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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME LVIII.PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME. HUMILITÉ.
DEUXIEME DISCOURS SUR LE PSAUME LVIII.
Ce psaume désigne Jésus-Christ et lEglise sous la figure de David, comme sous cellé de Saül il désigne les Juifs et les impies. Saül ne put cerner la maison où David se cachait; les Juifs ne purent empêcher ni la vérité de la résurrection dêtre connue, ni les Apôtres de la prêcher. Jamais la force dont ils se vantaient na été capable de prévaloir contre lhumilité du Sauveur, car Dieu a soutenu cette vertu de son Fils; il a fait connaître ce quelle couvrait de son voile; il la récompensée. En effet, le Seigneur a manifesté la divinité de Jésus-Christ malgré les ignominies de sa passion ; puis il a récompensé son humilité en amenant au repentir et à la foi les Gentils et une partie des Juifs. Ceux dentre eux qui nont fait ni aveu ni pénitence de leur faute, sont la preuve que nous ne devons chercher notre force quen Dieu, et. doivent nous servir dexemple, car ils ont été dispersés et tous leurs desseins contre le Christ sont devenus inutiles. Ceux au contraire qui ont profité de la mort du Sauveur ont trouvé dans lhumilité le principe de leur perfection et le pardon de Dieu; de la sorte, et par leffet de sa miséricorde ou de sa vengeance, le Seigneur domine les pécheurs et les justes, les Juifs et les Gentils.
1. LEcriture a coutume dindiquer, aux titres des psaumes, les secrètes vérités quils renferment, et dorner la tête de chacun deux de lénoncé de ces grands mystères, pour nous instruire davance du sens caché que nous y trouverons en létudiant ; ainsi lisons-nous, au frontispice dune maison, ce qui sy passe, le nom de celui qui lhabite ou à qui elle appartient. Voilà pourquoi se trouve écrit, au commencement .de ce psaume, ce que jappellerais un titre de titre. Car il porte: « Pour la fin. Naltère rien, pour David sur linscription du titre ». Voilà bien ce que jai appelé un titre de titre. Quelle est linscription de ce titre quil ne faut pas altérer ? LEvangile lui-même nous le dit. Lorsque le Sauveur fut attaché à la croix, une inscription rédigée par Pilate fut placée au-dessus de lui ; elle était ainsi conçue Voilà le Roi des Juifs, et se trouvait écrite en hébreu, en grec et en latin 1, les trois principales langues de lunivers. Le roi des Juifs a été crucifié ; les Juifs ont crucifié leur Roi; mais, en le crucifiant, ils en ont fait le Roi des gentils, plutôt quils ne lont fait mourir. Autant que faire se pouvait, ils ont anéanti le Christ; mais ça été à leur détriment, et à notre profit, puisquil est mort pour nous et quil nous a rachetés au prix de son sang. Nous sommes à même de le voir aujourdhui : linscription de sa croix na pas été altérée ; il est le Roi des gentils : il est le Roi des Juifs eux-mêmes. En effet, pour sêtre opposés à la rédaction de son titre, sont-ils parvenus à détruire sa puissance royale? Il est Roi, et il exerce son empire, même sur eux. Car il porte en ses mains un sceptre de fer; et, armé de ce sceptre, il gouverne et brise
1. Luc, XXIII, 38.
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ses sujets. « Jai été », dit-il, « établi de Dieu pour être roi sur Sion, sa montagne sainte, et pour y prêcher ses préceptes. Le Seigneur ma dit : Vous êtes mon Fils, je vous ai engendré aujourdhui. Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour votre héritage, et pour domaine jusquaux extrémités de la terre. Vous les gouvernerez avec un sceptre de fer, et vous les briserez comme un vase dargile 1 ». Quels hommes gouvernera-t-il ? Quels hommes seront brisés par lui ? Il gouvernera ceux qui lui obéiront; il brisera ceux qui lui feront résistance. Ces mots: « Naltère pas», sont donc une admirable prophétie. Les Juifs étaient allés se plaindre à Pilate, et lui avaient dit: « Garde-toi décrire quil est le Roi des Juifs, mais écris quil sest déclaré Roi des Juifs » ; car, ajoutèrent-ils, un pareil titre consacre sa royauté sur nous. Et Pilate avait répondu: « Ce que jai écrit est écrit 2 ». Voilà laccomplissement de cette parole : « Naltère pas ». 2. Ce psaume nest pas le seul à porter une pareille inscription : « Naltère pas » : ce titre est commun à quelques autres 3, et néanmoins ils ont tous trait à la passion du Sauveur. Sachons donc y trouver une allusion aux souffrances de Jésus-Christ, et y reconnaître la parole de Jésus-Christ considéré comme chef et comme corps tout ensemble. Toujours ou presque toujours dans ce psaume nous devrons considérer les paroles du Rédempteur, dabord comme celles de notre divin chef, de lunique médiateur de Dieu et des hommes, de Jésus-Christ homme, qui, au commencement, était aussi en tant que Dieu le Verbe, Dieu en Dieu ; du Verbe qui a habité parmi nous après sêtre fait chair 4, qui est sorti, selon la chair de la race dAbraham et de David, et qui est né de la Vierge Marie ; nous devrons aussi considérer ces paroles comme celles de Jésus-Christ tout entier, homme parfait, tout à la fois, chef et corps : car, nous dit lApôtre, « vous êtes le corps et les membres du Christ 5». Saint Paul ajoute, en parlant de lui, quil est le Chef de lEglise 6. Sil est notre chef, nous sommes ses membres : il est donc en même temps chef et corps. Parfois il arrive que certaines paroles ne peuvent être attribuées à Jésus-Christ comme chef, et si tu ne les rapportais pas au corps, tu ne
1. Ps. II, 6-9. 3. Jean, XIX, 21. 3. Ps. LVI-LVIII. 4. Jean, I, 1,14. 5. I Cor. XII, 27. Eph. I, 22; Co1oss. I, 18.
pourrais en saisir parfaitement le sens : par une raison analogue, certaines autres paroles ne Conviennent pas au corps; et, pourtant, cest le Christ qui les prononce. Y a-t-il là à craindre de se tromper? Non, car il suffit dappliquer au chef ce qui ne peut convenir aux membres. Enfin, pendant quil était attaché à la croix, le Sauveur a parlé au nom de son corps « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné 1? » Dieu ne lavait pas abandonné, puisquil navait pas abandonné Dieu. Pourrait-on dire, en effet, que pour descendre jusquà nous, il sétait éloigné de son Père, ou quen nous lenvoyant, le coeur de son Père sétait écarté de lui? Non, mais lhomme avait abandonné Dieu, car Adam, après avoir péché, Adam autrefois si heureux quand il se trouvait en la présence du Seigneur, sétait éloigné de la source de son bonheur, épouvanté des reproches de sa conscience coupable 2. Puisquil avait, le premier, abandonné Dieu, il était juste que Dieu labandonnât à son tour. Or, Jésus-Christ ayant puisé sa chair en Adam parlait au nom de lhumanité quil avait prise, car notre vieil homme a été attaché simultanément à la croix 3. 3. Ecoutons donc ce qui suit: « Lorsque Saül envoya garder sa maison pour le faire mourir ». Sil nest point ici question du crucifiement du Sauveur, il sagit néanmoins de sa passion : car après avoir été attaché à la croix, et avoir rendu le dernier soupir, Jésus-Christ a été mis dans le tombeau : et ce tombeau était, à vrai dire, pour lui, comme une maison, et la nation juive la fit véritablement garder, quand elle envoya des gardes pour surveiller le sépulcre de lHomme-Dieu 4. Dans le livre des Rois, nous trouvons, sans doute, le récit des précautions prises par Saut pour cerner la maison où David sétait réfugié, et le faire mourir 5. Cependant, dans lexplication de ce psaume, nous ne devons faire allusion à cet événement quautant que le Psalmiste la fait lui-même. A-t-il voulu se borner à nous dire quon a envoyé garder la maison de David pour le mettre à mort? Si David figurait le Christ, comment peut-on dire quon gardait la maison où se trouvait le Christ, afin de le faire mourir, puisquil na été enfermé dans son sépulcre quaprès avoir perdu la vie sur la croix ? Rapporte donc ces paroles au corps
1. Ps. XXI, 2; Matt. XXVII, 46. 2. Gen. III, 8. 3.
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du Christ; car le mettre à mort, cétait éteindre sa mémoire, cétait empêcher les peuples de croire en lui, cétait faire prévaloir, à cet effet, limposture des gardes, qui sétaient laissé gagner, et disaient, en conséquence, que pendant leur sommeil ses disciples étaient venus lenlever 1. Cétait vraiment vouloir tuer le Christ, que détouffer sous le poids du mensonge la vérité de sa résurrection, et donner gain de cause à lerreur sur lEvangile. Mais de même que Saûl ne put parvenir à faire mourir David, de même la nation juive se trouva dans limpossibilité de faire prévaloir le témoignage de gardes endormis sur la déposition dapôtres bien éveillés. Quelle leçon les gardes reçurent-ils? Que leur apprit-on à dire? Nous vous donnerons autant dargent que vous eu voudrez, pourvu que vous disiez que ses disciples sont venus lenlever pendant votre sommeil. Voilà quels témoins les ennemis du Christ figurés par Saül ont produits pour appuyer leur imposture, pour infirmer la vérité et rendre sa résurrection impossible à croire. O infidèle, interroge ces témoins endormis, quils répondent et te disent ce qui sest passé à son tombeau. Sils dormaient, comment ont-ils pu le savoir? Sils veillaient, comment nont-ils pas mis la main sur les ravisseurs ? Que le Prophète dise donc ce qui suit : 4. « Sauvez-moi de mes ennemis, ô mon Dieu ! Délivrez-moi de ceux qui sélèvent contre moi 2 ». Cest ce qui a eu lieu pour Jésus-Christ pendant quil était en ce monde, cest encore ce qui aura lieu pour nous ; car nos ennemis, le démon et ses anges, ne cessent jamais de sélever contre nous; ils insultent continuellement à notre faiblesse et à notre fragilité par leurs tromperies, leurs suggestions, leurs tentations; ils veulent nous faire tomber en toutes sortes de piéges, pendant tout le cours de notre vie terrestre. Mais que notre prière sélève aussi sans cesse vers le trône de Dieu; que les membres du Christ, toujours unis à leur chef qui est au ciel, sécrient: « O mon Dieu, sauvez-moi de mes ennemis: délivrez-moi de ceux qui sélèvent contre moi ». 5. « Délivrez-moi de ceux qui commettent le péché; sauvez-moi des hommes de sang Ils étaient, dans toute la force du terme, des hommes de sang, ceux qui ont mis à mort le
1. Matt. XXVIII, 13. 2. Ps. LVIII, 2. 3. Id. 3.
juste auquel ils ne purent reprocher aucune faute. Ils étaient des hommes de sang, ceux qui, au moment où un étranger se lavait les mains et voulait renvoyer le Christ sans le condamner, ont crié: « Crucifie-le, crucifie-le». Ils étaient des hommes de sang, ceux auxquels on reprochait de verser injustement le sans du Christ, et qui, le buvant en quelque sorte, à la santé de leurs descendants les plus éloignés, ne craignirent pas de faire entendre cette horrible imprécation : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants 1». Après sêtre insurgés contre le chef, ces hommes de sang continuèrent à sattaquer à ses membres. Car, après la résurrection et lascension du Sauveur, lEglise souffrit persécution; et ceux de ses membres qui étaient sortis du judaïsme pour lillustrer, furent les premiers àressentir lépreuve; de ce nombre furent nos Apôtres. Dabord Etienne fut lapidé dans le pays de Judée 2, et reçut la couronne indiquée par son nom, parce quEtienne signifie couronne. Humilié sur la terre par sa lapidation, il fut exalté dans le ciel par son couronnement. Ensuite, parmi les nations, on vit les rois se révolter contre lEvangile, car en eux ne sétait pas encore accomplie cette prophétie: « Tous les rois de la terre ladoreront, et tous les peuples lui seront assujétis 3» .Alors se déchaîna, contre les témoins du Christ, limpétueuse fureur des nations alors coula à grands flots le sang dune multitude de martyrs ; et, fécondée par ce sang précieux, la semence divine produisit pour lEglise une moisson plus abondante, une moisson si abondante, que le monde entier en fut rempli : nous en sommes témoins. En sa qualité de chef et en sa qualité de corps, Jésus-Christ est sorti des mains de ces hommes de sang; oui, il est délivré des hommes de sang, qui ont autrefois vécu, qui vivent aujourdhui et qui vivront plus tard : il est sorti dentre leurs mains, et pour le passé, et pour le présent et pour lavenir, car en Jésus-Christ nous devons voir le Christ tout entier, puisquen sa personne seront délivrés des hommes de sang les chrétiens fidèles daujourdhui, dhier et des siècles futurs: on ne dira jamais sans raison : « Délivrez-moi des hommes de sang ». 6. « Car ils ont tendu des filets à mon âme 4». Ils ont eu le pouvoir de me saisir et de me
