PSAUME LIII
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DISCOURS SUR LE PSAUME LIII.

SERMON AU PEUPLE.

MÉPRIS DU MONDE.

 

 

D’après le titre de ce psaume, David s’était réfugié chez les Ziphéens pour y trouver un abri contre les poursuites de Saül; mais il fut trahi par ceux-là mêmes an milieu desquels il avait espéré trouver un toit hospitalier. David représentait, en cette circonstance, le Sauveur et ses disciples, comme les Ziphéens figuraient les mondains, dont l’éclat n’est que passager. La

 prière adressée à Dieu par le roi fugitif du sein de sa retraite, convient donc parfaitement à Jésus-Christ et à l’Eglise, dont les membres sincères sont cachés aux yeux du monde. L’humilité du chrétien et l’éclat du mondain ne dureront pas; de là, pour le premier, le désir de ne point briller ici-bas, de ne pas mettre ses espérances dans les éphémères futilités de la terre, mais de les placer en Dieu et de le servir pour lui-même.

 

1. Si nous saisissons bien le sens du titre de ce psaume, sa longueur même nous sera avantageuse ; et, puisque le Psaume est court, nous emploierons, à expliquer le titre, le temps que l’explication du psaume laissera à notre disposition. Du sens de ce titre bien compris dépend l’intelligence du psaume dont nous venons de chanter les versets: car l’homme qui lit bien l’inscription placée au frontispice d’une maison, y pénètre sans crainte, et ne s’égare pas quand il y est entré, parce que l’inscription a été mise au seuil de l’édifice, dans l’unique but d’indiquer les moyens de ne point s’y égarer.

Ce psaume est ainsi conçu: « Pour la fin, dans les hymnes, intelligence à David, lorsque les habitants de Ziph vinrent trouver Saül pour lui dire: David n’est-il pas caché chez nous 1? » Nous savons que Saül persécutait le saint homme David: il était la figure du royaume de ce monde, prédestiné non pas à la vie, mais à la mort. Nous nous souvenons de l’avoir déjà expliqué à votre charité. Vous devez le savoir aussi; et, si vous le saviez déjà, vous le rappeler. David préfigurait le Christ ou le corps du Christ. Qu’était-ce donc que les Ziphéens? Il y avait un bourg du nom de Ziph, dont les habitants s’appelaient Ziphéens:

David s’était retiré sur leur territoire pour échapper aux poursuites de Saül, qui le recherchait et voulait le faire mourir. A peine eurent-ils connaissance de ce fait, qu’ils allèrent indiquer à Saül la retraite de sa

 

1. PS. LIII, 1, 2.

 

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victime, et lui dire: « Est-ce que David n’est point caché chez nous 1? »Cet acte de lâcheté ne leur fut d’aucun profit, comme il ne fut pour David la cause d’aucun mal: il ne servit qu’à manifester clairement la méchanceté de leurs dispositions. Pas plus après leur trahison qu’auparavant, Saül ne réussit à s’emparer de David; et même, comme il se trouvait dans une caverne de ce pays, et, à vrai dire, sous la main de David, celui-ci ne voulut point en profiter pour le faire mourir: il renonça à l’occasion favorable qui se présentait, et lui fit grâce de la vie 2. Pour Saül, il lui fut impossible de mettre à exécution ses projets homicides.

2. Peu nous importe de connaître la valeur morale des Ziphéens; occupons-nous de ceux que le Psalmiste veut nous désigner sous ce nom. Si nous cherchons la signification de ce mot, nous trouverons qu’il veut dire: florissants, éclatants. Les ennemis du saint roi David brillaient de je ne sais quel éclat: ils paraissaient au grand jour, tandis que David se cachait. Si nous voulons bien comprendre ce psaume, il nous faut savoir quelles sont, parmi les hommes, ces personnes brillantes. Voyons d’abord celles que David préfigurait en se dérobant aux regards d’autrui: il nous sera ensuite plus facile de connaître celles que ses ennemis représentaient en paraissant au grand jour. Saint Paul nous apprend quel est ce David qu’on n’aperçoit pas, lorsque, s’adressant aux membres du Christ, il leur dit: « Vous êtes morts, et votre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu ». Et quand fleuriront ces fidèles cachés aujourd’hui? « Lorsque Jésus-Christ, qui est votre vie, paraîtra », ajoute-t-il, « vous paraîtrez aussi avec lui dans la gloire 3 ». Quand ces membres du Christ fleuriront, les Ziphéens ressembleront à une herbe qui se dessèche; car, voyez à quelle fleur l’Ecriture compare leur gloire. « Toute chair n’est que de l’herbe, et tout l’éclat de la chair est comme la fleur de l’herbe ». En fin de compte, « l’herbe se dessèche, et sa fleur fanée tombe à terre ». Et quel sera le sort de David? Ecoute ce qui suit: « Mais la parole de Dieu demeure éternellement 4 ».

