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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME CI. DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CI.
PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME CI.PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.LES GÉMISSEMENTS DE LÉGLISE.
Cest un pauvre qui parle, et ce pauvre est Jésus-Christ, lequel a fait les richesses matérielles, les richesses de lintelligence, les richesses de la vertu. Sil est pauvre, cest quil sest fait chair, et dès lors, revêtu de notre pauvreté; cest donc nous qui parlons en lui dans notre psaume ; et dans le chef on doit reconnaître les membres. Que Dieu soutienne toujours ses membres, puisquil en est qui sont toujours dans langoisse. Mes jours se sont évanouis, parce que dans mon orgueil jai oublié de manger mon pain, ce pain du juste descendit du ciel. Mais par compassion les os, dans lEglise, sattachent à la chair, ou les forts sinclinent vers les faibles. La prédication de la vérité se fait parfois chez un peuple où le Christ est inconnu, cest le pélican au désert; ou chez un peuple qui est retombé, cest le hibou , dans les ténèbres et les masures; ou chez de vrais chrétiens, cest le passereau sur le toit : ou bien encore le Christ serait le pélican qui rend, dit-on, la vie à ses petits quil arrose de son sang, et dans la solitude, parce que seul le Christ est né dune vierge ; il serait le hibou par sa passion, qui eut lieu dans les ténèbres des Juifs, et le passereau sur le toit par sa résurrection. On reproche au Christ de manger avec les pécheurs, comme aux chrétiens dencourager le vice par la promesse du pardon : comme si le désespoir nétait pas plus corrupteur encore, et comme si lincertitude de la mort nétait pas un contre-poids. Dieu punit en effet lhomme pécheur, et non la créature quil na point faite à son image, qui ne craint rien, nespère rien. Le Seigneur noublie rien, et de la poussière de Sion il fait sortir lEglise primitive. Hâtons-nous dentrer dans la construction de Sion; quand elle sera achevée, il sera trop tard.
1. Voici un pauvre qui prie, et qui ne prie pas en silence. On peut donc entendre ce quil dit, et voir qui il est. Cest peut-être de ce pauvre que saint Paul dit: «Il sest fait pauvre
1. Premier sermon prêché après les lois portées contra les Donatistes, en lannée 405.
« pour nous, lui qui était riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté » .Mais si cest lui, comment est-il pauvre ? Car sa richesse, qui ne la voit point? Quest-ce qui fait la richesse des hommes? Lor, largent, de nom
2. II Cor. VIII, 9.
nombreux domestiques, de grandes terres: mais stout cela est fait par lui 1». Or, quoi de plus riche que celui qui a fait les richesses, et même celles qui ne sont point de véritables richesses? Cest de lui, en effet, que nous viennent ces richesses intérieures, le génie, la mémoire, la conduite, la santé, la vivacité des sens, la conformation des membres. Avec ces biens un homme est déjà riche, fût-il pauvre dailleurs. Cest de Dieu encore que viennent les richesses bien plus précieuses, comme la foi, la piété, la justice, la charité, la chasteté, les moeurs pures. Car nul ne peut les tenir que de celui qui justifie limpie 2. Incalculables richesses ! Quel est en effet le plus riche, ou lhomme qui a ce quil désire, par celui qui a tout fait, ou celui qui fait ce quil veut, pour en laisser le bénéfice à un autre? Assurément le plus riche est celui qui a fait ce que tu possèdes, puisquil a aussi ce que tu nas pas. Quelles richesses encore une fois ! Et dans celui qui est si riche comment retrouver cette parole : « Je mangeais la cendre comme du pain, et je mêlais mes larmes à mon breuvage 3?» Est-ce là que se bornent tant de richesses? Quelle élévation dune part ! quel abaissement dautre part ! Que faire ? Comment allier tant de grandeur avec tant de bassesse ? Quelle distance de lune à lautre! Je ne reconnais point ce pauvre; sans doute cest un autre, cherchons encore. Ce qui nous fait croire que ce nest point lui, cest que nous ne pouvons linterroger, sans nous extasier devant ses richesses : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était sen Dieu, et le Verbe était Dieu. Voilà ce qui était en Dieu au commencement. Tout a été fait par lui, et sans lui rien na été fait 4». Celui qui a parlé de la sorte, était riche déjà pour tenir ce langage, et combien létait davantage Celui dont il disait : « Au commencement était le Verbe », non point un Verbe quelconque, mais « le Verbe Dieu »; non point quelque part, mais en Dieu»; non point oisif, mais: « Toutes choses ont été faites par lui». A-t-il donc mangé son pain comme la cendre, mêlé ses larmes à son breuvage? Craignons que notre pauvreté ne fasse injure à tant de richesses. Cherche cependant sil ne serait point lui-même ce pauvre, « lui qui sest fait chair pour habiter parmi nous 5 ». Ecoute
1. Jean, I, 3. 2. Rom. IV, 5, 3. Ps. CI, 10. 4. Jean, II, 1-3. 5. Id. 14.
cette parole : « Cest moi votre serviteur, elle fils de votre servante 1». Souvenez-vous de cette chaste servante, vierge et mère tout ensemble, Cest en elle quil sest revêtu de notre pauvreté, quil a revêtu la forme de lesclave, en sanéantissant lui-même, de peur que sa richesse ne teffrayât et ne tempêchât de tapprocher de lui à cause de ton extrême pauvreté. Cest là, dis-je, quil a pris la forme de lesclave, là quil sest revêtu de notre pauvreté, quil sest fait pauvre, là quil nous n enrichis. Nous commençons donc à comprendre quil sagit de lui dans ce passage; toutefois ne nous prononçons pas avec témérité cest le fruit dune vierge, cest la pierre détachée de la montagne, sans le secours daucun homme 2, nul homme na eu part dans cette oeuvre, nulle transfusion de concupiscence, mais la foi salluma et la chair du Verbe fut conçue. Il sortit du sein virginal; les cieux chantèrent sa gloire, les anges lannoncèrent aux bergers 3, létoile attira les mages, qui adorèrent ce nouveau roi 4. Siméon, plein de lEsprit-Saint, reconnut lEnfant-Dieu dans les bras de sa mère. Lâge fit grandir, non sa divinité, mais son corps, et dineptes vieillards admirent avec stupéfaction la sagesse dun enfant de douze ans 5. Et quand même ces vieillards eussent été habiles quest-ce que cette habileté auprès du Verbe de Dieu ? Quest-ce que cette habileté auprès de la Sagesse de Dieu? Les habiles eux-mêmes ne seraient-ils pas réduits au néant, si le Verbe ne les soutenait ? Son corps grandit encore, et il vient au fleuve pour être baptisé ; celui qui le baptise le reconnaît pour Dieu, et se proclame indigne de délier les cordons de ses souliers 6. Dès lors la lumière est rendue aux aveugles, loreille des sourds est ouverte, les muets parlent, les lépreux sont guéris, les paralytiques affermis, les malades recouvrent la santé, les morts ressuscitent 6. 2. A la vérité, en comparant tout cela aux richesses de ce Verbe, je ny vois que pauvreté: mais combien est-ce encore loin de la cendre et du breuvage mêlé aux larmes! Je nose encore dire : Cest lui, et néanmoins je le voudrais. Il y a ici des choses qui me forcent à le dire, et dautres qui me forcent à craindre. Cest lui, et ce nest pas lui. Déjà il a la forme
1. Ps. CXV, 16. 2. Dan, II, 31. 3. Luc, II, 714. 4. Matth. II, 1, 2. 5. Luc, II, 25-47. 6. Marc, I, 7. 8. Marc, I, 11. 9. Matth. XI, 5.
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de lesclave, il porte une chair fragile et mortelle, il vient pour mourir, et néanmoins on ne le comprend pas encore dans cette pauvreté : « Je mangeais la cendre comme le pain, et je mêlais mes pleurs à mon breuvage ». Quil ajoute alors pauvreté à pauvreté, quil identifie à lui-même le corps de notre humilité 1 : quil soit notre chef, que nous soyons ses membres, soyons deux dans une même chair. Dabord pour être pauvre, il a pris la forme de lesclave 2, et a quitté son Père: après avoir pris naissance dune vierge, quil abandonne aussi sa mère, et quils soient deux dans une même chair 3; ils nauront plus alors quune même voix, et dans cette voix unique, nous ne serons plus surpris de retrouver la nôtre : « Je mangeais la cendre comme du pain, et mêlais mes pleurs à mon breuvage ». Il a donc daigné nous agréer pour ses membres. Or, dans ses membres, il y a des pénitents, car ils ne sont pas exclus ni séparés du corps de son Eglise; et il ne peut se joindre à cette épouse que par ces paroles : « Faites pénitence, parce que le royaume des cieux approche 4 ». Ecoutons ce que demandent ici la tête 5 et le corps, lEpoux et lEpouse 6, le Christ et lEglise, dans lineffable unité : mais le Verbe et la chair ne sont pas un, tandis que le Père et le Verbe sont un : le Christ et lEglise sont un, un homme parfait, clans sa forme la plus complète : « Jusquà ce que nous parvenions tous, dans lunité de foi, dans la connaissance du Fils de Dieu, à létat de lhomme parfait, à la mesure de lâge de la plénitude du Christ 7». Mais jusquà ce que nous arrivions, nous rencontrons ici-bas notre pauvreté, nous rencontrons le labeur et le gémissement. Grâces soient rendues à sa miséricorde. Doù viendrait le labeur et le gémissement au Verbe par qui tout a été fait? Sil a daigné prendre sur lui notre mort, ne nous donnera-t-il pas la vie? Il nousa donné une grande espérance, et cest dans cette espérance que nous gémissons. Car il y a un gémissement de tristesse, et un gémissement qui a bien sa joie. Il me semble que Sara, longtemps stérile, eut un gémissement de joie quand elle devint mère. Et nous aussi, Seigneur, cest avec votre crainte que nous avons enfanté lesprit de salut 8, Ecoutons donc le
1. Philip. III, 21. 2. Id. II, 7. 3. Ephés. V, 31,32. 4. Matt. III, 2. 5. Ephés. IV, 15. 6. Jean, III, 29. 7. Ephés, IV, 13. 8. Isa. XXVI, 18.
