PSAUME CXXXIV
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DISCOURS SUR LE PSAUME CXXXIV.

SERMON AU PEUPLE.

LES OEUVRES DU SEIGNEUR.

 

Bénir ou blasphémer le Seigneur, ce n’est point l’agrandir, ni l’amoindrir, c’est pour nous que nous faisons l’un ou l’autre. Mais pour le bénir, il faut avoir le coeur pur, être debout dans sa maison, et non tombé dans le péché. Nous ne pouvons de nous-mêmes que le bénir. Le Seigneur est bon, non comme les créatures qui tirent de lui leur bonté ; il est la bonté même, et en comparaison de lui, nulle créature ne saurait dire complètement : Je suis. Impuissants à le contempler en lui-même, bénissons-le dans ses oeuvres. Il nous a donné le pain des anges, en se faisant homme, afin que l’homme pût manger ce pain dès cette vie, et s’élever jusqu’à lui. Son nom : Je suis celui qui suis, paraît trop relevé, et il se proportionne à notre faiblesse, en prenant celui de Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob. Il est tel, non-seulement pour les Juifs, mais aussi pour les Gentils qui ont part à l’héritage par la foi, tandis que les enfants du royaume sont bannis. Tandis qu’il a livré aux anges les autres nations, il a choisi spécialement Jacob, non par son propre mérite, mais bien par sa grâce. Ainsi a-t-il greffé l’olivier sauvage sur l’olivier franc. Le Prophète qui est entré dans le sanctuaire de Dieu, nous dit du Seigneur qu’il surpasse tous les dieux, qu’il fait sa volonté, et que louer le Seigneur est le seul acte que nous ne fassions point par quelque contrainte, et que Dieu plaît au juste même dans l’épreuve, et non par l’appât de la récompense. Tel est le sacrifice de louanges, toujours agréable à Dieu, toujours en notre pouvoir. Quant à nous, la loi du péché est un obstacle à notre volonté, en nous-mêmes. Mais Dieu fait sa volonté : dans son Eglise, c’est-à-dire dans le ciel, symbole des hommes spirituels; sur terre, symbole des hommes charnels qui doivent obéir ; dans la mer ou chez les infidèles, dans les abîmes ou dans le secret des coeurs. Il fait venir les nuées ou les prédicateurs, des confins de la terre où ils prêchent l’Evangile, et résout les tonnerres en pluie, changeant sa colère en miséricorde, il tire de ses trésors es vente, ou les prédicateurs de sa grâce.

Les châtiments des princes et des pays sont des symboles. Tuer les premiers-nés de l’Egypte, c’est donner la mort à la foi, dans l’Egypte ou dans la persécution, chez les hommes ou chez les hérésiarques, et chez les bêtes, ou le vulgaire qui les imite. Pharaon ou dispersion est le symbole du schisme, Selon la tentation des yeux, les Amorrhéens ceux qui ont le coeur plein de fiel. Og est la fermeture, barre le chemin qui conduit à Dieu, de là Basan ou confusion. Chanaan est celui qui sera humilié par le jugement.— Dieu exerce encore ces châtiments d’une manière spirituelle. Il a jugé son peuple en séparant les bons des méchants ; en délaissant les Juifs, il s’est fait une maison d’Israël dans les Gentils qui fléchissent le genou et méprisent leurs idoles. Les obstinés d’entre les idolâtres ont égorgé les chrétiens, mais Dieu prévaut coutre eux par sa grâce, et chaque jour ils embrassent la foi.

 

1. C’est un devoir bien doux, mes frères, que le devoir auquel nous exhorte ce psaume, et nous devons nous réjouir d’y trouver tant de douceur. « Louez le nom du Seigneur 1 », nous dit-il. Et aussitôt il ajoute, pour nous montrer combien il est juste de louer le Seigneur : « Louez-le, vous qui êtes ses serviteurs ». Quoi de plus juste? Quoi de plus digne? Quoi de plus agréable? Ne pas louer Dieu, c’est pour ses serviteurs l’orgueil, l’ingratitude, l’impiété. Et ne pas louer Dieu, qu’est-ce autre chose qu’éprouver sa sévérité? Quelle que soit l’ingratitude chez un serviteur, et quoiqu’il s’abstienne de louer son maître, il n’en est pas moins son serviteur. Loue, ne loue pas, tu es toujours serviteur : louer le Seigneur, c’est le rendre propice; ne point le louer, c’est l’offenser. L’exhortation du psaume est donc bonne, elle est utile, et dès lors il vaut mieux chercher le vrai moyen de louer Dieu, que mettre en doute s’il faut

 

1. Ps. CXXXIV, 1.

 

le louer. « Louez donc le nom du Seigneur ». C’est le psaume qui nous engage, le Prophète qui nous engage, l’Esprit de Dieu qui nous engage, le Seigneur lui-même qui nous engage à louer le Seigneur. Ce n’est point lui, mais nous que grandissent les louanges que nous lui donnons; tes louanges n’élèvent point le Seigneur, tes blasphèmes ne l’abaissent point. Mais toi, en louant sa bonté, tu en deviens meilleur, et pire en le blasphémant. Pour lui, il demeure ce qu’il est dans sa bonté. Si Dieu lui-même apprend à ceux qui ont bien mérité de lui, précisé sa parole, gouverné son Eglise, béni son nom, obéi à ses préceptes, s’il leur apprend à garder dans le secret d’une bonne conscience la joie d’une sainte vie, à ne pas se laisser corrompre par les louanges, ni abattre par les outrages des hommes; à combien plus forte raison Dieu lui-même qui nous donne ces leçons, qui est essentiellement immuable, ne sera ni agrandi par tes louanges, ni amoindri par tes outrages! (122) Mais comme c’est à nous que revient l’avantage de louer le Seigneur, c’est par un effet de ses miséricordes, et non de ses exigences qu’il nons ordonne de le faire. Ecoutons donc ce qu’il nous dit : « Louez le nom du Seigneur, louez-le, vous qui le servez ». Rien n’est plus juste pour des serviteurs que de louer leur maître. Quand vous seriez destinés à servir à jamais, vous devriez toujours bénir Je souverain maître; à combien plus forte raison devez-vous le bénir tant que vous êtes serviteurs, afin de mériter d’être ses enfants!

2. Mais il est écrit dans un autre psaume : « C’est aux coeurs droits que convient la louange 1 »; puis dans un autre endroit: « Ce n’est point à la bouche du pécheur qu’il sied de louer Dieu 2 »; et ailleurs encore: « Je trouve mon honneur dans le sacrifice de louange, et telle est la voie dans laquelle je lui montrerai le salut de Dieu 3 » Et un peu après : « Dieu a dit au pécheur : Pourquoi raconter mes justices, et faire passer mon alliance par ta bouche? Toi qui as pris en haine mes lois, et rejeté loin de toi mes discours 4 ». Or, de peur que cette parole: « Louez le Seigneur, vous qui le servez », ne fasse croire à quelque mauvais serviteur qui pourrait se trouver dans cette grande famille, qu’il lui est avantageux de louer le Seigneur, voilà que le Psalmiste ajoute pour caractériser ceux qui doivent louer le Seigneur : « Vous tous qui vous tenez debout dans la maison du Seigneur, dans le parvis de la maison de notre Dieu 5 ». « Qui vous tenez debout», non pas qui tombez. Or, on dit de

ceux-là qu’ils se tiennent debout qui persévèrent dans la pratique des commandements, qui servent Dieu avec une foi sans déguisement, une espérance ferme, une charité sincère, qui honorent l’Eglise, sans donner par une vie honteuse aucun scandale à ceux qui veulent y venir et qui se heurtent souvent en chemin contre la pierre d’achoppement. Donc, « ô vous qui vous tenez debout dans la maison du Seigneur, louez le nom du Seigneur ». Témoignez votre reconnaissance, car vous étiez dehors, vous voilà debout dans l’intérieur. Donc, puisque vous voilà debout, est-ce peu pour vous que l’objet de vos louanges vous ait relevés quand vous étiez couchés, vous ait fait tenir debout dans sa

 

1. Ps. XXXII, 1.— 2.  Eccli. XV, 9.— 3. Ps. XLIX, 23.— 4. LI. 16, 17.— 5. Id. CXXXIV, 2.

 

maison, qu’il vous alt donné de le connaître, de le louer? Est-ce donc pour nous un chétif bienfait que d’être fermes dans la maison du Seigneur? Ne devons-nous pas reconnaître la bonté de Dieu qui nous a placés ici pendant notre exil, dans cette maison qui est le tabernacle de l’exil, et où nous sommes debout? Ne devons-nous point penser d’où nous vient cette fermeté? Ne faut-il point comprendre que tous les impies ne cherchent point le Seigneur, et qu’il a trouvé lui-même ceux qui ne le cherchaient point, qu’en les trouvant il les a relevés, qu’en les relevant il les a appelés, qu’en les appelant il les a introduits, et les a fait tenir fermes dans sa maison ? Quiconque médite ces pensées, et n’est point ingrat, se méprise par amour pour Dieu qui lui a fait tant de grâces. Et comme il n’a rien à rendre au Seigneur pour de tels bienfaits, que lui reste-t-il, sinon de rendre grâces, sans pouvoir s’acquitter? Or, l’action de grâce consiste à prendre le calice du Seigneur et à bénir son nom. Que peut donner un serviteur à son maître en échange des biens qu’il en a reçus 1? Donc, « ô vous qui êtes fermes dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu, bénissez le Seigneur 2 ».

