cette cérémonie, non point d’une manière permanente, mais comme moyen de préparer les voies du Seigneur et d’accomplir ses glorieuses fonctions de Précurseur. De son côté, voulant entrer dans la vie publique par un acte de profonde humilité et laisser à la postérité un exemple éclatant de cette précieuse vertu, le Sauveur voulut recevoir le baptême de son serviteur (Matt., III, 13), comme plus tard il s’abaissa jusqu’à laver les pieds à ses Apôtres ( Jean,XIII, 4,5). C’est ainsi qu’il se prosterna aux pieds de ceux qu’il dirigeait, comme précédemment il avait voulu recevoir des mains de Jean la grâce même dont il était l’auteur. Quoi de plus propre à faire comprendre à tous les hommes à quel excès d’orgueil sacrilège doit se livrer celui qui méprise le baptême du Seigneur, quand le Seigneur lui-même a voulu recevoir de son serviteur ce que celui-ci ne pouvait donner qu’autant qu’il l’avait reçu de celui à qui il le rendait? Si, d’un côté, nous entendons saint Jean, le plus grand parmi les enfants des hommes (Matt., XI, 11), s’écrier qu’il ne se trouve pas digne de délier les cordons des souliers de Jésus-Christ 2. d’un autre côté, se peut-il parmi les hommes une humilité plus profonde que celle du Sauveur s’abaissant aux pieds du Précurseur pour recevoir de ses mains le baptême? Jésus-Christ, sans doute, y fait éclater les preuves de sa divinité; mais, en même temps qu’il départit la grandeur, il enseigne hautement l’humilité.

11. Nous ne voyons pas dans les saintes Ecritures que tel prophète, que tel homme ait reçu, comme saint Jean, le privilège de baptiser dans l’eau de la pénitence pour la rémission des péchés ; entre ses mains, d’ailleurs, cette grâce étonnante n’était qu’un moyen de s’attacher le coeur des multitudes, et de préparer en elles les voies à Celui devant lequel il proclamait hautement son propre néant et sa misère. Par son propre baptême, Jésus-Christ purifie son Eglise, et ce, sacrement une fois donné ne demande plus à être réitéré ; quant au baptême prophétique que conférait saint Jean, il ne dispensait pas du baptême du Seigneur ; après avoir reçu ce baptême préparatoire, il fallait encore recevoir le baptême de Jésus-Christ. Si le Sauveur n’avait pas vu le besoin de nous laisser l’exemple de sa profonde humilité, le baptême de saint Jean ne nous aurait été d’aucune nécessité ; de même si saint Jean eût été la fin de la loi, après le baptême qu’il conférait, nous n’aurions eu aucun besoin du baptême de Jésus-Christ. Mais « Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croiront en lui (Rom., X, 4) » ; voilà pourquoi le baptême de Jean ne faisait que nous annoncer le baptême de Jésus-Christ; et, arrivés à ce baptême, nous devons y persévérer jusqu’à la fin.

Ainsi donc, saint Jean a fait éclater la grandeur de Jésus-Christ, en se posant devant lui comme un néant; et sa profonde humilité, en lui donnant le baptême, comme il l’aurait donné à un inférieur, Toutefois, si saint Jean n’eût baptisé que Jésus-Christ, on aurait pu croire que ce baptême de saint Jean, par là même qu’il était uniquement pour Jésus-Christ, l’emportait sur le baptême de Jésus-Christ, lequel était pour tous les chrétiens ; (135) de même s’il était nécessaire de conférer toujours le baptême de saint Jean, avant de conférer celui de Jésus-Christ, ce dernier perdrait de son importance et de son efficacité, puisqu’on pourrait croire que seul il ne suffirait pas au salut. Concluons Le Sauveur a reçu le baptême de saint Jean, afin de confondre toutes les orgueilleuses résistances que les hommes auraient peut-être opposées à son propre baptême ; ensuite il n’a pas voulu que ce baptême prophétique ne lui fût conféré qu’à lui seul, dans la crainte que nous ne fussions tentés de croire que ce premier baptême l’emportait sur le second, puisqu’il n’aurait été conféré qu’à l’Homme-Dieu; enfin le baptême de saint Jean devait disparaître, parce qu’on aurait pu croire que le baptême de Jésus-Christ était insuffisant par lui-même, puisqu’il avait besoin d’être précédé par celui du Précurseur.

 

 

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CHAPITRE X.

SI LE BAPTÊME DE SAINT JEAN EFFAÇAIT LES PÉCHÉS.

 

12. Mais si Je baptême de saint Jean effaçait les péchés, que pouvait conférer de plus le baptême de Jésus-Christ à ceux qui se virent obligés par l’apôtre saint Paul de recevoir le baptême du Sauveur après avoir reçu celui de son précurseur ? Et si le baptême de saint Jean n’effaçait pas les péchés, saint Jean n’est-il pas de beaucoup inférieur à ces ministres contemporains du grand évêque de Carthage, et qu’il accuse de s’emparer du bien d’autrui par la ruse et la fraude, et d’accroître leur fortune par de nombreuses usures ? De tels ministres ne conféraient-ils pas la rémission des péchés? Dira-t-on qu’ils avaient ce pouvoir parce qu’ils appartenaient à l’unité de l’Eglise? Quoi donc? Est-ce que saint Jean n’appartenait pas à l’unité, lui qui était l’ami de l’Epoux, l’ange envoyé pour préparer la voie du Seigneur, et conférer le baptême à Jésus-Christ lui-même ? Le nier, ne serait-ce point le comble de la folie ? Je crois donc que saint Jean baptisait dans l’eau de la pénitence pour la rémission des péchés, de telle sorte cependant que les péchés n’étaient remis dans ce baptême que par l’espérance même du baptême de Jésus-Christ, seul capable d’opérer efficacement cette rémission. C’est ainsi que la résurrection que nous n’attendons que pour la fin du monde, est déjà faite en nous par l’espérance, selon cette parole de l’Apôtre : « Il nous a ressuscités avec lui, et nous a fait asseoir avec lui dans le ciel (Eph., II, 6) ». Le même Apôtre ne dit-il pas ailleurs: « Nous avons été sauvés par l’espérance (Rom., VIII, 24)? » Saint Jean disait de lui-même : « Je vous baptise dans l’eau de la pénitence, pour la rémission des péchés (Matt., III, 11) » et apercevant le Seigneur il s’écriait : Voici « l’Agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde (Jean, I, 29) ». Toutefois si quelqu’un s’obstine à croire que le baptême du précurseur effaçait les péchés, et que le baptême de Jésus-Christ conféré à ceux qui étaient déjà baptisés par saint Jean, ne donnait qu’une augmentation de la grâce sanctifiante (Act., XIX, 3-5), j’y consens et refuse d’engager sur ce point toute discussion belliqueuse.

 

 

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CHAPITRE XI.

LE BAPTÊME DE SAINT JEAN NE DISPENSAIT PAS DU BAPTÊME DE JÉSUS-CHRIST.

 

13. Quoi qu’il en soit du baptême de saint Jean, qu’il nous suffise de constater que le précurseur appartenait à l’unité de Jésus-Christ. Quant à la question particulière qui nous occupe, il nous reste à savoir pourquoi le baptême de saint Jean devait être suivi du baptême de Jésus-Christ, tandis que ce dernier baptême, fût-il conféré par des évêques avares, ne doit jamais être réitéré. On ne saurait douter que dans le champ du Seigneur saint Jean était un véritable froment, rapportant au moins cent pour un, si l’on ne peut rapporter davantage. De même, il est certain que l’avarice, cette autre forme d’idolâtrie, est traitée comme de la paille dans la maison du Seigneur. Pourquoi donc baptiser après le froment, et ne pas rebaptiser après la paille? Si pour avoir baptisé après saint Jean, Paul était meilleur que Jean ; pourquoi donc Cyprien n’a-t-il pas baptisé après ses avares collègues qu’il laissait bien loin derrière lui ? Dira-t-on qu’il ne baptisait pas après eux, parce qu’il était dans l’unité avec eux? Saint Paul était assurément en communion avec saint Jean ; pourquoi donc baptisait-il après lui ? Ces hommes injustes et rapaces étaient ils membres de la colombe unique, tandis que ce privilège n’aurait pas appartenu à celui à qui le Saint-Esprit, descendant sous la forme (136) d’une colombe, révéla toute la puissance de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Matt., III, 16 ; Jean, I, 33.)? Disons-le hautement, saint Jean formait avec le Sauveur l’union la plus étroite, tandis que les évêques dont nous parlons avaient cessé d’appartenir à Jésus-Christ, soit par le fait même de leur vie scandaleuse, soit qu’ils fussent réservés à être séparés du froment au jour de la suprême purification ; et cependant l’Eglise baptisait après saint Jean et ne baptise pas après ces évêques. Pourquoi cette différence, si ce n’est parce que le baptême que Paul ordonna de recevoir, n’était pas le même que le baptême de saint Jean ? Par conséquent le baptême de Jésus-Christ, fût-il conféré par un ministre avare et usurier, ne doit jamais être réitéré, puisqu’il est toujours le baptême de l’unité ; au contraire, ceux qui n’avaient reçu que le baptême de saint Jean, devaient encore recevoir le baptême de Jésus-Christ, puisque ces deux baptêmes sont essentiellement distincts.

