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DISCOURS SUR LE PSAUME LIIFOI ET ESPÉRANCE
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Ce psaume nous fait connaître les ennemis de Dieu et du peuple fidèle; le nombre en est grand, car ce sont tous les impies et les libertins ils nient lexistence de Dieu pour sautoriser et persévérer dans leur corruption, et, pour être conséquents avec eux-mêmes, ils persécutent son peuple. Mais, en punition de leur langage sacrilège, le Seigneur les frappe daveuglement, les remplit dune crainte insensée et les anéantit; quant à ses enfants, il les console par lespérance dun Sauveur et des joies du ciel.
1. Nous entreprenons de vous expliquer ce psaume, autant du moins que nous le permettra la grâce de Dieu. Notre frère nous ordonne de vouloir le faire, et il offre au Seigneur ses prières, afin que nous le puissions. Si par trop dempressement nous venons à omettre quelque détail, celui qui daigne dicter nos paroles suppléera lui-même en vos coeurs à linsuffisance de notre discours. Le titre le ce psaume est: « Pour la fin, pour Mahéleth, intelligence à David ». « Pour Mahéleth ». Si nous en croyons les interprètes des noms hébreux, le sens serait celui-ci : Pour une personne qui enfante ou qui souffre. Qui est-ce qui enfante et qui souffre ici-bas? Les fidèles le savent, puisquils sont condamnés à y vivre. Le Christ enfante, le Christ souffre; le chef et les membres enfantent et souffrent, lun au ciel, les autres sur la terre. Sil nen était ainsi du Christ, dirait-il : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu 1 ? » Il enfantait un persécuteur, et celui-ci par sa grâce une fois converti enfantait à son tour; car il fut
1. Act. IX, 4.
ensuite éclairé de la lumière den haut; puis ayant pris place parmi les membres du Christ quil persécutait, animé des sentiments de la même charité, et comme sil était dans le travail de lenfantement, il disait : « Mes petits enfants, pour qui je sens de nouveau les douleurs de lenfantement, jusquà ce que Jésus-Christ soit formé en vous 1 ». Ce psaume a donc trait aux membres du Christ, à son corps qui est lEglise 2, à cet homme un, cest-à-dire à cette grande unité dont le chef est au ciel. Cet homme gémit, enfante et souffre, mais pourquoi? Au milieu de quelles gens? son chef même a pris soin de len instruire, de le lui faire connaître, quand il a dit : «Liniquité abondera et lon verra se refroidir la charité dun grand nombre ». Mais « si liniquité abonde », et si la charité « dun grand nombre se refroidit »; qui est-ce qui restera pour enfanter? Le voici : « Celui qui persévérera jusquà la fin sera sauvé 3 ». Y aurait-il de la grandeur dâme à persévérer, sil ne fallait le faire en dépit de tracasseries,
1.Gal. IV, 19. 2.
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de tentations, de troubles et de scandales sans nombre? Il ny a ni obligation ni vertu à tolérer le bien. Mais puisquil est dans ce psaume question de cet homme, étudions-en le sens. Les hommes au milieu desquels il gémit et souffre, y sont réprimandés à cause de lui, et, à la fin, se trouvent et se lisent les motifs consolants qui peuvent soutenir la patience de ceux qui enfantent et qui souffrent. Quels sont donc ceux au milieu desquels nous gémissons et souffrons les travaux de lenfantement, si nous appartenons au corps du Christ, si nous vivons sous le joug de son autorité suprême, si nous occupons une place parmi ses membres? quels sont-ils? Ecoute, je vais te lapprendre. 2. « Linsensé a dit dans son coeur: Il ny a point de Dieu ». Voilà bien les hommes au milieu desquels souffre et gémit le corps du Christ; et, si telle est cette classe dhommes, le nombre de ceux que nous enfantons est bien petit; autant que nous pouvons en juger, il ny a guère de ces insensés, il paraît bien difficile de rencontrer un homme qui dise dans son coeur : « Il ny a point de Dieu 1 ». Leur nombre est si restreint quils craignent de sexprimer ainsi dans la foule où ils vivent: cest leur coeur qui le dit, car leur bouche noserait proférer de telles paroles. Il y en a donc bien peu que nous soyons obligés de supporter, cest à peine si lon en peut rencontrer. « Ceux qui disent dans leur coeur: Il « ny a point de Dieu », sont rares. Mais si nous attachons un autre sens à ce texte, ces impies tout à lheure si peu nombreux, si rares, presque introuvables, se trouvent tout à coup singulièrement multipliés; ceux qui vivent mal se montrent à nous; si nous considérons la conduite des scélérats, des criminels, des hommes corrompus dont le nombre est si grand, en un mot, des personnes qui se font du péché comme un besoin continuel et qui, à force de le commettre, ont perdu toute honte, quelle multitude soffre à nos regards! Placé au milieu delle, le corps du Christ ose à peine condamner en elle les fautes, dont elle cherche vainement à le rendre coupable: il sestime trop heureux de conserver intacte son innocence, de ne pas faire ce que la coutume ne lui donne pas la hardiesse de blâmer; et sil ne craint point délever la voix contre tant de désordres, les réclamations, les cris des
