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LIVRE SIXIÈME : Le Concile de Carthage.
Examen du concile de Carthage, célébré sous linspiration de saint Cyprien
LA CONDUITE DE CYPRIEN ET CELLE DES DONATISTES.
SAINT PIERRE ET LES GENTILS, SAINT CYPRIEN ET LES HÉRÉTIQUES.
VALIDITÉ DU BAPTÊME DANS LES MÉCHANTS.
LE SAINT-ESPRIT, SEUL PRINCIPE DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.
LE BAPTÊME A PAR LUI-MÊME SA SAINTETÉ ET SON EFFICACITÉ.
DISCOURS DE SAINT CYPRIEN, À LOUVERTURE DU CONCILE.
NÉCESSITÉ DE CONSERVER LA PAIX ET LUNITÉ.
OPINION DE POLYCARPE DADRUMÈTE.
OPINION DE NOVATUS DE THAMUGADE.
OPINION DE NÉMÉSIANUS DE TUBUNIS.
OPINION DE JANUARIUS DE LAMBÈSE.
OPINION DE NICOMÈDE DE SÉGERME.
OPINION DE SÉCUNDINUS DE CÉDIAS.
OPINION DE THÉOGÈNE DHIPPÔNE-ROYAL.
OPINION DE FORTUNATUS DE THUCCABORUM.
OPINION DE SÉDATUS DE TUBURBE.
OPINION DE PRIVATIANUS DE SUFETULA.
OPINION DE PRIVATUS DE SUFIBE.
OPINION DHORTENSIANUS DE LARIBE.
OPINIONDE CASSIUS DE MACOMADE.
OPINION DE JANUARIUS DE CÉSARÉE.
OPINION DE SECUNDINUS DE CARPES.
OPINION DE VICTORICUS DE THABRACA.
OPINION DE LUCIUS DE THÉBESTE.
OPINION DE JANUARIUS DE MUZULUM.
OPINION DADELPHIUS DE THASBALTE.
OPINION DE DÉMÉTRIUS DE LEPTIS.
OPINION DE VINCENT DE THIBARIS.
CHAPITRE PREMIER.LA CONDUITE DE CYPRIEN ET CELLE DES DONATISTES.
1. Tous les raisonnements que nous avons formulés à différentes reprises, toutes les discussions que nous avons soulevées, tous les témoignages que nous avons empruntés aux divines Ecritures, enfin, les aveux aussi nombreux que frappants de Cyprien lui-même ont été plus que suffisants, je crois, pour prouver aux intelligences les plus communes que le baptême de Jésus-Christ ne peut être souillé par la perversité ni de celui qui le donne, ni de celui qui le reçoit. Toute. fois, à une époque où lancienne coutume de lEglise pouvait être attaquée sans détruire ni la charité, ni lunité, quelques évêques, dailleurs très-distingués, ayant à leur tête le bienheureux Cyprien, ne surent pas distinguer le sacrement de son effet ou de son usage, et, par suite de cette erreur, décidèrent que le baptême de Jésus-Christ ne pouvait appartenir aux hérétiques ou aux schismatiques. Comme le baptême a pour effets la rémission des péchés et la purification du coeur, et comme ces effets ne peuvent se produire dans les hérétiques, ils en conclurent que les hérétiques ne pouvaient avoir le sacrement, puisquils nen avaient pas les effets. La grande quantité de paille que lon rencontre jusque dans lunité de lEglise, attirait leurs regards; ils en conclurent que ceux qui mènent, jusque dans lunité, une vie criminelle et perverse, ne peuvent ni donner ni recevoir la rémission des péchés; il leur parut évident que ce nest pas aux sujets révoltés, mais aux disciples fidèles que furent adressées ces paroles : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Jean XX, 23 ) ». Toutefois, ils nignoraient pas que le pouvoir de posséder, de conférer et de recevoir le baptême était hautement reconnu aux hérétiques par les pasteurs de lEglise répandue sur toute la terre, pouvoir qui plus tard se trouva confirmé par lautorité dun concile général sanctionnant lantique coutume de lEglise. Il fut alors solennellement proclamé que la brebis qui errait dans le schisme, avait reçu de la main de ses meurtriers eux-mêmes le caractère qui la rattachait au troupeau du Seigneur, et quen revenant au salut de lunité chrétienne, elle échappait à lesclavage, recevait la guérison de toutes ses blessures et devait sattendre à voir, non point annuler, mais valider le caractère qui lui avait été imprimé par le sacrement primitif. Combien de loups qui paraissent appartenir à lunité, impriment à dautres loups ce précieux caractère! et cependant, ni les uns ni les autres nappartiennent de droit à lunité, car ils en sont exclus par leurs moeurs coupables, dans lesquelles ils persévèrent jusquà la fin. Dans sa prescience infinie, Dieu ne voit-il pas un grand nombre de brebis errer hors de lEglise, tandis quun grand nombre de loups portent le ravage dans son sein? Mais le Seigneur connaît ceux qui sont à lui; ce sont ceux qui nécoutent dautre voix que celle du Pasteur, dût cette voix se faire entendre par lorgane dautres pharisiens dont il est dit : « Faites ce quils vous disent (Matt., XXIII, 3 ) ». 2. Un homme spirituel, parvenu à la fin du précepte, cest-à-dire à la charité procédant dun coeur pur, dune conscience bonne et dune foi véritable (I Tim., I, 5 ), mais subissant encore linfluence de son corps toujours soumis à la. corruption, et toujours un poids pour lâme ( Sag., IX, 15 ), peut quelquefois se tromper dans ses vues et ses opinions, et avoir besoin que Dieu lui révèle ce quil devra croire en toutes choses, même au sein de lunité ( Phil., III, 15 ). De même, dans un homme charnel et pervers, il peut encore se trouver quelque chose de bon et dutile qui ne vient pas de lui, mais dun principe supérieur. Un cep de vigne, tout fertile quil soit, a besoin dêtre émondé pour porter des fruits plus abondants; de même, un rameau (149) stérile ou desséché peut encore servir à suspendre un raisin. Ce serait une folie daimer les sarments séparés dun cep fertile, tandis quil est sage de cueillir les fruits en maturité, quelque part quils soient suspendus. De même, tout schismatique qui réitère le baptême pour se conformer à lopinion de Cyprien, qui jugeait à propos de rebaptiser tous ceux qui sortaient de lhérésie, prouve quil rejette de ce saint martyr ce qui est digne de louange, tandis quil sattache à ce qui doit être rejeté, sans cependant obtenir le résultat quil se promettait. En effet, si dun côté Cyprien invalidait le baptême pour tous ceux qui le recevaient dans lhérésie, dun autre côté il condamnait sévèrement et par un saint zèle tous ceux qui se séparaient de lunité. Les Donatistes, au contraire, regardent comme une chose à peu près indifférente de se séparer de lunité de Jésus-Christ, et prétendent que le baptême a cessé dexister dans lEglise pour se réfugier exclusivement dans leur secte. Bien loin de leur reconnaître la fécondité de Cyprien, je ne dois même pas les assimiler à celles des branches de ce grand docteur, qui mériteraient dêtre retranchées.
CHAPITRE II.SAINT PIERRE ET LES GENTILS, SAINT CYPRIEN ET LES HÉRÉTIQUES.
3. Il peut également arriver quun ministre déjà privé de la charité et engagé dans une voie criminelle paraisse encore appartenir à lunité, quoique par le fait il soit hors de 1Eglise, et sabstienne de réitérer le baptême à ceux qui reviennent de lhérésie; or, malgré toutes les apparences, ce nest plus quun rameau stérile , auquel un fruit étranger pourra rester suspendu, mais sans lui communiquer le moindre germe de fécondité. De même il peut se faire que tel autre ministre, appartenant à lunité et à la charité, et adhérant à la saine doctrine dans les points sur lesquels Cyprien sest trompé, porte des fruits bien moins abondants que Cyprien, et soit plus répréhensible que ne létait Cyprien lui-même. Non-seulement donc nous ne comparons pas les mauvais chrétiens à lévêque de Carthage, mais nous nosons même pas établir de comparaison entre les bons chrétiens et ce bienheureux martyr, que notre mère la sainte Eglise énumère parmi ceux de ses enfants qui ont été doués des grâces les plus rares et les plus excellentes. Ceux-ci, cependant, reconnaissaient la validité du baptême des hérétiques, tandis que Cyprien la niait. Mais si ce dernier sest trompé, faute de lumières spéciales suffisantes, son attachement indissoluble à lunité restera toujours comme une preuve authentique pour démontrer aux hérétiques que le lien de la paix ne peut être rompu, sans quon se rende coupable dun horrible sacrilège. Les pharisiens aveugles disaient quelquefois ce que lon devait faire, et cependant, personne noserait les comparer à lapôtre saint Pierre, quoique ce dernier eût quelquefois commandé ce quil fallait défendre. Laridité des uns nest pas plus à comparer à la vitalité de lautre, que les fruits de certains autres ne sont à comparer à labondance de celui-ci. Personne aujourdhui nordonne aux Gentils de judaïser, et cependant, on noserait comparer à lapostolat de Pierre, lévêque qui actuellement présenterait les caractères de la sainteté la plus sublime. Ainsi donc, rendant à cet illustre évêque et à ce glorieux martyr Cyprien toute la révérence, tout lhonneur et tout le respect dont je suis capable, je nhésite pas à déclarer que, sur la .question du baptême à conférer de nouveau aux hérétiques et aux schismatiques, il a professé une opinion contraire à la vérité et à la doctrine émise, non point par moi, mais par lEglise universelle et sanctionnée par décret dun concile général. De même, vénérant dans saint Pierre le prince des Apôtres et le plus glorieux des martyrs, jose dire quil se trompait en ordonnant aux Gentils de judaïser; cette doctrine nest point de moi, mais de lapôtre saint Paul, doctrine éuivie et conservée par lEglise universelle (Gal., II, 14 ). 4. Oui, sans doute, je constate toute mon infériorité par rapport à Cyprien ; et cependant sil sagit de lopinion même de Cyprien, je la condamne et je déclare que les bons et les méchants peuvent posséder, conférer et recevoir le sacrement de baptême; les bons, dune manière utile et salutaire; les méchants, pour leur ruine et leur malheur éternel. Je déclare que dans les uns et les autres le baptême conserve toute son intégrité, sans tenir aucun compte ni de la plus ou moins grande perversité des uns, ni de la plus ou moins grande perfection des autres. (150) Par conséquent, le baptême reste valide, indépendamment des crimes ou des vertus de celui qui le reçoit. En effet, ce sacrement porte en lui-même sa sainteté essentielle, à laquelle najoute rien ou de laquelle ne retranche rien la sainteté ou la perversité plus ou moins grande de ceux qui le reçoivent.
CHAPITRE III.VALIDITÉ DU BAPTÊME DANS LES MÉCHANTS.
5. Mappuyant sur les saintes Ecritures et sur les écrits de Cyprien, jai suffisamment prouvé, je crois, le pouvoir quont les méchants, sobstinant même dans leur malice, de posséder, de conférer et de recevoir le baptême. Dun autre côté, ces méchants, quoique paraissant dans lunité, nappartiennent pas à la sainte Eglise de Dieu, par cela seul quils sont avares, voleurs, usuriers, jaloux, malveillants. Car cette Eglise est la colombe unique (Cant., VI, 8 ), chaste et pudique; lépouse sans tache et sans ride (Eph., V, 27 ), le jardin fermé, la fontaine scellée, le paradis aux fruits délicieux et abondants ( Cant., IV, 12, 13 ). Or, ces caractères et autres semblables ne sappliquent à lEglise quen tant quelle est formée de membres bons, saints et justes, cest-à-dire, non pas seulement selon les opérations divines communes aux bons et aux méchants, mais encore selon lintime et superéminente charité de ceux qui possèdent le Saint-Esprit et à qui le Seigneur adresse ces paroles : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ( Jean, XX, 23 ) ».
CHAPITRE IV.LE SAINT-ESPRIT, SEUL PRINCIPE DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS.
6. Puisquil est prouvé quun méchant peut avoir le baptême, à quel titre lui refuserait-on le droit de le conférer? Il le confère comme il le possède, cest-à-dire pour sa ruine; et encore, si le baptême par lui conféré na que des effets pernicieux, ce nest point précisément parce quil est conféré, ou parce quil est conféré par un indigne ministre, mais parce quil est conféré à un sujet indigne. En effet, supposé quun ministre indigne ait à baptiser un sujet appartenant à lunité et sincèrement converti, la malice du ministre ne saurait avoir pour effet de priver un sujet bien disposé, de lheureuse efficacité du sacrement. Quand donc ce catéchumène sincèrement converti reçoit la rémission de ses péchés, ces péchés lui sont réellement remis par ceux auxquels lunit sa conversion sincère. En effet, qui donc efface ces péchés, si ce nest le Saint-Esprit lui-même? et le Saint-Esprit nest donné quà ceux qui vivent dans la justice et sont unis dans les liens de lunité, soit dune manière visible et corporelle, soit dune manière invisible. De même, quand les péchés de quelquun sont retenus, ils le sont également par ceux à lunité desquels le coupable a cessé dappartenir en sabandonnant à une vie criminelle et à la perversion de son coeur, soit quon le connaisse comme tel, soit que de trompeuses apparences empêchent de le reconnaître.