Christ pauvre en nous et avec nous, et pour nous. Car le titre nous indique ici un pauvre. Si vous croyez, mes frères, que de moi-même jai soupçonné quel est ce pauvre, écoutons sa prière et connaissons enfin sa personne; ne te laisse point surprendre, si tu entends une parole qui ne puisse sadapter à ce chef auguste: jai jeté ces préliminaires, afin que si tu rencontres quelque chose de semblable, tu te souviennes que cest le corps qui parle dans son infirmité, et que tu reconnaisses dans le chef la voix des membres. « Prière du pauvre », tel est le titre. « Quand il était dans langoisse, il répandait sa prière, en présence de Dieu 1 ». Tel est le pauvre qui dit ailleurs: « Des confins de la terre, jai crié vers vous, quand mon âme était dans langoisse 2 ». Tel est notre pauvre, parce que cest lui qui est le Christ, lui qui, chez les Prophètes, sest appelé époux et épouse. « Il ma mis une couronne », dit-il, « comme au jeune époux; et il ma ornée comme une jeune épouse 3 ». Cest à lui-même quil donne le nom dEpoux et aussi bien celui dEpouse; pourquoi, sinon parce que le chef alors serait lépoux, et le corps lEpouse? Ecoutons ses paroles, ou plutôt écoutons les nôtres, et si nous nous trouvons en dehors, travaillons à entrer bientôt. 3. « Seigneur, écoutez ma prière, et que mes cris viennent jusquà vous 4 ». Or, « Seigneur, exaucez ma prière », revient à dire: « Que mes cris arrivent jusquà vous ». Ce redoublement est une véhémence de sentiment dans la prière. « Ne détournez point de moi votre face 5 ». Quand est-ce que Dieu détourna sa face de son Fils? Le Père de son Christ? Mais à cause de la pauvreté des membres : « Ne détournez point de moi votre face, au jour de mes tribulations; inclinez vers moi votre oreille ». Cest ici-bas que je suis dans langoisse, et vous, Seigneur,vous êtes en haut des cieux. Si je mélève, vous êtes loin de moi; si je mabaisse, vous inclinez votre oreille vers moi. Mais quest-ce à dire, « au jour de mes tribulations? » N est-il point maintenant dans langoisse? Et parlerait-il de la sorte, sil nétait dans lépreuve? Il aurait donc suffi de dire: Inclinez votre oreille vers moi, parce que je suis dans langoisse. « En quelque jour que je sois dans langoisse, inclinez votre oreille vers moi ». Telle est ta
1. Ps. CI, 1. 2. Id. IX, 3. 3. Isa. LXI, 10. 4. Ps. CI, 2. 5. Id.3.
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prière de tout le corps, et si un membre souffre, tous les membres souffrent aussi 1. Tu es donc aujourdhui dans laffliction, jy suis avec toi. Un autre y sera demain, jy serai avec lui; et après cette génération, ceux qui succéderont à nos descendants, y seront aussi, jy serai avec eux; quiconque de mes membres peut être dans la tribulation, jusquà la fin des siècles, jy suis avec lui. « En quelque jour que je sois dans la tribulation, inclinez votre oreille vers moi; en quelque jour que je vous invoque, exaucez-moi sans retard ». Ce qui est la même pensée. Maintenant donc je vous invoque: mais « au jour où je vous invoquerai, hâtez-vous de me secourir ». Pierre a prié, Paul a prié, les autres Apôtres ont prié; dans ces mêmes temps les fidèles ont prié, les fidèles ont prié dans les temps qui ont suivi, les fidèles ont prié au temps des martyrs, les fidèles prient dans les temps où nous sommes, les fidèles prieront encore dans lavenir: « En quelque jour que je vous invoque, hâtez-vous de me secourir ». « Hâtez-vous de me secourir »; car je demande ce que vous voulez accorder. Ce nest point lhomme terrestre désirant les biens de la terre; mais racheté de la captivité primitive, jespère au royaume des cieux. « Exaucez-moi sans délai » ; car ce nest quà ceux qui ont de semblables désirs, que vous avez dit: « Tu parleras encore, quand je répondrai: Me voici 2. En quelque jour que je vous invoque, exaucez-moi sans retard ». Doù vient ton invocation? De quelle tribulation? De quelle pauvreté? O pauvre, couché devant la porte dun Dieu si riche, quel désir te fait mendier? Quel besoin te fait crier vers lui? Quelle indigence te fait frapper et demander que lon ouvre? Parle, afin que nous entendions ta pauvreté, que nous nous y reconnaissions nous-mêmes, et que nous sollicitions avec toi. Ecoute et reconnais-toi, si tu le peux. 4. « Car mes jours se sont évanouis comme la fumée 3». O jours! sils sont bien des jours; car nommer le jour est dire lumière. Mais « voilà que mes jours se sont évanouis comme la fumée » . « Mes jours » ou le temps de ma vie: pourquoi « comme la fumée », sinon à cause de lorgueil qui sélève? Tels furent les jours que mérita lorgueilleux Adam, doù Jésus-Christ a tiré sa chair. Donc le Christ était en Adam, et Adam aussi dans
1. I Cor, XII, 26. 2. Isa. LVIII, 9. 3. Ps. CI, 4.
le Christ. Assurément il nous a délivrés de ces jours de fumée, Celui qui a daigné prendre la voix de ces jours qui sévanouissent comme la fumée. « Voilà que mes jours disparaissent comme la fumée ». Voyez cette fumée si semblable à lorgueil, elle sélève, grossit, et puis disparaît; elle sévapore donc et ne demeure point. « Voilà que mes jours se sont évanouis comme la fumée; mes os se sont desséchés comme la pierre du foyer ». Mes os, qui sont ma force, ne sont point sans tribulation, sans brûlure. Dans le corps du Christ, les os sont la force, et quelle force est supérieure à celle des Apôtres? Et néanmoins, vois comme ces os se dessèchent. « Qui est scandalisé sans que je brûle », dit saint Paul 1 les forts, ce sont les fidèles qui comprennent et qui prêchent la parole de Dieu, qui mettent leur vie daccord avec leurs paroles, et leurs paroles avec ce quils entendent: assurément ils sont forts, mais tous ceux qui souffrent le scandale sont pour eux un foyer brûlant. Car cest en eux quest la charité, principalement dans les os. Ils sont plus intérieurs que la chair, et en deviennent les soutiens. Mais si quelquun souffre scandale, si son âme est en péril; les os en sont desséchés à proportion de leur charité. Que la charité manque, et nul os ne dessèche; mais sil y a charité, si un membre compatit quand un membre souffre, combien seront desséchés ceux qui supportent tous les membres 2? « Mes os se sont desséchés comme la pierre du foyer ». 5. « Mon coeur a été frappé comme lherbe, et sest desséché 3». Vois en Adam, tige du genre humain. Quel autre que lui est la source de nos misères? De quel autre que lui nous est venue cette pauvreté héréditaire? Maintenant donc quil est incorporé au Christ, quil dise avec espérance, lui qui, en se regardant lui-même, ne pouvait que désespérer « Mon coeur a été frappé comme lherbe, et sest desséché ». Et cela bien justement, car toute chair est une herbe 4. Et toutefois doù te vient cet état? « Cest que jai oublié de manger mon pain ». Car Dieu lui avait donné le pain dun précepte. Quest-ce eu effet que le pain de lâme, sinon la parole de Dieu? Or, à la suggestion du serpent, et devant la prévarication de la femme, il toucha au fruit défendu 5, et oublia le précepte. Ce fut donc
1. II Cor. XI, 29. 2. Id. XII, 20. 3. Ps. CI, 5. 4. Isa. XL, 6. 5. Gen. III, 6.
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justement que son coeur fut frappé comme lherbe, et se dessécha, parce quil avait oublié de manger son pain. Oubliant de manger ce pain, il avala ce poison; et son coeur fut frappé et se dessécha comme le foin. Cest de cet homme frappé que Dieu parle en Isaïe, et à qui il dit : « Je ne serai pas irrité éternellement : cest de moi que vient lesprit, cest moi qui ai créé tout ce qui respire. A cause de son péché, je lai quelque peu contristé et frappé, jai détourné de lui mon visage». Cest donc avec raison que cet homme dit ici: « Ne détournez pas de moi votre visage », de cet homme frappé, dont vous avez dit : « Je lai frappé » ; dont vous avez dit aussi : « Jai vu ses voies, et je lai guéri 1. Mon coeur a été frappé comme lherbe, et sest desséché, parce que jai oublié de manger mon pain ». Mange maintenant ce pain oublié. Ce pain est venu lui-même; et, incorporé à lui, tu peux te souvenir de cette parole de loubli, crier dans ta pauvreté, afin de recevoir ses richesses. Mange, maintenant que tu es incorporé à celui qui a dit : « Je suis le pain de vie descendu du ciel 2 » .Tu avais oublié de manger ton pain, mais depuis quil est cloué à la croix, tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se convertiront à lui 3. Quaprès loubli vienne enfin le souvenir; que lon mange ce pain du ciel, et que lon vive; quon mange, non point la manne, comme ceux qui en mangèrent et qui moururent 4, mais ce pain dont il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice 5». 6. « A la voix de mes gémissements, ma chair sest attachée à mes os 6 ». A cette voix que je comprends, à cette voix que je connais : « A la voix de mon gémissement », non pas aux gémissements de ceux qui ont ma compassion. Beaucoup gémissent en effet, et moi-même je gémis, et je gémis parce quils ne savent gémir. Tel a perdu de largent, et il gémit; il a perdu la foi et nen gémit pas. Je pèse largent et la foi, et je trouve que jai bien plus à gémir de ceux qui ne savent gémir, ou qui ne gémissent point du tout. On a fait un larcin, et on en tressaille. Quel gain dune part, quelle perte de lautre! Acquérir de largent et perdre la justice! Voilà ce qui fait gémir celui qui sait gémir,
1. Isa. LVII, 16-18. 2. Jean, VI, 41. 3. Ps. XXI, 28. 4. Jean, VI, 49. 5. Matth. V, 6. 6. Ps, CI, 6.
celui qui est uni à son chef, qui est incorporé étroitement au corps du Christ. Mais lhomme charnel, au lieu den gémir, fait gémir sur lui-même, parce quil nen gémit point: et néanmoins, bien quils ne sachent point comme il faut gémir, ou ne gémissent point du tout, nous ne pouvons les mépriser. Nous voulons en effet les corriger, nous voulons les redresser, nous voulons les guérir : et quand cela nous est impossible, nous gémissons, et en gémissant sur eux, nous sommes loin de nous en séparer. « A la voix de mes gémissements, mes os se sont attachés à ma chair ». Les forts se sont attachés aux faibles, et les valides aux infirmes. Comment sy sont-ils attachés? Par la force de leurs propres gémissements, et non par la force des gémissements des faibles. En sy attachant, ils ont cédé à la loi; à quelle loi, sinon à celle qui a fait dire: « Nous qui sommes forts, nous devons supporter la faiblesse des faibles 1? « Mes os se sont attachés à ma chair ». 7. « Je suis devenu comme le pélican, qui habite la solitude, comme le hibou dans les masures. Jai veillé et je suis comme le passereau sur un toit ». Voilà trois oiseaux, et trois habitations: puisse le Seigneur maider à en expliquer le sens, et vous, à entendre, pour votre profit, ce que lon vous dit pour votre salut. Quel est le sens de ces trois oiseaux, et des trois habitations? Quels oiseaux dabord? Le pélican, le hibou, le passereau; les trois habitations sont la solitude, le creux dun mur et un toit. Le pélican est dans la solitude, le hibou dans les masures, le passereau sur un toit. Exposons dabord ce quest le pélican, car les contrées quil habite ne nous permettent pas de le connaître. li nait dans les déserts, principalement dans ceux du Nil, en Egypte. Quel que soit cet oiseau, voyons ce que le Prophète a voulu nous en dire. « Il habite la solitude », nous dit-il. A quoi bon nous enquérir de sa forme, de ses membres, de sa voix, de ses moeurs? Ce que te Prophète nous en dit, cest quil habite la solitude. Le hibou est un oiseau qui aime la nuit. On appelle masures ce que nous appelons vulgairement ruines, des murailles sans toiture, sans habitants : cest la demeure du hibou. Vomis connaissez le passereau et le toit. Je me figure donc un homme incorporé à Jésus-Christ, qui prêche sa parole, qui
