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DISCOURS SUR LE PSAUME CXXXI.

SERMON AU PEUPLE, EN PRÉSENCE DE SÉVÈRE, ÉVÊQUE DE MILÈVE.

L’ESPÉRANCE EN DIEU.

 

David porta ta douceur au point d’épargner Saül qui cherchait à le tuer. Ce nom, qui signifie la main forte, fut porté par un guerrier qui détruisit ses ennemis, et qui fut la figure du Christ vajnqueur du diable et de ses anges. L’Eglise qui est le corps, le temple du Christ, combat pour lui ; elle a fait voeu d’être sa cité, d’être habitée par lui. Comme David ne voulait aucun repos avant d’avoir trouvé un lieu pour le Seigneur, et comme s’il cherchait ce lieu en lui-même, ainsi fait tout homme qui enseigne le bien et le pratique. Ainsi en fait-il de tous ceux qui embrassèrent la foi et n’eurent plus qu’un coeur et qu’une âme, tandis que ceux qui cherchent leurs propres intérêts, rencontrent souvent le trouble et les procès. Abstenons-nous donc, sinon de toute possession, du moins de tout attachement aux possessions, de l’amour de nous-mêmes. Tous les biens de cette vie ne sont que te rêve d’un homme qui ne trouve plus rien à sou réveil. Le Prophète appelle tabernacle dia Seigneur l’Eglise militante, et sa maison la Jérusalem du ciel. Cette maison ou l’Eglise est en Ephrata on prophétisée, et drus les lieux incultes, chez les Gentils. Nous entrerons chez le Dieu de Jacob afin qu’il nous possède, et non afin de posséder notre héritage que nous dissiperions comme le prodigue. Nous adorerons le lieu où il a reposé ses pieds, c’est-à-dire dans l’humilité, sans croire qu’il nous suffise d’être enfants d’Abraham selon la chair ; car il faut en faire les oeuvres, oeuvres surtout de charité ; que nos pieds soient affermie par l’humilité.

C’est au Christ de s’élever le premier, et à prendre son repos ; l’Eglise viendra ensuite, elle qui est l’arche de sa sanctification. Que les prêtres aient la justice, les saints la joie, mais ne détournez pas la face de vôtre Christ, c’est-à-dire ne laissez psiut périr tout Israël, prière qui fut exaucée dans les apôtres, et dans les juifs qui se convertirent à la Pentecôte. Dieu change parfois ses oeuvres extérieures, mais jamais ses desseins. Or, son dessein est de mettre sûr le trône de David le Christ qui sortira de lui sans la participation d’aucun homme. Par les enfants des enfants de David, il faut entendre les bennes oeuvres de ces enfants, et s’ils sont réellement des hommes, ils ne pourront siéger sur te trône qu’à la condition de garder t’alliance de Dieu. Ce trône sera le nôtre, à la même condition. C’est en Sion que nous reposerons avec Dieu. Les vesves qu’il veut bénir sont les âmes qui ne comptent que sur lui, et t’Egtise est une veuve que Dieu écoute, mieux que le juge inique de l’Evangile ; les pauvres cernant rassasiés, s’ils ont faim et soif de ta justice ; les riches également, s’ils sont panures dans le même sens. Les prêtres seront revêtus du Christ, tes saints revêtus de joie, tous affermis dans le Christ qui sens sauve et nous gouverne.

 

1. Il eût été juste, mes bien-aimés, que notre frère, notre collègue dans l’épiscopat, lui que nous voyons au milieu de nous tous, nous fil entendre sa parole. C’est une faveur qu’il ne nous a point refusée cependant, et qu’il n’a fait que différer. J’en donne avis à votre charité, afin que vous soyez avec moi témoins de sa promesse. Mais il n’était point hors de propos que je me soumisse le premier à son injonction. Il m’a arraché, en effet, mon consentement, et a voulu être aujourd’hui mon auditeur, à la condition que je serais ensuite le sien ; car unis par les lirns de la charité, nous sommes tous les auditeurs du Maître unique, dont la chaire est dans les cieux 1. Ecoutez donc avec attention le psaume que nous apporte aujourd’hui l’ordre suivi dans nos explications. Il a aussi pour titre « Cantique des degrés », et il est un peu plus long que les autres. Nous nous arrêterons donc seulement quand nous y serons forcé, afin que, si Dieu nous en fait la grâce, nous

 

1. Matth, XXIII, 10.

 

puissions l’expliquer tout entier. Or, comme vous n’êtes plus ignorants au point que nous devions tout éclaircir, c’est à vous de nous aider, en vous rappelant nos entretiens passés, afin que je ne sois pas forcé de vous expliquer tout, comme si vous l’ignoriez encore. Sans doute, nous devons être toujours nouveaux, parce que le vieil homme ne doit point se glisser en nous ; mais il faut croître, il faut progresser. A propos du progrès, l’Apôtre nous dit: « Bien que l’homme extérieur se détériore en nous, l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour 1». Que le progrès en nous ne consiste pas à passer de l’homme nouveau au vieil homme, que la nouveauté, au contraire, aille en croissant.

2. « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa douceur, souvenez-vous du serment qu’il fit au Seigneur, du voeu qu’il fit au Dieu de Jacob 2 ». David, ainsi que nous l’apprend l’histoire, était homme, roi d’Israël, fils de Jessé. Il était doux, selon la remarque

 

1. II Cor. IV, 16. — 2. Ps. CXXXI, I, 2.

 

102

 

de l’Ecriture qui relève en lui cette vertu, et sa douceur fut portée au point qu’il rendit le bien pour le mal à Saül qui le persécutait 1. Il pratiqua envers lui l’humilité, jusqu’à l’appeler roi, et se dire lui-même un chien. Et quoique devant Dieu il fût plus grand que ce roi, il n’eut pour lui ni fierté, ni hauteur; mais il cherchait plutôt à l’apaiser par son humilité, qu’à l’irriter par son orgueil. Il eut même Saül en sa disposition, et Dieu le lui livra, afin qu’il en fît ce qu’il voulait. Mais parce qu’il n’avait point reçu l’ordre de le faire mourir, que Saül était seulement en son pouvoir, et un homme cependant peut user de sa puissance, il aima mieux user en douceur du pouvoir que Dieu lui avait donné. En lui donnant la mort, il se serait délivré d’un violent ennemi, mais eût-il pu dire : « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent 2 ?» Saül entra dans une caverne où était David, sans savoir que David y fût 3; il y venait pour se reposer. Or, David se leva doucement derrière lui et sans être aperçu, puis il coupa un morceau de son vêtement, afin de le lui montrer ensuite, et de lui faire comprendre que, l’ayant eu entre les mains, c’était volontairement et non par nécessité qu’il l’avait épargné et ne lui avait point donné la mort. C’est peut-être cet acte de douceur qu’il fait valoir maintenant quand il dit : « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa mansuétude ». Ce que je vous en dis, mes frères, c’est ce qui est consigné dans les saintes Ecritures. Toutefois, dans les psaumes comme dans toute prophétie, il est de coutume de ne point s’arrêter à la lettre, mais de chercher les figures, au moyen du sens littéral. Et votre charité sait bien que dans tous les psaumes, c’est un homme que nous entendons parler, et que cet homme unique a une tête et un corps la tête est dans les cieux, le corps est sur la terre ; mais où est la tête, le corps doit aller à son tour. Je n’indique point ici quelle est la tête, ou quel est le corps, je parle à des chrétiens instruits.