CHAPITRE V.LE BAPTÊME A PAR LUI-MÊME SA SAINTETÉ ET SON EFFICACITÉ.
7. De là je conclus quil existe entre les méchants et les bons une véritable séparation spirituelle; et si des dissensions manifestes rendent cette séparation publique et corporelle, cest un nouveau crime ajouté à tous les autres. Mais, comme je lai dit précédemment, la sainteté essentielle du baptême est absolument indépendante de la perversité de celui qui le donne ou de celui qui le possède. Toutefois, un schismatique peut conférer ce sacrement comme il peut le posséder; il le possède pour sa ruine et le confère pour sa réprobation. Quant au sujet, il nest point lui-même schismatique, et sil présente les dispositions requises, il trouve dans le baptême un principe efficace du salut et de la rémission des péchés. Ne peut-il pas arriver que des catéchumènes, animés dun véritable esprit catholique et attachés de coeur à la paix et à lunité, se sentant tout à coup menacés par la mort, sadressent à un hérétique et reçoivent de ses mains le baptême, sans quils aient à subir les atteintes de sa perversité, et sans aucune intention dappartenir pendant leur vie ou après leur mort à un schisme contre lequel ils protestent de toute leur âme? Mais si le baptême est reçu par un schismatique, ses (151) effets sont aussi pernicieux quils auraient été bons si le sacrement avait été conféré dans des conditions légitimes; plus il aurait été efficace pour procurer le salut dans lunité, plus il le devient pour la ruine de celui qui reste dans le schisme. Au contraire, sil renonce à sa perversité et à sa séparation, et quil revienne sincèrement à la paix catholique, aussitôt par lefficacité du baptême quil a reçu précédemment, ses péchés lui sont remis, sous linfluence du lien de charité, tandis quils lui étaient retenus à cause de son schisme sacrilège. Par conséquent, quil soit reçu par un juste ou par un pécheur, le baptême conserve toujours sa sainteté essentielle, absolument indépendante de la justice ou de liniquité de celui qui le confère ou de celui qui le reçoit. 8. Cette conclusion est de toute évidence. Si donc nous voyons les collègues de Cyprien partager son opinion et tenter de la confirmer par leur propre manière de voir; cet accord, bien loin de nuire à la vérité, ne fait que rendre de plus en plus manifeste la charité du saint martyr pour lunité de lEglise. En effet, si lévêque de Carthage était resté seul de son avis, on pourrait croire que sil ne sest pas jeté dans le schisme, cest uniquement parce quil navait trouvé personne pour partager sou erreur. Au contraire, quand nous lui voyons de nombreux partisans, et quand nous lentendons proclamer en présence de ses collègues gagnés à sa cause quil veut rester indissolublement attaché à lunité, ne devons-nous pas conclure que sil a conservé intact le lien sacré de lEglise universelle, cest uniquement par amour de la paix et non point par crainte dun honteux isolement? Par conséquent, il pourrait paraître superflu de relever chacune des opinions émises par ces évêques au concile de Carthage; mais il est certains esprits lents qui sont tentés de croire que telle objection est restée sans réponse parée quon y a répondu ailleurs et non point, à lendroit même où elle était formulée. Si vous ne les écrasez pas par une lecture abondante et détaillée, ils ne comprennent pas et se plaignent quon ne leur ait pas offert une réfutation suffisante.
CHAPITRE VI.DISCOURS DE SAINT CYPRIEN, À LOUVERTURE DU CONCILE.
9. Rappelons dabord les paroles prononcées par Cyprien lui-même, car il suffit de les énoncer pour comprendre son ardent amour de la paix et son ardente charité. « Bien-aimés collègues, vous venez dentendre ce que notre coévêque Jubaianus nous écrit, nous consultant, malgré notre médiocrité, sur le baptême illicite et profane des hérétiques. Vous avez vu que dans ma réponse je déclare, comme nous lavons souvent déclaré, que les hérétiques qui reviennent à lEglise, doivent être baptisés et sanctifiés par le baptême de lEglise. Enfin, la seconde lettre de Jubaianus, écrite dans toute la sincérité de sa foi et de sa religion, nous apprend, non-seulement quil adhère à notre décision, mais encore quil nous remercie de lavoir instruit et éclairé. Ce quil nous reste à faire, cest donc démettre chacun notre opinion sur ce point, sans prétendre toutefois ni juger personne, ni priver du droit de communion celui qui formulerait une opinion contraire. En effet, aucun dentre nous ne sest constitué lévêque des évêques; aucun naspire à frapper dune crainte tyrannique ses propres collègues, pour les contraindre à suivre son avis. Car tout évêque jouit de sa pleine liberté et de toute sa puissance, et ne peut pas plus être jugé par un autre évêque, quil ne peut le juger lui-même. Attendons le jugement suprême de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui seul a le pouvoir de nous préposer au gouvernement de son Eglise, et de nous juger selon nos uvres (Concile de Carthage ).
CHAPITRE VII.NÉCESSITÉ DE CONSERVER LA PAIX ET LUNITÉ.
10. Dans les livres précédents nous avons discuté assez longuement la lettre de Cyprien à Jubaianus, celle à Quintus, celle quil écrivit de concert avec quelques collègues et quil adressa à dautres collègues, et celle enfin quil composa pour Pompélus; dans toutes ces lettres nous avons constaté lattachement de Cyprien et de ses collègues pour lunité catholique dont ils se faisaient gloire dêtre les membres. Il ne nous reste donc plus quà examiner (152) lopinion formulée par chacun de ses collègues; cest ce que nous ferons avec toute la liberté que nous donnent ces paroles du saint martyr: « Ne jugeant personne, et nous abstenant de priver du droit de communion celui qui émettrait une opinion contraire ». Ces paroles nétaient point de sa part une embûche quil dressait pour surprendre les secrets de ses collègues, mais lexpression franche et sincère de son amour pour la paix et pour lunité; on peut dailleurs sen convaincre très-facilement en le voyant écrire à chacun des évêques, dans le même sens quil écrivait à Jubaianus: « Cest là », lui dit-il, « la réponse que jai cru devoir vous faire dans ma médiocrité; je ne prescris rien à personne, je ne préjuge rien, chaque évêque reste parfaitement le maître dagir comme il lentend et conserve pleinement son libre arbitre ». Craignant même quon ne vînt à conclure de ses paroles lexpulsion de tout évêque qui userait de toute la liberté qui lui était laissée, Cyprien ajoute : « Pour ce qui nous regarde, nous évitons avec soin la dénomination dhérétiques dans toutes nos discussions avec nos collègues et coévêques, et notre plus grand soin est de conserver entre nous la concorde divine et la paix du Seigneur ». Un peu plus loin il continue: « Nous conservons dans la patience et la douceur, la charité de lesprit, lhonneur du collège sacerdotal, le lieu de la foi, la concorde du sacerdoce (Cyp., Lettre LXXXIII.) ». Dans sa lettre à Magnus, saint Cyprien, examinant la question de savoir sil y a une différence entre le baptême par immersion et le baptême par ablution, ajoute : « Sur ce sujet nous ne voulons imposer à personne, comme règle de conduite, notre humilité et notre modestie; chacun reste libre de penser ce quil voudra, et dagir en conséquence ( Cyp., Letre LXIX ) ». Tout cela nous prouve quà lépoque de saint Cyprien, ces questions, bien loin dêtre résolues, étaient lobjet dactives recherches, et soulevaient de grandes difficultés. Plus heureux aujourdhui nous enseignons lunité et la simplicité du baptême, telle quelle est prouvée par lantique coutume de lEglise, et solennellement confirmée par décret dun concile général. Toutefois les paroles mêmes de Cyprien ne font quaugmenter ma confiance, car elles me prouvent que sur les points restés libres je puis émettre telle ou telle opinion, pourvu que je reste sincèrement attaché à lunité. Cest ainsi quont agi Cyprien et ses collègues dans le concile de Carthage. ils nignoraient pas que lopinion quils formulaient nétait point partagée par tous les évêques catholiques; cependant ils sy attachèrent, et ne craignirent pas de lancer lanathème contre les calomnies séditieuses des hérétiques et des schismatiques, les foudroyant au nom de ce même Jésus-Christ qui a dit par son Apôtre : « Vous supportant réciproquement dans la charité; vous appliquant à conserver lunité desprit dans le lien de la paix (Eph., IV, 2, 3 ) » ; et encore : « Si vous avez sur dautres points des opinions différentes, Dieu vous révélera ce « que vous devez en croire ( Philip., III, 15 ) ». Ainsi donc, tout en conservant avec ces évêques le lien de la paix et de lunité, tout en cherchant à les imiter sur ce point, autant que Dieu nous en fait la grâce, nous allons citer et réfuter les diverses opinions émises dans le concile par les collègues de Cyprien.
CHAPITRE VIII.OPINION DE CÉCILIUS DE BILTA.
11. Cécilius de Bilta sexprima en ces termes : «Je ne connais quun seul baptême, lequel ne se trouve que dans lEglise; hors de lEglise, point de baptême. Le baptême unique ne peut se trouver que là où règnent lespérance véritable et la foi certaine. De là ces paroles: Une seule foi, une seule espérance, un seul baptême ( Eph., IV, 4, 5 ). Comment se trouverait-il parmi les hérétiques, puisque leur espérance est nulle, et leur foi radicalement fausse? Parmi eux, dailleurs, tout nest que mensonge, les démoniaques eux-mêmes ne craignent pas dy exorciser. Celui dont la bouche et les paroles lancent le poison interroge sur le sacrement; linfidèle donne la foi, le scélérat accorde la rémission des péchés; lantéchrist baptise au nom de Jésus-Christ, celui qui est maudit de Dieu verse dabondantes bénédictions; celui qui est mort promet la vie, celui qui naime que la guerre donne la paix; le blasphémateur invoque le Très-Haut, le profane administre le sacerdoce, le sacrilège érige lautel. A tous ces maux ajoutez celui-ci : Le ministre du démon ose offrir lEucharistie. Je défie ceux dont je parle de soutenir que (153) sur tous ces points nous calomnions les hérétiques. Voilà cependant à quelle triste nécessité lEglise se voit réduite; on la condamne à rester en communion avec des hommes qui ne possèdent ni le baptême ni la rémission des péchés. Nous devons, mes frères, repousser de toutes nos forces cette dure nécessité, protester contre une conduite aussi criminelle et proclamer lunité du baptême, dont la possession ne se trouve que dans lEglise ». 12. A cela je réponds que lon peut confesser Dieu dans ses paroles et le nier par ses oeuvres. Tels sont les avares, les envieux et tous ceux que lapôtre saint Jean nous signale comme homicides ( I Jean, 3, 15 ), à cause de la haine quils nourrissent dans leur coeur; ils nont pas lespérance, puisquils portent une conscience mauvaise; ils sont parjures, puisquils naccomplissent pas les serments quils ont faits à Dieu; ils sont menteurs, puisquils professent lerreur; ils sont démoniaques, puisquils donnent entrée dans leur coeur au démon et à ses anges; leur langage produit la corruption, puisquils corrompent les bonnes moeurs par leurs conversations mauvaises; ils sont infidèles, puisquils se rient des menaces que Dieu fait entendre à ces sortes de pécheurs; ils sont criminels, puisquils mènent une vie coupable; ils sont antéchrists, puisque leurs moeurs sont en opposition directe avec Jésus-Christ; ils sont maudits de Dieu, puisque la sainte Ecriture na pour de tels hommes que des malédictions; ils sont morts, puisquils sont privés de la vie de la justice; ce sont des profanes, puisquils sont spirituellement séparés du sanctuaire intérieur du Tout-Puissant; ce sont des sacrilèges, puisque par leur vie coupable ils souillent en eux-mêmes le temple de Dieu; ils sont les suppôts du démon, puisquils se rendent les esclaves de la fraude et de lavarice, qui est une espèce didolâtrie. Or, lapôtre saint Paul et Cyprien lui-même nous affirment quil se trouve de tels hommes jusque dans lunité. Pourquoi donc baptisent-ils? Pourquoi donc des hommes qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, reçoivent-ils le baptême avant davoir changé de conduite, et pourquoi ne pas leur réitérer le baptême quand ils se convertissent? Mais voici le sublime de lindignation: « Telle est cependant», sécrie-t-il, « la triste nécessité à laquelle lEglise se voit réduite: on la condamne à rester en communion avec des hommes qui nont reçu ni le baptême ni la rémission des péchés! » Ce langage ne prouve-t-il pas quil est des évêques qui imposent à leurs collègues ce triste devoir? Cest ce qui prouve le sage parti quavaient embrassé tous ceux qui restèrent strictement fidèles à lantique coutume, confirmée depuis par lautorité dun concile général. Mais que signifient les paroles suivantes : « Nous devons, mes frères, repousser de toutes nos forces cette dure nécessité et protester contre une conduite aussi criminelle? » Si ces paroles prouvent quil agit autrement et quil réprouve cette conduite, cest autre chose; mais sil entend par là condamner et réprouver ceux qui partagent lopinion contraire à la sienne, il se met en contradiction formelle avec les paroles de Cyprien, précédemment citées : « Ne jugeant personne et nous abstenant de priver du droit de communion ceux qui partagent lopinion contraire ».