1. Ps. XIII, 1.
libertins ne tardent pas à étouffer la courageuse protestation de ceux qui marchent dans la voie du bien. lis sont donc ainsi disposés, quils disent dans leur coeur : « Il ny a point de Dieu ». Je puis en donner la preuve; la voici : Ils simaginent que leur conduite plaît à Dieu. Ils portent la croyance en Dieu, au point de penser quil approuve tout ce quils font. Si, éclairé par la sagesse, tu comprends que « limprudent a dit dans son coeur : Il ny a point de Dieu»; si tu y fais réflexion, si tu examines bien ce fait et que tu en saisisses bien la portée, tu seras convaincu de ceci : cest que lhomme qui croit que Dieu approuve sa mauvaise conduite, ne croit vraiment pas que Dieu soit Dieu. En effet, pour être Dieu il faut quil soit juste; et, sil est juste, linjustice et liniquité lui déplaisent. Tu nies donc lexistence de Dieu, en prétendant quil est daccord avec le péché. Si le Dieu qui déteste le mal est seul vrai Dieu, si dautre part tu ne regardes pas comme tel le Dieu qui napprouve point le péché, ce langage de ton coeur: Dieu approuve mes désordres, se réduit à celui-ci: Il ny a point de Dieu. 3. Entendues dans un autre sens, ces paroles ont trait à notre chef, à Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Lorsquil apparut en ce monde sous la forme desclave, ceux qui le crucifièrent dirent aussi: «Il nest pas Dieu». Le livre de la Sagesse avait cité par avance leurs paroles. Toutefois, fais dabord attention au degré de corruption où ils étaient descendus pour être à même de dire en leur coeur: Il nest pas Dieu . Après avoir lu ce verset: « Limprudent a dit dans son coeur: Il ny a pas de Dieu », nous trouvons bien exprimée dans le suivant la cause de ces paroles insensées : « Ils sont corrompus, ils sont devenus abominables dans leurs iniquités ». Tu le vois, ils se sont abandonnés à la corruption, puisque dans légarement de leurs pensées, ils ont tenu ce langage dans leur coeur. La désobéissance aux enseignements de la loi engendre la corruption, amène le dévergondage des moeurs, et précipite lhomme dans les derniers excès du mal; telle est la marche que lon suit pour en venir à nier Dieu. Quel langage tiennent en effet ceux dont les pensées ne sont pas droites? « Notre vie est courte; elle est traversée dune infinité dennuis ». De ce premier
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dérèglement dans la foi, ils tombent daims cet autre désordre dont parle lapôtre saint Paul Mangeons et buvons, car demain nous mourrons 1 ». Le livre de la Sagesse développe amplement cette pensée corruptrice : « Couronnons-nous de roses avant quelles se flétrissent ; laissons partout des traces de notre joie ». Après avoir ainsi traduit les idées des méchants, il ajoute: « Faisons mourir le pauvre qui est juste 2 ». Nest-ce pas lire : Il ny a point de Dieu? Ils semblaient tenir un langage plein de douceur: « Couronnons-nous de rosés avant quelles se flétrissent». Jamais parole fut-elle plus délicate, plus inoffensive? Croirait-on que cette tendresse de langage doit aboutir à un crucifiement, à des coups dépée? Y a-t-il de quoi tétonner ? La racine des ronces nest-elle pas non plus douce au toucher? Serre-la donc dans tes mains, elle ne te blessera pas; mais en est-il le même de la tige qui en sort? « Ils sont donc corrompus, ils sont donc devenus abominables dans leurs iniquités. Limprudent a dit dans son coeur : Il ny a pas de Dieu; sil est le Fils de Dieu, quil descende de la croix 3». Cest bien dire : « Il ny a point de Dieu». 