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DISCOURS SUR LE PSAUME CV.LOUANGE A DIEU DANS SON PARDON.
Ce psaume est la suite du précédent, en sorte que le premier nous montrerait la bonté de Dieu dans notre vocation à la grâce et à la gloire ; celui-ci, sa bonté dans le pardon de nos fautes. Le Prophète commence par ces mots Confessez au Seigneur, etc., ce qui sentend dune confession des péchés, quoique cette confession, à cause de lespérance du pardon, soit aussi une confession de louanges. Dieu fera donc miséricorde, mais en cette vie et non dans lautre, puisque le mauvais riche nobtint pas une goutte deau. Il se demande qui publiera tes louanges de Dieu, ou qui fera connaître laction de Dieu donnant aux fidèles le pouvoir daccomplir la loi. « Le jugement à garder, la justice à pratiquer », doivent sentendre dans, le sens de lorthodoxie de la foi, et des actions de justice, alors la justice deviendra jugement, ou les oeuvres seront conformes à la foi, ce qui nous montre que lon doit garder la justice en tout temps. Ce salut dans lequel Dieu nous visite, cest le Christ qui doit nous manifester la bonté de Dieu pour ses élus, et nous associer nous-mêmes à cet héritage. Le Prophète. confesse ensuite es prévarications des Juifs Nous avons péché comme nos pères, qui ne comprirent point que vos prodiges les appelaient à des biens éternels, et qui oublièrent vos bienfaits. Dieu ne les traita pas selon leur infidélité. Il les fit passer à travers la mer Rouge, figure de la rédemption par le baptême. Il engloutit les Egyptiens, et alors les Hébreux crurent en lui. Mais loin dattendre un bonheur spirituel, ils voulurent un bonheur temporel, et Dieu leur donna ce quils désiraient. Alors éclata le schisme de Dathan et dAbiron, que Dieu brûla avec leurs sectateurs. Ils firent un veau dor et oublièrent dans les châtiments des Egyptiens ce quils avaient à craindre. Dieu voulait les exterminer quand Moïse apaisa sa colère, puis ils méprisèrent, dans la terre quil leur donnait, le symbole du ciel; ils sinitièrent à lidolâtrie et Dieu ne fut apaisé que par le coup dont Phinéès frappa deux coupables. Cet acte damour pour le peuple devint louable. Nouveaux murmures qui amenèrent le doute et le châtiment de Moïse. Au lieu de détruire les nations de Chanaan ils se mêlèrent à elles, prirent leurs coutumes idolâtriques, firent des sacrifices humains, aigrissant ainsi le Seigneur, qui consentit encore à les sauver en vue de lalliance éternelle jurée à Abraham. Il leur fit donc trouver grâce devant ceux qui les tenaient captifs. Or, cest le diable qui nous tient en captivité. Jésus le chasse de nos coeurs afin que sédifie le temple ou lEglise de Dieu, dont le Christ est la pierre angulaire, appelant dans un même bercail ceux de la Circoncision et ceux de la Gentilité. Les Juifs qui lont repoussé accepteront lAntéchrist, mais les vrais fidèles seront sauvés par le Christ, notre Seigneur.
1. Le psaume cent cinquième a aussi pour titre « Alleluia »; et même deux fois Alleluia. Quelques-uns cependant prétendent que le premier Alleluia termine le psaume précédent, et le second alors commencerait celui-ci. Et ce qui les fait parler de la sorte, cest que tous les psaumes où lon voit Alleluia, lont tous à la fin, mais pas tous au commencement: alors tout psaume qui ne finit point par un Alleluia ne doit pas, à leur avis, en avoir un au commencement; et celui qui semble sy trouver appartient à la fin du précédent. Quant à nous, jusquà ce que lon nous prouve cette assertion par des raisons certaines, nous suivrons la coutume commune qui regarde lAlleluia comme titre du psaume, dès quil est marqué au commencement. Il ny a en effet que très-peu dexemplaires (et je ne lai trouvé dans aucun des grecs que jai pu lire) qui aient Alleluia, à la fin du psaume cent-cinquantième, lequel est le dernier inséré dans le canon. Mais quand il en serait encore ainsi, ce ne pourrait être une prescription contre la coutume. Il pourrait se faire que le livre tout entier des psaumes, composé de cinq livres dont chacun se termine par fiat, fiat! fût clos lui-même par Alleluia; or, que le Psaume cent cinquantième se termine par Alleluia, ce nest point une raison pour que les psaumes qui commencent par Alleluia, finissent encore par Alleluia. Si donc linscription dun psaume porte un double Alleluia, je ne vois point ce qui nous empêcherait de lécrire tantôt une fois, tantôt deux fois, quand Notre-Seigneur dit tantôt une fois Amen, et tantôt deux fois. Surtout quand chaque Alleluia est placé après le chiffre qui assigne au psaume son rang, comme au psaume cent cinquième par exemple. Or, si le premier Alleluia appartient au psaume précédent, il eût fallu lécrire avant le chiffre indicateur, et après ce chiffre 1Alleluia du psaume. Peut-être encore a-t-on suivi une coutume peu fondée, et peut-on nous donner une raison encore inconnue, qui nous montre à suivre le jugement de la vérité plutôt que le préjugé de la coutume. En attendant de plus amples lumières, chaque fois quaprès le chiffre du psaume, nous trouvons pour inscription, une fois Alleluia, ou deux fois, (563) fidèles à la coutume si connue de lEglise, nous attribuons le tout au psaume qui porte cette inscription : du reste nous avouons quil y a, selon nous, dans les titres de tous les psaumes, dans lordre quils occupent, de grands mystères que nous navons pu encore étudier selon nos désirs. 2. Or, je vois entre le cent quatrième et le cent cinquième une liaison telle que le premier serait léloge du peuple de Dieu dans ses élus, dont il ne fait aucune plainte, ce qui me fait croire quil est question de ceux qui furent agréables à Dieu 1; dans le suivant qui est le nôtre, il est question de ceux qui aigrirent le Seigneur, sans que Dieu néanmoins cessât de leur faire miséricorde. Linterlocuteur parle au nom de ceux qui se convertissent et implorent leur pardon, et nous donne pour exemple ceux qui furent grands pécheurs, et qui senrichirent néanmoins de la divine miséricorde. Notre psaume commence donc comme le précédent: « Confessez au Seigneur »; mais dans le précédent le Prophète ajoute: « Invoquez son nom ». Dans celui-ci : « Parce quil est bon, parce que sa e miséricorde est éternelle 2». Le mot confession peut donc sentendre dune confession des péchés; car après quelques versets il est dit: « Nous avons péché avec nos pères, nous avons commis linjustice; nous nous sommes livrés à liniquité 3 »; mais quand il dit : « Parce quil est bon, parce que sa miséricorde est éternelle », cest une louange à Dieu, et dans cette louange une confession. Et toutefois, dès quun homme confesse à Dieu ses péchés, il doit le faire en louant Dieu; et nulle confession nest pieuse, si elle ne vient sans aucun désespoir implorer la divine miséricorde. Elle est donc toujours une louange du Seigneur, soit en paroles, quand elle publie sa miséricorde et sa bonté, soit par le sentiment, quand elle est un acte de foi en cette miséricorde. Voyez le publicain; on ne rapporte de lui que ces paroles : «Seigneur, soyez-moi propice, à moi, qui suis pécheur 4 ». Il najoute point, il est vrai, parce que vous êtes bon et miséricordieux, ou quelque chose de semblable, mais sil ne le croyait, il ne parlerait point de la sorte; car il a prié avec espérance, et lespérance ne peut exister sans la foi. On peut donc louer Dieu dune manière vraie et pieuse, sans accuser