3. C’est donc l’humilité de David, la douceur de David que notre psaume chante ici

en disant à Dieu : «Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa mansuétude ». Dans

quelle fin, « Seigneur, vous souviendrez-vous de David ? Souvenez-vous qu’il jura devant

 

1. I Rois, XIV, 4, etc. — 2. Matth. VI, 12. — I Rois, XXIV, 4.

 

le Seigneur, qu’il fit un voeu, au Dieu de Jacob ». Souvenez-vous-en, Seigneur, afin qu’il accomplisse la promesse qu’il à faite. David fait une promesse qu’il peut accomplir, et néanmoins il supplie le Seigneur d’accomplir le voeu qu’il a fait. Il y a de la ferveur dans son voeu, mais de l’humilité dans sa prière. Que nul ne compte sur ses forces pour accomplir ce qu’il a promis. Dieu qui l’engage à faire des voeux, l’aide aussi à les accomplir. Voyons donc ce qu’il a promis par son voeu, et nous comprendrons comment nous devons voir en David une figure. Le nom de David signifie, qui est fort de la main. Or, David était un grand guerrier. Plein de confiance dans le Seigneur son Dieu, il termina heureusement toutes ses guerres, et détruisit tous ses ennemis. Dieu le protégea selon qu’il était nécessaire pour le bien de ses Etats; et nous montrait, sous la figure de ce roi, celui dont la main forte devait terrasser dans ses ennemis, le diable et ses anges. Car tels sont les ennemis que renverse l’Eglise. Et par quel moyen? Par sa douceur; et ce fut par sa douceur que notre roi put vaincre le diable. Celui-ci s’emportait, celui-là supportait. Celui qui s’emportait fut vaincu, celui qui supportait fut vainqueur. C’est par la même douceur que l’Eglise , qui est le corps du Christ, triomphe de ses ennemis. Que sa main soit forte, qu’elle triomphe en agissant. Mais comme elle est le corps du Christ, elle est aussi un temple, une maison, une cité et celui qui est la tête de ce corps, habite aussi cette maison, sanctifie ce temple, règne dans la cité. Voilà tout ce qu’est l’Eglise, et ce qu’est aussi le Christ. Quel voeu donc avons-nous fait à Dieu, sinon d’être son temple ? Nous ne pouvons rien lui offrir de plus agréable, que de dire avec le prophète Isaïe 1 : « Possédez-nous ». En fait de biens terrestres, c’est faire une faveur à un père de famille que lui donner quelques terres à posséder : il n’en est pas de même dans l’Eglise : c’est à l’héritage même qu’il est avantageux d’être possédé par Dieu.

4. Que signifie donc cette parole : « Il a juré devant le Seigneur, il a fait un voeu au Dieu de Jacob? » Voyons quel est ce voeu. Jurer, c’est donner plus de force à une promesse. Considérez le voeu de David, avec quelle ardeur, quel transport d’amour, quel

 

1. Isa. XXVI, 13.

 

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brûlant désir, il l’avait fait, et cependant il implore le secours du Seigneur afin de l’accomplir: « Seigneur, souvenez-vous de David et de toute sa douceur ». C’est dans cette mansuétude qu’il a fait un voeu à Dieu, afin d’être son temple. « Je n’entrerai pas dans mon palais, je ne monterai point sur mon lit de repos ; je ne donnerai pas le sommeil à mes yeux». C’est peu selon lui de refuser le sommeil à ses yeux, et il ajoute : «Ni l’assoupissement à mes paupières, ni le repos à mes tempes, jusqu’à ce que j’aie trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob 1 ». Où cherchait-il un lieu pour le Seigneur? S’il avait la douceur, c’était en lui qu’il le cherchait. Comment pouvait-il être un lieu pour le Seigneur ? Ecoute le Prophète : « Sur qui reposera mon Esprit? Sur celui qui est humble et tranquille, et redoutant ma parole 2». Veux-tu être une demeure pour le Seigneur? Sois humble, calme, redoutant sa parole, et tu seras ce que tu cherches, Si ce que tu cherches ne s’effectue en toi-même, de quoi te servira qu’il s’effectue en un autre? Quelquefois, il est vrai, Dieu se sert d’un prédicateur pour opérer le salut d’un autre, et de cet autre seulement , si ce prédicateur se contente de dire sans pratiquer ; et ainsi sa langue prépare à Dieu une demeure chez un autre, mais lui-même n’est point cette demeure. Mais l’homme qui pratique le bien qu’il enseigne, et qui l’enseigne en le pratiquant, devient lui-même la demeure de Dieu, de même que l’homme qu’il enseigne; car tous ceux qui croient ne font qu’une seule demeure pour Dieu. Car Dieu habite le coeur, et tous ceux qui sont unis par la charité n’ont qu’un même coeur.

5. Combien de milliers d’hommes embrassèrent la foi, mes frères, quand ils apportaient aux pieds des Apôtres les biens qu’ils avaient vendus 3! Mais que dit l’Ecriture à leur sujet? Ils devinrent sans aucun doute le temple de Dieu; et non-seulement chacun d’eux était le temple du Seigneur, mais ils l’étaient tous ensemble. Ils étaient donc la demeure du Seigneur. Et pour vous montrer qu’ils ne formaient tous ensemble qu’un seul temple de Dieu, voilà que l’Ecriture nous dit: « Ils n’avaient tous en Dieu qu’un seul « coeur et qu’une seule âme 4». Mais  

 

1. Ps. CXXXI, 3-5.— 2. Isa. LXVI, 2.— 3. Act. IV, 35.— Id. 13. 32.

 

plusieurs ne préparent point en eux une demeure pour Dieu, parce qu’ils recherchent leurs propres intérêts, aiment ce qui leur appartient, se réjouissent d’être puissants, n’aspirent qu’à leur bien propre. Mais l’homme qui veut préparer en lui une demeure à Dieu, doit se réjouir du bien de tous, et non de son propre bien. C’est ce que firent les premiers fidèles à l’égard de leurs biens, ils en firent les biens de tous. Mais était-ce là perdre ce qui était à eux? S’ils eussent possédé seuls, et que chacun eût possédé son bien propre, il n’eût possédé que sa seule propriété; mais en rendant commun ce qui lui appartenait en propre, il faisait que tout ce qui appartenait aux autres était aussi à lui. Que votre charité veuille bien écouter. C’est des biens que nous possédons en propre que naissent les procès, les inimitiés, les discordes, les guerres entre les hommes, les tumultes, les dissensions, les scandales, les injustices, les homicides. De quels biens? Des biens que nous possédons en propre. Est-ce pour les biens que nous avons en commun qu’il y a des procès? L’air, nous le possédons en commun; le soleil, nous le voyons en commun. Bienheureux ceux qui préparent une demeure à Dieu, de manière à ne point jouir de leur bien propre. Tel est donc l’état que décrivait le Prophète en disant: « Je n’entrerai point dans le tabernacle de ma maison ». C’était là un bien particulier, et il savait que ce bien particulier l’empêchait de préparer en lui-même une demeure à Dieu, et il énumère tout ce qui lui est propre : « Je n’entrerai point dans le tabernacle de ma maison jusqu’à ce que j’aie trouvé ». Et quand vous aurez trouvé une demeure pour Dieu, ô Prophète, entrerez-vous donc dans votre maison? Ou bien ne ferez-vous pas votre maison de ce lieu où vous aurez trouvé une demeure pour Dieu? Pourquoi? Parce que vous serez vous-même la demeure du Seigneur, et que vous serez dans l’unité avec ceux qui sont sa demeure.