1. Rom. XV, 1.
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compatit aux faibles, qui cherche les intérêts du Christ, qui se souvient que son maître doit venir, et qui craint quon ne lui dise : « Méchant et lâche serviteur, que nas-tu mis mon argent chez les banquiers 1 ?» Cherchons trois choses dans loeuvre de ce dispensateur. Quil vienne dans un lieu où il ny n nul chrétien, ce sera le pélican dans la solitude; quil vienne chez ceux qui ont été chrétiens, et ne le sont plus, cest le hibou dans les masures, car il nabandonne pas les ténèbres de ceux qui habitent la nuit, et sapplique à les gagner; quil vienne chez des chrétiens qui habitent dans la maison, qui ne sont point de ceux qui nont jamais embrassé la loi, ou ne lont point gardée après lavoir embrassée, mais qui rie font quavec tiédeur les oeuvres de la foi : cest un passereau qui leur crie, non point de la solitude, puisquils sont chrétiens, non point des masures, puisquils ne sont point tombés, mais sont sur le toit, ou plutôt sous le toit, puisquils sont sous la chair. Ce passereau se fait entendre au-dessus de la chair, puisquil ne garde point le silence sur les préceptes de Dieu, quil ne devient point charnel, et quil nest point sous le toit. « Que celui qui est sur le toit nen descende pas pour prendre quelque chose dans sa maison 2 » ; et: « Ce que vous entendez de loreille, prêchez le sur le toit 3». Voilà donc trois oiseaux et trois habitations. Un seul homme peut faire ce que figurent ces trois oiseaux, de même que trois hommes peuvent le faire aussi : et ces trois lieux différents, sont trois genres dauditeurs; car cette solitude, cette masure, ce toit, ne peuvent figurer que trois sortes dhommes. 8. Mais pourquoi nous étendre à ce sujet? Jetons les yeux sur le maître, et voyons si ce nest pas lui, sil ne nous apparaîtra pas mieux dans le pélican au désert, le hibou dans les masures, le passereau solitaire sur un toit. Quil nous parle, ce pauvre qui est notre chef; que ce pauvre de gré parle aux pauvres de nécessité. Disons tout ce que lon a dit ou dont au sujet de cet oiseau, cest-à-dire du pélican ; naffirmons rien avec témérité, mais nomettons rien de ce quont voulu dire et faire lire ceux qui en ont écrit. Pour vous, écoutez de manière à vous y arrêter, si cela est vrai; à le laisser, sil est faux. On dit que ces oiseaux frappent leurs petits à coups de
1. Matth. XXV, 26, 27. 2. Id. XXIV, 17. 3. Id. X, 27.
bec, et après es avoir tués, les pleurent dans leur nid pendant trois jours, que la mère se fait une large blessure, et arrose ses petits de son sang qui les rend à la vie. Est-ce vrai, est-ce faux? Si cela est vrai, voyons le rapport de celte figure avec ce qua fait pour nous Celui qui nous n rendu la vie par son sang. Ce rapport consiste en ce que cest la mère qui donna la vie à ses petits par son sang. Cela est évident ; et lui-même sest comparé à une poule qui échauffe ses poussins « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu ne las point voulu 1 ? » Le Christ en effet a toute lautorité dun père, et toute la tendresse dune mère ; de même que Paul il est père, il est mère ; non par lui-même sans doute, mais par lEvangile : père, quand il nous dit : « Eussiez-vous dix mille maîtres en Jésus-Christ, vous navez pas néanmoins beaucoup de pères, cest moi qui vous ai engendrés à Jésus-Christ par lEvangile 2 »; mère, quand il dit : « Mes petits enfants, que jenfante de nouveau, jusquà ce que le Christ soit formé en vous 3 ». Si donc ce que lon dit du pélican est véritable, il a une grande ressemblance avec la chair du Christ, dont le sang nous a donné la vie. Mais quelle ressemblance y a-t-il avec Jésus-Christ, à tuer ses enfants? Pourtant cela nest-il pas daccord avec cette parole : « Je donnerai la mort, et je donnerai la vie; je frapperai et je guérirai 4? » Saul le persécuteur fût-il mort, sil neût été frappé du haut du ciel 5; et se serait-il relevé prédicateur, sil neût été vivifié par le sang du Christ ? Toutefois cest laffaire de ceux qui ont écrit ces choses, et nous ne devons pas baser nos interprétations sur lincertitude. Voyons plutôt cet oiseau dans la solitude : cest là que notre psaume la placé : « Le pélican dans la solitude ». Je crois quil nous désigne ici le Christ né dune vierge. Il est en effet le seul de là vient la solitude ; il est né dans la solitude, parce que seul il est né de cette manière. Après sa naissance vient sa passion. Qui la crucifié? Ceux qui se tenaient debout? Ceux qui pleuraient? On peut donc dire que ce fut pendant la nuit de lignorance, et comme dans les masures de leurs propres ruines.
1. Matth. XXIII, 57. 2. I Cor. IV, 15. 3. Gal. IV, 19. 4. Deut. XXXII, 39. 5. Act. IX, 4.
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Cest là le hibou qui habite les masures, qui aime la nuit. Sil ne les aimait, comment dirait-il : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce quils font 1? » Né dans la solitude, parce que seul il est né de cette manière, il a souffert de la part des Juifs, dans leurs ténèbres, cétait la nuit; dans leur prévarication, cétait leur ruine. Quest-il arrivé ensuite? « Je me suis éveillé ». Vous aviez donc dormi dans les murailles, et vous aviez dit: « Jai dormi ». Quest-ce à dire « jai dormi? » Jai dormi parce que je lai voulu ; jai dormi parce que jaimais la nuit mais il dit aussitôt : « Et je me suis levé 2 ». Donc là aussi « jai veillé ». Mais après avoir veillé, qua-t-il fait? Il est monté aux cieux, et dans son vol ou dans son ascension, il a été « semblable au passereau, seul sur un toit», cest-à-dire dans le ciel. Il est donc le pélican dans sa naissance, le hibou dans sa mort, le passereau dans sa résurrection : dans lune il est solitaire, puisquil est unique; dans lautre il est dans les ruines, puisquil est mis à mort par ceux qui ne pouvaient se tenir debout; enfin dans la dernière il séveille, prend son vol par-dessus les toits, et intercède pour nous 3. Ce passereau est notre chef, la tourterelle est son corps. « Car le passereau a trouvé une demeure pour lui ». Quelle demeure ? Il est dans le ciel, intercédant pour nous. « La tourterelle qui se trouve un nid où reposer ses petits 4 », cest lEglise qui se compose des bois de la croix un nid pour ses enfants. « Je me suis éveillé, et jétais comme le passereau solitaire sur un toit ». 9. « Pendant tout le jour, mes ennemis me couvraient dopprobre, ceux qui me louaient faisaient des voeux contre moi 5». Leur bouche me louait, leur coeur me préparait des embûches. Ecoute leurs louanges : « Maître, nous savons que vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité, et ne faites acception de personne : est-il permis de payer le tribut à César 6 ? » Cest louer celui quon veut faire tomber. Pourquoi ? sinon parce que « ceux qui me louaient faisaient des voeux contre moi ? » Doù me vient cet opprobre, sinon de ce que je suis venu mincorporer les pécheurs, afin que devenus mes membres, ils fissent pénitence? De là cette ignominie, de là ces persécutions : « Pourquoi votre maître
1. Luc, XXIII, 34. 2. Ps. III, 6. 3. Rom. VIII, 34. 4. Ps. LXXXIII, 4. 5. Id. CX, 9. 6. Matth. XXXI, 16, 17.
mange-t-il avec les pécheurs et les publicains? Parce que le malade seul a besoin du médecin, et non celui qui se porte bien 1 » Plût à Dieu que vous connussiez combien vous êtes malades, et que vous eussiez recours au médecin! vous ne le tueriez point, dans votre orgueil, en vous croyant follement la santé. 10. Doù vient que « mes ennemis me couvraient dopprobre pendant tout le jour? » Doù vient que « ceux qui me louaient formaient des voeux contre moi?» « Cest que je mangeais la cendre comme le pain, et que je mêlais mes pleurs à mon breuvage 2 ». Parce quil a voulu mettre ces hommes parmi ses membres, afin de les guérir et de les délivrer, telle est la cause de lopprobre. Aujourdhui, quelles sont les injures que nous prodiguent les païens? Que croyez-vous quils disent, de nous? Vous pervertissez les hommes, nous disent-ils, vous corrompez les moeurs dans le genre humain. Dis-moi, accusateur, quelle preuve en as-tu? Quavons-nous fait? Vous offrez aux hommes le remède de la pénitence, vous leur promettez limpunité de tous les crimes; et les hommes senhardissent au mal, parce quils sont assurés quau jour où ils se convertiront, tout leur sera pardonné. Voilà le sujet des opprobres : « Parce que je mangeais la cendre comme un pain, et je mêlais mes pleurs à mon breuvage ». O toi, qui insultes, cest à ce pain que je te convie. Tu noserais point dire que tu nes point pécheur. Examine ta conscience; monte sur le tribunal de ta conscience, discute sans ménagement, laisse parler la moelle de ton coeur, et vois si tu oseras bien te dire innocent. Un tel homme, en sexaminant, sera troublé; et sil ne se flatte point, il avouera ses fautes. Que feras-tu donc, misérable pécheur, sil ny a pas un port où tu puisses trouver limpunité? Si tu nas que la liberté de pécher, sans espoir de pardon, que deviendras-tu? où iras-tu? Cest assurément pour toi que ce pauvre a mangé la cendre comme son pain, et mêlé ses pleurs à son breuvage. Un tel festin naura-t-il donc pour toi aucun attrait? Mais, répond-il, lespérance du pardon augmente le nombre des fautes. Il saugmente. rait bien davantage par le désespoir du pardon. Ne vois-tu pas combien est licencieuse la vie des gladiateurs? Pourquoi cette licence,
1. Matth. IX, II, 12. 2. Ps. CI, 10.
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sinon parce que, destinés au glaive comme des victimes, ils veulent assouvir leurs convoitises tmvant de répandre leur sang. Et toi, ne diras-tu pas à ton tour : Me voilà pécheur, injuste, sous le coup de la damnation, sans espoir de pardon, pourquoi donc ne point faire ce quil me plaît, en dépit de la défense? Pourquoi ne pas satisfaire mes appétits, autant que je le puis, si je ne puis au-delà de cette vie attendre que des tourments? Ne tiendrais-tu pas ce langage, et le désespoir ne te jetterait-il point dans la dépravation ? Cest donc pour te redresser quon te promet le pardon, et quon te dit : « Prévaricateurs, rentrez en vous-mêmes 1. Je ne veux point la mort de limpie, mais quil se corrige et quil vive 2». A la vue de ce port, liniquité baisse les voiles, tu retournes la proue du vaisseau, tu vogues sers la justice; et dans lespoir de trouver la vie, tu ne négliges point le remède. Dès lors maccuse plus le Seigneur de donner la sécurité aux pécheurs, en leur promettant le pardon. De peur que le désespoir ne les déprave encore, il leur ouvre le port de lindulgence; et de peur que lespérance du pardon ne les entretienne dans le péché, il veut que le jour de leur mort soit incertain : accordant avec sagesse, et la bonté qui accueille ceux qui reviennent à lui, et la menace qui effraie les retardataires. Mange donc la cendre comme un pain, et mêle tes pleurs à ton breuvage: ce festin te conduira à la table du Seigneur. Loin de toi tout désespoir, le pardon test promis. Dieu soit béni de cette promesse, me dira-t-on, je la tiens enfin. Oui, mais commence à bien vivre. Demain, dit-on, je le ferai. Dieu ta promis le pardon, sans doute, mais nul ne ta promis un lendemain. Si jusquici tu as mal vécu, commence à bien vivre dès aujourdhui. « Cette nuit même, ô insensé, mon va te redemander ton âme ». Je ne dis point : « A qui appartiendra ce que tu as amassé 3? » mais bien : Où te conduira la vie que tu as menée? Corrige-toi donc, entre dans le corps du Christ, afin de dire ce que tu entends volontiers, si je ne me trompe : « Je u mangeais la cendre comme un pain, et je mêlais mes pleurs à mon breuvage ». 11. « A cause de votre colère et de votre indignation, après mavoir élevé, vous mavez précipité 4 ». Telle fut, ô mon Dieu,