Il y a donc ici-bas deux classes d’hommes, qu’il nous faut bien distinguer l’une de l’autre, et entre lesquelles nous devons

 

1. Rois, XXIII, 14, 15, 19. — 2. Id. XXIV, 4-8, — 3. Col. III, 3, 4. — 4. Ps. XL, 6, 8.

 

nécessairement choisir. A quoi te servirait-il, en effet, de les connaître, si tu devais être indifférent à faire un choix? Tu as aujourd’hui le pouvoir de choisir; le temps viendra où ce pouvoir ne t’appartiendra plus, car alors Dieu se hâtera de rendre à chacun selon ses oeuvres. Qui sont donc ces Ziphéens si brillants, sinon ce corps de Doëch l’Iduméen, dont nous avons déjà, il y a quelques jours, entretenu votre charité? C’est d’eux qu’il a été dit: « Voilà l’homme qui n’a pas pris Dieu pour son appui, mais qui a mis son espérance dans la multitude « de ses richesses, et placé sa force dans la vanité ». Voilà bien ces enfants du siècle, dont l’Evangile a voulu notas parler, quand il nous a dit qu’ils sont dans leurs affaires plus rusés que les enfants de la lumière; car on les voit supputer toutes les chances d’un avenir qui ne leur appartiendra peut-être pas. Vous savez quelle conduite l’économe infidèle tint à l’égard de son maître: il travailla pour lui-même aux dépens de celui-ci, en remettant à ses créanciers une partie de leur dette, afin de trouver chez eux un asile lorsqu’il serait privé de sa charge. Il avait agi de mauvaise foi, et, pourtant, son maître lui donna des louanges, non pas sans doute à cause de l’injustice qu’il avait commise, mais en raison de l’adresse qu’il avait montrée. A plus juste titre devons-nous, surtout après la recommandation expresse de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous préparer des amis avec le Mammon d’iniquité 1. Par Mammon on entend les richesses. Nous ne devons avoir de trésor que dans le ciel, où nous habiterons éternellement. C’est pourquoi ceux-là seuls donnent à l’argent le nom de richesses, qui ne savent jeter de l’éclat que sur la terre, et qui ne veulent point s’en servir de manière à se préparer des amis pour l’éternité. La raison en est qu’ils ne connaissent pas les véritables richesses. Les pécheurs, qui brillent comme l’herbe pour un temps, sont seuls à leur donner le nom de richesses: et voilà les Ziphéens, les adversaires de David, les hommes qui jettent en ce monde un si vif éclat.

3. Parfois il arrive que des enfants de lumière, entraînés par la faiblesse humaine, portent leur attention sur de pareils hommes, et quand ils voient le bonheur sourire aux méchants, ils chancellent dans leur route, et ils

 

1. Luc, XVI, 8, 9.

 

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se disent: Quel avantage retiré-je de mon innocence? A quoi me sert d’être fidèle lieu, d’observer ses commandements, d n’être à charge à personne, de ne rien dérober à qui que ce soit, de ne jamais nuire à autrui, d’être, autant que possible utile à prochain?Je remplis tous mes devoirs: les mécréants sont heureux, et moi, je souffre ! Eh quoi! voudrais-tu être aussi un Ziphéen? Ils sont tous brillants en ce monde; mais, au jugement de Dieu, ils se dessécheront, puis ils seront jetés dans le feu éternel. Est-ce cela que tu désires pour toi? As-tu mis en oubli les promesses de celui qui est descendu du ciel vers toi? Ne connais-tu pas l’exempte qu’il t’a lui-même donné? Si l’éclat des Ziphéens méritait d’exciter tes désirs, ton Sauveur ne s’en serait-il pas revêtu pour les jours de sa vie mortelle? Ou bien, la puissance de le faire lui a-t-elle manqué? Il a préféré ne pas se faire connaître; il a mieux aimé dissiper les soupçons que Ponce Pilate élevait sur la nature de sa puissance, et répondre à ses questions, comme s’il adressait la parole à ces orgueilleux Ziphéens eux-mêmes: « Mon royaume n’est pas de ce monde 1 ». Il se cachait donc ici-bas, et tous les hommes vertueux s’y cachent, à son exemple, parce que leur véritable bien est au dedans d’eux: il est caché dans leur coeur, dans ce coeur où se trouvent leur foi, leur charité, leur espérance, leur trésor. De tels biens paraissent-ils au regard du monde? Non, ils s’y dérobent, et la récompense que lieu leur réserve ne paraît pas davantage. Comment donc se fait-il que l’éclat des mondains soit si vif? Il éblouit les yeux, mais il ne les éblouira pas toujours. Pareil à la beauté de ces herbes qui naissent et gardent leur verdeur en hiver, pour se flétrir aux premières ardeurs du soleil d’été, il ne durera qu’un moment. Ne nous livrons donc pas à ces pensées que le Prophète développe dans un autre psaume. Il avoue qu’il a failli tomber de défaillance et qu’il a marché d’un pas chancelant dans la voie de Dieu, parce qu’il a vu l’éclat et le bonheur des méchants. Néanmoins, dès qu’il a connu ce que Dieu, souverainement ennemi du mensonge, réserve pour l’avenir aux pécheurs, ce qu’il promet aux justes malheureux, il s’écrie, dans les transports de sa joie et de sa reconnaissance:

 

1. Jean, XVIII, 36.

 

« Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le coeur droit ! mes pas ont chancelé je me suis vu sur le point de tomber ». Et pourquoi? « Parce qu’à la vue du tranquille bonheur des méchants, la jalousie s’est emparée de mon cœur ». Mais sa démarche s’est raffermie, lorsqu’il a pénétré les mystères de l’avenir. Il ajoute dans un autre verset du même psaume: « J’ai trouvé en cela une grande obscurité »; c’est-à-dire, une grande difficulté s’est présentée à mon esprit. Pourquoi les hommes qui font le mal en cette vie, y sont-ils néanmoins si heureux? Pourquoi ceux qui pratiquent la vertu, y sont-ils, au contraire, sujets à tant de peines? Cette difficulté me semblait singulièrement grave, et presque impossible à résoudre. « Je ne vois qu’obscurité devant moi, jusqu’à ce que j’entre dans le sanctuaire de Dieu, et que je pénètre les mystères de l’avenir 1 ». Quels mystères l’avenir doit nous révéler? L’Evangile nous les a déjà fait connaître : « Lorsque le Fils de l’homme viendra, tous les peuples de la terre seront rassemblés devant lui, et il les séparera, comme un pasteur sépare les agneaux d’avec les boucs : il mettra les brebis à la droite, elles boucs à la gauche 2 ». Les Ziphéens seront d’abord mis de côté, puis ils seront jetés au feu. Verra-t-on briller ceux qui seront placés à la gauche? car alors ils gémiront : alors leur âme sera saisie de repentir, mais d’un repentir hors de saison alors ils s’écrieront: « De quoi nous a servi notre orgueil ? Quel avantage retirons-nous du faste de nos richesses? Tout cela a passé comme l’ombre 3 ». O Ziphéens, qui êtes maintenant à la gauches il est trop tard pour vous repentir d’avoir brillé dans l’ombre. Au lieu de reconnaître David, quand il se cachait au milieu de vous, pourquoi le trahissiez-vous? Si alors vous vous étiez corrigés, votre douleur présente ne vous serait point inutile. Il y a un repentir utile, et un repentir qui ne l’est pas. Tu te repens utilement, lorsque tu t’accuses, lorsque tu te reproches ta conduite désordonnée, lorsqu’à la suite de ces secrets reproches, tu combats tes mauvaises habitudes, lorsque, après leur avoir fait la guerre, tu t’en corriges, lorsque tu te convertis, et que, te dépouillant du vieil homme et te revêtant du nouveau, tu préfères les ignominies du Christ à la gloire des Ziphéens.

 

1. Ps. LXXII, l-17. — 2. Matt. XXV, 31-33. — 3. Sag. V, 8, 9.

 

 

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Pendant que tu renfermes ton trésor dans ton coeur, et que tu es caché parmi les Ziphéens, pendant que tu conserves aussi en secret l’espoir de ton éternelle récompense, s’il t’arrive d’occuper dans le monde un poste élevé, n’en conçois aucun orgueil, car l’orgueil que tu en ressentirais , te précipiterait dans l’éphémère vanité des Ziphéens. Imite plutôt l’exemple d’Esther, de cette sainte femme qu’admira autrefois le peuple juif. Mariée à un roi étranger, elle apprit à quel péril se trouvait exposée toute sa nation, et la nécessité urgente d’intercéder auprès du souverain en faveur d’Israël : elle se mit donc en prière, et, pendant son oraison, elle confessa à Dieu que tous ses ornements royaux n’avaient pas à ses yeux plus de prix qu’un vêtement de femme souillé par la menstruation 1. Des hommes ne pourraient-ils pas faire ce que font des femmes, et l’Eglise chrétienne aurait-elle moins de force que cette femme juive ? Je dirai donc à votre charité: « Si les richesses vous surviennent en abondance, n’y arrêtez point votre coeur 2 ». Si abondantes qu’elles soient, si grande que soit ici-bas ta prospérité, ne te fie pas à cette mer, ne te fie point à ses apparences séduisantes. Si tu deviens riche, et que ta fortune s’accroisse sans cesse, foule aux pieds les biens de la terre, attache ton coeur à Dieu. En t’élevant au-dessus d’eux, et donnant à Dieu tes affections, tu ne seras pas exposé à tomber lorsqu’ils manqueront sous tes pieds. Ainsi il ne t’arrivera point, par Je fait d’une pensée déréglée et peu chrétienne, ce qui est marqué en un autre psaume. Après avoir parlé de l’éclat des Ziphéens, le Prophète ajoute: « Vos pensées sont étrangement profondes ». Oui, je le répète: « Vos pensées sont étrangement profondes: l’imprudent ne les comprendra pas ; l’insensé n’en saisira pas le sens ». Qu’est-ce qu’il ne comprendra pas? le voici : « Les méchants s’élèveront comme l’herbe, et tous ceux qui commettent l’iniquité paraîtront;et, finalement, ils périront à jamais dans la suite de tous les siècles ». L’éclat des méchants les a fascinés, et ils ont dit en eux-mêmes: Les méchants sont en honneur; à ce trait, il me semble que Dieu les aime. Entraînés alors par le désir de partager la gloire temporelle des méchants, ils se sont précipités dans le mal, et leur perte ne sera

 