6. Abstenons-nous donc, mes frères, de toute possession privée, ou du moins de tout attachement, sinon de toute possession, et nous préparons une demeure à Dieu. C’est beaucoup pour moi, dit quelqu’un. Or, vois qui tu es pour préparer une demeure à Dieu. Mais si quelque sénateur, ou même, sans être sénateur, si l’intendant de quelque puissant du siècle voulait demeurer chez toi et te (104) disait: Voilà tel objet qui me blesse; quand même cet objet te plairait, tu l’enlèverais afin de ne point blesser un homme dont tu brigues l’amitié. Or, de quoi peut te servir l’amitié d’un homme? Peut-être n’y a-t-il aucune protection à espérer, et qu’un danger à courir. Plusieurs en effet ne couraient aucun danger avant d’être liés avec des grands, et n’ont trouvé que de plus grands périls dans ces liaisons tant ambitionnées, Mais désire en toute sécurité l’amitié du Christ. Il veut loger chez toi; fais-lui une place. Qu’est-ce à dire : Fais-lui une place? Aime-le sans t’aimer toi-même. T’aimer toi-même, c’est lui fermer la porte. L’aimer, c’est au contraire la lui ouvrir. Si tu lui ouvres, et qu’il entre, tu ne périras pas en t’aimant, puisque tu seras avec celui qui t’aime.

7. « Je n’entrerai point dans ma maison, je ne monterai point sur mon lit de repos». Un bien privé, quand un homme y trouve son repos, donne de l’orgueil; aussi le Prophète nous dit-il : « Je ne monterai point ». Qu’un homme, en effet, possède un bien propre, il en devient nécessairement orgueilleux. Il veut s’en prévaloir contre un autre, et tous deux ne sont que chair. Hélas ! mes frères, qu’est-ce que l’homme? Un peu de chair, Et qu’est-ce que l’autre homme? Encore un peu de chair. Et toutefois la chair d’un riche s’élève contre la chair d’un pauvre, comme si cette chair avait apporté quelque chose en naissant, ou devait emporter quelque chose à la mort. Tout son avantage n’est qu’une plus grande enflure. Mais celui qui veut trouver une demeure pour le Seigneur lui dit : « Je ne monterai point sur la couche de mon repos».

8. « Je ne donnerai point de sommeil à mes yeux». Il en est beaucoup qui dorment sans

préparer un lieu au Seigneur. Et voilà que l’Apôtre les réveille : « Levez-vous, ô vous qui dormez, sortez d’entre les morts, et le Christ vous illuminera 1 ». Et dans un autre endroit : « Nous qui sommes enfants de la lumière, veillons et soyons sobres : car ceux qui dorment, dorment la nuit, et ceux qui s’enivrent, s’enivrent la nuit 2 ».  Il entend par la nuit, l’iniquité dans laquelle s’endorment ceux qui désirent les biens terrestres. Or, toutes ces félicités qui brillent en ce monde ressemblent aux songes d’hommes

 

1. Ephés. V, 1.4. — 2. I Thess. V, 5.7

 

endormis. Et de même qui voit en songe un trésor, est riche durant son sommeil; mais à peine est-il éveillé qu’il redevient pauvre: de même toute la joie que donnent les biens de ce monde n’est que la joie d’un songe; ces hommes endormis s’éveilleront contre leur gré s’ils ne savent point s’éveiller quand il en est temps, et ils verront que tout cela n’était qu’un songe qui s’est évanoui, selon le mot de l’Ecriture : « Comme le songe d’un homme qui s’éveille 1 ». Et ailleurs : « Ces hommes ont dormi leur sommeil, et n’ont o plus rien trouvé dans leurs mains de toutes leurs richesses 2. Ils ont dormi leur sommeil», le sommeil est passé, «et ils n’ont plus rien trouvé dans leurs mains », parce que dans leur sommeil ils ne voyaient que des richesses passagères. Ainsi donc doit parler celui qui veut trouver en lui une place pour le Seigneur: « Je ne donnerai aucun sommeil à mes yeux ». Or, il en est qui ne dorment pas, mais qui sommeillent. Ils se désaffectionnent quelque peu des choses temporelles, puis s’en rapprochent bientôt; ils laissent aller leur tête comme dans l’assoupissement. Eveille-toi, dissipe ton sommeil; car ce sommeil amènera ta chute. Le Psalmiste veut refuser le sommeil à ses yeux, l’assoupissement à ses paupières, afin de trouver une place au Seigneur.

9. « Ni repos à mes tempes », dit encore le psaume. C’est du repos. des tempes que le sommeil vient aux yeux; car les tempes environnent les yeux. Quand le sommeil arrive, il appesantit les tempes; et c’est dans les tempes que l’on sent une pesanteur quand l’on va dormir; et quand cette pesanteur devient sensible, le sommeil est bien proche; et y laisser aller ses yeux, c’est donner du repos aux tempes, et le sommeil vient; tandis que refuser aux tempes ce même repos, c’est chasser le sommeil. Dès lors qu’un objet temporel te devient agréable et te porte au péché, voilà que tes tempes s’alourdissent. Veux-tu t’éveiller, ne point dormir, pas même sommeiller? Ne te livre point à ce plaisir, car tu y trouveras plus d’amertume que de charmes. Avec ces pensées, tu frottes pour ainsi dire ton front, dissipant ton sommeil et préparant une place au Seigneur.

10. « Jusqu’à ce que je trouve un lieu au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob».

 

1. Ps. LXX, I, 20. — 2. Id. LXXV, 6.

 

105

 

Il est vrai qu’on appelle quelquefois tabernacle de Dieu la maison de Dieu, et maison de Dieu le tabernacle de Dieu ; cependant, mes frères, à proprement parler, le tabernacle de Dieu serait l’Eglise en cette vie, et la maison de Dieu la céleste Jérusalem, où nous irons un jour. Car, le mot de tabernacle ou de tente rappelle des soldats en campagne, en guerre; les soldats ont des tentes quand ils font des sièges, des expéditions; de là ce mot de contubernales, donné aux soldats qui habitent sous la même tente. Tant que nous avons un ennemi à combattre, nous sommes sous la tente avec Dieu. Mais quand le temps du combat sera passé, quand sera venue cette paix qui est au-dessus de tout ce que nous pouvons comprendre, selon le mot de saint Paul : « La paix de Dieu qui est au-dessus de toute intelligence 1» ; quelque effort, en effet, que fasse notre pensée, elle ne saurait comprendre cette paix, tant que notre esprit est sous le poids de notre corps: quand donc sera venue cette paix, nous serons alors dans la maison, et comme nul adversaire ne nous attaquera, nous n’aurons plus besoin de tente. Nous ne marcherons plus au combat, nous demeurerons pour louer Dieu. Qu’est-il dit, en effet, à propos de cette maison ? « Bienheureux ceux qui habitent votre maison, ils vous loueront dans les siècles des siècles 2 ». Nous gémissons sous la tente, nous bénirons Dieu dans la maison. Pourquoi? Parce que c’est le propre des exilés de gémir, le propre de ceux qui sont dans la patrie de louer Dieu. liais d’abord, cherchons ici-bas une tente au Dieu de Jacob.