1. I Cor. X, 5. 2. Ps. CV, 1. 3. Id. 6. 4. Luc, XVIII, 13.
ses péchés; et cette louange prend souvent dans 1Ecriture le nom de confession; mais on ne peut avouer ses fautes dune manière utile et pieuse sans louer Dieu, ou de coeur, ou de bouche et en paroles. Dans quelques manuscrits on lit: « Parce quil est bon » ; en dautres : « Parce quil est doux ». Lexpression grecque Xrestos, a donné lieu à cette double traduction. De même ici: e Parce « que sa miséricorde est dans le siècle », in saeculum; nous lisons dans le grec eis ton aiona, que lon peut traduire par éternellement, in aeternum. Si donc il sagit de cette miséricorde par laquelle on ne saurait être heureux sans Dieu, il vaut mieux dire éternellement, in aeternum; mais si lon entend cette miséricorde qui sincline vers les malheureux, pour les soulager dans leur misère ou les en délivrer, il est mieux de traduire in saeculum, dans le siècle, cest-à-dire jusquà la fin des temps, qui aura toujours des malheureux àqui Dieu fera miséricorde. A moins daller jusquà dire que la divine miséricorde ne fera point défaut même à ceux qui seront damnés avec le diable et les anges, non que Dieu les délivre de cette condamnation, mais parce quil y apportera quelque soulagement: et dans ce sens Dieu aurait pour leur misère éternelle une miséricorde éternelle. Nous lisons, il est vrai, que pour plusieurs le châtiment sera moindre en le comparant au châtiment des autres; mais que la peine dun damné soit adoucie, ou quil y ait à quelques intervalles une pause dans ses douleurs, qui oserait laffirmer, quand le mauvais riche nobtint pas une goutte deau 1? Mais il faudrait à loisir traiter une matière si importante : ce que nous en avons dit, doit suffire pour lexplication de notre psaume. 3. « Qui racontera la puissance du Seigneur ? » Emerveillé, en considérant les oeuvres divines, le Prophète, qui implore la miséricorde, sécrie : « Qui racontera les oeuvres puissantes du Seigneur, et publiera toutes ses louanges 2 ? » Pour compléter cette pensée, il faut sous-entendre ce qui précède, Qui « publiera toutes ses louanges? » Cest-à-dire, qui pourra suffire pour publier toutes ses louanges ? Le Prophète a dit : Auditas faciet, « fera entendues », cest-à-dire fera en sorte quelles soient entendues; nous montrant ainsi quil faut publier la puissance et
1. Luc, XVI, 24-26. 2. Ps. CV, 2.
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les louanges du Seigneur, de manière quon les prêche à ceux qui écoutent. Mais qui les prêchera toutes ? A moins peut-être que ces paroles qui suivent : « Bienheureux ceux qui gardent léquité, et qui gardent la justice en tout temps 1», ne signifient que ses louanges doivent sentendre des oeuvres qui lui appartiennent dans laccomplissement de ses préceptes. Car, « cest Dieu », dit saint Paul, « qui agit en vous 2». Et il est dit à la race dAbraham : « Chantez en son honneur, toue chez de la harpe en son honneur 3»; ce que nous avons expliqué par: Dites le bien et faites le bien à la gloire de son nom. Deux paroles, chantez et jouez de la harpe, sont exprimées dans les deux versets suivants; en sorte que: « Racontez ses merveilles », soit identique à: « Chantez au Seigneur »; et ces autres paroles: « Glorifiez-vous dans son saint nom 4 », soient identiques à : « Chantez-le sur la harpe». Cest en effet à cette race que le Seigneur a dit : « Que vos oeuvres soient visibles devant les hommes, afin quils voient vos bonnes actions, et quils glorifient votre Père qui est dans le ciel 5 ». Le Prophète, considérant dès lors les préceptes de Dieu, préceptes dont laccomplissement tourne à la gloire de Dieu qui opère dans ses serviteurs, parle ainsi « Qui racontera la puissance du Seigneur ? » puisquil opère ces oeuvres dune manière ineffable. Qui, « entendues, fera toutes ses louanges? » Cest-à-dire, qui fera entendre ses louanges après les avoir entendues? cest-à-dire laccomplissement de ses préceptes. Qui pourra les raconter autant quils saccomplissent, et quand même on naccomplirait point ce que lon entend, Dieu nen est pas moins à louer. « Lui qui opère en nous le vouloir et le faire, selon quil lui plaît 6 ». Le Prophète pouvait dire : Tous ses commandements, ou toutes les oeuvres quil commande; mais il a préféré dire : « Ses louanges»; car, nous lavons dit, cest à Dieu quil faut rendre gloire de laccomplissement de ses préceptes. Ces louanges, toutefois, qui peut les faire entendre, ou qui est capable de les raconter toutes, après les avoir entendues? 4. « Heureux ceux qui gardent le jugement, et observent la justice en tout temps 7»; cest-à-dire, depuis quils commencent à vivre selon le temps. « Car, celui-là seul sera sauvé, qui
1. Ps. CV, 3. 2. Philipp. II, 3. 3. Ps. CIV, 2. 4. Id. 3. 5. Matth. V, 16. 6. Philipp. II, 13. 7. Ps. CV, 3.
aura persévéré jusquà la fin 1». On peut néanmoins voir ici une répétition, en sorte que « observer la justice », reviendrait à « garder le jugement »; et alors dans le verset précédent, on devrait sous-entendre : « En tout temps », comme dans le suivant on sous-entend: « Bienheureux » ; ainsi en exprimant ce qui est sous-entendu; on aurait: « Bienheureux ceux qui gardent le jugement en tout temps, bienheureux ceux qui pratiquent la justice en tout temps ». Mais sil ny avait une différence entre la justice et le jugement, le Prophète ne dirait point dans un autre psaume : « Jusquà ce que la justice devienne un jugement 2». LEcriture aime à joindre ces deux attributs, comme dans ce verset : « La justice et le jugement sont la base de son trône 3»; et cet autre : « Il fera éclater votre justice comme une lumière, et votre jugement comme le soleil de midi 4»; quoique cela ne paraisse quune répétition de pensée. Et même le rapprochement des deux sens pourrait nous faire confondre lun avec lautre, ou la justice avec le jugement, ou le jugement avec la justice ; et toutefois, Je ne doute pas quen les prenant dans leur acception respective, il ny ait entre ces expressions une différence, en sorte que garder le Jugement ce serait juger avec droiture, et fane la justice, agir selon le bien. Et je ne crois pas que lon soit dans lerreur daprès lexplication de ces paroles: « Jusquà ce que la justice devienne le jugement», en appelant bienheureux ceux qui gardent le jugement dans leur foi, et qui pratiquent la justice dans leurs oeuvres. Un temps viendra où ce jugement, que lon garde aujourdhui dans la foi, sexercera dans les oeuvres, alors que la justice sera devenue le jugement, cest-à-dire quand les justes auront reçu le pouvoir de juger selon léquité ceux que lon juge avec injustice. Cest donc à tout le corps du Christ que lon doit attribuer cette parole dun autre psaume: « Quand le temps me sera donné, je jugerai les justices elles-mêmes 5»; parole que lon pourrait traduire plus fidèlement encore par: Je jugerai les équités. Mais le Prophète ne dit point: Quand le temps me sera donné,je pratiquerai la justice, car il faut toujours la pratiquer, ainsi que le Prophète la dit ici: « Qui font la justice en tout temps»,