1. Isa. XLVI, 8. 2. Ezéch. XXXIII, 11. 3. Luc, XXI, 20. 4. Ps CI,11.
votre colère en Adam; votre colère dans laquelle nous sommes nés, qui nous a enveloppés à notre naissance, votre colère contre la transfusion de liniquité, contre la masse du péché; selon cette parole de lApôtre: « Nous avons été, nous aussi, enfants de colère, comme le reste des hommes 1 » ; et cette autre du Sauveur: « La colère de Dieu pèse sur quiconque ne croit pas au Fils unique de Dieu 2 » . Il ne dit pas: La colère de Dieu viendra sur lui ;mais bien : « pèse sur lui », parce quelle ne lui a pas été enlevée depuis sa naissance. Pourquoi donc cette parole et que veut-elle dire: « Après mavoir élevé, vous mavez précipité? » Il nest point dit: Parce que vous mavez élevé et précipité; mais bien: « Parce que vous mavez élevé, vous mavez précipité ». Mon élévation a été la cause de ma ruine. Comment cela? Lhomme, étant en honneur, a été fait à limage de Dieu. Elevé à cet honneur, tiré de la poussière, tiré de la terre, il a reçu une âme raisonnable; la lumière de sa raison lui a fait donner le sceptre sur les animaux, sur le bétail, sur les oiseaux, sur les poissons 3. Quy a-t-il en eux qui ait la lumière de la raison? Nul dentre eux na été fait à limage de Dieu. Mais comme nul na cet honneur, nul aussi ne ressent notre misère. Quel animal pleure son péché? Quel oiseau craint la violence des flammes éternelles? Comme il na nulle part à la vie éternelle, il ne ressent point laiguillon de nos misères. Mais lhomme qui est fait pour la vie bienheureuse, sil vit saintement, naura quune vie de misères, si sa vie est dépravée. Donc, « parce que vous maviez élevé, vous mavez précipité »; et je suis en butte à la peine, parce que vous mavez donné le libre arbitre. Car si vous ne maviez donné ni le libre arbitre, ni cette raison qui me rend supérieur aux animaux, mon péché ne serait point suivi dune juste condamnation. Donc vous mavez élevé par le libre arbitre, et précipité par le jugement de votre justice. 12. « Mes jours ont décliné comme lombre 4». Tes jours auraient pu ne point décliner, si toi-même tu neusses décliné du jour véritable tu ten es détourné, et tes jours ont décliné. Quy aurait-il détonnant que tes jours fussent semblables à toi-même? Ce sont des jours qui déclinent, comme tu as décliné; des jours de fumée, parce que tu tes
1. Ephés. XI, 3. 2. Jean, III, 86. 3. Gen. I, 26. 4. Ps. CI, 12.
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élevé. Le Prophète avait dit plus haut : « Mes jours se sont évanouis comme la fumée »; et maintenant il dit : « Mes jours ont décliné comme lombre», il nous faut dans cette ombre connaître le jour, et dans cette ombre voir la lumière, de peur quune pénitence tardive et sans fruit ne nous fasse dire: « De quoi nous a servi notre orgueil? Que nous a rapporté lostentation de nos richesses? Tout cela a passé comme lombre 1 ». Dès maintenant, tout cela passera comme lombre, mais toi, ne passe point comme cette ombre. « Mes jours ont décliné comme lombre, et moi je me suis desséché comme le foin ». Il avait dit plus haut : « Mon coeur a été frappé comme lherbe et il sest desséché ». Mais arrosé par le sang du Sauveur, le foin reverdira. « Pour moi, je me suis desséché comme le foin ». Moi, homme, ô mon Dieu, après cette grande prévarication, jai ressenti votre juste jugement: mais vous, Seigneur? 13. « Mais vous, Seigneur, vous demeurez éternellement 2 ». Mes jours ont décliné comme lombre, tandis que vous demeurez éternellement: que celui qui est éternel, sauve lhomme de quelques jours. Ce nest point parce que je décline que vous vieillirez aussi; car votre force doit me délivrer, comme votre force ma humilié. « Mais vous, Seigneur, vous demeurez éternellement, et votre mémoire passe de race en race ». «Votre mémoire», car il ny a rien doublié, « de race en race », et non dans une foule, mais « de génération en génération ». Nous avons la promesse de la vie présente et de la vie à venir 3. 14. « Vous vous lèverez pour prendre en pitié Sion, car il est temps den avoir pitié 4 ». Quel temps? « Lorsque le temps fut accompli, Dieu envoya son Fils, formé dune femme et assujetti à la loi ». Où est Sion? « Afin de racheter ceux qui étaient sous la loi 5 ». Les Juifs donc tout dabord; de là vinrent les Apôtres, de là plus de cinq cents frères 6; de là cette multitude qui navait plus en Dieu quun coeur et quune âme 7. Donc « vous vous lèverez, et vous prendrez Sion en pitié; il est venu, le temps de la clémence; il est venu, « le temps marqué ». Quel temps? «Voici maintenant le temps propice, voici les jours de salut 8 ». Qui parle ainsi? Le serviteur
1. Sag. V, 8, 9. 2. Ps. CI, 13. 3. Tim. IV, 8. 4. Ps. CI, 14. 5. Gal. IV, 4, 5. 6. I Cor, XV, 6. 7. Act. IV, 32. 8. II Cor. VI, 2.
travaillant à lédifice de Dieu, et qui disait: « Vous êtes lédifice du Seigneur » ; qui disait encore: « Comme un architecte sage: jai posé le fondement»; et : «Nul ne posa une base autre que celle qui est posée, et qui est le Christ Jésus 1. » 15. Que dit ensuite le psaume? « Vos serviteurs en ont aimé les pierres 2». Les pierres de quoi? Les pierres de Sion; mais il en est là aussi qui ne sont point des pierres. Des pierres de quoi? Ecoutons ce qui suit: «Ils prendront en pitié sa poussière».Reconnaissons-le donc, il y a en Sion des pierres, et en Sion de la poussière. Le Prophète ne dit point quon aura pitié des pierres; mais que dit-il? « Vos serviteurs en ont aimé les pierres, et ils prendront sa poussière en pitié ». Lamour pour les pierres, la pitié pour la poussière. Par les pierres de Sion, jentends tous les Prophètes: cest là que la parole des prédicateurs a retenti dabord, de là que furent tirés les ouvriers évangéliques, et par leur prédication le Christ fut connu. Donc vos serviteurs ont fait leurs délices des pierres de Sion; mais les prévaricateurs, qui se sont retirés de Dieu, qui ont irrité le Créateur par leurs actions détestables, sont retournés dans la terre doù ils avaient été tirés. ils sont devenus poussière, et sont tombés dans limpiété. Cest deux quil est dit: « Il nen est pas ainsi, non pas ainsi de limpie; il est comme la poussière que le vent chasse de la surface de la terre 3 ». Mais, Seigneur, attendez, attendez, ô mon Dieu, prenez patience; défendez au vent de souffler, et demporter limpie de la surface de la terre. Quils viennent, vos serviteurs, quils viennent et quils reconnaissent dans vos pierres votre parole, quils prennent en pitié la poussière de Sion, quils reforment lhomme à votre image 4 : que la poussière dise, afin de ne point périr: « Souvenez-vous que nous sommes poussière, et ils auront pitié de sa poussière » : voilà ce qui regarde Sion. Nétaient-ils point poussière, ceux qui ont crucifié le Seigneur? Et même plus, une poussière sortie des débris dune masure. Cétait donc une poussière, et néanmoins ce nétait pas en vain quil était dit, à propos de cette poussière : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce quils font 6». Cest de cette poussière quest sortie cette muraille de tant
1. I Cor. III, 9-11. 2. Ps. CI, 15. 3. Id. I, 4. 4. Gen. I, 28. 5. Ps. CII, 14. 6. Luc, XXXII, 31.
479
de milliers de croyants, qui apportaient aux pieds des Apôtres le prix de leurs biens. Cest donc de cette poussière quest sortie lhumanité réformée et embellie. Qui a fait rien de semblable parmi les Gentils? Combien peu en trouvons-nous, si nous les comparons à tant de milliers de Juifs? Trois mille dabord, puis cinq mille, et tous vivent comme un seul, et tous viennent apporter aux pieds des Apôtres le prix de leurs biens, afin quil fût distribué à chacun selon ses besoins, et ils navaient tous en Dieu quun coeur et quune âme 1. Qui a pu tirer ce parti de cette poussière, sinon celui qui a fait Adam de la poussière 2? Ceci donc regarde Sion, mais ne sest pas accompli seulement en Sion. 16. Que dit en effet le Prophète? « Et toutes les nations redouteront votre nom, ô mon Dieu, et les rois de la terre votre gloire 3 ». Puisque déjà vous avez eu pitié de Sion, que vos serviteurs ont mis leurs délices dans ses pierres, en y retrouvant le fondement des Apôtres et des Prophètes; puisquils ont pris en pitié sa poussière, en formant, ou plutôt en reformant de cette poussière lhomme plein de vie; puisque cest de là que la prédication des Gentils a pris de laccroissement; que les Gentils alors craignent votre nom, et tous les rois de la terre votre gloire; quil vienne du côté des Gentils une autre muraille; quon reconnaisse la pierre angulaire 4; que là sunissent les deux murailles, venant de différentes directions, mais nayant plus des sentiments opposés. 17. « Car cest le Seigneur qui a bâti Sion 5 ». Cest loeuvre daujourdhui. Accourez, ô pierres vivantes, venez former lédifice, et non le détruire. On bâtit Sion, prenez garde aux masures; éditions une tour, éditons une arche, évitons le déluge. Travaillez maintenant, « parce que le Seigneur construira Sion ». Mais quand Sion sera bâtie, quarrivera-t-il? « Alors on le verra dans sa gloire ». Pour bâtir Sion, pour être le fondement de Sion, le Christ sest montré à Sion, mais non dans sa gloire. « Et nous lavons vu, et il navait ni apparence ni beauté 6». Mais quand, avec ses anges, il viendra pour juger, quand les nations seront toutes rassemblées devant lui, quand les brebis seront placées à sa droite et les boucs à sa gauche 7,
1. Act. XI, 41; IV, 4, 32. 2. Gen. II, 7 3. Ps. CI, 16. 4. Ephés. 5. Ps. CI, 17. 6. Isa. LIII, 2. 7. Matth. XXV, 31-33.
ne verront-ils point Celui quils ont percé 1? Alors une confusion tardive couvrira ceux qui auront repoussé une prompte et salutaire pénitence. « Le Seigneur bâtira Sion, et sera vu dans sa gloire » ; lui qui sest montré tout dabord dans son infirmité. 18. « Il a entendu favorablement la prière des humbles, et na point dédaigné leurs soupirs 2 ». Voilà ce qui se passe aujourdhui dans la construction de Sion; ceux qui la construisent gémissent et prient; ce pauvre unique personnifie mille pauvres, comme ces milliers de toutes les nations ne forment quun seul homme, dans lunité de la paix de 1Eglise. Cet homme est un et multiple; un à cause de la charité, multiple à cause de létendue. Cest donc maintenant que lon prie, maintenant que lon court; quiconque a vécu dautre manière , a nourri dautres sentiments, doit maintenant manger la cendre comme un pain, et mêler ses pleurs à son breuvage. Cest le moment de le faire, quand on bâtit Sion; cest maintenant que les pierres entrent dans lédifice; une fois lédifice achevé et la maison dédiée, à quoi bon courir, pour arriver trop tard, supplier en vain, frapper sans résultat, et demeurer dehors avec tes cinq vierges folles 3? Cours donc maintenant. « Le Seigneur a écouté la prière des humbles, et na point dédaigné leurs soupirs ». 19. « Que ceci soit écrit pour la génération qui doit venir 4 ». Quand le Prophète écrivait ces choses, elles étaient moins utiles à ceux parmi lesquels il les écrivait; car Dieu les faisait consigner pour prophétiser la nouvelle alliance parmi ces mêmes hommes, qui vivaient selon lancienne. Cétait Dieu néanmoins qui avait donné cette alliance, et qui avait placé son peuple dans la terre promise. Mais « parce que votre souvenir passe de race en race », non chez les impies, mais chez les justes; la première génération appartient à lancienne alliance, et la seconde génération à la nouvelle. Ceci donc était une prophétie, et le Psalmiste y prédit le Nouveau Testament: «Que ceci soit écrit pour la génération suivante; et le peuple qui sera créé louera le Seigneur »: non point le peuple qui a été créé, mais « le peuple qui sera créé ». Quoi de plus évident, mes frères? Voilà quest prédite cette créature dont saint Paul a dit : «Si donc nous sommes dans le Christ une créature