 

 

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CHAPITRE XII.

LE BAPTÊME DE CELUI QUI BAPTISE DANS LE SAINT-ESPRIT.

 

44.       Je puis donc emprunter à Cyprien lui-même ces belles paroles si propres à frapper

l’esprit des auditeurs, et à jeter de nouvelles lumières sur le mystère que nous étudions : « Jean était le plus grand de tous les prophètes; dès le sein de sa mère il fut rempli de la grâce divine ; doué de l’esprit et de la vertu d’Elie, il ne fut point l’adversaire du Seigneur, mais son précurseur et son héraut; il annonça le Sauveur par ses paroles et le présenta même aux regards de la foule ; enfin il eut la gloire de baptiser Celui par qui tous les autres sont baptisés ». Ainsi donc, malgré toute sa grandeur, il n’a pu empêcher que ceux qu’il avait baptisés ne

dussent recevoir un second baptême, et dans l’Eglise personne ne pense à réitérer le baptême après les avares, les trompeurs, les voleurs, les usuriers ? Si j’osais jeter ce cri de jalousie, ne me répondrait-on pas : Quelle inconvenance voyez-vous à cela? Craindriez-vous de déshonorer saint Jean, ou d’honorer les avares? Le baptême qu’on ne doit pas réitérer, c’est le baptême de Celui dont il est dit : « Voilà celui qui baptise dans le Saint-Esprit (Jean, I, 33.) ». Quel que soit le ministre qui le confère, ce baptême est toujours le baptême de Celui « qui baptise dans le Saint-Esprit (Jean, I, 33)». Quand l’apôtre saint Paul ordonne de baptiser en Jésus-Christ ceux mêmes qui ont été baptisés par le Précurseur, ce n’est pas le baptême de saint Jean qui leur est réitéré. Ce qu’ils n’avaient pas reçu de l’ami de l’Epoux, ils durent le recevoir de l’Epoux lui-même, c’est-à-dire de Celui dont il avait été dit par l’ami lui-même : « Voilà Celui qui baptise dans le Saint-Esprit ».

 

 

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CHAPITRE XIII.

CE QUE LE SAINT-ESPRIT RÉVÈLE À SAINT JEAN.

 

            15. Le Seigneur aurait pu, s’il l’avait voulu, mettre en possession de son baptême tels ou tels de ses principaux serviteurs, de ceux qu’il avait constitués ses amis en leur disant:

« Je ne vous nommerai plus mes serviteurs, mais mes amis (Id., XV, 15) ». De même qu’il avait donné à une simple verge le pouvoir de fleurir pour prouver le sacerdoce d’Aaron (Nomb., XVII,8); de même, dans son Eglise, où tant de miracles se sont accomplis, ne pouvait-il point, par quelque prodige signalé, montrer ceux de ses ministres à qui l’éminence de leur sainteté méritait le glorieux privilège de baptiser? Toutefois, si le Sauveur eût agi de cette manière, le baptême, quoique conféré au nom de Jésus, n’eût-il pas paru n’être que le baptême de ces ministres, comme le baptême de saint Jean était son propre baptême? Voilà pourquoi l’Apôtre rend grâces à Dieu de n’avoir baptisé aucun de ceux qui, oubliant au nom de qui ils avaient été baptisés, se divisaient en autant de sectes qu’ils connaissaient de ministres collateurs du baptême (I Cor., I, 12-15) ». Or, nous savons que ce sacrement, quoique conféré par un indigne, est aussi efficace par lui-même que s’il est conféré par un apôtre; voilà pourquoi sous la main de l’un ou de l’autre nous disons que c’est toujours le baptême de Jésus-Christ; c’est là du reste ce que saint Jean nous révèle avoir appris de l’Esprit-Saint descendant sous la forme de colombe.

Quant à ces autres paroles: « Et moi je ne le connaissais pas », il m’est difficile d’en comprendre le sens. En effet, s’il n’avait eu du Sauveur aucune connaissance, comment donc, lorsqu’il l’entendit lui demander le (137) baptême, se serait-il écrié : « C’est moi qui dois être baptisé par vous ( Matt., III, 14)? » Que signifient donc ces paroles : « J’ai vu le Saint-Esprit  descendant du ciel sous la forme d’une colombe, et il s’est reposé sur lui. Pour moi, je ne le connaissais pas; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, m’a dit : Celui sur lequel tu verras le Saint-Esprit descendre du ciel et se reposer, c’est celui-là « qui baptise dans le Saint-Esprit (Jean, I, 32, 33) ». La colombe est en effet descendue au moment du baptême de Jésus-Christ. Mais auparavant, et dès la demande qui lui fut adressée de donner le baptême, saint Jean s’écria : « C’est moi qui dois être baptisé par vous ». Il le connaissait donc; et pourtant il nous dit: « Pour moi, je ne le connaissais pas; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, c’est lui-même qui m’avait dit : Celui sur lequel tu verras le Saint-Esprit descendre du ciel et se reposer, c’est lui qui baptise dans le Saint-Esprit ». Or, ceci ne se passa qu’au moment même du baptême; par conséquent, si le précurseur connaissait Jésus à tel point de vue, il ne le connaissait pas à tel autre. Il le connaissait comme l’Epoux véritable et comme Fils de Dieu, nous faisant part de la plénitude de ses grâces; mais parce qu’il avait reçu de cette plénitude le pouvoir de baptiser, de telle sorte que son baptême fut appelé le baptême de Jean, il ignorait entièrement si ce privilège serait accordé à d’autres, ou bien s’il n’y aurait désormais qu’un seul et même baptême, le baptême de Jésus-Christ, peu importe d’ailleurs qu’il fût conféré par un ministre d’une sainteté éclatante, ou d’une sainteté purement intérieure, par un homme capable de produire cent, ou soixante, ou trente pour un, par le froment ou par la paille. C’est là ce qui lui fut révélé par le Saint-Esprit descendant sous la forme d’une colombe et se reposant sur le Sauveur.

 

 

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CHAPITRE XIV.

LE BAPTÊME TOUJOURS LE MÊME, MALGRÉ LA DIVERSITÉ DES MINISTRES.

 

16. Nous entendons l’Apôtre se servir d’expressions comme celles-ci : « Ma gloire ( I Cor., IX, 15 ) mon ministère (Rom., XI, 13); ma prudence (Eph., III, 4); mon  Evangile (II Tim., II, 8 ) », tout en reconnaissant que ces dons lui viennent du Seigneur; quant au sacrement dont nous parlons, nous ne voyons pas qu’aucun apôtre ait jamais dit : Mon baptême. La gloire de ces Apôtres n’est pas la même pour tous; leur ministère n’est pas égal ; ils ne sont pas tous doués de la même prudence; la prédication n’a pas été aussi fertile et aussi laborieuse pour les uns que pour les autres; on peut même ajouter que l’un a été plus savant et plus habile que l’autre dans la doctrine du salut. Et cependant de tous les chrétiens on ne peut pas dire que l’un ait été plus ou moins baptisé que l’autre, que ce sacrement lui ait été conféré par un ministre inférieur ou supérieur. « Il est aisé de connaître les oeuvres de la chair, qui sont la fornication, l’impureté, l’impudicité, la dissolution, l’idolâtrie, les empoisonnements, les inimitiés , les dissensions, les jalousies, les animosités, les querelles, les divisions, les hérésies, les envies, les meurtres, les ivrogneries, les débauches et autres choses semblables (Gal., V, 19-21)». Or, voici la réflexion que me suggèrent ces paroles: Si l’on s’étonne de voir le baptême de Jésus-Christ conféré à des hommes déjà baptisés par saint Jean, tandis qu’on ne réitère pas ce sacrement quoique conféré par des hérétiques; pourquoi ne pas s’étonner qu’on ait baptisé des hommes déjà baptisés par saint Jean, tandis qu’on ne rebaptise pas après des ministres jaloux? Dans sa lettre sur l’envie et la jalousie, Cyprien lui-même ne classe-t-il pas les jaloux au nombre des partisans du démon? ne rappelle-t-il pas, en se fondant sur le témoignage de l’apôtre saint Paul, que dès les temps apostoliques, il-se trouvait des ministres qui s’inspiraient de l’esprit de jalousie ( Cyp., Lettre LXXIII, à Jubaianus )?