11. «On nous a dit qu’elle était en Ephrata». Qui « Elle ? » La demeure de Dieu. « On nous a dit qu’elle était en Ephrata; nous l’avons trouvée dans les campagnes boisées 3 ». L’a-t-il trouvée à l’endroit qu’on lui avait indiqué; ou bien a-t-il entendu un endroit, et l’a-t-il trouvée dans un autre? D’abord, cherchons ce que signifie Ephrata qu’on lui a indiqué, puis nous chercherons ces campagnes des forêts où il a trouvé la demeure de Dieu. Ephrata est un mot hébreu qui signifie miroir, si nous en croyons à ceux qui nous ont laissé l’interprétation des mots hébreux pour nous en donner l’intelligence; car ils ont d’abord traduit l’hébreu en grec, puis le grec a été traduit en latin. Plusieurs,

 

1. Philipp. IV, 7. — 2. Ps. LXXXIII, 5. — 3. Id. CXXXI, 6.

 

en effet, se sont appliqués à l’étude approfondie des Ecritures. Si donc Ephrata signifie miroir, c’est dans un miroir que l’on a entendu parler de cette habitation trouvée dans les campagnes boisées. Or, le miroir reflète une image. Et toute prophétie est une image de l’avenir. Cette maison future de Dieu nous a donc été prédite sous une image prophétique. Car, on nous en a parlé dans un miroir, c’est-à-dire, « nous en avons ouï parler en Ephrata. Nous l’avons trouvée dans les campagnes boisées ». Quelles sont ces campagnes boisées? des champs pleins de bois; non point de ces bois dont on dit: cette forêt a tant d’arpents. Mais un lieu boisé est un lieu inculte et sauvage. On trouve, dans certains exemplaires, des lieux sauvages. Quelles étaient donc ces campagnes boisées, sinon les nations incultes? Quelles étaient ces campagnes boisées, sinon ces campagnes couvertes des broussailles de l’idolâtrie? Et néanmoins, dans ces broussailles de l’idolâtrie, nous avons trouvé un lieu pour le Seigneur, une tente pour le Dieu de Jacob. « Ce que nous avons entendu dans Ephrata, nous l’avons trouvé dans les campagnes boisées » ; ce qui a été prêché en figure aux Juifs a été manifesté aux Gentils par la foi.

12. « Nous entrerons dans ses tabernacles 1 ». Dans les tabernacles du Dieu de Jacob. Ceux qui entrent pour habiter sont aussi ceux qui entrent pour être habités eux-mêmes. Tu entres dans ta maison pour l’habiter, dans celle de Dieu pour être habité. Dieu vaut mieux qu’une maison, et quand il aura commencé à habiter en toi, il te donnera le bonheur. Et s’il n’habite en toi, tu seras malheureux. Il voulut s’appartenir, ce fils qui dit dans l’Evangile : « Donnez-moi la portion de l’héritage qui doit m’échoir 2». Cette part se pouvait conserver entre les mains de son père, et n’eût pas été dissipée avec les femmes de mauvaise vie. Il reçut donc cette part qui fut mise en son pouvoir ; et il s’en alla dans un pays lointain la dissiper avec des prostituées. Puis il souffrit la faim, se souvint de son père, retourna vers lui afin de se rassasier de son pain. Entre donc dans cette maison afin d’être habité, de n’être point à toi, mais à Dieu. « Nous entrerons dans ses tabernacles».

13. «Nous adorerons dans le lieu où ses pieds

 

1. Ps. CXXXI, 7.— 2. Luc, XV 12.

 

106

 

se sont reposés ». Les pieds de qui? Du Seigneur, ou de la maison du Seigneur? Car le lieu où le Prophète nous dit qu’il faut l’adorer, c’est la maison du Seigneur. « Nous adorerons dans le lieu où ses pieds se sont reposés ». Ce n’est que dans sa maison que le Seigneur nous exauce pour la vie éternelle. Or, celui-là fait partie de la maison du Seigneur, qui est lié par la charité aux pierres vivantes qui la composent. Mais celui-là tombe, qui n’a point la charité, et la maison n’en demeure pas moins après sa chute. Que nul n’ose menacer cette maison, quand il commence à en devenir une pierre en quelque sorte, et qu’il veut tomber, comme si l’on pouvait nuire à cette maison. Tel fut l’orgueil qui s’empara du premier peuple juif, et lui fit dire que le Seigneur, qui avait fait à Abraham son père de si magnifiques promesses relativement à sa postérité, ne saurait y manquer; et tranquilles sur cette promesse de Dieu, ils commettaient toutes sortes de désordres, dans la persuasion qu’il leur pardonnerait leurs péchés, non point en considération des mérites de ces criminels, mais en considération des mérites d’Abraham, dont tous les enfants, quelle que soit leur dépravation, seraient néanmoins rassemblés pour lui former une maison d’éternelle durée. Mais que dit Jean? « Race de vipères 1 ». Ces enfants d’Abraham venaient à lui pour recevoir le baptême de la pénitence, et il ne leur dit point : race d’Abraham, mais race de vipères. Car ils ressemblaient à ceux qu’ils imitaient. Dès lors, ils n’étaient plus enfants d’Abraham, mais enfants des Amorrhéens, des Chananéens, des Gergéséens, dès Jébuséens,. et de tous ceux qui péchaient contre Dieu. Ils en étaient les fils, puisqu’ils en imitaient les actions. « Race de vipères donc, qui vous a enseigné à fuir la colère à venir ? Faites de dignes fruits de pénitence, et ne dites point: Nous avons Abraham pour père ; car Dieu peut, de ces pierres, susciter des enfants d’Abraham 2». En parlant de la sorte, Jean voyait sans doute quelques pierres dans les campagnes boisées, et desquelles surgirent des enfants d’Abraham. Car ces fils d’Abraham sont bien plus ceux qui ont imité ses vertus, que ceux qui sont nés de sa chair. Que personne dès lors ne menace la maison de Dieu, en disant: Je me retire et la maison tombera.

 

1. Matth. III, 7. — 2. Id. 8, 9.

 

Il lui est avantageux d’entrer dans le, corps de l’édifice et d’avoir la charité ; car s’il tombe, la maison n’en subsistera pas moins. C’est pourquoi, mes frères, la maison de Dieu subsiste dans ceux qu’il a prédestinés, et dont il a prévu la persévérance. C’est d’eux qu’il est dit: « Où ses pieds se sont reposés ». Il en est, en effet, qui ne persévèrent point, et en qui ne reposent point ses pieds. Ils ne sont donc point de l’Eglise, et n’appartiennent point à ce qui est aujourd’hui le tabernacle, et plus tard le palais. Mais où se sont reposés les pieds du Seigneur? « Parce que l’iniquité abonde », nous dit le Sauveur, « la charité de plusieurs se refroidira1». Or, ses pieds ne se reposent point en ceux dont la charité se refroidit. Mais que dit ensuite le Sauveur? « Celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé 2 ». C’est en ceux-là que se reposent ses pieds : c’est là que tu dois adorer, c’est-à-dire, sois de ceux en qui se reposent les pieds du Seigneur.