1. Zach. XII, 10. 2. Ps. CI, 18. 3. Matth. XXV, 12. 4. Ps. CI, 19.
480
nouvelle, le passé nest plus, tout a été renouvelé et tout vient de Dieu 1». Quest-ce à dire : « Tout vient de Dieu? » Et ce qui est ancien et ce qui est nouveau, car votre souvenir passe de génération en génération. « Et
1. II Cor. V, 17, 18.
le peuple qui sera créé bénira le Seigneur. « Car il a regardé du haut de son sanctuaire 1». Il a regardé den haut, afin de venir vers les humbles; délevé quil était, il sest fait humble, afin délever les humbles.
1. Ps. CI, 20.
DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME CI.DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.LES CONSOLATIONS DE LÉGLISE.
Ceux qui ont les fers aux pieds, sont ceux que retient la crainte du Seigneur; or, le Seigneur écoute leurs gémissements; il délivre par sa grâce les fils des martyrs. Alors le nom du Seigneur fut annoncé en Sion ; lhomme comprit son avenir, tons les peuples bénirent le vrai Dieu ; la vie pure des hommes, la sainteté en Jérusalem a été le fruit de cette prédication. Cest par là que lEglise n répondu au Christ dans sa force, ou après la résurrection, et en rassemblant tes peuples dans lunité. LEglise, nous dit lhérésie, nest plus celle de toutes les nations, cette Eglise a péri. Pourtant Jésus-Christ devait être avec elle jusquà la consommation des siècles; et si cette Eglise demande aujourdhui de connaître ses jours peu nombreux, cest que ces jours qui doivent se prolonger jusquà la fin des siècles, alors que lEvangile sera prêché à tous les peuples, ne sont rien en comparaison de léternité, de ces années de Dieu, sans passé, sans avenir, qui ne sécoulent point, car elles sont elles-mêmes Celui qui est. Ces années de Dieu passent de génération en génération, cest-à-dire quelles sont le partage des saints de chaque génération, en Adam dabord, puis chez les patriarches, puis chez les nations chrétien. nes, tandis que la terre doit finir ainsi que les cieux. Déjà ont péri par le déluge les cieux inférieurs; les cieux supérieurs ou les saints périront dune manière corporelle, pour être revêtus dimmortalité, tandis que Dieu ne passera point. Ces cieux donc habiteront avec Dieu, et ces fils de ses serviteurs, sont nos bonnes oeuvres qui doivent nous préparer la véritable vie.
1. Hier, nous avons entendu un pauvre prier et gémir ; nous avons reconnu en lui celui qui étant riche est devenu pauvre, ainsi que les membres qui lui sont unis et qui parlent en la personne de leur chef. Car nous sommes là aussi, nous lavons vu, si toutefois, par sa grâce, nous sommes quelque chose. Or, les paroles de gémissements cessaient pour faire place aux paroles de consolation, mais il nous était impossible hier de vous les exposer plus longuement. Ecoutons dans ce qui nous reste à traiter, non plus le pauvre qui gémit, mais le pauvre qui tressaille, et qui tressaille parce quil espère, et qui espère parce quil ne présume point de lui-même. Il avait annoncé dans les divines Ecritures le bonheur dont peuvent jouir les hommes, et il ajoute : « Que ceci soit écrit pour la génération à venir, et le peuple qui croira, bénira le Seigneur, parce quil a regardé du
1. II Cor. VIII, 9.
haut de son sanctuaire 1 ». Cest jusque-là que se prolongea hier notre discours, voyons la suite. 2. « Des hauteurs du ciel le Seigneur a jeté les yeux sur la terre pour écouter les gémissements de ceux qui ont les fers aux pieds, et délivrer les enfants de ceux quon a égorgés 2». Nous trouvons dans un autre psaume « Que les gémissements de ceux qui ont les fers aux pieds sélèvent jusquà vous 3 »; et le psaume qui parle ainsi sentend des martyrs. Comment les martyrs ont-ils les fers aux pieds? Leurs membres nétaient-ils pas chargés de chaînes, plutôt que leurs pieds entravés ? Nous lisons en effet quon enchaînait les saints martyrs de Dieu, et quon les traînait derrière des juges de province en province, nous ne lisons pas quils avaient les fers aux pieds. Nous connaissons aussi les entraves de la discipline et de la crainte de Dieu,
1. Ps. CI, 19, 20. 2. Id. 21. 3. Id. LXXVIII, 11.
dont il est dit : « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse 1 ». Cest à cause de cette crainte que les serviteurs de Dieu nont point redouté ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer lâme : ils craignaient alors celui qui a le pouvoir de jeter le corps et lâme au feu éternel 2. Si les martyrs, en effet, neussent eu les pieds retenus par les entraves de cette crainte, comment eussent-ils pu endurer de la part de leurs persécuteurs des tourments si rigoureux quand ils étaient libres de faire ce quon les contraignait de faire, et déchapper aux tortures quils enduraient? Mais Dieu leur avait mis ces entraves salutaires, entraves dures et pénibles pour un temps, à la vérité, mais supportables en vue des promesses de Celui à qui il est dit : « A cause des paroles de vos lèvres, jai marché dans la voie douloureuse 3». On doit gémir dans ces entraves, sans doute, afin dobtenir la divine miséricorde ; aussi les martyrs ont-ils dit dans un autre psaume: « Que le gémissement de ceux qui ont les entraves aux pieds sélève jusquà vous »; mais il ne faut point éviter ces entraves, pour convoiter une liberté pernicieuse, pour rechercher la douceur si courte dune vie passagère, qui serait suivie dune amertume sans fin. Aussi, de peur que nous ne repoussions les entraves de la sagesse, lEcriture nous en parle-t-elle ainsi: « Ecoute, mon fils, reçois ma pensée, et ne rejette point mon conseil. Mets tes pieds dans ses entraves, engage ton cou dans ses chaînes : baisse ton épaule et porte-la ; ne te fatigue point de ses liens. Approche-toi delle de tout ton coeur, et garde ses voies de toutes tes forces : cherche-la, mets-toi en peine de la trouver, et elle te sera manifestée ; une fois que tu lauras embrassée, ne la quitte point. Car au dernier jour cest en elle que tu trouveras le repos, et elle se changera pour toi en délices, et ses fers deviendront pour toi une protection, et ses chaînes un vêtement de gloire. Car elle a la beauté de lor, et ses liens sont des fils dhyacinthe tu te revêtiras delle comme dune robe de gloire, tu la mettras sur ta tête comme une couronne de joie 4 ». Quils crient donc tandis quils ont les entraves aux pieds, tandis quils sont enchaînés par la discipline du Seigneur qui a exercé les martyrs, et leurs fers
1. Eccli. II, 16 2. Matth. X, 28. 3. Ps. XVI, 4. 4. Eccli. VI, 24-32.
seront brisés, et ils senvoleront, et ces fers eux-mêmes deviendront leur ornement et leur gloire. Voilà ce qui est arrivé aux martyrs. Quont fait leurs persécuteurs en les égorgeant, sinon briser leurs chaînes, qui se sont changées en couronnes? 3. « Le Seigneur a donc regardé du haut du ciel, afin dentendre les gémissements de ceux qui ont les fers aux pieds, et de délivrer les fils de ceux quon a égorgés ». Ce sont les martyrs que lon a fait mourir; mais quels sont les fils de ceux que lon a fait mourir, sinon nous-mêmes? Or, comment nous délier, sinon en disant à Dieu : « Seigneur, vous avez brisé mes liens ; je vous offrirai un sacrifice de louange 1? » Car chaque fidèle est délivré soit des chaînes de ses appétits déréglés, soit des liens du péché. Lui remettre son péché, cest en effet le délier. Quaurait servi à Lazare de sortir vivant du tombeau, sans cette parole : « Déliez-le, et laissez-le aller 2 ? » A la vérité, le Christ le fit sortir à sa voix du sépulcre, lui rendit la vie par son cri puissant, put vaincre ce monceau de terre dont il était couvert, et Lazare sortit encore tout garrotté; il ne sortit donc point par la force de ses pieds, mais par la force de celui qui le ressuscitait. Voilà ce qui sopère dans le coeur dun pénitent. Ecoute un homme qui se repent de ses fautes, il est ressuscité; écoute-le découvrir sa conscience par la confession, il est déjà sorti du tombeau, mais pas encore délié. Quand le sera-t-il? Par qui le sera-t-il? « Tout ce que vous délierez sur la terre », dit le Sauveur, « sera délié aussi dans le ciel 3 ». Cest avec raison que nos péchés sont déliés par lEglise: mais un mort ne peut ressusciter que par le cri intérieur de Jésus-Christ: cest Dieu qui agit ainsi au dedans de nous. Nous vous parlons à loreille, mais comment savoir ce qui se passe dans vos coeurs? Or, ce qui se passe intérieurement est loeuvre de Dieu, et non la nôtre. 4. Dieu donc « a jeté les yeux pour délier les fils de ceux quon a égorgés». Vous connaissez maintenant ces hommes égorgés, vous connaissez leurs enfants. Quelle est la suite? « Afin que le nom du Seigneur soit annoncé dans Sion » . LEglise était dabord opprimée, quand ou égorgeait ceux qui avaient les entraves aux pieds: et après ces persécutions, le