 

 

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CHAPITRE XVI.

LE BAPTÊME PEUT ÊTRE VALIDE, QUOIQUE ILLICITE.

 

17. Je ne crois pas avoir besoin d’insister pour prouver que le baptême de Jean n’était pas le baptême de Jésus-Christ. Par conséquent, on pouvait fort bien baptiser après saint Jean, sans que ce fût une raison pour baptiser après les hérétiques. Saint Jean n’était pas un hérétique, et parce qu’il avait la charité de Jésus-Christ, il avait pu recevoir l’ordre de baptiser, quoique le baptême qu’il conférait ne fût pas le baptême de (138) Jésus-Christ. De même un hérétique peut avoir le baptême de Jésus-Christ et la perversité du démon, comme un membre de l’unité peut avoir le baptême de Jésus-Christ et la jalousie du démon.

18. On insiste et l’on dit : Pourquoi ne pas rebaptiser après les hérétiques, puisqu’on baptisait après saint Jean qui n’était pas hérétique? Tel autre ajoutera : Pourquoi ne pas rebaptiser après un ministre ivrogne, puisqu’on rebaptisait après saint Jean qui était d’une sobriété parfaite? A cela voici ce que nous pouvons répondre: Les hommes baptisés par saint Jean n’avaient pas le baptême de Jésus-Christ; en les rebaptisant on leur donnait ce qu’ils n’avaient pas encore reçu; quant à ceux qui ont reçu le baptême de Jésus-Christ, à quelque degré de perversité qu’ils s’abandonnent, rien ne pourra les empêcher de porter en eux ce baptême.

19. Il est donc faux de dire « que l’hérétique a pu obtenir le droit du baptême, parce qu’il a baptisé le premier»; il faudrait dire : Parce que ce n’est pas son propre baptême qu’il confère; et quoiqu’il n’ait pas eu le droit de baptiser, cependant c’est bien le baptême de Jésus-Christ qu’il a conféré, et c’est bien à Jésus-Christ qu’appartient celui qui a reçu ce sacrement. Beaucoup de choses se font contre le droit ; elles n’en sont pas moins faites et ne sont pas toujours nulles, Celui qui ne renonce au siècle que du bout des lèvres et non point par ses oeuvres; n’a pas le droit de recevoir le baptême, et cependant il le reçoit. Qu’il y eut de tels hommes dans l’Eglise, Cyprien le constatait de son temps; nous-mêmes nous en avons la preuve sous les yeux et nous en gémissons.

20. Je ne comprends pas que l’on puisse dire « que le baptême et l’Eglise ne peuvent être ni séparés ni divisés ».  Car si le baptême demeure inséparablement dans celui qui a été baptisé, comment donc ce dernier peut-il être séparé de l’Eglise, tandis que le baptême ne peut en être séparé? Or, il est certain que le baptême imprime à celui qui l’a reçu un caractère ineffaçable ; quel que soit le gouffre du mal dans lequel il se plonge, quels que soient les crimes auxquels il s’abandonne, fût-ce même à l’apostasie, il est et il reste baptisé; voilà pourquoi ce sacrement ne saurait lui être réitéré. D’un autre côté, peut-on douter qu’un homme baptisé puisse se séparer de l’Eglise ? Le nom seul des hérésies ne prouve-t-il pas qu’elles sont toutes sorties du sein de l’Eglise ? C’est par là surtout qu’elles trompent les fidèles.

 

 

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CHAPITRE XVI.

LA PRIMAUTÉ NE SE CONFOND PAS TOUJOURS AVEC L’UNITÉ.

 

Quand donc un homme baptisé se sépare de l’Eglise, il est certain qu’il ne perd pas le baptême, et par conséquent le baptême se sépare avec lui. De là je conclus que tous ceux qui possèdent le baptême n’appartiennent pas pour cela à l’Eglise ; de même tous ceux qui sont membres de l’Eglise, ne possèdent point par cela seul la vie éternelle. Ou si nous admettons que ceux-là seuls appartiennent à l’Eglise, qui observent les préceptes divins, nous trouverons que beaucoup possèdent le baptême et n’appartiennent pas à l’Eglise.

21. Il n’est donc pas vrai de dire « que l’hérétique s’empare par avance du baptême », puisque c’est de I’Eglise elle-même qu’il le reçoit. D’un autre côté, en se jetant dans le schisme il n’a pas perdu le baptême, puisque nous- avouons qu’il possède ce sacrement, quoiqu’il soit lui-même séparé de l’Eglise. De même « personne ne se dépouille de la primauté pour l’accorder à l’hérétique », puisque nous affirmons que le schismatique a emporté avec lui dans sa séparation ce même baptême qu’il ne peut conférer légitimement, et qui cependant est légitimé;et qu’il ne possède même pas légitimement ,quoique par lui-même ce baptême soit légitime. Quant à la primauté, elle consiste dans une vie juste et sainte, à laquelle sont appelés tous les enfants de l’épouse sans tache et sans ride (Ephés., V, 27), et tous les membres de cette colombe qui gémit sans cesse sur là perversité d’un si grand nombre de corbeaux. On ne dira pas sans doute que la. primauté appartient à tous ces hommes si bien figurés dans la personne d’Esaü vendant son droit d’aînesse pour un plat de lentilles (Gen., XXV, 29-34) ; je veux parler de ces ministres injustes, voleurs, usuriers, jaloux, ivrognes, comme étaient ceux sur lesquels Cyprien versait de son temps des larmes si amères.

Ainsi donc, ou appartenir à l’Eglise, ce n’est pas occuper le premier rang dans les choses  divines; ou bien, si tous ceux qui (139) appartiennent à l’Eglise jouissent par là même de la primauté, il faut regarder comme réellement séparés de l’Eglise tous ces ministres coupables qui lui appartiennent extérieurement, confèrent le baptême et le possèdent validement. Pour leur accorder la primauté dans les choses divines, ne faudrait-il pas être privé de toute notion religieuse?

 

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CHAPITRE XVII.

CONCLUSION DE LA LETTRE DE CYPRIEN.

 

22. Après toutes les explications et tous les développements qui précèdent nous arrivons à ces paroles pacifiques qui terminent la lettre de Cyprien, et qu’on ne saurait se lasser ni de lire ni de répéter, tant elles exhalent les joies de l’amour fraternel et les douceurs de la charité. « Telles sont, frère bien-aimé, les réflexions que j’ai cru devoir vous adresser dans ma médiocrité; je ne prescris ni ne préjuge rien, et je laisse à chaque évêque le droit d’agir comme il l’entendra, dans la plénitude de son libre arbitre. Pour ce qui me regarde, je m’abstiens, à l’occasion des hérétiques, de discuter avec mes collègues dans l’épiscopat; car avant tout je veux rester avec eux dans la concorde et la paix du Seigneur et me rappeler sans cesse ces paroles de l’Apôtre : Si quelqu’un aime à contester, pour nous ce n’est point là notre habitude, ni celle de l’Eglise de Dieu (I Cor., XI, 16). Nous conservons dans la patience et dans la douceur la charité de l’esprit, l’honneur du collège épiscopal, le lien de la foi, la concorde du sacerdoce. C’est dans ce but que j’ai composé un petit ouvrage sur le Mérite de la Patience, avec tout le soin que m’a permis ma médiocrité, et comptant avant tout sur la grâce et le secours de Dieu. Comme preuve de notre mutuelle dilection, je vous ai adressé ce livre ».