3. Mais que vous dirai-je pour vous inviter à louer le Seigneur? « Que le Seigneur est bon ». Un seul mot renferme toute la louange du Seigneur : « Le Seigneur est bon ». Mais bon, non point de cette bonté que l’on retrouve dans ses créatures. Car le Seigneur a fait très-bonnes toutes ses oeuvres 3 ; non-seulement bonnes, mais très-bonnes. Le ciel, la terre et tout ce qu’ils renferment, voilà des oeuvres bonnes, et même très-bonnes. Mais si toutes ces oeuvres de Dieu sont bonnes, quelle doit être la bonté de celui qui les a faites? Et toutefois, quelle que soit la bonté des créatures, bien que la bonté du Créateur soit incomparablement plus grande, on ne trouve à dire de lui rien de mieux, sinon que « le Seigneur est bon », pourvu que l’on comprenne que de cette bonté vient tout ce qui est bon. Car c’est lui qui a lait tout ce qui est bon; tandis que sa bonté ne lui vient de personne. Il est bon par sa bonté même, et n’emprunte nullement la bonté d’ailleurs; il est bon par lui-même, et non en demeurant attaché à quelque autre bien. « Pour moi, il

 

1. Ps. CXV, 12, 13.— 2. Id. CXXXIV, 3. — 3. Gen. I, 31.

 

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m’est bon de m’attacher à Dieu 1» qui, pour être bon, n’a pas besoin d’un autre, tandis que toutes les créatures ont besoin de lui pour être bonnes. Voulez-vous entendre comment sa bonté lui est propre? Comme on interrogeait le Seigneur, il répondit:

« Nul n’est bon si ce n’est Dieu seul 2 ». Telle est cette bonté particulière à Dieu, sur laquelle je ne veux point passer légèrement, et que je ne puis néanmoins suffisamment vous expliquer. Je crains d’être condamné comme ingrat, si je ne fais que l’effleurer: et je crains aussi de succomber sous le poids des louanges de Dieu, si j’entreprends de l’expliquer. Ecoutez néanmoins, mes frères, et les louanges que je lui donne, et l’aveu de mon insuffisance, de sorte que mes louanges, fussent-elles incomplètes, ma bonne volonté du moins lui soit agréable. Qu’il accepte ma bonne volonté, et pardonne à mon impuissance.

4. Je me sens pénétré d’une indicible douceur quand j’entends dire : « Le Seigneur est bon » ; et après avoir considéré et parcouru des yeux toutes les créatures extérieures, après avoir compris que toutes viennent de Dieu, quelque plaisir qu’elles me causent, je reviens à Dieu qui en est l’auteur, afin de comprendre « combien le Seigneur est bon ». Mais dès que je pénètre en lui-même, autant qu’il m’est possible, je trouve qu’il m’est plus intérieur que moi-même, et bien supérieur à moi-même, puisqu’il est tellement bon qu’il n’a besoin de rien pour être bon. Sans lui, je ne saurais louer les créatures ; mais sans les créatures, je trouve qu’il est parfait, qu’il n’a besoin de rien, qu’il est immuable, qu’il n’a recours au bien de personne pour devenir meilleur, qu’il rie redoute aucun mal qui pourrait l’amoindrir. Et que dirai-je encore ? Parmi les créatures, je trouve que le ciel est bon, que le soleil est bon, que la lune est bonne, que les étoiles sont bonnes, que la terre est bonne, que tout ce qu’elle produit et soutient par les racines est bon ; que tout ce qui marche et se meut est bon, que tout ce qui vole dans les airs, ou nage dans les eaux est bon. J’ajoute même que l’homme est bon: car «du bon trésor de son coeur, l’homme bon tire de bonnes choses 3 ». Je dis que l’ange est bon, non point cet ange qui est tombé par orgueil, et qui s’est fait diable; mais celui qui

 

1. Ps. LXXII, 28. — 2. Matth. XIX, 17. — 3. Id. XII, 35.

 

adhère à son Créateur par l’obéissance. Je dis que toutes ces créatures sont bonnes, mais j’y joins en même temps leurs noms; le ciel est bon, l’ange est bon, l’homme est bon: quant à Dieu, je ne saurais mieux l’appeler que le bien. Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a dit : « L’homme est bon 1»; et aussi : «Nul  n’est bon, si ce n’est Dieu seul 2». N’était-ce point nous stimuler à chercher et à distinguer entre le bien qui est tel par un autre bien, et le bien par lui-même? Combien donc est bon celui qui donne la bonté à tout ce qui est bon ! Tu ne saurais trouver aucun bien qui ne tire de lui sa bonté. Comme ce bien qui donne la bonté, existe par lui-même, il a aussi sa bonté par lui-même. On ne saurait dire des oeuvres qu’il a faites, qu’elles n’existent point; et on ne lui ,fait pas injure en disant des oeuvres qu’il a faites qu’elles ne sont point. Pourquoi les eût-il faites si elles n’existent point ? ou qu’aurait-il fait, si ce qu’il a fait n’est point? Tout ce qu’il a fait existe donc; mais comparant à Dieu même ce qui est son oeuvre, Dieu a dit de lui comme si lui seul existait : « Je suis celui qui suis» ; et encore: «Tu diras aux enfants d’Israël: Celui « qui est m’a envoyé vers vous 3 ». Il ne dit point: C’est le Seigneur tout-puissant, miséricordieux, juste. En le disant, il dirait vrai mais il retranche tous ces attributs par lesquels on pourrait le désigner et le dire Dieu, pour affirmer qu’il s’appelle celui qui est; et comme si tel était son nom, « voici », dit-il, « ce que tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous ». Dieu est, en effet, de telle sorte que toutes ses créatures comparées à lui ne sont point. hors de là, elles sont, puisqu’il les a faites. Mais comparées à lui, elles ne sont point : car être véritablement, être sans changement, il n’y a que Dieu qui soit ainsi. Il est, en effet, celui qui est, comme le bien des biens est le bien. Considérez et voyez que dans tout ce que vous louez en dehors de lui, c’est la bonté que vous louez. Louer ce qui n’est pas bon est une folie. Louer unhomme injuste à cause de son injustice, n’est-ce pas être injuste ? Louer un voleur à cause de ses larcins, n’est-ce pas y prendre part? De même que louer un juste à cause de sa justice, c’est s’associer à lui, du moins par la louange? Car tu ne louerais pas l’homme juste, si tu ne l’aimais;

 

1. Matth. XIX, 35. — 2. Marc, X, 18. — 3. Exod. III, 14.

 

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et tu ne l’aimerais pas, si tu n’avais en toi quelque justice. Si donc tout ce que nous louons n’obtient nos éloges que par la bonté, tu ne saurais avoir pour louer Dieu un motif plus grand et plus solide que sa bonté. Donc, « louez le Seigneur parce qu’il est bon ».

5. Jusques à quand parlerons-nous de sa bonté? Qui peut concevoir en son coeur, ou mesurer combien le Seigneur est bon ? Mais rentrons en nous- mêmes, reconnaissons Dieu en nous , et bénissons l’ouvrier dans ses oeuvres, puisque nous sommes impuissants à le contempler en lui-même. Il est vrai que nous le pourrons un jour, quand notre coeur sera purifié par la foi, de manière à trouver sa joie dans la vérité : mais maintenant, comme nous ne saurions le voir, considérons ses oeuvres, afin de ne point demeurer sans le bénir. « Louez donc le Seigneur», ai-je dit, « parce qu’il est bon; chantez son nom parce qu’il est doux ». Dieu pourrait être bon, sans être doux, s’il ne te donnait à goûter cette douceur; mais il s’est montré bon pour les hommes, au point de leur envoyer un pain du ciel, de livrer pour qu’il devînt un homme et mourût pour les hommes, son propre Fils qui est égal à lui-même, qui est tout ce qu’il est; et ainsi ce que tu es peut te faire goûter ce qui n’est pas encore. Goûter la douceur de Dieu surpassait tes forces; d’une part elle était trop éloignée, trop relevée, et d’autre part, tu étais trop abaissé, trop plongé dans la boue. A cette effroyable distance , il t’a envoyé un médiateur. Homme, tu ne pouvais aller à Dieu, et Dieu s’est fait homme, afin que toi qui es homme, et qui ne saurais t’approcher de Dieu, mais de l’homme, tu pusses par l’homme arriver à Dieu ; et que Jésus-Christ homme fût médiateur entre Dieu et les hommes 1. S’il n’eût été qu’un homme, en suivant ce que tu es toi-même, tu n’aurais pas poussé plus avant; s’il n’eût été qu’un Dieu, impuissant à comprendre Dieu, tu n’eusses pu arriver jusqu’à lui or, Dieu s’est fait homme, afin qu’en suivant cet homme, ce qui est possible pour toi, tu pusses parvenir à Dieu, ce que tu ne pouvais faire. C’est donc lui qui est médiateur, et qui est ainsi devenu doux pour nous. Quoi de plus suave que le pain des anges? Comment Dieu aie serait-il pas doux, quand l’homme a mangé le pain des anges 2? Car l’ange n’a point une

 

1. I Tim. II, 5. — 2. Ps. LXXVII, 25.

 

nourriture, et l’homme une nourriture. Cette nourriture, c’est la vérité, c’est la sagesse, c’est la force de Dieu ; mais tu ne saurais en jouir, à la manière des anges. Comment les anges peuvent-ils jouir de lui? Tel qu’il est : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu;  c’est par lui que tout a été fait 1». Mais toi, comment peux-tu l’atteindre? Parce que «le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous 2». Afin que l’homme pût manger le pain des anges, le Créateur des anges s’est fait homme: « Chantez donc son nom parce qu’il est doux ». Si vous l’avez goûté, chantez-le ; chantez le Seigneur, si vous avez goûté combien il est doux ; si vous goûtez quelque part une douceur, bénissez-le. Quel est l’homme si ingrat envers son cuisinier ou son panetier, qui ne le remercie point par une louange, quand il a trouvé quelques délices dans un ragoût? Si nous ne gardons point le silence dans ces sortes de bien, le garderons-nous pour l’auteur de tous ces biens? « Chantez son nom parce qu’il est doux ».