1. Ps. CXV, 16, 17. 2. Jean, XI, 44. 3. Matth. XVI, 19.
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nom du Seigneur est prêché dans Sion avec une grande liberté, cest-à-dire dans lEglise même qui est Sion, non point ce lieu de la terre si orgueilleux dabord et réduit ensuite à lesclavage; mais dans cette Sion dont lancienne était une figure,et qui signifie spéculation. Placés en effet dans la chair, nous voyons ce qui devant nous en nous étendant, non plus vers ce qui est du présent, mais vers les choses de lavenir. De là cette spéculation. Quiconque est en spéculation ou au guet étend sa vue au loin; et lon appelle guet lendroit où lon pose des gardes. Or, on établit un guet sur des rochers, sur des montagnes, sur des arbres, afin que de cette hauteur on puisse voir de plus loin. Sion est donc un guet, et lEglise est un guet. Pourquoi un guet? Etre au guet, cest voir de loin. « Il ny a devant moi que labeur, jusquà ce que jentre dans le sanctuaire de Dieu, et que je comprenne la fin des méchants 1 ». Quest-ce que voir, comprendre la fin? Traverser la mer eu voyant, non plus en naviguant, et habiter les bords de la mer 2, cest-à-dire mettre son espérance dans ce qui doit durer après lécoulement des temps. Si donc lEglise est un guet, cest là quon annonce désormais le nom du Seigneur. Et non-seulement le nom du Seigneur est annoncé dans cette Sion, mais « sa louange», dit le Prophète, « est publiée dans Jérusalem ». 5. Comment publiée? « Alors que les peuples et les royaumes se réuniront, pour servir le Seigneur 3». Doù vient cette merveille, sinon du sang de ceux quon a mis à mort? Doù vient cette merveille, sinon des gémissements de ceux qui ont les entraves aux pieds? Dieu donc les a écoutés, sous le pressoir et dans lhumiliation, afin quen un jour lEglise fût élevée à cet éclat de gloire que nous voyons, et que les puissances qui persécutaient alors servissent maintenant le Seigneur. 6. « Elle lui a répondu dans la voie de sa force 4». A qui a-t-elle répondu, sinon au Seigneur? Qui a répondu? Voyons ce qui précède. « Et sa louange », dit-il, « sera chantée en Jérusalem, quand les peuples et les rois suniront pour servir le Seigneur. Elle lui a répondu dans la voie de sa force ». Quelle est celle ou quel est celui qui a répondu dans la voie de sa force? Cherchons tout dabord celui qui a répondu, et nous saurons par là
1. Ps. LXXII, 16, 17. 2. Id. CXXXVIII, 9. 3. Id. CI, 23. 4. Id. 24.
quel est le chemin de sa force. Daprès les paroles précédentes, on pourrait croire que cest la gloire de Dieu ou Jérusalem qui lui a répondu; car le Prophète avait dit plus haut : « Et sa louange sera en Jérusalem; quand se réuniront les peuples et les royaumes pour servir le Seigneur». «Elle lui a répondus, nous ne pouvons point parler ainsi des royaumes, car alors le Prophète eût dit: Ils lui ont répondu. « Elle lui a répondu», ne peut avoir pour sujet les peuples, car le Prophète eût dit encore: Ils lui ont répondu. Donc puisque répondre est au singulier, nous ne pouvons lui trouver dans ce qui précède, dautre sujet que la louange du Seigneur, et Jérusalem. Et comme il est douteux si cest la louange de Dieu ou Jérusalem, exposons lun et lautre sens. Comment sa louange lui a-t-elle répondu? Quand ceux que Dieu daigne appeler lui rendent grâces. Car cest Dieu qui nous appelle, et nous lui répondons, non par la voix, mais bien par la foi; non par la langue, mais par la vie. Si Dieu en effet tappelle, et tordonne de mener une vie pure, tu ne réponds point à son appel par une vie de désordre, il ne vient de toi aucune louange qui lui réponde; car ta vie est plutôt un blasphème contre lui quune louange en son honneur. Mais quand nous vivons de manière à faire louer le Seigneur, sa louange alors lui répond. Jérusalem lui a aussi répondu dans la personne des saints que Dieu appelait. Car Jérusalem fut appelée, et tout dabord Jérusalem refusa découter, et il lui fut dit: «Voilà que vos maisons seront désertes. Jérusalem, Jérusalem », (il crie alors et lon ne répond point), « combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et tu ne las point voulu 1 ». Nulle réponse alors : nouvelle pluie et pour tout fruit des épines. Mais quant à la Jérusalem dont il est dit : « Réjouis-toi, stérile, qui nenfantes pas : chante des cantiques de louanges, et pousse des cris de joie, toi qui navais pas denfants : lépouse abandonnée est devenue plus féconde que celle qui a un époux ; celle-ci lui a répondu». Quest-ce à dire quelle a répondu?» Elle na pas méprisé celui qui lappelait. Quest-ce à dire qu « elle a répondu? » il la arrosée, et elle a donné du fruit. 7. « Elle lui a donc répondu », mais où?
1. Matth. XXIII, 37, 38. 2. Isa. LIV, 1; Gal. IV, 27.
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« Dans le chemin de sa force ». Cette force vient-elle delle-même? Que serait-elle en elle-même, quelle voix aurait-elle en elle-même et delle-même, autre que la voix du péché, que la voix de liniquité ? Examinez cette voix, quy trouverez-vous? Tout au plus cette réponse : « Jai dit, Seigneur, ayez pitié de moi, guérissez mon âme parce que jai péché contre vous 1». Si Dieu la justifiée, « elle lui a répondu», non par ses propres mérites,mais par des oeuvres qui viennent de lui. Où? « Dans la voie de sa force ». Cest là le Christ, lui qui a dit: « Je suis la voie, la vérité, la vie 2». Mais avant la résurrection, le peuple ne le connaissait point ; ce fut principalement lors de sa mort sur la croix, que son infirmité cacha ce quil était 3, jusquà ce quil parut dans sa force par sa résurrection. Donc lEglise na point répondu au Fils de Dieu dans le chemin de son infirmité, mais bien quand il a fait éclater sa force clans sa résurrection. LEglise ne lui a point répondu quand il était dans la vie de son infirmité, mais bien quand il était « dans la voie de sa force » : car ce fut après sa résurrection quil appela son Eglise de tous les confins de la terre, non plus dans linfirmité de la croix, mais dans toute la force du ciel. La gloire du chrétien, en effet, nest pas de croire à la mort du Christ, mais bien plutôt à la résurrection du Christ. Car le païen croit quil est mort; et sil te fait un reproche, cest de croire à un mort. Où donc est ta gloire? Cest de croire à la résurrection du Christ, et despérer que tu ressusciteras par le Christ: telle est la gloire de ta foi. « Si tu crois en ton coeur que Jésus est le Seigneur, et si ta bouche confesse que Dieu la ressuscité dentre les morts, tu seras sauvé 4». LApôtre ne dit point: Si tu confesses que Dieu la livré à la mort; mais: « Si tu confesses que Dieu la ressuscité des morts, tu seras sauve; car, cest par le coeur que lon croit pour devenir juste, et lon confesse de bouche pour obtenir le salut 5». Pourquoi donc croire à sa mort? Parce que nous ne pouvons croire àsa résurrection sans croire à sa mort. Qui peut ressusciter, si dabord il ne meurt? Qui se réveille sans avoir dormi? « Mais celui qui a dormi,ne séveillera-t-il donc point 6? » Telle est la foi des chrétiens. Telle est la toi qui a uni lEglise, et dans laquelle « cette Epouse
1. Ps. XI, 5. 2. Jean, XIV, 6. 3. II Cor. XIII, 4. 4. Rom. X, 9. 5. Id.10. 6. Ps. XI,9.
abandonnée a plus denfants que celle qui a un mari 1; et lui répond », en lui chantant des louanges selon ses préceptes; « dans la voie de sa force », et non dans la voie de son infirmité. 8. Déjà nous avons entendu cette réponse: « Cest en rassemblant les peuples et les royaumes dans lunité, afin quils servent le Seigneur 2». Telle est donc sa réponse, lunité, et quiconque nest pas dans lunité, ne lui répond point. Car le Christ est un, lEglise est unité. Lunité seule répond à Celui qui est un. Mais il en est qui disent : Voilà ce qui est fait : lEglise des quatre coins du monde a répondu au Christ, en lui donnant plus de fils que celle qui avait un époux; « elle lui a répondu dans la voie de sa force »; elle a cru que le Christ est ressuscité; toutes les nations ont cru en lui. Mais cette Eglise, qui fut lEglise de toutes les nations, ne lest déjà plus; elle a péri. Telle est le langage de ceux qui nen sont pas. O insolence! Elle nest pas lEglise, parce que tu nen es pas? Prends garde de nêtre plus par cela même; car elle subsistera, bien que tu nen sois point. Celte voix abominable, détestable, pleine de présomption et de fausseté, qui na pour base aucune vérité, qui nest éclairée par aucune sagesse, ni pondérée par aucune prudence, qui est vaine, qui est téméraire, qui est précipitée, qui est pernicieuse, a été prévue par lEsprit de Dieu, et il semble la combattre en prédisant lunité contre ses adeptes: « En rassemblant dans lunité les peuples et les rois, afin quils servent le Seigneur ». Et quand lApôtre ajoute, quelle lui a répondue, cest sa louange, cest la Jérusalem notre mère, qui sera enfin rappelée de son exil, elle qui est féconde, et qui a plus denfants que celle qui avait un époux; elle dont les adversaires devaient dire: Elle a été, mais elle nest plus. « Faites-moi connaître lexiguïté de mes jours 3 ». Quels sont ces murmures que jignore, et que profèrent contre moi ceux qui sen éloignent? Comment des hommes perdus soutiennent-ils que je suis perdue? Ils publient hardiment que je ne suis plus, et que jai été : « Faites-moi connaître le nombre restreint de mes jours ». Je ne vous demande point des jours éternels: ceux-là sont sans fin, et je les obtiendrai ; je ne vous les demande point ; je menquiers des jours du temps,
1. Gal. IV, 27. 2. Ps. CI, 23. 3. Id. 24.
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indiquez-moi les jours du temps: « Faites-moi connaître lexiguïté », et non léternité « de mes jours ». Indiquez-moi le temps que je dois passer en cette vie, à cause de ceux qui disent: Elle était, elle nest plus; à cause de ceux qui disent : Voilà que les Ecritures sont accomplies, les nations ont embrassé la foi, mais lEglise est tombée dans lapostasie, elle a disparu du milieu des nations. Quest-ce à dire : « Annoncez-moi lexiguïté de mes jours ? » Dieu la lui a fait connaître, et cette prière nest pas vaine. Qui donc me la dit, sinon Celui qui est la vie? Commuent la- t-il dit? « Voici que je suis avec vous jusquà la consommation des siècles 1». 9. Mais ils sont ici, et ils disent: « Je suis avec vous», dit le Sauveur, « jusquà la consommation des siècles » ; parce quil nous avait en vue, et quil savait que le parti de Donat serait un jour sur la terre. Est-ce bien ce parti qui a dit : « Faites-moi connaître lexiguïté de mes jours? » Où nest-ce point plutôt cette Eglise qui parlait plus haut et qui disait: « Je rassemblerai les peuples et les rois, qui doivent servir le Seigneur ? » Pourquoi voire coeur est-il affligé ? Parce que les empereurs proposent des lois contre les hérétiques, et justifient loracle, que « les rois suniront pour servir le Seigneur? » Ce nest point vous en effet qui êtes les fils de ces hommes égorgés, dont le Seigneur a exaucé la voix, quand ils étaient dans les entraves. Loin de là. Vos actions ne le disent point, votre vanité, votre orgueil ne vous rendent point ce témoignage : Vous navez point la sagesse, et vous êtes au dehors; vous êtes un sel affadi, et foulé aux pieds par les hommes 2. Ecoutez donc ce que dit lEglise, et quelle Eglise? Celle qui a rassemblé les « peuples dans lunité». Quelle Eglise? Celle qui a rassemblé « les rois, afin quils servent le Seigneur ». Ebranlée par vos cris et vos erreurs, elle demande à Dieu quil lui. fasse connaître lexiguïté de ses jours, et elle entend cette parole du Seigneur : « Je suis avec vous jusquà la consommation des siècles ». A ce propos, cest de vous quil parle, dites-vous, cest nous qui sommes, et qui serons jusquà la consommation des siècles. Quon interroge le Christ, à qui il est dit: « Montrez-moi le petit nombre de mes jours. Cet Evangile », nous répond-il, « sera prêché dans lunivers entier, en témoignage