1. Esth. XIV, 16.— 2. Ps. LXI, 11. — 3. Id. XCI, 6—8.

 

point de quelques instants, comme leur éclat, mais elle durera autant que les siècles des siècles. En voici la raison : L’imprudent ne comprendra pas, et l’insensé ne pénétrera pas les secrets de l’avenir, parce qu’il n’entre pas dans le sanctuaire du Seigneur pour en avoir l’intelligence; et, parce que cette intelligence est difficile à acquérir, ce psaume commence par nous faire voir David caché au milieu des Ziphéens, ne désirant nullement leur éclat, mais surtout pratiquant l’humilité, afin de posséder en Dieu une beauté secrète et cachée,

Quel est donc le titre de ce psaume ? Qu’y est-il dit de David? : « Pour la fin, dans les hymnes, » c’est-à-dire, dans les louanges. Et quelles louanges? « Le Seigneur me l’a donné, le Seigneur me l’a ôté; il a été fait selon son bon plaisir: que son saint nom soit béni 1! » La perte de tous ses biens était-elle une preuve que Job était desséché ? Non ; les feuilles étaient tombées, mais la racine restait toujours vigoureuse. Donc, « pour la fin, dans les hymnes ». Et ensuite? « Intelligence à David ». Intelligence, par opposition à ces autres paroles: «L’imprudent ne connaîtra pas ces choses, et l’insensé ne les comprendra point. Intelligence à David, lorsque les Ziphéens vinrent trouver Saül, et lui dirent: Est-ce que David ne s’est point retiré chez nous? » Que David soit caché chez vous, si vous le voulez; mais que, du moins, votre gloire ne soit pas la sienne. Ecoute donc sa prière.

4. « Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi par votre puissance 2». Que l’Eglise, cachée parmi les Ziphéens, redise ces paroles. Qu’elles se retrouvent aussi sur les lèvres de ce corps chrétien, qui renferme dans son coeur le trésor de ses bonnes oeuvres, et y conserve l’espérance de la récompense immortelle promise à ses mérites. Que l’Eglise dise donc : « O Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi par votre puissance ». O Christ, vous êtes venu sur la terre; vous y êtes apparu dans l’humilité: vous avez été méprisé, flagellé, crucifié, mis à mort ; mais, trois jours après, vous êtes ressuscité : le quarantième jour vous êtes monté aux cieux; vous êtes assis à la droite de votre Père, et personne ne vous y voit. Puis, vous on avez fait descendre le Saint-Esprit, et ceux qui en étaient dignes l’ont reçu. Brûlant du feu

 

1. Job, I, 21. — 2. Ps. LIII, 3.

 

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de votre amour, ils se sont répandus au milieu des nations pour annoncer au monde la gloire de votre humilité : je vois votre nom placé au-dessus de tous les noms, le genre humain en connaît la grandeur; et pourtant, l’on ne nous a annoncé que votre faiblesse. L’Apôtre des nations, saint Paul, a déclaré ne savoir rien autre chose, parmi nous, que Jésus et Jésus crucifié 1 : par là il voulait nous exciter à préférer les ignominies du Sauveur à la gloire et à l’éclat des Ziphéens. cependant le même apôtre ajoute, en parlant du Christ: « Quoiqu’il soit mort à cause de sa faiblesse, il vit néanmoins par la puissance de Dieu 2 ». Il est donc venu mourir par infirmité, et il viendra juger par la puissance de Dieu : mais la faiblesse même de sa croix a environné son nom d’une brillante auréole de gloire. Quiconque ne croira pas à ce nom, que la faiblesse a illustré, sera saisi d’épouvante, quand Jésus-Christ viendra juger le monde dans l’éclat de sa puissance. Faible autrefois, mais revêtu de force au jour du jugement, puisse-t-il ne point nous jeter à la gauche, quand il viendra vanner son grain; et, pour cela, puisse-t-il nous sauver par son nom, et nous juger par sa puissance ! Quel est l’homme assez téméraire pour oser dire à Dieu: « Jugez-moi? » Quand on veut maudire un homme, ne lui dit-on pas: « Que Dieu te juge? » Oui, ce serait une véritable malédiction, s’il te jugeait dans sa puissance, sans te sauver par son nom; mais s’il te sauve d’abord par son nom, il te jugera ensuite favorablement; sois tranquille : un pareil jugement n’aboutira point pour toi à la punition éternelle, il ne servira qu’à te séparer des méchants. Le Psalmiste s’exprime ainsi en un autre endroit: « O Dieu , jugez-moi et séparez ma cause de celle du peuple qui n’est pas saint 3 ». Qu’est-ce à dire : « Jugez-moi? » Distinguez-moi des Ziphéens, au milieu desquels je me trouve caché ; je supporte aujourd’hui leur éclat mais vienne bientôt pour moi le moment de briller. L’éclat de la leur n’a duré qu’un instant; elle a disparu dès que l’herbe s’est desséchée. De quel éclat brillerai-je à mon tour? « Ils seront plantés dans la maison du Seigneur: ils fleuriront dans les palais de notre Dieu 4 ». Nous fleurirons donc aussi, mais notre beauté ne se flétrira pas : elle sera pareille à la beauté des

 

1. I Cor. II, 2.— 2. II Cor. XIII, 4.— 3. Ps. XLII, 1.— 4. Id. XCI, 14.

 

 

feuilles de cet arbre planté sur le bord de l’eau, et dont il est écrit : « Et ses feuilles ne tomberont pas 1 ». Donc: « O Dieu, sauvez-moi par votre nom ; jugez-moi dans votre puissance ».

