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LIVRE SEPTIÈME: Le Concile de Carthage.

 

Examen des autres opinions émises dans le concile de Carthage.

 

CHAPITRE PREMIER.

LES DONATISTES ET CYPRIEN, LES CHRÉTIENS JUDAÏSANTS ET SAINT PIERRE.

CHAPITRE II.

OPINION DE MARC DE MACTARUM.

CHAPITRE III.

OPINION DE SATIUS DE SICILIBBA.

CHAPITRE IV.

OPINION DE VICTOR DE GOR.

CHAPITRE V.

OPINION D’AURÉLIUS D’UTIQUE.

CHAPITRE VI.

OPINION DE JAMBUS DE GERMANICIANA.

CHAPITRE VII.

OPINION DE LUCIANUS DE RUCUMA.

CHAPITRE VIII.

OPINION DE PÉLAGE DE LUPERCIANA.

CHAPITRE IX.

OPINION DE JADER DE MIDILA.

CHAPITRE X.

OPINION DE FÉLIX DE MARAZANA.

CHAPITRE XI.

OPINION DE PAUL DE BOBBA.

CHAPITRE XII.

OPINION DE POMPONIUS DE DIONYSIANA.

CHAPITRE XIII.

OPINION DE VENANTIUS DE TINISA.

CHAPITRE XIV.

OPINION D’AYMNIUS D’AUSUAGA.

CHAPITRE XV.

OPINION DE SATURNINUS DE VICTORIANA.

CHAPITRE XVI.

OPINION DE SATURNINUS DE TUCCA.

CHAPITRE XVII.

OPINION DE MARCELLUS DE ZAMA.

CHAPITRE XVIII.

OPINION D’IRÉNÉE D’ULULIS.

CHAPITRE XIX.

OPINION DE DONAT DE CIBALIANA.

CHAPITRE XX.

OPINION DE ZOZIME DE THARASSA.

CHAPITRE XXI.

OPINION DE JULIANUS DE TÉLEPTE.

CHAPITRE XXII.

OPINION DE FAUSTUS DE TIMIDA.

CHAPITRE XXIII.

OPINION DE GÉMINIUS DE FURNIS.

CHAPITRE XXIV.

OPINION DE ROGATIANUS DE NOVA.

CHAPITRE XXV.

OPINION DE THÉRAPIUS DE BULLA.

CHAPITRE XXVI.

OPINION DE LUCITSS DE MEMBRESA.

CHAPITRE XXVII.

OPINION DE FÉLIX DE BUSLACENUM.

CHAPITRE XXVIII.

OPINION DE SATURNINUS D’ABITINIS.

CHAPITRE XXIX.

OPINION DE QUINTUS D’AGGYA.

CHAPITRE XXX.

OPINION DE JULIANUS DE MARCELLIANA.

CHAPITRE XXXI.

OPINION DE TENAX DE CÉLIA.

CHAPITRE XXXII.

OPINION DE VICTOR D’ASSURIS.

CHAPITRE XXXIII.

OPINION DE DONATULUS DE CAPSE.

CHAPITRE XXXIV.

OPINION DE VÉRULUS DE RUSICCADE.

CHAPITRE XXXV.

OPINION DE PUDENTIANUS DE CUICULI.

CHAPITRE XXXVI.

OPINION DE PIERRE D’HIPPONE DIARRHITE.

CHAPITRE XXXVII.

OPINION DE LUCIUS D’AUSAFA.

CHAPITRE XXXVIII.

OPINION DE FÉLIX DE GURGITE.

CHAPITRE XXXIX.

OPINION DE PUSILLUS DE LAMASBA.

CHAPITRE XL.

OPINION DE SALVIANUS DE GAZAUFALA.

CHAPITRE XLI.

OPINION D’HONORATUS DE TUCCA.

CHAPITRE XLII.

OPINION DE VICTOR D’OCTAVE.

CHAPITRE XLIII.

OPINION DE CLARUS DE MASCULA.

CHAPITRE XLIV.

OPINION DE SÉCUNDIANUS DE THAMBÉE.

CHAPITRE XLV.

OPINION D’AURÉLIUS DE CHULLABI.

CHAPITRE XLVI.

OPINION DE LITTEUS DE GÉMELLE.

CHAPITRE XLVII.

OPINION DE NOEL D’OËA.

CHAPITRE XLVIII.

OPINION DE JUNIUS DE NÉAPOLIS.

CHAPITRE XLIX.

OPINION DE CYPRIEN DE CARTHAGE.

CHAPITRE L.

UNE LETTRE DE CYPRIEN A MAGNUS.

CHAPITRE LI.

LES BONS ET LES MÉCHANTS DANS LA MAISON DE DIEU.

CHAPITRE LII.

LE BAPTÊME DANS SES DIFFÉRENTES CONDITIONS.

CHAPITRE LIII.

LE BAPTÊME DONNÉ PAR UN INFIDÈLE.

CHAPITRE LIV.

CONCLUSION.

 

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CHAPITRE PREMIER.

LES DONATISTES ET CYPRIEN, LES CHRÉTIENS JUDAÏSANTS ET SAINT PIERRE.

 

1. Je prie mes lecteurs de me pardonner si la discussion que je soutiens sur le même sujet revêt une forme trop longue et trop variée. Sur cette question du baptême, malgré les obscurités de toute sorte dont on s’est plu à l’entourer, l’Eglise catholique, s’appuyant sur l’antique coutume et sur l’autorité d’un concile général, a toujours proclamé au milieu des nations que le baptême conféré par les hérétiques et les schismatiques est absolument le même que celui qui est conféré dans son sein. Cependant l’opinion contraire s’est vue affirmée par des hommes d’une grande autorité, restés fidèles à l’unité de l’Eglise, et surtout par l’illustre martyr Cyprien. Nos adversaires n’ont pas manqué de nous opposer l’opinion de ces évêques, dont ils sont loin d’imiter la charité. De là pour nous la nécessité d’approfondir tout ce qui s’est dit et fait sur cette matière dans le concile de Carthage; la nécessité de reprendre en main de nouveau et pour quelque temps encore cette même question, et de montrer que l’Eglise catholique est parfaitement dans la vérité quand elle reçoit les hérétiques et les schismatiques avec le seul baptême de Jésus-Christ, tel qu’ils l’ont reçu, ne leur connaissant d’autre besoin que celui de se corriger de leur erreur et de s’enraciner dans la charité. Quant au baptême en lui-même, elle en reconnaît en eux la présence et la validité, mais elle fait disparaître les obstacles qui empêchaient ce sacrement de produire ses effets.

Quant au bienheureux Cyprien, depuis que son âme n’est plus accablée sous le poids du corps; depuis que cette enveloppe terrestre n’entrave plus le libre essor de son esprit (  Sag., IX, 15 ) ; depuis qu’il jouit de toute la sérénité du ciel, il lui est donné de contempler la vérité dont sa charité lui a mérité la complète révélation. Nous qui gémissons encore dans cette misérable mortalité de la chair et dans les ténèbres de cette vie, nous l’en supplions, qu’il nous aide de ses puissantes prières, qu’il nous obtienne, avec la grâce de Dieu, de suivre la trace des vertus dont il nous a donné l’exemple. Autrefois il a cru devoir embrasser et persuader à ses collègues une opinion dont il comprend aujourd’hui toute l’erreur; assurément nous lui sommes de beaucoup inférieur en mérites, toutefois nous appuyant, dans notre faiblesse, sur l’infaillible autorité de l’Eglise catholique dont il fut toujours le membre dévoué, nous devons défendre courageusement la vérité contre les attaques des hérétiques et des schismatiques. Ils ont rompu l’unité qu’il conserva toujours; ils ont éteint la flamme de la charité dont il brûla sans cesse; ils ont renoncé à l’humilité dont il ne se départit jamais; ce qu’il éprouve à leur égard, n’est-ce point un sentiment de réprobation d’autant plus vif, qu’il les voit tout désireux d’abuser de ses écrits pour tromper et séduire, et de souffler le feu de la discorde au lieu d’imiter son amour de la paix? Aujourd’hui encore nous trouvons de ces chrétiens Nazaréens qui prétendent judaïser et imposer la circoncision charnelle, et rattachent ainsi leur hérésies à cette erreur contre laquelle saint Paul osa prémunir l’apôtre saint Pierre (  Gal., II, 11 ). Or, tandis que saint Pierre, établi le chef des Apôtres, a été couronné de la gloire du martyre, nous voyons ces chrétiens judaïsants s’obstiner dans leur perversité et dans leur schisme sacrilège; de même, tandis que Cyprien, par l’éclat de son martyre et par l’abondance de sa charité, a mérité d’être associé à la gloire des saints, nous voyons les Donatistes s’obstiner dans leur séparation de l’unité, et par leurs calomnies opposer le plus généreux citoyen de l’unité à la patrie même de l’unité. Mais après avoir rappelé ces principes, continuons l’examen des opinions émises par le concile de Carthage. (173)

 

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CHAPITRE II.

OPINION DE MARC DE MACTARUM.

 

2. « Ne nous étonnons pas de voir les hérétiques, dans leur haine aveugle contre la vérité, s’attribuer un pouvoir et une dignité qui ne leur appartiennent pas. Ce qui doit nous étonner, c’est que parmi nous il se trouve des prévaricateurs qui prêtent main-forte aux hérétiques et combattent contre les chrétiens. Voilà pourquoi nous déclarons que l’on doit baptiser les hérétiques ».

3. Je réponds: Ce qu’il faut admirer et célébrer avec éclat, c’est que ces évêques aient éprouvé pour l’unité un tel attachement qu’ils n’ont pas craint de se souiller en persévérant dans l’unité avec ceux-là mêmes qu’ils regardaient comme des prévaricateurs de la vérité. « On doit s’étonner», dit-il, « que parmi nous il se trouve des prévaricateurs qui prêtent main-forte aux hérétiques et combattent contre les chrétiens »; la conclusion naturelle devait être : Voilà pourquoi nous déclarons qu’on ne doit avoir avec eux aucune communication. Pourtant, au lieu de cette conclusion qui paraissait si naturelle, il émet la suivante : « Voilà pourquoi nous déclarons que l’on doit baptiser les hérétiques ». Si cette conclusion n’est pas très logique, elle prouve du moins que cet évêque partageait entièrement les intentions pacifiques de Cyprien : « Ne jugeant personne et nous abstenant avec soin de priver du droit de communion celui qui partagerait une opinion contraire». On sait que les Donatistes nous prodiguent la calomnie et vont jusqu’à nous appeler des traditeurs; or, s’il arrivait qu’un juif ou un païen prît connaissance des opinions émises dans le concile, il aurait le droit, invoquant les principes donatistes, de nous flétrir tous, catholiques et Donatistes, du nom de prévaricateurs de la vérité; et alors je voudrais savoir sur quelle base commune nous pourrions nous appuyer pour réfuter cette grave accusation.