1. Matth. XXVIII, 20. 2. Id. V, 13.
à toutes les nations, et alors viendra la fin 1 ». Où est maintenant votre allégation: LEglise était, elle nest plus ? Ecoute le Seigneur, qui annonce cette exiguïté de jours. « Cet Evangile. sera prêché », dit-il. Où? « Dans lunivers entier». A qui? « En témoignage à toutes les nations ». Quarrivera-t-il ensuite ? « Ensuite viendra la fin ». Ne vois-tu pas quil y a beaucoup de nations encore qui nont pas entendu lEvangile? Donc, puisquil faut que soit accomplie la parole du Seigneur, prédisant à lEglise la brièveté de ses jours, puisquil faut que lEvangile soit prêché dans toutes les nations, avant la fin; pourquoi dire que lEglise a disparu du milieu des nations auxquelles on prêche cet Evangile, afin quelle étende son empire sur tous les peuples? Donc, jusquà la fin des siècles, lEglise subsistera parmi les nations; et si ses jours sont peu nombreux, cest quil y a brièveté dans tout ce qui a une fin, et quà cette brièveté doit succéder léternité. Que les hérétiques périssent, quils péris. sent dans ce quils sont, afin quils deviennent ce quils ne sont point. Cette brièveté des jours sétendra jusquà la fin des siècles; et si elle sappelle brièveté, cest que tout le temps, je ne dis pas depuis ce jour jusquà la fin des siècles, mais tout le temps qui sécoulera depuis Adam jusquà. la. fin des siècles, nest quune goutte deau en comparaison de léternité. 10. Les hérétiques nont donc point à sapplaudir contre moi, parce que jai parlé de « la brièveté de mes jours », comme si je ne devais point subsister jusquà la fin des siècles. Quajoute le Prophète? « Ne me rappelez point au milieu de mes jours 2 ». Nagissez point avec moi, selon les prétentions des hérétiques. Conduisez-moi, non point au milieu de mes jours, mais jusquà la fin des siècles, dispensez-moi ces jours rapides, mais de manière à me donner ensuite les jours éternels. Pourquoi donc cette inquiétude au sujet des jours si rapides? Pourquoi? veux-tu lentendre? « Vos années sont de génération en génération ». Si je vous supplie au sujet de mes jours si restreints, cest que ces jours, bien. quils doivent durer jusquà la fin des siècles, ne sont rien en comparaison de vos jours: « Vos années sont de génération en génération ». Pourquoi ne dit-il pas: Vos années remplissent les siècles des siècles, puisque
1. Matth. XXIV, 14. 2. Ps. CI, 25.
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telle est la manière de désigner léternité dans les saintes Ecritures; pourquoi dire : « Vos années sont de génération en génération? » Mais quelles sont « vos années», ô mon Dieu? Oui, quelles sont vos années, sinon celles qui ne viennent point, qui ne passent point? Quelles années, sinon celles qui ne viennent point, afin précisément de ne point passer? Tout jour de cette vie ne vient que pour nêtre plus; ainsi des heures, ainsi des mois, ainsi des années,rien ne demeure;avant quil soit venu, chaque moment nétait pas; est-il une fois venu quil nest déjà plus. Vos années, Seigneur, sont donc des années éternelles, des années qui ne changent point, mais qui seront « de génération en génération ». Il y a une certaine génération des générations, cest en elle que seront vos années. Quelle est-elle? Elle existe, et si nous la connaissons bien, cest en elle que nous devons être, et les années de Dieu seront en nous. Comment seront-elles en nous? Comme Dieu lui-même sera en nous selon cette parole : « Afin que Dieu soit tout en tous ». Car les années de Dieu ne sont autres que lui-même: or, ces années sont léternité de Dieu ; et léternité de Dieu, cest la substance de Dieu jui na rien de changeant; en lui il ny a rien de ce passé qui ne serait déjà pins, ni de cet avenir qui ne serait point encore, il ny a en lui rien autre que Il est; il ny a ni Il fut, ni Il sera; car ce qui fut nest plus, ce qui sera nest point encore: mais en Dieu tout Est. Cest avec raison quil envoya autrefois son serviteur Moïse avec cette parole. Moïse demanda le nom de celui qui lenvoyait ; il le demanda et lentendit, car le Seigneur ne frustra point ce désir pieux, qui ne venait point dune curieuse présomption, mais de la nécessité daccomplir un ministère. «Que répondrai-je», dit-il, «aux fils dIsraël, sils me disent : Qui ta envoyé vers nous 2? » Et alors sinclinant vers sa créature, lui Créateur, lui Dieu vers lhomme, lui immortel vers celui qui est mortel, lui éternel vers celui qui est du temps: « Je suis», dit-il, « celui qui suis 3 ». Pour toi, tu dirais Cest moi. Qui? Gaïus; un autre : Lucius; un autre: Marc. Pourrais-tu dire autre chose que ton nom? Voilà ce que Moïse attendait de Dieu, ce quil lui avait demandé. Quel est votre nom? Que répondre à ceux qui me demanderont par qui je suis envoyé? « Je suis». 1. I Cor. XV, 28. 2. Exod. III, 13. 3. Id. 14.
Qui? « Celui qui suis ». Est-ce donc là votre nom ? Est-ce là tout? Et serait-ce là bien votre nom, si tout ce qui existe nest véritablement pas dès quon le compare à vous? Ceci est votre nom, exprimez-le mieux encore : « Allez», dit le Seigneur, « et dites aux enfants dIsraël : Celui qui est ma envoyé vers vous. Je suis celui qui suis; celui qui est ma envoyé vers vous». « Etre», grandeur ! « Etre », sublime expression! Après cela, quest-ce que lhomme ? En face de ce grand « Etre », quest-ce que lhomme dans tout son être? Qui comprendra cet «Etre» sublime ? Qui pourra y avoir part? Qui pourra le désirer? y aspirer ? Qui pourra se promettre dy arriver un jour? Ne désespère point, ô homme, ô faible créature. « Je suis »,dit-il, «le Dieu dAbraham, et le Dieu dIsaac, et le Dieu de Jacob 1 ». Tu as entendu ce que je suis en moi-même, écoute ce que je suis pour toi. Telle est donc léternité qui vous appelle, et le Verbe est sorti de léternité. Voilà déjà léternité, voilà déjà le Verbe, et le temps nest-il point encore? Pourquoi le temps nest-il pas? Parce que le temps même a été fait. Comment le temps a-t-il été fait? « Tout a été fait par lui, et sans lui rien na été fait 2 » O Verbe, avant le temps ! Verbe, par qui les temps ont été faits! Verbe, qui êtes la vie éternelle, qui appelez à vous les hommes du temps pour leur donner léternité ! Telle est la génération des générations: une génération sen va, une autre génération vient 3. Il en est des hommes comme des feuilles dun arbre, feuilles de lolivier, du laurier, ou de tout arbre qui conserve toujours son manteau de verdure. Ainsi la terre porte les hommes, comme un de ces arbres porte des feuilles; elle est couverte dhommes dont les uns meurent, dont les autres naissent pour leur succéder. Larbre a toujours sa robe éclatante de verdure; mais vois au-dessous combien de feuilles sèches tu foules aux pieds. 11. Il y eut donc une génération pour Adam, et elle a passé. De là sortirent quelques hommes qui durent avoir part à léternité de Dieu, même en ce temps-là. De là sortirent Abel, et Seth, et Enoch 4. Cette génération n passé, puis est tenu le déluge, népargnant quune famille. Cette génération nouvelle en donna quelques-uns à son tour, comme Noé, ses trois fils et ses trois brus, et dans cette
1. Exod. III, 15. 2. Jean, I, 3. 3. Eccl. I, 4. 4. Gen. VI, 17, 18.
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famille, composée de huit personnes, il ny eut quun seul pécheur 1: elle sajouta à la génération précédente. Des trois fils de Noé, comme des trois mesures de froment de lEvangile, toute la terre fut ensuite peuplée. Dieu se choisit Abraham, Isaac et Jacob, saints personnages, illustres patriarches, qui plurent au Seigneur. Cette génération en produisit dautres, qui en donnèrent dautres à leur tour, les saints Prophètes, les hérauts de Dieu. Est venu enfin Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même, qui a jeté le levain dans ces trois mesures de farine, jusquà ce que le tout fût fermenté 2. Lorsquil était encore ici- bas, dans sa chair, il y eut des Apôtres, il y eut des saints, et après eux, dautres saints; et cest au nom du Christ quil y a maintenant des saints, quil y en aura après nous, et de même jusquà la fin des siècles. Dans tant de générations, vous choisirez, Seigneur, tous les saints de chaque génération, pour en faire une génération unique, Et cest dans cette génération des générations que subsisteront vos années, cest-à-dire que votre éternité sera dans cette génération tirée de toutes les autres, et réunie en une seule; celle-là donc participera à votre éternité. Les autres générations ne sont que pour remplir le temps qui enfante cette génération destinée à léternité; vous la changerez, Seigneur, et elle aura une vie nouvelle; elle sera capable de vous porter, parce que vous lui en donnerez les forces. « Vos années sont dans la génération des générations ». 12. « Au commencement, Seigneur, vous avez fondé la terre ». Je sais que vous êtes éternel, et dès lors avant toutes choses: « Au commencement, Seigneur, vous avez fondé la terre, et les cieux sont louvrage de vos mains. Ils périront, mais vous demeurez: tous vieillissent comme un vêtement; vous les changerez comme on change un manteau, et ils seront changés. Mais vous, Seigneur, vous êtes le même 3». Qui êtes-vous? « Celui qui êtes le même », vous qui avez dit: « Je suis celui qui suis, vous êtes le même ». Et bien que les créatures ne puissent exister que de vous, que par vous, et quen vous, elles ne sont pas néanmoins ce que vous êtes. « Vous êtes en effet le même, et vos années ne passeront point ». Non, elles ne passeront point, ces années qui vous sont propres,
1. Gen. IX, 22. 2. Matth. XIII, 33. 3. Ps. CI, 26-28.
ces années qui doivent subsister dans la génération des générations. Dans cette conviction, vous demanderais-je quelle est la brièveté de mes jours, si je ne savais que tous les jours dici-bas sont courts quand on les compare à votre éternité? Je sais donc ce que je vous demande. Que les hérétiques ne sélèvent point, comme si lEglise, répandue dans lunivers entier, navait que peu de jours à vivre. Bien que ces jours doivent se prolonger jusquà la fin du monde, ils sont courts néanmoins. Comment courts? Oui, puisquils doivent finir. Quant aux années qui subsisteront « de génération en génération », voilà celles quil faut aimer, quil faut désirer après lesquelles nous devons soupirer; cest en vue de ces années que nous devons demeurer dans lunité, pour les acquérir quil faut éviter ce quil y a de contagieux dans les hérétiques, pour les posséder quil faut répondre à ces pervers, quil faut gagner ceux qui sont égarés et rappeler à la vie ceux qui ont péri. Voilà ce quil faut désirer. Toutefois, ô mon Dieu, afin que je puisse répondre à ces discoureurs, à ces parleurs impudents, à ces calomniateurs, à ces murmurateurs, à ces détracteurs : « Faites-moi connaître le petit nombre de mes jours »; et « ne me rappelez point au milieu de mes années ». Ne me retirez point de la terre avant que lEvangile soit prêché dans le monde entier, selon cette promesse du Sauveur: « Il faut que lEvangile soit prêché dans tout lunivers, afin de servir de témoignage à tous les peuples, et alors viendra la fin 1». Que dirons-nous ici, mes frères?Tout cela est clair, évident. Dieu a fondé la terre, nous le savons, les cieux sont loeuvre de ses mains. Ne croyez point toutefois quil y ait une différence entre loeuvre de ses mains et loeuvre de sa parole: celui qui a dit: « Je suis celui qui suis », na point de membres corporels, et son Verbe est sa main, car sa main est bien sa force. Parce quil est écrit: « Que le firmament soit fait », et il fut fait; nous comprenons que Dieu le fit par son Verbe; mais quand il dit: « Faisons lhomme à notre image et à notre ressemblance 2 », il nous semble quil le fit de sa main. Ecoute alors : « Les oeuvres de vos « mains sont les cieux e. Voilà quil fait par sa parole ce quil fait aussi par ses mains, puisquil la fait par sa puissance , par sa