1. Matt. XXVIII, 23,25. 2. Act. VII, 58. 3. Ps. LXXI, 14. 4. Id. LVIII, 4.
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tuer. « Ils ont tendu des filets à mon âme ». Quest devenue cette parole: « Vous avez brisé mes liens 1? » et cette autre: « Le filet a été rompu, et nous nous sommes échappés?» Comment pourrons-nous bénir Dieu « de ne pas nous avoir donnés comme une proie à leurs dents 2?» Ils nous ont tendu des filets, mais le Dieu qui garde Israël ne nous abandonne pointentre les mains des chasseurs. « Ils ont tendu des pièges à mon âme, et ceux qui sont forts sont venus fondre sur moi » . Il ne faut pas glisser à la légère sur ces mots « Ceux qui sont forts» : nous devons soigneusement chercher à savoir quels sont ces forts prêts à fondre sur nous. Ils sont remplis de force, mais pour attaquer des infirmes, des gens dépourvus de santé et de force. Néanmoins lEcriture donne des louanges aux faibles et blâme les forts. Comprenons donc bien à qui le Prophète donne le nom de fort. Dabord, le Seigneur attribue la force au démon lui-même : « Personne », dit-il, « ne peut entrer dans la maison du fort ni enlever ses dépouilles, sil ne lie le fort 3». Aussi a-t-il lié le fort par sa puissance souveraine comme par des chaînes de fer, et lui a-t-il enlevé ses dépouilles pour les consacrer à son propre usage; car tous les pécheurs appartenaient au démon : par la foi, ils sont devenus la propriété du Christ : cétait à eux que lApôtre disait : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur 4; qui a fait voir les richesses de sa grâce envers les vases de miséricorde 5» . On 1eut donc déjà interpréter ainsi le mot «forts». Parmi les hommes, il en est qui sont forts dune force digne de reproche et de blâme, qui mettent leur espérance dans les plaisirs de ce monde. Est-ce quil ne vous semble pas avoir été doué dune grande force, ce riche dont nous entretenait tout à lheure lEvangile? Il avait hérité dun terrain singulièrement fertile : dans lincertitude et lembarras de ce quil ferait pour mettre à couvert ses récoltes, il simagina de détruire ses anciens greniers, den construire de nouveaux sur un plan autrement vaste, afin de pouvoir, ces travaux menés à bonne fin, tenir ce langage à son âme: « Mon âme, tu as de grands biens: mange, bois, réjouis-toi, rassasie-toi de tes richesses 6». Quelle force aperçois-tu en lui?
1. Ps. CXV, 16. 2. Id. CXXIII, 7,6. 3. Matt. XII, 29. 4. Eph. V, 8. 5. Rom. IX, 23. 6. Luc, XII, 16-19.
« Cest un homme qui na pas choisi Dieu pour son appui, mais qui a mis sa confiance dans ses nombreuses richesses ». Vois combien il est fort! « Il sest prévalu dans sa vanité 1». 7. Il en est dautres pour être forts, et ce qui leur donne de la force, ce ne sont ni leurs richesses, ni une santé robuste, ni une éclatante position dans le monde : cest la confiance en leur propre justice. Cette classe dhommes, il faut léviter, la craindre, la détester, mais non limiter. Ne me parlez pas de la beauté de leur corps, de leur fortune, de leur naissance, des honneurs quon leur rend : leur confiance ne vient pas de là : où est, en effet, lhomme assez aveugle pour ne pas comprendre que tous ces avantages sont de courte durée, sans consistance, caducs et passagers? Leur confiance vient de la considération de leur propre justice. Telle fut la force qui empêdia les Juifs de passer par le trou de laiguille. Dès lors quils ont cru être justes, et quils se sont regardés comme jouissant dune santé parfaite, ils ont refusé le remède et fait mourir le médecin. Ce ne sont pas des hommes de cette force que le Sauveur est venu appeler : ce sont des infirmes. « Le médecin », dit-il, « nest pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui se portent mal; car je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence ». Ils étaient forts, ceux qui insultaient les disciples du Christ, parce que leur maître visitait les infirmes et mangeait avec eux. « Pourquoi », leur disaient-ils, « votre maître sassied-il à la table des publicains et des pécheurs 3?» O hommes forts, qui navez nul besoin du médecin! vous ne puisez votre force que dans la folie : le bon sens nen est pas la source. Rien de plus fort que les frénétiques: ils sont bien autrement robustes que ceux qui jouissent dune santé parfaite; mais plus grandes sont leurs forces, plus proche est leur mort. Daigne le Seigneur nous faire la grâce de ne point imiter de telles gens. Chacun de nous doit craindre de suivre leur exemple. Le Maître de lhumilité, qui a partagé notre infirmité humaine pour nous rendre participants de sa divinité, qui est descendu sur la terre pour nous enseigner notre chemin et devenir lui-même notre voie 4, Jésus-Christ a bien voulu nous recommander,
1. Ps. LI, 9. 2. Matt. XIX, 24. 3. Id. IX, 11, 13. 4. Jean, XIV, 6.
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surtout son humilité 1. Il na pas dédaigné de se faire baptiser par son serviteur, afin de nous apprendre à faire laveu de nos fautes, à devenir faibles pour devenir forts, et à pouvoir, de préférence, dire avec saint Paul : « Quand je suis faible, cest alors que je suis fort 2 ». Ainsi lApôtre témoignait-il ne pas vouloir être du nombre de ces forts. Mais en voulant se montrer forts, cest-à-dire, en présumant de leur vertu comme sils étaient justes, les Juifs se sont heurtés contre la pierre de scandale 3. LAgneau leur a semblé être un bouc: ils lont tué, comme sil en était un; et par là ils ont mérité de nêtre point rachetés par lAgneau. Voilà les forts qui se sont vantés de leur justice, et se sont élevés contre le Christ. Ecoutez-les parler. Certains habitants de Jérusalem avaient été envoyés par eux avec lordre de semparer du Sauveur : ces émissaires nosèrent point accomplir heur mission, car le moment nétait point encore venu pour Jésus-Christ, dont les forces étaient réelles, de vouloir se laisser prendre : alors ceux qui les avaient envoyés, leur dirent : Pourquoi donc navez-vous pu vous emparer de sa personne? Jamais, répondirent-ils, jamais homme na parlé comme lui. Et ces forts répliquèrent Est-ce que parmi les Pharisiens ou les Scribes il y en a un seul pour croire en lui? En dehors de cette populace, qui ne connaît point la loi, personne najoute foi à ses paroles. Ils se sont préférés à une foule dinfirmes, qui se précipitaient au-devant du médecin : pourquoi, sinon parce quils étaient robustes? Mais, par un nouvel et plus criant abus de leur force, ils ont entraîné à leur suite toute cette foule et mis à mort le médecin, qui pouvait guérir les uns et les autres. Pour lui, par cela même quon la fait mourir, il sest servi de son sang comme dun remède propre à guérir les malades. « Les forts se sont précipités sur moi ». Réfléchissez bien au sort de cette classe dhommes; et, sil est défendu au chrétien de mettre sa confiance en sa propre justice, voyez sil nous est permis de lappuyer sur autre chose. Voyez où en sont réduits ceux qui se glorifient de leurs richesses, de leur force corporelle, de la noblesse de leur origine, des dignités qui les distinguent dans le inonde, puisque ceux-là tombent si lourdement, qui se glorifient de leur justice, comme
1. Matt. III, 13. 2. II Cor. XI, 10. 3. Rom. IX, 32. 4. Jean, VII, 45-49.
sils en étaient la source. « Les forts se sont précipités sur moi ». Du nombre de ces hommes était le pharisien, car il se vantait de ses forces. « Je vous rends grâces », disait-il, de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont injustes, ravisseurs du bien dautrui, adultères, ni même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine; je donne la dîme de tout ce que je possède». Voilà un fort qui se vante de sa forcé : Voici maintenant un infirme, qui se tient bien loin, et qui, par son humilité même, se rapproche de Dieu. « Mais le publicain se tenait bien loin, et nosait pas même lever les yeux au ciel. Il se frappait la poitrine et disait : O Dieu, soyez-moi favorable, à moi pécheur. En venté, je vous le dis, cet homme sen retourna plus juste que le pharisien ». Vois en quoi consiste la justice : « Celui qui sélève sera humilié, et celui qui shumilie sera élevé 1». Tels sont les forts qui se sont précipités sur le Christ : ce sont des orgueilleux qui, méconnaissant la justice divine, et pénétrés de la valeur de leur propre justice, ne se sont point soumis à celle de lEternel 2. 8. Que dit ensuite le Psalmiste? « Il ny a point dinjustice en moi, ô mon Dieu, il ny a en moi aucun péché 3 ». Les forts, qui se confiaient en leur justice, se sont précipités sur moi : oui, ils se sont jetés sur moi, mais ils nont trouvé en moi aucun péché. Ces forts, cest-à-dire, ces faux justes, pouvaient-ils attaquer le Christ, sil ne semblait être un pécheur? Quils le remarquent néanmoins, leur force venait de lardeur de la fièvre qui les dévorait, et non dune robuste santé. Quils le reconnaissent, leur force était factice; et sils ont persécuté le Christ, cest quils se sont crus justes et quils lont considéré comme un pécheur. Et pourtant, « Seigneur, il ny avait en moi ni injustice ni péché. Jai couru sans injustice, et jai marché dans la voie droite ». Pendant que je courais, ces forts nont pu me suivre, et ils mont considéré comme un pécheur, parce quils nont pas découvert mes traces. 9. « Jai couru sans injustice, et jai suivi la voie droite : venez à ma rencontre, et voyez 4 ». Le Prophète dit à Dieu : « Jai couru sans injustice, et jai suivi la voie droite : venez à ma rencontre, et voyez ». Quoi donc! Le Seigneur ne peut-il voir, sans