Les Donatistes appellent traditeurs des hommes dont ils n’ont jamais pu et ne peuvent encore prouver la culpabilité; ce crime, d’ailleurs, ne pourrait-il pas leur être à plus juste titre reproché? Mais que nous importe? Contentons-nous de les regarder comme prévaricateurs, et voyons à quels titres? Ils nous flétrissent, bien à tort, sans doute, du titre de traditeurs (traîtres) , parce qu’ils nous accusent d’avoir succédé aux traditeurs dans la même communion; mais nous succédons tous à ces prévaricateurs, puisqu’à l’époque du bienheureux Cyprien, la secte de Donat ne s’était point encore séparée de l’unité. En effet, ce n’est que quarante ans après son martyre que l’on vit certains évêques livrer les saints Livres et mériter par là le nom de traditeurs. Si donc nous sommes nous-mêmes des traditeurs, parce que, disent-ils, nous descendons des traditeurs, eux et nous ne tirons-nous pas tous notre origine de ces prévaricateurs? Qu’on ne dise pas qu’il n’y eut entre les uns et les autres aucune communication, car nous voyons au contraire qu’il régnait entre eux une parfaite unité, et jusque dans le concile, Marcus peut s’écrier: « Quelques-uns d’entre nous, se rendant prévaricateurs de la vérité, prêtent main-forte aux hérétiques ». Ajoutons à cela le témoignage même de saint Cyprien, prouvant hautement qu’il était resté en communion avec ces prévaricateurs : « Ne jugeant personne », dit-il, « et nous abstenant de priver du droit de communion quiconque partage une opinion contraire ». Ceux que Marcus appelle prévaricateurs partageaient assurément une opinion contraire, puisqu’ils recevaient les hérétiques sans les baptiser, et semblaient ainsi leur prêter main-forte. Quant à la coutume alors existante de recevoir ainsi les hérétiques, Cyprien lui-même la constate dans plusieurs endroits de ses lettres, et quelques évêques, dans le concile de Carthage, y ont fait clairement allusion. Par conséquent, si les hérétiques n’ont pas le baptême, l’Eglise catholique, à cette époque, n’était pour ainsi dire formée que de prévaricateurs, qui tous prêtaient main-forte aux hérétiques en les recevant sans baptême. Défendons-nous donc en commun du crime de prévarication, qu’ils ne peuvent nier; et alors, nous catholiques, nous nous justifierons du crime de tradition contre lequel ils n’ont aucune preuve sérieuse à apporter. Supposons même que ce crime soit prouvé; ce que, Donatistes et catholiques, nous répondrons à ceux qui nous objectent la prévarication de nos ancêtres, nous le répondrons également, nous catholiques, à ceux qui nous objectent la tradition de nos ancêtres. En effet, de même que nous sommes (174) morts par ce crime de tradition de nos ancêtres, contre lesquels ils ont fait schisme; de même, Donatistes et catholiques, nous sommes tous morts par la prévarication de ces évêques qui sont nos ancêtres à tous. Si donc, parce qu’ils se flattent de vivre, les Donatistes soutiennent que cette prévarication ne les concerne en aucune manière, nous dirons également de la tradition qu’elle ne saurait nous toucher. A les en croire, cette prévarication est certaine; tandis qu’à nos yeux il n’y a eu ni prévarication antérieure, puisque nous affirmons que les hérétiques peuvent avoir le baptême de Jésus-Christ; ni tradition postérieure, puisqu’ils n’ont jamais pu la prouver. Par conséquent, les Donatistes n’avaient aucun motif sérieux de se séparer de nous par un schisme sacrilège, car si nos ancêtres, comme nous l’affirmons, ne peuvent être accusés de tradition, nous n’avons plus à subir aucune solidarité sur ce point ; au contraire, si, comme le soutiennent les Donatistes, nos ancêtres ont été traditeurs, nous ne sommes pas plus responsables de cette tradition que nous, Donatistes et catholiques, nous ne sommes responsables de la prévarication de nos prédécesseurs réciproques. Ainsi donc, puisque nous n’avons pas à répondre de l’iniquité de nos ancêtres, les Donatistes sont responsables du schisme sacrilège qu’ils ont osé consommer.

 

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CHAPITRE III.

OPINION DE SATIUS DE SICILIBBA.

 

4. « Si dans leur baptême les hérétiques reçoivent la rémission des péchés, il n’y a plus pour eux aucune nécessité de revenir à l’Eglise. Au jour du jugement les péchés recevront le châtiment qu’ils méritent; pourquoi donc les hérétiques craindront-ils le jugement de Jésus-Christ, s’ils ont obtenu la rémission de leurs péchés? »

5. Telles qu’elles sont formulées, ces propositions ne nous paraissent nullement répréhensibles; tout dépend du sens particulier qu’y attachait l’auteur. Pour moi, j’y mettrais cette double restriction : d’abord les hérétiques peuvent avoir le baptême de Jésus-Christ; et ensuite, ils ne reçoivent pas la rémission de leurs péchés. Or, Satins ne dit pas: Si les hérétiques baptisent ou sont baptisés, mais : « Si dans leur baptême les hérétiques reçoivent la rémission de leurs péchés, il n’y a plus pour eux aucune nécessité de revenir à l’Eglise ». A la place des hérétiques, substituons ceux que Cyprien signalait comme ne renonçant au siècle que du bout des lèvres, et non point par leurs oeuvres, et nous pourrons reproduire textuellement la proposition de l’auteur : Si tous ceux qui ne sont convertis qu’en apparence reçoivent dans le baptême la rémission de leurs péchés, il n’y a plus pour eux aucune nécessité de revenir à une conversion véritable. Au jour du jugement, les péchés recevront le châtiment qu’ils méritent; pourquoi donc ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres, et non point par leurs oeuvres, craindraient-ils le jugement de Jésus-Christ, s’ils ont obtenu la rémission de leurs péchés? Toutefois, ce raisonnement doit être complété par l’addition suivante : Ils sont obligés de craindre le jugement de Jésus-Christ et d’opérer leur conversion véritable; leur salut n’est qu’à cette condition, sans qu’ils aient aucun besoin de recevoir de nouveau le baptême. Par conséquent, ils ont pu recevoir le baptême sans recevoir la rémission de leurs péchés, à moins qu’on admette que leurs péchés, à peine pardonnés, ont dû revivre et souiller de nouveau leur conscience. Or, ceci s’applique également aux hérétiques.

 

 

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CHAPITRE IV.

OPINION DE VICTOR DE GOR.

 

6. « Puisque les péchés ne sont remis que dans le baptême de l’Eglise, celui qui reçoit un hérétique à la communion de l’Eglise, sans lui conférer le baptême, commet la double faute de ne point le purifier de ses péchés et de souiller les chrétiens ».

7. Je réponds que les hérétiques possèdent le baptême de l’Eglise, quoique eux-mêmes ne soient pas dans l’Eglise; c’est ainsi que l’eau du paradis terrestre coulait jusque dans l’Egypte, quoique l’Egypte ne fût pas dans le paradis terrestre. Par conséquent, ce n’est pas sans baptême que nous acceptons les hérétiques à la communion de l’Eglise; du moment qu’ils renoncent à leur perversité, ce que nus accueillons en eux, ce n’est point leurs péchés, mais les sacrements de Jésus-Christ. Quant à la rémission des péchés, nous n’aurions qu’à répéter ici ce que nous avons (175) dit précédemment. Remarquons seulement ces dernières paroles: « Il commet une double faute, puisqu’il ne purifie point les hérétiques et qu’il souille les chrétiens ». Cyprien et ses autres collègues repoussent cette conclusion, car le saint martyr ne croyait pas se souiller quand, pour sauvegarder le lien de l’unité, il s’écriait au milieu de l’assemblée : « Ne jugeant personne, et nous abstenant de priver du droit de communion celui qui partagerait une opinion contraire ». Ou bien, si les hérétiques admis sans baptême à la communion de l’Eglise souillent les chrétiens, il faut en conclure que l’Eglise tout entière était souillée par suite de cette coutume dont nous avons si souvent constaté l’existence. Si donc les Donatistes se trouvent en droit de nous appeler traditeurs, à cause de nos ancêtres, contre lesquels ils n’ont pu fournir aucune preuve sérieuse ; si nous sommes nécessairement solidaires des crimes de ceux avec qui nous sommes en communion, ne faut-il pas conclure qu’à l’époque de Cyprien tous les chrétiens étaient hérétiques? Une telle conclusion serait absurde; il est donc également absurde de dire que « celui qui admet à la communion de l’Eglise un hérétique sans lui donner le baptême, ne purifie pas les hérétiques et souille les chrétiens ». Et puis, cette conclusion fût-elle vraie en elle-même, nous répondrions que ces hérétiques n’étaient point admis sans baptême, puisqu’ils avaient le véritable baptême de Jésus-Christ, quoique ce baptême eût été donné et reçu parmi les hérétiques. C’est en vertu de ce principe que la coutume existait, comme ils l’avaient eux-mêmes, de recevoir les hérétiques sans leur réitérer le baptême, et cette coutume aujourd’hui fait loi parmi nous.

 

 

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CHAPITRE V.

OPINION D’AURÉLIUS D’UTIQUE.

 

 

8. « L’Apôtre nous défend de nous rendre participants des péchés d’autrui ( I Tim., V, 22 ); or, n’est-ce pas se rendre participant des péchés d’autrui que de se mettre en communion avec des hérétiques qui n’ont point le baptême de l’Eglise? Je déclare donc que l’on doit baptiser les hérétiques, afin que ce sacrement leur confère la rémission des péchés, et nous autorise à les recevoir dans notre communion ».

9. Je réponds: Cyprien et tous ses collègues du concile se sont donc rendus participants des péchés d’autrui, puisqu’ils sont restés en communion avec des hommes qu’ils savaient coupables, et admettaient en principe qu’ils ne devaient pas priver du droit de communion ceux qui partageaient une opinion contraire à la leur. Où donc est l’Eglise? Et puis, laissant de côté les hérétiques, je m’empare de ces paroles d’Aurélius pour les appliquer à ces autres pécheurs que Cyprien rencontrait en grand nombre jusque dans le sein de l’Eglise, sur lesquels il exhalait ses longs gémissements et contre lesquels cependant il s’abstenait de prononcer l’excommunication; où est donc l’Eglise, car elle avait dû périr au sein d’une telle contagion et dans un tel déluge de péchés? Or, l’Eglise est restée vivante et forte. L’évidence est là pour le prouver; d’où il suit que la participation que défend l’Apôtre résulte, non point des relations extérieures avec les pécheurs, mais du consentement formel que l’on donnerait à leur conduite criminelle. Qu’on rebaptise donc de nouveau les hérétiques pour leur accorder la rémission de leurs péchés, pourvu que l’on réitère ce sacrement à ces hommes pervers et jaloux qui, ne renonçant au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, ont pu recevoir le baptême, mais n’ont pas obtenu la rémission de leurs péchés, car le Seigneur a dit : « Si vous ne pardonnez pas, il ne vous sera point pardonné par votre Père céleste ( Matt., VI, 15 ) ».