1. Matth. XXIV, 14. 2. Gen. I, 6, 26.
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force. Vois donc ce quil a fait, et ne tenquiers ! point de la manière dont il la fait. Cest trop pour toi de vouloir comprendre comment il la fait, puisquil ta fait de telle sorte que tu sois dabord son serviteur, afin de pouvoir être ensuite son ami intelligent. « Donc les cieux sont loeuvre de vos mains». 13. « Ils périront, mais vous demeurez 1 ». Lapôtre saint Pierre nous dit clairement: « Les cieux furent dabord tirés de leau et appuyés sur leau, par le Verbe de Dieu; cest lui qui a créé ce monde qui périt par le déluge; mais les cieux et la terre qui subsistent maintenant, sont réservés au feu e par ce même Verbe 2 ». Il nous enseigne donc que les cieux ont péri par le déluge; ils périrent dans létendue et lespace de cet air que nous respirons. Leau saccrut, et remplit tout lespace dair où voltigent les oiseaux; ainsi périrent les cieux rapprochés de la terre, et dont on dit les oiseaux du ciel. Mais il y a des cieux bien supérieurs dans le firmament: périront-ils par le feu, ou bien ny aura t-il que ces mêmes cieux qui ont déjà péri par le déluge? Cest là une question épineuse parmi les savants, et quil nest pas facile de trancher dans le peu de temps qui nous reste. Laissons-la donc, ou du moins différons-la pour un autre moment, mais sachons que tout cela périra, et que Dieu demeure. Si quelques-unes des créatures du Seigneur doivent demeurer avec lui, ce nest point en elles-mêmes quelles peuvent demeurer, mais bien en Dieu, en ne se retirant point de Dieu. Quoi donc, mes frères? Dirons-nous que les anges doivent périr par le feu qui consumera le monde? nullement. Quoi donc? que Dieu na pas fait les anges? Loin de nous. Que dire alors ? Doù viendraient-ils, sils neussent été faits par lui? « Il a dit, et j tout a été fait; il a commandé, et tout a été créé 3 ». Ainsi dit le Prophète à propos des oeuvres de Dieu, parmi lesquelles sont comptés les anges. Les anges donc seront avec Dieu lorsque le monde sera réduit par le feu: et le monde passera par un embrasement qui natteindra point les saints de Dieu. Ce que fut la fournaise pour les trois jeunes hébreux 4, voilà ce que sera lembrasement du monde pour les justes marqués au sceau de la Trinité. 14. Ce nest point nous tromper peut-être
1. Ps. CI, 27. 2. II Pier. III, 5-7. 3. Ps. XXXII, 9. 4. Dan, III, 21.
que dentendre par les cieux les justes eux-mêmes, les saints de Dieu, quil choisit pour sa demeure, afin de faire gronder le tonnerre de ses préceptes, et briller léclair de ses miracles et pleuvoir la sagesse de sa vérité; Les cieux en effet ont raconté la gloire de Dieu 1. Mais ces cieux périront-ils? Ou doivent-ils périr en quelque sens? En quelle manière doivent-ils périr? A la manière dun vêtement. Quest-ce à dire, à la manière dun vêtement? Dans ce quils ont de corporel; car le corps est le vêtement de lâme, comme il résulte de lexpression de Jésus-Christ, quand il dit: « Lâme nest-elle point plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement 2? » Comment donc périt un vêtement? « Quoique lhomme extérieur doive se corrompre en nous, lhomme intérieur se renouvelle de jour en jour 3». Ils périront donc, mais seulement selon le corps : « pour vous, Seigneur, vous demeurez ». Si donc ils doivent périr selon le corps, où est la résurrection de la chair? Que deviendra pour les membres lexemple donné par le chef? Où sera-t-il? Veux-tu lentendre? La chair sera changée; elle ne demeurera point ce quelle était. Ecoute un mot de lApôtre: « Les morts ressusciteront dans lincorruptibilité, et nous serons changés ». Comment serons-nous changés? « On sème un corps animal, et il ressuscitera corps spirituel 4». Donc ce que lon sème de mortel, ressuscitera immortel; ce que lon sème de corruptible, ressuscitera incorruptible. Attendons ainsi ce changement: les cieux alors doivent périr, les cieux doivent être changés. Mais peut-être nest-il pas juste dappeler cieux les corps des saints? Sils ne portent pas Dieu, quils ne soient point appelés des cieux. Mais, dira-t-on, comment prouver quils doivent porter Dieu? As-tu donc oublié ce mot de saint Paul : « Glorifiez Dieu, et portez-le dans votre corps 5? » Ces cieux donc doivent périr, mais non éternellement, périr afin dêtre changés. Nest-ce point là ce que dit le psaume? Lis la suite : « Et tous vieilliront comme un vêtement, vous les changerez comme un manteau, et ils seront changés pour vous, vous êtes le même, et vos années ne périront point 6 ». Entends-tu ce vêtement, entends-tu ce manteau, qui ne
1. Ps. XVIII, 2. 2. Matth. VI, 25. 3. II Cor, IV, 16. 4. I Cor. XV, 4, 52. 5. Id, VI, 20. 6. Ps. CI, 27, 28.
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signifie rien autre que le corps? Espérons donc le changement de notre corps, mais ne lespérons que de Celui qui était avant nous, qui demeure après nous; de qui nous tenons ce que nous sommes, et à qui nous devons revenir après notre changement; qui change tout sans subir de changement, qui crée et qui est incréé ; qui donne le mouvement et qui demeure; qui dit autant que la chair et le sang peuvent le comprendre : « Je suis celui qui suis 1. Vous êtes le même Seigneur, et vos années ne périront point». Mais en face de ces années immuables, qui sommes-nous avec des années en lambeaux? Et toutefois ne désespérons point. Déjà dans cette hauteur, dans cette suréminence de la sagesse. Il avait dit : « Je suis celui qui suis», et néanmoins, pour nous consoler, il ajoute: « Je suis le Dieu dAbraham, le Dieu dIsaac, le Dieu de Jacob », et nous sommes de la race dAbraham 2; quelle que soit notre objection, quoi que nous soyons cendre et poussière, nous espérons en lui. Nous sommes esclaves, il est vrai; mais pour nous, le Seigneur a pris la forme de lesclave 3 pour nous, chétifs mortels, limmortel a voulu mourir, pour nous il a donné en lui-même un témoignage de notre résurrection. Espérons dès lors que nous arriverons à ces aunées qui demeurent, et dont le soleil ne mesure point les jours, mais où demeure stable tout ce qui est, parce quil ny a que cela qui soit véritablement. 15. Mais dites-nous, ô Prophète, si nous pouvons espérer dy être un jour. Ecoute, et vois sil te faut désespérer; écoute ces paroles : « Cest là quhabiteront les fils de vos serviteurs ». Où, sinon dans les années qui nont point de fin? « Cest là quhabiteront les fils de vos serviteurs, et leur postérité sera dirigée vers le siècle 4 » : oui, vers le siècle du siècle, vers le siècle sans fin, vers le siècle qui demeure stable. Mais, cest le sort « des fils de vos serviteurs », dit le Prophète, et dès lors nous faudra-t-il redouter quaprès avoir servi le Seigneur, nous nhabitions point ces années éternelles, et quil ny ait que nos enfants? Ou si nous sommes les fils des serviteurs de Dieu, parce que nous sommes les fils des Apôtres, que dire? Des enfants nouvellement nés, naguère admis dans une succession qui les honore, auraient-ils donc
1. Exod III, 14 2. Gal. III, 29 3. Philipp. II, 7 4. Ps. CI, 29
la scandaleuse audace de dire: Cest nous qui devons y être, les Apôtres ny seront point? Dieu préserve de ce malheur, et la piété des fils, et la foi des enfants, et lintelligence des plus grands. Là aussi seront les Apôtres; les béliers ouvriront la marche, puis viendront les agneaux. Pourquoi dire alors: « Le fils de vos serviteurs »,et ne pas dire aussitôt,vos serviteurs? Car eux aussi sont vos serviteurs, et leurs fils vos serviteurs; et les fils de leurs enfants, que seront-ils, sinon encore des serviteurs? On comprendrait tout cela en un seul mot, si le Psalmiste nous disait : Cest là quhabiteront vos serviteurs : on comprendrait en un seul mot» Voyons ce que figure son langage; dans les premiers siècles il y a des faits. Pendant quarante années, les enfants dIsraël furent brisés dans le désert nul nentra dans la terre promise à lexception de leurs enfants. Deux seulement, sue ne me trompe, entrèrent dans cette terre, pas plus 1. De tant de milliers dhommes, deux seulement purent y entrer. Cétait pour eux seuls que Dieu avait pris tant de peine, quoique pour Dieu il ny ait aucune peine, seulement la peine est pour ses serviteurs. Combien souffrit Moïse pour ces hommes; combien il entendit menacer de nentrer point dans la terre des promesses! Ce furent leurs enfants qui y entrèrent. Quel est le sens de cette figure? Ce furent les hommes nouveaux qui y entrèrent, non ceux qui tenaient du vieil homme. Toutefois deux y entrèrent, un et lunité, la tête et le corps, le Christ et lEglise, avec toute cette jeunesse renouvelée, ou leurs enfants. Donc, cest là qu « habiteront les fils de tes serviteurs ». Et ces fils de tes serviteurs sans les oeuvres de tes serviteurs, car nul ne peut y résider que par ses oeuvres. Quest-ce à dire, les fils lhabiteront ? Que nul ne se flatte dy habiter, sil se dit seulement serviteur, sans en faire seulement les oeuvres ; car il ny aura que les fils pour y habiter? Quest-ce à dire, « les fils de vos serviteurs y habiteront? » Vos serviteurs y habiteront par leurs bonnes oeuvres, y habiteront par leurs enfants. Ne sois donc point stérile, si tu veux habiter les années éternelles; envoie devant toi tes enfants, afin de les suivre ; envoyez-les-y, ne les en faites pas sortir. Que tes enfants te conduisent à la terre des promesses, à la terre des vivants, et non à la terre des mourants. Pendant que tu
1. Nomb. XIV, 29, 30.
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accomplis ton pèlerinage, quils te précèdent pour te recevoir. Cétait pour préparer à son père la nourriture du corps que le fils de Jacob le précéda en Egypte, et quil dit à son père et à ses frères: « Je suis venu avant vous pour vous préparer des vivres 1». Que tes enfants donc, ou plutôt que tes bonnes oeuvres te précèdent ; tels vous aurez envoyé ces enfants, tels vous les suivrez.
1. Gen. XLV, 7.
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