CHAPITRE IX.OPINION DE FÉLIX DE MIGIRPA.
13. Félix de Migirpa opina en ces termes: « Je pense que le baptême doit être réitéré à quiconque sort de lhérésie. En effet, cest en vain quil se flatterait dêtre déjà baptisé, puisquil ny a de baptême unique et véritable que dans lEglise, car il ny a quun seul Seigneur, une seule foi et une seule Eglise, dans laquelle se trouvent le baptême unique, la sainteté et les autres biens spirituels. Tout ce qui saccomplit hors de lEglise nest daucune utilité pour le salut». 14. Nous répondons à Félix de Migirpa : Sil ny avait de baptême unique et véritable que dans lEglise, il ne pourrait être possédé par aucun de ceux qui se séparent de lunité. Or, ils le possèdent, car si à leur retour ils ne sont pas soumis à la réitération de ce sacrement, cest uniquement parce quils navaient pas cessé de le posséder en se séparant de lEglise. Il ajoutait: « Tout ce qui se fait hors de lEglise nest daucune efficacité pour le salut » ; cette proposition est dune parfaite exactitude, jy applaudis sans réserve. Car autre chose est de ne rien posséder hors de lEglise, autre chose est de le posséder (154) inutilement. Que les hérétiques rentrent dans le sein de lEglise, et ce qui leur était inutile produira en abondance des fruits de salut.
CHAPITRE X.OPINION DE POLYCARPE DADRUMÈTE.
15. Polycarpe dAdrumète sécria : « Ceux qui approuvent le baptême des hérétiques, invalident le nôtre ». Je réponds : Si vous appelez baptême des hérétiques celui qui est conféré par les hérétiques, vous appellerez donc baptême des avares et des homicides celui qui est conféré par des avares et des homicides. Nier cette conséquence rigoureuse, cest également nier le principe ; et par conséquent le baptême est toujours le baptême de Jésus-Christ, quels que soient dailleurs les ministres qui le confèrent.
CHAPITRE XI.OPINION DE NOVATUS DE THAMUGADE.
16. Novatus de Thamugade sexprima en ces termes: « Nous savons que toute la sainte Ecriture rend témoignage au baptême et à son efficacité, et cependant nous nen devons pas moins exprimer notre foi. Je soutiens donc que les hérétiques et les schismatiques qui reviennent à IEglise doivent de nouveau recevoir le baptême, car cest à tort quils paraissent baptisés. Voilà pourquoi, selon le témoignage des Ecritures et la décision de nos saints et illustres collègues, nous baptisons tous ceux des hérétiques et des schismatiques qui reviennent à lEglise, et nous traitons comme de simples laïques ceux dentre eux qui passaient pour revêtus des saints ordres ». 17. Novatus nous dit bien ce quil faisait, mais il napporte aucune raison pour prouver que cétait là ce quil devait faire. « Il invoque le témoignage des Ecritures et la décision de ses collègues », mais il ne cite aucune preuve dont nous ayons à examiner la valeur.
CHAPITRE XII.OPINION DE NÉMÉSIANUS DE TUBUNIS.
18. « Toutes les pages des saintes Ecritures nous prouvent que le baptême conféré par les hérétiques et les schismatiques nest pas le véritable baptême ; en effet, leurs ministres ne sont que de faux chrétiens et de faux prophètes, à qui sapplique parfaitement cet oracle divin formulé par Salomon : Celui qui sappuie sur le mensonge, nourrit les vents et suit les oiseaux dans leur vol ( Prov., X, 4 ), En effet, il déserte les voies de sa vigne, et séloigne des sentiers de son champ. Au contraire, il sélance dans les lieux abrupts et arides, sur une terre destinée à la soif, et se condamne à des travaux infructueux. Il est dit encore : Abstenez-vous de leau étrangère et ne buvez pas à la source inconnue, afin que vous viviez longtemps et quil vous soit donné de longs jours. Dans 1Evangile, le Seigneur Jésus nous adresse ces solennelles paroles : Celui qui ne renaît pas de leau et du Saint-Esprit, ne peut entrer dans le royaume des cieux ( Jean, III, 3 ). Cest là cet Esprit qui dans le principe était porté sur les eaux ( Gen., I, 2 ). En effet, lEsprit ne peut opérer sans leau, ni leau sans lEsprit. Cest donc une fausse interprétation de dire quils reçoivent le Saint-Esprit par limposition des mains, et quils sont ainsi reçus dans lEglise ; nest-il pas évident quils doivent renaître dans lEglise catholique par chacun de ces deux sacrements? Alors seulement ils pourront être les enfants de Dieu, selon cette parole de lApôtre : Sappliquant à conserver lunité dun même esprit par le lien de la paix. Vous nêtes tous quun corps, quun esprit, comme vous navez tous été appelés quà une même espérance. Il ny a quun Seigneur, une foi, un baptême, un Dieu ( Eph., IV, 3-5 ). Tel est aussi le langage de lEglise catholique. Nous lisons également dans lEvangile: Ce qui est né de la chair, est chair; et ce qui est né de lEsprit, est esprits ; car lEsprit est Dieu et il est né de Dieu . Donc toutes les oeuvres des hérétiques et des schismatiques sont charnelles, selon cette parole de lApôtre. Il est aisé de connaître les oeuvres de la chair, qui sont la fornication, limpureté, limpudicité, linceste, lidolâtrie, les empoisonnements, les inimitiés, les dissensions, les jalousies, les animosités, les querelles, les divisions, les hérésies et autres choses semblables; et je vous déclare, comme je vous lai déjà dit, que ceux qui commettent ces crimes ne seront point (155) héritiers du royaume de Dieu ( Gal., V, 19-21 ). Au nombre des criminels quil condamne, lApôtre signale ceux qui sèment la division, cest-à-dire les hérétiques et les schismatiques. Si donc ils ne reçoivent pas le baptême salutaire dans lEglise catholique essentiellement une, ils ne peuvent être sauvés et seront condamnés au jugement de Dieu avec tous les hommes charnels ». 19. Némésianus a fait preuve dérudition en citant tous ces témoignages de la sainte Ecriture; mais il ignorait sans doute quil plaidait lui-même en faveur de lEglise catholique dont nous embrassons et défendons la doctrine. A moins peut-être que ce ne soit pas sappuyer sur le mensonge, que de mettre sa confiance dans les choses temporelles, comme font les avares, les voleurs et tous ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres toutes personnes qui cependant baptisaient et étaient baptisées dans lunité, comme nous latteste Cyprien lui-même (Lettre XIII, aux Clercs. ). Ces hommes ne sont-ils pas de ceux « qui suivent les oiseaux dans leur vol rapide (Prov., X, 4 )», car ils ne saisissent jamais ce quils désirent? « Il déserte les voies de sa vigne, et sécarte du sentier de son champ ; il sélance dans des lieux abrupts et arides, sur une terre destinée à la soif, et se condamne à des travaux infructueux » ; ces paroles sappliquent non-seulement à lhérétique, mais à quiconque sabandonne au péché, car toute justice porte des fruits, et toute iniquité est stérile. Quant à ceux « qui boivent de leau étrangère à une source étrangère e, ce ne sont pas seulement les hérétiques, mais encore tous ceux qui ne vivent pas selon les préceptes du Seigneur, et règlent leur conduite selon les enseignements du démon. Dailleurs, si le Prophète eût parlé du baptême, il naurait pas dit: « Ne buvez pas à une source étrangère » ; mais : Ne vous lavez pas à une source étrangère. Quant à ces paroles du Sauveur: « Celui qui ne renaît pas de leau et du Saint-Esprit « ne peut entrer dans le royaume de Dieu ( Jean, III, 5 )», je ne vois pas quelle utilité Némésianus peut en tirer pour le but quil se propose. En effet, autre chose est de dire : Quiconque entrera dans le royaume des cieux a dû dabord renaître de leau et du Saint-Esprit, car sil ne renaît pas de leau et du Saint-Esprit, il nentrera pas dans le royaume des cieux, et tel est le sens véritable de la parole du Sauveur; autre chose est de dire : Quiconque renaît de leau et du Saint-Esprit entrera dans le royaume des cieux; une telle proposition est évidemment fausse. Simon le Magicien était né de leau et du Saint-Esprit (Act., VIII, 13 ), et cependant il nentra pas dans le royaume des cieux. La même chose peut - arriver aux hérétiques. Dun autre côté, sil ny a pour renaître du Saint-Esprit que celui qui se convertit sincèrement, tous ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, sont donc nés, non point de lEsprit, mais uniquement de leau; et cependant, Cyprien nous les présente comme appartenant à lunité. Nécessairement donc, il faut nous concéder lune ou lautre de ces deux propositions : ou bien ceux qui ne renoncent pas sincèrement au siècle naissent de lEsprit, quoique ce soit pour leur ruine et non pas pour leur salut, et alors, nous pourrons ranger les hérétiques dans cette catégorie; ou bien, sil est impossible de naître de lEsprit quand on ne renonce que mensongèrement au siècle, car la sainte Ecriture a dit : « Le Saint-Esprit fuit avec horreur toute feinte dans la discipline ( Sag., I, 5 ) », alors il faut conclure que lon peut être baptisé dans leau, sans naître de lEsprit, et cest à tort que Némésianus a dit: « LEsprit ne peut opérer sans leau, « ni leau sans lEsprit». Or, dans les livres précédents, nous avons souvent montré comment il peut se faire que ceux qui nappartiennent pas à une seule et même Eglise, reçoivent cependant un seul et même baptême. De même, parmi ceux qui appartiennent à lunité de lEglise, les uns possèdent le Saint-Esprit à cause de leur justice, tandis que dautres lont chassé par leur avarice, et cependant, tous nont quun seul et même baptême. Comme il a été dit: « Un seul corps», cest-à-dire lEglise, il a été dit également : « Un seul Esprit et un seul baptême ». Quant aux autres passages cités par Némésianus, ils sont tous en faveur de la thèse que nous soutenons. Dabord ces paroles de lEvangile : « Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de lEsprit est esprit ( Jean, III, 6 ); car « Dieu est esprit et lEsprit est né de Dieu ( Id., IV, 24 ) - Il en tire cette conclusion : « Donc, toutes les (156) oeuvres des hérétiques et des schismatiques sont des oeuvres charnelles, selon cette parole de lApôtre : Il est aisé de connaître les oeuvres de la Chair, qui sont la fornication, limpudicité », et autres crimes semblables parmi lesquels lApôtre énonce les hérésies, en ajoutant que « ceux qui commettent ces crimes ne seront point héritiers du royaume de Dieu ( Gal., V, 19-21 ). Némésianus continue: «LApôtre met donc au nombre de tous ces criminels ceux qui sèment la division, cest-à-dire les hérétiques et les schismatiques ». Il était fort à propos que dans cette énumération des oeuvres de la chair, il trouvât signalées les hérésies, et que toutes ces oeuvres fussent frappées dune seule et même condamnation. Maintenant donc, quil interroge saint Cyprien et quil apprenne de ce saint martyr quil est beaucoup de chrétiens qui appartiennent à lunité et qui cependant vivent selon les oeuvres de la chair, réprouvées par lApôtre en même temps que lhérésie, et que, malgré cette vie charnelle, ils baptisent et sont baptisés. Pourquoi donc soutenir que les hérétiques seuls nont pas le baptême, quand la condamnation qui les frappe leur associe un si grand nombre de compagnons dinfortune?
CHAPITRE XIII.OPINION DE JANUARIUS DE LAMBÈSE.
20. Voici les paroles de Januarius de Lambèse: « Mappuyant sur lautorité des saintes Ecritures, je déclare que tous les hérétiques doivent être baptisés, et que ce nest quà cette condition quils doivent être admis dans lEglise ». 21. Je réponds: Selon lautorité des divines Ecritures , un concile universel a décrété quon ne doit jamais invalider le baptême de Jésus-Christ, même quand on le rencontre dans les hérétiques. Dailleurs, si Januarius avait daigné citer ces passages de lEcriture, nous lui aurions prouvé ou quils ne sont pas contre nous, ou quils sont pour nous. Cest ce que nous ferons pour lorateur suivant.
CHAPITRE XIV.OPINION DE LUCIUS DE CASTRES.