1. Luc, XVIII, 11-14. 2. Rom. X, 3. 3. Ps. LVIII, 5. 4. Id. 6.
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venir à sa rencontre? En serait-il de lui comme dun homme qui ne pourrait te connaître de loin pendant ta promenade, et à qui tu dirais à haute voix: Viens à ma rencontre, et tu verras comment je marche; car, en me considérant à pareille distance, tu ne peux examiner mes pas? Encore une fois, en serait-il ainsi de Dieu; et, pour sapercevoir que le Prophète suit la voie droite et court sans péché, aurait-il besoin de venir à sa rencontre? Nous pouvons donc expliquer ainsi ces paroles: « Venez à ma rencontre » : venez à mon secours : aidez-moi. Et ces autres mots : « Et voyez », doivent sentendre en ce sens : Faites quon me voie courir, faites quon me voie marcher dans le chemin droit : car autrefois Dieu parlait dans le même sens à Abraham: « Je connais maintenant que tu crains le Seigneur 1 ». Dieu dit : « Je connais », pour dire : Je tai fait connaître; chacun de nous, en effet, signore lui-même avant lexpérience que lui donne la tentation. Ainsi, quand il présumait de lui-même, Pierre ne se connaissait pas : il apprit jusquoù allaient ses forces, au moment ois il reniait sois Maître: à la suite de sa chute, il comprit quil avait à tort présumé de lui-même; il pleura 2, et, par ses larmes, il mérita pour son profit de savoir ce quil avait été, et de devenir ce quil nétait pas. Lors donc que Dieu éprouva Abraham, il lui donna la connaissance de lui-même, et lui dit : « Je connais maintenant », cest-à-dire, je tai fait connaître. Ainsi, donne-t-on le nom de gai au jour qui nous procure de la joie, et celui de triste au jour qui nous plonge dans la tristesse? Pour la même raison on dit que Dieu voit, quand il fait voir. « Venez donc à ma rencontre », dit le Prophète, «et voyez ». Quel sens faut-il donc donner à ces paroles? Aidez-moi, et faites que mes ennemis voient mes traces; quils me suivent: que ce qui est bon ne leur paraisse point mauvais, et que ce qui est conforme à la règle de la vérité ne leur semble pas opposé à la droiture. « Parce que jai couru sans péché, et suivi la droite voie; venez à ma rencontre et voyez ». 10. Lexcellence de notre Chef mengage à vous parler ici de lui. Il a, en effet, voulu devenir faible jusquà mourir, et pour rassembler sous ses ailes les petits de Jérusalem, il sest revêtu de,linfirmité de notre chair, imitant
1. Gen, XXII, 12. 2. Matt. XXVI, 35, 69, 75.
par là lexemple de la poule qui se fait petite avec ses petits. De tous les oiseaux que nous avons été à même dexaminer, qui font leurs nids sous nos yeux, par exemple les oiseaux de murailles, les hirondelles qui viennent tous les ans nous demander lhospitalité, les cigognes et les autres oiseaux despèces différentes qui font leurs nids devant nous, qui couvent leurs oeufs et nourrissent leurs petits, comme les pigeons dont nous pouvons tous les jours étudier les mouvements ; de tous ces oiseaux il nen est aucun pour se faine petit avec ses petits; nous nen avons jamais rencontré, connu ou vu, pour ressembler à la poule. Car, que fait-elle? Je ne relate pas ici un fait inconnu; tous ceux qui mentendent le savent pour en avoir été souvent témoins voyez comme sa voix devient rauque, comme son corps tout entier se hérisse; ses ailes traînent à terre, ses plumes tombent ; elle éprouve pour ses petits je ne sais quel malaise, et cette sorte de maladie nest chez elle que leffet de son amour maternel. Voilà pourquoi, dans la sainte Ecriture, le Sauveur se compare à une poule et tient ce langage : « Jérusalem, Jérusalem, combien de fois jai voulu rassembler tes petits, comme la poule rassemble les siens sous ses ailes, et tu ne las pas voulu 1 ! » Comme fait une poule pour ses petits, ainsi a-t-il rassemblé toutes les nations en se faisant faible pour nous, en nous empruntant, en empruntant au genre humain linfirmité de la chair, en se laissant crucifier, mépriser, souffleter, flageller, attacher au bois de sa croix et percer dun coup de lance. En tout cela nous devons voir leffet de sa tendresse de mère pour nous, et non pas la preuve de la perte de sa puissance souveraine; et parce quil a été réduit à cet état de faiblesse et dhumiliation, il est devenu une pierre dachoppement et de scandale contre laquelle plusieurs se sont heurtés 2. Réduit à cet état dinfirmité, revêtu de notre chair sans en prendre le péché, le Christ est devenu participant de notre faiblesse, sinon de notre injustice; et, en prenant ainsi part à notre faiblesse, il a fait disparaître notre injustice; cest pourquoi il dit : « Jai couru sans injustice et jai suivi la voie droite ». Mais ne devons-nous pas voir en lui la nature divine ? devons-nous méconnaître en lui la toute-puissance qui nous a créés, pour ne
1. Matt, XXIII, 37. 2. Rom. IX, 32; 1 Pierre, II, 8.
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considérer que ce quil a bien voulu devenir pour nous racheter? Certes, il est de ton devoir de ne pas négliger la considération de ses grandeurs ; cest même une grande preuve de piété de ta part que dapprendre à connaître Celui qui a tant souffert pour toi. Ce nest pas un être vil et méprisable, cest le premier de tous les êtres qui a souffert pour toi; et toi, qui es-tu? Un grand personnage? Hélas, tu nes quune faible créature! Qua-t-il fait pour toi? Il est devenu tout petit, car « il sest humilié et sest fait obéissant jusquà la mort». Et qui était-il? Ecoute : lEcriture la dit avant de parler de ses humiliations : « Etant dans la forme de Dieu il na pas cru faire un larcin en se disant égal à Dieu » ; mais lui qui était semblable à Dieu « sest anéanti lui-même en prenant la forme desclave et en se rendant semblable aux hommes 1 ». Il sest anéanti de telle sorte quil a pris ce quil nétait pas, sans perdre néanmoins ce quil était. Mais comment sest-il anéanti? En ce quil sest offert à tes regards dans cet état danéantissement; en ce quil a dérobé à tes yeux la suprême grandeur quil possède en son Père; en ce que, sur la terre, il ne te fait voir que son infirmité, se réservant de te rendre témoin de sa gloire quand tu seras entré, purifié de toute souillure, dans le ciel. Egal à son Père, il est devenu lhomme de douleurs, et pourtant, à travers le voile de sa faiblesse, nous devons voir en lui, avec les yeux de la foi, sinon avec ceux de la chair, le Fils de lEternel, et croire du moins ce que nous ne pouvons contempler face à face; ainsi mériterons-nous de considérer à découvert ce que, par limpuissance de nos organes, nous pouvons seulement croire aujourdhui. Après sa résurrection il apparut à Marie-Madeleine et lui dit avec grande raison: «Ne me touche point, parce que je ne suis pas encore monté vers mon Père 2 ». Pourquoi parler ainsi, puisque peu après les saintes femmes le touchèrent? Effectivement, au moment où elles venaient de quitter le tombeau pour retourner à Jérusalem, il se présenta devant elles, et aussitôt elles se prosternèrent à ses pieds pour ladorer, et les embrassèrent 3. Les disciples eux-mêmes furent admis à toucher ses plaies 4. Quel sens dominer à ces paroles : « Ne me touche point, parce que je ne suis pas
1. Phil. II, 6, 8. 2. Jean, XX, 17. 3. Matt. XXVIII, 9. 4. Luc, XXIV, 39.
encore monté vers mon Père? » Celui-ci, sans doute : Ne crois pas que je sois seulement ce que tu vois; narrête donc pas tes regards à ce que tu touches. Tu me vois toujours dans la faiblesse, parce que je ne suis pas encore monté vers mon Père. Je suis descendu du ciel pour habiter parmi vous, mais je nai pas encore quitté la terre pour remonter auprès de mon Père, puisque je ne me suis pas encore séparé de vous. Il était descendu sur la terre sans quitter le ciel : il est remonté au ciel sans quitter la terre. Mais que signifie cette ascension du Sauvtur vers son Père? Elle signifie la connaissance que nous acquérons de son égalité avec son Père. Pour nous, nous montons, lorsque nous devenons plus parfaits et plus capables de voir, de comprendre et de saisir ce mystère. Il remit donc à un autre temps, pour Marie-Madeleine, la permission de le toucher, mais il ne la lui refusa pas pour toujours; il ne lui en enleva pas lespérance, il ne fit quen différer laccomplissement. « Car », dit-il, « je ne suis pas encore monté vers mon Père. Il est sorti du plus haut des cieux ; on le rencontre au plus haut des cieux 1». Le plus haut des cieux, cest-à-dire la plus relevée de toutes les choses spirituelles, cest le Père; voilà doù le Fils est descendu, voilà où il est remonté, car il est remonté jusquau plus haut des cieux. Sil nétait égal à son Père, pourrait-il remonter jusque-là? Enfin, lorsque nous comparons ensemble deux objets inégaux et que nous appliquons lune contre lautre deux mesures dinégale grandeur, pour voir dans quel rapport elles sont entre elles, si leurs dimensions sont différentes, nous disons que ces deux objets, ces deux mesures, ne se rencontrent pas si, au contraire, leurs dimensions se trouvent être pareilles, nous disons quils se rencontrent. Donc, parce que le Fils est égal à son Père, « sa rencontre est au plus haut des cieux ». Tel il voulait se faire connaître de ses serviteurs fidèles, quand il disait : «Ne me touche pas ». Il voulait obtenir cette grâce de la part de son Père en leur faveur, en lui adressant cette prière : « Levez-vous, venez à ma rencontre et voyez ». Faites connaître que je vous suis égal. Jusques à quand Philippe me dira-t-il: « Montrez-nous votre Père, et cela nous suffit? » Jusques à quand lui répondrai-je : « Je suis avec vous depuis si