6. Et maintenant voyez ses oeuvres. Il vous fallait peut-être des efforts pour voir le bien de tous les biens, le bien sans lequel rien n’est bien, le bien qui, sans tout le reste, est le souverain bien ; vous faisiez des efforts pour le voir, et peut-être qu’une telle tension d’esprit demeurait sans succès. Je juge de vous par moi-même, c’est là que j’en suis. Mais s’il est un homme, comme cela est fort possible, qui ait l’esprit plus pénétrant que moi, et qui tienne le regard de son âme longtemps fixé sur ce qui est; que cet homme loue Dieu comme il le peut, et beaucoup mieux que nous ne pouvons nous-mêmes. Toutefois remercions le Seigneur qui, dans notre psaume, a tellement conditionné sa louange, que les forts et les faibles puissent la chanter. Quand il envoyait son serviteur Moïse et lui disait: « Je suis celui qui suis »; et encore : « Tu diras aux enfants d’Israël : Celui qui est m’a envoyé vers vous 3» ; comme cet Etre par soi-même était difficile à saisir pour l’esprit humain, et comme c’était un homme envoyé vers des hommes, quoiqu’il ne fût point envoyé par un homme, le Seigneur tempéra sa louange, et dit de lui-même ce que l’on pouvait comprendre, même avec douceur, et sans s’arrêter à un honneur auquel ne pouvait

 

1. Jean, I, 1. — 2. Ibid. 14. — 3. Exod. III, 14.

 

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atteindre celui qui l’honorait. « Va », dit-il, « et dis aux enfants d’Israël : Le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob m’a envoyé vers vous ; c’est là mon nom pour l’éternité 1 ». Assurément, Seigneur, votre nom est bien tel que vous l’avez dit : « Je suis : Celui qui est m’a envoyé vers vous ». Pourquoi changer votre nom, et vous appeler, « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, et Dieu de Jacob? » Ne te semble-t-il pas que sa raison suprême te répond : dire: « Je suis celui qui suis», est vrai, mais tu ne saurais comprendre. Dire: «Je suis le Dieu d’Abraham,le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », c’est vrai aussi, et tu comprends? « Je suis celui qui suis », c’est un langage qui m’est propre; dire: « Je « suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’isaac, le « Dieu de Jacob », c’est un langage à ta portée. Et si tu te perds dans ce que je suis en moi-même, comprends ce que je suis pour toi. Mais de peur qu’on ne vînt à croire que ce nom u Je suis celui qui suis o; et encore : « Celui qui est m’a envoyé vers vous», c’est là son seul nom dans l’éternité ; tandis que: « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », serait un nom temporel : le Seigneur après avoir dit: «Je suis celui qui suis»; et encore: « Celui qui est m’a envoyé vers vous», n’a pris aucun soin de dire que ce nom lui fût éternel ; car on le comprend, bien qu’il ne le dise point. Il est en effet, et il est véritablement, et dès lors qu’il est dans la force du terme, il n’a ni commencement ni fin. Quant à ce qu’il est à cause des hommes: « Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob », de peur qu’il ne s’élève, dans notre âme certaine inquiétude, parce que c’est là un nom temporel et non pas un nom éternel, Dieu nous rassure, et nous fait passer du temps à la vie éternelle. « C’est là », dit-il, « mon nom pour l’éternité », non pas qu’Abraham soit éternel, ni Isaac éternel, ou Jacob éternel, mais parce que Dieu les rend éternels ensuite et sans fin. Ils n’auront pas de fin, bien qu’ils aient eu un commencement.  

7. Dans Abraham, Isaac et Jacob, voyez, mes frères, toute l’Eglise, voyez toute la postérité d’Israël, et non-seulement la postérité selon la chair, mais aussi la postérité selon la foi. C’est aux Gentils que s’adressait l’Apôtre quand il disait : « Si donc vous êtes du Christ, vous êtes la postérité d’Abraham,

 

1. Exod. III, 15.

 

les héritiers selon la promesse 1 ». Nous avons donc reçu tous la bénédiction de Dieu en Abraham, en Isaac, et en Jacob. Car Dieu a béni un certain arbre, il en a fait un olivier, comme l’a dit l’Apôtre, cet arbre des saints Patriarches, dont la fleur a été le peuple de Dieu. Or, cet olivier a été taillé et non arraché, les branches orgueilleuses en ont été retranchées ; c’est-à-dire les blasphémateurs, les impies du peuple Juif. Il est resté des branches bonnes et utiles; puisque c’est de là que sont venus les Apôtres; et comme ces branches utiles étaient demeurées, la divine miséricorde y a greffé cet olivier sauvage des Gentils à qui l’Apôtre a dit: « Pour toi qui u n’étais qu’un olivier sauvage, tu as été inséré sur l’olivier franc, et tu as part à la séve de l’olive. Ne t’élève point contre les branches. Si tu te glorifies, ce n’est point toi qui portes la racine, mais la racine qui te porte 2 ». Tel est l’arbre unique appartenant à Abraham, à Isaac, à Jacob, et je dirai même que l’olivier sauvage qui a été greffé, tient plus d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, que les branches retranchées. Une fois rompues, ces branches ne sont plus de l’arbre, tandis que l’olivier sauvage, qui n’en était pas, en est maintenant; les unes, par leur orgueil, ont mérité d’être retranchées, tandis que l’autre par son humilité a mérité d’être inséré : les unes sont séparées de la racine, l’autre s’y tient attaché. Dès lors, quand vous entendez nommer l’Israël de Dieu, Israël qui appartient à Dieu, ne vous regardez point comme étrangers. Vous étiez, il est vrai, l’olivier sauvage, maintenant vous êtes l’olivier franc, ayant part à la sève de l’olivier. Voulez-vous voir comment l’olivier sauvage a été inséré en Abraham, en Isaac, et en Jacob, afin de ne point croire que vous n’appartenez point à cet arbre, parce que vous n’êtes point de la postérité d’Abraham selon la chair? Quand le Sauveur admira la foi de ce Centenier, qui n’appartenait point au peuple d’Israël, mais au peuple des Gentils, il s’écria: « C’est pourquoi, je vous le dis, beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident ». Voilà bien le sauvageon dans la main de celui qui va le greffer : « Beaucoup viendront de l’Orient et de l’Occident ». Nous voyons ce qu’il va greffer, mais voyons où il va le greffer: « Et ils reposeront», dit-il, « avec Abraham, Isaac

 

1. Gal. III, 29. — 2. Rom. XX, 17, 18.

 

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et Jacob, dans le royaume des cieux ». Voilà donc ce qu’il doit greffer, et où il doit l’insérer. Que dit-il à propos des branches naturelles? « Quant aux enfants du royaume, ils seront jetés dans les ténèbres extérieures; c’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents 1». Voilà ce qui est prédit, ce qui est accompli.

8. Donc « chantez au Seigneur, parce qu’il est doux ». Et voyez ce qu’il fait pour nous. « Parce que le Seigneur a choisi Jacob, il s’est fait d’Israël un héritage 2». Louez-le, bénissez-le puisqu’il nous a fait une telle grâce. Je ne vous énumère que des bienfaits que vous ne puissiez comprendre. Il a subordonné aux anges les autres nations ; quant à Jacob, il l’a choisi pour lui, il s’est fait un héritage d’Israël. Il s’est fait de son peuple un champ qu’il cultive, qu’il ensemence lui-même. Bien qu’il ait créé toutes les nations, il a subordonné les autres aux anges, il s’est réservé celle-ci pour la posséder, la conserver; c’est ce peuple de Jacob qu’il a choisi. Est-ce à cause de son mérite ou bien par sa grâce ? Avant qu’ils fussent nés, dit l’Apôtre, Dieu avait prononcé que « l’aîné servirait le plus jeune ». Or, quel mérite pouvaient-ils avoir avant leur naissance, avant de pouvoir penser au bien ou au mal? Que Jacob ne s’élève donc point, qu’il ne se glorifie point, qu’il n’attribue rien à ses mérites; car avant tout mérite, il a été connu, prédestiné, choisi; il ne doit donc point son élection à ses mérites, mais à la grâce de Dieu qui l’a choisi et vivifié 3. Il en est de même de toutes les nations; pour être greffé sur l’olivier franc, qu’avait mérité l’olivier sauvage, avec ses fruits amers, et sa stérilité ? C’était un arbre des forêts, et non du champ du Seigneur; et toutefois, le Seigneur par sa miséricorde l’a inséré sur l’olivier franc. Mais il n’était pas encore inséré quand le Seigneur « se choisit Jacob, et fit d’Israël sa possession ».