23. Plusieurs considérations nous restent à faire sur ces paroles, dans lesquelles brille de tout son éclat la charité chrétienne de cet évêque qui a aimé la beauté de la maison du Seigneur et la splendeur de son tabernacle (Ps., XXV, 8), Et d’abord il a clairement formulé sa pensée; ensuite il s’est renfermé dans les bornes de la mansuétude et de la paix; il a vécu en communion avec ceux qui ne partageaient pas son opinion; il a compris qu’il n’y avait de salut  et de garanties possibles que dans le lien de l’unité; il a aimé par-dessus tout cette unité et l’a conservée avec autant de prudence que de dévouement; il a compris que les partisans d’opinions différentes peuvent cependant conserver réciproquement la charité; à l’égard des méchants il ne s’est jamais flatté de conserver la concorde et la paix du Seigneur; on peut avoir de la charité pour eux, mais quant à vivre dans la paix avec eux, c’est une chose impossible, puisqu’ils se posent eux-mêmes en ennemis de la paix; enfin il n’a voulu imposer à personne ni sa manière d’agir, ni sa manière de penser, laissant chaque évêque parfaitement libre de ses oeuvres et de ses jugements, et il nous autorisait ainsi à traiter avec lui pacifiquement ces graves et importants sujets. En effet, n’est-il pas toujours présent au milieu de nous, non-seulement par ses lettres, mais surtout par cette charité que l’on vit briller en lui d’un si vif éclat, et dont jamais il ne voulut se départir?

A mon tour, si je n’en suis pas. empêché par la multitude et la gravité de mes fautes, désirant lui rester intimement uni et comptant sur le secours de ses prières, je montrerai que Cyprien, par ses lettres surtout, fut l’instrument le plus puissant dont Dieu se servit pour gouverner son Eglise dans la paix et dans les joies de l’unité. Apprenant par ses paroles à me revêtir des entrailles de l’humilité, si j’arrive à prouver que l’opinion que je partage avec l’Eglise universelle est la seule véritable, je n’aurai garde de me préférer à lui, et tout en regrettant qu’il se soit trompé, je n’oublierai pas qu’il est resté fidèlement attaché à l’unité de l’Eglise. Rappelons-nous que cette question de la réitération du baptême n’était pas encore résolue, et que Cyprien sur cette matière avait embrassé une opinion contraire à celle d’un grand nombre de ses collègues; nous comprendrons alors quelle force d’âme il dut déployer pour se maintenir toujours dans les bornes de la modération et épargner à l’Eglise de Dieu les douleurs de la division et du schisme ; à ce titre seul il me semble plus digne d’admiration, qu’il ne l’aurait été s’il fût resté dans la vérité, mais sans montrer autant de vertu. De ma part ce serait l’offenser que d’exalter son génie, son éloquence et l’abondance de sa doctrine, au détriment d’un concile général, auquel il assista spirituellement par son (140) attachement à l’unité ; ce serait là pour lui une injure d’autant plus grave que, placé dans le séjour des élus, il y jouit de tout l’éclat de cette vérité dont il avait fait sur la terre l’objet de ses paisibles recherches. Du sein de cette abondance dont il goûte les douceurs, tous nos discours qui nous paraissent si éloquents, ne lui semblent que des jeux d’enfants; il comprend combien il fut sagement inspiré de n’avoir rien de plus cher que l’unité dans l’Eglise. Ce lui est une bien douce jouissance de contempler l’infinie prévoyance et l’infinie miséricorde avec lesquelles le Seigneur, pour écraser notre orgueil, a voulu choisir ce qu’il y avait de plus insensé dans le mondé pour confondre les sages. Enfin il admiré avec quelle sagesse Dieu a coordonné les membres de son Eglise, pour empêcher que ses ministres, se prenant d’un coupable orgueil à la vue de leur génie ou de leurs écrits, n’en vinssent à ignorer l’auteur de ces dons et ne se crussent nécessaires à la diffusion de la parole évangélique.

Oh! quelle n’est pas la joie de Cyprien! Du sein de la lumière éternelle, comme il comprend qu’il importe quelquefois au salut de plusieurs, que les orateurs les plus chrétiens et les plus pieux tombent involontairement dans l’erreur, tandis que les écrits des Pêcheurs sont absolument irrépréhensibles! Appuyé sur la joie dont jouit ce grand évêque, je me croirais par trop téméraire de penser et de dire que mes livres sont exempts de toute tache et de toute erreur involontaires. Et quand je le condamne d’avoir voulu recevoir les hérétiques autrement qu’on ne les recevait dans le passé, comme il le constate lui-même, et autrement qu’on ne les reçoit aujourd’hui selon l’antique coutume sanctionnée par le décret d’un concile général, ce n’est pas mon opinion personnelle que je préfère à la sienne, mais la doctrine de la sainte Eglise catholique, qu’il a aimée et qu’il aime et dans laquelle il a produit les fruits les plus abondants par sa patience et sa douceur. Il ne fut pas l’Eglise universelle, mais il demeura dans l’universalité de l’Eglise. Il ne quitta jamais le tronc vivant de l’Eglise, mais afin qu’il y puisât une plus grande fécondité, il fut émondé par l’agriculteur céleste. Enfin, pour assurer la paix et le salut de l’Eglise, et pour empêcher que le bon grain ne fût arraché avec la zizanie, il réprouva énergiquement les crimes de ces hommes qui appartenaient extérieurement à l’unité de l’Eglise, et cependant il supporta leur présence avec une charité qui ne se démentit jamais.

 

 

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CHAPITRE XVIII.

LE BAPTÊME RESTE TOUJOURS VIVANT.

 

24. Le saint martyr nous enseigne donc clairement que beaucoup d’hommes morts au

péché, et par là même exclus de la société de Jésus-Christ et n’étant plus membres de la colombe unique, innocente et simple, paraissent cependant appartenir à l’unité, reçoivent le baptême et le confèrent, ce qu’ils ne feraient pas si la colombe seule avait le pouvoir de baptiser. Quoiqu’en eux la grâce soit morte, le baptême y vit, car il est le baptême de Celui qui ne meurt plus et sur qui la mort a perdu tout empire. De tels ministres sont réellement morts à l’unité, ou à l’âme de l’Eglise, et cette mort n’est point secrète, car autrement Cyprien ne formulerait pas contre eux des accusations aussi précises; par conséquent ils n’appartiennent pas ou ils n’appartiennent plus à cette colombe toujours vivante et pure. D’un autre côté, on doit regarder commue morts extérieurement, c’est-à-dire au corps même de l’Eglise, tous ceux qui par des crimes manifestes ont montré qu’ils n’appartiennent pas ou qu’ils n’appartiennent plus à l’Eglise. Or, il est admis en principe que « personne ne peut être vivifié « que par celui qui a la vie »; et cependant il est certain que tous ceux qui apportent au baptême une véritable conversion du coeur et l’amour de l’unité, fussent-ils baptisés; dans cette même unité, par des ministres indignes, sont réellement vivifiés, ce qui prouve que celui qui les vivifie, c’est Celui-là même qui a institué le baptême. Au contraire, s’ils ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, comme font, selon saint Cyprien, un trop grand nombre de ceux qui appartiennent à l’unité, il n’y a de vivification possible pour eux qu’autant qu’ils se convertiront sincèrement, et cependant, dussent-ils ne pas se convertir, ils ne laissent pas d’avoir le baptême véritable. Par la même raison, ceux qui sont morts extérieurement à l’unité, « quoiqu’ils ne puissent ni vivre ni vivifier», possèdent cependant le baptême vivant, qui sera pour eux le principe de la vie véritable dès qu’ils se convertiront et rentreront dans la paix de l’unité. (141) 

 

 

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CHAPITRE XIX.

L’ANCIENNE COUTUME FONDÉE SUR LA. RAISON ET LA VÉRITÉ.

