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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME XXV.LA PURETÉ DE LÉGLISE
Ce psaume est le chant de la véritable innocence : il peut sappliquer à lEglise purifiée en Jésus-Christ, ou à lâme fidèle, qui chante son bonheur et qui ne goûte ce bonheur que dans linnocence.
POUR DAVID 1
1. David ici pourrait sentendre, non plus de Jésus-Christ médiateur dans son humanité mais de lEglise parfaitement établie dans le Christ. 2. «Jugez-moi, Seigneur, parce que jai marché dans linnocence 2». Jugez-moi, Seigneur, car après avoir été prévenu par votre bonté, jai quelque mérite dans mon innocence, dont jai gardé les sentiers. « Et mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé». Et néanmoins, je mets ma con-tance non en moi, mais dans le Seigneur, et je ne serai point ébranlé. 3. « Eprouvez-moi , Seigneur, et sondez mon âme 3», Toutefois, de peur quune infirmité secrète néchappe à mes regards éprouvez-moi, Seigneur, et tentez-moi; faites-moi connaître, non plus à vous qui voyez tout, mais à moi-même et aux hommes. « Faites passer au feu mes reins et mon coeur». Appliquez à mes pensées et à mes convoitises un remède qui les purifie comme le feu. « Car votre miséricorde est toujours devant mes yeux 4 ».De peur que ce feu ne me consume entièrement, jai toujours devant les yeux, non plus mes mérites, mais bien cette miséricorde, par laquelle vous mavez fait embrasser une semblable vie. « Et votre vérité ma plu». Jai pris à dégoût tout ce qui nest en moi que mensonge, votre vérité ma plu, et cest en elle et avec elle que jai pu vous plaire. 4. « Je ne me suis pas assis dans les assemblées de vanité ». Je nai point cherché pour mon coeur la société de ceux qui sefforcent de trouver dans la jouissance des biens passagers un bonheur impossible. « Et je ne munirai point aux artisans de liniquité5».Et comme
1. Ps. XXV, 1. 2. Ibid. 3. Id. 2. 4. Id. 3. 5. Id. 4.
5. « Jai en horreur lassemblée des méchants 1». Pour quil en résulte une assemblée de vanité, il faut que les méchants se réunissent, et je hais ces réunions. « Je ne veux point masseoir avec les impies ». Je ne veux donc point masseoir dans une semblable réunion, avec les impies, je ny mettrai point mon bonheur. « Je ne massiérai point avec les impies ». 6. « Je laverai mes mains parmi les justes 2». Je ferai des oeuvres saintes parmi les saints, avec les âmes saintes, je laverai ces mains qui saisiront vos sublimes hauteurs. « Et jétreindrai vos autels, ô mon Dieu ». 7. « Afin dentendre la voix de vos louanges 3». Afin dapprendre à vous bénir. « Et de raconter toutes vos merveilles». Quand je saurai vous louer, jannoncerai toutes vos merveilles. 8. « Seigneur, jai aimé la beauté de votre ce maison », ou de votre Eglise, « et le lieu où habite votre gloire 4 »; le lieu où cest pour vous une gloire dhabiter. 9. « Ne perdez point mon âme avec les impies 5 ». Ne perdez donc pas avec ceux qui vous haïssent, mon âme, qui se plaît dans la beauté de votre demeure. « Et ma vie avec celle des hommes sanguinaires». De ces hommes qui haïssent le prochain. Car deux préceptes font lornement de votre demeure. 10. « Leurs mains sont souillées diniquités 6». Ne me perdez point avec ces hommes impies et sanguinaires dont les oeuvres sont mauvaises. « Leur droite est remplie de présents». Et ce qui leur était donné pour acquérir le salut éternel, ils lont fait servir à
(221)
11. « Pour moi, qui ai marché dans linnocence, rachetez-moi dans votre piété (Ps. XXV, 11 ) ». Que le prix inestimable du sang de mon Dieu me délivre complètement et que votre miséricorde ne mabandonne jamais. 12. « Mon pied sest maintenu dans la voie droite ( Ps. XXV, 12 )». Mon amour ne sest point écarté de la justice. « Je vous bénirai, Seigneur, dans vos assemblées». Seigneur, je ne laisserai point ignorer vos bontés à ceux que vous appelez; car à lamour pour vous, je joins lamour du prochain.
DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME XXV.LA PURETÉ
Saint Augustin accommode le psaume à celte pensée que nous devons tolérer les méchants dans lEglise, ce qui parait être contre les Donatistes qui donnaient pour prétexte de leur séparation, les désordres des chrétiens, et contre les chrétien faibles, que scandalise le mélange des bons et des méchants. Il engage les bons à faire fructifier eu eux les dons de Dieu.
2. Nallez point vous imaginer, mes frères, quon ne doive dire la vérité quaux chrétiens, et que le mensonge se puisse dire aux païens. Parlez selon la vérité à votre pro. chain ; et votre prochain est celui qui est comme vous né dAdam et dEve. Nous sommes tous parents au point de vue de la naissance humaine ; mais nous sommes frères dune autre manière, et par lespérance de lhéritage céleste. Vous devez donc, traiter comme votre prochain, tout homme, avant même quil soit au Christ. Car vous ne savez ce quil est devant Dieu, vous ignorez les desseins de Dieu sur lui. Tel adore des pierres et vous en riez; un jour il se convertit, il adore le Seigneur, et devient plus pieux que vous, qui naguère le trouviez ridicule. Nous avons donc des frères cachés dans ces hommes qui ne sont point encore (222) enfants de lEglise, comme il y a des enfants de lEglise, qui se cachent bien loin de nous. Cest Pourquoi, dans notre ignorance de lavenir, voyons dans tout homme notre prochain, non-seulement en vertu de cette nature humaine, qui nous fait partager avec lui le même sort ici-bas; mais encore en vertu de lhéritage céleste, car nous ignorons ce que deviendra celui qui nest rien maintenant. 3. Ecoutez donc ce que saint Paul appelle encore se dépouiller du vieil homme, et revêtir le nouveau. « Bannissons tout mensonge, et que chacun dise la vérité à son prochain: parce que nous sommes membres les uns des autres. Mettez-vous en colère, mais ne péchez point». Si vous vous mettez en colère contre votre serviteur qui a fait une faute, fâchez-vous contre vous-même, afin de ne point pécher. « Que le soleil ne se couche pas sur votre colère 1». Cela se comprend, mes frères, du temps quelle doit durer. Car, si dans la faiblesse humaine, si dans linfirmité de cette chair mortelle que nous portons, la colère se glisse chez un chrétien, elle ne doit point être durable, ni aller jusquau lendemain. Bannis-la de ton coeur, avant que se lève cette lumière visible, de peur que la lumière invisible ne tabandonne. Toutefois, on peut bien donner à ce passage un autre sens, et lentendre du Christ qui est pour nous la vérité, le soleil de justice non plus ce soleil quadorent les païens et les Manichéens, et qui luit aux yeux des pécheurs; mais cet autre soleil qui est la lumière pour la nature humaine, et la joie des anges. Quant aux hommes, si les yeux de leurs coeurs sont trop faibles pour en supporter léclat, ils se purifient par la pratique des commandements, de manière à pouvoir le contempler. Quand ce soleil habitera dans lhomme par la foi, gardez-vous alors de laisser prévaloir la colère qui sélève en vous, au point que le Christ se couche sur votre colère, ou plutôt quil abandonne votre âme, car il lui répugne dhabiter avec la colère. On dirait en effet quil séteint pour vous, quand cest vous qui vous éteignez pour lui : car la colère invétérée devient une haine; et quand il y a haine, il y a homicide. Car saint Jean la dit : « Quiconque hait son frère est homicide 2». Il a dit encore Quiconque haIt son frère demeure dans les ténèbres 3». Il nest pas étonnant quun