5. « O Dieu, écoutez ma prière: prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche ». Que les paroles de ma bouche parviennent jusqu’à vos oreilles, parce que je ne vous demande point l’éclat des Ziphéens. « Prêtez l’oreille aux paroles de ma bouche». Prêtez l’oreille, car ma prière a beau retentir à l’oreille des Ziphéens, ils ne l’écoutent pas, parce qu’ils ne la comprennent pas. La possession des biens temporels est pour eux un sujet de joie, mais ils ne savent nullement désirer les biens éternels. Que ma prière arrive jusqu’à vous, poussée hors de moi et portée vers vous par le désir de jouir de vos éternels bienfaits: je la dirige vers vous; aidez-la à y parvenir, à ne pas s’arrêter au milieu de sa course, à ne point retomber à terre. Lors même que vous ne m’accorderiez point ce que je sollicite de votre miséricorde, je ne me troublerai pas; car, j’en suis sûr, je l’obtiendrai de vous un jour.

Il est dit qu’un homme, se trouvant dans le péché, a prié Dieu, et que, pour son plus grand bien, il n’a pas été exaucé. Le désir des biens temporels l’avait porté à prier Dieu; et parce qu’il se trouvait plongé dans les tribulations de cette vie, il aurait souhaité voir le terme de ses peines et le retour de sa passagère prospérité : c’est pourquoi il s’écria « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné? » Ce sont les propres paroles du Christ, paroles adressées par lui à Dieu en faveur de ses membres. « Le cri de mes péchés », dit-il encore, « éloigne de moi le salut: je crie pendant le jour, et vous ne m’écoutez pas; je crie pendant la nuit, et vous ne m’exaucez pas, afin de m’inspirer la sagesse 2 ». C’est-à-dire: Je crie vers vous la nuit; et, si vous ne m’exaucez pas, ce n’est point pour me laisser dans mon imprudence, c’est au contraire pour m’enseigner la sagesse ; c’est pour m’apprendre ce que je devais vous demander, Je vous demandais, en effet, des choses qui auraient pu contribuer à me rendre malheureux. O homme, tu demandes des richesses. Tu ne sais donc pas combien d’autres hommes les richesses ont rendus

 

1. Ps. I, 3 — 2. Id. XXI, 2, 3.

 

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malheureux? Te seraient-elles plus profitables ? Des pauvres nombreux ont trouvé leur sécurité à rester inconnus; à peine étaient-ils devenus riches, à peine avaient-ils brillé aux regards du monde, que déjà des hommes, plus puissants qu’eux, en faisaient leur victime et leur proie, S’ils avaient compris le réel avantage de demeurer dans la solitude et l’oubli du monde, ils ne se seraient point trouvés exposés aux dangereuses convoitises de gens qui les recherchaient, non pour ce qu’ils étaient, mais pour ce qu’ils possédaient. En fait de biens temporels, nous vous avertissons et nous vous prions dans le Seigneur de ne rien demander en particulier, mais d’attendre de la bonté de Dieu ce qu’il sait vous être utile. Car vous ignorez absolument ce qui vous convient le mieux. Ce qui vous plairait davantage vous serait souvent nuisible, et vous trouverez parfois votre profit en ce qui vous sourit le moins. Vous êtes malades; ne prescrivez pas vous-mêmes au médecin les remèdes qu’il doit vous appliquer. Le docteur des nations, l’apôtre saint Paul lui-même a dit: « Nous ne savons ce que nous devons demander ». A plus forte raison l’ignorons-nous nous-mêmes. Il lui semblait qu’il priait d’une manière convenable, quand il conjurait le Seigneur de lui ôter l’aiguillon de la chair, cet ange à qui Dieu avait permis de le souffleter, afin qu’il ne pût s’enorgueillir de la grandeur de ses révélations. Comment le Tout-Puissant répondit-il à sa prière? Lui accorda-t-il ce qu’il demandait? Non; il ne fit que ce qui était le plus avantageux pour l’Apôtre. Voici sa réponse : « J’ai prié par trois fois le Seigneur de l’éloigner de moi, et il m’a répondu: Ma grâce te suffit, car l’infirmité sert à perfectionner la vertu 2 ».J’ai appliqué le remède sur le mal: je sais quand je l’ai appliqué, c’est à moi de savoir quand il faudra l’ôter. Le malade ne doit ni se retirer d’entre les mains du médecin, ni lui donner des conseils. Ainsi faut-il raisonner et agir dans toutes les circonstances de la vie. Les tribulations t’accablent? si tu sers bien Dieu, tu te rappelleras qu’il sait ce qui convient à chacun. Tu nages dans les eaux de la prospérité? prends surtout soin qu’elle ne gâte pas ton coeur, et ne t’éloigne pas de celui qui t’a rendu heureux. David, comprenant ces choses, dit à Dieu : « Seigneur,

 

1. Rom. VIII, 26. — 2. II Cor. XII, 7-9.

 

« écoutez ma prière: rendez-vous attentif aux paroles de ma bouche ».