 

25. Quand donc « s’appuyant sur l’ancienne coutume » nos évêques accueillaient les hérétiques comme l’Eglise les accueille aujourd’hui, c’est-à-dire avec le seul baptême qu’ils avaient reçu dans le schisme, personne n’était en droit de les blâmer et de leur dire : « Dans le principe tous les anciens hérétiques et schismatiques avaient d’abord appartenu à l’Eglise et y avaient reçu le baptême avant de se jeter dans le schisme; voilà pourquoi il n’était nullement nécessaire de les rebaptiser quand ils rentraient dans l’unité».Dès qu’une hérésie existait, dès qu’elle se séparait de la communion catholique, elle pouvait, je ne dis pas le lendemain, mais le jour même conférer le baptême à ceux qui demandaient à entrer dans son sein. Or, selon l’ancienne coutume que personne ne peut révoquer en doute, on recevait les hérétiques sans leur réitérer le baptême; n’est-il donc pas évident que dans le nombre il s’en trouvait qui n’avaient été baptisés que dans le schisme ou l’hérésie?

26. Je ne comprends pas pour quel motif on ne regarderait point « comme une brebis errante » celle qui, tout en cherchant le salut chrétien, s’est laissé séduire par l’erreur et a été baptisée par les hérétiques; peut-on la regarder comme appartenant à l’unité catholique, quand il est certain qu’elle ne renonçait au siècle que du bout des lèvres et non point par ses oeuvres, et recevait le baptême dans cette mauvaise disposition? Ou bien, si elle ne devient brebis qu’au moment où elle se tourne vers Dieu par une communion sincère, j’établirai la comparaison suivante : Celui qui avait le baptême sans devenir brebis, n’a pas besoin de recevoir le baptême quand il devient brebis; de même Celui qui renonce à l’hérésie pour devenir brebis, n’a pas besoin de recevoir de nouveau le baptême, s’il a été baptisé dans l’hérésie, quoiqu’alors il n’eût pas été brebis. Jusque dans l’unité catholique il y a des pécheurs, des avares, des jaloux, des ivrognes, des profanateurs de la discipline chrétienne, qui tous peuvent mériter le nom de menteurs, d’aveugles, de cadavres et d’antéchrists. Et cependant, soutiendra-t-on qu’ils ne baptisent pas, parce qu’il « ne peut rien y avoir de commun entre le mensonge et la vérité, entre les ténèbres et la lumière, entre la mort et l’immortalité, entre l’antéchrist et Jésus-Christ? »

27. Ce n’est donc pas seulement « au nom de la coutume, mais au nom de la raison « et de la vérité», que nous affirmons du baptême de Jésus-Christ qu’il ne peut être perverti par la perversité des hommes, et qu’il reste valide dans les plus grands pécheurs. L’apôtre saint Jean proclame hautement que « celui qui hait son frère, demeure encore « dans les ténèbres (I Jean, II, 9.)», et que « celui qui hait son frère est homicide (Id., III, 15) », Pourquoi donc de tels hommes sont-ils baptisés dans l’unité de l’Eglise par des ministres auxquels Cyprien reproche de s’abandonner à une envie haineuse (Cyp., Lettre LXXIII, à Jubaianus)?

 

 

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CHAPITRE XX.

C’EST DIEU LUI-MÊME QUI BAPTISE PAR SON MINISTRE.

 

Comment un homicide peut-il purifier et sanctifier l’eau? Comment l’huile peut-elle être bénite par les ténèbres? Or, pourvu que Dieu reste présent à ses sacrements et à ses paroles, n’importe par qui ses sacrements soient administrés, ils conservent toujours leur validité essentielle, et les pécheurs auxquels ses sacrements restent inutiles, deviennent pécheurs aussi bien dans l’unité que dans le schisme.

28. Que peut donc signifier cette parole « L’hérétique n’a pas le baptême, puisqu’il n’est pas dans l’unité de l’Eglise? » Il est certain cependant « qu’on l’interroge sur la « sainte Eglise avant de lui conférer le baptême ». De même celui qui ne renonce au siècle que du bout des lèvres, et non point par ses oeuvres, doit répondre à la même question dans la cérémonie du baptême. Or, la fausseté de sa réponse ne l’empêche pas de recevoir validement le baptême; pourquoi donc en serait-il autrement de l’hérétique? Plus tard, quand ce mauvais catholique, revenant à de meilleures dispositions, parlera franchement, on se contentera de constater sa conversion sans lui réitérer le baptême; de même doit-il en être de l’hérétique, quand il revient à l’Eglise; interrogé sur ce point il (142) avait répondu mensongèrement, parce qu’il croyait avoir ce qu’il n’avait pas; dès qu’il se convertit on lui donne ce qu’il n’avait pas, c’est-à-dire la véritable Eglise, mais on ne lui réitère pas ce qu’il a déjà validement reçu, c’est-à-dire le baptême.

Avec les paroles qui procèdent de la bouche d’un homicide, Dieu « peut sanctifier l’huile; pourquoi donc ne le pourrait-il pas sur l’autel érigé par les hérétiques? » Je l’ignore, à moins qu’on n’admette que Dieu ne s’arrête pas devant un coeur criminel appartenant à l’unité, tandis qu’il s’arrête devant le bois fallacieusement érigé dans le schisme; de telle sorte que ce même Dieu, qui ne se laisse jamais surprendre aux mensonges des hommes, se rendrait présent dans le premier cas, et dans le second refuserait son assistance aux sacrements. Si cette parole de l’Evangile « Dieu n’écoute pas le pécheur (Jean, IX, 31) », signifie que les sacrements ne peuvent être validement conférés par des ministres pécheurs; comment donc exauce-t-il l’homicide qui l’invoque soit sur l’eau du baptême, soit sur l’huile, soit sur l’Eucharistie, soit sur la tête de ceux auxquels on impose les mains? Or, ces sacrements sont quelquefois conférés et toujours validement par des homicides, c’est-à-dire par ceux qui nourrissent de la haine pour leurs frères, jusque dans l’unité de l’Eglise? « Personne ne peut donner ce qu’il n’a pas ». Comment donc un homicide donne-t-il le Saint-Esprit? Et cependant cet homicide baptise dans l’unité. C’est donc Dieu. lui-même qui, par son ministère, donne le Saint-Esprit.

 

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CHAPITRE XXI.

L’UNITÉ DU BAPTÊME ET DE L’ÉGLISE.

 

29. « Celui qui revient à l’Eglise», dit saint Cyprien, « doit être baptisé et renouvelé, afin qu’il soit. sanctifié dans l’unité par les saints ». Mais que fera-t-il donc de celui qui dans l’unité aura marché dans la voie des pécheurs? Un homicide est-il un saint? Et si l’on baptise dans l’Eglise afin que « l’hérétique se dépouille du crime qu’il a commis, quand, cherchant un prêtre pour revenir à Dieu, il est tombé dans le sacrilège par la séduction de l’erreur», comment pourra se dépouiller de sa faute celui qui dans l’unité même de l’Eglise, cherchant l’homme de Dieu, s’est adressé à un homicide par la séduction de l’erreur? Si « dans un même homme il ne peut arriver qu’une chose soit vaine, et qu’une autre prévale », pourquoi dans un homicide le sacrement peut-il être saint tandis que le coeur est coupable? Si « celui-là ne peut pas baptiser, qui ne peut pas donner « le Saint-Esprit », pourquoi l’homicide baptise-t-il dans l’unité? Ou bien, comment un homicide peut-il avoir le Saint-Esprit, puisque celui qui possède le Saint-Esprit jouit de la lumière, tandis que « celui qui hait son frère est encore dans les ténèbres? » « Parce qu’il n’y a qu’un seul baptême et un seul Esprit », si les hommes qui n’ont pas le seul Esprit ne peuvent avoir le seul baptême, pourquoi dans l’unité celui qui est innocent et celui qui est homicide ont-ils le même baptême, tandis qu’ils n’ont pas le même Esprit?