1. Eph. IV, 26. 2. I Jean, III, 15. 3. Id. II, 9.
4. Tel est peut-être encore le sens de ce que vous avez entendu dans lEvangile : « La barque était en danger sur le lac, et Jésus dormait 1». Car nous voguons sur un certain lac où ne manquent ni les vents ni les tempêtes; chaque jour les tentations du siècle sont sur le point de submerger notre navire. Doù cela vient-il, sinon de ce que Jésus est endormi? Si Jésus ne dormait pas en toi, tu nessuierais point ces bourrasques, mais tu jouirais du calme intérieur parce que Jésus veillerait avec toi. Quest-ce à dire que Jésus dort? Cest que votre foi en Jésus-Christ est assoupie. Alors sélèvent les tempêtes sur le lac de cette vie, tu vois limpie fleurir, le juste dans laffliction, cest là lépreuve, cest le flot qui sélève. Et ton âme sécrie: Est-ce donc là, Seigneur, votre justice, que le méchant soit dans la joie, le juste dans la peine?Tu ten prends à Dieu. Est-ce donc là votre justice? Et le Seigneur te répond: Est-ce donc là ta foi? Est-ce là ce que je tai promis? Est-ce pour tépanouir en cette vie que tu es chrétien? Tu taffliges de voir dans la joie ces méchants, qui doivent être tourmentés avec le diable. Pourquoi ces murmures? Pourquoi te troubler au bruit des flots et des tempêtes de cette vie? Cest que Jésus dort, ou plutôt que ta foi en Jésus-Christ est assoupie dans ton coeur. Que fais-tu pour sortir du danger? Eveille donc Jésus, et dis-lui : Maître, nous périssons 2». Ce lac peu sûr nous effraie, nous périssons. Jésus séveillera, ou plutôt la foi en Jésus-Christ reviendra dans ton coeur; et à la lumière de la foi, tu verras en ton âme que les biens donnés aujourdhui aux méchants, ne doivent point leur demeurer toujours. Car ils doivent, ou leur échapper dès cette vie, ou du moins leur échapper à la mort. Pour toi, ce qui test promis, doit demeurer éternellement. Pour eux le bonheur na quun temps, il sévanouit bien. tôt. « Il sépanouit comme la fleur dune herbe; or, toute chair est une herbe, et lherbe sest desséchée, et la fleur est tombée, tandis que la parole du Seigneur demeure éternellement 3». Tourne donc le dos à tout ce qui tombe, et la face à tout ce qui demeure. Quand le Christ séveillera, ton coeur ne sera plus battu par la tempête, ni ta barque submergée par les flots : parce que ta
1. Luc, VIII, 23. 2. Id. 24. 3. Isa. XL, 8.
foi commandera aux vents et aux tempêtes, et le danger disparaîtra. Cest à cela, nies frères, que reviennent ces conseils que nous donne lApôtre de nous dépouiller du vieil homme «Mettez-vous en colère, mais ne péchez point; que le soleil ne se couche point sur votre colère, et ne donnez aucune prise au démon 1». Le vieil homme lui donnait donc prise; quil nen soit point ainsi du nouveau. « Que celui qui dérobait, ne dérobe plus2». Donc, le vieil homme dérobe, que le nouvel homme ne dérobe plus. Celui-là est homme aussi, cest le même homme, il était Adam, quil devienne Jésus-Christ; il était le vieil homme, quil soit le nouveau ; et le reste qui vient ensuite. 5. Mais voyons plus attentivement dans le psaume, que tout chrétien qui avance en perfection dans lEglise, doit souffrir les méchants dans lEglise. Toutefois, celui qui leur ressemble ne les connaît point, car le plus souvent ceux qui se plaignent des méchants sont méchants à leur tour; et un homme en santé supportera plus facilement deux malades, que deux malades ne se supporteront mutuellement. Voici donc, mes frères, ce que nous disons: LEglise ici-bas est une aire à battre le grain. Nous lavons souvent répété, nous le disons encore. Il y a dans cette aire de la paille et du bon grain. Gardons-nous de chercher à séparer la paille, avant que Dieu ne vienne, le van à la main. Que nul, avant ce temps, ne sorte de laire, comme sil ne pouvait supporter les pécheurs : de peur que loiseau ne le trouve hors de laire et ne lamasse avant quil soit entré dans les greniers célestes. Ecoutez, mes frères, ce que cela signifie. Quand on commence à battre, les grains ne se touchent pas à travers les pailles, ils sont pour ainsi dire étrangers, à cause des pailles qui les séparent. Quiconque ne regarde la grange que de loin, naperçoit que des pailles; il a peine à discerner le bon grain, sil napproche plus près, sil navance la main, sil ne souffle avec sa bouche, afin que ce souffle fasse une séparation. Il arrive donc, parfois, que les bons grains sont tellement séparés lun de lautre, tellement étrangers, que le chrétien qui avance en piété se croit seul. Cette pensée, mes frères, fut une tentation pour Elie, et ce grand prophète, comme lApôtre nous la rappelé, sécriait: « Seigneur, ils ont tué vos