22. Lucius de Castres sexprima ainsi : « Le Seigneur a dit dans lEvangile : Vous êtes le sel de la terre; si donc le sel saffadit, ce qui aura été salé ne méritera plus que dêtre jeté dehors et foulé par les passants ( Matt., V, 13 ). De même, après la résurrection, quand il envoie ses Apôtres, il leur dit: Toute puissance ma été donnée au ciel et sur la terre, allez donc et enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ( Id., XXVIII, 18, 19 ). Or, il est certain que les hérétiques, cest-à-dire les ennemis de Jésus-Christ, ne possèdent pas la profession intègre du sacrement; de même il est certain que les schismatiques ne peuvent donner le sel de la sagesse spirituelle, car, en se séparant de lEglise, ils sont devenus insensés et rebelles. Par là même, il ny a plus à attendre que la réalisation de cette parole : La demeure des profanateurs de la loi devra être purifiée ( Prov., XIV, 9, selon les Sept. ); et dès lors, tous ceux qui ont été baptisés par ces ennemis de Dieu sont sortis de ce baptême beaucoup plus coupables quils nétaient et doivent enfin être baptisés ». 23. Et dabord, Lucius nous oppose ce passage de lEvangile « Vous êtes le sel de la terre; si donc le sel saffadit, ce qui aura été salé ne méritera plus que dêtre jeté dehors et foulé par les passants ». Quand donc avons-nous soutenu que les hommes jetés hors de lEglise eussent quelque pouvoir pour leur salut ou pour le salut des autres? Quant à ces sels affadis que lon trouve dans lunité, non-seulement ils en sont séparés spirituellement, mais, à la tin du monde, ils se verront encore rejetés corporellement. Ils ne peuvent absolument rien, et cependant on ne saurait regarder comme radicalement nul le sacrement de baptême quils ont reçu. Tout séparés quils sont, quils se convertissent et reviennent, et le salut quils avaient perdu leur sera rendu; mais, quant au baptême, il na pas à leur revenir, puisquil ne les avait pas quittés. Viennent ensuite ces autres paroles du Sauveur : « Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit » Ce nest quaux bons que Jésus-Christ permet de baptiser, car il naurait pas dit aux méchants : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les (157) retiendrez ( Jean, XX, 23 ). Comment donc des méchants qui ne peuvent remettre les péchés peuvent-ils baptiser dans lunité? Comment osent-ils baptiser des méchants dont ils ne reçoivent aucun signe de conversion, et qui portent sur eux le poids de leurs péchés, selon cette parole de saint Jean : « Celui qui hait son frère est encore dans les ténèbres ( I Jean, II, 9 )? » Au contraire, dès que ces pécheurs se convertissent, dès quils sunissent, par les liens de la charité, à ceux qui, dans lEglise, ont le pouvoir de pardonner; aussitôt, eussent-ils été baptisés par des méchants, ils obtiennent la rémission de leurs péchés. De même en est-il de ceux qui reviennent de lhérésie et rentrent sincèrement dans lunité du corps de Jésus-Christ, et sunissent par le lien de la paix. Toutefois, quil sagisse des uns ou des autres, le baptême ne dois être méconnu ni en lui-même, ni dans sa validité, soit avant quils se convertissent, quoiqualors le sacrement ne leur soit daucune utilité, soit lorsquils se convertissent, car alors le sacrement produit tous ses effets, « tandis quen se séparant de lunité de lEglise, ils étaient devenus insensés et rebelles et navaient plus à attendre que laccomplissement de cette parole: La demeure des profanateurs de la loi devra être purifiée. Par conséquent », dit-il, « tous ceux qui ont été baptisés par ces ennemis de Dieu sont sortis de ce baptême beaucoup plus coupables quils nétaient, et doivent enfin être baptisés ». Or, des voleurs et des homicides ne sont-ils pas les profanateurs dune loi formulée en ces termes : « Vous ne tuerez point, vous ne prendrez pas le bien dautrui ( Exod., XX, 13, 15 )? » « Quils doivent donc être purifiés », qui pourrait en douter? Et cependant, ni ceux qui sont baptisés dans lunité par ces homicides et ces voleurs, ni même ceux qui, apportant au baptême ces crimes ou autres semblables sans en éprouver aucun repentir, sortent du sacrement plus coupables et plus obligés encore à une conversion véritable; ni les uns ni les autres nont besoin de recevoir de nouveau le baptême, quand Dieu leur donne la grâce de se convertir. A nos yeux, tant est grande lefficacité du baptême une fois conféré, que nous en défendons la réitération à tous ceux qui lont reçu, quel quait été dailleurs le désordre de leur conduite.
CHAPITRE XV.OPINION DE CRESCENT DE CIRTA.
24. Crescent de Cirta sexprima en ces termes : « En présence de cette auguste assemblée de nos collègues dans le sacerdoce; après la lecture des lettres de notre bien-aimé Cyprien à Jubaianus et à Etienne; après linterprétation qui y est donnée des passages les plus formels et les plus imposants des saintes Ecritures; frappé par lévidence et persuadé par la grâce de Dieu qui nous rassemble, je déclare que les hérétiques et les schismatiques qui veulent entrer dans lunité de lEglise catholique ne doivent y être reçus quaprès avoir reçu lexorcisme et le baptême; je nexcepte que ceux qui ont été baptisés dans lEglise catholique avant de tomber dans lhérésie, car pour les réconcilier à lEglise il leur suffit de limposition des mains pour la pénitence ». 25. Nous devons nous demander de nouveau pourquoi il excepte « ceux qui ont été baptisés dans lEglise catholique avant de tomber dans lhérésie ». Est-ce parce quils nont pas perdu ce quils avaient reçu dans lunité? Mais pourquoi ne pouvaient-ils pas donner dans le schisme ce quils pouvaient posséder dans le schisme? Cette collation serait-elle illicite? mais la possession même est illicite; et cependant elle existe; ne doit-il pas en être de même de la collation du sacrement? elle est illicite hors de lEglise, mais elle nen est pas moins valide. Dun autre côté, la condition de celui qui revient à lEglise après y avoir été baptisé, est la même que pour celui qui demande à y entrer après avoir été baptisé dans le schisme ; à tous deux il est donné de posséder licitement dans lunité ce quils possédaient illicitement dans le schisme. On demandera peut-être ce qua dit sur cette question le bienheureux Cyprien dans sa lettre à Etienne, puisque lévêque Crescent invoque lautorité de cette lettre, tandis quil nen avait été fait aucune mention dans les préliminaires du concile. Or, je crois que cette lettre ne pouvait être daucune importance dans le débat engagé. Crescent affirme que cette lettre a été lue dans lassemblée des évêques, et je le crois sans aucune difficulté, car il était tout naturel que ces évêques fussent tout désireux de connaître ce que cette (158) pièce pouvait leur apprendre sur la question qui les occupait. Or, elle est absolument étrangère à la matière que nous discutons, et si quelque chose métonne, ce nest pas quelle ait été omise dans les préliminaires du concile, mais que lévêque de Cirta ait cru devoir la mentionner. Dailleurs, si quelquun pouvait maccuser de noser produire une pièce importante du procès, je me contenterais de linviter à la lire attentivement et à se convaincre de la justesse de mon observation; du reste, sil y trouve quelque argument à faire valoir, quil lexpose et nous y répondrons. En attendant, je soutiens que cette lettre est absolument étrangère à la question du baptême conféré dans les rangs des hérétiques ou des schismatiques.
CHAPITRE XVI.OPINION DE NICOMÈDE DE SÉGERME.
26. Voici comment sexprima Nicomède de Ségerme: « Mon avis est que lon doit conférer le baptême aux hérétiques qui veulent entrer dans lEglise, car hors de lunité les pécheurs ne peuvent obtenir la rémission de leurs péchés ». 27. Je réponds : LEglise catholique enseigne quon ne doit point réitérer le baptême à ceux des hérétiques qui, après avoir été baptisés dans lhérésie, demandent à entrer dans lEglise. En effet, sil ny a point de rémission des péchés parmi les pécheurs, les pécheurs, dans lunité, ne peuvent pas davantage remettre les péchés; et cependant on ne réitère pas le baptême à ceux que ces pécheurs ont baptisés.
CHAPITRE XVII.OPINION DE MONNULUS DE GIRBA.
28. Monnulus de Girba sexprima en ces termes: « Nous conservons et nous avons toujours conservé la vérité de lEglise catholique notre mère, et surtout quant au baptême conféré au nom de la Trinité, selon cette parole du Sauveur: Allez, baptisez les nations au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ( Matt., XXVIII, 19 ). Or, nous savons dune manière certaine que les hérétiques nont ni le Père, ni le Fils ni le Saint-Esprit; par conséquent, lorsquils demandent à entrer dans lEglise, ils doivent renaître et recevoir le baptême, afin de trouver dans ce bain salutaire le remède au chancre qui les dévorait et le pardon des crimes qui faisaient peser sur eux tout le poids de la vengeance divine ». 29. Je réponds que tous ceux qui reçoivent le baptême avec la forme prescrite dans lEvangile ont la foi au Père, au Fils et au Saint-Esprit; quant à traduire cette foi dans leur conduite et dans leurs oeuvres, le font-ils ceux qui jusque dans le sein de lunité se couvrent de honte et dexécration?
CHAPITRE XVIII.OPINION DE SÉCUNDINUS DE CÉDIAS.
30. Le Sauveur a dit: « Celui qui nest point avec moi est contre moi ( Matt., XII, 30 ); et lapôtre saint Jean appelle antéchrists ceux qui sortent de lunité de lEglise ( I Jean, II, 18 ). Il est donc certain que les ennemis de Jésus-Christ et tous ceux qui méritent le nom dantéchrists, ne peuvent conférer la grâce du baptême salutaire; doù je conclus pour les hérétiques qui renoncent à lerreur afin dentrer dans lEglise, labsolue nécessité dêtre baptisés par nous à qui Dieu dans sa bonté veut bien donner le nom damis ». 31. Je réponds que nous devons regarder comme adversaires de Jésus-Christ, nonobstant cette protestation et autres semblables: « Seigneur, navons-nous pas accompli beaucoup de prodiges en votre nom? » tous ceux à qui il sera dit à la fin des temps : « Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi, vous tous qui accomplissez liniquité ( Matt., VII, 22, 23 ) ». Si toute cette paille persévère jusquà la fin dans sa malice, soit quelle senvole hors de lEglise avant la ventilation, soit quelle paraisse encore appartenir à lunité, toute la destinée qui lattend ce sont les flammes éternelles. Si donc ceux des hérétiques qui reviennent à lEglise doivent être baptisés, afin quils puissent recevoir le baptême de la main des amis de Dieu; va-t-on regarder comme amis de Dieu ces avares, ces voleurs, ces homicides? ou bien faudra-t-il réitérer le baptême à tous ceux quils ont baptisés?
CHAPITRE XIX.OPINION DE FELIX DE BAGAÜM.
32. « De même que si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans la (159) fosse ( Matt., XV, 14.), de même si un hérétique baptise un hérétique, ils tomberont tous deux dans la mort ». 33. Ce rapprochement est parfaitement juste, ce qui ne prouve pas cependant que lauteur ait le droit dajouter : « Voilà pourquoi tout hérétique doit être baptisé et vivifié, si nous ne voulons pas, nous qui sommes vivants, nous mettre en communication avec les morts». Nétaient-ils pas morts ceux qui sécriaient: « Mangeons et buvons, car nous mourrons demain ( I Cor., XV, 32) ? » Car ils refusaient de croire à la résurrection des morts. Mais alors tous ceux qui se laissaient corrompre par leurs discours mauvais, et suivaient leurs erreurs, ne tombaient-ils jas avec eux dans la fosse? Pourtant, cétait parmi eux que se trouvaient ces chrétiens auxquels lApôtre daignait adresser ses épîtres sans exiger quon leur réitérât le baptême dès quils venaient à se convertir. LApôtre na-t-il pas dit: «La prudence selon la chair est la mort ( Rom., VIII, 6 )? » Or, navaient-ils pas cette prudence selon la chair, ces avares, ces fraudeurs, ces voleurs, au milieu desquels Cyprien faisait entendre ses douloureux gémissements? Est-ce que la mort de ces hommes compromettait la vie de Cyprien? Ou bien dira-t-on que le baptême quils avaient ou quils conféraient était substantiellement atteint par leurs iniquités?
CHAPITRE XX.OPINION DE POLIANUS DE MILÉE.
34. « Il est juste que lhérétique soit baptisé dans la sainte Eglise ». 35. Cette opinion a du moins le mérite dune extrême brièveté. Ma réponse ne sera pas plus longue : il est juste de ne pas réitérer le baptême dans lEglise de Jésus-Christ.
CHAPITRE XXI.OPINION DE THÉOGÈNE DHIPPÔNE-ROYAL.