4. Mais comment le corps du Christ gémit-il parmi de telles gens? Les Apôtres et les disciples du Sauveur y ont gémi en leur temps. Pour nous, quels rapports avons-nous avec eux? comment au milieu deux endurons-nous les douleurs de lenfantement? Il en est encore qui disent : Le Christ nest pas Dieu. Ce qui reste de païens le dit : nous lentendons dire à ces juifs, qui portent en tout lieu la preuve de leur condamnation. Une multitude dhérétiques tiennent le même langage. Les Ariens ont dit : Il nest point Dieu. Les Eunoméens ont dit aussi : Il nest point Dieu; nous pouvons ajouter ici , mes frères, que tous les chrétiens dont nous avons parlé tout à lheure, et qui vivent mal, ne disent pas autre chose. Car lorsque nous leur annonçons que le Christ viendra juger tous les hommes, comme nous lattestent les Ecritures, qui ne peuvent nous tromper, ils aiment mieux prêter loreille aux suggestions du serpent, de cet esprit infernal qui navait pas craint de donner le démenti à Dieu lui-même dans le Paradis terrestre, et qui avait dit à Adam: « Tu ne mourras pas 4 », quand le
1. I Cor. XV, 32. 2. Sag. II, 1-20. 3. Matt. XXVIII, 40. 4. Gen. III, 4.
Seigneur lui avait formellement attesté quil mourrait 1. Ils font le mal si hardiment quils ne craignent pas de se dire: Le Christ viendra et il accordera à tous le pardon de leurs fautes. Le voilà donc convaincu de mensonge, celui qui sest annoncé comme devant séparer les justes davec les pécheurs, et placer les uns à sa droite et les autres à sa gauche. Le voilà convaincu de mensonge, celui qui sest annoncé comme devant dire aux justes: « Venez, bénis de mon Père, possédez le royaume qui vous a été préparé dès le commencement du monde »; et aux pécheurs: « Allez au feu éternel qui a été préparé pour le démon et ses anges 2 ». Daprès ces paroles, pourrait-il pardonner à tous ? Pourrait-il ne condamner personne? Il ment donc; sexprimer ainsi nest-ce pas dire : Il nest pas Dieu ? Prends garde de mentir toi-même. Car tu es homme et il est Dieu. Dieu est la vérité même, et tout homme est menteur 3. O corps du Christ, que feras-tu au milieu de ces méchants? Il faut ten éloigner, par tes affections et tes moeurs. Ne les imite pas, nentre point en société avec eux, ne donne à leurs désordres ni ton consentement, ni ton approbation; inflige-leur plutôt le châtiment dun blâme sévère. Pourquoi prêter attention à des hommes qui parlent de la sorte: « Ils sont corrompus et sont devenus abominables dans leurs iniquités, il nen est aucun parmi eux pour faire le bien ? » 5 « Du haut du ciel le Seigneur a jeté les yeux sur les enfants des hommes, afin de voir sil en est qui aient lintelligence ou qui cherchent Dieu 4». Quest-ce à dire? Tous ceux qui disent: Il ny a pas de Dieu, sont-ils corrompus? sont-ils tous devenus abominables? Eh quoi! sils en étaient là, Dieu lignorerait-il? ou plutôt serions-nous à même de pénétrer les secrètes pensées de leurs coeurs, sil ne nous en faisait la grâce? Sil le savait, sil en avait la connaissance, pourquoi donc est-il écrit que « du haut du ciel il a jeté ses regards sur les enfants des hommes pour voir sil en est qui aient la sagesse ou qui cherchent Dieu? » Ces paroles désignent non une personne instruite, mais une personne qui cherche à sinstruire : « Du haut du ciel le Seigneur a jeté ses regards sur les enfants des hommes, afin de voir sil en est qui aient lintelligence ou qui cherchent
1.Gen. II, 17 2. Matt. XXV, 34, 41. 3. Ps CXV, 11 4.