Ainsi donc l’hérétique. et le catholique peuvent avoir le seul et même baptême sans avoir la seule Eglise, comme dans l’unité celui qui est innocent et celui qui est homicide peuvent avoir le seul baptême sans avoir le même Esprit; car, comme il n’y a qu’un seul baptême, il n’y a non plus qu’un seul Esprit et une seule Eglise. Par conséquent, à l’égard de chaque homme il faut reconnaître ce qu’il a et lui donner ce qu’il n’a pas. Si « rien de bon ni de valide ne peut être fait devant le Seigneur par ceux que le Seigneur regarde comme ses adversaires et ses ennemis », pourquoi donc le baptême conféré par un homicide est-il valide? Est-ce que nous ne regardons pas les homicides comme les adversaires et les ennemis du Seigneur? Or, «celui qui hait son frère est homicide ». Comment donc conféraient-ils le baptême, ceux qui, nourrissant de la haine contre Paul, le serviteur du Christ Jésus, en nourrissaient par là même contre Jésus qui disait à Paul « Pourquoi me persécutez-vous (Act., IX, 4 )? » quand ce n’était que ses serviteurs qui étaient persécutés? A la fin du monde le souverain Juge ne doit-il pas s’écrier : « Ce que vous n’avez pas fait pour le dernier des miens, vous ne l’avez pas fait pour moi-même (Matt., XXV, 45) » Par conséquent, tous ceux qui nous quittent ne sont plus d’avec nous, mais tous ceux qui sont avec nous ne sont pas pour (143) cela des nôtres. Dans une aire où l’on bat le grain, ce qui s’envole n’est pas du froment,

mais tout ce qui reste n’est pas pour cela du froment. De là ces paroles de saint Jean : « Ils sont sortis d’avec nous, mais ils n’étaient pas des nôtres. Car s’ils eussent été des         nôtres ils tussent demeurés avec nous (I Jean, II, 19)». Ainsi donc Dieu ne craint pas de se servir

des méchants pour nous donner le sacrement de la grâce; quant à la grâce elle-même, s’il nous la donne, c’est par lui-même et par ses saints. Par exemple, s’il s’agit de la rémission des péchés, il nous l’accorde par lui-même ou par les membres de la colombe auxquels il a dit: « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Jean, XX, 23 ) ». Quant au baptême, qui est par excellence le sacrement de la rémission des péthés, il est certain qu’il peut être possédé par les homicides, encore plongés dans les ténèbres puisqu’ils n’ont pas arraché de leur coeur la haine fraternelle; d’un autre côté, doit-on dire que ce sacrement, reçu dans des coeurs mai disposés, n’y a pas opéré la rémission des péchés, ou que ces péchés à peine remis ont repris une existence nouvelle? Je ne saurais me prononcer sur ce point. Quoi qu’il en soit, j ‘affirme sans hésiter que par lui-même et en tant qu’il vient de Dieu ce sacrement est saint, et que, soit dans l’unité, soit dans le schisme, il ne saurait être souillé par la perversité ni de ceux qui le donnent ni de ceux qui le reçoivent.

 

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CHAPITRE XXII.

CONDITIONS DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.

 

30. Nous disons donc avec Cyprien: « Les hérétiques ne peuvent donner la rémission « des péchés » ; mais ils peuvent donner le baptême, sauf que cette collation est pour eux une cause de ruine, soit qu’ils le donnent soit qu’ils le reçoivent, parce qu’alors ils font un mauvais usage de l’un des plus grands bienfaits de Dieu. De même les ministres pêcheurs et jaloux dont Cyprien constatait la présence dans l’unité de l’Eglise ne peuvent donner par eux-mêmes la rémission des péchés, quoiqu’ils puissent sans aucun doute conférer le sacrement de baptême. A l’égard de ceux qui nous ont offensés, l’Ecriture nous dit: « Si vous ne pardonnez pas les péchés de vos frères, votre Père céleste ne « vous pardonnera pas davantage vos propres péchés (Matt., VI, 15)‘ » ; à plus forte raison n’y aura-t-il aucune rémission des péchés pour ceux qui rendent à leurs frères la haine pour l’amour et reçoivent le baptême dans cette coupable disposition. Si plus tard ils reviennent à de meilleures dispositions, le pardon qu’ils n’avaient pas d’abord mérité leur est accordé, sans qu’il soit aucunement besoin de leur réitérer le baptême.

De là nous pouvons conclure que la lettre de saint Cyprien à Quintus, et celle qu’il écrivit, de concert avec ses collègues Libéralis, Caldonius, Junius et autres, à Saturninus, Maximus et autres, pour peu qu’on les étudie sérieusement, ne contredisent nullement l’ancienne coutume de l’Eglise catholique, dont ils se glorifiaient d’être les membres, dont ils ne se séparèrent jamais et dont ils n’exclurent aucun de ceux qui ne partageaient pas leurs opinions. Plus tard toute difficulté disparut sur ce point, lorsqu’il plut à la volonté du Seigneur de décider, par la voix d’un concile général, le seul parti conforme à la vérité et reposant, non point sur une nouveauté quelconque, mais sur une coutume de tout temps observée.

 

 

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CHAPITRE XXIII.

RÉFUTATION DE LA LETTRE DE CYPRIEN A POMPÉIUS.

 

31. Cyprien traita le même sujet dans une lettre à Pompéius, et à cette occasion il avoue sans détour qu’Etienne, alors évêque de Rome, loin de partager son opinion, la réfute par écrit et prescrit de suivre la coutume contraire. On n’accusera pas cependant ce pape « d’avoir été en communion avec les hérétiques », parce qu’il refusa de condamner comme invalide le baptême de Jésus-Christ, dont il reconnaissait la validité, malgré la perversité de ceux qui le conféraient ou le recevaient. En effet, s’il suffit d’avoir sur Dieu des idées erronées pour perdre le baptême; n’ai-je pas suffisamment prouvé que ces idées sont parfois embrassées par certains catholiques? Sans doute « les Apôtres n’ont rien statué sur ce point » ; mais cette coutume que l’on opposait à Cyprien, ne doit-on pas lui reconnaître une origine apostolique, (144) et l’assimiler ainsi à une multitude d’autres pratiques traditionnelles que l’on fait remonter légitimement aux Apôtres, quoiqu’elles ne se trouvent consignées dans aucun de leurs ouvrages?

32. Mais il est écrit des hérétiques qu’ « ils se sont eux-mêmes condamnés (Tit., III, 11 ) ». Est-ce donc par d’autres que par eux-mêmes qu’ont été condamnés ceux à qui s’adresse cette parole: « En condamnant les autres, vous vous condamnez vous-mêmes? » C’est encore à eux que l’Apôtre disait: « Vous qui proclamez qu’on ne doit point dérober, vous dérobez (Rom., II, 1, 21 )», etc. Ces reproches ne s’adressent-ils pas à ces évêques restés en communion avec l’Eglise catholique, et avec Cyprien lui-même, et qui s’emparaient frauduleusement du bien d’autrui, tout en rappelant aux peuples ces paroles de l’Apôtre: « Les voleurs ne posséderont pas le royaume de Dieu (I Cor., VI, 10 ) ? »

33. Je vais donc, sans plus tarder, examiner successivement et d’après les mêmes principes , les propositions émises par Cyprien, dans sa lettre à Pompéius. « Il est contraire au précepte de Dieu que ceux qui renoncent à l’hérésie ne reçoivent pas le baptême, lors même qu’ils auraient été baptisés dans l’hérésie » ; dans quel endroit des saintes Ecritures ce précepte est-il donc formulé ? N’est-il pas évident qu’un grand nombre de pseudo-chrétiens possèdent le même baptême que les saints, quoiqu’ils ne possèdent pas avec eux cette charité sans laquelle les dons les plus sacrés ne peuvent leur être d’aucune utilité ? Cette vérité, d’ailleurs, me semble suffisamment prouvée par tout ce qui précède. « L’Eglise, le Saint-Esprit et le baptême ne peuvent être séparés l’un:de l’autre; par conséquent, ceux qui sont séparés de l’Eglise, le sont également du Saint-Esprit et même du baptême ». Selon cette doctrine de Cyprien, quiconque a reçu le baptême dans l’Eglise catholique, demeure dans ce baptême tant qu’il demeure lui-même dans l’Eglise; et, s’il se sépare de l’Eglise, il se sépare par le fait même du baptême. Or, il n’en est point ainsi. Car si ce dernier revient à l’Eglise, on ne lui réitère pas le baptême ; et pourquoi donc, si ce n’est parce qu’il ne l’avait pas perdu en se jetant dans le schisme? D’un autre côté, si les justes possèdent le Saint-Esprit, les méchants ne le possèdent pas , et pourtant les uns et les autres possèdent le baptême ; de même les catholiques possèdent la véritable Eglise tandis que les hérétiques ne la possèdent pas, et cependant le baptême leur est commun à tous. Nous lisons : « Le Saint-Esprit fuira l’hypocrite (Sag., I, 5 )», et cependant le baptême ne le fuira pas. De même donc que le baptême reste, tandis que le Saint-Esprit se retire ; de même le baptême peut être là où n’est pas l’Eglise. « L’imposition des mains, pourvu qu’elle ne se fasse pas sur un homme qui « revient de l’hérésie » , serait regardée comme parfaitement innocente ; or, les hérétiques convertis reçoivent l’imposition des mains, en vertu de leur union avec la charité qui est le don par excellence du Saint-Esprit, et sans laquelle tous les autres dons ne sont absolument d’aucune utilité pour le salut.