36. « Selon le sacrement de la grâce céleste que nous avons reçu de Dieu, nous croyons un seul baptême, lequel est dans la sainte Eglise ». 37. Je pourrais adopter cette proposition, car elle est formulée de telle sorte quelle ne heurte aucunement la vérité. Nous aussi nous croyons un seul baptême, lequel est dans la sainte Eglise. Si Théogène eût dit du baptême quil ne se trouve que dans la sainte Eglise, nous aurions à lui réitérer la réponse que nous avons faite aux autres. Mais non, il se contente de cette forme générale : « Nous croyons un seul baptême, lequel est dans la sainte Eglise »; on peut dire quil est dans la sainte Eglise, sans nier quil soit ailleurs; vouloir aller plus loin, ce serait soulever une simple question de mots. A ces différentes questions : Y a-t-il un seul baptême? je réponds affirmativement. Ce baptême est-il dans la sainte Eglise? Assurément. Croyez-vous à ce baptême? Jy crois. En dautres termes je répondrais : Je crois un seul baptême, lequel est dans la sainte Eglise. Mais que lon me demande si ce baptême unique ne se trouve que dans la sainte Eglise, et non point parmi les hérétiques ou les schismatiques, ma réponse est négative, et cest également celle de toute lEglise. Comme Théogène na point restreint sa proposition, je me reprocherais dy ajouter le moindre mot contre lequel jaurais à discuter. Sil avait dit, par exemple : Le fleuve de lEuphrate na quune seule eau, laquelle est dans le paradis; sa proposition naurait rien de répréhensible. Mais sil affirmait que cette eau unique ne se trouve que dans le paradis, ce serait alors une erreur de sa part. Car cette eau coule non-seulement dans le paradis, mais encore dans les plaines voisines. Mais ne serait-ce pas une grande témérité de soutenir quil a répondu par un mensonge, quand il pouvait répondre par la vérité ? Jen dis autant de la proposition de Théogène : puisquelle peut être vraie, pourquoi la rendre fausse en lui donnant un autre sens?
CHAPITRE XXII.OPINION DE DATIVUS DE BADE.
38. « Selon toute la mesure de notre pouvoir, nous ne communiquons pas avec lhérétique, à moins quil nait été baptisé dans lEglise, et quil nait reçu la rémission des péchés». 39. Je réponds: Si vous prétendez quon doit lui réitérer le baptême, parce quil na pas reçu la rémission des péchés, je vous présente un chrétien qui, en recevant le baptême, nourrissait de la haine contre son frère; comme vous connaissez cette parole infaillible ( 160) du Sauveur: « Si vous ne pardonnez pas, vous ne serez point pardonné ( Matt., VI, 15 ) », ordonnerez-vous de lui réitérer le baptême, quand il se convertira ? Non certes; eh bien! ne rebaptisez donc pas lhérétique. A cette parole : « Nous ne communiquons pas avec lhérétique »; Dativus ajoute aussitôt: « Du moins autant quil est en notre pouvoir » : cette observation ne doit pas être passée sous silence. En effet, il nignorait pas que lopinion quil formulait nétait point partagée par beaucoup dautres évêques, avec lesquels cependant lui et ses collègues devaient rester en communion, sous peine de produire aussitôt un schisme déplorable ; de là ces mots : « Autant quil est en notre pouvoir ». Cétait dire clairement quil lui répugnait de rester en communion avec des hommes quil ne croyait pas baptisés, mais que la tolérance devait être sans borne quand il sagissait de sauver le lien de la paix et de lunité. Cest, dailleurs, ce que faisaient de leur côté ces autres évêques dont ils condamnaient la conduite et qui sen tenaient rigoureusement à lancienne coutume dont la sagesse se révéla plus tard et fut confirmée par lautorité dun concile général. Tous ces évêques se partageaient en deux camps au point de vue de la réitération du baptême, et cependant ils se toléraient réciproquement dans la charité et sappliquaient à conserver lunité desprit dans le lien de la paix ( Eph., IV, 2, 3 ), jusquà ce quil plût à Dieu de révéler aux dissidents ce quils devaient en croire (Philipp., III, 15 ). Voilà ce que ne devraient pas oublier ces Donatistes qui attaquent aujourdhui lunité, au nom dun concile qui a prouvé de la manière la plus manifeste que lunité doit survivre à toutes les différences dopinions.
CHAPITRE XXIII.OPINION DE SUCCESSUS DABBIR.
40. « Rien nest permis aux hérétiques, ou tout leur est permis. Sils peuvent baptiser, ils peuvent donner le Saint-Esprit ; mais sils ne peuvent donner le Saint-Esprit, parce quils ne lont pas, ils ne peuvent baptiser spirituellement. Voilà pourquoi nous pensons que lon doit baptiser les hérétiques»; 41. Pour répondre à Successus, je puis me servir de ses propres expressions. Rien nest permis aux homicides ou tout leur est permis. Sils peuvent baptiser, ils peuvent également donner le Saint-Esprit; et sils ne peuvent pas donner le Saint-Esprit, parce quils ne lont pas, ils ne peuvent baptiser spirituellement. Voilà pourquoi nous pensons que lon doit baptiser tous ceux qui lont été par des homicides, ou tous ceux qui en recevant le baptême étaient des homicides non convertis. Or, cette conclusion est évidemment fausse. En effet, «celui qui hait son frère est homicide ( I Jean, III, 15 ) »; et cependant Cyprien connaissait de son temps dans lunité des ministres qui baptisaient malgré la haine quils nourrissaient dans leur coeur. Le raisonnement ne prouve donc pas davantage en faveur de la réitération du baptême aux hérétiques.
CHAPITRE XXIV.OPINION DE FORTUNATUS DE THUCCABORUM.
42 « Jésus-Christ notre Seigneur et notre Dieu, Fils de Dieu le Père et Créateur, a fondé son Eglise sur la pierre et non pas sur lhérésie; il a donné le pouvoir, de baptiser aux évêques et non aux hérétiques. Voilà pourquoi ceux qui sont hors de lEglise, ceux qui se posent en ennemis de Jésus-Christ, et dispersent ses ouailles et son troupeau, ne peuvent baptiser hors de lEglise». 43. Ces mots « hors de lEglise », nous obligent à certains développements dans notre réponse. Car autrement je lui répondrais dans les mêmes termes Jésus-Christ notre Seigneur et notre Dieu, Fils de Dieu le Père et Créateur, a fondé son Eglise sur la pierre et non sur liniquité; cest aux évêques quil a donné le pouvoir de baptiser et non point aux pécheurs. Voilà pourquoi ceux qui nappartiennent pas à la pierre, sur laquelle édifient les justes qui entendent et accomplissent la parole de Dieu; ceux qui vivent contre Jésus-Christ dont ils entendent et naccomplissent pas la parole, édifient sur le sable, et par lexemple de leurs moeurs criminelles corrompent les brebis du Christ et dispersent son troupeau, ceux-là ne peuvent baptiser. Ainsi formulée, cette proposition nest que léquivalent de celle de Fortunatus, et cependant elle est fausse. En effet, les pécheurs baptisent, car on doit regarder comme pécheurs (161) ces voleurs que Cyprien rencontrait dans lunité et auxquels il reprochait leurs désordres ( Disc., sur les Tombés ). Mais Fortunatus a ajouté ces mots : «Hors de lEglise ». Pourquoi donc ne peuvent-ils pas baptiser hors de IEglise? Sont-ils plus coupables par cela même quils sont dans le schisme ? Mais nous avons dit que lintégrité du baptême est indépendante des dispositions plus mauvaises du ministre. Car entre un ministre bon et un ministre plus coupable, la différence nest pas aussi grande quentre un ministre bon et un ministre mauvais; et cependant, lorsquun pécheur baptise, il donne absolument ce que donne un saint ministre. Par conséquent, lorsquun plus grand pécheur baptise, il ne donne pas autre chose que ce que donne un pécheur moins coupable. Ou bien, si le sacrement de baptême ne peut être conféré dans le schisme, cette impossibilité vient-elle, non pas du mérite du ministre, mais du sacrement lui-même? En ce cas, la possession seule du baptême ne serait même pas possible dans le schisme, et dès lors il faudrait réitérer le baptême autant de fois quil plairait à un catholique de quitter lunité pour se jeter dans le schisme. 44. Mais demandons-nous sérieusement ce que signifient ces mots : « Hors de lEglise »; nous le devons dautant plus que Fortunatus a fait mention de cette pierre sur laquelle Jésus-Christ a fondé son Eglise. Or, tous ceux qui sont dans lEglise, sont-ils sur la pierre? et ceux qui ne sont pas sur la pierre, sont-ils par là même hors de lEglise? Voyons sils construisent leur édifice sur la pierre, ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ et cependant ne la mettent point en pratique. Le Sauveur les réfute lui-même par ces paroles « Celui qui entend ma parole et laccomplit, je le comparerai à cet homme prudent qui bâtit sa maison sur la pierre»; un peu plus loin il ajoute: « Celui qui entend ma parole et ne laccomplit pas, je le comparerai à cet insensé qui bâtit sa maison sur le sable ( Matt., VII, 21, 26.) ». Si donc lEglise est sur la pierre, ceux qui sont sur le sable, puisquils sont hors de la pierre, sont par là même hors de lEglise. Maintenant rappelons-nous la multitude de ceux dont nous parle Cyprien, et qui jusque dans le sein de lunité ne bâtissent que sur le sable, cest-à-dire quils entendent la parole de Jésus-Christ, et ne la mettent pas en pratique. Par cela même quils sont sur le sable, il est prouvé quils sont hors de lEglise; et cependant ils baptisent et sont baptisés sans quils aient opéré dans leur conduite aucun changement sérieux; dans cet état, ils ne peuvent attendre que la damnation éternelle, et toutefois le baptême habite en eux dans toute son intégrité. 45. Mais, dira-t-on peut-être, quel est lhomme dont on puisse dire quil accomplit toutes les paroles du Seigneur, renfermées dans ce discours à la fin duquel le Sauveur ajoutait que celui qui écoute et accomplit sa parole, bâtit sur la pierre, tandis que celui qui lécoute et ne laccomplit pas ne bâtit que sur le sable? Oui, sans doute, il en est beaucoup qui naccomplissent pas toutes ces paroles, mais ce même discours leur offre le remède dans ces mots : « Pardonnez et il vous sera pardonné ( Luc VI, 37 )». Cest dans ce même discours que nous trouvons loraison dominicale; or, cette oraison est suivie de ces belles paroles : « Je vous laffirme, si vous pardonnez aux hommes leurs péchés, votre Père céleste vous pardonnera les vôtres; mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père céleste ne vous pardonnera pas ( Matt., VI, 14, 15 ) ». De là ces mots de saint Pierre : « La charité couvre la multitude des péchés ( I Pierre, IV, 8. ) ». Or, ceux que Cyprien nous représente, dès les temps apostoliques, se livrant à la malveillance et à la jalousie ( Lettre LXXIII, à Jubaianus ), navaient assurément pas la charité et par là même bâtissaient sur le sable. Ils paraissaient appartenir à lunité, mais en réalité ils étaient hors de lEglise, puisquils nétaient pas sur cette pierre, image symbolique de lEglise.
CHAPITRE XXV.OPINION DE SÉDATUS DE TUBURBE.