 

 

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CHAPITRE VI.

OPINION DE JAMBUS DE GERMANICIANA.

 

10. « Ceux qui ratifient le baptême des hérétiques condamnent le nôtre; c’est ce que font tous ceux qui nient l’obligation de baptiser dans l’Eglise ceux qui ont été, non point purifiés, mais souillés hors de l’Eglise ».

11. Je réponds que le baptême que nous ratifions dans les hérétiques n’est point le baptême des hérétiques, mais le baptême de Jésus-Christ, quoique ce baptême se trouve dans les hérétiques comme dans des pailles extérieures, tandis qu’en se trouvant dans les pécheurs, il est mêlé à des pailles intérieures. (176) S’il est vrai de dire que ceux qui sont baptisés hors de l’Eglise ne sont pas lavés, mais souillés, on doit ajouter avec tout autant de raison que ceux qui sont baptisés hors de la pierre sur laquelle est bâtie l’Eglise, ne sont pas lavés, mais souillés. Or, tous ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ sans l’accomplir sont assurément hors de cette pierre. Ou bien, s’ils sont purifiés par le baptême, mais à la condition de rester souillés de toutes les iniquités dont ils refusent de se corriger, on peut en dire tout autant des hérétiques.

 

 

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CHAPITRE VII.

OPINION DE LUCIANUS DE RUCUMA.

 

12. « Il est écrit: Dieu vit que la lumière est bonne, et il sépara la lumière des ténèbres ( Gen., I, 4 ). Si la lumière peut s’allier avec les ténèbres, il peut également y avoir quelque chose de commun entre nous et les hérétiques. Je déclare donc que l’on doit baptiser les hérétiques ».

13. Je réponds: Si la lumière peut s’allier avec les ténèbres, il peut y avoir quelque chose de commun entre les justes et les pécheurs. Qu’il conclue donc la nécessité de baptiser de nouveau ces pécheurs, dont Cyprien constatait la présence dans l’Eglise; ou bien, si l’on ne doit pas regarder comme pécheurs ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, qu’il nous dise ce qu’il faut faire pour être pécheur.

 

 

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CHAPITRE VIII.

OPINION DE PÉLAGE DE LUPERCIANA.

 

14. « Il est écrit : Ou bien c’est le Seigneur qui est notre Dieu, ou bien c’est Baal (  III Rois, XVIII, 21 ). De même aujourd’hui : ou bien c’est l’Eglise qui est l’Eglise, ou bien c’est l’hérésie qui est l’Eglise. Si donc ce n’est pas l’hérésie qui est l’Eglise, comment le baptême de l’Eglise peut-il se trouver parmi les hérétiques? »

15. Je puis également lui répondre: Ou bien le paradis est le paradis, ou bien c’est l’Egypte qui est le paradis. Si donc l’Egypte n’est pas le paradis, comment l’eau du paradis peut-elle se trouver en Egypte? On me répondra peut-être : Mais, en sortant du paradis, l’eau coule jusqu’en Egypte. Je dis également : Le baptême de l’Eglise s’étend jusqu’aux hérétiques. Nous pouvons dire encore : Ou bien c’est la pierre qui est l’Eglise, ou bien c’est le sable; si donc ce n’est pas le sable qui est l’Eglise, comment le baptême peut-il se trouver parmi ceux qui bâtissent sur le sable? car c’est bâtir sur le sable que d’entendre la parole de Jésus-Christ et de ne point l’accomplir ( Matt., VI, 21-27 ). Et pourtant ils ont le baptême. On peut en dire autant des hérétiques.

 

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CHAPITRE IX.

OPINION DE JADER DE MIDILA.

 

16. Nous savons qu’il n’y a qu’un seul « baptême, lequel se trouve dans l’Eglise catholique. Nous ne devons donc admettre un hérétique qu’à la condition qu’il aura été baptisé parmi nous, car autrement il pourrait croire qu’il a été baptisé hors de l’Eglise catholique ».

17. Je réponds que ce raisonnement appliqué à ceux qui sont hors de la pierre, serait d’une fausseté évidente. Il n’en est pas plus vrai quand on l’applique aux hérétiques.

 

 

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CHAPITRE X.

OPINION DE FÉLIX DE MARAZANA.

 

18. « Une foi, un baptême (Eph., IV, 5 ); mais ce baptême est celui de l’Eglise catholique, à lui seule il appartient de baptiser ».

19. Et si un autre disait: Une foi, un baptême; mais ce baptême n’est que celui des justes, à qui seuls il appartient de baptiser? Ce raisonnement serait faux; celui de Félix l’est également. Est-ce que les pécheurs, baptisés sans contrition et renonçant au siècle uniquement du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, peuvent être regardés comme membres de l’Eglise? Qu’ils se demandent si une telle Eglise serait encore cette pierre, cette colombe, cette épouse sans tache et sans ride (Id., V, 27 ).

 

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CHAPITRE XI.

OPINION DE PAUL DE BOBBA.

 

20. « Je ne me sens point ébranlé à la vue de tel évêque qui cesse de soutenir la foi et la vérité de l’Eglise, car l’Apôtre s’est écrié: Quoi donc? Si quelques-uns d’entre eux ont  renoncé à la foi, leur infidélité (177)anéantira-t-elle la fidélité de Dieu? Assurément non. Dieu est véritable et tout homme est menteur ( Rom., III, 3, 4). Or, si Dieu est véritable, comment la vérité du baptême peut-elle se trouver parmi les hérétiques, tandis que Dieu n’est point avec eux? »

21. Je réponds: Quoi? Dieu serait-il donc avec les avares? Et cependant ils ont le baptême. Il en est de même des hérétiques. Ceux avec qui Dieu se trouve sont les temples de Dieu. Or, « quel rapport peut-il y avoir entre le temple de Dieu et les idoles( II Cor., VI, 16. )? » Saint Paul parlait de l’avarice qu’il assimile à l’idolâtrie; Cyprien reproduit la même pensée; et cependant, au prix d’une tolérance bien méritoire, il consent à vivre en communion avec des collègues notoirement coupables de rapines et baptisant publiquement.

 

 

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CHAPITRE XII.

OPINION DE POMPONIUS DE DIONYSIANA.

 

22. « Il est évident que les hérétiques ne peuvent ni baptiser ni donner la rémissiondes péchés, car ils n’ont le pouvoir ni de délier ni de lier sur la terre ».

23. Je réponds : Ce pouvoir n’appartient pas davantage aux homicides, c’est-à-dire à ceux qui nourrissent de la haine contre leurs frères. Car ce n’est point à de tels ministres qu’il a été dit: « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez ( Jean, XX, 23 ). Cependant , de tels ministres confèrent le baptême; saint Paul les tolère dans la communion de ce baptême, et Cyprien y applaudit.

 

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$CHAPITRE XIII.

OPINION DE VENANTIUS DE TINISA.

 

24. « Si un mari, sur le point d’entreprendre un long voyage, confiait la garde de son épouse à un ami, celui-ci déploierait toute la diligence possible pour soustraire la chasteté et la sainteté de cette épouse à tout danger de profanation. Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, sur le point de remonter à son Père, nous a confié son épouse; la gardons-nous pure et incorruptible, ou bien livrons-nous son intégrité et      sa chasteté à la férocité des adultères et des corrupteurs? Quiconque attribue aux hérétiques des droits ou des pouvoirs sur le baptême de l’Eglise, livre l’épouse de Jésus-Christ à l’empire des adultère ».

25. Je réponds : Ceux qui reçoivent le baptême en protestant du bout des lèvres de leur amour pour Dieu, tandis que leur coeur reste attaché au péché, peuvent-ils nier que leur âme soit coupable d’adultère? Ne sont-ils pas ces partisans du siècle auquel ils renoncent en paroles, mais non point par leurs oeuvres, et qui dans leurs conversations tendent à corrompre les bonnes moeurs, en répétant ce cri de l’impie : « Mangeons et buvons, car nous mourrons bientôt ( I Cor., XV, 33, 32 )? » N’est-ce pas contre eux que l’Apôtre voulait nous prémunir, quand il disait : « Comme le serpent séduisit Eve par ses artifices, je crains que vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté chrétienne ( II Cor., XI, 3 ) ? » Pourtant Cyprien reconnaissait qu’il partageait avec de tels hommes le baptême de Jésus-Christ; dira-t-on que par là il abandonnait l’épouse de Jésus-Christ à des adultères? ne serait-il pas plus vrai de dire que jusque sur l’adultère il reconnaissait le joyau de l’époux véritable?

 

 

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CHAPITRE XIV.

OPINION D’AYMNIUS D’AUSUAGA.

 

 

26. « Nous ne reconnaissons qu’un seul baptême, c’est celui que nous conférons; par conséquent, accorder aux hérétiques le pouvoir de baptiser, c’est admettre deux baptêmes différents ».

27. Je réponds: Pourquoi donc n’est-ce pas admettre deux baptêmes différents que de soutenir que les pécheurs peuvent baptiser? Entre les justes et les pécheurs il y a opposition formelle; cependant le baptême conféré par les justes, tels que saint Paul ou saint Cyprien, n’est point contraire au baptême conféré par ces pécheurs qui haïssaient saint Paul et que Cyprien regarde, non pas comme des hérétiques, ruais comme de mauvais chrétiens. De même il y avait une frappante contradiction entre la continence de Cyprien et l’avarice de quelques-uns de ses collègues; et cependant le baptême conféré par Cyprien n’était pas contraire au baptême conféré par ses collègues; il n’y avait là qu’un seul et même baptême, parce que ce sacrement, quel qu’en soit le ministre, est toujours l’œuvre propre de celui dont il a été dit : « C’est lui qui baptise ( Jean, I, 33 )».

 

 

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CHAPITRE XV.

OPINION DE SATURNINUS DE VICTORIANA.

 

28. « Si les hérétiques ont le pouvoir de baptiser, ils se trouvent autorisés à faire ce qui est illicite, et je ne vois plus pour quelle raison Jésus-Christ les appelle ses adversaires, et l’Apôtre, des antéchrists ».