9. Que dit ensuite le Prophète? « Parce que je connais moi-même combien le Seigneur est grand ». Son âme s’est élevée dans les régions supérieures, au-dessus de la chair et des créatures, et a reconnu que le Seigneur est grand. Tous ne peuvent le voir et le connaître; qu’ils bénissent ses oeuvres : « Il est doux; le Seigneur a choisi pour lui Jacob,

 

1. Matth. VIII, 11, 12.— 2. Ps. CXXXIV, 4.— 3. Rom., IX, 11-13.— 4. Ps. CXXXIV, 5.

 

il a fait d’Israël son héritage ». Bénis-le de cette grâce. Car « pour moi, j’ai connu que le Seigneur est grand ». C’est le Prophète qui nous parle ainsi ; lui qui est entré dans le sanctuaire du Seigneur, et qui a peut-être « entendu de ces choses ineffables, qu’il n’est point au pouvoir de l’homme de redire 1 »; qui a dit aux hommes ce qu’il pouvait en dire, et retenu pour lui ce qu’il y avait d’indicible. Ecoutons-le donc en ce que nous pouvons comprendre, et croyons-le dans ce qui est incompréhensible. Ecoutons cette parole facile pour tous : « Le Seigneur a choisi Jacob, il s’est fait d’Israël un héritage » ; croyons ce que nous ne pouvons comprendre, car il a connu que le Seigneur est grand ». Si nous lui disions : Expliquez-

nous sa grandeur, nous vous en supplions; ne nous répondrait-il pas : Celui dont je vois la grandeur ne serait pas grand, si je la pouvais expliquer? Qu’il en revienne donc aux ouvrages de Dieu, pour nous en parler. Qu’il ait dans sa conscience cette grandeur de Dieu, qu’il a vue, qu’il propose à notre foi, et où il ne saurait diriger nos regards ; mais qu’il nous énumère quelques-unes des oeuvres de Dieu. Si nous ne pouvons en voir, comme lui, la grandeur, que du moins sa bonté nous

apparaisse dans des oeuvres que nous puissions comprendre. « Pour moi», nous dit-il, « j’ai compris combien le Seigneur est grand, et de combien notre Dieu surpasse tous les autres dieux ». Quels dieux? « Bien qu’il y en ait», nous dit l’Apôtre, « qui soient appelés dieux dans le ciel et sur la terre, et qu’il y ait ainsi plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n’y a néanmoins qu’un seul Dieu, qui est le Père, d’où procèdent toutes choses, et qui nous a faits pour lui, et un seul Seigneur Jésus-Christ par qui toutes choses ont été faites, et nous sommes par lui 2 ». Que les hommes soient donc appelés dieux ; puisqu’il est dit: « Le Seigneur s’est assis dans la synagogue des dieux »; et encore : « J’ai dit: Vous êtes des dieux, vous êtes tous les fils du Très-Haut 3 », Dieu n’est-il point au-dessus des hommes? Mais est-ce beaucoup que Dieu soit élevé au-dessus des hommes ? Dieu est supérieur aux anges, puisque les anges n’ont pas créé Dieu, mais Dieu a créé les anges; et le Créateur est nécessairement supérieur à ses

 

1. II Cor. XIX, 4. — 2. I Cor. VIII, 5, 6. — 3. Ps. LXXXI, I, 6.

 

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oeuvres. Or, le Prophète connaissant la grandeur de Dieu, et voyant sa supériorité sur toute créature, non-seulement corporelle, mais spirituelle, s’écrie qu’il est « le grand roi, sur tous les dieux ». C’est lui le Dieu souverain, qui n’a aucun Dieu au-dessus de lui-même. Qu’il nous raconte ses oeuvres, qui sont à notre portée.

10. « Le Seigneur a fait selon sa volonté, dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes 1 » Qui peut comprendre ces choses ? qui peut énumérer les oeuvres du Seigneur dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes? Et toutefois si nous ne pouvions tout comprendre, au moins devons-nous croire fermement que dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes, tout ce qu’il y a de créatures vient de Dieu : parce que c’est lui qui a tout fait dans le ciel et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes, ainsi que nous l’avons dit. Il n’a fait par contrainte aucune de ses oeuvres, mais « il a fait tout ce qu’il lui a plu de faire ». Sa volonté seule a été la cause de toutes ses oeuvres. Voilà que tu bâtis une maison; mais si tu n’en voulais point bâtir, tu demeurerais sans abri; c’est donc la nécessité qui te force de bâtir cette maison, et non pas une volonté libre. Tu fais un vêtement; mais si tu ne le faisais, tu marcherais tout nu. C’est donc la nécessité, et non pas une volonté libre, qui t’amène à faire ce vêtement. Il en est de même quand nous plantons une vigne sur des coteaux, quand nous jetons une semence en terre ; si nous ne le faisions, nous manquerions de nourriture : tout cela est l’oeuvre de la nécessité. Dieu agit par bonté et n’a besoin d’aucune de ses oeuvres. « Il a donc fait ce qu’il a voulu ».

11. Est-il une oeuvre que nous fassions par une volonté libre? Car tout ce que nous avons énuméré est l’oeuvre de la nécessité si nous ne l’eussions fait, il nous eût fallu demeurer dans la pauvreté, dans l’indigence. Trouverons-nous quelque chose qui soit l’oeuvre de notre volonté libre ? Oui, assurément, c’est quand nous louons Dieu par amour. Car tu fais cela d’une volonté libre, quand tu aimes ce que tu loues; ce n’est point l’effet de la nécessité, mais du plaisir que tu y trouves. De là vient que les justes et les saints ont trouvé de la douceur en Dieu, même

 

1. Ps. CXXXIV, 8.

 

quand il les châtiait ; il leur plaisait même dans ce qui inspire à l’injuste de la répulsion et sous le fléau de Dieu, dans l’affliction, dans les peines, dans les plaies, dans la pauvreté, ils bénissaient Dieu ; sa conduite même sévère ne leur a point déplu. C’est là aimer gratuitement, et non par l’appât d’une récompense; car Dieu que nous aimons gratuitement sera lui-même notre suprême récompense : et tu dois l’aimer de manière à ne pas cesser de le désirer pour récompense, puisque lui seul peut te rassasier; c’est ce que Philippe désirait quand il disait : « Montrez-nous le Père et cela nous suffit 1 ». Et c’est avec raison, puisque nous le faisons par une volonté libre, et que nous devons le faire librement; puisque nous le faisons par attrait, nous le faisons avec amour : et quand même il nous châtierait, il ne doit pas nous déplaire, puisqu’il est toujours juste. C’est là ce que nous dit le Prophète en chantant ses louanges : « Seigneur, les voeux que je vous offrirai sont dans mon coeur, et les louanges que je dois vous rendre 2 ». Et ailleurs : « Je vous offrirai des sacrifices volontaires 3 ». Qu’est-ce à dire, « je vous offrirai des sacrifices volontaires ? » Je vous bénirai de bonne volonté. Car « c’est le sacrifice de louanges, dit le Seigneur, qui me glorifiera ». Si l’on te forçait d’offrir à ton Dieu un sacrifice qui lui fût agréable et selon la loi, comme l’on offrait autrefois des sacrifices qui figuraient l’avenir, tu ne saurais peut-être trouver dans tes troupeaux un taureau convenable, et parmi tes chèvres un bouc qui fût digne de l’autel du Seigneur, ni dans tes étables un bélier qui pût être offert en sacrifice; et dans ton impuissance à trouver ce que tu dois faire, tu dirais peut-être à Dieu : J’ai voulu, mais je n’ai pu. Mais en fait de louanges, oseras-tu dire: J’ai voulu, et je n’ai pu ? Vouloir, c’est une louange. Car Dieu ne demande point tes paroles, mais ton coeur. Car enfin, tu pourrais dire : Je n’ai point de langue. Qu’un homme devienne muet par quelque maladie, il n’a point de langue et n’en loue pas moins le Seigneur. Si le Seigneur avait des oreilles de chair, s’il avait besoin que la voix résonnât pour l’entendre, n’avoir plus de langue, ce serait n’avoir plus de louanges à lui offrir ; mais comme c’est le coeur qu’il cherche et le coeur qu’il regarde,

 

1. Jean, XXV, 8.— 2. Ps. LV, 12.— 3. Id. LIII, 8.—  4. Id. XLIX, 23.

 

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il est témoin de ce qui se lasse à l’intérieur, il est juge, il t’approuve, il t’aide, il te couronne 1 ; il lui suffit de ta volonté. Si tu le peux, confesse-le de bouche pour être sauvé ; si tu ne saurais, crois dans ton coeur pour être juste. C’est ton coeur qui loue, ton coeur qui bénit, ton coeur qui offre de saintes victimes sur l’autel de ta conscience; et l’on te répond: « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté 2 ».