6. « Car les étrangers se sont élevés contre moi 1 ». Quels étrangers? Est-ce que David

n’était pas juif, et de la tribu de Juda? Ziph appartenait à la même tribu et à la même nation. Comment les Ziphéens pouvaient-ils être des étrangers? Par rapport au pays, à la tribu, à la parenté, ils ne l’étaient pas ; mais ils l’étaient quant à l’éclat. En veux-tu la preuve? Dans un autre psaume, on désigne sous le nom d’enfants étrangers « ceux dont la bouche est remplie de paroles vaines, et dont la droite est une droite d’iniquité ». Le Psalmiste rend ensuite compte de l’éclat des Ziphéens. « Dans leur jeunesse, leurs enfants sont comme de nouveaux plants d’arbres; leurs filles sont ornées et parées comme un temple ; leurs celliers sont pleins et regorgent de l’un dans l’autre; leurs brebis sont fécondes et fertiles ; leurs vaches sont grasses ; il n’y a dans leurs haies ni passage, ni lacune, et l’on n’entend aucun cri dans leurs places publiques».Voilà bien les Ziphéens : voilà bien ceux qui brillent pour un temps. « Ils ont proclamé bienheureux le peuple qui possède toutes ces choses ». N’est-ce point à juste titre qu’on leur donne le nom d’étrangers? Et toi, qui es caché au milieu des Ziphéens, que dis-tu? « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur 2 ». C’est cette pensée qui a dicté et porté vers le trône de l’Eternel la prière du Prophète : « O Dieu, rendez-vous attentif à ma voix, parce que les étrangers se sont élevés contre moi, et que les puissants ont cherché mon âme ».

7. Mes frères, tous ceux qui bornent leurs espérances à ce bas monde, travaillent d’une nouvelle manière à la perte des saints qui ne partagent point leurs folles illusions. Maintenant, rien ne les sépare les uns des autres: ils vivent tous ensemble, mais ils sont singulièrement opposés les uns aux autres: ceux-ci ne recherchent que les biens temporels et les joies fugitives de la terre ; ceux-là placent leur plus ferme espérance dans le Seigneur Dieu. Les Ziphéens semblent être d’accord avec toi, mais ne te fie pas trop à leurs pacifiques apparences : le temps de se montrer tels qu’ils sont réellement n’est pas venu : qu’une occasion se présente, qu’on blâme quelqu’un d’entre eux de son éclat

 

1. Ps. LIII, 5. — 2. Id. CXLIII, 7, 15.

 

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mondain, je ne dis pas que celui-là offensera l’évêque, mais j’affirme qu’il ne s’approchera pas même de l’Eglise, dans la crainte de perdre un peu de cet éclat passager. Pourquoi vous parlé-je ainsi, mes frères? Parce qu’au nom de Jésus-Christ vous m’écoutez tous aujourd’hui volontiers; et, parce que vous comprenez mes paroles, vous y donnez votre approbation : vous n’applaudiriez pas à mon discours si vous n’en saisissiez point parfaitement le sens. Mais cette intelligente disposition d’esprit doit porter des fruits : en portera-t-elle? on le verra dans l’occasion. L’on dit que vous êtes des nôtres : néanmoins, s’il survient une tentation, ne passerez-vous pas subitement dans les rangs des étrangers, et ne pourra-t-on pas dire de vous : « Les étrangers se sont élevés contre moi, et les puissants ont cherché mon âme? » Ne devra-t-on pas vous appliquer encore ces autres paroles : « Ils n’ont point eu Dieu en vue? n Peut-il vraiment avoir Dieu en vue, celui qui ne porte ses regards que vers les choses de la terre, qui cherche à entasser trésor sur trésor, à multiplier ses troupeaux, à remplir ses celliers, à dire à son âme : « Tu as des biens en abondance, réjouis-toi, fais bonne chère, rassasie-toi? » Peut-il avoir Dieu en vue, celui qui se glorifie de la sorte, et qui brille ainsi de l’éclat des Ziphéens, celui qui mérite par là de s’entendre dire: « Insensé », c’est-à-dire homme dépourvu d’intelligence, homme imprudent; cette nuit même on te redemandera ton âme : à qui passeront tous les biens que tu avais amassés pour elle 1? Ils m’ont point eu Dieu en vue ».

8. « Car voilà que Dieu vient à mon secours 2 ». Et ceux au milieu desquels je suis caché ne le savent pas. S’ils avaient Dieu en vue, ils comprendraient comment le Seigneur me vient en aide, car il vient au secours de tous les saints ; mais ce secours est intérieur, et les hommes ne l’aperçoivent pas. Comme les impies trouvent, dans leur conscience, la source des plus grandes peines, ainsi les justes trouvent, dans la leur, la source des plus grandes joies. «Notre gloire », dit l’Apôtre, est dans le témoignage de notre conscience 3 ». C’est dans l’intérieur de sa conscience, et non dans l’éclat extérieur des Ziphéens, que se glorifie celui qui dit: « Car le Seigneur vient à mon secours ».