29. Je réponds : Nous disons des hérétiques qu’il ne leur est pas permis de baptiser, comme nous disons des voleurs qu’il ne leur est pas permis de baptiser. En effet, ce n’est point seulement à l’hérétique, mais en général à tout pécheur que le Seigneur a dit:

« Pourquoi racontez-vous mes gloires, et assumez-vous le soin de célébrer mon testament? » puis, s’adressant spécialement au pécheur, il ajoute: « Quand vous voyiez un voleur, vous couriez avec lui ( Ps., XLIXIX, 16, 18 ). Combien n’étaient pas plus coupables ces malheureux qui; sans courir avec les voleurs, s’emparaient du bien d’autrui par la fraude et la ruse? Toutefois on ne saurait leur donner pour complice le bienheureux Cyprien, quoiqu’il les eût tolérés dans la moisson catholique, dans la crainte d’arracher en même temps le froment. Pourtant le baptême par eux conféré était le même que le baptême conféré par Cyprien lui-même, car ce n’était pas leur propre baptême qu’ils conféraient, mais le baptême de Jésus-Christ. On peut donc reconnaître en eux le véritable baptême de Jésus-Christ sans les excuser et les justifier dans ce qu’ils font d’illicite; de même, ce n’est pas sans raison que le Sauveur les appelle ses adversaires, car s’ils persévèrent jusqu’à la fin dans leur voie criminelle, ils entendront cette terrible parole : « Retirez-vous de moi, vous qui accomplissez l’iniquité ». Enfin, ils méritent le nom d’antéchrists, parce qu’ils se posent en adversaires de Jésus-Christ, en menant une conduite directement opposée à ses commandements. Il en est de même des hérétiques.

 

 

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CHAPITRE XVI.

OPINION DE SATURNINUS DE TUCCA.

 

30. « Quoique les Gentils adorent les idoles, cependant ils connaissent et proclament le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses. Or, c’est contre ce Dieu que Marcion blasphème, et cependant il est des évêques qui ne rougissent pas de ratifier le baptême de Marcion. Comment le sacerdoce divin peut-il être conservé ou vengé par des prêtres qui ne baptisent pas les ennemis de Dieu, et restent en communion avec eux?»

31. Je réponds : Un tel langage dépasse toute mesure, et l’auteur oublie certainement que ses collègues et lui sont en communion avec ces prévaricateurs, puisque tous ont proclamé par la bouche de Cyprien « qu’ils ne jugeaient personne et qu’ils s’abstenaient de priver du droit de communion celui qui partagerait une opinion contraire ». Mais l’orateur, sans y faire attention, reconnaît lui-même que l’on doit partout corriger ce qui est mauvais et approuver ce qui est légitime. Ne dit-il pas : « Quoique les Gentils adorent les idoles, cependant ils reconnaissent et proclament le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses ? » Supposé donc que l’un de ces païens demande à entrer dans l’Eglise, est-ce que Saturninus lui commanderait de changer sa croyance sur le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses? Je ne le pense pas; il l’arracherait aux ténèbres de l’idolâtrie; il lui donnerait les sacrements chrétiens qu’il n’avait pas; ce qu’il verrait de bon en lui, il l’approuverait; ce qu’il verrait de mauvais, il le corrigerait; ce qu’il n’aurait pas, il le lui donnerait. De même pour un hérétique marcionite, il ratifierait dans cet hérétique l’intégrité du baptême, il corrigerait sa perversité et lui enseignerait la vérité catholique.

 

 

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CHAPITRE XVII.

OPINION DE MARCELLUS DE ZAMA.

 

32. « Puisque les péchés ne sont remis que dans le baptême de l’Eglise, celui qui reçoit un hérétique sans le baptiser, se met en communion avec un pécheur ».

33. Et celui qui communique avec un ministre qui agit de cette manière, ne se met-il pas en communion avec un pécheur? Or, n’est-ce pas dans cette situation que se trouvaient tous ceux qui affirmaient ne juger personne et s’abstenir de priver du droit de communion celui qui partageait une opinion contraire? Où est donc l’Eglise? Ou bien cette (179) conduite est-elle sans conséquence pour ceux qui souffrent et tolèrent la zizanie, dans la crainte d’arracher en même temps le bon grain ( Matt., XIII, 29 )? Que les Donatistes qui se sont rendus coupables d’un schisme sacrilège en se séparant de l’Eglise universelle, nous disent de quel droit ils revendiquent en leur faveur les paroles de Cyprien, quand ils sont si loin d’avoir dans leur coeur la patience de Cyprien? D’ailleurs il est inutile de répéter ici à Marcellus ce que nous avons dit plus haut du baptême et de la rémission des péchés; nous avons suffisamment prouvé qu’un homme peut recevoir le baptême sans recevoir cependant la rémission des péchés.

 

 

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CHAPITRE XVIII.

OPINION D’IRÉNÉE D’ULULIS.

 

 

34. « Si l’Eglise ne baptise pas l’hérétique parce que ce dernier passe pour être baptisé, l’hérésie est donc plus puissante que l’Eglise ».

35. Je réponds : Autant vaudrait dire: Si l’Eglise ne baptise pas l’avare, parce que ce dernier passe pour être baptisé, l’avarice est donc plus puissante que l’Eglise. Si cette seconde conclusion est absurde, la première l’est également.

 

 

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CHAPITRE XIX.

OPINION DE DONAT DE CIBALIANA.

 

36. « Je ne connais qu’une seule Eglise et qu’un seul baptême, celui de l’Eglise. Celui qui soutient que les hérétiques possèdent la grâce du baptême, doit avant tout montrer et prouver que c’est aussi dans l’hérésie que se trouve l’Eglise ».

37. Je réponds : Si par grâce du baptême vous entendez le baptême lui-même, les hérétiques la possèdent; mais si le baptême est le sacrement de la grâce, et si la grâce est la rémission des péchés, assurément les hérétiques rie possèdent pas la grâce du baptême. D’un autre côté, il n’y a qu’un seul baptême et une seule Eglise, comme il n’y a qu’une seule espérance. De même donc que les bons et les méchants, quoique n’ayant pas la même espérance, peuvent cependant avoir le même baptême; de même ceux qui n’ont pas la seule et même Eglise peuvent cependant avoir un seul et même baptême.

 

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CHAPITRE XX.

OPINION DE ZOZIME DE THARASSA.

 

38. « Dès que la vérité nous est révélée, l’erreur doit disparaître; Pierre avait commencé à imposer la circoncision, mais il s’abstint devant la vérité prêchée par Paul ( Gal., II, 11 ).

39. Je réponds : Nous pouvons accepter cette proposition, et nous en trouvons l’application immédiate dans la question du baptême. En effet, dès que la vérité se fut révélée plus clairement, l’erreur disparut devant la vérité; c’est ainsi que l’antique coutume se trouva sanctionnée par l’autorité d’un concile général. Et puis je suis heureux de voir qu’à différentes reprises ils rappellent que Pierre, le prince des Apôtres, a pu se faire une opinion contraire à la vérité; nous qui aimons Cyprien, ne pouvons-nous pas, sans lui faire injure, soutenir qu’il lui est arrivé ce qui est arrivé au premier des Apôtres? Serait-il permis de lui témoigner plus d’amour que nous n’en témoignons à Pierre?

 

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CHAPITRE XXI.

OPINION DE JULIANUS DE TÉLEPTE.

 

40. « Il est écrit : Personne ne peut recevoir que ce qui lui aura été donné du ciel ( Jean, III, 27 ). Si l’hérésie vient du ciel, elle peut donner le baptême ».

41. Un autre pourrait dire également: Si l’avarice vient du ciel, elle peut donner le baptême. Cependant les avares baptisent; pourquoi donc les hérétiques ne baptiseraient-ils pas?

 

 

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CHAPITRE XXII.

OPINION DE FAUSTUS DE TIMIDA.

 

42. « Que ceux qui patronnent les hérétiques ne se fassent point illusion. Celui qui revendique le baptême ecclésiastique pour les hérétiques, en fait des chrétiens et nous constitue des hérétiques ».

43. Je réponds : En soutenant que celui qui recevait le baptême, avec la haine dans le coeur, n’a pas reçu la rémission de ses péchés, et cependant ne saurait être baptisé de nouveau, lorsqu’il chasse cette haine de son coeur, est-ce que je revendiquerais le baptême ecclésiastique pour les homicides? est-ce que j’en (180) ferais des justes et de nous des homicides? On peut en dire autant des hérétiques.

 

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CHAPITRE XXIII.

OPINION DE GÉMINIUS DE FURNIS.

 

44. « Tels de nos collègues peuvent se mettre au-dessous des hérétiques, mais ils doivent nous épargner cette humiliation; ce que nous avons une fois décrété, nous y restons fidèles; voilà pourquoi nous devons baptiser les hérétiques qui reviennent à l’Eglise ».

45. Géminius avoue clairement que plusieurs de ses collègues ne partageaient pas l’opinion du concile; c’est ce qui prouve de nouveau l’amour des uns et des autres pour l’unité, puisqu’il ne s’opéra parmi eux aucune séparation, jusqu’à ce que Dieu daignât révéler à ceux qui pensaient différemment ce qu’ils devaient en croire ( Philipp., III, 15 ). D’ailleurs nous pouvons ajouter que les collègues dont parle Géminius, ne se mettaient point au-dessous des hérétiques; il leur suffisait de reconnaître dans les hérétiques la validité du baptême de Jésus-Christ, comme ils la reconnaissaient dans les avares, les fraudeurs, les voleurs et les homicides.

 

 

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CHAPITRE XXIV.

OPINION DE ROGATIANUS DE NOVA.

 

46. « Jésus-Christ est le fondateur de l’Eglise, et le démon, le fondateur de l’hérésie:  comment donc la synagogue de Satan pourrait-elle posséder le baptême de Jésus-Christ? »

47. Je réponds: Parce que c’est Jésus-Christ qui forme les hommes pieux, et le démon, les envieux, est-ce une raison pour conclure que le baptême de Jésus-Christ ne peut se trouver parmi les envieux parce qu’ils constituent le parti du démon?

 

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CHAPITRE XXV.

OPINION DE THÉRAPIUS DE BULLA.

 

48. « Celui qui concède et livre aux hérétiques le baptême de l’Eglise, qu’est-il autre chose que le Judas de l’épouse de Jésus-Christ? »

49. Quelle terrible condamnation pour ces schismatiques qui, par un affreux sacrilège, se sont séparés de l’Eglise de Jésus-Christ répandue sur toute la terre, si le bienheureux Cyprien pouvait, sans se souiller, rester en communion avec ces malheureux ministres devenus d’autres Judas ! Ou bien, s’il était souillé par eux, tous sont donc devenus des Judas! Aujourd’hui, nous le sommes tous également; ou enfin, si nous ne le sommes pas, c’est donc parce que les successeurs ne sont pas solidaires des crimes de leurs prédécesseurs, quoique tous soient issus d’une seule et même communion. Pourquoi donc nous opposent-ils les traditeurs, dont le crime n’est rien moins que prouvé, tandis qu’ils ne s’opposent pas Judas avec qui Cyprien et ses collègues restèrent en communion? Voilà pourtant le concile qu’ils ne cessent d’invoquer comme leur plus beau titre de gloire!