12. Dieu donc, dans sa toute-puissance, « a fait selon sa volonté toutes ses oeuvres dans le ciel et sur la terre » ; mais toi, dans ta maison, tu ne fais point ce que tu voudrais. Pour lui, u il a fait tout ce qu’il a voulu, dans « le ciel et sur la terre » ; toi, fais ce que tu voudras, même dans ton champ. Tu veux bien souvent, et tu ne saurais faire ta volonté dans ta maison. Une épouse te contredit, des enfants te contredisent, un domestique a souvent l’audace de te contredire, et tu ne fais point ce que tu voudrais. Mais, diras-tu, je fais ma volonté, et je sais châtier quiconque ose désobéir ou contredire. Tu ne fais pas même cela toutes les fois que tu le voudrais souvent tu veux châtier sans le pouvoir faire; tu menaces quelquefois, et tu es surpris par la mort avant d’avoir mis tes menaces à exécution. Et jusque dans toi-même, fais-tu ce que tu veux? Mets-tu un frein à tes passions? Admettons ce frein, empêche-t-il tes liassions de se soulever ? Tu voudrais, je le crois, ne ressentir aucun chatouillement de tes passions; et néanmoins : « La chair se soulève contre l’esprit, et l’esprit contre la chair, de manière que vous ne faites point ce que vous voulez  3». Tu me fais donc pas en toi-même ce que tu voudrais: « Mais Dieu a fait tout ce qu’il a voulu dans le ciel et sur la terre». Puisse-t-il te donner la grâce de faire en toi-même ce que tu voudras! si lui-même ne te soutient, tu ne feras pas en toi-même ta volonté. Il ne faisait point en lui-même sa volonté non plus, celui qui disait: « La chair se soulève contre l’esprit, et l’esprit se soulève contre la chair, en sorte que vous ne faites point votre volonté » : et en gémissant sur lui-même, il ajoute: « Selon l’homme intérieur, je trouve du plaisir dans la loi de Dieu, muais je sens dans mes membres une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me tient captif sous la loi du

 

1. Rom. I, 10.— 2. Luc, II, 14.— 3. Gal. V, 27.

 

péché qui est dans mes membres 1 » ; et comme, non-seulement dans sa maison, non-seulement dans son champ, mais pas même dans sa chair et dans son esprit, il n’accomplissait sa volonté, il poussait des cris vers Dieu qui « a fait tout ce qu’il a voulu dans le ciel et sur la terre » ; qui a dit : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera e du corps de cette mort 2 ? » et à qui Dieu dans sa bonté, dans sa douceur, suggéra comme une réponse: « La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur  3 ». Telle est, mes frères, la douceur qu’il faut aimer, la douceur qu’il faut louer. Comprenez que Dieu qui « a fait tout ce qu’il a voulu , dans le ciel et sur la terre », fera aussi en vous ce que vous voulez, et qu’avec son secours vous accomplirez votre volonté. Mais, tant que vous êtes impuissants, confessez votre faiblesse, et quand vous pourrez, criez vers lui; de la terre où vous êtes abattus, rendez-lui grâces; une fois debout, ne vous enorgueillissez point. C’est donc le Seigneur qui « a fait sa volonté dans le ciel, sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes ».

13. « Lui qui fait venir les nuées des extrémités de la terre 4 ». Nous voyons ces oeuvres du Seigneur dans ce qu’il a créé. Des extrémités de la terre , les nuées viennent au milieu, et répandent la pluie: tu ne sais d’où elles sont venues. Donc ce mot du Prophète, « des extrémités de la terre », ou du fond de la terre, ou des alentours de la terre, nous indique de quel endroit Dieu tire les nuées, mais toujours de la terre. « Il résout les tonnerres en pluie ». Sans pluie les tonnerres seraient effrayants , mais ne donneraient rien. « Dieu résout les tonnerres en pluie ». Il tonne et tu trembles; il pleut, et tu te réjouis. « Dieu donc résout les tonnerres en pluie » : celui qui t’a effrayé, te donne de la joie. « C’est lui qui tire les vents de ses trésors» : c’est-à-dire d’une cause que tu ignores : et toutefois tu dois à Dieu d’être assez pieux pour croire que le vent mie soufflerait point si celui qui l’a fait ne lui en avait donné l’ordre, si le Créateur ne l’avait produit.

14. Voilà donc ce que nous voyons dans la création, et nous en louons Dieu, maous l’ad. mirons, nous le bénissons: voyons ce qu’il fait parmi les hommes en faveur de son

 

1. Rom. VII, 22, 23.— 2. Id. 24.—  3. Id. 25.— 4. Ps. CXXIV, 7.

 

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peuple. « C’est lui qui a frappé les premiers-nés de l’Egypte 1». Tout cela est écrit de Dieu afin de te le faire aimer, et non écrit pour te le faire craindre. Mais vois que dans sa colère il fait aussi sa volonté. « Il a frappé  les premiers-nés de l’Egypte, depuis l’homme jusqu’à la bête. Il a envoyé ses signes et ses prodiges au milieu de toi, ô Egypte 2 ». Vous connaissez tout cela ; vous avez lu tout ce que la puissance du Seigneur a opéré en Egypte par Moïse, pour effrayer, pour frapper, pour humilier les Egyptiens orgueilleux. « Contre Pharaon, et contre tous ses serviteurs». C’est peu de ce qui arriva en Egypte; qu’a-t-il fait pour son peuple après l’en avoir tiré ? « Il a frappé plusieurs nations », qui possédaient cette terre que Dieu voulait donner à son peuple. « Il a tué de puissants rois: Seon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan, et tous les royaumes de Chanaan 3». Tous ces faits que le Psalmiste, ne fait qu’effleurer sont racontés dans les autres livres sacrés, et le Seigneur signala sa puissance. A la vue de ses vengeances contre les impies, crains pour toi-même. Car Dieu ne les a exercées que pour te les faire éviter, te détourner de leurs voies, et t’exempter de sa colère. Considère néanmoins que la vengeance du Seigneur est sur toute chair. Ne t’imagine point qu’il ne voie point tes fautes, ou qu’il te méprise, ou qu’il dorme : vois dans tes lectures les preuves de ses bienfaits, et crains à la lecture de ses vengeances. Il est tout-puissant, et pour consoler, et pour châtier. De là vient l’utilité de ces lectures. Or, quand un homme de bien voit ce qu’a souffert un méchant, il se purifie de toute malice, de peur de tomber dans une telle épreuve, un tel châtiment. Ces lectures donc vous sont très-utiles. Qu’a fait ensuite le Seigneur ? Il a chassé les impies, « et a donné leur terre en héritage, pour être l’héritage d’Israël son serviteur 4 ».

15. Voici maintenant les transports de la louange : « Seigneur, votre nom subsistera éternellement 5» après tout ce que vous avez fait. Que vois-je en effet dans vos oeuvres? J’élève mes regards sur votre création dans le ciel, je considère cette partie la plus basse que nous habitons, et j’y vois vos bienfaits dans les nuées, dans les vents, et dans les pluies. Je considère votre peuple: vous l’avez

 

1. Ps. CXXXIV, 8.— 2. Id. 9.—  3. Id. 10, 11. —  4. Id. 12. — 5. Id. 17.

 

tiré de la maison de la servitude, vous avez fait éclater vos merveilles au milieu de ses ennemis, vous l’avez vengé de ceux qui le persécutaient, vous avez chassé les impies de leur terre, vous avez tué leurs rois et donné leur terre à votre peuple:voilà ce que j’ai vu, et, plein de vos louanges, j’ai dit: « Seigneur, votre nom subsistera éternellement».

16. Nous voyons à la lettre ce que le Prophète vient de marquer, nous le savons, nous en louons Dieu. Mais s’il y a dans tout cela des symboles, ne vous impatientez point quand je vous les explique de mon mieux. Voilà que l’on peut appliquer aux hommes ce que le Prophète a dit de Dieu qu’ « il a fait dans le ciel: et la terre tout ce qu’il a voulu ». La voûte céleste désigne les hommes spirituels, et la terre les hommes charnels: ces deux catégories forment l’Eglise de Dieu, comme le ciel et la terre, et aux spirituels appartient la prédication , comme l’obéissance aux hommes charnels. Car « les cieux aussi annoncent la gloire de Dieu, et le firmament publie l’oeuvre de ses mains 1 ».Car si la terre de Dieu ne désignait pas son peuple, l’Apôtre ne dirait point: « Vous êtes l’édifice de Dieu, vous êtes le champ qu’il cultive; comme un sage architecte, j’ai posé le fondement, mais un autre bâtit dessus 2 ». Nous sommes donc l’édifice du Seigneur, le champ du Seigneur. « Quel est l’homme», dit-il, « qui plante une vigne, et qui n’en récolte pas le fruit? Moi j’ai planté, Apollo a arrosé, mais c’est Dieu qui donne l’accroissement 3». Doive, aussi bien que dans le ciel et sur la terre, le Seigneur a fait tout ce qu’il a voulu dans son Eglise, et dans ses prédicateurs, et dans ses peuples. C’est peu que Dieu l’ait fait dans ceux-là, « il a fait dans la mer et dans tous les abîmes, selon ses volontés ». La mer désigne tous les infidèles qui n’ont pas encore la foi; et Dieu a fait en eux selon sa volonté. Les infidèles ne sévissent que par la permission de Dieu, et quand ils sont dépravés, on ne tiré d’eux aucune vengeance que ne la permette celui qui a fait toutes les nations. Parce que la nier est la mer, et non la terre, peut-elle donc pour cela se soustraire à la puissance de Dieu? « Il a fait selon sa volonté et dans la mer et dans tous les abîmes». Quels sont les abîmes? Le secret des coeurs chez les mortels, les profondes

 

1. Ps. XVIII, 2.— 2. I Cor III, 9,10. — 3. Id, IX,7; III, 6.

 

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pensées des hommes. Comment Dieu y agit-il selon sa volonté? « Parce que le Seigneur interroge le juste et l’impie; mais celui qui aime l’iniquité hait son âme 1 » Où le Seigneur peut-il le sonder? Il est écrit ailleurs : « C’est dans les pensées de l’impie que Dieu l’interroge 2. Le Seigneur fait donc selon sa volonté dans tous les abîmes ». Le coeur qui est bon est caché, le coeur qui est méchant nous est caché aussi, le coeur qui est bon est un abîme, comme le méchant est un abîme; mais tout cela est à découvert pour Dieu à qui

rien n’échappe. Il est la consolation du coeur qui est bon, le tourment d’un coeur pervers.