1. Matth. X, 22. 2. Ps. XCIII, 15. 3. Id. XCVI, 2. 4. Id. XXXVI, 6. 5. Id. LXXIV, 5.
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5. Mais comme cest Dieu qui justifie, cest-à-dire qui fait les justes, en les guérissant de leurs iniquités, le Psalmiste fait cette prière: « Souvenez-vous de nous, Seigneur, dans votre amour pour votre peuple 1» ; cest-à-dire, mettez-nous au nombre de ceux que vous aimez; car tous ces Juifs ne furent point agréables à Dieu. «Visitez-nous dans votre salut ». Or, celui-là est le Sauveur qui remet les péchés, qui guérit les âmes, afin quelles puissent garder le jugement et pratiquer la justice; ceux qui parlent ainsi, comprenant combien ces âmes sont heureuses, demandent pour eux la même grâce. Cest de ce salut quil est dit ailleurs: « Afin que nous connaissions votre voie sur la terre 2 ». Et comme si nous demandions sur quelle terre, il continue: « Dans toutes les nations ». Puis, comme si nous demandions quelle voie, il ajoute: « Votre salut ». Car cest de lui que le vieillard Siméon a dit : « Parce que mes yeux ont vu votre saint 3». Et ce Sauveur adit de lui-même: «Je suis la voie 4 » . «Visitez-nous dans votre salut », cest-à-dire dans votre Christ, « afin que nous voyions votre bonté pour vos élus, et que nous nous réjouissions dans la joie de votre peuple ». Cest-à-dire, que le but de votre visite dans votre Sauveur, soit de nous montrer votre boulé dans vos élus, et de nous donner la joie de votre peuple. Ce que nous exprimons ici par « bonté », est rendu en dautres exemplaires par « douceur », de même quau lieu de « parce quil est bon », on dit aussi « parce « quil est doux ». Il y a dans le grec le même verbe que nous lisons ailleurs : « Le Seigneur répandra sa douceur 5 » ; ce que les uns traduisent par sa bonté, les autres par sa bénignité. Mais que signifie: « Visitez-nous, afin que nous voyions dans la bonté de vos élus », ou dans cette bonté que vous avez pour vos élus, sinon afin que nous ne demeurions pas aveugles comme ceux à qui le Seigneur a dit : « Maintenant que vous dites : Nous voyons, votre péché subsiste 6». «Le Seigneur donne la vue aux aveugles 7»,non par leur propre mérite, mais « dans sa bonté pour ses élus », cest-à-dire quil témoigne ou quil prodigue à ses élus : comme « le salut de ma face » ne vient pas de moi, mais cest vous, « mon Dieu 8 ». Nous disons encore:
1. Ps. CV, 4. 2. Id. LXVII, 3. 3. Luc, II, 30. 4. Jean, XIV, 6. 5. Ps. LXXXIV, 13. 6. Jean, IX, 41. 7. Ps. CXLV, 8. 8. Id. XLII, 5.
« Notre pain de chaque jour», et pourtant nous ajoutons: « Donnez-nous». « Visitez-nous donc dans votre salut, pour voir », cest-à-dire afin que nous voyions « dans votre bonté pour vos élus; pour nous réjouir », ou afin que nous nous réjouissions « dans la joie de votre peuple ». Par ce peuple de Dieu, nous devons entendre seulement la postérité dAbraham, postérité selon la promesse, et non selon la chair. Nos interlocuteurs aspirent donc à la joie de cette nation. Et quelle est la joie de cette nation, sinon son Dieu ? Cest à lui quil est dit : « Vous qui êtes mon allégresse, rachetez-moi 1». Et encore : « La lumière de votre face est empreinte sur moi, Seigneur, vous avez donné la joie à mon coeur 2 » ; en le remplissant du souverain bien, du bien véritable, du bien immuable et qui produit le bonheur, bien qui est Dieu lui-même. « Afin quon vous loue dans votre héritage ». Je métonne que lon ait ainsi traduit ce verset dans beaucoup dexemplaires, quand lexpression grecque est la même dans ces trois versets, en sorte que sil est bien de dire: « Afin quon vous loue dans votre héritage », on peut dire aussi : «Afin que vous voyiez dans votre bonté pour vos élus, que vous vous réjouissiez dans lallégresse de votre nation, et quon vous loue dans votre héritage ». Mais de même que nous avons dit: « Visitez-nous, afin que nous voyions dans votre bonté pour vos élus, que nous nous réjouissions dans lallégresse de votre nation » ; il est conséquent de dire : « Afin que nous à soyons glorifiés dans votre héritage » ; et à cet héritage il est dit : « Glorifiez-vous dans son saint nom 3 ». Mais comme lexpression paraît offrir une ambiguïté, si le véritable sens est celui quont préféré beaucoup de traducteurs: « Afin quon vous loue », il faut donner le même sens aux deux autres versets; car, nous lavons dit, dans le grec lexpression est la même pour les trois versets. En sorte quil nous faut entendre le tout comme il suit: « Visitez-nous dans votre salut, afin que vous voyiez dans votre bonté pour vos élus »; cest-à-dire, visitez-nous, afin de nous mettre de leur nombre, et de nous voir avec eux: « afin que vous vous réjouissiez de lallégresse de votre nation» , cest-à-dire en ce sens que lon vous attribue à vous-même la joie,