14. Mais si dans cette parole : « Où se sont arrêtés ses pieds », tu veux voir les pieds de la maison elle-même : que tes pieds demeurent fermes dans le Christ; et tes pieds seront

fermes dans le Christ, si tu persévères en lui. Qu’est-il dit, en effet, du diable ? « Celui-là est homicide dès le commencement, et il n’est point demeuré ferme dans la vérité 3». Ses pieds donc ne se sont point arrêtés. De même il est dit des orgueilleux : « Que le pied de l’orgueil ne me heurte point, que la main des pécheurs ne m’ébranle point. Là sont tombés ceux qui commettent l’iniquité, ils ont été repoussés, et n’ont pu demeurer fermes 4 ». Ils forment donc la maison de Dieu, ceux dont les pieds sont fermes. Aussi, que dit Jean dans ses transports de

joie: « L’époux est celui à qui est l’épouse; mais l’ami de l’époux est celui qui se tient debout et qui écoute ». S’il ne demeure ferme, il ne l’écoute pas. « Cet ami est plein de joie à la voix de l’époux 5». C’est avec raison qu’il demeure ferme, puisqu’il se réjouit à la voix de l’époux ; car il tomberait bientôt s’il se réjouissait de sa propre voix. Vous comprenez dès lors pourquoi sont tombés ceux qui ont mis leur joie dans leur propre parole.

Cet ami de l’époux disait: « C’est là celui qui baptise ». Il en est qui disent : C’est nous

 

1. Matth. XXIV, 12. — 2. Id. 13. — 3. Jean, VIII, 44. — 4. Ps. XXXV, 12, 13 — 5. Jean, III, 29. — 6. Id. I, 33.

 

qui baptisons. Mais dans l’enivrement de leur parole ils n’ont pu tenir fermes; et dès lors ils n’appartiennent pas à cette maison dont il est dit : « Là se sont reposés ses pieds ».

15. « Levez-vous, Seigneur, entrez dans votre repos 1 ». C’est au Christ endormi que l’on dit: « Levez-vous ». Car vous savez qui n dormi, et qui s’est levé ensuite. C’est lui qui dit en certain endroit des psaumes : « J’ai dormi tout agité 2 ». C’est donc avec raison qu’on lui dit : « Levez-vous, Seigneur, pour votre repos ». Vous ne serez plus agité : « Car le Christ ressuscitant d’entre les morts, ne meurt plus, la mort n’aura plus aucune puissance sur lui 3 ». C’est lui qui dit encore dans un autre psaume : « J’ai dormi, j’ai sommeillé, et je me suis levé, parce que le Seigneur m’a pris sous sa garde 4 ». C’est donc à celui qui a dormi, que l’on dit ici : « Levez-vous, Seigneur, entrez dans votre repos, vous et l’arche de votre sainteté ». C’est-à-dire : Levez-vous afin que se lève aussi l’arche de sainteté, que vous avez sanctifiée. Il est notre chef, son arche est son Eglise : il s’est levé le premier, et l’Eglise se lèvera ensuite. Or, le corps n’oserait se promettre de ressusciter si la tête ne l’avait fait la première. « Levez-vous, Seigneur, pour votre repos, vous et l’arche de votre sanctification ». Quelques-uns ont prétendu que cette arche de la sanctification désignait le corps du Christ né de la Vierge Marie; en sorte que cette invitation : « Levez-vous, Seigneur, vous et l’arche que vous avez sanctifiée », signifierait: Levez-vous avec votre corps, afin que les incrédules puissent le toucher. « Levez-vous, Seigneur, pour votre repos, vous et l’arche de votre sainteté ».

16. « Que vos prêtres soient revêtus de justice, et vos saints dans la joie 5 » . Quand vous vous lèverez d’entre les morts, pour aller à votre Père, que ce sacerdoce royal soit revêtu de foi, car « c’est de la foi que vit le juste 6»; et qu’après avoir reçu le gage de l’Esprit-Saint, les membres se réjouissent dans l’espérance de la résurrection, qui a précédé dans le chef; puisque c’est à eux que l’Apôtre a dit : « Réjouissez-vous dans l’espérance ».

17. « A cause de David votre serviteur, ne détournez point les regards de votre

 

1. Ps. CXXXI, 8.— 2. Id. LVI, 5. — 3. Rom. VII, 9. — 4. Ps. III, 6. — 5. Id. CXXXI, 9. — 6. Rom. I, 17. —  7. Id. XII, 12,

 

 Christ 1». C’est au Père que l’on dit : « Ne détournez point la face de votre Christ, en considération de David votre serviteur ». Car le Seigneur a été crucifié en Judée, et crucifié par les Juifs; c’est pendant qu’ils le troublaient qu’il a dormi. Après avoir dormi entre les mains de ces furieux, il s’est levé pour les juger; et il a dit en quelque endroit:

« Ressuscitez-moi, et je me vengerai d’eux 2 ». Il s’est vengé déjà, et doit se venger encore. Les Juifs savent bien ce qu’ils ont souffert après avoir fait mourir le Seigneur. lis ont été bannis complètement de cette ville où ils l’avaient mis à mort. Mais quoi! tous ceux de la race de David, de la tribu de Juda, ont-ils donc péri? Non, car plusieurs d’entre eux embrassèrent la foi, c’est de là que sortirent ces milliers d’hommes qui crurent en Jésus-Christ après sa résurrection. Ils s’emportèrent jusqu’à le crucifier, et quand ils virent les miracles qui s’opéraient au nom du crucifié, ils n’en furent saisis que d’une plus grande. frayeur, en voyant éclater la puissance de celui qui avait paru si faible entre leurs mains : et alors touchés de componction, ils crurent que la divinité était vraiment cachée dans cet homme 3 qu’ils avaient regardé comme un autre homme, puis ils demandèrent conseil aux Apôtres. « Faites pénitence, leur fut-il répondu, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus-Christ notre Seigneur 4 ». C’est donc parce que le Christ est ressuscité pour juger ceux qui l’ont crucifié, et qu’il a détourné son visage des Juifs, pour le tourner vers les Gentils, que le Prophète paraît le supplier en faveur des restes d’Israël, en disant: « A cause de David votre serviteur, ne détournez point la face de votre Christ ». Si la paille est condamnée, que le bon grain soit recueilli. Que les restes soient sauvés 5, comme le dit Isaïe. Or, ces restes ont été sauvés, puisque c’est de là que vinrent les douze Apôtres, et ces frères au nombre de plus de cinq cents à qui le Seigneur se montra après sa résurrection 6; de là ces milliers d’hommes qui se firent baptiser et apportèrent aux pieds des Apôtres le prix de leurs biens 7. Ainsi donc fut accomplie cette prière que le Prophète adresse au Seigneur : « A cause de David votre serviteur ne détournez point la face de votre Christ ».

 

1. Ps. CXXXI, 10. — 2. Id. XI, 11. — 3. Act. II, 37. — 4. Id. 38. — 5. Isa. X, 21.— 6. Rom. IX, 27 ; I Cor. XV, 6.— 7. Act. II, 41; XV, 34.