Donc « il a fait selon sa volonté dans le ciel, sur la terre, dans la mer, et dans tous les abîmes».

17. « Il fait venir les nuées des extrémités de la terre 3 ». Quelles nuées? Les prédicateurs de sa vérité: c’est à propos de ces nuées que dans sa colère contre sa vigne il a dit « Je donnerai ordre à mes nuées de ne répandre aucune pluie sur elle 4 ». C’est peu d’avoir fait venir de Jérusalem ou d’Israël ces nuées qu’il envoya prêcher son Evangile dans l’univers entier, selon ce qui est prédit de ces nuées : « Leur voix a retenti sur toute la terre, et le bruit de leurs paroles jusqu’aux confins du monde 5». Cela est peu; mais comme le Seigneur a dit lui-même: « Cet Evangile du royaume sera prêché dans tout le monde pour servir de témoignage à toutes les nations 6 », il fait venir les nuées des confins de la terre. Car à mesure que s’étendra la prédication de l’Evangile, comment les prédicateurs de cet Evangile seraient-ils des confins de la terre, si le Seigneur n’y suscitait des nuées? Or, que fait-il au sujet de ces nuages? « Il résout les tonnerres en pluie». Ses menaces se changent en miséricorde, ses tonnerres deviennent la pluie. Comment ses terreurs se changent-elles en rosée? Quand le Seigneur te menace par ses Prophètes, ou par ses Apôtres,et que tu es dans la crainte, n’est-ce pas un tonnerre qui t’effraie? Mais quand la pénitence te corrige, que tu vois en cela un acte de miséricorde, l’éclat du tonnerre se change en pluie. « C’est lui qui tire les vents de ses trésors ». Je crois que ces mêmes prédicateurs sont tout à la fois des vents et des nuées; nuées à cause de la chair, vents à

 

1. Ps. X, 6. — 2. Sag. I, 9. — 3. Ps. CXXXIV, 7. —  4. Isa. V, 6. — 5. Ps. XVIII, 5. — 6. Matth XXIV, 14

 

cause de l’esprit. On voit les nuées, on sent les vents qu’on ne voit point. Enfin, parce que nous voyons que la chair vient de la terre, le Prophète nous dit que Dieu « les fait sortir des extrémités de la terre ». Il nous avait marqué d’où le Seigneur fait venir les nuées: et quant aux vents, comme on ne sait d’où vient l’esprit de l’homme 1, il nous dit que « Dieu tire les vents de ses trésors ». Un peu d’attention, mes frères, et voyons le reste.

18. « C’est lui qui a frappé les premiers-nés de l’Egypte, depuis les hommes jusqu’aux bêtes 2 ». Que Dieu par sa miséricorde conserve nos premiers-nés, puisqu’ils nous viennent de sa faveur. C’est un pénible châtiment, c’est une plaie bien cruelle que la mort des premiers-nés. Quels sont les premiers-nés pour nous? Nos premiers-nés sont les oeuvres par lesquelles nous servons Dieu. Car nous avons pour prémices la foi; c’est par là que nous commençons. Il a été dit à l’Eglise: «Tu viendras et tu passeras outre, en commençant par la foi 3 ». Or, nul ne commence une vie sainte, sinon par la foi. C’est donc la foi qui est notre premier-né. Conservons bien la foi, et le reste Peut suivre. Ce qui fait que les hommes deviennent de plus en plus purs, qu’ils font des progrès dans la vertu, qu’ils mènent une vie plus sainte, et que l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour, selon cette parole de l’Apôtre « Bien que l’homme extérieur s’en aille en corruption, l’homme intérieur néanmoins se renouvelle de jour en jour 4 » ; c’est la foi qui vit en nous dans sa pureté primitive; et c’est de cette foi première que l’Apôtre a dit : « Non-seulement les autres créatures, mais nous-mêmes qui avons les prémices de l’Esprit»; c’est-à-dire, nous qui donnons à Dieu les prémices de notre esprit, ou notre foi qui est comme notre premier-né; « néanmoins nous gémissons en nous-mêmes, dans l’attente de l’adoption, qui sera la délivrance de notre corps 5 ». Si donc c’est une grande faveur de Dieu que la conservation de notre foi, c’est un grand châtiment que la mort de nos premiers-nés, lorsque les hommes en viennent à perdre la foi dans les persécutions de l’Eglise. Car on n’afflige l’Eglise que pour détruire la foi, et l’Egypte signifie affliction. Quiconque dès lors afflige l’Eglise, quiconque

 

1. Jean, III,8. — 2. Ps. CXXXIV, 8. — 3. Cant. IV, 8, suiv. les Sept. — 4. II Cor. IV, 16. — 5. Rom. VIII, 23. 1

 

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jette le scandale dans l’Eglise, eût-il le nom de chrétien, celui-là perd son premier-né. Il ne sera plus qu’un infidèle, un homme vide, n’ayant que le nom et le signe; mais son premier-né est enseveli dans son coeur. C’est au point que si vous lui parlez d’une vie sainte, des espérances de la vie éternelle, de la crainte des flammes inextinguibles, il ricane en lui-même, et, s’il en a l’audace en votre présence, il vous dira d’une lèvre grimaçante : Quel est celui qui en est revenu ? Les hommes parlent comme il leur plaît. Et pourtant il est chrétien; mais comme il afflige l’Eglise, son premier-né est mort, sa foi est morte: et cela « depuis l’homme jusqu’à la bête ». Je vous dirai toute ma pensée, mes frères. Le mot d’homme signifie pour moi, dans le sens spirituel, les savants, à cause de l’âme qui est raisonnable, et qui fait l’homme proprement dit ; par la bête, j’entends les ignorants, et qui ont la foi néanmoins, autrement ils n’auraient pas de premiers-nés. Il y a des savants qui affligent l’Eglise, en faisant des schismes et des hérésies. On ne saurait dès lors trouver en eux la foi, puisqu’ils sont devenus l’Egypte, ou l’affliction pour le peuple de Dieu. Leurs Premiers-nés sont frappés de mort : ils entraînent après eux des troupes ignorantes, et telle est la bête du psaunïe. C’est donc par l’effort de leur persécution contre l’Eglise que meurt la foi chez les persécuteurs. Les premiers-nés meurent donc et chez les savants et chez les ignorants; parce que Dieu a frappé de mort les premiers-nés des Egyptiens, « depuis l’homme jusqu’à la bête».

19. « Il a envoyé des signes et des prodiges contre toi, ô Egypte, contre Pharaon, et contre tous ses serviteurs 1 ». Ce Pharaon était roi d’Egypte. Ecoutez ce nom, et voyez comment le Seigneur en agit ainsi. Dans toute nation le roi est le premier; or, l’Egypte signifie l’affliction, et Pharaon, la dispersion. L’affliction a donc pour roi la dispersion; parce que tout homme qui afflige l’Eglise ne le fait qu’en se dispersant. lis sont dispersés afin de l’affliger; car le roi ouvre la marche, elle peuple suit; la dispersion d’abord, l’affliction ensuite, Ecoutez, écoutez bien ces noms, qui sont mystérieux et pleins de sagesse. Pas un seul de ces noms qui ont servi aux vengeances du Seigneur, ne saurait s’entendre en bien.

 

1. Ps. CXXXIV, 9.

 

20. « Il a frappé plusieurs nations, il a tué des rois puissants ». Quels rois et quelles nations ? « Seon, roi des Amorrhéens 1 ». Ecoutez ces noms pleins de mystères. Le Seigneur, est-il dit, tua Seon, roi des Amorrhéens. Il le tua sans aucun doute, et puisse-t-il le tuer dans le coeur de tous ses serviteurs, dans toutes les épreuves de l’Eglise ! Puisse sa main ne cesser de donner la mort à de tels rois et à de tels peuples ! car Seon signifie tentation des yeux, et ces Amorrhéens signifient les coeurs pleins d’amertume. Voyez maintenant si nous pouvons comprendre que les coeurs pleins d’amertume aient pour roi la tentation des yeux. La tentation des yeux n’est autre que le mensonge, qui a une couleur, mais nulle solidité. Mais comment s’étonner que les gens pleins d’amertume aient un roi, et pour roi le mensonge? Si tout d’abord il y avait dans l’Eglise du mensonge et de la dissimulation, il n’y aurait point de coeurs amers. Il y a de l’amertume parce qu’il y a de l’hypocrisie. La tentation des yeux vient tout d’abord, l’amertume ensuite; et c’est dans le démon qu’elle a marché tout d’abord. Car n’est-ce point déjà une tentation des yeux « qu’il se transforme en ange de lumière 2 ? » Que la main du Seigneur tue l’un et les autres; l’un, afin qu’il ne séduise plus; les autres, afin qu’ils se corrigent. Car ce roi est mis à mort chez tout homme qui condamne l’hypocrisie, et qui aime la vérité. La main de Dieu ne cesse de faire ces sortes de meurtres. Il le fit à la lettre contre ce prince; il le fait d’une manière spirituelle et accomplit ce qu’il ne montrait alors qu’en figure. Il mit aussi à mort un autre roi et un autre peuple: « Et Og, roi de Basan ». Quelle impiété chez celui-ci ! Og désigne la fermeture, et Basan la confusion. Un roi qui ferme le chemin vers Dieu est un roi méchant. Voilà ce que fait le diable, qui nous oppose toujours ses inventions, ses idoles, qui se pose lui-même comme nécessaire, au moyen de ses magiciens sacrilèges, de ses augures, de ses aruspices, de ses devins, de son culte démoniaque, et ferme le chemin qui conduit à Dieu. De même que le Christ nous ouvre la voie qui avait été fermée, selon cette parole d’un de ceux qu’il a rachetés : « Grâce à mon Dieu, je traverserai la muraille 3 » ; de même le diable