1. Ps. XXXI, 7. 2. Id. IV, 7. 3. Id. CIV, 3.
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puisque vos élus se réjouissent en vous : « Afin quon vous loue dans votre héritage », cest-à-dire que la louange de votre héritage retombe sur vous, car cest uniquement à cause de vous quon le bénit. De quelque manière que lon entende ces paroles: « Pour voir, pour se réjouir, pour bénir», les élus soupirent après la visite du salut de Dieu, ou de son Christ, afin de nêtre point étrangers à son peuple, à ceux qui furent agréables au Seigneur. 6. Ecoutons ensuite leurs aveux: « Nous avons péché avec nos pères, nous avons commis linjustice, nous sommes souillés diniquité 1». Quest-ce à dire: « Avec nos pères? » De même que dans lépître aux Hébreux, il est dit que Lévi paya la dîme avec Abraham, parce quil était en Abraham quand celui-ci paya la dîme au grand prêtre Melchisédech 2; faut-il entendre que ceux-ci péchèrent dans leurs pères, parce quils étaient en eux, quand ces pères étaient en Egypte? Car ceux qui existaient quand le psaume fut écrit, et plus encore leurs descendants, puisque le psaume pouvait sappliquer à ceux qui vivaient alors, ou à leur postérité, dune manière prophétique; ceux-là, dis-je, étaient bien éloignés par le temps des Juifs qui péchèrent en Egypte, et qui ne comprirent point les merveilles du Seigneur. Car cest là ce que le psaume ajoute, en expliquant de quelle manière ils péchèrent avec leurs aïeux : « Nos pères», dit le Prophète, « nont pas compris vos merveilles en Egypte 3», et toutes les fautes nombreuses quil signale. Ne serait-il pas mieux dentendre cette parole : « Nous avons péché avec nos pères », comme si le Prophète nous disait : Nous avons péché comme nos pères, cest-à-dire imité leurs fautes? Sil en était ainsi, il serait bon dautoriser cette interprétation par quelques exemples; jen cherche maintenant, et aucun ne me revient, pour montrer que tomber dans la faute dun autre, même longtemps après, peut se dire pécher avec quelquun, ou agir avec lui. 7. Que signifie donc : « Nos pères nont s point compris vos merveilles»; sinon quils nont point compris ce que vous faisiez en leur faveur par ces merveilles? Et quest-ce, sinon la vie éternelle, et non un bien temporel, mais le bien immuable que lon attend
1. Ps. CV, 6. 2. Hébr. VII, 1-10. 3. Ps. CV, 7.
par la patience? Aussi, dans leur impatience, ils se jetèrent dans le murmure, dans les paroles amères, et voulurent placer leur félicité dans les biens présents , biens frivoles et trompeurs. « Ils ne se souvinrent point de « toutes vos miséricordes ». Le Prophète accuse leur intelligence et leur mémoire. Il leur fallait lintelligence pour comprendre à quels biens éternels Dieu les appelait par ces biens temporels; et la mémoire pour ne point oublier du moins les prodiges temporels, et pour en conclure, avec une ferme confiance, que Dieu les délivrerait de la servitude de leurs ennemis, par cette même puissance quils avaient éprouvée tant de fois: or, ils oublièrent les prodiges si grands que Dieu avait opérés en leur faveur pour écraser leurs ennemis. « ils se révoltèrent en montant les bords de la mer, de cette mer Rouge 1». Ainsi portait le manuscrit que jexaminais; et à ces deux derniers mots, il y avait une étoile, destinée à marquer ce qui est dans lhébreu, mais nest point dans les Septante. Les nombreux manuscrits que jai pu voir, tant grecs que latins, portent : « Ils irritèrent », ou ce qui est plus expressif dans le grec, « ils dirent des paroles amères, en sortant de la mer Rouge ». Quiconque parcourt lhistoire de la sortie dEgypte et du passage de la mer Rouge, déplore linfidélité des Juifs, leur crainte, leur désespoir, après des miracles si récents et si nombreux, accomplis en Egypte, innombrables prodiges de miséricorde que le Prophète les accuse davoir oubliés. « Ils montèrent», dit le Prophète, parce que daprès la situation des lieux, on descend de la terre de Chanaan dans lEgypte, et de lEgypte on monte en Chanaan. Remarquez ici combien lEcriture condamne ceux qui ne comprennent point ce quil faut comprendre, qui oublient ce quil faut retenir: les hommes toutefois ne veulent point quon leur impute ces fautes, et nont en cela dautre motif que de moins prier, dêtre moins humbles devant Dieu, au lieu de confesser devant lui ce quils sont, pour devenir par son secours ce quils ne sont point. Accuser les péchés dignorance et de négligence, afin de les effacer, vaut mieux que les excuser, et les faire subsister; il est plus avantageux de les effacer en invoquant Dieu, que de les confirmer en lirritant.
1. Ps. CV, 7.
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8. Toutefois, le Prophète ajoute que Dieu ne les traita point selon leur infidélité. « Il les sauva», dit-il, « à cause de son nom, afin de faire éclater sa puissance 1»; et non à cause de leurs mérites. 9. « Il menaça la mer Rouge qui se dessécha 2 ». Nous ne voyons point que Dieu ait lancé du ciel une seule parole pour menacer la mer; mais le Prophète appelle menace la puissance divine qui opéra ces merveilles: à moins de dire que cette menace fut tellement secrète que la mer put lentendre, et non les hommes. Elle est en effet bien cachée, bien invisible, cette force de Dieu sur les éléments même insensibles, puisquil les contraint dobéir à linstant à sa volonté. « Et il les conduisit à travers les abîmes, comme dans un lieu désert ». Le Prophète appelle abîmes, la masse des eaux. Plusieurs interprètes, en effet, ont traduit ainsi ce verset: « Il les conduisit à travers les grandes eaux». Pourquoi dire que Dieu les fit passer « dans les abîmes comme dans un désert», sinon parce que le lit que recouvraient les grandes eaux devint sec comme le désert? 10. « Et il les sauva de la main de leurs ennemis ». Dautres ont traduit ce verset en prenant une circonlocution, pour éviter des expressions peu latines : « Il les sauva de la main de ceux qui le haïssaient. Et il les racheta de la main de lennemi 3 ». Quel fut le prix de ce rachat? Nest-ce point là une figure prophétique de ce qui a lieu dans le baptême, où nous sommes véritablement rachetés de la puissance du démon par une grande rançon, qui est le sang du Christ? De là vient quil est figuré, non point par toute mer indifféremment, mais par la mer Rouge, qui a la couleur du sang. 11. « Il couvrit deau ceux qui les poursuivaient, pas un deux néchappa 4 »; ce qui ne sentend pas de tous les Egyptiens, mais de ceux qui poursuivaient les Hébreux après leur départ, qui tentaient de les atteindre et de les tuer. 12. « Et ils crurent en ses paroles »; en latin: Crediderunt in verbis ejus; expression peu latine; il vaudrait mieux dire: verbis ejus, ou in verba ejus; mais in verbis ejus se rencontre fréquemment dans les saintes Ecritures. « Et ils louèrent ses louanges 5 » ; cest là une locution du genre de celle-ci : Il servit