 

1. Luc, XII, 20. — 2. Ps. LIII, 6. — 3. II Cor. I, 12.

 

 

Si éloigné de moi que soit l’objet de mes espérances, le secours, dont je suis aujourd’hui favorisé de sa part, me comble de joie, et ces délices, qui surabondent maintenant en moi, me font comprendre combien sont injustes ces paroles de certains hommes : « Qui est-ce qui nous a montré des biens? — Seigneur, la lumière de votre visage est imprimée sur nous. Vous avez répandu la joie dans mon coeur 1 ». « Vous avez répandu la joie », non sur ma vigne, ou mes troupeaux, ou mon aire, ou ma table, mais « dans mon coeur : car le Seigneur vient à mon secours » Comment vient-il à ton secours? « Et le Seigneur est le protecteur de mon âme ».

9. « Faites retomber sur mes ennemis le mal qu’ils veulent me faire 2 ». Si brillants qu’ils soient, si vif éclat qu’ils projettent aujourd’hui, ils seront plus tard jetés au feu. « Et dispersez-les par votre puissance n. Pour le moment, tu les vois florissants, tu les vois s’élever de terre comme l’herbe verdoyante ne sois ni assez imprudent ni assez insensé pour te laisser éblouir par de telles apparences; tu périrais éternellement 3 ». Car : « Faites retomber sur mes ennemis le mal qu’ils veulent me faire ». Si, en effet, tu appartiens au corps de David, il les dispersera par sa puissance. Le bonheur de ce monde leur sourit, mais Dieu emploiera son pouvoir à les faire périr. Toutefois, leur joie et leur perte seront d’inégale durée l’une n’est que passagère, l’autre sera éternelle : l’une provient de la possession de biens trompeurs; l’autre les condamnera à de véritables tourments. « Seigneur, dispersez par votre puissance » tous ces hommes que vous avez tolérés dans votre faiblesse.

10. « Je vous offrirai des sacrifices volontaires 4 ». Peut-on comprendre, sur le dire d’un autre, quel est ce bien du coeur de l’homme, si ou ne le connaît par une expérience personnelle? Quel sens donner à ces paroles: « Je vous offrirai des sacrifices volontaires? » Je vais vous le dire : comprenez-moi, si vous le pouvez et comme vous le pourrez; et, si vous ne le pouvez, du moins croyez-moi, et priez Dieu de vous accorder la grâce de saisir ma pensée. Devons-nous passer outre sans vous avoir expliqué ce verset? Je l’avoue à votre charité, le goût que j’y trouve m’invite assez de lui-même à vous en parler,

 

1. Ps. IV, 6, 7. —  2. Id. LIII, 7.— 3. Id. XCI, 7, 8. — 4. Id. LIII, 8.

 

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et je rends grâces à Dieu de ce que vous prêtez à mes paroles une si grande attention. Si je m’apercevais que vous éprouvez de l’ennui à m’entendre, je me tairais : néanmoins, et autant que Dieu m’en ferait lai grâce, je m’en entretiendrais dans le secret de mon âme. Vienne donc sur mes lèvres l’expression des pensées de mon coeur; que ma parole les manifeste au grand jour! Expliquons, comme nous le pourrons, ces quelques mots : « Je vous offrirai des sacrifices volontaires ». De quel sacrifice est-il ici question, mes frères? Quelle offrande digne de lui ferai-je au Seigneur pour le remercier de ses bienfaits? Irai-je chercher comme victime la brebis la plus grasse du troupeau? Choisirai-je un bélier? Aviserai-je le plus beau boeuf de l’étable ou rapporterai-je des parfums du pays de Saba? Que faire? Que lui offrir, sinon ce qu’il dit lui-même: « Le sacrifice de louanges m’honorera 1 ». Qu’est-ce à dire: « Volontaire? » J’aime gratuitement l’objet de mes louanges. Je loue Dieu, et je mets mon bonheur dans l’accomplissement de ce devoir : j’y trouve ma joie, car celui que je loue est le sujet de ma gloire. Mais, en cela, je ne ressemble aucunement à ces amateurs de farces théâtrales, qui saluent de leurs acclamations un cocher, un chasseur, le premier histrion venu, qui invitent les autres témoins de ces farces à les imiter et à crier comme eux, et qui, à la fin, sont trop souvent réduits à rougir de la défaite de leurs coryphées. Il ne doit pas en être ainsi quand nous louons Dieu : que notre louange soit volontaire : aimons-le sincèrement: aimons-le, louons-le gratuitement. En parlant de la sorte, nous voulons dire : pour lui-même, et non pour autre chose. Si tu loues Dieu pour obtenir de lui quelque autre chose, tu ne l’aimes pas gratuitement. Ne rougirais-tu pas de ne devoir qu’à tes richesses l’affection de ta femme? N’aurais-tu pas lieu de craindre qu’elle se rende coupable d’adultère dans le cas où tu deviendrais indigent? Si tu exiges d’une épouse un amour gratuit, seras-tu admis à aimer Dieu d’une manière intéressée? O avare, quelle récompense le Seigneur te réserve! Il ne te donne pas la terre; mais, en se donnant lui-même à toi, il te donne celui qui a fait le ciel et la terre. «Je vous offrirai des sacrifices volontaires n. Ne lui en offre point de forcés; car si ta louange