Nous disons, nous, que sans livrer nullement le baptême de l’Eglise aux hérétiques, on peut ratifier le baptême de Jésus-Christ dans les hérétiques, comme ce n’est pas livrer le baptême de l’Eglise aux homicides, que de ratifier le baptême de Jésus-Christ jusque dans les homicides. Avant donc d’invoquer ce concile, pour nous tracer ce que nous devons croire, qu’ils commencent d’abord par s’y conformer eux-mêmes. Voici que l’on assimile au traître Judas ceux qui soutenaient que le baptême ne doit pas être réitéré aux hérétiques, eussent-ils été baptisés dans l’hérésie. Or, Cyprien restait en communion avec eux, car il formulait en principe « de ne juger personne et de s’abstenir de priver du droit de communion celui qui partageait une opinion contraire ». Du reste, ce qui nous prouvé que ces malheureux dont il parle étaient dans l’unité de l’Eglise, ce sont ces autres paroles : « Quelqu’un me dit : Que fera-t-on de ceux qui précédemment ont été admis dans l’Eglise sans baptême( Cyp., Lettre LXXIII, à Jubaianus ? ». L’antique coutume de l’Eglise est constatée à différentes reprises par les membres du concile. Si donc il est vrai de dire avec Thérapius que « celui qui livre aux hérétiques le baptême de l’Eglise, n’est autre chose que le Judas de l’épouse de Jésus-Christ »; si, comme l’Evangile l’atteste, Judas fut un traître, tous ces évêques furent en communion avec des traîtres, non-seulement eux, mais encore précédemment tous ceux qui se conformaient à l’ancienne coutume, alors en usage. (181)

Par conséquent, tous, qui que nous soyons, catholiques et donatistes, issus de la même unité, nous sommes des traîtres. Nous, du moins, nous avons un double moyen de défense; car, sauf le droit d’unité, comme Cyprien l’a reconnu, nous n’admettons pas ce concile de Carthage dans lequel a été formulée cette maxime; d’un autre côté, nous enseignons que les justes ne sont pas souillés par leur contact avec les méchants dans l’unité catholique, jusqu’à ce qu’à la fin du monde la paille soit séparée du froment. Quant aux Donatistes, ils proclament hautement en leur faveur l’autorité de ce concile, et ils soutiennent que les bons ne peuvent, sans périr, rester en communion avec les méchants. Comment dès lors pourraient-ils se justifier? Ils ne peuvent pas dire que les chrétiens leurs ancêtres n’ont pas été traîtres, car le concile est là pour les démentir; ils ne diront pas non plus qu’ils ne sont point responsables des crimes de ces ancêtres, puisqu’ils nous opposent sans cesse nos propres ancêtres pour nous condamner et nous confondre.

 

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CHAPITRE XXVI.

OPINION DE LUCITSS DE MEMBRESA.

 

50. « Il est écrit: Dieu n’écoute pas les pécheurs ( Jean, IX, 31 ). Comment donc celui qui est pécheur peut-il être exaucé dans le baptême?»

51. Je réponds: Comment l’avare, le voleur, l’usurier, l’homicide peuvent-ils être exaucés? Ne sont-ce pas là des pécheurs? et cependant, tout en leur reprochant leurs crimes, Cyprien les tolérait dans l’unité catholique.

 

 

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CHAPITRE XXVII.

OPINION DE FÉLIX DE BUSLACENUM.

 

52. « Que personne ne préfère la coutume à la raison et à la vérité, quand il s’agit de recevoir les hérétiques sans le baptême de l’Eglise; la raison et la vérité excluent toujours la coutume ».

53. Je réponds: Vous ne montrez pas la vérité, et vous constatez la coutume. Nous aurions donc le droit de nous en tenir à la coutume, confirmée depuis par un concile général, lors même qu’on ignorerait encore la vérité, que nous croyons pleinement manifestée.

 

 

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CHAPITRE XXVIII.

OPINION DE SATURNINUS D’ABITINIS.

 

 

54. « Si un antéchrist peut donner à quelqu’un la grâce de Jésus-Christ, alors seule« ment le baptême peut être conféré par les hérétiques justement appelés antéchrists ».

55. Un autre pourrait dire également: Si un homicide peut donner à quelqu’un la grâce de Jésus-Christ, le baptême peut donc être conféré par ceux qui haïssent leurs frères et qui sont appelés homicides? Et pourtant il dirait vrai de ces homicides; cela est donc vrai aussi des hérétiques.

 

 

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CHAPITRE XXIX.

OPINION DE QUINTUS D’AGGYA.

 

56. « On ne peut donner que ce que l’on a; or, il est constant que les hérétiques n’ont rien, et dès lors que peuvent-ils donner? »

57. Je réponds: Si, quand on a quelque chose, on peut donner quelque chose, il est évident que les hérétiques peuvent donner le baptême, quand au moment où ils se séparent de l’Eglise, ils possèdent le sacrement qu’ils y ont reçu. Pourquoi donc le recevraient-ils en revenant à l’Eglise, puisqu’ils ne l’ont pas perdu en se séparant de l’Eglise?

 

 

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CHAPITRE XXX.

OPINION DE JULIANUS DE MARCELLIANA.

 

58. « Si l’homme peut servir deux maîtres, Dieu et l’argent le baptême peut également servir deux sujets, le chrétien et l’hérétique ».

59. Il y a plus, car si le baptême peut servir le continent et l’avare, le tempérant et l’ivrogne, le pieux et l’homicide, pourquoi donc ne servirait-il pas le chrétien et l’hérétique? Non, sans doute, il ne les sert pas, mais il est administré aux uns et par les autres, devenant un principe de salut pour ceux qui en font un bon usage, et une cause de condamnation pour ceux qui en abusent.

 

 

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CHAPITRE XXXI.

OPINION DE TENAX DE CÉLIA.

 

60. « Il n’y a qu’un seul baptême, c’est (182) celui de l’Eglise; là où n’est pas l’Eglise, là n’est pas le baptême ».

61. Je réponds : Pourquoi donc le baptême serait-il là où se trouve, non pas la pierre, mais le sable? car l’Eglise est fondée sur la pierre et non point sur le sable.

 

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CHAPITRE XXXII.

OPINION DE VICTOR D’ASSURIS.

 

62. « Il est écrit : Un seul Dieu, un seul Christ, une seule Eglise, un seul baptême ( Eph., IV, 4 ); comment donc pourrait-on baptiser là où ne se trouvent ni Dieu, ni Jésus-Christ, ni l’Eglise? »

63. Et comment donc peut-on baptiser sur ce sable, où n’est pas l’Eglise, car elle n’est que sur la pierre, sur ce sable où ne se trouvent ni Dieu ni Jésus-Christ, puisque le sable n’est le temple ni de Dieu ni de Jésus-Christ?

 

 

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CHAPITRE XXXIII.

OPINION DE DONATULUS DE CAPSE.

 

64. « J’ai toujours cru que les hérétiques, qui ne peuvent rien obtenir hors de l’unité, doivent être baptisés lorsqu’ils demandent à entrer dans l’Eglise ».

65. Je réponds: Hors de l’unité les hérétiques ne reçoivent rien, j’entends de ce qui concerne le salut, et non pas de ce qui concerne le sacrement. Le salut est le privilège des bons, tandis que les sacrements sont communs aux bons et aux méchants.

 

 

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CHAPITRE XXXIV.

OPINION DE VÉRULUS DE RUSICCADE.

 

66. « L’hérétique ne peut donner ce qu’il n’a pas; à plus forte raison le schismatique, qui a perdu ce qu’il avait ».

67. Nous avons déjà montré qu’ils ont le baptême, puisqu’ils ne le perdent pas en se séparant de l’Eglise. Voilà pourquoi ils ne le reçoivent pas lorsqu’ils reviennent à l’Eglise. Si donc ils passaient comme incapables de donner le sacrement parce qu’on les regardait comme ne le possédant pas; maintenant qu’il est certain qu’ils le possèdent, il doit être certain qu’ils peuvent le donner.

 

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CHAPITRE XXXV.

OPINION DE PUDENTIANUS DE CUICULI.

 

68. « Tout récemment élevé à l’épiscopat, j’ai dû, frères bien-aimés, attendre le jugement qu’il plairait à mes aînés de porter. Il est manifeste que les hérésies n’ont et ne  peuvent rien, il est donc bien juste de baptiser ceux des hérétiques qui demandent à entrer dans l’Eglise ».

69. La réponse qui a été faite à ses aînés dont il attendait le jugement, il peut parfaitement se l’appliquer à lui-même.

 

 

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CHAPITRE XXXVI.

OPINION DE PIERRE D’HIPPONE DIARRHITE.

 

70. « Puisqu’il n’y a qu’un seul baptême dans l’Eglise catholique, il est évident qu’on ne peut baptiser hors de l’Eglise, voilà pourquoi je déclare que l’on doit conférer ce sacrement, avant de les recevoir dans l’Eglise, à tous ceux qui ont été baptisés dans l’hérésie ou dans le schisme ».

71. L’unité du baptême dans l’Eglise catholique est tellement dans la nature des choses, que ce sacrement reste absolument un dans ceux-là même qui se séparent de l’Eglise après avoir été baptisés. De même que ceux-ci n’ont point perdu ce qu’ils avaient reçu, de même ils ont pu validement conférer à d’autres ce qu’ils possédaient.

 

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CHAPITRE XXXVII.

OPINION DE LUCIUS D’AUSAFA.

 

72. « Puisque, selon ma conviction fondée sur les oracles du Saint-Esprit, il y a un seul Dieu, Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un seul Christ, une seule espérance, un seul Esprit, une seule Eglise, il ne doit non plus y avoir qu’un seul baptême. Voilà pourquoi je déclare que tout ce qui se fait ou se donne par les hérétiques doit être regardé comme nul de plein droit, et par conséquent il est absolument nécessaire de baptiser dans l’Eglise ceux des hérétiques qui demandent à y entrer ».

73. On doit donc annuler également le baptême conféré par ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ sans l’accomplir, lorsqu’ils renoncent à l’iniquité pour revenir à la justice, c’est-à-dire lorsqu’ils se séparent du (183) sable pour venir s’établir sur la pierre. Pourtant leur baptême n’est point invalidé, parce qu’on reconnaît que c’est le baptême de Jésus-Christ et qu’il ne saurait être violé par l’iniquité de ceux qui le possèdent. On doit en dire autant du baptême des hérétiques. Sans doute l’espérance n’est pas absolument la même pour ceux qui demeurent sur le sable, que pour ceux qui demeurent sur la pierre; cependant pour les uns et pour les autres le baptême est absolument le même, quoiqu’en principe on n’admette qu’un seul baptême comme on n’admet qu’une seule espérance.