1. Ps. CV, 8. 2. Id, 9. 3. Id.10 4. Id.11. 5. Id, 12.
dans cette servitude, il vécut de cette vie. Par louanges de Dieu, le Prophète entend ce célèbre cantique en lhonneur de Dieu . « Chantons au Seigneur, qui a fait éclater sa gloire, qui a jeté à la mer le cheval et le cavalier 1 ». 13. « Mais ils firent vite et oublièrent ses oeuvres ». Dautres exemplaires disent plus clairement : « ils se hâtèrent doublier ses oeuvres, et nattendirent pas laccomplissement de ses desseins 2 ». Ils devaient comprendre que ce nétait pas sans raison que Dieu opérait en leur faveur de si grandes merveilles, quil les appelait à quelque bonheur sans fin, que lon doit attendre par la patience ; mais ils se bâtèrent dêtre heureux par les biens du temps, qui ne peuvent procurer à personne la vraie félicité, puisquils nen éteignent pas linsatiable désir. « Quiconque boira de cette eau », dit le Sauveur, « aura encore soif 3 ». 14. Enfin : « Ils convoitèrent la convoitise dans le désert, et tentèrent Dieu dans les lieux sans eau 4 »; cest-à-dire « au désert », car il y a ici une répétition, « un lieu aride »est un lieu sans eau; de même que «convoiter la convoitise », cest « tenter Dieu »; et cette locution : « Convoiter la convoitise», équivaut à cette autre: « Louer la louange », que nous avons signalée tout à lheure. 15. « Et il leur donna leur demande», cest-à-dire ce quils demandaient par leurs cris. « Il envoya à leurs âmes de quoi les rassasier 5». Mais il ne les rendit point heureux pour cela; cette satiété en effet nest point celle dont il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce quils seront rassasiés 6 ». De là vient que le mot dâme en cet endroit ne sentend point de lâme raisonnable, mais de ce qui donne la vie au corps animal, pour le soutien duquel on a besoin de manger et de boire, daprès cette parole de lEvangile : « Lâme nest-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement 7 ?» Comme si lâme avait besoin de nourriture, et le corps de vêtement. Cest en ce sens quIsaïe disait : « Pourquoi avons-nous jeûné, et ne lavez-vous point vu; avons-nous privé nos âmes, et ne lavez-vous point su 8? » 16. « La jalousie éclata dans le camp contre
1. Exod. XV, 1. 2. Ps. CV, 13. 3. Jean, IV, 13. 4. Ps. CV, 14. 5. Id. 35. 6. Matth. V, 6. 7. Id. VI, 25. 8. Isa. LVIII, 3.
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Moïse, et contre Aaron, le saint du Seigneur 1». La suite nous fait voir de quelle jalousie le Prophète veut parler, ou plutôt de quelles paroles amères, comme dautres ont traduit. 17. «La terre souvrit», dit le Prophète, « et engloutit Dathan, elle se referma sur la troupe dAbiron 2». « Engloutir» et « se refermer sur », sont deux expressions identiques. Ces deux hommes, Dathan etAbiron, périrent pour la même cause, un schisme orgueilleux et sacrilège. 18. « Un feu salluma dans leur synagogue; la flamme consuma les pécheurs 3 ». Dans les Ecritures, ce mot de pécheur ne semploie point pour désigner ceux qui, vivant dune manière juste et louable, ne sont pas toutefois exempts de toute faute. De même quil y a une différence entre le railleur, le murmurateur, lécrivain de profession, et le reste, et lhomme qui ne raille quune fois, qui ne murmure quune fois, qui nécrit quune fois; ainsi lEcriture donne ordinairement le nom de pécheurs à ceux qui sont chargés diniquités. 19. « Ils firent un voeu en Horeb, et adorèrent louvrage de leurs mains; ils changèrent leur gloire en la ressemblance de lanimal qui se nourrit dherbe 3». Pour désigner la ressemblance, le Prophète na point dit: in similitudinem; mais, in similitudine, comme tout à lheure il a dit: « Ils crurent en ses paroles », in verbis ejus. Par élégance il ne dit point quils changèrent la gloire de Dieu, bien quils laient fait, réellement, comme ceux dont lApôtre dit : « Ils changèrent la gloire du Dieu incorruptible en la ressemblance de lhomme corruptible 5» : mais il dit : « leur gloire ». Car Dieu eût été leur gloire sils eussent attendu ses desseins, et neussent point agi avec une telle précipitation ; cest à Dieu en effet que lon dit: « Vous êtes ma gloire, vous élevez ma tête 6». Cette « gloire donc», ou Dieu, «ils lont transformée en la figure dun veau qui mange du foin», afin de devenir eux-mêmes la proie de celui qui dévore ceux qui ont des sentiments charnels : « Toute chair en effet nest quun foin 7 ». 20. « Ils oublièrent le Dieu qui les avait délivrés 8 ». Comment les délivra-t-il ? « En
1. Ps. CV, 16. 2. Id. 17. 3. Id. 18. 4. Id. 19, 20. 5. Rom, I, 23. 6. Ps. III, 4. 7. III. XL, 6. 8. Ps CV, 21.
faisant des prodiges en Egypte, des miracles dans la terre de Cham, de terribles merveilles dans la mer Rouge 1». Quels sont ces prodiges, et ces merveilles effrayantes? car ladmiration nest jamais sans une certaine crainte; bien quon puisse les appeler terribles, parce quen frappant les ennemis des Juifs, ils montraient à ceux-ci ce quils avaient à craindre. 21. « Dieu dit alors quil les perdrait ». Ayant oublié celui qui les avait délivrés, par tant de merveilles, et sétant fait un veau quils adorèrent, ils sétaient rendus par un crime si monstrueux, une si incroyable impiété, dignes dêtre exterminés. « Dieu résolut donc de les perdre : mais Moïse, son élu, se tint en sa présence pour briser 2». Le Prophète ne dit point que Moïse se tint devant Dieu pour briser sa colère, mais ce mot briser sapplique au châtiment dont ils allaient être frappés, si Moïse ne se fût offert pour eux, en disant : « Sil vous plaît de leur pardonner ce crime, pardonnez; sinon effacez-moi de votre livre 3 ». Ce qui nous montre combien est puissante auprès de Dieu lintercession des saints en faveur des autres. Moïse, connaissant la justice de Dieu, et sachant quil ne pouvait leffacer de son livre, obtint miséricorde pour ceux que Dieu pouvait effacer avec justice. Cest ainsi qu « il se présenta devant Dieu pour briser, pour détourner sa colère, et lempêcher de les exterminer». 22. « Ils regardèrent comme rien cette terre si estimable 4». Lavaient-ils déjà vue? Comment donc navoir aucune estime pour cet héritage quils navaient pas vu, sinon comme il est dit ensuite, parce qu « ils navaient point cru en ses paroles?» Assurément, si Dieu neût fait un grand symbole de cette terre doù sépanchaient le lait et le miel 5, sacrement visible qui conduisait à la grâce invisible ou au royaume des cieux ceux qui comprenaient ces merveilles, le Prophète ne ferait pas un crime aux autres davoir méprisé cette terre, puisque nous regardons comme un néant tout royaume temporel, afin de reporter notre amour vers notre mère, la Jérusalem libre, qui est dans les cieux 6. Ce que le Prophète blâme ici, cest donc lincrédulité des Juifs, parce que mépriser une