46. « Autant leau sanctifiée dans lEglise par la prière du prêtre a defficacité pour effacer les péchés, autant cette même eau souillée par la parole de lhérétique, comme par un cancer, a la vertu de multiplier les péchés. Voilà pourquoi nous devons déployer pacifiquement toutes nos forces, pour empêcher quun hérétique ne saveugle au point de refuser le seul véritable baptême sans lequel il est impossible à qui que (162) ce soit de parvenir au bonheur du ciel ». 47. Je réponds à Sédatus que si leau nest pas sanctifiée, lorsque par ignorance le suppliant prononce quelques paroles erronées, beaucoup de nos frères, non-seulement des pécheurs, mais des justes, ne sanctifient pas leau dans le sein même de lEglise. En effet, combien de formules de prières, récitées par des savants, se trouvent avoir besoin de corrections, et renfermer des propositions contraires à la foi catholique? Sil se rencontrait par hasard quelque fidèle, dont le baptême ait été accompagné de ces sortes de prières prononcées dans la bénédiction de leau, devrait-on les obliger à la réitération de ce sacrement? Pourquoi les y obliger? Lintention de celui qui prie suffit seule le plus souvent pour corriger le vice de la prière ; et puis, du moment que le ministre a employé les paroles évangéliques, sans lesquelles le baptême ne saurait être conféré, ces paroles ont par elles-mêmes assez defficacité pour détruire, dans la prière, ce quil pourrait y avoir de vicieux et de contraire à la foi catholique; ne suffit-il pas dinvoquer le nom de Jésus pour chasser les démons? De son côté, quand un hérétique se sert dune formule vicieuse, il na point en lui-même la charité pour contre-balancer son ignorance, et lon peut très-justement lui comparer ce ministre catholique, jaloux et malveillant, dont Cyprien nous fait une si triste peinture. Je suppose donc sur ses lèvres telle ou telle prière contraire à la foi; car, combien se servent de prières composées non-seulement par des auteurs ignorants, mais encore parées hérétiques, et les répètent sans les comprendre, sans pouvoir discerner les erreurs quelles renferment, et les croyant parfaitement orthodoxes! Quoi quil en soit, la perversité personnelle de celui qui prie ne détruit pas ce quil y a de légitime dans ses prières; au contraire, ce quil y a de bon dans ses prières détruit ce quil y a de mauvais dans sa personne. Quil sagisse, par exemple, dun homme doué dune espérance légitime et dune foi probable, par cela même quil est homme il peut se tromper; or, la fausse opinion quil se fait sur un point, ne détruit pas la croyance légitime quil possède sur dautres points, en attendant que Dieu lui révèle ce quil doit croire sur le sujet qui cause son erreur ( Philipp., III, 15). Quant au ministre mauvais et pervers, lors même que la prière quil récite serait exacte et de tous points orthodoxe, il ne doit point conclure quil est bon lui-même, parce que sa prière est bonne. Et sil se sert dune formule erronée, noublions pas que cest de Dieu seul que vient lefficacité des paroles évangéliques, sans lesquelles aucune collation du baptême nest possible, noublions pas que cest Dieu lui-même qui sanctifie son sacrement et lui confère toute sa puissance pour le salut de lhomme, soit avant quil soit baptisé, soit lorsquil est baptisé, soit après quil a été baptisé, cest-à-dire lorsquune conversion sincère est venue détruire tous les obstacles qui empêchaient le baptême de produire ses effets et faisaient de ce principe de salut un principe de damnation. Dailleurs personne nignore que si les paroles de la forme telles quelles se trouvent dans 1Evangile ne sont pas prononcées, le baptême nexiste pas. Mais je dois ajouter quil y a plus dhérétiques pour sabstenir de baptiser, quil ny en a pour omettre ces paroles en baptisant. Mettant donc de côté tous ces rites idolâtriques et sacrilèges que lon voudrait assimiler au baptême, nous disons que le baptême de Jésus-Christ, cest-à-dire le baptême conféré avec les paroles de lEvangile, est partout essentiellement le même et ne peut être violé par la perversité, si grande fût-elle, de quelque ministre que ce soit. 48. Dans la proposition de Sédatus, nous devons une attention spéciale à ces paroles : « Voilà pourquoi il nous faut déployer pacifiquement toutes nos forces, pour empêcher quun hérétique», etc. Nous retrouvons dans cette phrase la pensée de saint Cyprien : « Ne jugeant personne, et nous abstenant de refuser le droit de communion à celui qui partagerait une opinion différente ( Discours douverture du concile. ) ». Voilà ce que peut, dans les enfants soumis de lEglise, lamour de la paix et de lunité; se trouvant en face dhommes quils regardaient comme des sacrilèges et des profanateurs privés du baptême, et néanmoins admis dans lEglise, sils ne pouvaient les convertir, ils se résignaient à les tolérer, plutôt que de rompre, à leur occasion, le lien de luni té, et de sexposer peut-être à arracher le bon grain avec la zizanie ( Matt., XIII, 29 ). Sinspirant pour ainsi dire du célèbre jugement rendu par Salomon, ils (163) préféraient que le corps de lenfant fût nourri par celle qui nen était pas la mère véritable plutôt que de le couper en deux ( III Rois, III, 26. ). Cest là ce que faisaient au spirituel tous ces évêques, soit ceux qui avaient conservé les véritables notions du baptême, soit ceux qui sétaient fait une opinion erronée, mais dont la charité avait le droit dattendre de Dieu quil leur révélât ce quils devaient croire.
CHAPITRE XXVI.OPINION DE PRIVATIANUS DE SUFETULA.
49. « Que celui qui accorde aux hérétiques le pouvoir de baptiser, nous dise dabord quel est lauteur des hérésies. Car si lhérésie vient de Dieu, elle peut être lobjet de lindulgence divine; mais si elle ne vient pas de Dieu, comment peut-elle avoir ou conférer la grâce de Dieu? » 50. Je répondrai dans les mêmes termes: Que celui qui accorde aux malveillants et aux envieux le pouvoir de baptiser, nous dise dabord quel est lauteur de la malveillance et de la jalousie. Car si la jalousie et la malveillance viennent de Dieu, elles peuvent être lobjet de lindulgence divine; mais si elles ne viennent pas de Dieu, comment peuvent-elles avoir ou conférer à dautres la grâce de Dieu? Comme ma réponse est évidemment un mensonge, la proposition de Privatianus est également une erreur. En effet, les malveillants et les envieux confèrent le baptême, et appartiennent à lunité, comme nous latteste Cyprien lui-même. Par la même raison, les hérétiques peuvent également baptiser, car le baptême est le sacrement de Jésus-Christ, tandis que la jalousie et lhérésie sont loeuvre du démon, et dussent-elles se trouver dans un seul et même homme, elles ne font pas que le sacrement de Jésus-Christ, dans celui qui le possède, soit compté au nombre des oeuvres du démon.
CHAPITRE XXVII.OPINION DE PRIVATUS DE SUFIBE.
51. « Ceux qui ratifient le baptême des hérétiques, ne se mettent-ils pas en communion avec les hérétiques? » 52. Je réponds: Le baptême que nous ratifions dans les hérétiques nest pas le baptême des hérétiques; comme le baptême que nous ratifions dans les avares, les fourbes, les séducteurs, les voleurs et les envieux, nest pas leur propre baptême. Ils sont tous pécheurs; mais -Jésus-Christ est juste, et toutes leurs iniquités ne peuvent souiller ce sacrement, du moins en ce qui le constitue essentiellement. Sil en était autrement, on pourrait dire avec autant de raison: Ceux qui ratifient le baptême des pécheurs, se mettent par là même en communion avec les pécheurs. Quiconque poserait cette objection à lEglise catholique devrait donc sattendre à recevoir la même réponse.
CHAPITRE XXVIII.OPINION DHORTENSIANUS DE LARIBE.
53. « Quant à savoir combien il y a de baptêmes, nous en laissons le soin aux partisans ou aux fauteurs des hérétiques; pour ce qui nous regarde, nous ne connaissons quun seul baptême, qui ne se trouve que dans lEglise et que nous nattribuons quà lEglise. Comment, du reste, pourraient baptiser au nom du Christ ceux que le Christ nous signale comme étant ses adversaires? » 54. Nous lui répondons dans les mêmes termes: Quen pensent les partisans ou les fauteurs des pécheurs? nous ne connaissons quun seul baptême, celui de lEglise, et quelque part que nous puissions le rencontrer, cest à lEglise que nous lattribuons. Comment donc peuvent baptiser au nom de Jésus-Christ, ceux que Jésus-Christ lui-même nous signale comme étant ses adversaires? Nest-ce pas à tous les pécheurs que sadresse cette parole: « Je ne vous connais pas; retirez-vous de moi, vous tous qui accomplissez liniquité ( Matt., VII, 23 )?» Toutefois, lorsque ces pécheurs baptisent, ce ne sont pas eux qui baptisent, mais celui dont saint Jean a dit: « Cest lui qui baptise ( Jean, I, 33 ) ».
CHAPITRE XXIX.OPINIONDE CASSIUS DE MACOMADE.
55. « Puisquil ne peut y avoir deux baptêmes, celui qui concède ce sacrement aux hérétiques se le refuse à lui-même. En conséquence, je déclare que ces malheureux (165) hérétiques doivent être baptisés lorsquils demandent à entrer dans lEglise. Quand donc ils auront été purifiés dans le bain sacré et éclairés de la lumière de la vie; quand, dennemis quils étaient, ils seront devenus partisans de la paix; quils ne seront plus des étrangers, mais des serviteurs fidèles de Jésus-Christ; quils ne seront plus des adultères, mais les enfants de Dieu; quand enfin ils nappartiendront plus à lerreur mais au salut, alors seulement ils seront reçus dans lEglise. Quant à ceux qui après avoir été baptisés dans le sein de lEglise, se sont précipités dans les ténèbres de lhérésie, cest uniquement par limposition des mains quils pourront se faire réintégrer ». 56. On pourrait dire également: Puisquil ne peut y avoir deux baptêmes de Jésus-Christ, celui qui concède ce sacrement aux pécheurs se le refuse à lui-même. Mais Cassius et ses collègues répondraient avec nous: Nous concédons le baptême aux pécheurs parce que, sils sont les auteurs de leur propre iniquité, ils ne sont point les auteurs du baptême; Jésus-Christ en est lauteur, ce sacrement nappartient quà lui, et ne saurait être souillé par liniquité des pécheurs. Or, ce quils diraient avec nous en parlant des pécheurs, quils le disent en parlant des hérétiques. Par conséquent, voici la seule conclusion quils auraient dû tirer : Je déclare que ces malheureux hérétiques, lorsquils demandent à entrer dans lEglise, ne doivent point être baptisés sils ont déjà reçu le baptême de Jésus-Christ; il suffit quils se convertissent et renoncent à leur perversité. On dirait également des pécheurs, parmi lesquels les hérétiques ne forment quune catégorie particulière: Je déclare que sils sont déjà baptisés on ne doit pas leur réitérer le baptême, lorsquils demandent à venir à lEglise, cest-à-dire à cette pierre, hors de laquelle sont tous ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ et ne laccomplissent pas. Quand donc, au baptême quils ont déjà reçu, viendront sajouter les lumières de la vie; quand dennemis quils étaient ils seront devenus partisans de la paix, car les pécheurs ne goûtent pas les douceurs de la paix; quand ils ne seront plus des étrangers mais des serviteurs fidèles de Jésus-Christ, car cest aux pécheurs quil est dit: « Vigne étrangère, comment vous êtes-vous changée en amertume ( Jérém., II, 21 )?» quand ils ne seront plus des fils adultérins mais des enfants de Dieu, car les pécheurs. sont les enfants du démon; quand enfin ils nappartiendront plus à lerreur mais au salut, car liniquité ne sauve pas; alors seulement ils seront reçus dans lEglise, cest-à-dire sur cette pierre, dans cette colombe, dans ce jardin fermé, dans cette fontaine scellée que lon ne trouve quavec le froment, et non point parmi la paille, soit que le vent lait dispersée au loin, soit quelle paraisse destinée à rester avec le froment jusquà la purification dernière. Cest donc en vain que Cassius ajoutait: «Jexcepte ceux qui, après avoir reçu le baptême dans lEglise, se sont précipités dans les ténèbres de lhérésie ». Sils omit perdu le baptême en se séparant de lEglise, quon le leur rende; et sils ne lont pas perdu, quon. sache reconnaître la validité du sacrement quils ont conféré.
CHAPITRE XXX.OPINION DE JANUARIUS DE CÉSARÉE.
57. « Si lerreur nobéit pas à la vérité, à plus forte raison la vérité ne doit-elle pas céder à lerreur. Voilà pourquoi, nous qui sommes établis les pasteurs de lEglise, et qui revendiquons pour nous seuls le véritable baptême, nous nous faisons un devoir de baptiser ceux qui nont pas été baptisés par lEglise ». 58. Je réponds: Ceux qui sont baptisés par lEglise, le sont également par cette pierre hors de laquelle se trouvent tous ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ, et refusent de laccomplir. Par là même, tous ceux qui ont été baptisés par ces derniers doivent de nouveau recevoir le baptême. Si vous niez cette obligation, niez-la donc également pour les hérétiques; et, pourvu quils se convertissent et réprouvent leur perversité, empressez-vous de reconnaître en eux et de ratifier le saint baptême.
CHAPITRE XXXI.OPINION DE SECUNDINUS DE CARPES.