 

 

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CHAPITRE XXXVIII.

OPINION DE FÉLIX DE GURGITE.

 

74. « Appuyé sur les oracles de la sainte Ecriture, je déclare que tous ceux qui ont été baptisés illicitement par des hérétiques hors de l’Eglise, ont besoin, s’ils veulent entrer dans l’Eglise, d’y recevoir la grâce du baptême, car ce n’est que dans l’Eglise qu’elle est donnée licitement ».

 75. Je vais plus loin et je dis qu’ils doivent commencer à posséder licitement pour leur salut ce qu’ils possédaient illicitement pour leur condamnation. En effet, lorsqu’un pécheur revient à Dieu dans toute la sincérité de son âme, il se trouve pleinement justifié par ce même baptême qui n’était pour lui jusque-là qu’un titre de condamnation, parce qu’en le recevant il n’avait renoncé au siècle que du bout des lèvres et non point par ses oeuvres.

 

 

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CHAPITRE XXXIX.

OPINION DE PUSILLUS DE LAMASBA.

 

76. « Je crois que le baptême salutaire ne se trouve que dans l’Eglise catholique. En dehors de l’Eglise, ce sacrement n’est plus qu’une feinte et un simulacre ».

77. Il est très exact de dire que « le baptême salutaire ne se trouve que dans l’Eglise catholique ». Il peut se trouver hors de l’Eglise, mais il n’y est point salutaire, car il n’y opère pas le salut. De même, si la bonne odeur de Jésus-Christ n’est point salutaire dans ceux qui périssent ( II Cor., II, 15 ), la faute en est, non point à cette odeur, mais aux coupables eux-mêmes. « Tout ce qui se fait hors de l’Eglise catholique n’est que feinte et simulacre», en tant du moins qu’il n’est pas catholique. Or, il peut y avoir quelque chose de catholique hors de l’Eglise catholique, comme le nom de Jésus-Christ a pu être invoqué hors de l’assemblée des disciples, puisque c’est par la vertu seule de ce nom que pouvait chasser les démons celui qui ne marchait pas avec les disciples à la suite de Jésus-Christ (  marc, IX, 37 ). D’un autre côté, la dissimulation peut exister jusque dans l’Eglise catholique; elle existe en effet de la part de tous ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres; et pourtant cette dissimulation n’est point catholique, quoiqu’elle se fasse dans J’Eglise catholique. De même donc qu’il peut y avoir dans l’Eglise catholique quelque chose qui ne soit pas catholique, de même peut-il y avoir quelque chose de catholique hors de l’Eglise catholique.

 

 

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CHAPITRE XL.

OPINION DE SALVIANUS DE GAZAUFALA.

 

78. « II est certain que les hérétiques sont privés de tout; voilà pourquoi ils viennent à nous afin de recevoir ce qu’ils n’avaient pas ».

79. Je réponds : On ne saurait donc regarder comme hérétiques ceux qui ont établi les hérésies, car en se séparant de l’Eglise ils possédaient ce qu’ils y avaient reçu. S’il est absurde de nier le titre d’hérétique à ceux qui rendent les autres hérétiques, on doit conclure qu’un hérétique peut posséder tel ou tel bien, en ajoutant que l’abus qu’il en fait devient pour lui une cause de damnation.

 

 

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CHAPITRE XLI.

OPINION D’HONORATUS DE TUCCA.

 

80. « Puisque Jésus-Christ est la vérité, nous devons suivre la vérité plutôt que la coutume, et par conséquent donner le baptême de l’Eglise à ceux des hérétiques qui viennent à nous, car hors de l’Eglise ils n’ont rien pu recevoir ».

81. Nouveau témoignage sur l’existence de cette antique coutume, car tout ce que l’on peut dire contre cette coutume prouve réellement en notre faveur. Les hérétiques ne viennent point à nous parce qu’ils n’ont rien reçu hors de l’Eglise; ils y viennent pour que les (184)

sacrements qu’ils ont reçus leur profitent, car autrement ils ne leur seraient d’aucune utilité.

 

 

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CHAPITRE XLII.

OPINION DE VICTOR D’OCTAVE.

 

82. « Vous le savez vous-mêmes, je viens à peine de recevoir l’onction épiscopale, et j’attendais la décision de mes prédécesseurs. Je déclare donc que l’on doit baptiser tous ceux qui viennent de l’hérésie ».

83. Il peut donc aussi s’appliquer à lui-même la réponse que j’ai faite à ceux dont il attendait la décision.

 

 

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CHAPITRE XLIII.

OPINION DE CLARUS DE MASCULA.

 

84. « Rien de plus formel que la mission confiée aux Apôtres par Notre-Seigneur Jésus-Christ, leur conférant à eux seuls la puissance qu’il avait reçue de son Père. Or, nous sommes les successeurs des Apôtres, gouvernant l’Eglise de Dieu avec la même puissance, et baptisant la foi de ceux qui croient. Par conséquent les hérétiques n’ont aucune puissance au dehors, n’appartiennent pas à l’Eglise de Jésus-Christ, et dès lors ne peuvent conférer à personne le baptême du Sauveur ».

85. Les impies homicides sont-ils donc les successeurs des Apôtres? Pourquoi dès lors donnent-ils le baptême? Est-ce parce qu’ils ne seraient pas hors de l’Eglise? Mais ils sont hors de cette pierre à laquelle le Seigneur a confié les clefs du royaume des cieux, et sur laquelle il avait promis de bâtir son Eglise ( Mat., XVI, 18, 19).

 

 

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CHAPITRE XLIV.

OPINION DE SÉCUNDIANUS DE THAMBÉE.

 

86. « Gardons-nous bien de tromper les hérétiques par notre présomption; car n’ayant point été baptisés dans l’Eglise de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et n’ayant point obtenu la rémission de leurs péchés, ils pourraient bien, lorsque viendra le jour du jugement, nous faire un crime de ne pas leur avoir donné le baptême et de les avoir privés de l’indulgence de la grâce divine. Ainsi donc, puisqu’il n’y a qu’une seule Eglise et un seul baptême, empressons-nous, quand ils se convertissent, de leur « procurer l’Eglise et le baptême de l’Eglise ».

87. Quand ils seront revenus à la pierre et associés à la colombe, qu’ils reçoivent cette rémission des péchés, à laquelle ils ne pouvaient prétendre hors de la pierre et hors de la colombe, soit qu’ils fussent publiquement séparés, comme sont les hérétiques, soit qu’ils fussent dans l’unité, comme sont les mauvais catholiques. Toutefois, s’ils n’avaient pas la rémission des péchés, il est certain qu’ils avaient et conféraient le baptême, car ils baptisent en général tous ces pécheurs endurcis dans leur iniquité et honorant Dieu du bout des lèvres, tandis que leur coeur était loin de lui ( Isa., XIX, 13 ) «. Ainsi donc, quoiqu’il n’y ait qu’un seul baptême comme il n’y a qu’une seule colombe, cependant le baptême est commun aux catholiques et aux hérétiques, tandis que la colombe ne reconnaît pour membres que les justes et les élus.

 

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CHAPITRE XLV.

OPINION D’AURÉLIUS DE CHULLABI.

 

88. « Nous lisons dans l’épître de saint Jean: Si quelqu’un vient vers vous et ne fait pas profession de cette doctrine de Jésus-Christ, ne le recevez pas dans votre maison et ne le saluez pas. Car celui qui le salue participe à ses mauvaises actions (II Jean, X, 11). Comment donc peut-on pousser la témérité jusqu’à recevoir dans la maison de Dieu ceux à qui nous refuserions l’entrée de notre propre demeure? Ou bien comment pouvons-nous rester en communion avec ces hommes privés du baptême de l’Eglise, quand ce serait nous rendre participants de leurs mauvaises actions, s’il nous arrivait seulement de les saluer? »

89. Nous n’avons pas besoin de discuter longtemps ces paroles de l’apôtre saint Jean, car elles n’ont aucun rapport avec la question du baptême que nous traitons en ce moment. « « Si quelqu’un vient vers vous et ne fait pas profession de cette doctrine », dit l’Apôtre. Or, nous parlons d’hérétiques qui renoncent à leur erreur et embrassent la doctrine de Jésus-Christ, afin de se faire incorporer à l’Eglise et d’appartenir à cette colombe, dont ils possèdent déjà le sacrement. Par ce moyen, ils reçoivent ce qu’ils n’avaient pas encore, c’est-à-dire la paix et la charité procédant d’un (185) coeur pur, d’une bonne conscience et d’une foi véritable ( I Tim., I, 5 ). Ce qu’ils ont reçu de l’Eglise, nous le ratifions sans crainte et sans hésitation; c’est ainsi que Dieu lui-même reconnaît ses propres dons dans une âme adultère, alors même qu’elle se précipite sur les traces de ses complices; et quand elle a renoncé à ses honteuses fornications, quand elle est revenue à la chasteté, Dieu s’empresse, non pas d’incriminer ses dons, mais de les purifier de toutes les souillures dont ils étaient environnés ( Osée, II. ). La réponse que Cyprien pouvait faire à ceux qui lui opposaient ces paroles de l’Apôtre et lui reprochaient de rester en communion avec les pécheurs, conserve toute sa force pour justifier ceux à qui l’on oppose la même difficulté. Car, je l’ai déjà dit, ce passage n’a nullement trait à la question du baptême. En effet, saint Jean défend même de saluer ceux qui professent une doctrine opposée à celle de Jésus-Christ; de son côté, l’apôtre saint Paul va jusqu’à s’écrier: « Si l’un de vos frères est avare, ivrogne, etc., gardez-vous de manger avec lui (  I Cor., V, 11 ) » ; et cependant, à l’égard de ses collègues, usuriers, trompeurs, fraudeurs, voleurs, Cyprien partageait avec eux, non point sa propre table, mais l’autel du Seigneur. Quant à ses moyens de justification, nous les avons développés suffisamment dans d’autres livres précédents.

 

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CHAPITRE XLVI.

OPINION DE LITTEUS DE GÉMELLE.

 

90. « Si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans la fosse (Matt., XV, 14 ). Il est certain que les hérétiques ne peuvent éclairer personne, puisqu’ils sont aveugles; par conséquent leur baptême est invalide ».

91. Nous aussi nous disons que leur baptême ne leur procure pas le salut tant qu’ils restent hérétiques, pas plus qu’il ne peut le procurer aux homicides tant qu’ils nourrissent de la haine contre leurs frères. Ils sont dans les ténèbres et ne peuvent que tomber dans la fosse avec ceux qu’ils conduisent. Et cependant il ne suit pas de ]à qu’ils ne possèdent pas le baptême ou qu’ils ne puissent le donner.