1. Ps. XVIII, 7.
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longtemps et vous ne connaissez pas mon Père? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père. Ne crois-tu pas que je suis en mon Père et que mon Père est en moi 1? »Ce disciple ne croit peut-être pas encore à cette égalité. « Levez-vous donc, venez à ma rencontre, et voyez ». Faites quon me voie, quon vous voie aussi, et que les hommes sachent que nous sommes égaux. Loin des Juifs lidée de navoir crucifié quun homme; sans doute le Sauveur na été attaché à la croix que comme homme, mais il est vrai de le dire, ils nont pas su qui ils faisaient mourir; car sils lavaient connu, jamais ils nauraient crucifié le Roi de gloire 2. Mais, afin que mes fidèles connaissent ce Roi de gloire, « levez-vous, venez à ma rencontre, et voyez. 11. « Et vous, Seigneur, Dieu des armées, vous êtes le Dieu dIsraël ». Vous, ô Dieu dIsraël, quon regarde comme le Dieu du peuple dIsraël seul, vous que lon considère comme le Dieu de la seule nation qui vous adore, vous que les autres nations méconnaissent, puisquelles adorent des idoles, Dieu dIsraël, « hâtez-vous de visiter tous les peuples ». Quelle saccomplisse cette prophétie où, parlant en votre nom à votre Eglise, à cette cité sainte qui vous appartient, à cette épouse stérile et abandonnée, qui a eu ensuite plus denfants que la femme qui a un mari, Isaïe lui adresse ces paroles: « Réjouis-toi, stérile, qui nenfantes pas : pousse des cris de joie, toi qui nas point denfants, parce que celle qui était abandonnée aura plus denfants que celle qui a un mari ! » Plus que la nation juive, qui a un mari et qui a reçu une loi; plus que ce peuple qui a eu un roi visible. Car ton Roi est caché, et cet Epoux que personne ne voit, ta donné plus denfants que la nation juive nen a éu de son roi visible : cest pourquoi le Prophète lui dit: « Celle qui était abandonnée a eu plus denfants que celle qui avait un mari. Etends le lieu de la tente », ajoute Isaïe ; « ne crains point dagrandir ta demeuré. Tends tes cordes plus loin: porte-les à droite et à gauche. Renferme à droite ceux qui sont bons, et à gauche ceux qui sont méchants », jusquà ce que vienne le temps de vanner 3. Entre en possession de tous les peuples. Quon invite aux noces les bons et les méchants; que la salle du festin nuptial se remplisse de
1. Jean, XIV, 8-11. 2. I Cor, II, 8. 3. Matt. XXV, 33; III, 12. -
convives 1. Aux serviteurs dinviter: au Seigneur de séparer les uns davec les autres. «Etends donc tes cordes à droite et à gauche, car ta race possédera toutes les nations, et tu habiteras les villes qui étaient abandonnées ». Abandonnées de Dieu, des Prophètes, des Apôtres, de lEvangile, mais remplies de démons. « Tu habiteras les villes abandonnées; ne crains rien, car tu auras enfin lavantage. Ne rougis pas de ce que tu as été un objet dhorreur. Ne rougis donc point de ce que les forts se sont élevés contre moi»; quand on publiait des lois contre le christianisme, quand cétait une honte et une infamie dappartenir à la religion chrétienne. « Ne rougis point de ce que tu as été un objet dhorreur: tu oublieras à jamais ta confusion passée; tu ne te souviendras plus de la honte de ton veuvage. Car je suis « le Seigneur, qui tai faite. Le Seigneur est son nom; celui qui ta délivrée, sera appelé le Seigneur, le Dieu dIsraël, le Dieu de toute la terre 2. Et vous, Seigneur des armées, Dieu dIsraël, hâtez-vous de visiter tous les peuples ». Hâtez-vous, dirai-je moi-même, de visiter tous les peuples. 12. « Nayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent le péché ». Ces paroles sont terribles : qui est-ce qui nen serait pas épouvanté? Qui est-ce qui ne tremblerait pas en faisant un retour sur lui-même? Et si pure, si délicate que soit notre conscience, na-t-elle pas encore quelque faute à se reprocher? Quiconque, en effet, commet le péché, se rend coupable diniquité 3 ». « Seigneur, si vous teniez compte de toutes mes iniquités, qui est-ce qui pourrait soutenir la rigueur de votre jugement, ô mon Dieu 4? » Et pourtant la parole du Prophète est vraie; elle na pas été prononcée en vain : il faut quelle ait, et elle aura, dans une certaine mesure, son accomplissement: « Nayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent liniquité ». Et pourtant le Seigneur a eu pitié de Paul; et cependant, quand celui-ci portait encore le nom de Saul, il commettait liniquité: quel bien a-t-il donc fait pour mériter le pardon de Dieu? Ne traînait-il pas à la mort les saints du Très-Haut? Ne portait-il pas de tous côtés des lettres écrites par les princes des prêtres, afin de conduire au
1. Matt. XXII, 9, 10. 3. Isa. LIV, 1, 5. 4. I Jean, III, 4. 5. Ps. CXXIX, 3.
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supplice, partout où il en rencontrerait, les disciples du Christ? Nest-ce pas au moment où il agissait ainsi, où tous ses efforts tendaient à un pareil but, où il ne respirait, selon le langage de lEcriture, que le meurtre elle carnage, nest-ce pas à ce moment-là même quune voix éclatante la appelé du haut du ciel; quil a été jeté à terre et sest relevé ensuite; quil a été aveuglé pour se voir bientôt environné de lumière; quil a été frappé de mort pour revenir promptement à la vie; quil a été perdu et retrouvé ensuite 1? Avait-il mérité de telles faveurs? Comment les avait-il méritées? Gardons le silence, laissons-le répondre à notre place, écoutons-le. « Auparavant », dit-il, « jai été un blasphémateur, un persécuteur, un injurieux; mais jai obtenu miséricorde 2». Quoi quil en soit, voici une parole dont ou ne peut douter: « Nayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent liniquité ». On peut lexpliquer de deux manières: en ce sens, dabord, que Dieu ne laisse impuni aucun péché; en ce sens, ensuite, quil y a certaines fautes dont on nobtient jamais le pardon de la part de Dieu, quand on sen est rendu coupable. Nous allons, autant du moins que besoin sera, entretenir brièvement votre charité de cette double interprétation des paroles du Prophète. 13. Griève ou légère, toute iniquité doit nécessairement recevoir sa punition, soit que le pécheur lui-même en fasse pénitence, soit que Dieu en châtie lauteur. Celui qui se repent se punit. Aussi, mes frères, devons-nous infliger à nos péchés la peine quils méritent, si nous prétendons obtenir miséricorde de la part de Dieu. Pour lui, il ne saurait accorder son pardon à tous ceux qui se rendent coupables diniquité, car ne serait-ce point flatter les prévaricateurs? Ne serait-ce point vouloir perpétuer le crime? De là résulte évidemment la nécessité du châtiment; quil vienne de toi ou de lui, peu importe. Veux-tu ne pas être puni de Dieu? Punis-toi toi-même. Car tu as fait une chose qui ne peut rester impunie : mais il est bien préférable que le châtiment vienne de toi, parce qualors tu accompliras ce qui est écrit en un autre psaume « Prévenons sa face par une humble confession 3». « Prévenons sa face » ; quest-ce à dire? Avant que Dieu se mette en devoir de
1. Act. IX. 2. I Tim. I, 13. 3. Ps. XCIV, 2.
punir tes fautes, préviens ses coups par une humble confession, et punis toi-même tes écarts, et que le Seigneur ne trouve rien en toi, qui soit digne de châtiment. De fait, en punissant linjustice, tu fais acte de justice, et dès lors que Dieu te trouvera déjà appliqué àune oeuvre de justice, il taccordera ton pardon. Mais comment puis-je dire quen châtiant ton péché tu accomplis une oeuvre de justice? Cest que tu bais en toi ce que Dieu hait lui-même ; et en cela, tu commences à lui plaire, puisque tu punis ce qui lui déplaît : il ne peut laisser impuni aucun péché, car cette parole est vraie : « Nayez de compassion pour aucun de ceux qui commettent liniquité ». 14. Examinons maintenant la seconde manière dinterpréter ce passage. Il y a certaine faute dont on nobtient jamais le pardon de la part de Dieu, quand on sen est rendu coupable. Vous me demanderez, sans doute, quelle peut être cette faute, en quoi elle consiste. Elle consiste à prendre la défense de ses propres Péchés. Dès quune personne excuse ses iniquités, elle déclare bon ce que Dieu déteste, et ainsi elle commet une grande faute, Vois combien est injuste et déraisonnable cette manière dagir. Si lhomme fait un peu de bien, il se lattribue; et, quand il fait le mat, il limpute à Dieu : ainsi, ils accusent Dieu de leurs désordres. Nest-ce point porter liniquité à son comble? Personne noserait dire: Ladultère, lhomicide, la fraude, le parjure sont choses légitimes. Personne ne serait assez hardi pour tenir un pareil langage. Ceux mêmes qui sen rendent coupables, crient à la prévarication et au scandale, dès quils en souffrent; nulle âme donc nest assez pervertie, assez ennemie du genre humain, assez étrangère à lunion que doit établir entre nous notre commune origine en Adam, pour considérer comme bons et légitimes ladultère, la fraude, la rapine, le parjure. Alors comment peut-on en prendre la défense ? En disant: Si Dieu ne lavait pas voulu, je ne men serais pas rendu coupable. Puis-je mopposer à mon destin? Si tu leur demandes ce quils entendent par le destin, ils te parlent des étoiles ; et si tu cherches à savoir qui est-ce qui a créé les étoiles et réglé leur cours, ils te répondent: Cest Dieu. Par conséquent, tu nexcuses ton péché que pour en accuser Dieu lui-même ; tu absous le
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coupable pour mettre le juge en cause. Est-il possible que le Seigneur prenne pitié de ceux qui commettent une semblable iniquité? « Nayez compassion daucun de ceux qui commettent le péché ». Que votre vengeance, dit le Prophète, poursuive leurs péchés : punissez-les, percez-les des traits de votre justice; ils ne veulent point se connaître: forcez-les à senvisager eux-mêmes, et puissent-ils rougir du malheureux état où ils se trouvent, et trouver en vous leur bonheur! « Nayez compassion daucun de ceux qui commettent le péché ». 15. « Quils se convertissent sur le soir 1». Le Prophète parle ici de je ne sais quels hommes, qui commettaient jadis liniquité, qui étaient autrefois ténèbres, et qui se convertissent sur le soir. Que veulent dire ces paroles : « Sur le soir ? » Ensuite. Et encore? Plus tard, avant dattacher le Christ à linstrument de son supplice, ils auraient dû reconnaître en lui leur médecin ; mais ils ne le reconnurent que plus tard; après sa mort, sa résurrection, son ascension, et la descente du Saint-Esprit sur les disciples qui se trouvaient dans la même maison et qui, sous la riche influence de ses dons, parlèrent le langage de tous les peuples; alors ils sépouvantèrent de lavoir cloué à la croix ; la conscience bourrelée de remords, ils demandèrent aux Apôtres comment ils pourraient se sauver, et ceux-ci leur répondirent : « Que chacun de vous soit baptisé au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et vos péchés vous seront remis 2 ». Après avoir fait mourir le Christ, et avoir répandu son sang, vous obtiendrez néanmoins la rémission de vos péchés, car il a voulu mourir, afin de racheter par leffusion de son sang ceux-là mêmes qui le verseraient. Vous vous êtes montrés cruels à son égard ; vous avez répandu son sang : que votre foi vous fasse, boire ce breuvage salutaire ! Cest donc avec raison que le Prophète sexprime ainsi : « Quils se convertissent sur le soir, et quils souffrent la faim comme des chiens ». Les Juifs appelaient de ce nom les Gentils, parce quils les considéraient comme impurs; voilà pourquoi le Sauveur appela lui-même ainsi la Chananéenne, qui nétait pas juive. Cette femme le suivait et lui demandait à grands cris davoir pitié de sa fille, et de la
1. Ps. LVIII, 7. 2. Act. II, 38.
guérir. Jésus prévoyait tout, il savait tout, mais il voulait manifester aux yeux de tous la foi de cette femme; il différa donc daccéder à sa demande, et la tint quelque temps en suspens. Et comment différa-t-il de se rendre aux voeux de cette mère désolée? « Je nai été envoyé », dit-il, « que pour sauver les brebis égarées de la maison dIsraël ». A Israël il donnait le nom de brebis ; et les Gentils, comment les désignait-il? « Il nest pas bon de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens ». Il donna aux Gentils le nom de chiens, à cause de leur impureté. Mais que fit cette femme affamée? au lieu de se laisser rebuter par cette parole, elle la reçut avec humilité, et mérita ainsi la faveur quelle sollicitait. On ne peut effectivement voir une injure dans les paroles adressées par le Sauveur à la Chananéenne. Quun serviteur parle ainsi à son maître, ce serait outrageant pour celui-ci; mais quun maître emploie ce langage à légard de son serviteur, cest, de sa part, un acte de bonté quon ne saurait accuser de hauteur. « Oui, Seigneur », répondit-elle. Que veut dire ce « oui ? » Vous dites vrai : vos paroles sont lexpression de la vérité même: je suis un chien. « Mais», ajouta-t-elle, « les chiens mangent les mies qui tombent de la table de leurs maîtres » . « O femme», reprit aussitôt le Sauveur, « que ta foi est grande 1! » Tout à lheure il lui donnait le nom de chien ; maintenant, il lui donne celui de femme. Pourquoi donner le nom de femme à celle quil appelait, un instant auparavant, du nom de chien ? Parce quau lieu de repousser la dénomination que lui avait donnée le Sauveur, elle lavait humblement acceptée, comme lexpression de la vérité. Les Gentils sont donc des chiens ; cest pourquoi ils sont affamés. Il serait avantageux, pour les Juifs eux-mêmes, de reconnaître quils sont pécheurs, et de se convertir, quoique « sur le soir », et « de souffrir la u faim comme les chiens ». Car sil était rassassié, il ne létait pas comme il eût été nécessaire, celui qui disait : « Je jeûne deux fois la semaine ». Pour le publicain, il souffrait de la faim comme un chien ; il avait faim des bienfaits de Dieu , car il disait: « Soyez-moi propice, à moi qui suis un pécheur 2 » . « Quils se convertissent » donc