 

108

 

18. « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité, et il ne s’en repentira point 1 ». Qu’est-ce à dire : « Il a juré? » Il a confirmé sa promesse par lui-même. Qu’est-ce à dire: « Il ne s’en repentira point? » Il ne changera point. Car Dieu n’est touché d’aucune douleur de repentir, et il ne se trompe en rien, pour avoir besoin de corriger ses actes. Mais de même que chez l’homme le repentir lui fait changer ses actes, de même quand on dit que Dieu se repent, on doit attendre quelque changement. Mais ce changement se fait autrement en Dieu, bien qu’il conserve le nom de repentir, et autrement en toi. Tu le fais, toi, parce que tu t’es trompé; mais Dieu le fait, parce qu’il veut châtier ou délivrer. Quand il se repentit d’avoir élevé Saül à la royauté, il le changea, ainsi, qu’il est écrit. Et dans le même endroit l’Ecriture dit: « Il se repentit » ; et néanmoins un peu après elle ajoute que « Dieu n’est point semblable à l’homme pour se repentir 2 ». Dès lors quand, par le conseil de son immuable sagesse, il vient à changer ses oeuvres, ce changement non dans ses desseins, mais dans ses oeuvres, se nomme repentir. Mais la promesse faite à David ne doit point être changée. De même qu’il est dit encore : « Le Seigneur l’a juré, et ne s’en repentira point : tu es prêtre pour l’éternité selon l’ordre de Meichisédech 3 ». De même, comme la promesse qu’il a faite est sans changement, et doit nécessairement subsister à jamais, le Prophète a dit : « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité et il ne s’en repentira point; je mettrai sur ton trône le fruit de tes entrailles 4 ». Le Prophète pouvait dire tout aussi bien: Le fruit de tes reins; pourquoi dès lors a-t-il voulu dire, « le fruit de tes entrailles? ». En parlant ainsi il eût dit vrai; mais il a préféré dire « le fruit de vos entrailles », afin de nous mieux préciser que le Christ est né d’une femme sans la participation d’aucun homme.

19. Pourquoi donc? « Le Seigneur a juré à David dans sa vérité: Je placerai sur ton trône le fruit de tes entrailles; si tes enfants gardent mon alliance, et mes témoignages que je leur enseignerai, leurs enfants seront à jamais assis sur ton trône ». Si tes enfants sont fidèles à mon alliance, leurs enfants seront osais à jamais. Les pères méritent pour

 

1. Ps. CXXXI, 11. — 2. I Rois, XV, 11, 29. — 3. Ps. CLX, 4. — Id. CXXXI, 12.

 

les enfants. Mais qu’arriverait-il, si les fils de David gardaient l’alliance, et non les petits-fils? Pourquoi le bonheur des enfants est-il dû aux mérites des pères? Que dit en effet le Prophète? « Si tes enfants gardent mes témoignages, leurs enfants seront assis pour l’éternité ». Il ne dit point : Si tes enfants gardent mon alliance, ils s’assiéront sur ton trône; et si leurs enfants la gardent à leur tour, ils seront de même assis sur ton trône; mais il dit: « Si tes enfants gardent mon alliance, leurs enfants seront assis sur ton trône ». A moins que le Prophète, par leurs enfants, n’entende leurs oeuvres. « Si tes enfants », est-il dit, « gardent ma loi, et les préceptes que je leur enseignerai, leurs enfants seront assis sur ton trône » ; c’est-à-dire, le fruit de leurs oeuvres sera de s’asseoir sur ton trône. Maintenant, en effet, mes frères, nous tous qui travaillons dans le Christ, nous tous qui tremblons à sa parole, qui nous efforçons par tous les moyens d’accomplir sa volonté, qui gémissons en lui demandant de nous aider à pratiquer ce qu’il commande, sommes-nous donc assis déjà sur ces trônes de félicité qui nous sont promis? Nullement; mais dans l’espérance de cet avenir nous observons les préceptes. C’est à cette espérance que l’on donne le nom de fils, puisque pour l’homme qui vit ici-bas, l’espérance est dans les enfants, le fruit dans les enfants encore. Aussi pour abriter leur avarice, les hommes disent-ils qu’ils font des économies pour leurs enfants : leur refus à quelque pauvre est couvert du voile de la piété, car leurs enfants sont leur espérance. Car tous les hommes qui vivent selon l’esprit du monde, ont l’espoir, disent-ils, d’avoir des enfants, de les laisser après eux. C’est dans ce sens que le Prophète donnerait le nom de fils à leur espérance, quand il dit : « Si vos enfants gardent mon alliance et les préceptes que je leur enseignerai, leurs fils seront assis éternellement sur votre trône »; c’est-à-dire que leur fidélité portera des fruits tels que leur espérance ne sera point illusoire, et qu’ils arriveront où ils espèrent arriver. Donc ici-bas les hommes qui ont de l’espérance dans l’avenir, sont en quelque sorte des pères; et ils sont comme des enfants quand ils ont acquis ce qu’ils espéraient, et ont en quelque sorte enfanté, engendré par leurs oeuvres ce qu’ils possèdent. C’est là ce qui (109) leur est réservé pour après eux, puisque le nom de postérité, ou ceux d’après, désigne ordinairement les enfants.

20. Mais si par enfants vous voulez entendre des hommes, il faut leur appliquer aussi ces paroles : « Si tes enfants gardent mon alliance et les préceptes que je leur enseignerai », en sorte que tel serait le sens : « Si tes enfants gardent mon alliance et les préceptes que je leur enseignerai, ainsi que leurs enfants», s’ils les gardent également; en sorte qu’il y aurait une distinction, et que la promesse de s’asseoir sur le trône serait pour les enfants de David, et les enfants de ces enfants, mais à la condition que tous garderont ces préceptes. Qu’arrivera-t-il donc, s’ils ne les gardent point? La promesse de Dieu sera-t-elle donc nulle? Point du tout. Le Prophète n’a parlé de la sorte, n’a fait cette promesse, que dans la prévision de Dieu; et qu’est-ce qu’a prévu Dieu, sinon qu’ils croiront ? Et afin que nul ne crût qu’il pouvait se soulever contre les promesses de Dieu, comme s’il dépendait de lui que cette promesse divine fût accomplie ou non, voilà que le Prophète nous dit que Dieu a promis avec serment, ce qui montre que l’accomplissement est infaillible. Pourquoi néanmoins dire : « S’ils gardent? » Afin que la promesse de Dieu ne te donne aucune présomption, et ne te porte à négliger son alliance. La garder, c’est être fils de David; la négliger, c’est n’être plus fils de David ; et Dieu n’a rien promis qu’aux fils de David. Tu ne saurais dire : Je suis fils de David, si tu es dégénéré. Les Juifs ne sauraient s’appeler ainsi, quoique nés de sa race. Ils le font, il est vrai, mais c’est une folie. Car le Seigneur leur a porté ce défi: « Si vous êtes les enfants d’Abraham, faites les oeuvres d’Abraham 1 ». Il leur en refusait le nom, parce qu’ils n’en imitaient pas les oeuvres. Comment nous appeler fils de David, nous qui ne sommes point de sa lignée selon la chair? Nous ne pouvons être ses fils qu’en imitant sa foi, qu’en servant Dieu comme il l’a servi. Si donc tu ne veux acquérir par de saintes actions ce que tu ne saurais espérer par la naissance, comment s’accomplira pour toi la promesse de t’asseoir sur le trône de David? Et si elle n’est accomplie en toi, crois-tu qu’elle sera sans effet? Comment Dieu trouvera-t-il sa demeure

 

1. Jean, VIII, 39.

 

dans les campagnes boisées? Comment ses pieds pourront-ils demeurer fermes? Quel que tu sois, cette maison subsistera.

21. « Car le Seigneur a choisi Sion, il l’a choisie pour en faire son habitation 1 ». Sion, c’est l’Eglise, c’est la Jérusalem d’en haut, la cité de la paix, à laquelle nous nous hâtons d’arriver, qui est encore dans l’exil, non pas dans les anges, mais en nous, et dont la partie meilleure attend l’arrivée de l’autre, De là nous sont venues les saintes lettres qu’on lit chaque jour. Telle est la cité, telle est Sion que le Seigneur a choisie.