 

 

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CHAPITRE XLVII.

OPINION DE NOEL D’OËA.

 

92. « Pour ce qui me regarde moi-même, et en ce qui concerne Pompeius de Sabrata, et Dioga de Leptimagnum dont je suis le mandataire, et qui sont absents de corps, mais présents d’esprit, je déclare que nous partageons la doctrine de nos collègues et que nous soutenons avec eux que les hérétiques ne peuvent entrer en communion avec nous qu’à la condition de recevoir le baptême ecclésiastique ».

93. Je suppose que cet évêque entend parler de la communion dans la société de la colombe. Car s’il s’agit de la participation aux sacrements, cette communion existait, puisqu’ « ils ne jugeaient personne et s’abstenaient de priver du droit de communion celui qui  partageait une opinion contraire». D’ailleurs, quelque sens qu’il ait voulu donner à ses paroles, la réfutation nous en devient des plus faciles. Non certes, un hérétique ne doit pas être admis dans la communion de l’Eglise, à moins qu’il n’ait reçu le baptême ecclésiastique. Or, il est certain que le baptême des hérétiques est bien le baptême ecclésiastique, dès qu’il est conféré dans la forme évangélique; l’Evangile, de son côté, est toujours l’Evangile ecclésiastique, absolument indépendant de la perversité des hérétiques, et toujours orné de la sainteté qui lui est essentielle.

 

 

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CHAPITRE XLVIII.

OPINION DE JUNIUS DE NÉAPOLIS.

 

94. « Je persévère dans l’opinion que nous avons émise, et je déclare que nous devons baptiser les hérétiques qui reviennent à l’Eglise ».

95. Nous n’avons pas à nous arrêter plus longtemps à ces paroles, puisqu’elles n’énoncent aucune raison ni aucun texte de l’Ecriture.

 

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CHAPITRE XLIX.

OPINION DE CYPRIEN DE CARTHAGE.

 

 

96. « J’ai complètement formulé mon opinion dans ma lettre à notre collègue Jubaianus; parlant des hérétiques qui nous sont désignés dans l’Evangile et dans les écrits des Apôtres sous le nom d’adversaires du Sauveur et d’antéchrists, j’ai déclaré que ceux (186) qui demandent à entrer dans l’Eglise doivent recevoir l’unique baptême de l’Eglise, afin que d’adversaires qu’ils étaient, ils deviennent des amis, et que d’antéchrists ils deviennent des chrétiens ».

97. Je n’ai pas à discuter cette doctrine, puisque j’ai réfuté avec tout le soin possible cette lettre à Jubaianus, dont elle n’est que le résumé. Ce raisonnement de Cyprien, nous nous souvenons qu’on peut l’appliquer à tous ces pécheurs dont il nous signalait la présence dans l’Eglise et qui cependant, personne n’en doute, possédaient le baptême et pouvaient le conférer validement. Eux aussi, ces pécheurs, reviennent à l’Eglise, ils quittent le parti du démon pour passer dans le camp de Jésus-Christ, ils bâtissent sur la pierre, ils sont incorporés à la colombe, ils trouvent un abri assuré dans le jardin fermé, dans la fontaine scellée. Or, ce n’est pas là que se trouvent ceux qui vivent en opposition avec les préceptes de Jésus-Christ, à quelque drapeau qu’ils appartiennent.

Dans sa lettre à Magnus et traitant le même sujet, Cyprien nous désigne clairement de quelle société se compose l’Eglise. En effet, voici comme il s’exprime sur la personne de tel pécheur : « Qu’il soit regardé comme un étranger et un profanateur de la paix du Seigneur, comme l’ennemi de l’unité divine, et n’habitant pas dans la maison de Dieu, c’est-à-dire dans l’Eglise de Jésus-Christ qui ne compte dans son sein que des hommes pacifiques et amis de la concorde ( Cyp., Lettre LXIX. ) ». Ces paroles méritent la plus sérieuse attention de la part de ceux qui voudraient nous imposer leur opinion sur la foi seule de Cyprien. Si l’Eglise ne compte dans son sein que des hommes pacifiques et amis de la concorde, peut-on regarder comme habitant dans cette Eglise, quoique extérieurement ils paraissent appartenir à l’unité, ceux qui annonçaient Jésus-Christ sans charité, par esprit de contention et de jalousie; ceux que Cyprien lui-même regardait, après l’apôtre saint Paul, non pas comme des hérétiques ou des schismatiques, mais comme de faux frères appartenant comme lui à l’unité (Philipp., I, 15, 17 )? De tels ministres ne devaient assurément pas baptiser, puisqu’ils n’habitaient pas dans l’Eglise, dans laquelle n’habitent, selon Cyprien, que ceux qui aiment la concorde et la paix; je ne suppose pas, en effet, que l’on porte l’absurdité jusqu’à dire que des hommes jaloux, malveillants, disputeurs obstinés, aiment la concorde et la paix; et cependant ces ministres jaloux et malveillants donnaient le baptême, et quelle que fût leur perversité, elle ne portait atteinte ni à l’intégrité ni à la sainteté essentielles du sacrement dont ils étaient les dispensateurs.

 

 

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CHAPITRE L.

UNE LETTRE DE CYPRIEN A MAGNUS.

 

98. Mais je crois utile d’examiner sérieusement ce passage de la lettre de Cyprien à Magnus. En voici l’enchaînement : « Qu’il soit regardé comme n’habitant pas dans la maison  du Seigneur, c’est-à-dire dans l’Eglise de Jésus-Christ, dans laquelle n’habitent que ceux qui aiment la concorde et la paix, selon cette « parole du Saint-Esprit dans les psaumes: Dieu qui fait habiter dans sa maison ceux qui « n’ont entre eux qu’un seul coeur et qu’une seule âme ( Ps., LXVII, 7 ) . D’ailleurs les sacrifices mêmes du Seigneur nous font connaître clairement que le caractère propre des chrétiens, c’est l’unanimité, l’union la plus intime dans une charité ferme et inséparable. Ainsi Jésus-Christ donne à son corps le nom de pain ( Jean, VI, 52 ), pour nous montrer que si le pain est formé du mélange d’un grand nombre de grains, le peuple chrétien ne doit former qu’un seul peuple parfaitement uni, malgré la multiplicité de ses membres. De même le Sauveur donne à son sang le nom de vin ( Matt., XXVI, 26-29), pour nous montrer que si le vin est formé par le jus d’un grand nombre de raisins, la société chrétienne est également formée par l’union d’une multitude d’hommes en un seul et même troupeau ».

Ces paroles de Cyprien nous prouvent qu’il a compris et aimé la splendeur de la maison de Dieu, maison exclusivement formée de ceux qui aiment la concorde et la paix, comme le prouvent les oracles des Prophètes, et la signification symbolique des sacrements. Or, dans cette demeure n’habitaient pas ces ministres jaloux, ces malveillants sans charité, qui cependant conféraient le baptême. Il suit de là que le sacrement de Jésus-Christ peut être possédé et conféré par ceux mêmes qui ne sont pas dans l’Eglise de Jésus-Christ, car (187) il n’y a pour l’habiter, dit saint Cyprien, que ceux qui aiment la paix et la concorde. En vain l’on dirait que les pécheurs peuvent baptiser lorsque leurs crimes restent secrets; saint Paul ne connaissait-il pas les crimes de ceux qu’il signale avec tant d’énergie dans son épître? et cependant il proclame qu’il éprouve une grande joie parce qu’il apprend que Jésus-Christ est annoncé, ne fût-ce que par de semblables ministres. « Pourvu », dit-il, « que Jésus-Christ soit annoncé de quelque manière que ce soit, par occasion ou par un vrai zèle, je m’en réjouis et m’en réjouirai toujours  ( Philipp., I, 18 ).

 

 

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CHAPITRE LI.

LES BONS ET LES MÉCHANTS DANS LA MAISON DE DIEU.

 

99. Après les considérations qui précèdent, je crois n’être point téméraire quand je soutiens que parmi ceux qui sont dans la maison de Dieu, il en est qui constituent la maison même de Dieu, dont on nous dit qu’elle est bâtie sur la pierre ( Matt., XVI, 18); qu’elle est la colombe unique ( Cant., VI, 8 );qu’elle est l’épouse belle, sans tache et sans ride ( Eph. V, 27 ), le jardin fermé, la fontaine scellée, la source d’eau vive, le paradis aux fruits abondants ( Cant., IV, 12, 13); et enfin qu’elle a reçu les clefs et le pouvoir de délier et de lier ( Matt., XVI, 19 ). Que celui qui méprise cette maison quand elle le reprend et le corrige, « soit pour vous comme un païen et un publicain ( Id., XVIII, 17) ». C’est de cette maison qu’il est dit : « Seigneur, j’ai aimé l’éclat de votre maison, et le lieu de l’habitation de votre gloire ( Ps. XXV, 8 ) , Dieu qui fait habiter dans sa maison ceux qui n’ont entre eux qu’une seule âme (Id., LXVII, 7 ); je me suis réjoui parce qu’il m’a été dit: Nous irons dans la maison du Seigneur ( Id., CXXI, 1 ) ; bienheureux, Seigneur, ceux qui habitent dans votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles ( Id., LXXXIII, 5 ) » ; et une multitude d’autres choses semblables. Il est dit également de cette maison qu’elle est le froment qui, par la patience, rapporte du fruit au trentième, au soixantième, voire même au centuple (Matt., XXIII, 23 ; Luc, VIII, 15 ). Cette maison est enrichie de vases d’or et d’argent (  II Tim., II, 20 ), de pierres précieuses et de bois incorruptibles. C’est à elle qu’il est dit : « Vous supportant réciproquement dans la charité; vous appliquant à conserver l’unité d’esprit dans le lien de la paix ( Eph., IV, 2, 3 ); le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple ( I Cor., III, 17 ) ».

Cette Eglise est composée des justes et des bons serviteurs de Dieu, dispersés sur toute la terre et unis entre eux spirituellement par la participation aux mêmes sacrements, peu importe d’ailleurs qu’ils se connaissent physiquement ou qu’ils ne se connaissent pas. D’autres habitent la même demeure, mais sans entrer aucunement dans la construction même de la maison, sans faire partie de cette société féconde, pacifique et juste; ils y sont comme la paille se trouve mêlée au froment, et pourtant nous ne pouvons nier leur présence, car l’Apôtre a dit : « Dans une grande maison se trouvent non-seulement des vases d’or ou d’argent, mais encore des vases de bois ou d’argile; les uns sont des vases d’honneur et les autres des vases d’ignominie (  II Tim., II, 20 ) ». Dans cette innombrable multitude, non seulement le petit nombre des saints se sent accablé par la foule, mais il arrive parfois que les filets se rompent pour laisser un libre passage aux hérésies et aux schismes jusque-là restés extérieurement fidèles à l’unité, et qui étaient plutôt dans la maison qu’ils n’étaient de la maison. N’est-ce pas à eux, en effet, que s’applique cette parole: « Ils nous ont quittés, mais ils n’étaient pas d’avec nous (  Jean, II, 19 )? » La raison en est que, malgré leur union corporelle, ces hérétiques et ces schismatiques sont en réalité plus séparés que ne le sont spirituellement ceux qui dans l’unité s’abandonnent à une vie charnelle et animale.