1. Matt. XV, 24 - 28. 2. Luc, XVIII, 12, 13.
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aussi « sur le soir, et quils souffrent la faim comme les chiens ». Quils désirent la grâce de Dieu, quils comprennent quils sont pécheurs : que ces forts deviennent faibles, que ces riches deviennent pauvres, que ces justes reconnaissent leur état de péché, que ces lions deviennent des chiens. « Quils se convertissent sur le soir et souffrent la faim comme les chiens, et ils parcourront les alentours de la ville ». Quelle est cette ville ? Cest ce monde, quen certains endroits lEcriture appelle une ville denvironnement, parce que le monde, composé de toutes les nations de la terre, enveloppait de part et dautre et isolait le peuple juif, au milieu duquel se disaient ces vérités saintes; il avait reçu, pour ce motif, le nom de ville denvironnement. « Devenus des chiens affamés, ils parcourront les alentours de cette ville». Et comment les parcourront-ils ? En prêchant lEvangile. De loup quil était, Saul est devenu un chien sur le soir, cest-à-dire quil sest converti tard; et, soutenu par les mies tombées de la table de son Maître, il a couru dans le chemin de la grâce, et il a parcouru la ville. 16. « Ils parleront dans leur bouche, et ils auront une épée sur leurs lèvres 1 ». Cette épée est un glaive à deux tranchants, dont lApôtre nous parle ainsi : « Et le glaive de lesprit, qui est la parole de Dieu 2». Pourquoi ce glaive a-t-il deux tranchants, sinon parce quil se sert des deux testaments pour frapper? Cest avec lui que saint Pierre frappait ceux dont Dieu disait : « Tue et mange 3. Ils auront une épée sur leurs lèvres, car qui est-ce qui écoute? » Ils parleront et diront: « Qui est-ce qui écoute? » Cest-à-dire, ils sindigneront contre ceux qui se montreront lents à accepter la foi évangélique. Ceux qui tout à lheure ne voulaient pas croire, souffrent et se tourmentent de rencontrer des incrédules. Ainsi en est-il réellement, mes frères. Tu vois un homme se montrer indolent avant de devenir chrétien, tu lui adresses chaque jour les exhortations les plus pressantes, à peine songe-t-il à travailler à sa conversion. Quil se convertisse enfin; il voudrait déjà que tous fussent chrétiens, il sétonne de ne pas les voir déjà dans le giron de lEglise, il oublie quil ne sest lui-même converti que sur le soir; mais parce quil est devenu semblable à un chien affamé, il a aussi un glaive
1. Ps. LVIII, 8. 2. Eph. VI, 17. 3. Act. X, 13.
sur les lèvres, et il sécrie : « Qui est-ce qui écoute? » Que veulent dire ces paroles « Qui est-ce qui écoute? » Qui est-ce qui croit ce que nous lui annonçons? A qui la puissance du Seigneur a-t-elle été révélée 1? « Car qui est-ce qui écoute? » Les Juifs nont pas voulu croire, et alors les Apôtres se sont tournés du côté des Gentils, et leur ont annoncé lEvangile: les Juifs ne croyaient pas, et cependant 1Evangile annoncé par des Juifs croyants faisait le tour de la ville, et ceux qui le prêchaient disaient : « Qui est-ce qui nous écoute? » 17. « Et vous, Seigneur, vous vous rirez deux 2 ».Toutes les nations doivent devenir chrétiennes, et vous dites: « Qui est-ce qui écoute? » Quest-ce à dire : «Vous vous rirez deux? Vous compterez pour rien tous les peuples ». Ce nest rien à vos yeux, car rien de plus facile pour vous que la conversion à la foi de toutes les nations du monde. 18. « Je vous garderai toute ma force 3». Tous ces forts sont tombés, parce quils ne vous ont pas gardé toute leur force : cest-à-dire, ceux qui se sont élevés haut pour me combattre, et qui se sont jetés sur moi, ont mis leur confiance en eux-mêmes; pour moi, « je vous garderai toute ma force » ; car, en méloignant de vous, je tombe; et je deviens plus fort en men approchant. Voyez, mes frères, ce quil en est de lâme humaine: delle-même elle na ni lumières, ni forces ce qui fait toute sa beauté, cest la vertu et la sagesse; or, ni la sagesse, ni la force, ni la lumière, ni la vertu ne se trouvent en elle : elle les puise à une autre source. Il est une source et un principe de vertu, une racine de sagesse ; pour le dire en un mot, si toutefois il mest permis de parler ainsi, il est un pays où habite limmuable vérité : que notre âme sen éloigne, elle tombe dans les ténèbres; quelle sen approche, elle est environnée de lumière. « Approchez-vous de Dieu, et vous serez éclairés 4 », puisquen vous en éloignant, vous vous plongez dans les ténèbres ; « Je vous garderai donc toute ma force », je ne méloignerai pas de vous,je ne mettrai pas ma confiance en moi. « Je vous garderai toute ma force, car, Seigneur, vous mavez pris sous votre garde ». Où étais-je alors? Où suis-je maintenant? Doù venais-je lorsque vous mavez reçu ? Quels péchés mavez
1. Isa. LIII,
656
vous pardonnés ? A quel état de bassesse jétais réduit ! A quel degré délévation je suis parvenu ! Jen garderai le souvenir, cest pour moi un devoir de ne pas oublier ce que dit un autre psaume : « Mon père et ma mère mont abandonné, mais le Seigneur ma pris en sa garde 1. Je vous garderai ma force, ô mon Dieu, car vous mavez pris sous votre garde». 19. « Vous êtes mon Dieu: sa miséricorde me préviendra 2 ». Voilà ce que le Prophète veut faire entendre en disant: « Je vous garderai ma force » ; je ne mettrai point ma confiance en moi-même. Quel bien ai-je pu faire, pour que vous preniez pitié de moi et que vous me fassiez entrer dans la voie de la justice? Quavez-vous trouvé en moi, sinon le péché, rien que le péché? Ce que vous mavez fait en me donnant la vie venait de vous, et je ne pouvais vous offrir autre chose, car tout le reste, cest-à-dire les péchés que vous mavez pardonnés, venait de moi. Ce nest pas moi qui me suis éveillé le premier pour revenir à vous ; cest vous qui vous êtes approché de moi pour me tirer de mon sommeil, « car sa miséricorde me préviendra ». Sa miséricorde me préviendra avant que je fasse le moindre bien. Que répondra à cela le malheureux Pélage? 20. « Mon Dieu me la fait voir dans mes ennemis 3 ». Cest-à-dire, Dieu ma fait voir par mes ennemis, toute la miséricorde dont il a usé à mon égard. Que celui qui a été recueilli par le Seigneur, se compare à ceux que Dieu a délaissés, et que celui quil a choisi se compare à ceux qui ont été réprouvés. Que les vases de miséricorde se comparent aux vases de colère, et considèrent que, « de la même masse, Dieu a fait les uns pour être des vases dhonneur, et les autres pour être des vases dignominie ». Que signifient ces paroles : « Dieu me la fait voir par mes ennemis? Dieu voulant manifester sa colère et sa puissance, a souffert avec beaucoup de patience les vases de colère qui ont été destinés à la perdition, afin de faire mieux voir sa bonté envers les vases de miséricorde 4 ». Si donc il a supporté les vases de colère, pour faire connaître les richesses de sa bonté à légard des vases de miséricorde, cest avec une extrême justesse que le Prophète a dit : « Sa miséricorde me préviendra : « Mon Dieu me
1. Ps. XXVI, 10. 2. Id. LVIII, 11. 3. Id. 12. 4. Rom. IX, 2123.
la fait voir dans mes ennemis». Cest-à-dire: il ma fait comprendre létendue de sa bonté pour moi , en me donnant pour exemple ceux quil na pas aimés comme il ma aimé moi-même; car si lon ne fait mourir un débiteur insolvable, celui à qui on remet sa dette se montre moins reconnaissant. « Dieu me la fait voir dans mes ennemis ». 21. Quant à ses ennemis eux-mêmes, quest-ce quajoute le Prophète? «Ne les faites point mourir, ô mon Dieu, de peur quils oublient votre loi ». Il prie pour ses ennemis; il accomplit le précepte de la charité. Tout à lheure nous entendions sortir de sa bouche ces paroles : « Nayez compassion daucun de ceux qui commettent liniquité ». Maintenant il dit : « Ne les faites point mourir, de peur quon oublie votre loi ». Comment accorder ensemble ces deux passages de notre psaume? Comment Dieu peut-il en même temps ne pas prendre en pitié des pécheurs, et ne pas les faire mourir dans la crainte quon oublie sa loi? Ici, remarquez-le, le Prophète parle de ses propres ennemis. Hé quoi! ses ennemis observent-ils donc les lois de la justice ? Si ceux qui le haïssent pratiquent la justice, il est donc lui-même coupable dinjustice? Mais comme il observe les lois de léquité, il endure, par là même, de la part de ses ennemis, des procédés injustes : il est donc évident quen se déclarant ladversaire des justes, on se constitue soi-même dans létat de péché. Comment donc a-t-il pu dire tout à lheure : « Nayez compassion daucun de ceux qui commettent liniquité », pour faire maintenant cette prière en faveur de ses ennemis: « Ne les faites point mourir, de peur quon oublie votre loi? » Ne prenez donc point pitié deux, afin de tuer leurs péchés; ne faites point mourir ceux dont vous tuez les péchés. Quest-ce quêtre tué ? Cest oublier la loi de Dieu. Se plonger dans labîme du péché, voilà la véritable mort. Ceci peut très-bien sentendre des Juifs. Mais quel rapport ce passage peut-il avoir avec les Juifs : « Ne les tuez pas, de peur quon oublie votre loi? » Ne faites point mourir ces malheureux qui se sont déclarés contre moi, et mont fait mourir moi-même. Que la nation juive subsiste toujours. Sans doute, les Romains lont vaincue, leur ville a été détruite de fond en comble: on ne permet à aucun de ses membres de rentrer dans leur cité sainte, et pourtant, il y
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a toujours des Juifs. Toutes les provinces sont tombées au pouvoir des Romains: où est lhomme capable de les reconnaître toutes au milieu de lempire romain, et de dire quels noms elles portaient autrefois, puisque tous leurs habitants sont devenus Romains et en portent le nom? Néanmoins les Juifs subsistent encore, marqués dun signe qui les distingue des autres; sils ont subi la honte de la défaite, ils nont pas, du moins, été détruits et absorbés par les vainqueurs. Ce nest pas sans raison que, après le meurtre dAbel, Dieu a placé au front de Caïn un signe qui pût le faire reconnaître et lempêcher dêtre lui-même tué 1. Or, voici le signe auquel on reconnaît les Juifs : ils conservent avec un soin extrême les restes de leur loi ; ils reçoivent la circoncision, observent le sabbat, immolent lagneau pascal, et mangent le pain azyme. Il y a donc des Juifs, ils nont pas été anéantis: et même leur existence est indispensable pour confirmer les Gentils dans la foi. Pourquoi cela? Afin que nous connaissions, daprès lexemple de nos ennemis, la miséricorde de Dieu à notre égard. « Mon Dieu me la fait voir dans mes ennemis ». A la vue des branches orgueilleuses de lolivier franc séparées de leur tronc, lolivier sauvage, greffé à leur place, peut comprendre létendue de la miséricorde divine envers lui. Voilà où gisent les rameaux superbes : et toi, qui gisais par terre, voilà où tu as été greffé. Ne tenorgueillis donc pas, car tu mériterais dêtre à ton tour séparé du tronc. « Mon Dieu, ne les anéantissez pas, de peur quon oublie votre loi ». 22. « Dispersez-les dans votre puissance ».