 

1. Ps. XLIX, 25.

 

est intéressée, elle est par là même forcée. Si, en effet, tu possédais ce qui charme ton coeur, tu ne louerais pas Dieu. Ecoute bien ce que je dis. Tu loues Dieu, par exemple, pour obtenir de lui une fortune considérable : si tu connaissais un autre moyen de te la procurer, la demanderais-tu à Dieu? Lui offrirais-tu le tribut de tes hommages? Donc, en louant Dieu à propos de la fortune que tu veux acquérir, tu le loues forcément et non pas d’un plein gré, car alors tu aimes autre chose que lui. Voilà pourquoi le Prophète a dit: « Je vous offrirai des sacrifices volontaires . Méprise toutes choses, considère Dieu avant tout. Les bienfaits tirent leur prix de celui-là même qui nous les distribue, car tous les biens temporels nous viennent de sa main généreuse : aux uns, il les accorde pour leur bonheur; aux autres, pour leur malheur : à tous il les accorde suivant la hauteur et la profondeur de ses jugements. En présence de ces impénétrables jugements de Dieu, l’Apôtre se sentait saisi d’épouvante et s’écriait: « O profondeur de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses jugements sont incompréhensibles! Que ses voies sont impénétrables! Qui est-ce qui peut sonder toutes ses voies ou comprendre tous ses desseins ! » Il sait donc quand il enrichit et qui il enrichit, quand il appauvrit et qui il appauvrit. Demande-lui aujourd’hui ce qui plus tard te sera utile, ce qui te sera éternellement avantageux. Pour lui, aime-le gratuitement. Pourrait-il te donner quelque chose de meilleur que lui-même? Si, parmi ses bienfaits, tu trouves mieux que lui, demande-le. « Je vous offrirai des offrandes volontaires ». Pourquoi, « volontaires? » Parce qu’elles seront gratuites. Qu’est-ce à dire : gratuites? « Et je confesserai votre nom, Seigneur, parce qu’il est bon » : pour nul autre motif que sa bonté même. Le Prophète dit-il : Seigneur, je rendrai hommage à votre nom, parce que vous m’accordez des terres fertiles, de l’or et de l’argent, d’immenses richesses, une fortune considérable, d’éclatantes dignités? Non. Que dit-il donc? « J’exalterai votre nom parce qu’il est bon ». Je ne trouve rien de meilleur que votre nom; « c’est pourquoi, Seigneur, je lui rendrai hommage parce qu’il est bon ».

11. « Car vous m’avez délivré de toute

 

Rom. XI, 33, 34.

 

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affliction  1 ». Par là, j’ai compris que votre nom est bon. Si j’avais pu le connaître avant d’être éprouvé par la tribulation, elle ne m’aurait pas sans doute été nécessaire; mais Dieu l’a permise pour me donner un salutaire avertissement : une fois averti, j’ai loué votre saint nom. En effet, je n’aurais point su où je me trouve, si je n’avais appris à connaître ma faiblesse. Vous m’avez donc délivré de toutes mes peines, « et j’ai porté mes regards sur mes ennemis ». J’ai considéré ces Ziphéens : mon coeur s’est élevé au-dessus de leur éphémère beauté; j’ai passé outre et je suis parvenu jusqu’à vous : de là, j’ai jeté les yeux sur ces Ziphéens, et j’ai vu que « toute chair est pareille à l’herbe des champs », et que « tout l’éclat de l’homme ressemble à l’éclat de la fleur champêtre 2 » C’est ce que le Prophète avait déjà dit ailleurs : « J’ai vu u l’impie élevé comme les cèdres du Liban j’ai passé, et il n’était déjà plus ». « Il n’était déjà plus ». Pourquoi? Parce que tu étais passé : tu étais passé, parce que tu n’avais

 

1. Ps. LIII, 9. — 2. Isa. XL, 6.

 

pas inutilement entendu ces paroles : Elève ton coeur; parce que tu n’étais pas resté sur la terre où tu pouvais te corrompre; parce que tu avais élevé ton âme jusqu’à Dieu; parce que tu t’étais élevé au-dessus des cèdres du Liban. De la hauteur où tu t’étais placé, tu avais jeté les yeux sur l’impie, et il n’était déjà plus. Tu l’avais cherché, et il était devenu impossible de le trouver 1. Tu n’es plus désormais sujet à souffrir, parce que tu es entré dans le sanctuaire de Dieu, et que tu as pénétré les mystères de l’avenir 2. Telle est la conclusion que tire le Psalmiste : « Et j’ai porté mes regards sur mes ennemis ». Efforcez-vous donc, mes frères, d’entrer dans les mêmes dispositions d’esprit : ouvrez vos coeurs, rendez plus clairvoyants les yeux de votre âme, apprenez à aimer Dieu d’une manière gratuite, à mépriser le temps présent, à offrir à Dieu un sacrifice volontaire de louanges, afin qu’après vous être placés au-dessus de l’éclat passager des mondains, vous puissiez dominer du regard tous vos ennemis.

 

 

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