1. Eph. IV, 26, 27. 2. Id. 28.
6. « Jugez-moi, Seigneur 3 ». Ce voeu dêtre jugé, est un voeu désagréable, et peut être dangereux pour lui. Quel est ce jugement quil invoque? sa séparation davec les méchants. Cest ce jugement de séparation quil désigne clairement dans un autre psaume : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause de celle dun peuple qui nest pas saint 4». Nous voyons là le sens de cette parole : « Jugez-moi». Que les bons et les méchants naillent point au feu éternel, comme aujourdhui on voit ces bons et ces méchants entrer dans lEglise, pour ainsi dire sans aucun discernement. « Jugez-moi,
1. III Rois, XIX, 10. 2. Ps. XXV, 9. 3. Id. 1. 4. Ps. XLII, 1. Seigneur». Et pourquoi? « Cest que, pour moi, jai marché dans mon innocence, et que mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé 1 ». Quel est cet « espoir dans le Seigneur? » Celui-là chancelle parmi les méchants, qui na point mis son espoir en Dieu. De là sont venus les fauteurs des schismes. Ils ont tremblé en se voyant parmi les méchants, eux qui étaient pires, ils ont rougi dêtre bons au milieu des impies. Ah ! sils eussent été le bon grain, ils eussent toléré la paille dans la grange, jusquau jour du vanneur. Mais comme ils nétaient que la paille, voilà quun souffle sest élevé, a prévenu le van du Seigneur, et enlevé de la grange cette paille quil a jetée parmi les épines. Une paille a été enlevée, mais ce qui est resté, nest-il que froment? Il ny a que la paille qui senvole avant la séparation, et néanmoins il reste de la paille et du froment; et au temps de la séparation cette paille sera vannée. Voilà ce que dit le Prophète : « Jai marché dans mon innocence, et mon espoir dans le Seigneur ne sera point ébranlé». Si je navais espéré que dans un homme, je verrais peut-être cet homme tomber dans le désordre et ne point suivre ces voies de la justice quil apprendra à connaître ou même quil enseigne dans 1Eglise, mais ségarer dans celles que Satan lui a montrées. Si donc mon espérance était dans un homme, elle chancellerait et tomberait avec cet homme chancelant et tombant; mais comme elle est dans le Seigneur, elle est inébranlable. 7. « Eprouvez-moi, Seigneur, et sondez mon âme, dit ensuite, le Prophète, faites passer au feu mes reins et mon coeur 2 ». Quest-ce à dire : « Passez au feu mes reins et mon coeur? » Passez au feu mes convoitises et mes pensées. Les reins se disent ici des convoitises, et le coeur des pensées, afin que nies pensées ne sarrêtent pas au mal, et que le mal mexcite pas mes désirs. A quel feu passer mes reins? au feu de votre parole. A quel feu passer mon coeur? au feu de votre esprit. Cest de ce feu quil est dit ailleurs : « Que nul ne peut se dérober à son action 3 », et dont le Seigneur a dit à son tour : « Je suis venu apporter le feu sur la terre 4 ». 8. Le Prophète continue: « Cest que votre miséricorde est devant mes yeux, et que votre vérité ma plu ». Cest-à-dire, je nai
point cherché à plaire aux hommes, mais jai voulu vous plaire dans cet intérieur où pénètrent vos yeux, peu soucieux de déplaire aux hommes qui voient le dehors, comme la dit lApôtre : « Que chacun éprouve ses actions, et alors il pourra se glorifier dans lui-même, et non dans un autre 1 ». 