1. Gen. IV, 15.
Lévénement a eu lieu : les Juifs ont été dispersés parmi les nations, et ils servent de témoins pour attester à tous leur crime et la vérité de lEvangile. Les livres quils ont entre les mains, contiennent les prophéties relatives au Christ, et le Christ, nous le possédons, Si, par hasard, il sélève dans lesprit dun païen des doutes concernant les prophéties qui regardent le Sauveur, et dont lévidence le saisit détonnement; si, dans le sentiment dc ladmiration, il simagine que nous avons nous-mêmes inventé ces prophéties pour les besoins de notre cause, nous en appelons àux livres des Juifs, et leur antiquité devient entre nos mains une preuve sans réplique. Voyez donc comment certains ennemis nous servent à combattre et à vaincre dautres ennemis. « Dispersez-les dans votre puissance. Otez-leur tout leur pouvoir, toute leur force. Et conduisez-les, Seigneur, qui êtes mon protecteur. Perdez en eux les péchés de leur bouche, et les paroles de leurs lèvres; et quils soient pris dans leur propre orgueil. Ils apprendront que leurs malédictions et leurs mensonges seront le principe de leur consommation dans la colère de consommation, et ils ne seront plus ». Ce passage est très-obscur, et je crains de ne pas être parfaitement compris dans lexplication que je veux en donner, car vous êtes déjà fatigués de mécouter. Remettons donc à demain linterprétation des derniers versets de ce psaume, si, toutefois, votre charité veut bien y consentir. Le Seigneur maidera à macquitter envers vous de ma dette : car je compte plus sur lui que sur moi.
DEUXIEME DISCOURS SUR LE PSAUME LVIII.DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.
1. Le long discours que je vous ai adressé hier, ma laissé pour aujourdhui en dette vis-à-vis de vous; et, puisque Dieu la permis, et que le temps de macquitter est venu, je vais le faire. Plus nous nous montrons dévoué à remplir nos obligations à votre égard, plus aussi vous devez vous montrer avares créanciers: en dautres termes, puisque le Seigneur nous donne ce que nous devons vous communiquer, car il est le Maître et nous les serviteurs, cest à vous de recevoir ses dons de manière à faire voir dans votre conduite le fruit que vous tirerez de nos discours. En effet, le champ que lon cultive, et qui ne produit rien de bon, le champ qui ne récompense point le cultivateur et lui donne des épines au lieu de moissons abondantes, ne verra jamais sa récolte enfermée dans les greniers du Père de famille: elle sera jetée au feu. Le Seigneur, notre Dieu, daigne répandre sur notre coeur la rosée fécondante de sa parole, comme il répand sur les campagnes dabondantes ondées, parce que notre coeur est comme un champ qui lui appartient : et il a droit den attendre du fruit, puisquil sait quelle semence et quelles pluies il y a fait tomber. En réalité, nous ne sommes rien sans lui : nous nétions rien avant quil nous eût créés ; et quiconque, devenu homme, prétend se passer de lui, nest autre, en fin de compte, quun homme pécheur: cest donc avec raison que le Prophète a dit: « Je vous garderai ma force ». Puisque toute cette force, nous la conservons avec lui et pour lui, et que nous la perdons en nous en éloignant, notre âme doit donc toujours veiller, non pas seulement à ne pas séloigner de lui, mais encore, si elle en est éloignée, à se diriger vers lui et à sen approcher chaque jour davantage; pour cela, elle na besoin ni de marcher vite, ni demployer le secours de chariots, ni de monter un coursier agile, ni de se servir de grandes ailes : la pureté des affections et des moeurs irréprochables et saintes, voilà ce qui est nécessaire pour sapprocher de Dieu. 2. Achevons dexpliquer notre psaume. Nous nous sommes arrêté à lendroit où le Prophète commence à parler à Dieu de ses ennemis, et lui dit : « Ne les tuez point, Seigneur, de peur quon oublie votre loi 1.» Il leur donnait le nom dennemis, et, pourtant, il priait le Seigneur de ne point les tuer, dans la crainte de voir oublier sa loi. Se souvenir de la loi divine, cest-à-dire ne pas loublier, ce nest encore ni la perfection, ni lassurance dêtre récompensé, ni une garantie contre les supplices éternels. Il en est qui gardent le souvenir de la loi, mais qui ne la pratiquent pas; ceux, au contraire, qui laccomplissent, eu conservent la mémoire. Aussi,
1. Ps. LVIII, 12.
quand un homme remplit tous les devoirs àlui imposés par Dieu, quand il sefforce incessamment de ne point laisser effacer de la mémoire de son coeur ce quil sait de la loi du Seigneur, et que par toute sa conduite il se rappelle à chaque instant les préceptes que lEternel y a tracés, cet homme connaît utilement la loi divine, et il ne sera pas considéré comme un ennemi du Très-Haut. Les Juifs sont les ennemis de Jésus-Christ ; le Psalmiste semble les désigner ici : ils ont la loi de Dieu entre les mains, ils la conservent; voilà pourquoi le Prophète adresse au Seigneur cette prière: « Ne les tuez pas, de peur quon oublie votre loi». Il demande que la nation juive subsiste toujours, et que, ce peuple continuant à subsister, le nombre des chrétiens saccroisse tous les jours. Cest un fait indiscutable; on rencontre des Juifs au milieu de tous les autres peuples; ils sont toujours tels, et nont pas cessé dêtre ce quils étaient; cest-à-dire, que cette nation nest point passée sous la domination romaine de manière à perdre son autonomie; mais en pliant sous le joug de lempire, elle a conservé ses lois, qui sont les lois divines. Mais comment les observe-t-elle ? « Vous payez la dîme de la menthe, de laneth et du cumin, et vous négligez ce quil y a de plus important dans la loi, à savoir : la justice, « la miséricorde et la foi. Vous avez grand soin de filtrer ce que vous buvez, dans la crainte davaler un moucheron, et vous avalez un chameau 1». Ainsi leur parle le Seigneur; et, de fait, ils agissent de la sorte; ils conservent entre leurs mains la loi et les Prophètes, ils lisent et chantent toutes ces paroles saintes, et ils ny voient point désigné le Christ lui-même, qui est la lumière des Prophètes. Non-seulement ils ne laperçoivent pas, maintenant quil est dans le ciel; ils ne lont pas même reconnu, quand il vivait dans lhumiliation au milieu deux, et quils sont devenus coupables à son égard en répandant son sang; toutefois, je nentends point parler deux tous. Cest ce que je vous prie, mes frères, de bien remarquer aujourdhui. Jai dit quil nest pas question de tous les Juifs, parce que beaucoup dentre eux se sont convertis à celui quils avaient fait mourir, ont cru en lui, et mérité, de sa part, le pardon de leur déicide; par là ils ont montré aux hommes
1. Matt. XXIII, 23, 24.
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à ne point désespérer de leur propr pardon, quels que soient, dailleurs, le nombre et lénormité de leurs crimes, puisquen sa vouant coupables, ils ont obtenu miséricorde et que lindulgence divine sest étendue même à lassassinat commis par eux sur la personne du Christ. Voilà pourquoi le Psalmiste sexprime ainsi : « Parce que, mon Dieu, vous avez bien voulu me recevoir, et que la miséricorde de Dieu me préviendra ». Cest-à-dire, avant aucune bonne action de ma part, sans aucuili mérite, jai été prévenu par sa miséricorde. Quoiquil nait rien trouvé de bon en moi, il na pas laissé de me rendre bon; il rend juste celui qui se convertit, et il avertit celui qui ségare, de rentrer dans la voie droite. « Mon Dieu», ajoute le Prophète, « mon Dieu me la montré dans mes ennemis » ; cest-à-dire, en me comparant avec mes ennemis, je vois combien il maime, combien de preuves de bonté il me donne; car les vases de colère et les vases de miséricorde, sortant tous de la même masse, les premiers apprennent aux seconds quelle grâce ceux-ci ont reçue 1. Nous lisons ensuite: « Ne les tuez pas, de peur quon oublie votre loi ». Ces paroles sappliquent aux Juifs. Mais quel châtiment leur infligerez-vous? « Dispersez-les dans votre puissance ». Montrez-leur que la force appartient à vous, et non à ceux qui mettent leur confiance en leur propre pouvoir, et qui méconnaissent votre éternelle vérité. Montrez-leur que si vous êtes fort,ce nest point à la manière de ces forts dont il est écrit: « Les forts se sont jetés sur moi »; mais que votre force vous donne le pouvoir de les disperser. « Et conduisez-les, Seigneur, qui êtes mon protecteur». Cest-à-dire, dispersez-les, mais ne les abandonnez pas, « de peur quon oublie votre loi ». Et protégez-moi de telle sorte que leur dispersion me fournisse un témoignage de votre miséricordieuse bonté. 3. Le Psalmiste ajoute: « Perdez en eux les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres ». Comment unir et lier à ce qui précède ce passage : « Perdez en eux les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres? » Nous ne voyons pas entre les paroles suivantes assez de liaison pour apercevoir le rapport qui existe entre ces paroles et celles qui précèdent. « Perdez en eux les péchés de leur bouche et les paroles de leurs
1. Rom. IX, 21.
lèvres, et quils soient pris dans leur orgueil. Leur malédiction et leur mensonge produiront leur perfection dans la colère, qui perfectionne tout, et ils ne seront plus ». Je lai déjà dit hier ; ce passage est obscur voilà pourquoi jai voulu attendre, pour vous en donner lexplication, que vos esprits fussent reposés. Puisque vous nêtes point encore fatigués de mentendre, veuillez donc en ce moment élever vos coeurs, afin de maider par votre application ; par ses obscurités et ses embarras notre langage pourrait ne pas répondre à ce que vous attendez de moi; aussi devez-vous apporter votre part de bonne volonté; de la sorte, vous suppléerez, par votre promptitude à pénétrer le sens de mes paroles, à ce qui pourrait leur manquer de clarté. Ce verset se trouve donc au milieu du psaume, sans que nous puissions voir facilement sa liaison avec ce qui précède. « Perdez en eux les péchés de leur bouche, et les paroles de leurs lèvres ». Néanmoins, ayons recours aux versets précédents. Le Prophète avait dit : « Ne les tuez pas, de peur quon oublie votre loi » ; telle était sa prière en faveur dhommes en qui il reconnaissait ses ennemis; et il avait ajouté : « Perdez en eux les péchés de leur bouche, et les paroles de leurs lèvres ». Cest-à-dire, mettez fin à i leurs discours et non à leur existence: « Ne les tuez donc pas, de peur quon oublie votre loi ». Mais il y a en eux quelque chose que vous devez tuer, pour que lon voie laccomplissement de cette parole : « Nayez compassion daucun de ceux qui commettent liniquité; dispersez-les donc par votre puissance et conduisez-les », cest-à-dire, ne les abandonnez pas, tout en les dispersant; parce quen ne les abandonnant point, et en ne les tuant pas, vous avez encore quelque chose à faire en eux. Quy tuerez-vous donc? « Les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres ». Que tuerez-vous en eux? Les cris quils ont fait entendre: « Crucifie-le! crucifie-le 1! » et non leur propre personne. Pour eux, ils ont voulu perdre, exterminer et anéantir le Christ; et vous, en ressuscitant celui quils ont voulu perdre, vous tuez « les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres ». En effet, ils avaient crié quil fallait le mettre à mort, et ils saperçoivent ave. étonnement quil vit encore; ils lont méprisé