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« Dieu ». Et comme sil avait trouvé ce quil cherchait à apercevoir en jetant ses regards du haut du ciel, il prononce ce jugement « Tous se sont écartés de la voie et sont de-« venus inutiles; il ny en a pas qui fassent le « bien». De ce verset surgissent deux difficultés peu aisées à résoudre. Si Dieu regarde du haut du ciel pour voir sil y a un homme qui ait lintelligence ou qui cherche Dieu, linsensé peut simaginer que Dieu ne connaît pas tout. Voilà la première difficulté; voici la. seconde : Sil ny a pas un homme pour faire le bien, sil ny en a pas un seul, où trouver celui qui supporte au milieu des méchants des douleurs pareilles à celles de lenfantement? Pour résoudre la première difficulté, il faut se rappeler que lEcriture attribue à Dieu lui-même ce que la créature fait sous linfluence de la grâce. Ainsi, par exemple, si tu prends pitié dun pauvre, on dit que cest Dieu qui en a pitié, parce que tu agis par son inspiration. Tu te connais toi-même, cest lui qui téclaire; si tu lui dis comme le Prophète « Seigneur, vous allumerez ma lampe, mon Dieu, vous dissiperez mes ténèbres 1 ». Mais parce quil taide à te connaître, parce quil te donne la connaissance de toi-même, il te connaît; car, sil nen était ainsi, comment pourrait-on dire : « Le Seigneur votre Dieu vous tente pour savoir si vous laimez 2? » Que-signifie : pour savoir? Afin de vous communiquer par sa grâce cette science. Nous devons donc entendre dans le même sens ces paroles : « Du haut du ciel le Seigneur a jeté « ses regards sur les enfants des hommes, afin « de savoir sil en est qui aient la sagesse ou « qui cherchent Dieu». Puisse-t-il nous venir en aide et nous accorder la faveur de mettre en pratique les bons désirs quil a déposés dans nos coeurs! Selon lapôtre saint Paul: « Nous navons point reçu lesprit de ce monde, mais lEsprit de Dieu, afin que nous connaissions les dons que Dieu nous a faits ». Cet Esprit qui nous a fait connaître les-faveurs dont Dieu nous a gratifiés, nous fait aussi mettre une différence, entre ceux à qui ces faveurs ont été refusées et nous; il nous aide à les comparer à nous et à les connaître. Si, en effet, nous comprenons que tout ce que nous possédons de bien nous vient uniquement de la bonté et de la générosité de
1. Ps. XVII, 29. 2. Deut. XIII, 3.
lauteur de tout bien, il nous sera aussi facile de comprendre que ceux à qui il na rien accordé ne peuvent rien avoir. Cette science nous vient de lEsprit de Dieu, et par cela même que nous le voyons, il est dit que Dieu le voit, car il est la source de notre science. Il faut encore entendre dans le même sens ces autres paroles: « Lesprit examine tout, même ce quil y a de plus élevé en Dieu ». Non pas que lEsprit examine, puisquil connaît tout, mais parce que Dieu te le donne pour te faire approfondir toutes choses; et comme sa grâce te fait agir, on dit quil fait ce que tu ne pourrais faire sans lui, Donc, quand tu fais quelque chose, Dieu est censé le faire. Cest donc par une faveur de lEsprit de Dieu quils ont reçu, que ses enfants « jettent leurs regards sur les enfants des hommes pour voir sil en est qui aient la sagesse ou qui cherchent Dieu ». Mais parce quils le font par linfluence de sa grâce et de son Esprit, on dit que Dieu le fait, cest-à-dire quil regarde et quil voit. Pourtant, puisque ce sont des hommes qui regardent et qui voient, pourquoi dire: « Du haut du ciel? » Parce que saint Paul a dit : « Votre demeure est dans le ciel 1 ». Nest-ce point par le coeur que vous voyez, que vous regardez pour comprendre? Chrétien, puisque cest par le coeur que tu agis de la sorte, vois donc si ton coeur est en haut; en ce cas, tu jettes du haut du ciel tes regards sur la terre; et comme tu le fais par la grâce de Dieu, « le Seigneur jette du haut du ciel ses regards sur les enfants des hommes»; suivant notre manière de voir on peut ainsi résoudre là première difficulté. 6. Que voyons-nous en regardant, en jetant les yeux sur les enfants des hommes; quest-ce que Dieu aperçoit? Que peut remarquer celui à qui le Seigneur fait la grâce de voir? Ecoute, je vais te le dire : « Cest que tous se sont écartés de la voie et sont devenus inutiles: il ny en a pas qui fasse le bien, il ny en a pas un seul ». Sil ny en a pas qui fasse le bien, sil ny en a pas un seul, il ny aura donc pas de justes pour gémir au milieu des méchants? Attends, dit le Seigneur, ne te hâte point de te prononcer; jai donné aux hommes le pouvoir de bien faire, mais avec le secours de ma grâce et non pas avec leurs propres forces; car deux-mêmes ils sont méchants; quand ils font le mal, ils sont