9. « Je ne me suis point assis dans les assemblées de vanité 2 ». Quel est le sens de cette expression : « Je ne me suis point assis? » Ecoutez, mes frères. En disant : « Je ne me suis point assis », il en appelle à Dieu qui voit tout. Vous pouvez être absent dune réunion, et pourtant y siéger. Par exemple, vous nêtes pas au théâtre, mais des pensées théâtrales absorbent votre esprit, contrairement à cette parole : « Passez au feu mes reins », alors vous êtes assis au théâtre, nonobstant votre absence corporelle. Mais il peut arriver quun ami vous y fasse entrer et vous y retienne, ou quun office de charité vous force à vous y asseoir. Comment cela est-il possible? Il peut arriver quun chrétien ait une bonne oeuvre à faire qui le force de sasseoir dans lamphithéâtre : il voulait délivrer je ne sais quel gladiateur ; alors il a bien pu sasseoir, et attendre que parût celui quil voulait délivrer. Cet homme, nonobstant sa présence corporelle, ne sest pas assis dans les assemblées de la vanité. Quest-ce que sy asseoir? Cest être de coeur avec les assistants. Si votre coeur ny est pas, nonobstant votre présence vous ny êtes point assis; si votre coeur y est, vous êtes assis malgré votre absence. « Je ne munirai point aux artisans de liniquité; car jai en horreur lassemblée des méchants 3 ». Vous voyez donc que « sasseoir avec les impies », se dit de lintérieur. 10. « Je laverai mes mains parmi les justes 4». Non point avec une eau visible. Cest laver tes mains, que davoir pour tes oeuvres des pensées pures et innocentes aux yeux de Dieu. Il est aussi sous loeil de Dieu, cet autel dont sest approché le prêtre qui sest offert le premier pour nous. Lautel est donc sacré, et nul ne peut lembrasser, sil na lavé ses mains avec les âmes justes. Beaucoup, il est vrai, sen approchent indignement, et Dieu souffre pour un temps que ses sacrements soient profanés. Toutefois, mes frères, en serait-il de la Jérusalem céleste, comme des murailles qui nous environnent? Point du tout, et si vous
1. Gal. VI,4. 2. Ps.XXV,4. 3. Id.5. 4. Id.6
11. Cest en effet ce qui suit: « Afin dentendre la voix de vos louanges et de publier vos merveilles 1». Quest-ce à dire: «Entendre la voix de vos louanges? » Cest-à-dire, afin que je comprenne. Entendre, en effet, devant Dieu, ce nest point percevoir des sons que beaucoup entendent, et que beaucoup dautres nentendent pas. Combien entendent pour nous, qui sont sourds à légard de Dieu! Combien ont des oreilles, mais non ces oreilles dont Jésus parlait, quand il sécriait: «Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre 2 » Que signifie donc entendre la voix de la louange? Je le dirai, sil mest possible, avec le secours de Dieu et de vos prières. Entendre la voix de la louange, cest comprendre intérieurement, que tout ce qui est en toi corrompu par le péché, vient de loi; que tout ce quil y a de bon et de juste, vient de Dieu. Entends donc la voix de la louange, de manière à ne point te louer toi-même, quelle que soit ta justice. Louer ta bonté, cest devenir mauvais. Lhumilité tavait fait bon, lorgueil te rend méchant. Tu avais cherché la lumière dans ta conversion, et voilà que cette conversion ta rendu lumineux, tu es devenu éclatant. Mais à qui tes-tu converti ? à toi-même? Si tu pouvais être illuminé en retournant à toi-même, tu ne serais jamais dans les ténèbres, parce que tu serais toujours avec loi. Doù te vient donc la lumière? de ta conversion vers ce qui nétait pas toi. Et quest-ce qui nétait pas toi? Dieu qui est la lumière. Tu nétais pas lumière, à cause de tes péchés. Voulant faire entendre aux fidèles cette voix de la louange, lApôtre leur dit: « Autrefois vous étiez ténèbres, et maintenant vous êtes lumière 3». Que signifie: «Vous u étiez autrefois ténèbres », sinon que le vieil homme était eu vous? Maintenant vous êtes
1. Ps. XXV, 7. 2. Matt. XIII, 9. 3. Eph. V, 8.
12. Et maintenant, mes frères, voyez lhomme qui aime Dieu, qui a mis sa conS fiance en Dieu, le voilà au milieu des méchants, et il demande à Dieu de nêtre point perdu avec ces méchants, parce que Dieu est infaillible dans ses jugements. Pour toi, si tu vois des hommes réunis dans un même lieu, lu les crois égaux en mérite ; mais sois sans