1. Ps. CV, 22. 2. Id. 23. 3. Exod. XXXII, 31, 32. 4. Ps. CV, 24. 5. Exod. III, 8. 6. Gal. IV, 26.
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terre si désirable, cétait manquer de foi à la parole de Dieu, qui veut, par des moyens petits en quelque sorte, nous élever à de grandes choses; dans leur impatience dêtre heureux par les jouissances temporelles, quils convoitaient dune manière charnelle, « ils nattendirent point », comme il est dit plus haut, « que les desseins de Dieu fussent accomplis sur eux 1». 23. « Ils murmurèrent sous leurs tentes, et nécoutèrent point la voix de Dieu 2 », qui leur défendait sévèrement le murmure. 24. « Il leva sa main sur eux, pour les exterminer au désert; pour abattre leur race devant les nations, et les disperser parmi les peuples 3 ». 25. Ici, avant de dire quun homme sinterposa entre eux et cette souveraine indignation de Dieu, quil apaisa en quelque sorte, le Prophète poursuit : « Ils sinitièrent à Béelphégor 4 » ; cest-à-dire quils se consacrèrent à lidole des nations. « Ils mangèrent des victimes immolées aux morts. Ils irritèrent le Seigneur par leurs inventions, et la ruine se multiplia sur eux 5 ». Comme si Dieu navait différé de lever la main sur eux pour les exterminer au désert, pour faire disparaître leur postérité du nombre des nations, et les disperser Parmi les peuples, que pour les livrer au sens réprouvé, afin quils commissent des crimes capables de faire éclater la justice de Dieu dans leur châtiment. Cest ainsi que lApôtre a dit: « Comme ils ont refusé de connaître Dieu, Dieu les a livrés au sens réprouvé, afin quils commettent des crimes indignes 6 ». 26. Enfin, tel fut leur crime en se consacrant aux idoles, et en mangeant les sacrifices des morts (cest-à-dire ces sacrifices que les Gentils offraient à des hommes morts comme à des dieux), que Dieu ne voulut être apaisé quen la manière dont lapaisa le prêtre Phinéès, qui tua dun même coup lhomme et la femme quil surprit dans un embrassement adultère 7. Sil eût agi de la sorte par un motif de haine, et non par amour, par ce zèle dont il- brûlait pour la maison de Dieu, cette action ne lui eût pas été imputée à justice. Ce meurtre fut comme un châtiment, dont Dieu frappa, comme un seul homme à lâme duquel il veut épargner la mort, ce
1. Ps, CV, 13. 2. Id. 25. 3. Id. 26, 27. 4. Id, 28. 5. Id. 29. 6. Rom. I, 28. 7. Nomb. XXXV, 8.
peuple dont il allait faire un si grand carnage. Il est vrai que, dans le Nouveau Testament, Notre-Seigneur Jésus-Christ nous traite avec pins de douceur; mais les menaces de lenfer, que nous ne lisons point dans toutes ces menaces de maux temporels, sont bien plus terribles. « La ruine se multiplia donc chez eux », quand lénormité de leurs crimes leur attira des châtiments proportionnels. « Et Phinéès se leva et apaisa Dieu, et le fléau cessa 1 ». Le Prophète ne fait queffleurer cette histoire, parce quil ninstruit point ici les ignorants; il rappelle ce que chacun sait. Ce qui est exprimé ici par fléau, létait plus haut par le mot briser; dans le grec, cest la même expression. 27. « Cela lui fut imputé à justice de génération en génération, jusquà léternité 2 ». Dieu imputa à justice cette action de son prêtre, non-seulement pour la durée dune génération, mais « jusquà léternité » ; lui qui sonde les coeurs, et qui sait mesurer quel amour du peuple animait alors son serviteur. 28. « Ils irritèrent encore le Seigneur aux eaux de la contradiction, et Moïse fut châtié à cause deux, parce quils avaient aigri son esprit; et la distinction fut sur ses lèvres 3 ». Quest-ce à dire, « la distinction? » Il douta que ce même Dieu, qui avait déjà fait tant de prodiges, pût faire couler leau dun rocher. Car ce ne fut quavec hésitation quil frappa la pierre avec sa houlette; de là vient quil fit une distinction entre ce miracle et les autres dans lesquels il navait nullement hésité; de là sa faute, et de là vient aussi quil mérita dentendre quil mourrait avant dentrer clans la terre promise 4. Troublé par le murmure dun peuple infidèle, il ne demeura point aussi ferme quil devait lêtre. Et toutefois, même après sa mort, Dieu lui rendit un témoignage favorable comme à son élu, afin de nous montrer que cette hésitation de sa foi neut dautre châtiment que cette peine temporelle, de ne pas entrer dans la terre où il conduisait son peuple. Mais gardons-nous de croire quil fut banni du royaume de la grâce divine, dont nous avons une figure dans cette terre, où selon lEcriture, coulaient le lait et le miel 5. Car telle est, à proprement parler, lalliance éternelle conclue avec Abraham
1. Ps. CV, 30. 2. Id. 31. 3. Id. 32, 33. 4. Deut. XXXII, 49-52. 5. Exod. III, 8.
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notre père, non selon la chair, mais selon la foi. 29. Quant à ceux dont le Psalmiste nous raconte les iniquités , lorsquils entrèrent dans la terre promise: « Ils ne détruisirent point les nations que le Seigneur leur avait désignées. Ils se mêlèrent à ces nations, apprirent leurs oeuvres, servirent leurs idoles, ce qui fut pour eux un scandale 1 ». Ce qui les fit tomber, ce fut dépargner ces nations, et de se mêler à elles. 30. « Ils immolèrent aux démons leurs fils et leurs filles; répandirent le sang innocent, le sang de leurs fils et de leurs filles quils avaient immolés aux idoles de Chanaan 2 ». Lhistoire ne dit point quils aient immolé aux démons et aux idoles leurs fils et leurs tilles, mais ce psaume ne saurait mentir, non plus que les Prophètes qui répètent souvent ce reproche dans leurs imprécations. Quant aux Gentils, leur histoire na pas manqué de consigner cette coutume parmi eux. 31. Mais que dit ensuite le Prophète? « Et la terre fut tuée dans le sang ». Il nous semblerait que le copiste a commis une erreur, et quau lieu de infecta, souillée, il a écrit interfecta, tuée, si Dieu dans sa miséricorde neût voulu que son Ecriture fût en plusieurs langues; et la traduction grecque nous montre quil faut vraiment écrire : « La terre fut tuée dans le sang » Inter fecta est terra. Que signifie donc : « La terre fut tuée », sil ny a là une manière de parler, une figure désignant les hommes qui habitent la terre, et employant ce qui contient pour ce qui est contenu; de même que nous appelons mauvaise maison, une maison habitée par les méchants, et bonne maison, celle quhabitent les gens de bien ? ils donnaient en effet la mort à leurs âmes, en immolant leurs fils, en répandant le sang de jeunes enfants assurément fort étrangers à ces crimes. De là cette parole : « Ils répandirent le sang innocent ». Donc « la terre fut tuée dans le sang et souillée par leurs oeuvres », puisquils étaient tués dans lâme et souillés dans leurs actions. « Ils se prostituèrent dans leurs inventions ». Le Psalmiste appelle ici inventions, ce que les Grecs nommeraient epitedeumata. Cest en effet cette même expression que lon trouve dans les manuscrits grecs, et ici et à cet autre endroit où il est dit, qu « ils irritèrent le Seigneur