59. « Les hérétiques sont-ils chrétiens, ou ne le sont-ils pas? Sils sont chrétiens, pourquoi ne sont-ils pas dans lEglise de (165) Dieu? Et sils ne sont pas chrétiens, quils le deviennent. Autrement, que peut signifier cette parole du Seigneur: Celui qui nest pas avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi, disperse ( Matt., XII, 30 )? Il suit de là que la seule imposition des mains ne saurait suffire pour faire descendre le Saint-Esprit sur ces enfants étrangers, sur cette génération de lantéchrist, puisquil est évident que les hérétiques nont pas le baptême ». 60. Je réponds: Les pécheurs sont-ils chrétiens ou ne le sont-ils pas? Sils sont chrétiens, pourquoi ne le sont-ils pas sur cette pierre sur laquelle est fondée lEglise ? Ils ny sont pas cependant, puisquils entendent la parole de Jésus-Christ et refusent de laccomplir. Or, sils ne sont pas chrétiens, quils le deviennent. Autrement, que signifierait cette parole du Sauveur: Celui qui nest pas « avec moi, est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi, disperse? » En effet, nest-ce point disperser les brebis de Jésus-Christ, que de les entraîner par lexemple dans les voies de la dépravation? Il suit de là que la seule imposition des mains, si elle nest pas accompagnée dune véritable conversion du coeur, ne saurait suffire pour faire descendre le Saint-Esprit sur des enfants étrangers, comme sont tous les pécheurs, et sur la génération de lantéchrist, à laquelle appartiennent tous ceux qui se posent en ennemis de Jésus-Christ. Nest-il pas évident que les pécheurs, tant quils restent pécheurs, sils peuvent avoir le baptême, ne peuvent du moins avoir le salut, dont le sacrement de baptême est le principe nécessaire? Voyons donc si nous pouvons appliquer aux hérétiques les caractères sous lesquels nous sont dépeints les enfants étrangers dans ce passage du psaume : « Seigneur, délivrez-moi de la main des enfants étrangers, dont la bouche na prononcé que des faussetés, et dont la main ne sert quà liniquité. Leurs fils sont comme de nouvelles plantes dans la première vigueur de leur jeunesse; leurs filles sont dune belle figure et parées comme un temple. Leurs celliers sont remplis ils se déversent lun dans lautre. Leurs brebis sont fécondes; on les voit sortir en foule de leurs étables; leurs vaches sont chargées de graisse. Il ny a, dans les places de leurs villes, ni maisons ruinées, ni danger dirruption de la part de lennemi, ni cris de sédition. On a dit: Heureux le peuple qui jouit de ces avantages; mais heureux le peuple qui na que Dieu pour maître ( Ps., CXLIII, 7-15 ) ». Si donc ce sont là des enfants étrangers qui placent leur bonheur dans les choses temporelles et dans labondance dune félicité terrestre, tandis quils méprisent les préceptes divins, voyons si ce nest point la peinture fidèle de ceux avec lesquels Cyprien restait en communication de sacrements, et auxquels il prêtait le langage suivant: « Tandis que nous ne suivons pas la voie du Seigneur, et que nous nobservons pas les commandements célestes qui nous ont été donnés pour nous conduire au salut. Notre Seigneur a fait la volonté de son Père, et nous ne faisons pas la volonté du Seigneur; nous navons de souci que pour accroître notre patrimoine ou augmenter nos richesses, nous nous abandonnons à lorgueil, et le reste ( Lettre XI, aux Clercs ). » Or, si de tels clercs pouvaient avoir et conférer le baptême, pourquoi donc en refuser la possession aux enfants étrangers? Et cependant Cyprien se contente de les exhorter à lobservation des préceptes divins, proclamés par le Fils de Dieu ; à ce prix seulement ils mériteront dêtre les frères de Jésus-Christ et les enfants de Dieu.
CHAPITRE XXXII.OPINION DE VICTORICUS DE THABRACA.
64. « Sil est permis aux hérétiques de baptiser et de conférer la rémission des péchés, « pourquoi donc les couvrir dignominie jusquà les appeler hérétiques? » 62. Ne pourrait-on pas lui répliquer : Sil est permis aux pécheurs de baptiser et de conférer la rémission des péchés, pourquoi donc les couvrir dignominie jusquà les nommer pécheurs? Les arguments à apporter contre les uns, sont les mêmes à apporter contre les autres; en dautres termes, le baptême quils confèrent nest pas leur propre baptême, et par conséquent il ne suffit pas de posséder le baptême de Jésus-Christ pour être parfaitement assuré de la rémission de ses péchés; cette rémission exige comme condition indispensable une véritable conversion du coeur.
CHAPITRE XXXIII.OPINION DE FÉLIX DUTHINE.
63. « Bien-aimés collègues, il nest un doute pour personne que la présomption humaine, si grande fût-elle, ne peut rien en comparaison de ladorable et imposante majesté de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous souvenant donc du danger que courent les hérétiques, proclamons dun accord unanime la nécessité de baptiser tous les hérétiques qui demandent à entrer dans le sein de lEglise notre mère; de cette manière, lesprit de ces hérétiques, jusque-là souillé par une longue iniquité, trouvera dans le baptême une purification complète et le principe dune rénovation salutaire ». 64. Sans doute que cet évêque qui trouve dans une longue souillure à purifier, la cause principale de la réitération du baptême aux hérétiques, ferait grâce à ceux qui nauraient appartenu que fort peu de temps à lhérésie, et après une prompte conversion seraient entrés dans 1Eglise catholique. De même il na pas remarqué que son raisonnement pourrait fort bien sappliquer aux pécheurs qui veulent rentrer dans lEglise et quon devrait leur réitérer le baptême, pour purifier et renouveler lesprit pervers qui les retenait hors d-e la pierre unique, et ne leur permettait de bâtir que sur le sable, puisquils se contentaient découter la parole de Jésus-Christ sans laccomplir. Pourtant, dussent-ils le recevoir de nouveau et indéfiniment, le baptême ne produirait pour eux ni justification, ni rénovation, si en le recevant ils ne renonçaient au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres.
CHAPITRE XXXIV.OPINION DE QUIÉTUS DE BURUCH.
65. « Nous qui vivons de la foi, nous devons observer fidèlement les instructions que lantiquité nous a transmises. Salomon nous adresse ces paroles : Celui qui est baptisé par un mort, à quoi peut lui servir cette ablution ( Eccli., XXXIV, 30 )? Lauteur parle évidemment de ceux qui sont baptisés par les hérétiques qui confèrent le baptême. Dailleurs, si le baptême donné par les hérétiques confère la rémission des péchés, et par là même la vie éternelle, pourquoi ceux qui lont reçu demandent-ils à entrer dans lEglise? Au contraire, si le baptême donné par un mort est inutile au salut, je comprends que, sentant leur erreur première, ils sabandonnent au repentir et reviennent à la vérité; mais alors il est de toute évidence quils doivent être sanctifiés par le baptême de vie, lequel ne se trouve que dans lEglise catholique». 66. Sans refuser aucunement dapporter à ce texte de lEcriture un examen plus attentif, jai dit précédemment dans quels cas le baptême me paraît être conféré par un mort ( Contre Parménien, liv., II, ch X. ). Or, je demande pourquoi les Donatistes sobstinent à ne regarder comme morts que les seuls hérétiques, tandis que lapôtre saint Paul, parlant du péché en général, na pas craint de dire : « Le salaire du péché, cest la mort ( Rom., VI, 23 ) »; et encore : « Juger des choses selon la chair, cest la mort ( Id., VIII, 6 ) ». Il appelle morte toute veuve qui vit dans les délices ( I Tim., V, 6); comment donc ne pas regarder comme morts tous ceux qui ne renoncent au ciel que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres? À quoi dès lors peut servir lablution de celui qui est baptisé par de tels hommes? Nous disons néanmoins que celui qui en est là possède validement le baptême, quoique ce baptême ne lui soit daucune utilité pour le salut. Dun autre côté, lors même que le ministre serait mort, si le sujet se présente devant Dieu dans les sentiments dun véritable repentir, ce nest point précisément par la mort quil est baptisé, mais par lauteur même de la vie, dont il a été dit : « Cest lui-même qui baptise ( Jean, I, 33 ) », quel que soit lorgane extérieur dont il se serve pour baptiser. Quand donc Quiétus sécrie: « Si le baptême conféré par les hérétiques confère la vie éternelle par la rémission des péchés, pourquoi ceux qui lont reçu demandent-ils à entrer dans lEglise? » Je lui réponds : Ils y viennent, parce que, malgré la validité intrinsèque du baptême de Jésus-Christ, tel quils lont reçu, ils ne peuvent parvenir à la vie éternelle que par la charité de lunité. Ces hommes malveillants et jaloux ne sauraient obtenir la rémission de leurs péchés, surtout sils conservaient de la haine contre ceux qui (167) leur ont fait quelque injure; car, cest la souveraine Vérité qui a dit : « Si vous ne pardonnez pas , votre Père céleste ne vous pardonnera pas davantage ( Matt., VI, 15 ) » ; combien plus étaient-ils indignes de ce pardon sils haïssaient ceux auxquels ils rendaient le mal pour le bien ( Ps., XXXIV, 12 ) ! Cependant, supposé que ces hommes qui navaient renoncé au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, reviennent à Dieu sincèrement, à personne ne viendrait la pensée de leur réitérer le baptême; ils trouveraient dans le seul baptême de vie quils ont reçu le principe dune entière sanctification. Ce baptême est dans lEglise catholique, mais il est encore ailleurs; comme il nhabite pas seulement dans les saints qui sont édifiés sur la pierre et dont la multitude compose cette colombe unique sous les traits de laquelle lEglise nous est dépeinte ( cant., VI, 8 ).
CHAPITRE XXXV.OPINION DE CASTUS DE SICCA.
67. « Celui qui, au mépris de la vérité, se flatte de suivre la coutume, fait preuve ou bien de jalousie et de méchanceté contre ceux de ses frères à qui la vérité est révélée, ou bien dingratitude envers Dieu, de qui seul lEglise reçoit linstruction et la lumière ». 68. A tous ceux qui partageaient lopinion contraire et sen tenaient à la pratique générale confirmée plus tard par un concile général, si Castus parvenait à prouver que suivre lantique coutume cest faire un mépris formel de la vérité, assurément la proposition quil vient démettre nous frapperait de terreur. Mais comme cette antique coutume a été propagée et corroborée par la vérité, les paroles de Castus ne nous causent plus aucun effroi. Pourtant « ces hommes qui faisaient preuve de jalousie et de méchanceté contre leurs frères, et dingratitude envers Dieu », cest avec eux que ces évêques du concile restaient en communion; ce sont eux quils refusaient de priver du droit de communion, comme la dit Cyprien, malgré la diversité de leurs opinions; cest avec eux quils conservaient lunité, sans se croire souillés par ce contact, et pour mieux prouver jusquà quel point nous devons aimer le lien de la paix. Quils y réfléchissent donc, ces Donatistes qui, pour nous confondre, ne savent que nous jeter au visage ce concile des évêques de Carthage, dont ils sont loin dimiter la charité et dont les exemples sont pour eux une solennelle condamnation. La coutume était, selon Castus lui-même, de recevoir dans lunité de lEglise les hérétiques convertis, avec le seul baptême quils possédaient déjà. Par conséquent, de deux choses lune, ou bien cette coutume était légitime, ou bien les méchants ne souillent pas les bons dans lunité. Si cette coutume était légitime, pourquoi donc reprochent-ils à lunivers entier de recevoir ainsi les hérétiques? Et si les méchants ne souillent pas les bons dans lunité, comment peuvent-ils se disculper du crime dont ils se sont rendus coupables par leur séparation sacrilège?
CHAPITRE XXXVI.OPINION DEUCRATIUS DE THÈNE.
69. « Notre foi, la grâce du baptême, la règle de la discipline ecclésiastique ont été formulées par notre Dieu et Notre-Seigneur Jésus-Christ dans ces paroles quil adresse à ses Apôtres: Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ( Matt., XXVIII, 19 ). Nous devons donc repousser le baptême des hérétiques comme faux et inique, et le rejeter avec un profond mépris, car ce nest que le poison et non pas la vie qui peut sortir de leurs lèvres; au lieu de conférer la grâce céleste, ils ne peuvent que blasphémer la Trinité. Ainsi donc tous les hérétiques qui viennent à lEglise doivent recevoir le baptême intègre et catholique, afin quétant purifiés du blasphème de leur présomption, ils puissent être régénérés par la grâce du Saint-Esprit ». 70. Assurément, si le baptême conféré au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit nest pas le baptême valide, nous devons rejeter celui des hérétiques et le repousser avec le plus profond mépris. Mais si nous acceptons comme valide tout baptême ainsi conféré, il ne nous reste plus quà distinguer les paroles évangéliques de lerreur des hérétiques, quà approuver ce quils peuvent avoir de bon, et à réformer ce quils auraient de défectueux. (168)
CHAPITRE XXXVII.OPINION DE LIBOSUS DE VAGA.
71. « Dans lEvangile le Seigneur nous dit : Je suis la vérité ( Jean, XIV, 6 ); il ne dit pas : Je suis la coutume. Par conséquent, dès que la vérité nous est manifestée, la coutume doit le céder à la vérité; et dès lors celui qui précédemment recevait les hérétiques sans les baptiser, doit désormais les baptiser». 70. Pourquoi donc lévêque de Vaga, Libosus, na-t-il pas déroulé dans tout son jour cette vérité devant laquelle, dit-il, toute coutume doit savouer impuissante? Noublions pas toutefois quen constatant lexistence de cette coutume, il nous a fourni, contre les Donatistes séparés de lunité, un argument irréfutable devant lequel pâlit tristement la conclusion dans laquelle il affirme que cette coutume doit céder à une vérité dont il omet de poser les fondements et les preuves. En vertu de cette coutume lEglise admettait à lautel de Jésus-Christ et sans aucune réitération du baptême les hérétiques qui présentaient des signes suffisants de conversion, et enseignait que les bons ne sont nullement souillés dans lunité par leur mélange avec les méchants; par conséquent, rien nautorisait les Donatistes à se séparer de lunité, et leur schisme est manifestement un crime et un sacrilège. Dailleurs, supposé que par suite de cette coutume tous les bons eussent péri souillés par leur contact avec les méchants, de quel antre ténébreux ces Donatistes sortent-ils? je vois bien la ruse de leur calomnie, mais quils me montrent la vérité de leur origine. Si donc la coutume de recevoir les hérétiques sans les baptiser est parfaitement légitime, quils déposent leur fureur, quils confessent leur erreur et quils viennent à lEglise catholique, non pas pour y recevoir de nouveau le baptême, mais pour y recevoir le pardon de leur schisme sacrilège.
CHAPITRE XXXVIII.OPINION DE LUCIUS DE THÉBESTE.