 

1. Ps. CXXXIV, 10, 11. — 2. I Cor. XI, 14. — 3. Ps. XVII, 30.

 

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ne cherche qu’à fermer la voie, pour nous empêcher de croire en Dieu. C’est en effet la croyance en Dieu qui nous ouvre le chemin 1. Mais si la voie nous est fermée par l’incrédulité, que reste-t-il aux incrédules, sinon la confusion, quand viendra celui qu’a repoussé leur incrédulité ? Pourquoi? Parce que la fermeture vient d’abord, et ensuite la confusion. La fermeture marche en avant comme roi, la confusion vient ensuite comme peuple. Ceux que le démon enferme afin qu’ils ne croient point au Christ, seront confondus quand le Christ apparaîtra, et leurs iniquités s’élèveront contre eux-mêmes. Alors les impies diront dans leur confusion: De quoi nous a servi notre orgueil 2? Voilà, mes frères, de grands mystères. La dispersion est le roi de l’affliction, et les peuples ne sont désunis que pour être affligés. Oui, voilà de grands mystères. La tentation des yeux, ou la fausseté, est le roi des coeurs amers; ils trompent afin de répandre leur amertume. La fermeture est le roi de la confusion; car on ferme d’abord tout chemin à la foi, et il ne reste que la confusion pour le moment où viendra celui en qui l’on n’a point voulu croire. Dieu tua aussi tous les « royaumes de Chanaan ». Ce nom de Chanaan signifie prêt à l’humiliation. Or, l’humiliation désignerait un certain bien, pourvu qu’elle fût utile; mais quand elle est dure pour l’homme humilié, elle devient une peine. S’il n’y avait une peine dans l’humiliation, l’Evangile ne dirait point : « Quiconque s’élève sera humilié 3». Un châtiment qui doit mous humilier n’est donc pas un bienfait. Chanaan dès lors est ici un orgueilleux. Tout impie, tout infidèle élève son coeur; il refuse de croire en Dieu. Mais cet orgueil est destiné à l’humiliation pour le jour du jugement : c’est alors qu’il sera humilié contre son gré. Car il y a des vases de colère, qui ne sont faits que pour la perdition 4. ici-bas qu’ils s’élèvent, qu’ils raillent, qu’ils prennent le pas sur les fidèles, décochent sur eux leurs sarcasmes , et leurs blasphèmes sur les chrétiens. Qu’ils traitent de fable ce que nous disons du jugement; cet échafaudage d’orgueil est destiné à l’humiliation. Quand viendra ce juge dont l’annonce provoque leur dérision, alors sera humilié

 

1. Jean, XIV, 6. — 2. Sag. V, 8. — 3. Luc, XIV, 11; XVIII, 14. — 4. Rom. IX, 22.

 

non pour son salut, mais pour son supplice, celui qui s’élève maintenant avec orgueil. Maintenant il n’est pas humilié; mais il est destiné à l’humiliation, c’est-à-dire destiné à la damnation, destiné à l’expiation.

21. Voilà donc tout ce que Dieu détruit; il le détruisit autrefois visiblement, quand nos pères sortirent de la terre d’Egypte; aujourd’hui il le détruit d’une manière spirituelle, et sa main ne cessera de le faire jusqu’à la fin des siècles. Et pour nous empêcher de croire que Dieu ait alors épuisé sa puissance, le Prophète ajoute : « Votre nom, Seigneur, est pour toujours » ; c’est-à-dire, voire miséricorde, votre main puissante ne cesse, dans le cours des siècles, de faire ce que vous faisiez alors en figure : « Car tout ce qui arrivait alors aux Juifs était figuratif; on l’a consigné, afin de nous en instruire, nous qui venons à la fin des temps. Seigneur, votre mémoire s’étend de génération en génération 1». Or, il y a génération et génération; il est une génération qui nous met au nombre des fidèles, en nous faisant renaître par le baptême, et une génération qui nous fait ressusciter d’entre les morts, et nous met au nombre des anges pour la vie éternelle. Mais votre mémoire, ô mon Dieu, est au-dessus de l’une et de l’autre de ces générations, parce que le Seigneur n’a point oublié de nous appeler dès aujourd’hui, et qu’il n’oubliera point alors de nous couronner. « Votre mémoire, Seigneur, passera de génération en génération ».

22. « Car le Seigneur a jugé son peuple 2». Tout cela s’est accompli dans le peuple juif. Mais a-t-il cessé d’agir, après avoir introduit son peuple dans la terre promise? Il le jugera sans doute: «Le Seigneur a jugé son peuple, et il se laissera fléchir par ses serviteurs . » Déjà il a jugé son peuple, et sans parler du jugement à venir, il a fait éclater ses jugements sur le peuple juif. Qu’est-ce à dire que ce peuple est jugé? Que les justes en sont séparés, qu’il n’y demeure que les injustes. Si je me trompe, ou si l’on m’accuse d’erreur, parce que j’ai dit que ce peuple a déjà subi son jugement, écoutons cette parole du Seigneur: « Je suis venu dans ce monde pour juger, afin que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles 3 ». Les orgueilleux sont devenus

 

1. I Cor. X, 11. —  2. Ps. CXXXIV, 14. — 3. Jean, IX, 39.

 

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aveugles, et les humbles ont été éclairés. « Le Seigneur a donc jugé son peuple ». Isaïe a parlé de ce jugement: « Et maintenant, ô toi, maison de Jacob, marchons dans la lumière du Seigneur ». C’est peu encore, qu’est-il dit ensuite? Car Dieu a abandonné son peuple, la maison d’Israël. La maison de Jacob est en effet la maison d’Israël, et dire Jacob c’est dire Israël. Vous connaissez les saintes Ecritures, et il me semble qu’il vous revient à l’esprit que Jaeob, voyant un ange qui luttait contre lui, reçut alors le nom d’Israël 2. Jacob est donc le même homme, la même personne qu’Israël; et dès lors la maison de Jacob ou la maison d’Israël, c’est une même nation, un même peuple. Et voilà que Dieu appelle l’un et rejette l’autre. Et maintenant tu ne saurais le désavouer, ô maison de Jacob, tu as tué le Christ, tu as branlé la tête devant la croix, tu as raillé celui qui y était pendu, tu as dit: « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix 3 ». Le Médecin a prié pour ces frénétiques: « Mon Père, pardonnez-leur, ils ne savent ce qu’ils font ». Voilà tout ce que tu as fait. Et maintenant, crois en celui que tu as mis à mort, et bois le sang que tu as répandu. Toi donc, ô maison de Jacob, je veux t’exposer par le témoignage d’Isaïe ces paroles du Psalmiste : « Le Seigneur a jugé son peuple, et il se laissera fléchir par ses serviteurs ». Il faut comprendre que Dieu a jugé son peuple, lorsque dans ce même peuple il a séparé les bons des méchants, les fidèles des infidèles, les Apôtres des Juifs menteurs. Voilà, comme j’avais commencé à vous le dire, ce que le Seigneur nous annonçait par son Prophète : « Après ces malheurs que tu as endurés, ô maison de Jacob, venez, marchons à la lumière du Seigneur». Pourquoi, vous dis-je, « venez et « marchons à la lumière du Seigneur ? » De peur qu’en demeurant dans le judaïsme, vous n’arriviez pas au Christ. Pourquoi en effet? Le Christ n’a-t-il pas été toujours prophétisé dans ce même peuple? Il est vrai; mais maintenant il a délaissé son peuple, qui est la maison d’Israël. Viens donc, ô maison de Jacob, puisque le Seigneur a délaissé son peuple qui est la maison de Jacob; viens, ô maison d’Israël, puisque le Seigneur a délaissé son peuple la maison d’Israël. Pourquoi celle-ci

 

1. Isa, II, 5, 6. — 2. Gen. XXXII, 28. — 3. Matth. XXVII, 39-13. — 4. Luc, XXIII, 34, 35.

 

vient-elle et l’autre est-elle délaissée, sinon parce que tel est le jugement du Seigneur « Que ceux qui ne voient point verront, et que ceux qui voient seront aveugles 1? » Et le Seigneur l’a exercé sur son peuple. Il a donc fait la séparation; mais n’y trouvera-t-il personne à rétablir dans son royaume? Assurément il trouvera quelqu’un. « Mais il se laissera fléchir par ses serviteurs. Il n’a point repoussé », dit l’Apôtre, « ce peuple qu’il s’était choisi 2». Et quelle preuve en donne-t-il? « Car, moi aussi, je suis Israélite ». Donc le Seigneur a jugé son peuple, « en séparant les bons des méchants » ; c’est-à-dire « en se laissant fléchir par ses serviteurs ». Par qui? Par les Gentils. Combien de Gentils sont venus à lui par la foi ! Combien de campagnes, combien de déserts viennent à lui maintenant ! Ils viennent de là en troupes sans nombre, ils veulent croire et nous leur disons: Que voulez-vous? Connaître la gloire de Dieu. Croyez, mes frères, que cette réponse dans les campagnes nous jette dans l’admiration et dans la joie. Ils viennent je ne sais d’où, stimulés par je ne sais qui. Que dis-je, je ne sais par qui? Je le sais bien au contraire; puisque « personne», dit le Seigneur, « ne vient à moi, si mon Père ne l’attire 3 ». Ils viennent à l’Eglise, et des forêts, et du désert, et des montagnes les plus éloignées et les plus abruptes, et tous ou presque tous nous tiennent le même langage, én sorte que nous reconnaissons que c’est Dieu qui les instruit. Ainsi s’accomplit celle parole prophétique : «Ils seront tous instruits par Dieu  4». Nous leur demandons: Que désirez-vous? Et ils nous répondent : Voir la gloire de Dieu. « Car tous ont péché, et tous ont besoin de la gloire du Seigneur  5». Ils croient, ils sont consacrés à Dieu, ils veulent qu’on leur donne un clergé. N’est-ce point ainsi que s’accomplit cette parole : « II se laissera fléchir par ses serviteurs? »