1. Ps. CV, 34-30. 2. Id. 37-39.
par leur inventions », appelant en ces deux endroits « inventions », ce quils firent à limitation des autres peuples. Ne prenons donc point le mot « invention » en ce sens quils auraient établi des cérémonies dont on ne leur aurait donné nul exemple. Aussi plusieurs traducteurs, au lieu dinventions, ont-ils dit, studia, attachements; dautres, affections, ou violents désirs; dautres enfin, voluptés: et eux-mêmes qui ont traduit par adinventiones, inventions, ont dit ailleurs studia, attachements. Jai fait cette réflexion, afin quon ne sétonnât point de trouver le mot « inventions» pour désigner un culte dont ils ne furent point les inventeurs, mais simplement les imitateurs. 32. « La fureur de Jéhovah salluma contre son peuple 1». Nos traducteurs nont pas voulu traduire par ira , colère, ce que le grec désigne par tumos : quelques-uns pourtant lont mis; dautres ont traduit par indignation; dautres par animation, Quelle que soit lexpression, le trouble ne retombe point sur Dieu : mais lusage a fait donner ce nom à son pouvoir de vengeance. 33. « Il eut horreur de son héritage, et le livra aux mains des Gentils, qui les haïssaient et qui en devinrent les maîtres: leurs ennemis les opprimèrent, et ils furent humiliés sous leur puissance 2 ». Quand le Prophète désigne ici lhéritage de Dieu, il est évident que sa colère ne voulait point les perdre, mais seulement les corriger, en les livrant à leurs ennemis. Aussi dit-il ensuite que « souvent il les délivra ». 34. « Mais eux laigrirent dans leurs desseins 3 ». Cest ce qui a été dit plus haut. « Ils nattendirent point laccomplissement de son dessein ». Or, le dessein dun homme est pernicieux pour cet homme, quand il ne cherche pas la gloire de Dieu, mais son propre intérêt 4. Mais dans cet héritage, qui est lui-même,quand il daignera se donner à nous, pour que nous jouissions de lui, nous ne serons point à létroit dans la société des saints, comme il nous arrive dans nos affections privées. Quand cette cité glorieuse possédera lhéritage qui lui est promis, et où il ny aura ni trépas, ni naissance, il ny aura plus de citoyens pour avoir une affection privée, parce que Dieu sera tout en tous 5. Or,
1. Ps. CV, 40. 2. Id. 41, 42. 3. Id. 43. 4. Philipp. II, 21, 5. I Cor. XV, 28.
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quiconque ici-bas aspire à cet héritage par la foi et par lamour, shabitue à préférer à son bien propre le bonheur de tous, en ne cherchant point ses intérêts, mais la gloire de Jésus-Christ; de peur que, sage pour lui-même, occupé de lui-même, il nen vienne à irriter le Seigneur par ses propres desseins. Mais dans lespérance de ce quil ne voit pas encore, sans se hâter à jouir des choses visibles, dans la patiente expectative des biens invisibles, quil sen rapporte en fait de promesses aux volontés de Celui dont il implore le secours dans ses tentations. Telle doit être son humilité dans ses aveux, afin de ne point ressembler à ceux dont il est dit : « Ils furent humiliés dans leurs iniquités ». 35. Toutefois Dieu, qui est plein de miséricorde, ne les a point négligés: « Il les regarda dans leurs angoisses, quand il entendit leurs cris. Il se souvint de son alliance, et se repentit de toute létendue de sa miséricorde 1 » . «Il se repentit»,est-il dit, parce quil changea le dessein quil paraissait avoir pris de les perdre. Or, en Dieu tout est fixe et immuable, et lon ne trouve en lui nulle résolution subite, comme sil navait point prévu de toute éternité ce quil ferait : mais dans tout ce qui a lieu ici-bas au sujet des créatures, quil gouverne avec une sagesse admirable, on dirait quil fait par une volonté subite, ce qui était résolu dans ses desseins immuables et cachés, desseins qui lui découvrent toutes choses ers leur temps, et daprès lesquels il fait ce qui sopère actuellement, et a déjà fait ce qui doit être un jour. « Et qui, mieux que lui, peut le faire 2? » Ecoutons donc 1Ecriture qui dit simplement les choses les plus sublimes, qui donne aux petits une nourriture proportionnée, et aux plus grands des vérités quils doivent approfondir. « Dieu les vit dans leurs angoisses, quand il entendit leurs prières, et il se souvint de son alliance » : cest-à-dire de son alliance éternelle, « quil avait jurée à Abraham », non de lancienne qui est abolie, mais de la nouvelle qui est voilée dans lancienne. « Et il se repentit selon létendue de sa miséricorde». Il a donc fait ce quil avait résolu, mais il avait prévu quil accorderait cette grâce à leurs coeurs contrits et suppliants: parce que leur prière qui nétait pas encore, mais qui devait être un jour, nétait point ignorée du Seigneur.
1. Ps. CV, 44, 45. II Cor, II, 16.
36. « Et il leur fit trouver miséricorde 1 ». Cest-à-dire quil en fit des vases de miséricorde et non des vases de colère 2 . Le latin a mis, au pluriel, « ces miséricordes », quil leur fit trouver, parce que chacun a de Dieu un don qui lui est propre, lun dune manière, lautre de lautre 3. « Il leur fit donc trouver miséricorde en présence de tous ceux qui les tenaient captifs». Courage donc, ô toi qui lis ces paroles, toi qui reconnais, en lisant les lettres de lApôtre, la grâce du Dieu qui nous rachète pour la vie éternelle, par Jésus-Christ Notre-Seigneur, toi qui approfondis les écrits des Prophètes pour y découvrir lAncien Testament révélé dans le Nouveau, et le Nouveau sous les voiles de lAncien, souviens-toi quel est celui que saint Paul appelle prince des puissances de lair, « qui agit sur les enfants de lincrédulité 4 », et ce quil dit encore à propos de quelques-uns, qu « ils doivent sortir des pièges du démon qui les tient captifs pour en faire ce qui lui plaît 5 » souviens. toi des paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ quand, chassant le démon des coeurs des fidèles, il sécriait: « Désormais le prince de ce monde est chassé dehors 6» ; et de ces autres paroles de lApôtre: « Dieu nous a arrachés à la puissance des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume de son Fils bien-aimé 7 ». En réfléchissant sur ces divers passages, applique ton attention sur les écritures de lAncien Testament, et vois ce que lon chante dans ce psaume qui a pour titre : « Lorsque la maison fut rebâtie après la captivité ». Cest là quil est dit : « Chantez au Seigneur un cantique nouveau ». Et pour quon ne vienne pas à croire que ces paroles ne sadressent quaux Juifs: « Chantez», dit le Prophète; « que toute la terre chante au Seigneur; chantez au Seigneur, bénissez son nom, annoncez », ou plutôt, « donnez la bonne nouvelle »; et même, pour traduire lexpression grecque: « Evangélisez de jour en jour son salut ». De là est venu le nom dEvangile, qui prêche de jour en jour Jésus. Christ, lumière de lumière, Fils engendré du Père. Cest lui en effet qui est le salut de Dieu, car le salut de Dieu est le Christ, comme nous lavons démontré plus haut. « Annoncez donc sa gloire parmi les nations, et ses merveilles dans tous les peuples. Car cest le Seigneur
1. Ps. CV, 46. 2. Rom. IX, 22, 23. 3. I Cor. VII, 7. 4. Ephés. II 2. 5. II Tim. II, 26. 6. Jean, XII, 31. 7. Coloss. I, 13.