 

 

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CHAPITRE LII.

LE BAPTÊME DANS SES DIFFÉRENTES CONDITIONS.

 

100. De toutes ces catégories, la première comprend tous ceux qui, se trouvant dans la maison de Dieu, y forment cette maison elle-même, soit parce qu’ils sont déjà spirituels, soit parce qu’ils ne sont encore que des enfants se nourrissant jusque-là du lait spirituel, mais aspirant généreusement à prendre les habitudes de l’homme spirituel. Or, personne ne doute que les chrétiens qui forment cette première catégorie ne possèdent utilement le baptême et ne le confèrent utile. ment à ceux qui marchent sur leurs traces. La seconde classe renferme ces hypocrites (188) dont l’Esprit-Saint a horreur; ceux-là, pour ce qui les concerne, peuvent conférer utilement le baptême, mais c’est inutilement qu’ils le reçoivent, car ils n’imitent pas les justes qui le leur confèrent. Enfin, la troisième catégorie comprend tous ceux qui ne sont dans la grande maison que comme des vases d’ignominie; ceux-là possèdent inutilement le baptême et le confèrent inutilement à ceux qui les imitent. Cependant le baptême, quoique conféré par eux, ne laisse pas d’être utile à ceux qui s’attachent à la sainte maison et refusent de les imiter dans leurs dispositions et leur conduite.

Quant à ceux qui sont entièrement séparés et qui ne sont pas plus dans la maison qu’ils ne sont de la maison, c’est inutilement qu’ils possèdent et qu’ils confèrent le baptême, à moins qu’il n’y ait nécessité de le leur demander, et qu’en le leur demandant on ait la ferme volonté de ne point se séparer de l’unité. Toutefois, ces hérétiques déclarés possèdent le baptême, quoiqu’ils le possèdent inutilement; ils le confèrent validement, quoiqu’en général il soit inutile à ceux qui le reçoivent. Pour que le baptême recouvre son efficacité, ils doivent renoncer au schisme ou à l’hérésie, et s’unir intimement à la maison véritable. Telle est la conduite que doivent suivre, non-seulement les hérétiques et les schismatiques, mais encore tous ceux qui ne sont dans la maison que par leur participation aux sacrements, et qui sont hors de la maison par le désordre de leurs moeurs. Qu’ils se convertissent, s’ils veulent que les sacrements leur soient utiles, autrement ils n’en retireraient aucun fruit.

 

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CHAPITRE LIII.

LE BAPTÊME DONNÉ PAR UN INFIDÈLE.

 

101. On a coutume de demander si l’on doit ratifier le baptême donné par un infidèle qui aurait porté la curiosité jusqu’à apprendre la manière de le conférer. Dans ce cas encore, est-il important de savoir dans quelles dispositions était le sujet? agissait-il avec dissimulation ou sans dissimulation? Supposé qu’il eût agi avec dissimulation, voulait-il tromper l’Eglise ou ce qu’il croyait être l’Eglise? Voulait-il seulement rire, comme-font quelquefois les bouffons? Recevoir, fallacieusement le baptême dans l’Eglise, est-ce un plus grand crime que de le recevoir sérieusement dans le schisme ou l’hérésie? Enfin qu’arriverait-il si, après avoir demandé fallacieusement le baptême à un hérétique ou sérieusement à un bouffon, Dieu permettait que des sentiments de piété sincère survinssent tout à coup pendant la cérémonie? A vrai dire, si nous comparons cet hérétique à celui qui reçoit fallacieusement le baptême dans l’Eglise catholique, je m’étonnerais que l’on doutât auquel des deux on doit donner la préférence, car je ne vois pas que la sincérité du ministre puisse être de quelque utilité à l’hypocrisie du sujet. Mais nous supposons ici l’hypocrisie réciproque de la part du ministre et de la part du sujet dans l’unité catholique, et nous demandons si le baptême donné dans de telles conditions doit être préféré à celui qui serait conféré par un bouffon, en supposant que le sujet subitement converti le reçoive dans de bonnes dispositions. Nous demandons, quant à ce qui concerne les hommes eux-mêmes, s’il y a une grande différence entre celui qui s’en remet à un bouffon, et celui qui tourne en dérision les sacrements de l’Eglise. Pour ce qui regarde l’intégrité du sacrement, elle ne saurait être aucunement compromise. Or, s’il n’importe nullement à l’intégrité du sacrement dans l’Eglise catholique que l’un des deux, le ministre ou le sujet, agisse sérieusement ou par hypocrisie, pourvu que tous deux accomplissent ce qui est essentiellement nécessaire; je ne vois pas pourquoi l’on admettrait une différence quand il s’agit du baptême conféré hors de l’Eglise, en supposant toutefois que le changement subit qui s’opère dans le sujet lui soit inspiré, non point parla dissimulation, mais par un sentiment de piété véritable. Est-ce que la validité du baptême dépend plus de la véracité de ceux dans la société desquels il est conféré, que sa nullité ne dépend de l’hypocrisie de ceux par qui ce sacrement est conféré et dans lesquels il s’accomplit? Et cependant, si plus tard de tels faits viennent à se dévoiler, jamais on ne réitère le baptême, et cette dissimulation sacrilège est punie par l’excommunication ou guérie par une sévère pénitence.

102. Mais pour nous, le parti le plus sûr c’est de ne point nous prononcer sur des questions qui ne furent jamais ni engagées dans un concile provincial catholique, ni résolues dans aucun concile général. Au contraire, nous nous prononçons en toute assurance sur toutes les décisions confirmées par (189) l’autorité de l’Eglise universelle , toujours dirigée par Jésus-Christ notre Sauveur et notre Dieu. Toutefois, si j’assistais à un concile où de semblables questions seraient soulevées, et si je me trouvais pressé de donner mon avis sans avoir à m’en rapporter à des antécédents que je voulusse suivre de préférence; si enfin je persévérais dans les sentiments qui m’ont inspiré jusque-là, je n’hésiterais pas à reconnaître la validité du baptême dans tous ceux qui l’ont reçu, de quelque manière que ce soit, pourvu que ce sacrement leur ait été donné selon la forme évangélique, et pourvu qu’ils s’y soient présentés sans dissimulation de leur part et avec une certaine foi. J’ajouterais néanmoins que ce même sacrement ne leur est d’aucune utilité pour le salut spirituel, si en le recevant ils manquaient de cette charité qui est une condition nécessaire pour appartenir à l’Eglise catholique. « Quand j’aurais », dit l’Apôtre, « toute la foi possible et capable de transporter les montagnes, si je n’ai pas la charité, je ne suis rien (  I Cor., XIII, 2 ). Appuyé sur les décrets antérieurs de nos ancêtres, je n’hésite pas à ratifier comme valide le baptême de ceux qui l’ont reçu fallacieusement, mais qui cependant l’ont reçu dans l’Eglise ou dans une secte qu’ils croyaient être l’Eglise, quoiqu’elle ne fût composée que de ceux dont il est dit : « Ils sont sortis de nos rangs ( I Jean, II, 19 ).

Mais si le baptême a été conféré en dehors de toute société de croyants; si celui qui le recevait, bien loin d’avoir la foi, agissait. par un esprit de moquerie, de bouffonnerie et de raillerie, un tel baptême peut-il être reconnu comme valide? Avant de me prononcer, j’implorerais de Dieu la grâce d’une révélation particulière par des prières ardentes et de très-humbles supplications ; je conjurerais humblement ceux qui devraient parler après moi, de me faire connaître tout ce qu’ils peuvent savoir sur ce point. En ce moment donc, peut-on supposer que j’ose me prononcer, sans tenir aucun compte de ce qui pourrait m’être révélé par un examen plus approfondi ou par une plus grave autorité?

 

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CHAPITRE LIV.

CONCLUSION.

 

103. Mais il est temps, je crois, de clore ces livres sur la question du baptême. Dans la personne de l’évêque Cyprien et de ses collègues au concile, Notre-Seigneur nous a montré de quel amour nous devons entourer l’unité catholique, car plutôt que de se séparer et de se jeter dans un schisme sacrilège, ils ont préféré vivre en communion avec ceux qui partageaient une opinion contraire, en attendant que Dieu leur révélât ce qu’ils devaient en croire ( Philipp., III, 15 ). Des faits de cette importance réduisent les Donatistes à un honteux silence, lors même que nous ne parlerions pas des Maximianistes. En effet, si les méchants souillent les bons dans l’unité, Cyprien lui-même ne dut trouver aucune Eglise à laquelle il pût s’associer. Et si les méchants ne souillent pas les bons dans l’unité, le Donatiste sacrilège n’a plus aucun motif à faire valoir pour excuser sa séparation. D’un autre côté, si le baptême peut être possédé et conféré validement par ces nombreux ministres qui s’abandonnent à ces oeuvres de la chair dont les auteurs ne posséderont pas le royaume de Dieu ( Gal., V, 19-21), j’en conclus que ce sacrement est également possédé et conféré par les hérétiques, car l’hérésie est comptée au nombre des oeuvres de la chair, et ensuite les hérétiques, en se séparant de l’Eglise, n’ont pas perdu le baptême, et puisqu’ils le possèdent, ils peuvent le donner. Cependant ce sacrement est inutile pour ceux qui le reçoivent dans l’hérésie comme pour ceux qui le reçoivent avec l’amour des oeuvres de la chair; ni les uns ni les autres ne posséderont le royaume de Dieu. Pour les pécheurs, quand ils se convertissent, le baptême qui existait en eux commence seulement à produire ses précieux effets; il en est de même pour les hérétiques. Telles sont, en résumé, les raisons pour lesquelles ni Cyprien, ni ses collègues, attachés du fond du coeur à l’unité catholique, n’ont pu faire prévaloir leur opinion dans l’Eglise universelle. Qu’ils se soient trompés, pourquoi nous en étonner, quand nous voyons saint Pierre lui-même se tromper au sujet de la circoncision? Mais qu’ils aient persévéré dans l’unité, c’est ce qui fait l’objet de notre joie la plus vive, car avec eux nous sommes édifiés sur la pierre inébranlable contre laquelle les portes de l’enfer ne prévaudront jamais. (190)

 

Traduction de M. l’abbé BURLERAUX.

 

 

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