73. « Je prononce anathème contre les hérétiques, les blasphémateurs et tous ces hommes coupables qui interprètent en sens divers les saintes et adorables Ecritures; par conséquent, je déclare quon doit les « exorciser et les baptiser ». 74. Je crois également quils sont dignes danathème ; mais je suis loin den conclure quon doive les exorciser et les baptiser. Ce que je repousse en eux, cest ce qui leur est propre; mais ce qui leur vient de Jésus-Christ, cest-à-dire le baptême, je le vénère et le ratifie.
CHAPITRE XXXIX.OPINION DEUGÈNE DAMMÉDERA.
75. « Je déclare également que les hérétiques doivent être baptisés ». 76. Je réponds : Tel nest pas lenseignement de lEglise, à laquelle, par lorgane dun concile universel, Dieu a révélé ce que vous deviez croire sur ce point en litige 8 Philipp., III, 15 ); toutefois vous ne cessiez pas dappartenir à lunité, parce que vous persévériez dans la charité.
CHAPITRE XL.OPINION DE FÉLIX DAMACCURA.
77. « Appuyé sur lautorité des divines Ecritures, je déclare que lon doit baptiser les hérétiques, ainsi que tous ceux qui prétendent avoir reçu le baptême parmi les schismatiques. Selon la doctrine infaillible de Jésus-Christ, le baptême est un bien qui nous est propre; que tous les adversaires de notre Eglise comprennent donc quil ne peut appartenir à des étrangers, et que ce souverain pasteur dun seul troupeau na pu attribuer à deux peuples cette eau salutaire. Il est donc évident que les hérétiques et les schismatiques ne reçoivent aucun don céleste quand ils osent demander le baptême à des pécheurs et à des ministres séparés de lEglise. Tenter de donner ce que lon na pas, cest laisser le demandeur dans lindigence ». 78. Je réponds : Nulle part les saintes Ecritures ne commandent de réitérer le baptême aux hérétiques qui ont été baptisés par des hérétiques. Bien souvent, au contraire, elle nous présente comme étrangers à lEglise ceux qui ne sont pas sur la pierre, ou nappartiennent pas aux membres de la colombe, et cependant elle constate en même temps quils baptisent, quils sont baptisés et quils ont le sacrement du salut, sans cependant avoir le (169)salut lui-même. Que notre fontaine soit semblable à la fontaine du paradis terrestre, et que, comme cette dernière, elle coule hors du paradis, cest ce que nous vous avons déjà suffisamment prouvé ( Chap., XXI. ). Jaccorde dailleurs que le souverain Pasteur dun seul troupeau ne puisse accorder cette eau salutaire à deux peuples différents, cest-à-dire à son peuple et à un peuple étranger; à cela je nai rien à opposer. Mais, de ce que cette eau nest point salutaire aux étrangers, doit-on en conclure que ce nest pas la même eau? Pour ceux qui étaient dans larche, leau du déluge fut salutaire, tandis que pour les autres elle fut une cause de mort; pourtant cétait bien la même eau. Beaucoup détrangers et particulièrement ces envieux que Cyprien, sappuyant sur lEcriture, range parmi les partisans du démon, semblent appartenir à lunité, et cependant sils nétaient pas hors de larche, ils ne mourraient point par leau. Le baptême, parce quils en font un mauvais usage, nest-il point pour eux une cause de mort, comme la bonne odeur de Jésus-Christ était pour la mort de ceux dont nous parle lApôtre ( II Cor., II, 15, 16 )? Pourquoi donc ni les hérétiques ni les schismatiques ne reçoivent-ils rien de céleste? Comme les épines ou la zizanie reçoivent la pluie, de même ceux qui, au temps du déluge, ne purent entrer dans larche, reçurent leau qui tombait des cataractes du ciel, mais ce fut pour leur mort et non point pour leur salut. Lauteur ajoute : Tenter de donner « ce que lon na pas, cest laisser le demandeur dans lindigence ». Je ne mattacherai pas à réfuter ces paroles, car nous aussi nous disons que le baptême conféré aux hérétiques ne leur est daucune utilité, tant quils restent attachés à lhérésie. Voilà pourquoi, sils reviennent à la paix et à lunité catholique, ce nest point pour y recevoir le baptême, mais pour mériter que ce sacrement déjà reçu produise en eux ses effets salutaires.
CHAPITRE XLI.OPINION DE JANUARIUS DE MUZULUM.
79. « Tous confessent quil ny a quun seul baptême, voilà pourquoi je métonne que tous ne comprennent pas lunité de ce même baptême. LEglise et lhérésie sont deux choses parfaitement distinctes. Si donc les hérétiques ont le baptême, nous ne pouvons pas lavoir; et si nous lavons, les hérétiques ne peuvent pas lavoir. Or, il est sans aucun doute que lEglise seule possède le baptême de Jésus-Christ, puisque seule elle possède la grâce et la vérité de Jésus-Christ ». 80. Un autre pourrait dire également et avec aussi peu de raison : Tous confessent quil ny a quun seul baptême, voilà pourquoi je métonne que tous ne comprennent pas lunité de ce même baptême. En effet, la justice et liniquité sont deux choses parfaitement distinctes. Si donc les pécheurs ont le baptême, les justes ne lont pas; et si les justes lont, les pécheurs ne peuvent pas lavoir. Or, il est sans aucun doute que les justes seuls possèdent le baptême de Jésus-Christ, puisque seuls ils possèdent la grâce et la vérité de Jésus-Christ. Eh bien I de laveu même de nos adversaires, une telle doctrine serait une erreur. Ces hommes envieux, signalés par Cyprien, très-connus de saint Paul, et appartenant extérieurement à lunité, avaient le baptême, et cependant ils nétaient pas membres de cette colombe qui repose en sûreté sur la pierre.
CHAPITRE XLII.OPINION DADELPHIUS DE THASBALTE.
81. « Cest calomnier injustement et par jalousie la vérité, que de nous accuser de réitérer le baptême, puisque lEglise ne rebaptise pas les hérétiques, mais se contente de les baptiser ». 82. Non, certes, elle ne rebaptise pas, puisquelle ne baptise que ceux qui nont pas encore été baptisés. Telle a toujours été sa coutume, confirmée plus tard par la sentence dun concile général.
CHAPITRE XLIII.OPINION DE DÉMÉTRIUS DE LEPTIS.
83. « Nous nous posons les gardiens dun seul baptême, parce que nous conservons à IEglise ce qui nappartient quà elle seule. Ceux qui soutiennent que les hérétiques confèrent un baptême valide et légitime, ce sont ceux-là mêmes qui établissent non pas seulement deux, mais plusieurs baptêmes; autant il y a dhérésies (170) différentes, autant ils comptent de baptêmes numériquement distincts ». 84. Je réponds : Sil en est ainsi, les baptêmes sont donc aussi nombreux que sont nombreuses ces oeuvres de la chair dont lApôtre a dit : « Ceux qui accomplissent ces oeuvres ne posséderont pas le royaume de Dieu ( Gal., V, 21 ) ». Parmi ces oeuvres, lApôtre énumère les hérésies ; elles sont tolérées comme la paille dans lunité de lEglise, et cependant il ny a pour toutes quun seul et même baptême dont lintégrité ne peut être violée par aucune oeuvre diniquité.
CHAPITRE XLIV.OPINION DE VINCENT DE THIBARIS.
85. « Nous savons que les hérétiques sont pires que les païens. Sils se convertissent et quils veuillent revenir à Dieu, ils ont à se soumettre à cette règle de vérité formulée par le Seigneur à ses Apôtres, quand il leur dit: Allez imposer les mains en mon nom, chassez les démons ( Marc, XVI, 17 ); et ailleurs : Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ( Matt., XXVIII, 19 ). Pour avoir part à la promesse « de Jésus-Christ, ils doivent donc subir limposition de la main dans lexorcisme, et ensuite la régénération du baptême ; en dehors de ces conditions, je déclare quon ne doit point les recevoir ». 86. En vertu de quel principe lévêque de Thibaris dit-il que les hérétiques sont pires que les païens, je lignore; car le Seigneur sest contenté de dire : « Sil nécoute pas lEglise, quil soit pour vous comme un païen et un publicain ( Matt., XVIII, 17 ) ». Mais enfin lhérétique est-il pire que celui dont parlait le Sauveur ? Je ne my oppose pas ; cependant, de ce quun homme est pire quun gentil et un païen, on ne doit pas en conclure que le sacrement de Jésus-Christ, sil la reçu, se mêle à ses vices et à ses crimes, et quil périt sous le poids de cette corruption. Prenons pour exemple ceux qui se séparent de lEglise et deviennent non-seulement les sectateurs, mais même les fauteurs des hérésies ; du moment quils étaient baptisés, fussent-ils devenus pires que des païens, ils ne laissent pas davoir le baptême; car si plus tard ils se convertissent, ce sacrement ne leur sera pas réitéré. Cest ce qui prouve quils ne lont pas perdu, car autrement il faudrait le leur rendre. Il peut donc se faire quun homme soit pire quun païen, et cependant quil ait en lui le sacrement de Jésus-Christ, voire même que ce sacrement soit en lui ce quil est dans un saint et un juste. Sans doute, en ce qui le regarde, cet homme, loin de conserver la grâce du sacrement, la violée par les dispositions criminelles de son esprit et de son coeur, mais pour ce qui regarde le sacrement lui même il est demeuré dans toute son intégrité et toute son inviolabilité, malgré le mépris et loutrage de celui qui le possédait. Les Sodomites nétaient-ils pas des païens, cest-à-dire des Gentils? Donc ils étaient moins mauvais que les Juifs auxquels le Seigneur disait: «Au jour du jugement Sodome sera traitée avec plus dindulgence que vous ( Matt., XI, 24 ) ». Le Prophète dailleurs avait déjà dit à ces mêmes Juifs : « Vous avez justifié Sodome ( Ezéch., XVI, 51 ) » ; cest-à-dire, quen la comparant à vous, la ville de Sodome serait regardée comme juste. Or, cela prouve-t-il que les sacrements divins que possédaient les Juifs leur étaient devenus semblables ? Pourtant nous voyons le Sauveur recevoir lui-même ces sacrements ; nous lentendons ordonner aux lépreux quil avait guéris daller les célébrer ( Luc., XVII, 14 ) ; enfin , pendant que Zacharie les célébrait, lange du Très-Haut se tenait à ses côtés pour lassister, et il ne craint pas de lui annoncer que cest pendant quil sacrifiait dans le temple, que ses prières ont été exaucées ( Id., I, 11, 13. ). Ainsi donc, dès cette époque, les sacrements de lancienne loi se conféraient non-seulement à des justes, mais encore à de plus grands pécheurs que nétaient les païens eux-mêmes, à des hommes dont la culpabilité lemportait sur celle des Sodomites eux-mêmes. Toutefois, pour les uns et pour les autres, ces sacrements restaient dans toute leur intégrité et leur divinité. 87. Les quelques débris de vérité divine conservés par les païens dans leurs croyances, nos pères se sont bien gardés de les méconnaître, quoique dailleurs ces païens, par leurs superstitions, leur idolâtrie, leur orgueil et la dissolution de leurs moeurs, aient (171) mérité tous les anathèmes et une éternelle réprobation, sils ne revenaient pas sincèrement à la vérité et à la justice. Lapôtre saint Paul, développant devant les Athéniens quelques attributs de Dieu, sempressa de leur citer le témoignage de quelques-uns de leurs philosophes (Actes, XVII, 28 ); si ces philosophes sétaient convertis à la foi, les sages notions quils pouvaient avoir sur tel ou tel point auraient été confirmées, au lieu dêtre désapprouvées. Cyprien lui-même na pas craint, pour confondre les païens, dinvoquer le témoignage des païens. Voici comme il sexprimait au sujet des mages : « Le plus distingué de tous, Hostane, enseigne que Dieu est essentiellement invisible et que les anges véritables se tiennent debout autour de son trône. En cela il est daccord avec Platon qui proclame lunité de Dieu et divise les autres esprits en anges et en démons. Hermès Trismégiste nous enseigne lunité de Dieu, son incompréhensibilité et son infinité ( Livre de la vanité des idoles. ) ». Si donc ces philosophes païens sétaient présentés pour recevoir le salut chrétien, on se serait bien gardé de leur dire : Ces croyances que vous professez sont mauvaises et erronées; au contraire, on leur aurait dit : Ces doctrines sont vraies et exactes, mais elles auraient été pour vous absolument inutiles si vous nétiez pas venus implorer la grâce de Jésus-Christ. Si donc on peut trouver dans les païens quelque chose à approuver et à conserver, quoiquils aient besoin de recevoir le salut de Jésus-Christ, que nous importe pour le moment quon dise des hérétiques quils sont pires que les païens? il nous suffit de vouloir corriger en eux ce quil y a de mauvais, en reconnaissant comme bon ce quils tiennent de Jésus-Christ. Mais comme il nous reste encore dautres opinions à examiner, je crois devoir les renvoyer au livre suivant. (172).
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