1. Jean, XIX, 6.
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pendant sa vie mortelle, et ils le voient avec stupéfaction adoré de tous les peuples de la terre; ainsi sont tués les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres. 4. « Et quils soient pris eux-mêmes dans leur orgueil». Que veulent dire ces paroles: « Quils soient pris eux-mêmes dans leur orgueil? » Cest inutilement que les forts se sont jetés sur le Christ, et quil a paru céder à leurs efforts pour leur laisser croire quils avaient réussi dans leurs desseins contre lui; cest en vain quils ont semblé prévaloir contre le Sauveur. Ils ont bien pu crucifier son humanité sainte, leur faiblesse a pu lemporter sur la force, la force a pu être mise à mort; ils se sont imaginé quils étaient quelque chose; ils se sont considérés comme des hommes robustes, puissants et incapables de se laisser dominer par nimporte quelle résistance; ils étaient, à leurs yeux, pareils àun lion tout préparé à dévorer sa proie, ou semblables à ces taureaux gras dont il est parlé dans un autre psaume : « Des taureaux gras se sont jetés sur moi 1». Mais quont-ils fait au Christ? En lui ils ont tué, non la vie, mais la mort. En effet, au moment où Jésus-Christ rendait le dernier soupir, le règne de la mort finissait en lui, et celui de la vie commençait, lorsque, par sa résurrection, il reprenait cette vie au sein même de la mort; il est ressuscité, car il y avait en lui une source de vie quils ne pouvaient tarir. Quel a donc été le résultat de leur méchanceté à légard du Sauveur? Ecoute; le voici. Ils ont détruit le temple. Et lui, qua-t-il fait? Il la rebâti le troisième jour 2. Par là ont été tués les péchés de leur bouche et les paroles de leurs lèvres. Et quest-il advenu de ceux qui se sont convertis? « Quils soient pris dans leur propre orgueil ». On leur a dit que celui quils avaient attaché à la croix, était ressuscité dentre les morts, et ilsont cru au prodige de sa résurrection, quand ils ont vu que, du haut du ciel où il était monté, il avait envoyé lEsprit-Saint, pour remplir de ses dons ceux qui avaient cru en lui 3, et alors ils ont compris quen faisant mourir le Christ, ils avaient inutilement employé leur temps et leurs forces. Tout ce quils avaient fait se réduisait à rien; il ne leur restait que la responsabilité de leur coupable conduite; et dès lors que leurs projets avaient été anéantis, et quils
1. Ps. XXI, 13. 2. Jean, II, 19. 3. Act. I, 9, II, 4.
navaient recueilli dautre bénéfice que celui davoir commis lecrime, ils furent pris dans leur propre orgueil, et ils se virent accablés sous le poids de leur faute, Ils navaient donc plus dautre ressource que celle de confesser leur péché; cétait la condition pour Obtenir leur pardon de celui qui avait cédé à leurs efforts criminels; à cette condition, il devait pardonner sa mort corporelle aux morts spin. fuels qui lui avaient ôté la vie, et donner la vie de lâme à ceux qui lavaient perdue. Ils ont donc été pris dans leur orgueil. 5. « Leur malédiction et leur mensonge produiront leur consommation dans la colère de consommation, et ils ne seront plus ». Il est vraiment difficile de comprendre comment les mots : « Et ils ne seront plus », se lient avec les précédents. Quel en est le sens? Voyons le verset que nous venons dexpliquer. Lorsquils auront été pris dans leur propre orgueil, « leur malédiction et leur mensonge produiront leur consommation ». Que doit-on entendre par consommation? ce terme signifie : Perfection; car être consommé veut dire être perfectionné. Autre chose est dêtre consommé, autre chose est dêtre consumé. On dit dun objet quil est consommé, quand il est arrivé à son dernier degré de perfection: on dit quil est consumé, lorsquil est détruit èt quil nen reste plus rien. Lorgueil empêchait lhomme de devenir parfait, car rien ne met obstacle à la perfection, comme ce malheureux vice. Que votre charité veuille bien apporter un peu dattention à mes paroles, et considérer que lorgueil est un mal singulièrement dangereux, un mal infiniment à craindre. A votre avis, quel mal est lorgueil? Pourrais-je exagérer en vous dépeignant sa malice et ses suites? Le démon na commis que ce péché : voilà la cause de ses tourments sans fin. Sans aucun doute, il est le chef de tous les pécheurs, cest lui qui les entraîne au mal: on ne laccuse ni dadultère, ni dintempérance, ni de fornication, ni denlèvement du bien dautrui : sa chute nest venue que de lorgueil. Et parce que lenvie est la compagne ordinaire de lorgueil, il est impossible que le coeur de lorgueilleux ne soit pas dévoré par lenvie. Comme conséquence de ce vice, qui est la suite nécessaire de lorgueil, le démon, après sa chute, porte envie à lhomme qui persévère dans le bien, et il sefforce de le séduire,
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pour lempêcher de parvenir à ce séjour heureux doù il est lui-même tombé. Et comme il sait que notre juge nacceptera pas de fausses accusations contre nous, il cherche à nous précipiter en des fautes réelles: si notre avenir devait se décider au tribunal dun homme, facile à tromper par des calomnies et des impostures, il ne prendrait ni tant de peines, ni de si minutieuses précautions pour nous faire commettre le péché; car il pourrait jeter notre juge dans lerreur, et opprimer ainsi linnocence; et alors, il nous entraînerait aisément dans le piégé, et rien ne lui serait plus facile que de semparer de nous, et de nous faire condamner avec lui. Mais il ne lignore pas, nous avons un juge quon ne peut surprendre, un juge équitable qui ne fait acception de personne, un juge, enfin, devant lequel il ne veut faire paraître que de vrais coupables, parce que Dieu étant souverainement juste, les condamnera nécessairement. Lenvie seule, compagne obligée de son orgueil, porte donc le démon à nous pousser dans labîme du péché. Doù il suit que lorgueil est un grand mal, puisquil nous empêche de devenir parfaits. Quon se vante autant quon voudra de ses richesses, de la beauté et de la force de son corps; tous ces avantages ne dureront quun temps, et ceux-là sont vraiment ridicules, qui se glorifient de choses périssables, quils sont très-souvent exposés à perdre pendant leur vie, et dont ils devront, de toute nécessité, se séparer au moment de la mort. Lorgueil est un vice capital, puisquil suffit dune seule tentation dorgueil pour faire perdre à un homme, déjà avancé dans la pratique du bien, tout le terrain quil a précédemment parcouru. Les autres vices sont à craindre pour les mauvaises actions que nous pouvons commettre; nous devons redouter encore davantage lorgueil, quand nous en taisons de bonnes. Il nest donc pas étonnant que saint Paul ait été assez humble pour dire : « Quand je suis faible, cest alors que je suis fort », Pour lempêcher dêtre tenté par lorgueil, savez-vous quel remède a employé le sage médecin qui connaissait le mal, et voulait le guérir? LApôtre va nous le dire : « De peur que la grandeur de mes révélations ne minspirât de lorgueil, Dieu a permis que je ressente dans ma chair un aiguillon, qui est lange et le ministre de Satan, pour me donner des soufflets. Cest pourquoi jai prié le Seigneur par trois fois, afin que cet ange de « Satan se retirât de moi, et il ma répondu « Ma grâce te suffit, car la force se perfectionne dans la faiblesse 1 ». Voyez en quoi consiste la consommation dont parle le Psalmiste. LApôtre, le docteur des nations, le père des fidèles quil a engendrés par lEvangile, a reçu laiguillon de la chair pour en être souffleté. Y en aurait-il un seul parmi nous, pour oser sexprimer ainsi à légard de saint Paul, sil ne lavait lui-même déclaré humblement? En disant quil na pas eu à supporter une pareille humiliation, nous croirions lui faire honneur, et en définitive, nous le taxerions de mensonge. Mais comme il était sincère, et quil a dit la vérité, nous devons ajouter foi entière à ses paroles, quand il nous dit que Dieu lui a envoyé lange de Satan pour lempêcher de senorgueillir de la sublimité de ses révélations. Le serpent de lorgueil est donc bien à craindre. Mais quest-il advenu des Juifs? Ils ont été pris dans leur péché, car ils ont fait mourir le Christ, et plus grand a été leur crime, plus aussi ils se sont humiliés, et plus ils ont mérité par là dêtre relevés; ainsi, « quils soient pris dans leur propre orgueil : et leur malédiction et leur mensonge produiront leur « perfection » ; cest-à-dire, ils deviendront dautant plus parfaits, quils ont été surpris à maudire et à mentir. En effet, lorgueil ne -leur permettait point de savancer vers la perfection: il leur a fait commettre un grand crime, mais par lhumble confession quils en ont faite, ils se sont débarrassés de ce malheureux vice; alors, ils en ont obtenu le pardon; la miséricorde divine leur a rendu linnocence, et, parce que de leur bouche étaient sortis la malédiction et le mensonge, ils sont devenus parfaits. lia été dit à lhomme: Tu as vu et compris, par ton expérience, ce que tu es: tu tes égaré, tu es tombé dans laveuglement, tu as commis le péché et fait une lourde chute; tu as reconnu ta faiblesse, aie donc recours au médecin, et ne te crois pas en bonne santé. Vois labîme où ta précipité ta frénésie ! Tu as fait mourir ton médecin, et tout en le livrant à la mort, tu nas pu lanéantir ; mais, du moins, as-tu agi dans la mesure de tes forces pour lexterminer. « Votre malédiction et votre mensonge serviront à