1. Jean, I, 9 2. I Cor. IV, 7.
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crainte, le Seigneur ne peut se tromper. Tu as besoin dun souffle pour séparer la paille du bon grain; tu veux un vent qui souffle, et comme tu nes pas toi-même ce souffle puissant, tu souhaites que le vent vienne à ton aide; et quand en vannant tu secoues la paille et le froment, le vent chasse tout ce qui est léger, et respecte ce qui a du poids. Tu as donc recours au vent pour démêler ce qui est dans ta grange. Mais Dieu a-t-il besoin quon laide à juger, pour ne point perdre les bons avec les méchants? Sois donc sans crainte, et demeure en toute sécurité, même avec les méchants; et dis avec le Prophète: « Seigneur, jai aimé la splendeur de votre maison 1 » Cette maison de Dieu, cest lEglise, qui renferme sans doute beaucoup dimpies; mais la splendeur de cette maison de Dieu est dans les justes et dans les saints : et telle est la splendeur que jaime en elle. « Jai aimé ce lieu où habite votre gloire ». Quel est le sens de ces paroles? Ces paroles, je lavoue, ont encore le sens, quelque peu obscur, exposé plus haut Que le Seigneur me vienne en aide, et dispose vos coeurs à lattention. Quest-ce que Je Prophète appelle: « Ce lieu où réside voire gloire?» Il vient de dire : « La splendeur de votre maison » ; et, pour expliquer cette splendeur, il ajouté : « Le lieu où réside votre gloire ». Il ne lui suffit pas de dire: « Le lieu quhabite le Seigneur » ; mais: « Le lieu où réside la gloire de Dieu». Quelle est cette gloire de Dieu? Cest delle que je disais tout à lheure, que celui qui devient bon, ne se glorifie pas en lui-même, mais bien en Dieu 2. «Car tous ont péché, et tous ont besoin de la gloire de Dieu 3». Ceux-là, dès lors, en qui le Seigneur habite, de manière à se glorifier lui-nième de ses dons, qui ne veulent point sattribuer et revendiquer comme leur bien ce quils ont reçu de Dieu, ceux-là forment la splendeur de la maison de Dieu. LEcriture ne les distinguerait point si spécialement, sil ny en avait dautres qui possèdent les dons de Dieu, à la vérité, mais qui, loin de se glorifier en Dieu, se glorifient en eux-mêmes: ils ont en effet les dons de Dieu, mais ne contribuent point à la splendeur de son palais. Car ceux qui contribuent à la splendeur de cette habitation, et en qui réside sa gloire, sont le lieu quhabite sa gloire. Mais en qui réside la gloire de Dieu , sinon en ceux uni se
1. Ps. XXV, - 2. I Cor. I,31.- 3. Rom 1,23.
13. « Leurs mains sont pleines diniquités, leurs droites souillées de présents 2 ». Les présents ne sont pas seulement la richesse, lor, largent, les objets précieux ; et tous ceux qui les reçoivent, ne les reçoivent pas en présents pour cela. LEglise en reçoit quelquefois, et même Pierre en reçut, le Seigneur en reçut, il eut une bourse, et largent quon y jetait, Judas le dérobait 3. Quest-ce que recevoir des présents? Celui qui juge dune manière inique, non-seulement par amour de lor ou de largent, ou dautres richesses, mais par vaine gloire, reçoit un présent, et un présent des plus vains. Il a ouvert la main pour recevoir le témoignage dune langue étrangère, et il a perdu le témoignage de sa conscience, Donc « leurs mains sont pleines diniquités, et leurs droites souillées de présents». Vous voyez, mes frères, quils sont sous loeil de Dieu, ceux dont les mains ne sont point entachées diniquités, dont la droite nest pas souillée de présents; ils sont sous loeil de Dieu, et ne peuvent dire quà lui seul: Vous le savez, Seigneur; à lui seul ils peuvent dire: « Ne perdez pas mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes sanguinaires » ; lui seul peut voir quils ne reçoivent aucun présent. Ainsi, mes frères, deux hommes ont à vider un différend devant un serviteur de Dieu; chacun ne voit de justice que dans sa cause. Sil croyait sa cause injuste, il naurait point recours au juge. Lun se croit dans la justice, lautre aussi. On se présente au juge. Avant la sentence, chacun dit: Nous acceptons votre arbitrage, à Dieu ne plaise que nous rejetions votre sentence! Pour vous, que dites-vous? prononcez selon vos vues, seulement, prononcez : Anathème à moi si je