1. I Phil. III, 20.
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enfants des hommes, ils sont mes coulants quand ils se conduisent bien. Par la puissante bonté de Dieu, les enfants des hommes deviennent ses enfants, parce que son Fils est devenu le Fils de lhomme. Voyez quelle admirable société sest établie entre Dieu et nous; il nous a promis de nous rendre participants de sa divinité, ne devait-il point, sous peine de parjure, devenir dabord lui-même participant de notre mortalité? Le Fils de Dieu donc pris part à notre nature humaine pour nous donner part à sa nature divine. Celui qui a promis de te faire entrer en communion de ses biens a voulu entrer auparavant en communion de tes maux. Il la promis sa divinité, mais avant tout il ta manifesté son immense charité. Que si tu mous enlèves ce que nous avons reçu en devenant enfants de Dieu, tu ne trouveras plus tel nous que les vices des enfants des hommes, et alors tu verras combien sont vraies ces paroles : « Il ny en a pas qui fasse le bien, il ny en a pas un seul 1». 7. « Est-ce quils nacquerront pas la science, iceux qui commettent liniquité et qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain? Est-ce quils nacquerront pas la science 2? » Est-ce quil ne leur sera pas donné de voir? Parlez, menacez, élevez la voix comme une femme qui enfante, comme sue personne qui souffre. Car ils dévorent votre peuple de la même manière quon dévore un morceau de pain. Il y a donc ici un peuple de Dieu que lon dévore, et pourtant: « Il ny en a pas qui fasse le bien, il ny en à pas un seul». Ce que nous avons dit tout à lheure, nous aide à répondre: ce peuple que lon dévore, ce peuple qui souffre au milieu des méchants, ce peuple qui gémit et enfante au milieu deux, se compose denfants des hommes devenus enfants de Dieu : voilà pourquoi on le dévore. « Car vous avez confondu le conseil du pauvre, parce quil a mis en Dieu son espérance 3». Le plus souvent, en effet, la raison pour laquelle on méprise et lon dévore le peuple de Dieu, cest sa qualité même de peuple de Dieu. Que je me livre, dit-on, à la rapine; que je devienne spoliateur : si ma victime est un chrétien, quel mal me fera-t-elle? Celui qui parle en faveur des victimes et menace les persécuteurs, celui-là parle en faveur de son peuple, car il dit:
1. Ps. LII, 4. 2. Id. 5. 3. Ps. XIII, 6.
« Est-ce que ceux qui commettent liniquité nacquerront pas la science? » Lhomme qui voyait le voleur et courait avec lui, qui entrait en partage avec les adultères, qui sasseyait et méditait contre son frère., qui tendait un piège au fils de sa mère, cet homme a dit dans son coeur : « Il ny a pas de Dieu ». Cest pourquoi le Seigneur lui dit en retour: « Tu as fait cela et je me suis tu; tu as supposé liniquité en moi, tu as cru que je te ressemblerais », cest-à-dire, si je te ressemblais je ne serais pas Dieu. Et il ajoute : « Je te reprendrai, je te ferai comparaître devant toi-même ». Maintenant tu ne veux pas te connaître, tu ne veux point par là éprouver de déplaisir; plus tard tu te connaîtras et tu pleureras. Dieu forcera nécessairement les méchants à reconnaître leur iniquité. Sil ne le faisait pas, où donc seraient ceux qui doivent dire : « A quoi nous a servi notre orgueil? quavons-nous retiré de léclat de nos richesses? » Alors ils seront instruits, ceux qui ne veulent pas sinstruire aujourdhui : « Est-ce quils nacquerront pas la science, tous ceux qui font le mal et qui dévorent mon peuple commue un morceau de pain? » Quel sens donner à ce qui suit: « Comme un morceau de pain?» Ils dévorent mon peuple comme on mange le pain. Parmi les aliments qui servent à notre nourriture, nous choisissons tantôt les uns, tantôt les autres. Nous ne mangeons pas toujours les mêmes légumes, la même sorte de viande, les mêmes fruits, mais toujours nous mangeons du pain. Quelle est donc la signification de ces paroles: « Ils dévorent mon peuple comme un morceau de pain? » Ceux qui dévorent mon peuple comme un morceau de pain, le font sans interruption, sans fin. 8. «Ils nont pas invoqué Dieu 1 ». Le Prophète console ici celui qui gémit; il lexhorte surtout à ne point imiter les méchants, dans la crainte de le voir entraîné au mal par le spectacle des prospérités dont ils jouissent habituellement. Tu entreras en possession de ce qui ta été promis, lespérance des méchants se borne au temps présent; la tienne a pour objet les biens éternels; ce quils espèrent leur échappera, jamais tu ne perdras ce que tu attends; les avantages de ce monde sont trompeurs, ceux auxquels tu aspires sont véritables « Car ils nont point invoqué
1. Ps. LII, 6.
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« Dieu ». Est-ce que de telles gens ne le prient pas tous les jours? Non, ils ne le prient pas. Attention ! je vais essayer avec laide de Dieu de vous le faire comprendre. Dieu veut quon le serve et quon laime gratuitement, cest-à-dire dans le sentiment dun pur amour, parce quil se donne lui-même, mais non parce quen outre de lui-même il donne encore autre chose. Aussi lhomme qui prie Dieu de lui donner des richesses, ninvoque pas Dieu, mais il invoque les biens dont il veut senrichir. Appeler à soi, nest-ce point le vrai sens du mot invoquer? Invoquer signifie donc appeler à soi. En effet, quand tu dis: Seigneur, accordez-moi de la fortune, ton désir nest pas que Dieu lui-même vienne à toi, tu ne veux y voir venir que la fortune. Ce dont tu souhaites entrer en possession, voilà ce que tu invoques. Si tu invoquais Dieu, il viendrait lui-même à toi et serait ton trésor. Le plus vif objet de tes désirs, cest une aire remplie de toutes parts, peu timporte que ton âme reste vide des biens célestes. Dieu remplit le coeur et non les celliers. De quelle utilité peuvent être pour toi les biens extérieurs, si tu es dénué des biens intérieurs? Ceux-là donc ne prient pas Dieu qui le prient pour obtenir de lui les avantages temporels, les biens dici-bas, le bonheur de cette vie terrestre et passagère. Aussi que lisons-nous ensuite? « Ils ont été saisis par la crainte là où il ny avait rien à craindre ». Que lon perde sa fortune, y a-t-il là un vrai sujet de crainte? Non, et pourtant on redoute une pareille perte. On aurait bien raison de trembler si lon venait à perdre la sagesse; et cest précisément là quon ne se trouble pas. Ecoute, réfléchis et saisis bien le caractère des méchants. 