 

 

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CHAPITRE XXIV.

CONTINUATION DU MÊME SUJET.

 

34. Nous avons Suffisamment montré dans quel sens on doit interpréter ce qui est dit « du temple de Dieu», ou ces autres paroles: « Vous tous qui êtes baptisés en Jésus-Christ, vous êtes revêtus de Jésus-Christ (Gal., III, 27 )». Et d’abord les avares ne sont pas le temple de Dieu, puisqu’il est écrit : « Quelle union peut-il y avoir entre le temple de bien et les idoles (II Cor., VI, 16)? » Or, Cyprien lui-même a cité le passage dans lequel saint Paul fait de l’avarice une véritable idolâtrie. Ensuite les hommes se revêtent de Jésus-Christ, quelquefois jusqu’à la réception du sacrement, et quelquefois jusqu’à la sanctification de leur vie. Dans le premier cas nous pouvons rencontrer indistinctement les bons et les méchants dans le second nous ne trouvons que les hommes justes et pieux. Si donc « le baptême ne peut exister sans le Saint-Esprit », il faut admettre que les hérétiques possèdent le Saint-Esprit, non pas pour leur salut, mais pour leur ruine éternelle à l’exemple de Saül (I Rois, XIX, 23 ). Les démons sont chassés par la vertu du nom de Jésus-Christ dans le Saint-Esprit; or, nous lisons dans l’Evangile que les disciples rencontrèrent un juif qui était hors de l’Eglise et qui cependant chassait les démons ( marc., IX, 37 ). Les avares ont le baptême, et cependant ils ne sont pas le temple de Dieu, car « quelle union peut-il y (145) avoir entre le temple de Dieu et les idoles?» Si donc les avares ont le baptême sans avoir l’Esprit de Dieu, ne faut-il pas en conclure que le baptême peut exister là où ne se trouve pas le Saint-Esprit?

35. Si « l’hérésie ne peut engendrer des enfants à Dieu par Jésus-Christ, parce qu’elle n’est pas l’épouse de Jésus-Christ », cette foule de pécheurs appartenant à l’unité ne le peut pas davantage, puisqu’elle n’est pas non plus l’épouse de Jésus-Christ. En effet, l’épouse de Jésus-Christ nous est désignée comme étant sans tache et sans ride (Eph., V, 27 ). Ainsi donc, ou bien tous ceux qui sont baptisés ne sont pas enfants de Dieu, ou bien ces enfants de Dieu peuvent être engendrés par celle qui n’est pas l’épouse. Comme on demande « si celui qui a reçu le baptême de Jésus-Christ parmi les hérétiques est né spirituellement », on peut également demander si l’on doit reconnaître une naissance spirituelle à celui qui a reçu le baptême dans l’Eglise catholique, mais sans y apporter les dispositions d’un repentir véritable, ce qui n’empêche pas que le baptême soit valide.

 

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CHAPITRE XXV.

SAINT ÉTIENNE ET SAINT CYPRIEN.

 

36. Je ne réfuterai pas les arguments que Cyprien, sous le coup d’une certaine irritation, opposait à saint Etienne; d’ailleurs cette réfutation n’est nullement nécessaire, car sauf la forme ce sont toujours les objections que nous avons discutées dans les livres précédents ; abstenons-nous donc d’insister sur ces matières qui ont pu donner lieu à de fâcheuses dissensions. Etienne opinait pour excommunier ceux qui tenteraient de changer l’ancienne coutume jusque-là suivie dans la réintégration des hérétiques ; Cyprien, tout pénétré des difficultés de la question, et enflammé de toutes les ardeurs de la charité, soutenait qu’il fallait rester en communion avec ceux-là mêmes qui professaient des opinions opposées. De part et d’autre la discussion devint très-vive, mais sans sortir des bornes de la fraternité, et la paix de Jésus-Christ finit enfin par remporter un éclatant triomphe, puisqu’il n’y eut même pas jusqu’à l’apparence d’un schisme. C’est donc une erreur de soutenir « que cette question fut comme le point de départ de l’accroissement des schismes et des hérésies »; on se contenta d’approuver ce qui vient de Jésus-Christ et de désapprouver ce qu’il y avait d’exclusivement personnel. Du reste, tous ceux qui voulurent rester fidèles à cette prétendue loi de la réitération du baptême, n’eurent plus à invoquer de nouveaux arguments, sous peine de se voir aussitôt confondus.

 

 

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CHAPITRE XXVI.

L’ÉVÊQUE DOIT ENSEIGNER ET S’INSTRUIRE.

 

37. Citant ces paroles de l’Apôtre: «L’évêque doit être capable d’instruire (II Tim., II, 24 ) », Cyprien les commente en ces termes : « Celui-là est capable d’instruire qui sait apporter dans ses leçons beaucoup de douceur et de patience; car l’évêque doit non-seulement enseigner, mais encore apprendre; or, celui qui instruit le mieux, c’est celui qui profite de chaque jour pour développer et perfectionner ses connaissances ». Ces paroles du saint et pieux évêque nous prouvent que nous n’avons point à redouter la lecture de ses lettres comme si elles devaient ébranler notre croyance et notre conviction par rapport aux décisions solennellement formulées par l’Eglise, après de nombreuses et constantes recherches. En effet, si la science de Cyprien pouvait se prononcer sur un grand nombre de sujets, son humilité lui permettait d’apprendre chaque jour quelque chose. Suivons surtout cet excellent conseil qu’il nous donne: « Remontons aux sources, c’est-à-dire à la tradition apostolique, et suivons-en le cours jusqu’à l’époque où nous sommes ». Or, il rappelle lui-même que nous avons appris des Apôtres « qu’il y a un Dieu, un Christ, une « espérance, une foi, une Eglise et un baptême ( Eph., IV, 4, 5) ». Or, du temps même des Apôtres, nous trouvons que certains hommes n’avaient pas la même espérance et avaient un seul et même baptême; de là nous pouvons conclure qu’il peut arriver que, malgré l’unité d’Eglise, d’espérance et de baptême, quelques chrétiens aient le même baptême sans avoir la même Eglise; comme autrefois d’autres avaient le même baptême sans avoir la même espérance. Comment pouvaient-ils n’avoir qu’une seule et même espérance avec les saints, ceux qui s’écriaient: « Mangeons et buvons, car nous mourrons demain (I Cor., XV, 32 ) »; ce qui prouve qu’ils ne croyaient pas à la résurrection des morts? (146)  Toutefois c’est parmi eux encore que se trouvaient ces hommes à qui l’Apôtre écrivait : « Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous? Avez-vous donc été baptisés au nom de Paul ( I Cor., I, 13 )? » Ils étaient baptisés, et cependant l’Apôtre n’hésite pas à leur dire : « Comment donc quelques-uns parmi vous osent-ils dire qu’il n’y a point de résurrection des morts (Id., XV, 12 )? »

 

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CHAPITRE XXVII.

L’ÉGLISE, JARDIN FERMÉ, FONTAINE SCELLÉE, SOURCE D’EAU VIVE.