1. Is. XXV, 9 2. Id. 10. 3. Jean, XII, 6.
cherche à contredire. Tous deux aiment le juge avant la sentence. Toutefois, cette sentence à prononcer condamnera lun des deux, et nul ne sait qui sera condamné. Si le juge veut plaire à tous deux, il reçoit en présent la louange des hommes. Et ce présent quil accepte, voyez quel présent il lui fait perdre. Il reçoit une parole qui fait du bruit et qui passe, il perd la parole que lon répète, qui ne passe point; car la parole de Dieu se dit toujours, sans passer jamais ; et la parole de lhomme sévanouit, à mesure quon la profère. Il perd ce qui est immuable, pour avoir ce qui est futile. Mais sil na que Dieu en vue, il prononcera une sentence contre lun deux, tenant ses regards sur Dieu, quil écoute en jugeant ainsi. Quant à celui que condamne cette sentence, peut-être ne pourrait-il la faire cesser, surtout sil nest point du ressort du droit ecclésiastique, mais des lois des princes, ils ont la déférence envers lEglise a rendu lotis ses jugements irrévocables; mais sil ne peut faire cesser la sentence, loin de jeter les veux sur lui-même, il les tourne aveuglément vers le juge, quil déchire de tout son pouvoir. Il a voulu, dit-il, plaire à mon adversaire, il a favorisé le riche, il en a reçu des présents, il a craint de le blesser. Il accuse donc son juge davoir reçu des présents. Quun pauvre ait une affaire contre un riche, et que lon prononce en faveur du pauvre; le riche tient le même langage. Il a reçu des présents. Quels présents peut faire un pauvre? Il a vu, dit-il, sa pauvreté, il a craint le blâme sil jugeait au désavantage du pauvre, et voilà quil a étouffé la justice et porté une sentence contre la vérité. Si donc ces récriminations sont inévitables, comprenez que Dieu seul voit ceux qui reçoivent les présents et ceux qui les rejettent, et que devant lui seulement, ceux qui les refusent, peuvent dire : « Pour moi, jai marché dans linnocence, délivrez-moi, prenez moi en pitié, mon pied est demeure dans la voie droite (Ps. XXV, 11, 12 ) ». Sans doute, jai pu être ébranlé par les scandales et les efforts de ceux qui se récriaient avec une téméraire audace contre mon jugement, mais « mon pied est demeuré dans le sentier droit ». Pourquoi, dans le chemin droit? parce quil avait dit plus haut: « Jespère dans le Seigneur, et je ne serai point ébranlé 1 ». 14. Quelle est sa conclusion? « Je vous bénirai,. Seigneur, dans les grandes assemblées 2 ». Cest-à-dire, ce nest point moi que je bénirai dans les églises, comme si jétais assuré des hommes, mais cest vous que je bénirai par mes oeuvres: et bénir Dieu dans les assemblées, mes frères, cest vivre de manière que les oeuvres de chacun soient une gloire pour le Seigneur. Bénir le Seigneur par la langue, et le maudire par des actes, ce nest point le bénir dans les assemblées; presque tous le bénissent de la langue; mais pas tous par les oeuvres. Quelques-uns le bénissent en paroles, et dautres par les actions. Mais ceux dont les actes sont en désaccord avec les paroles, font blasphémer le Seigneur. Et ceux qui nentrent point dans lEglise, bien que le vrai motif qui les empêche dêtre chrétiens, soit lattachement pour leurs désordres, prennent pour excuse les mauvais chrétiens, et ils sapplaudissent, ils se trompent eux-mêmes en disant : Pourquoi mexciter à devenir chrétien? Un chrétien ma trompé, et moi, jamais; un chrétien sest parjuré envers moi, et moi, jamais. Ce langage les détourne du salut, et cest en vain, non-seulement quils ont quelques qualités, mais quils ne sont quà demi mauvais ; de même quun homme qui est dans les ténèbres ouvrira vainement les yeux, de même cest en vain quil est en face de la lumière, sil veut les fermer. Cest là limage dun païen, et jen parle volontiers à cause de leur vie honnête en apparence; il ouvre les yeux, mais il est dans les ténèbres, parce quil ne connaît point le Seigneur qui est sa lumière; quant au chrétien qui vit dans le désordre, il est, je lavoue, dans la lumière de Dieu, mais ses yeux sont fermés. Dans sa dépravation, il refuse de voir celui ami nom duquel il est, en plein jour, un aveugle, que ne vivifie aucun rayon de la véritable lumière.
1. Ps. XXV, 1. 2. Id. 22.
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