1. II Cor. XII, 7-10.
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vous faire devenir parfaits ». O Juifs, vous avez fait tout ce quil faut pour opérer la malédiction, car « maudit soit lhomme pendu au gibet ». Vous avez crucifié le Christ et vous lavez considéré comme un homme maudit; puis, à la malédiction, . vous avez ajouté le mensonge, en plaçant des gardes près de son tombeau, et en achetant au poids de lor les mensonges que vous vouliez leur faire dire 2. Voilà que le Christ est ressuscité. Quest devenue cette malédiction de la croix que vous lui avez infligée? A quoi a servi le mensonge répandu par les gardes que vous avez corrompus à prix dor? 6. « La malédiction et le mensonge serviront à la consommation dans la colère de consommation». Que veulent dire ces paroles: « Dans la colère de consommation? » Il y a une colère de consommation, et il y a une colère de consomption : toute vengeance de la part de Dieu se nomine la colère de Dieu; mais tantôt il se venge pour perfectionner, tantôt il se venge pour détruire. Comment se venge-t-il pour perfectionner? « Il frappe de verges ceux quil reçoit au nombre de ses enfants 3 ». Comment se venge-t-il pour détruire? Il le montrera, lorsquil dira à ceux qui seront placés à sa gauche : « Allez au feu éternel, qui a été préparé pour le démon et pour ses anges 4 ». La colère divine sera alors une colère de consomption, et non pas une colère de consommation. Mais « on annoncera la consommation dans la colère de consommation » ; cest-à-dire, les Apôtres annonceront que, là où le péché sest trouvé en abondance, il y aura une surabondance de grâce 5, et que la faiblesse de lhomme a produit le remède destiné à le guérir, lhumilité. Dans cette pensée, les Juifs reconnaîtront leurs fautes ils en feront laveu, et « ils ne seront plus », Quel est le sens de ces mots? Ils ne seront plus orgueilleux. Car le Psalmiste avait dit plus haut : « Quils soient pris dans leur propre orgueil. La malédiction et le mensonge serviront à la consommation dans la colère de consommation, et ils ne seront plus » dans les sentiments dorgueil où ils ont été surpris. 7. « Et ils sauront que le Seigneur est le dominateur de Jacob et des extrémités de la terre ». Auparavant, les Juifs simaginaient
1. Deut. XXI, 2 ; Gal. III, 13. 2. Matt. XXVIII, 12. 3. Hébr. XII, 6. 4. Mattt. XXV, 41. 5. Rom. V, 20.
quils étaient justes, parce que leur nation avait reçu la loi, et quelle avait observé les commandements de Dieu ; mais la preuve évidente quils nen avaient pas été les observateurs fidèles, cest quils ny ont point reconnu le Christ : laveuglement de lesprit était, en effet, tombé en partie sur le peuple dIsraël 1. Ils doivent sapercevoir que les Gentils, considérés par eux comme des pécheurs et des chiens, ne sont pourtant pas à mépriser. Car sils ont été les uns et les autres surpris en état de péché, ils seront de même, les uns et les aigres, admis au salut éternel. « Il est», dit saint Paul, «pour les Juifs et pour les Gentils 2. La pierre quils ont rejetée en bâtissant, est devenue la principale pierre de langle ». Pourquoi? Afin de réunir en elle deux choses différentes, car langle est le point de jonction entre deux murailles. A leurs propres yeux, les Juifs étaient gens élevés et honorables : les Gentils, au contraire, leur apparaissaient faibles, pécheurs, esclaves du démon, adorateurs des idoles; et néanmoins, ils se trouvaient également plongés dans labîme de liniquité. Il a été démontré aux Juifs quils étaient pécheurs, « car il ny a personne qui fasse le bien, il ny en a pas un seul 3 ». Ils se sont dépouillés de leurs idées de hauteur et nont plus porté envie aux Gentils ; ils ont reconnu que les uns et les autres étaient également faibles, se sont réunis au moyen de la pierre angulaire, et ont ensemble adoré Dieu. « Ils sauront que le Seigneur est le dominateur de Jacob et des extrémités de la terre ». Il sera le maître, non-seulement des Juifs, mais des extrémités de la terre : mystère caché pour eux, sils persévéraient dans leur orgueil ! Orgueil toujours subsistant, sils continuaient à se considérer comme des justes! Mais justice impossible à supposer en eux en présence de la malédiction et du mensonge; parce que de là est venue pour eux la consommation dans la colère de consommation, et quils ont été surpris dans leur orgueil, à la suite de la malédiction quils ont prononcée en crucifiant le Sauveur. Voici ce qua fait Notre-Seigneur Jésus-Christ. Il est mort entre les mains des Juifs, et il a racheté la multitude des Gentils. Les uns ont répandu son sang, les autres en ont profité, il a été versé pour lutilité de tous ceux qui se sont convertis; en effet, ceux-
1. Rom, IX, 21. 2. Id. 21. 3. Ps. CXVII, 22. Rom. III, 12.
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là même qui lont fait mourir ont reconnu sa grandeur, et ainsi ont-ils obtenu le pardon de leur coupable déicide. 8. Que leur adviendra-t-il donc? Ce que le Psalmiste a déjà dit plus haut: « Ils se convertiront sur le soir ». Ils se convertiront quoique un peu tard, cest-à-dire après avoir mis à mort Notre-Seigneur Jésus-Christ. « Ils se convertiront un peu tard, et ils souffriront de la faim comme les chiens » . « Comme les chiens », et non pas comme les brebis et les veaux : « comme les chiens », cest-à-dire les Gentils et les pécheurs : parce quaprès sêtre considérés comme des justes, ils ont reconnu leur péché. Il avait été dit deux en un autre psaume: « Ensuite ils se sont hâtés ». Cest dans le même sens quil est dit ici : « Sur le soir ». Au psaume précité, nous lisons : « Leurs infirmités se sont multipliées; ensuite ils se sont hâtés 2 ». Pourquoi se sont-ils hâtés ensuite? Parce que « leurs infirmités sétaient multipliées ». Car jamais ils nauraient hâté leur course, sils avaient continué à se regarder comme des hommes sains; le sens de ces paroles : « Leurs infirmités se sont multipliées », est donc sous une autre forme le même que celui de ces autres paroles : « Quils soient pris dans leur orgueil; à cause de la malédiction et du mensonge, on annoncera la consommation dans la colère de la consommation ». De même les mots : « Ils se sont hâtés ensuite », ont la même signification que ceux-ci : « Ils ne seront plus » dans leur orgueil. « Et ils sauront que le Seigneur dominera Jacob et les extrémités de la terre, et ils se convertiront sur le soir ». Il est donc utile, pour le pécheur, de shumilier, et la guérison la plus difficile à opérer est celle de lhomme qui se croit en bon état de santé. « Et ils environneront la ville ». Hier déjà, il ma été donné de vous expliquer cette parole, et de vous faire voir dans cette ville denvironnement toutes les nations. 9. « Ils seront dispersés afin de manger 3 », cest-à-dire, afin den gagner dautres, de les amener à la foi et de les faire entrer dans leur corps. « Et sils ne sont pas rassasiés, ils murmureront ». Le Prophète nous a déjà fait connaître la manière dont ils murmureront. « Qui est-ce qui nous a écoutés? Et vous, Seigneur, vous vous moquerez deux », et
1. Ps. LVIII, 15. 2. Id. XV, 4. 3. LVIII, 16.
vous rirez de ce quils diront : « Qui est-ce qui nous a écoutés? » Pourquoi? « Parce que vous considérez comme rien de sauver toutes les nations ».Voilà ce que veut dire: « Et sils ne sont pas rassasiés, ils murmureront ». 10. Achevons dexpliquer le psaume. Voyez les transports dallégresse de langle, et la joie quil éprouve à joindre ensemble les deux murs 1. Les Juifs senorgueillissaient, ils ont été humiliés; les Gentils désespéraient deux-mêmes, ils ont appris à espérer. Quils viennent les uns et les autres se réunir dans langle; quils viennent en hâte sy rejoindre et sy donner le baiser de paix. Quils y viennent de côtés opposés, mais pas pour sy combattre; quils y viennent, ceux-ci du milieu dun peuple de circoncis, ceux-là du milieu des peuples incirconcis. Les murs se trouvaient bien éloignés lun de lautre, mais cétait avant de se rapprocher de langle maintenant quils se sont rejoints, puissent-ils demeurer fermement unis! et alors, lEglise tout entière, formée de ces deux murs, sécriera : « Pour moi, je relèverai votre puissance par mes cantiques; et, le matin, je louerai votre miséricorde». Le matin, quand toutes les tentations seront passées; le matin, lorsque sera venue à son terme la nuit de ce siècle; le matin, quand nous naurons plus à craindre ni les embûches des voleurs, ni les embûches du démon et de ses anges; le matin, quand nous contemplerons, non plus la lumière des Prophètes, destinée à nous éclairer pendant le pèlerinage de cette vie, mais les rayons du soleil, cest-à-dire le Verbe de Dieu lui-même. « Et le matin, je louerai votre miséricorde ». Cest avec raison que le Prophète a dit ailleurs: « Le matin, je me tiendrai debout devant vous, et je verrai 2 ». Cest aussi un grand mystère que la résurrection du Sauveur ait eu lieu au point du jour, car ainsi sest trouvée accomplie cette prophétie prononcée ailleurs par le Psalmiste : « On sera dans les larmes le soir, et le matin dans la joie ». A la chute du jour, les disciples de Notre-Seigneur Jésus-Christ pleuraient sa mort; au lever du soleil, sa résurrection les remplit de joie. « Le matin, je louerai leur miséricorde ». 11. « Parce que vous êtes devenu mon protecteur et mon refuge au jour de mon
1. Eph. II. 2. Ps. V, 5.
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affliction. O mon appui, je vous chanterai des « hymnes, parce que, ô mon Dieu, vous êtes mon protecteur ». Que serais-je, si vous nétiez venu à mon secours? Combien mes maux seraient désespérés, si vous nétiez venu vous-même me guérir ! En quel abîme serais-je plongé, si vous ne maviez tendu la main. Une plaie profonde mettait ma vie en danger; il me fallait un médecin tout-puissant pour la guérir, mais rien nest impossible pour le médecin : ses soins sont acquis à tous les malades; il faut que tu consentes à te laisser guérir par lui; il faut te remettre entre ses mains, tu ne saurais técarter de lui. Si tu refuses de te guérir, ta blessure elle-même te recommande de te soigner; tu lui tournes le dos, il te rappelle, et quand tu técartes de lui, il te force en quelque sorte à ten rapprocher; ses instances sont de tous les moments, et pour tous il accomplit cette parole : « Sa miséricorde me préviendra ». Faites bien attention à ces mots: « Me préviendra ». Si tu lui as offert quelque chose qui tappartient en propre, si tu as mérité sa grâce par tes bonnes oeuvres antécédentes, sa miséricorde ne ta pas prévenu. Mais comprendras-tu jamais bien que le Seigneur ta prévenu, si dabord tu ne saisis pas bien le sens des paroles de lApôtre: « Quas-tu que tu naies pas reçu? Et si tu las reçu, pourquoi ten glorifier, coin me si tu ne lavais pas reçu ». En dautres termes « Sa miséricorde me préviendra ». En présence de tous les dons qui peuvent faire notre partage ici-bas, soit par leffet de notre nature, soit comme conséquence de léducation ou de la fréquentation de la société, la foi, lespérance, la charité, les bonnes moeurs, la
1. I Cor. IV, 7.
justice, la crainte de Dieu, le Prophète arrive à cette conclusion, que tous ces dons ne peuvent nous venir que de Dieu, et il dit: «Vous êtes mon Dieu, vous êtes ma miséricorde». Comblé des bienfaits du Seigneur, il ne sait quel nom lui donner, il ne sait que lappeler sa miséricorde. Nom ineffable, qui ne permet plus à personne de tomber dans le désespoir. «Vous êtes mon Dieu, vous êtes ma miséricorde ». Quest-ce à dire : « Vous êtes ma miséricorde? » Si tu dis : Vous êtes mon Sauveur, je comprends quil donne le salut. Si tu dis : Vous êtes mon refuge, je comprends que tu te jettes dans ses bras pour y trouver le calme. Si enfin tu técries : Vous êtes ma force, jimagine quil te soutient. Mais : « Vous êtes ma miséricorde! » cette manière de sexprimer signifie : Tout ce que je suis est un don de votre miséricorde. Mais lai-je méritée par mes prières? Pour devenir ce que je suis, quai-je fait? Quai-je fait pour exister et me trouver à même de vous prier? Si jai contribué en quelque chose à mon existence, jexistais donc avant dexister ! Mais si je nétais rien avant dexister, je nai donc pu contribuer en rien à me donner lêtre. Vous êtes lauteur de ma vie, et vous ne sauriez être lauteur de ce quil y a de bon en moi? Cest vous qui mavez communiqué lêtre, et un autre aurait pu me rendre bon? Si je tenais de vous la vie, et dun autre la bonté, il sensuivrait quun autre serait meilleur que vous, car la bonté est préférable à lexistence. Mais comme personne nest ni meilleur, ni plus puissant, ni plus miséricordieux que vous, vous mavez donné et la vie et la vertu. « Vous êtes mon Dieu, vous êtes ma miséricorde ».
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