 

38. C’est bien l’Eglise qui nous est dépeinte dans ces paroles du Cantique des cantiques « Elle est un jardin fermé, mon épouse et ma soeur, la fontaine scellée, la source d’eau vive, le paradis avec l’abondance de ses fruits (Cant., 17, 12 ) ». Ces paroles me semblent ne s’appliquer qu’aux saints et aux justes, et non aux avares, aux fraudeurs, aux voleurs, aux usuriers, aux ivrognes, aux envieux. Sans doute le baptême est absolument le même pour tous, mais tous n’ont pas la charité; telle est la doctrine clairement formulée dans la lettre de Cyprien, comme nous avons pu nous en convaincre par les différents passages que nous avons cités. On me demande « comment dans ce jardin fermé, dans cette fontaine scellée ont pu se glisser » tous ceux que Cyprien nous signale comme appartenant à l’unité, quoiqu’ils n’aient renoncé au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres? S’ils sont dans l’unité, ils sont par là même l’épouse de Jésus-Christ; or, de tels membres ne doivent-ils pas souiller cette Eglise sans tache et sans ride ( Eph., V, 27 ), cette colombe unique et éclatante de beauté? Ces pécheurs sont-ils ces épines au milieu desquelles se dresse « le lis » dont nous parle le même livre des Cantiques ( Cant., II, 2 )? Comme l’Eglise est le lis au milieu des épines, elle est également le jardin fermé et la fontaine scellée; elle est cela dans la personne de ces justes qui sont les véritables juifs dans la circoncision du coeur ( Rom., II, 29 ), selon cette parole du Psalmiste « Toute la beauté de la fille du roi est dans l’intérieur ( Ps., XLIV, 14 ) ». Tels sont ceux qui constituent le nombre déterminé des élus que Dieu s’est choisis dès avant la formation du monde. A ce nombre vient s’adjoindre extérieurement la multitude des épines, rejetées, soit par une séparation occulte, soit par une séparation publique. « J’ai annoncé», dit le Seigneur, « et j’ai parlé; ils se sont multipliés au-delà du nombre ( Ps., XXXIX, 6 ). »

Quant au nombre des justes qui ont été appelés selon le décret éternel ( Rom., VIII, 28 ) dit: « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ( II Tim., II, 19 ) »; c’est ce nombre qui constitue « le jardin fermé, la fontaine scellée, la source d’eau vive, le paradis aux fruits abondants». Dans ce nombre, il en est qui vivent spirituellement et marchent sans cesse dans la voie suréminente de la charité. Si quelqu’un tombe par surprise dans quelque péché, ils le relèvent dans un esprit de douceur et s’appliquent eux-mêmes à ne point succomber à la tentation ( Gal., VI, 1 ). Ont-ils le malheur de tomber eux-mêmes? la charité se refroidit dans un certain degré, mais bientôt elle reprend son cours et son ardeur primitive. Car ils savent s’écrier: « Mon âme s’est endormie sous le poids de la tristesse; affermissez-moi dans la confiance en vos paroles ( Ps., CXVIII, 28 ). Ainsi, lors même qu’ils partageraient sur certains points des opinions diverses, pourvu qu’ils persévèrent dans les liens de la paix et de la charité, Dieu leur révélera ce qu’ils doivent croire en toutes choses (Philipp., III, 15 ).

Quant à ceux dont la vie était jusque-là charnelle et animale, ils tentent sans cesse de s’élever à une vie supérieure, et se nourrissent du lait des mystères, afin de se rendre capables de la nourriture plus solide des hommes spirituels. Dans ce but, et sous l’inspiration salutaire de la crainte de Dieu, ils retranchent peu à peu de leur conduite tout ce que l’opinion populaire y signale de dépravé; ils redoublent de vigilance sur eux-mêmes, afin de se soustraire de plus en plus à l’entraînement des choses terrestres et temporelles; ils recherchent avec avidité la règle de la foi et s’y attachent fidèlement, sauf à chercher dans l’autorité catholique le remède à tout ce qui pourrait encore leur échapper d’illégal et de coupable, car toujours plus ou moins entraînés par le sens charnel, ils flottent parfois à la dérive sur les vagues de leur imagination.

Enfin, dans ce nombre, il en est encore qui mènent une vie criminelle, et sont plus ou moins les esclaves de l’hérésie ou des ( 147) superstitions païennes; et cependant, même parmi eux, « Dieu connaît ceux qui sont à lui ». En effet, grâce à l’ineffable prescience de Dieu, beaucoup de ceux qui paraissent hors de l’Eglise appartiennent réellement à l’unité, tandis que beaucoup de ceux qui paraissent dans l’unité sont réellement hors de l’Eglise. Or, tous ceux qui appartiennent à l’unité, de quelque manière que ce soit, lors même que ce serait secrètement, constituent « ce jardin fermé, cette fontaine scellée, cette source d’eau vive, ce paradis aux fruits délicieux et abondants ». Parmi les bienfaits qu’ils ont reçus de Dieu, les uns leur sont propres et personnels, comme leur infatigable charité dans cette vie, et le bonheur éternel après la mort; d’autres sont communs tout à la fois aux bons et aux méchants, aux justes et aux pécheurs : tels sont en particulier les saints mystères.

 

 

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CHAPITRE XXVIII.

L’ARCHE DE NOÉ, AUTRE FIGURE DE L’ÉGLISE.

 

39. Mais si l’Eglise peut être facilement comparée à quelque chose, c’est à l’arche de Noé ( Gal., VI, VII ). Saint Pierre s’exprime en ces termes « Dans l’arche, très-peu de personnes, huit seulement, furent sauvées des eaux du déluge; ce qui était la figure à laquelle répond « maintenant le baptême, qui ne consiste pas dans la. purification des souillures de la chair, mais dans la purification de la conscience ( I Pierre, III, 20, 21 ). Or, il est des hommes qui, ne renonçant au siècle que dans leurs paroles et non point dans leurs oeuvres, sont regardés cependant comme baptisés dans l’Eglise catholique; mais comment donc ceux qui n’ont pas là conscience pure peuvent-ils appartenir à ce mystère de l’arche ?Comment peuvent être sauvés par l’eau ceux qui, faisant un mauvais usage du saint baptême, persévèrent jusqu’à la fin de leur vie dans des moeurs criminelles, quoiqu’ils paraissent appartenir à l’unité? Comment ne sont pas sauvés par l’eau ceux qui, après avoir été baptisés dans l’hérésie, ont été reçus dans l’Eglise, selon l’ancienne coutume, c’est-à-dire, comme Cyprien le constate lui-même, sans aucune réitération du baptême? Puisque dans cette unité de l’arche personne n’est sauvé que par l’eau, c’est donc aussi par ce même moyen que ces anciens hérétiques ont obtenu leur salut. Cyprien nous dit lui-même: « Dieu, dans son infinie miséricorde, est tout-puissant pour vous pardonner et pour faire jouir des richesses de son Eglise ceux qui se sont endormis dans. l’unité de l’Eglise après y avoir été reçus sans aucune réitération du baptême ( Cyp., Lettre LXXIII, à Jubaianus ). Si donc ils n’ont point été sauvés par l’eau, comment ont-ils été sauvés dans l’arche? Et s’ils ne l’ont pas été dans l’arche, comment l’ont-ils été dans l’Eglise? S’ils ont été sauvés dans l’Eglise, ils l’ont été dans l’arche, et s’ils l’ont été dans l’arche, ils l’ont été par l’eau. Il peut donc arriver que tels hommes qui ont été baptisés dans le schisme, soient traités par la prescience de Dieu comme ayant été baptisés dans l’unité, en ce sens que l’eau commence à être utile à leur salut, car, même dans l’arche, ils ne peuvent être sauvés que par l’eau. De même, tels hommes qui paraissaient baptisés dans l’unité sont regardés par la prescience divine comme ayant été baptisés dans le schisme; car en faisant du baptême un mauvais usage, ils meurent réellement par l’eau, et pour mourir ainsi, ne faut-il pas être en dehors de l’arche?

Ainsi donc, pour juger si l’on appartient à l’unité de l’Eglise ou au schisme, on doit examiner, non point les dispositions du corps, mais uniquement celles du coeur. En effet, tous ceux qui appartiennent à l’unité par le coeur, sont sauvés dans l’unité de l’arche par cette même eau, par laquelle meurent tous ceux qui sont hors de l’unité par le coeur, et sont regardés comme les adversaires de cette unité, soit qu’ils lui appartiennent, soit qu’ils ne lui appartiennent pas corporellement. De même donc que c’est la même eau qui sauve ceux qui sont dans l’arche et perd ceux qui sont hors de l’arche, de même les bons catholiques sont sauvés par le même baptême qui perd les mauvais catholiques et les hérétiques. J’ai déjà dit ce que Cyprien pensait de l’unité catholique; j’ai déjà montré que le poids de sa grande autorité suffit pour écraser les hérétiques. Cependant, si Dieu me le permet, je traiterai avec plus d’abondance et de clarté cette importante matière. Mais, auparavant, je dois étudier sérieusement le concile de Carthage, et c’est ce que je me propose de faire, avec l’aide de Dieu, dans le livre suivant. (148)

 

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