23. Après avoir ainsi tout disposé dans un ordre sacré, l’Esprit de Dieu jette aux idoles des nations que méprisent leurs adorateurs, cette suprême ironie : « Les idoles des nations ne sont que de l’or et de l’argent ». Lorsque Dieu fait ainsi sa volonté dans le ciel et sur la terre, quand il a jugé son peuple, et s’est laissé fléchir par les supplications

 

1. Jean, IX, 39.— 2. Rom. XI, I, 2.— 3. Jean, VI, 1, 2. — 4. Isa. LIV, 13; Jean, VI, 45. —  5. Rom. III, 23.

 

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de ses serviteurs, que peut-on dire d’une idole, sinon qu’elle est méprisable et non adorable? Pour nous porter à couvrir d’un souverain mépris toutes ces idoles des nations, peut-être croirons-nous que le Prophète aurait dû dire : Les idoles des nations sont du bois et de la terre, du gypse? Je ne parle point ainsi, nous dit le Prophète, ces matières sont trop viles; mais je désigne ce qui est pour les hommes un objet d’amour, ce qu’ils regardent comme précieux, et je dis: « Les idoles des nations sont de l’or et de l’argent 1». C’est bien de l’or, c’est bien de l’argent. Mais parce qu’il y a du brillant dans l’argent, du brillant dans l’or, ont-ils vraiment des yeux pour voir? Comme c’est de l’or, comme c’est de l’argent, cela peut être utile à un avare, mais non à l’homme religieux, ou plutôt cela n’est pas utile même à l’avare, seulement à l’homme qui sait s’en servir, qui sait le donner pour acquérir le trésor du ciel; mais enfin, puisque l’or et l’argent sont inanimés, pourquoi donc, ô hommes, en faire des dieux? Ne voyez-vous pas que ces dieux que vous fabriquez ne voient point? « Ils ont des yeux et ne verront pas; ils ont des oreilles, et n’entendront pas; ils ont des narines, et ne sentiront pas; ils ont une bouche, et ne parleront point; ils ont des mains, et n’en feront rien; ils ont des pieds, et ne marcheront point 2 ». Un artisan peut faire tout cela, un argentier, un orfèvre a pu faire des yeux, des oreilles, des narines, une bouche, des mains et des pieds ; mais ce qu’il n’a pu donner, c’est la lumière aux yeux, ni l’ouïe aux oreilles, ni la voix à la bouche, ni l’odorat aux narines, ni la marche aux pieds.

24. O homme, tu ris de ton ouvrage, si tu connais celui qui t’a fait, Mais qu’est-il dit de ceux qui ne le connaissent pas? « Que tous ceux qui les font leur deviennent semblables, et tous ceux qui y mettent leur confiance 3». On croirait, mes frères, qu’il se forme dans ces hommes une certaine ressemblance avec les idoles, non point dans leur chair, sans doute, mais dans l’homme intérieur. Car ils ont des oreilles et n’entendent point, car c’est pour eux que Dieu crie: « Que celui-là entende, qui a des oreilles pour entendre 4 . Ils ont des yeux et ne voient point » ; car ils ont assurément les yeux du corps, mais non les yeux de la foi.

 

1. Ps. CXXXIV, 15.— 2. Id. 16, 17.— 3. Id. 18.— 4. Matth. XI, 15.

 

Enfin on voit celte prophétie accomplie dans toute la terre. Voyez en effet ce qu’a dit le Prophète; il n’y a rien d’allégorique, rien de figuratif. Ecoutez une prophétie dans le sens propre, très-simple et très-clair, et voyez comme elle s’est accomplie. « Le Seigneur », dit le Prophète, « a prévalu contre eux 1» ; ainsi dit Sophonias. C’est contre ceux qui lui résistaient, qui s’obstinaient, qui égorgeaient les fidèles, et faisaient des martyrs sans le savoir, que « le Seigneur a prévalu ». Et comment a-t-il prévalu? C’est dans son Eglise que nous voyons à quel point il a prévalu contre eux. Ils voulaient faire disparaître les chrétiens peu nombreux, les tuer ; ils ont répandu leur sang, et le sang de ces hommes égorgés a produit une telle moisson de chrétiens, que les martyrs sont devenus supérieurs à leurs bourreaux. Ils ont d’abord tué les chrétiens pour soutenir leurs idoles, et ces idoles, ils cherchent maintenant un lieu pour les abriter. Le Seigneur n’a-t-il donc point prévalu contre eux ? Vois si Dieu ne fait point ce qui vient après cette parole : « Le Seigneur a prévalu contre eux? » Qu’a-t-il fait selon le Prophète? « Il a exterminé tous les dieux des nations de la terre; chacun l’adorera dans les lieux où il se trouve, toutes les îles des nations l’adoreront 2 ». Qu’est-ce que tout cela, mes frères? Cela n’est-il pas prédit ? Cela n’est-il pas accompli? Nos yeux ne le voient-ils pas comme ils le lisent? Quant à ceux qui sont demeurés dans l’idolâtrie, ils ont des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne pas entendre. Ils ne sentent point cette odeur dont l’Apôtre a dit: « Nous sommes en tout lieu la bonne odeur du Christ 3 ». Que leur sert d’avoir des narines, et de ne point sentir l’odeur du Christ, odeur si suave? C’est bien en eux que s’accomplit, et pour eux qu’est dite cette parole : «Que tous ceux qui les font leur deviennent semblables, et u tous ceux qui y mettent leur confiance ».

25. Mais chaque jour les miracles de Notre-Seigneur Jésus-Christ leur font embrasser la foi; chaque jour s’ouvrent les yeux des aveugles et les oreilles des sourds ; chaque jour revient l’odorat à ceux qui n’en avaient point, la langue des muets se délie, les mamns des paralytiques reprennent le mouvement, les pieds des boiteux se redressent, et de ces pierres sortent les enfants d’Abraham, à qui

 

1. Sophon. II, 11. — 2. Ibid. — 3. II Cor. II, 15.

 

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l’on dit maintenant: « Bénissez le Seigneur, maison de Jacob », vous tous qui êtes les enfants d’Abraham. Bien que les enfants d’Abraham soient venus de la pierre 1, il est évident qu’ils sont plutôt la maison d’Israël, qu’ils appartiennent à la maison d’Israël, puisqu’ils sont la postérité d’Abraham, non point selon la chair, mais selon la foi. « Maison d’Israël, bénissez le Seigneur». Mais prenons l’expression à la lettre en l’appliquant au peuple d’Israël; c’est de là que vinrent les Apôtres qui embrassèrent la foi, avec des milliers de circoncis. « Maison d’Israël, bénissez le Seigneur; maison d’Aaron, bénissez le Seigneur; maison de Lévi,  bénissez le Seigneur 2 ». Peuples, bénissez le Seigneur, c’est-à-dire, en général, « maison d’Israël » : bénissez-le, vous qui êtes les chefs, c’est-à-dire « maison d’Aaron » ; bénissez-le, vous qui êtes ses ministres, c’est-à-dire « maison de Lévi ». Qu’est-il dit des autres nations ? « Bénissez le Seigneur, vous tous qui craignez le Seigneur ».

26. Chantons donc tous d’une voix unanime les paroles suivantes : « Bénissez le

 

1. Matth. III, 9. — 2. Ps. CXXXIV, 20.

 

Seigneur en Sion, lui qui demeure en Jérusalem 1». Donc Sion est dans Jérusalem. Sion signifie regard, et Jérusalem vision de la paix. Dans quelle Jérusalem dois-tu habiter ? Dans celle qui est tombée ? Non, mais dans celle qui est notre mère, qui vient du ciel et dont il est dit : « Celle qui était délaissée a plus d’enfants que celle qui a un époux 2 ». Maintenant donc le Seigneur est en Sion, puisque nous sommes en sentinelle jusqu’à ce qu’il vienne. Dès maintenant toutefois nous sommes en Sion, tant que nous vivons d’espérance. Une lois notre course achevée, nous habiterons cette cité qui ne sera jamais en ruine, puisque le Seigneur habite en elle et s’en est constitué le gardien; c’est l’éternelle Jérusalem, la vision de la paix; de cette paix, mes frères, que nulle bouche ne saurait assez louer, de cette paix où nous n’aurons aucun ennemi ni dans l’Eglise, ni au dehors de l’Eglise ni dans notre chair, ni dans notre pensée. La mort sera absorbée dans sa victoire 3, et, devenus citoyens de Jérusalem, de la cité de Dieu, nous verrons Dieu dans la joie d’une paix éternelle.

 

1. Ps. CXXXIV, 21.— 2. Isa, LIV, 1 ; Galat., IV, 26,27.— 3. I Cor. XV, 51.

 

 

 

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