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qui est grand et digne de toute louange, il est terrible par-dessus tous les dieux. Car les dieux des nations sont des démons 1 ».Ces ennemis donc, avec le diable qui est leur roi, tenaient captif le Peuple de Dieu. Or, à mesure que nous sommes délivrés de cette captivité, et que le prince de ce monde est chassé dehors, le temple de Dieu se construit après la captivité; cest de ce temple que te Christ est la pierre angulaire, lui qui a formé en lui-même un seul homme nouveau de ces deux peuples, établissant cette paix, que le jour venant du jour, annonce à ceux qui étaient proches, et â ceux qui sont éloignés pour nen faire quun seul peuple 2; et amenant les autres brebis qui nétaient point de ce bercail, afin den faire un seul troupeau sous un seul pasteur 3. Ainsi Dieu « fit trouver des miséricordes », à ceux quil avait prédestinés; car cela ne dépend ni de celui qui veut, « ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde 4 ; en présence de ceux qui les tenaient en captivité ». Ces ennemis donc, le diable et ses anges,avaient réduit en captivité ceux que Dieu a prédestinés à son royaume et à sa gloire; mais le Rédempteur ayant chassé dehors ceux qui dominaient les infidèles à lintérieur, ils ne les attaquent plus quà lextérieur. Or, leurs attaques ne sont point victorieuses contre ceux qui se retirent dans une tour et se dérobent à lennemi 5. Sils nous attaquent, cest quils sentent quil y a chez nous quelques restes dinfirmité qui nous font dire à Dieu: « Remettez-nous nos dettes » ; et encore : « Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal 6 ». Après avoir donc chassé tous ces ennemis, Notre-Seigneur Jésus-Christ a perfectionné les guérisons dans son corps, lui qui en est la tête et le Sauveur 7, afin dêtre dans ce même corps consommé le troisième jour. Voici ce quil dit en effet : « Je chasse les démons, je rends la santé aujourdhui et demain, et le troisième jour je serai consommé 8» ; cest-à-dire je serai parfait, lorsque nous nous rencontrerons tous à létat de lhomme parfait, à la mesure de lâge de la plénitude du Christ 9. 37. Après avoir donc chassé les démons qui nous tenaient captifs, le Christ achève de nous guérir. Cest pourquoi, après avoir dit:
1. Ps. XCV, 1-5, 2. Ephés. II, 13-22. 3. Jean, X, 16. 4. Rom. II, 16. 5. Ps. IX, 4. 6. Matth. VI, 12, 13. 7. Ephés. V, 23. 8. Luc, XIII, 32. 9. Ephés. IV, 13.
« Il leur fit trouver miséricorde auprès de ceux qui les avaient gardés en captivité »; maintenant que les démons qui nous tenaient captifs sont bannis, le Prophète prie Dieu de nous guérir: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, rassemblez-nous du milieu des nations 1 » ; ou, comme lon trouve dans certains exemplaires, « des Gentils; afin que nous confessions votre saint nom, et que nous mettions notre gloire à vous louer ». Le Prophète nous marque ensuite cette louange en un mot: « Béni soit le Seigneur Dieu dIsraël, de siècle en siècle 2» : ce que nous entendons ici, depuis, léternité jusquà léternité; car Dieu sera loué sans fin par ceux dont il est dit: « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront de siècle en siècle 3 ». Ce sera la troisième consommation du corps de Jésus : les démons seront chassés, les guérisons achevées, puisque le corps aura même limmortalité; ce sera le règne éternel de ceux qui béniront parfaitement le Seigneur, parce que leur amour sera parfait, et quils le contempleront face à face. Alors saccomplira cette prière qui est au commencement du psaume: « Souvenez-vous de nous, Seigneur, selon votre amour pour votre peuple; visitez-nous pour nous sauver, afin de nous montrer votre bonté pour vos élus, de nous donner une part à la joie de votre peuple, et de faire chanter vos louanges par votre héritage ». Car ce nest point seulement les brebis qui sont perdues de la maison dIsraël 4 quil rassemble parmi les nations, mais encore celles qui nappartiennent point à ce troupeau, afin, comme il est dit, quil ny ait plus quun seul bercail et un seul pasteur 5. Mais les Juifs, simaginant que cette prophétie a pour objet leur royaume visible, car ils nont point su goûter par lespérance la joie des biens invisibles, doivent tomber dans les embûches de celui dont le Seigneur a dit: « Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne mavez point reçu; un autre viendra en mon nom, et vous le recevrez 6 ». Cest de lui que saint Paul a dit: « Alors apparaîtra lhomme de péché, ce fils de la mort, qui soppose à Dieu, sélève au-dessus de tout ce quon appelle Dieu, ou que lon adore comme Dieu, de manière à sasseoir dans le temple de Dieu, à sy montrer comme
1. Ps. CV, 47. 2. Id. 48. 3. Id. LXXXIII,5. 4. Matth. XV, 24. 5. Jean, X, 16. 6. Id. V, 43.
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Dieu ». Et un peu après: « Alors apparaîtra dimpie, que le Seigneur Jésus tuera du souffle de sa bouche, et quil perdra par déclat de sa présence : cet homme qui se montrera pour agir comme Satan, environné de puissance avec des signes menteurs, et avec toutes les séductions de liniquité sur ceux qui périront, pour navoir pas reçu et aimé la vérité, afin dêtre sauvés. Cest pourquoi Dieu leur enverra une opération de lerreur, de manière quils croiront au mensonge ; afin que tous ceux qui nont point cru à la vérité, et qui ont consenti à lerreur, soient condamnés 1 ». Ce sera donc, ce me semble, parce perfide, par cet impie qui sélèvera au-dessus de tout ce qui est Dieu ou que lon adore comme Dieu, que les Israélites charnels croiront que va saccomplir cette prophétie qui sexprime ainsi: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous de toutes les nations comme si ce chef devait les élever dans une gloire visible, en présence de ces ennemis visibles, qui les avaient réduits à une visible captivité. Alors ils croiront au mensonge, parce quils nont point reçu la vérité avec amour, de manière à désirer, non plus les biens charnels, mais les biens spirituels. Ainsi déjà trompés parle diable ils allèrent jusquà donner la mort au Christ en disant : « Si nous le laissons aller de la sorte, tous croiront en lui, et les Romains viendront semparer de la ville et de la nation »; quand
1. II Thess. II, 3 - 11.
« Caïphe, lun dentre eux, pontife cette année-là, leur dit: Vous ny comprenez rien, et ne voyez pas quil est avantageux quun seul homme meure pour le peuple, au lieu de faire périr toute la nation. Or », selon lEvangéliste, « il ne parlait point de lui-même; mais, grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non-seulement pour la nation », cest-à-dire pour les brebis qui avaient péri de la maison dIsraël, « mais aussi rassembler en un même bercail les enfants de Dieu dispersés par tous les peuples 1 ». Car il avait dautres brebis qui nétaient point de ce bercail. Et toutes les brebis et dIsraël et des nations, étaient dans la servitude du démon et de ses anges. Or, quand elles ont secoué le joug du démon, en présence de ces esprits méchants qui les avaient réduites en captivité, afin dacquérir le salut et la perfection éternelle, voilà que le Prophète leur fait dire: « Sauvez-nous, Seigneur notre Dieu, et rassemblez-nous de toutes les nations »; non plus par lAntéchrist, comme les Juifs espèrent que saccompliront ces paroles, mais par Jésus-Christ Notre-Seigneur qui viendra au nom de son Père, « lui qui est le jour venant du jour, et qui est le salut», dont il est dit ici: « Visitez-nous dans votre salut. Alors tout le peuple dira »: cest-à-dire, ce peuple de prédestinés qui viennent de la circoncision et de la gentilité, cette nation sainte, ce peuple dadoption, chantera: « Amen, Amen ».
1. Jean, XI, 48-52.
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