22. « C’est le lieu de mon repos dans les siècles des siècles2 ». C’est Dieu qui parle et qui dit : C’est mon repos, c’est là que je me repose. Quel amour de Dieu pour nous, mes frères lit repose, dit-il, quand nous reposons. Dieu n’est jamais dans l’agitation, et n’a pas besoin de reposer comme nous, mais il dit qu’il se repose, parce que nous trouvons en lui notre repos. « C’est là que j’habiterai, parce que je l’ai choisie ».

23. « Je comblerai ses veuves de bénédictions, et ses pauvres je les rassasierai de pain 3 ». Toute âme est veuve dès qu’elle se voit dénuée de tout secours autre que celui de Dieu. Quelle peinture, en effet, l’Apôtre nous fait-il de la veuve? « Celle qui est vraiment veuve et désolée», nous dit-il, « a mis sa confiance dans le Seigneur ». Or, il parlait de ces veuves que nous appelons tous ainsi dans l’Eglise. Car il avait dit : « Celle qui vit dans les délices est morte, quelque vivante qu’elle soit », et il ne la compte pas au nombre des veuves. Mais que dit-il à propos des veuves saintes? « Celle qui est vraiment veuve et désolée a mis son espérance dans le Seigneur, et persévère nuit et jour dans les prières et les saintes supplications ». Puis il ajoute « Pour celle qui vit dans les délices, elle est morte , quelque vivante qu’elle soit 4 ». Pourquoi donc l’autre est-elle veuve? Parce qu’elle n’a d’autre secours que celui de Dieu. Des femmes qui ont leurs maris, tirent des secours de ces maris une certaine vanité; une femme veuve paraît abandonnée, et son appui n’en est que plus solide. Toute l’Eglise n’est donc qu’une seule veuve. Elle est veuve dans les hommes, veuve dans les femmes, veuve dans les personnes mariées, veuve dans les femmes qui ont un

 

1. Ps. CXXXI, 13, — 2. Id. 14. — 3. Id. 13, — 4. I Tim. V, 5, 6.

 

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époux, veuve dans les jeunes gens, veuve dans les vieillards, veuve dans les vierges. Toute l’Eglise ne forme qu’une seule veuve, et une veuve abandonnée en ce monde; si elle comprend son état, si elle est persuadée de sa viduité, elle trouve près d’elle un fort appui. Ne reconnaissez-vous pas, mes frères, cette veuve dans l’Evangile, quand le Seigneur nous dit qu’il faut toujours prier, et ne jamais cesser de prier? « Il y avait », dit-il, « dans une ville, un juge qui ne craignait pas Dieu, et ne s’inquiétait point des hommes; et chaque jour une veuve s’en venait le trouver en disant : Faites-moi justice de mon adversaire ». Or, à force de l’importuner, elle le fatigua enfin. « Car ce juge qui ne craignait pas Dieu, et qui n’avait aucun souci des hommes, se dit en lui-même : Quoique je n’aie nulle crainte de Dieu, nul souci des hommes, je lui rendrai néanmoins justice, à cause de son importunité 1 ». Si ce juge corrompu entendit cette veuve, de peur qu’elle ne l’importunât davantage, Dieu pourrait-il ne pas exaucer son Eglise, qu’il exhorte lui-même à la prière?

24. De même : « Ses pauvres, je les rassasierai de pains». Qu’est-ce à dire, mes frères? Soyons pauvres, et nous serons rassasiés. Il est des hommes enflés des honneurs du monde, des hommes orgueilleux, qui sont chrétiens; ils adorent Jésus-Christ, mais ne sont pas rassasiés; ils ne sont rassasiés que de leur orgueil, qu’ils ont en abondance. C’est d’eux que le psaume a dit : « Nous sommes un sujet d’opprobre pour ceux qui sont dans l’abondance, et de mépris pour les superbes 2 ». ils sont dans l’abondance, et mangent sans être rassasiés. Or, qu’a dit le Psalmiste à leur sujet? « Tous les riches de la terre ont mangé 3 ». Ils adorent le Christ, ils ont pour le Christ de la vénération, ils invoquent le Christ, mais ils ne sont point rassasiés de sa sagesse et de sa justice. Pourquoi? Parce qu’ils ne sont point pauvres. Quant aux pauvres, c’est-à-dire aux humbles de coeur, plus ils ont faim et plus ils mangent, et ils ont d’autant plus faim qu’ils sont plus détachés du monde. Un homme rassasié dédaigne tout ce que tu peux lui offrir; il n’a pas faim. Mais donne-moi un affamé, donne-moi ceux dont il est dit: « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice, parce qu’ils seront

 

1. Luc, XVIII, 1-8. — 2. Ps. CXXII, 4. — 3. Id. XXI, 30.

 

rassasiés 1 », et ils seront ces pauvres dont il est dit ici : « Quant à ses pauvres, je les rassasierai de pains ». Aussi dans ce même psaume où il est dit : « Tous les riches de la terre ont mangé et ont adoré », il est dit encore, à propos des pauvres et dans le sens de notre psaume: « Que les pauvres mangent, et ils seront rassasiés, et ils loueront le Seigneur, ceux qui le recherchent ». Au même endroit où l’on dit que « les riches ont mangé et ont adoré», on dit encore, à propos des pauvres: «Qu’ils mangent et ils seront rassasiés». Pourquoi, en parlant des riches qui ont adoré, n’est-il pas dit qu’ils sont rassasiés, et pourquoi, en parlant des pauvres, est-il dit qu’ils sont rassasiés? De quoi sont-ils rassasiés? Quelle est, mes frères, cette satiété? C’est Dieu lui-même qui est leur pain. Or, afin que ce pain fut un lait pour nous, il est descendu sur la terre, et il a dit à ses disciples : « Je suis le pain vivant descendu du ciel 3 ». Aussi le psaume que je viens de citer a-t-il dit : « Que les pauvres mangent, et ils seront rassasiés ». De quoi seront-ils rassasiés? Ecoute la suite : « Et ceux qui recherchent le Seigneur le loueront ».

25. Soyez donc pauvres, soyez parmi les membres de cette veuve, n’ayez de secours qu’en Dieu seul. Votre argent n’est rien, il ne vous sera d’aucun secours. Beaucoup sont tombés à cause de leur argent, l’argent a causé leur perte: beaucoup ont été recherchés des voleurs à cause de leur argent; ils eussent été en sûreté, s’ils n’eussent possédé ce qui les a fait rechercher. Beaucoup ont compté sur la puissance de leurs amis : ces puissants sur lesquels ils comptaient sont tombés et ont entraîné dans leur chute ceux qui comptaient sur eux. Voyez ce que le genre humain nous offre chaque jour. Que voyez-vous d’extraordinaire dans mes paroles? Ce n’est pas seulement l’Ecriture qui nous l’apprend, vous le pouvez lire dans toute la terre. Apprenez donc à ne point compter ni sur l’argent, ni sur l’amitié des hommes, ni sur les honneurs et les vanités du siècle. Méprise tout cela, et si tu le possèdes et que tu le méprises, remercie Dieu. Mais si tu en es enflé, ne considère pas quand est-ce que tu deviendras la proie des hommes, tu es déjà la proie du diable. Or, si tout cela ne te donne point de présomption, tu seras parmi les

 

1. Matth. V, 6. — 2. Ps. XXI, 27. — 3. Jean, VI, 41.

 

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membres de cette veuve qui est 1’Eglise, et dont il est dit: « Je comblerai sa veuve de mes bénédictions » ; tu seras ce pauvre dont il est dit: « Quant à ses pauvres, je les rassasierai de pains ».