9. Lon confie à un homme un petit sac dargent : il ne veut point le rendre, il le regarde comme sa propriété, il ne pense pas quon puisse le lui réclamer, il le considère comme lui appartenant, il refuse de sen dessaisir. Il lui est facile de voir ce quil craint de perdre, ce quil refuse davoir; son âme est partagée entre largent et la probité. Plus est précieuse à tes yeux lune rie ces choses, plus on doit craindre de la perdre. Pour garder lor tu perds la probité. Tu souffres un dommage bien plus considérable que celui de rester pauvre, et le gain que tu as fait te comble de joie: tu as été saisi de crainte là où tu navais rien à craindre. Rends cet argent. Je dis trop peu en mexprimant ainsi: perds-le pour ne point perdre la fidélité. Tu crains de rendre cet argent, et tu consens à perdre la probité. Les martyrs ne se sont point emparés des richesses dautrui, afin de ne point perdre la foi. Ils ont même poussé le désintéressement jusquà mépriser les leurs. Ils ont perdu leur âme pour la retrouver dans la vie éternelle 1. Ils ont donc été saisis de crainte quand il fallait craindre. Mais ceux qui ont dit du Christ : « Il nest pas Dieu, ceux-là ont tremblé quand il ny avait pas sujet de le faire ».En effet, ils ont dit: «Si nous le laissons aller, les Romains viendront et ils nous ôteront notre pays et notre royaume 2». Quelle folie, quelle imprudence de dire dans son coeur: « Il nest pas Dieu». Tu as craint de perdre la terre, et tu as perdu le ciel ; tu as craint de voir les Romains venir et tenlever ton pays et ton royaume; auraient-ils été à même de tenlever ton Dieu? Que te reste-t-il, sinon la nécessité davouer que tu as laissé échapper de tes mains ce que tu as voulu conserver contre les droits de la justice? ,En faisant mourir le Christ, tu as perdu ton pays et ton royaume. Vous avez préféré la mort du Christ à la perte de votre pays, et vous avez perdu tout à la fois votre pays, votre royaume et le Christ. La crainte les a portés à crucifier le Sauveur, mais pourquoi cela? « Parce que Dieu disperse les ossements de ceux qui veulent plaire aux hommes». Ils voulaient plaire aux hommes, et ils ont tremblé à la pensée de perdre leur pays. Mais le Christ dont ils ont dit: Il nest pas Dieu, a mieux aimé déplaire à des hommes de leur caractère, il a préféré déplaire aux enfants des hommes, et non point aux enfants de Dieu. Aussi leurs ossements ont-ils été dispersés, tandis que les siens sont demeurés intacts: « Eux ont été couverts de confusion, parce que « Dieu les a méprisés » .Et de fait, mes frères, ils ne pouvaient, en ce qui les concernait, être couverts dune confusion plus complète, car la nation juive a cessé dexister en ces lieux où les Israélites avaient mis le Christ à mort, précisément dans lintention de conserver leur pays et leur royaume; et toutefois, en leur manifestant ainsi son mépris, Dieu a voulu les exciter à se convertir. Quils reconnaissent donc maintenant le Christ; quaprès
1. Matt. X, 39. 2. Jean, XI, 48.
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avoir dit de lui: Il nest pas Dieu, ils proclament sa divinité; quils reviennent à lhéritage de leurs pères , Abraham , Isaac et Jacob, et possèdent avec leurs ancêtres la vie éternelle, quoiquils aient perdu la vie temporelle! Comment cela? en cessant dêtre enfants des hommes, et en devenant enfants de Dieu ; car tant quils resteront dans leur incrédulité, et ne consentiront point à se convertir, à eux sappliqueront ces paroles : « Il ny en a pas qui fasse le bien, il ny en a pas un seul; ils ont été couverts de confusion, parce que Dieu les a méprisés ». Le Prophète semble se tourner vers eux, et leur dire: « Qui est-ce qui donnera de Sion un Sauveur à Israël? » Insensés, vous outragez, vous insultez, vous souffletez, vous couvrez de crachats, vous couronnez dépines, vous crucifiez. Savez-vous qui? « Qui est-ce qui donnera de Sion le salut à Israël? » Nest-ce point celui-là même de qui vous avez dit: « Il nest pas Dieu? » « Ce sera Dieu, quand il fera cesser la captivité de son peuple ». Celui-là seul peut faire cesser la captivité de son peuple, qui a consenti à se livrer entre nos mains. Mais qui est-ce qui le comprendra? « Jacob sera dans la joie, et Israël dans lallégresse ». Oui, ce Jacob, oui, cet Israël qui a tenu son aîné sous sa dépendance, sera dans lallégresse, parce quil aura lintelligence de toutes choses.
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