26. Toutefois, mes frères, il est bon de vous le dire, on rencontre l’orgueil chez un pauvre, et l’humilité chez un riche: nous en voyons chaque jour. Quelquefois tu entends un pauvre qui gémit sous l’oppression d’un riche, et quand ce riche puissant l’opprime, le pauvre est humble; quelquefois il ne l’est pas même à ce moment, il est encore orgueilleux; ce qui nous montre comme il serait, s’il avait quelque bien. C’est donc par le coeur, et non par la bourse qu’on est pauvre selon Dieu. On rencontre parfois un homme dont la maison est bien remplie, qui a de vastes domaines, de riches maisons de campagne, beaucoup d’or et d’argent, et qui sait qu’il n’y doit point mettre sa confiance, qui s’humilie devant Dieu, et emploie ses richesses en bonnes oeuvres ; son coeur s’élève tellement en Dieu, qu’il comprend, non-seulement que ses richesses ne servent de rien, mais qu’elles entravent sa marche, si Dieu ne le conduit, et ne vient à son secours; et le voilà au nombre des pauvres qui sont rassasiés de pains. On en voit un autre qui mendie et qui est orgueilleux, ou s’il n’est orgueilleux, c’est qu’il n’a rien, mais qui voudrait avoir de quoi s’enorgueillir. Or, Dieu n’a aucun égard au bien que l’on possède, mais au bien que l’on voudrait posséder;et il juge selon ce désir, qui nous fait aspirer aux biens temporels, mais non sur ces biens que nous n’avons pu acquérir. De là cette parole de l’Apôtre à l’égard des riches: « Ordonnez aux riches de ce monde de n’être point orgueilleux, de ne point mettre leur confiance dans des richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant, qui nous donne en abondance tout ce qui est nécessaire à la vie ». Que feront-ils donc de leurs richesses? Le même Apôtre continue en disant: « Qu’ils soient riches en bonnes oeuvres; qu’ils donnent facilement, et fassent part de leurs biens». Et vois que dans ce cas ils sont pauvres en cette vie : « Qu’ils se fassent un trésor et un fondement solide pour l’avenir, afin qu’ils embrassent la vie éternelle 1 ». Quand ils la posséderont, c’est alors seulement

 

1. I Tim. VI, 17-19.

 

qu’ils seront riches; mais, qu’ils se reconnaissent pauvres, jusqu’à ce qu’ils la possèdent. C’est ainsi que Dieu compte parmi ses pauvres qu’il rassasie de pains, ceux qui sont humbles de coeur, qui sont affermis dans la double charité, quels que soient d’ailleurs les biens qu’ils possèdent.

27. « Je revêtirai ses prêtres du salut, et ses saints tressailliront d’allégresse 1 ». Nous voici à la fin du psaume, que votre charité veuille bien écouter quelque peu: « Je revêtirai ses prêtres du salut, et ses saints tressailliront d’allégresse ». Quel est notre salut, sinon le Christ Notre-Seigneur? Qu’est-ce à dire dès lors: « Je revêtirai ses prêtres du salut? Vous tous», dit saint Paul, « qui êtes baptisés en Jésus-Christ, vous avez revêtu le Christ 2. Et ses saints tressailliront d’allégresse ». D’où leur viendra cette allégresse ? De ce qu’ils sont revêtus du salut, non par eux-mêmes ; car « ils sont lumière », il est vrai, mais « dans le Seigneur 3 » ; auparavant ils étaient ténèbres. De là vient que le psaume ajoute : « C’est là que j’établirai la force de David 4»; afin que l’on se confie dans le Christ qui sera la grandeur de David. Le mot corne, du Prophète, signifie grandeur. Or, quelle sera cette grandeur? Non pas une grandeur charnelle, car tous les os sont enveloppés de chair, mais la corne s’élève au-dessus de la chair. Cette corne est donc une grandeur spirituelle. Or, en quoi consiste l’élévation spirituelle, sinon à mettre sa confiance dans le Christ ; à ne pas dire: C’est moi qui agis, moi qui baptise; mais bien: « C’est le Christ qui baptise? » C’est là qu’est la grandeur de David. Et afin que vous sachiez que telle est la grandeur de David, écoutez ce que dit ensuite le Prophète: « J’ai  préparé une lampe à mon Christ». Quelle est cette lampe ? Vous le savez déjà par les paroles de Jean: « Il était une lampe ardente et brûlante 5 ». Et que dit encore Jean? « C’est lui qui baptise ». C’est donc en lui que tressailliront les saints, que tressailliront les prêtres:

car tout le bien qui est en eux, ne vient point d’eux, mais de Celui qui a le pouvoir de baptiser. Quiconque dès lors est baptisé vient en son temple avec sécurité; parce que le baptême ne vient point d’un homme, mais de celui en qui Dieu a établi la puissance de David.

 

1. Ps. CXXXI, 16. —  2. Gal. III, 27. — 3. Eph. V, 8.— 4. Ps. CXXXI, 17 — 5. Jean, V, 35.

 

28. « En lui fleurira ma sainteté 1» En qui? En mon Christ. Car cette expression : A mon Christ, est la parole du Père, qui dit: « Je comblerai sa veuve de bénédiction, et ses pauvres, je les rassasierai de pains. Ses prêtres, je les revêtirai du salut, et ses saints tressailliront d’allégresse ». Celui qui a dit: « C’est là que j’établirai la force de David »,

c’est Dieu le Père; lui qui dit encore: « J’ai préparé une lampe à mon Christ », car le Christ est tout à la fois notre Christ, et le Christ du Père. Il est notre Christ, puisqu’il nous sauve et nous gouverne, de même qu’il est notre Seigneur, et le Fils du Père; mais il est Christ, et pour nous et pour son Père. S’il n’était point le Christ, du Père, il ne serait point dit plus haut: « A cause de David votre serviteur, ne détournez point la face de votre Christ, Sur lui s’épanouira la fleur de ma sainteté ». C’est dans le Christ qu’elle

 

1. Ps. CXXXI, 18.

 

fleurit. Que nul d’entre les hommes n’ose se l’attribuer, puisque c’est le Christ qui sanctifie ; autrement cette parole ne serait point vraie: « C’est en lui que s’épanouira la fleur de ma sanctification ». La gloire de ma sanctification s’épanouira. La sanctification du Christ est donc dans le Christ, et c’est dans le Christ que réside le pouvoir de Dieu dans la sanctification. « Elle fleurira », dit le Prophète, ce qui signifie la gloire. C’est quand les arbres fleurissent qu’ils sont dans leur beauté. Donc la sanctification est dans le baptême, qui lui donne sa fleur et sa gloire. Comment le monde entier s’est-il incliné devant cette beauté? Parce que c’est la beauté du Christ, Mettez-la au pouvoir des hommes, comment fleurira-t-elle, puisque toute chair n’est que du foin, et toute la beauté de la chair n’est que la beauté d’une herbe 1?

 

1. Isa. XL, 6.

 

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