PSAUME LVII
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DISCOURS SUR LE PSAUME LVII

SERMON AU PEUPLE.

RESPECT DE LA JUSTICE ET DE LA VÉRITÉ.

 

C’est une loi naturelle de respecter les droits de la justice et de la vérité, car ils sont inscrits dans le coeur humain et doivent se refléter dans la conduite. Mais les actes démentent trop souvent les principes. Les Juifs, les hérétiques et les pécheurs en donnent la preuve par leur astucieux entêtement à ne rien entendre qui les éclaire ou les gêne; mais leur malice se retourne contre eux, et, pour les punir, Dieu se contente de les abandonner aux passions de leur coeur, qui les aveuglent et les font cruellement souffrir. Puissions-nous profiter de leur exemple et mettre en pratique les leçons de la justice et de la vérité!

 

1. Nous devrions bien plutôt écouter qu’expliquer les paroles que nous venons d’entendre Il semblerait que la vérité fait un discours au genre humain tout entier, car elle dit à tous : « Si vous parlez vraiment selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements». Est-il, en effet, rien de plus facile, n’importe à quel scélérat, que de parler selon la justice? Interrogez le premier venu sur une affaire de justice: si ses intérêts ne sont pas en cause, ne vous donnera-t-il pas facilement une réponse conforme aux règles de l’équité ? La raison en est simple: au moment où la main du Créateur nous tirait du néant, la Vérité a écrit, au fond de nos coeurs, ces paroles: « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse 1». Personne ne pouvait ignorer ce principe, même avant que Dieu donnât sa loi, car il devait servir à juger ceux-là mêmes à qui la loi n’avait pas été donnée. Mais, afin d’empêcher les hommes de se plaindre, et de dire qu’il leur avait manqué quelque chose pour opérer leur salut, on écrivit sur des tables ce qu’ils ne lisaient

 

1. Tob. IV, 16; Matt. VII, 12.

 

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plus dans leurs coeurs. Ce principe y était gravé, mais ils ne voulaient pas le lire. On plaça donc sous leurs yeux ce qu’ils seraient obligés d’apercevoir dans leur conscience: la voix que Dieu lui fit entendre au dehors, força l’homme à rentrer en lui-même, selon cette parole de nos livres saints : « L’impie sera interrogé dans ses pensées 1». Où se rencontre une interrogation, là se trouve une loi. Les hommes, recherchant les biens extérieurs, sont comme sortis hors d’eux-mêmes: alors, on leur a donné une loi extérieure, une loi écrite : il ne faudrait pas conclure de là qu’il n’y avait pas de loi gravée dans le coeur humain : seulement, ô homme, comme tu avais pris la fuite, et que tu t’étais éloigné de ton propre coeur, le Dieu qui se trouve partout arrête ta course vagabonde, et te force à rentrer en toi-même. Aussi, comnient la loi écrite parle-t-elle à ceux qui ont méconnu la loi gravée dans leurs cœurs 2? Le voici : « Violateurs de la loi, rentrez en vous-mêmes 3». Qui est-ce qui t’a appris à ne pas vouloir qu’un autre s’approchât de ta femme? qui est-ce qui t’a appris à ne pas vouloir qu’on te vole ? qui est-ce enfin qui t’a appris à ne pas vouloir qu’on te fasse souffrir une injustice ou mille autres mauvais procédés dont on pourrait parler en général et en particulier ? On pourrait interroger les hommes sur une multitude de choses, et leur demander, relativement à chacune d’elles, s’ils voudraient les souffrir: et ils répondraient aussitôt, à haute et intelligible voix: Non, je ne consentirai pas à cela. Mais, si tu ne veux pas te soumettre à ce mauvais traitement, crois-tu que tu sois le seul homme vivant? Est-ce que tu ne vis pas en société avec le genre humain tout entier? Celui qui a été créé par la même main que toi, est ton frère: nous avons tous été créés à l’image de Dieu, et cette image subsiste en nous, à moins que nous n’ayons détruit l’oeuvre du Créateur par des passions basses et terrestres. Par conséquent, « ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse». Ce que tu ne veux pas souffrir de la part des autres, tu le trouves mauvais; une loi intérieure, gravée dans ton coeur, te force à le reconnaitre. Mats tu le faisais toi-même, et celui qui en souffrait se plaignait hautement de tes violences. Pourquoi es-tu obligé de rentrer en toi-même, dès qu’un autre

 

1. Sag. I, 9. — 2. Rom. II, 15. — 3. Isa. XLVI, 8.

 

t’inflige les mêmes mauvais traitements? Le vol est-il légitime? Non. Je demande si l’adultère est une bonne action, et tous s’écrient : Non. L’homicide est-il permis? Tous répondent encore : Nous le détestons. Est-il beau de désirer le bien d’autrui? Il n’y a qu’une voix pour dire : Non. Si tu n’en conviens pas encore avec les autres, qu’un homme désire avoir injustement ce qui t’appartient : tu ne trouves rien de répréhensible dans sa conduite? Alors, tu es libre de répondre comme il te plaira. Il y a donc parmi les hommes, et sur ces différents, points, unanimité à dire que de pareilles choses ne sont pas bonnes. Nous pouvons raisonner de la même manière au sujet de toute bonne action, qu’il s’agisse de rendre service, de faire du bien, ou qu’il soit simplement question de ne faire aucun tort au prochain. Je parle à un tomme qui a faim, je lui dis: Tu souffres de la faim ; un autre, ton voisin, a du pain; il en possède au-delà du nécessaire, il sait que tu en as besoin, il ne t’en donne pas; sa conduite te déplaît, parce que tu as faim; auras-tu le droit de dire que tu fais bien, quand, ayant le nécessaire, tu refuseras de secourir un frère que tu vois dans le besoin? Un étranger arrive dans ton pays, ne sachant où il prendra son repos; on ne le reçoit nulle part; il accuse hautement d’inhumanité les habitants de cette ville; il prétend que des barbares l’auraient mieux reçu. Il sent vivement l’injustice dont il a à souffrir : pour toi, tu ne la sens peut-être pas : ce que tu as à faire, c’est de te mettre, par la pensée, à la place de cet étranger, -et alors tu comprendras comment on peut trouver mauvais de ne pas recevoir ce que tu refuses dans ton pays à un voyageur inconnu. Je vous le demande à tous: est-ce vrai? Oui. Est-ce juste? Oui, encore.

2. Mais écoutez le Psalmiste : « Si ce que vous « dites est vraiment juste, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Soyez justes, non pas seulement en paroles, mais encore en actions. Si tu parles d’une manière et que tu agisses de l’autre, tes paroles sont bonnes, mais tes jugements sont mauvais. Je te demande lequel vaut mieux, de l’or ou de la fidélité? Comme tu n’es ni perverti ni ennemi de la vérité, au point de donner la préférence à l’or, tu réponds à ma demande en te déclarant pour la fidélité : tu parles alors selon la justice. As-tu entendu le

 

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Psalmiste ? « Si ce que vous dites est vraiment juste, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Quelle preuve donner de la différence qui se trouve entre tes jugements et tes paroles? J’ai déjà reçu de toi un témoignage non équivoque de la préférence que tu donnes à la fidélité. Mais voilà qu’un ami est venu je ne sais d’où pour te visiter, et, en l’absence de tout témoin, il t’a confié un trésor. Personne, du moins du côté des hommes, personne, si ce n’est lui et toi, ne connaît cet acte de confiance. Il y avait là pourtant un témoin, un témoin invisible, mais un témoin qui voit tout. Avant de remettre en tes mains son trésor, ton ami a eu peut-être soin d’écarter toute autre personne: il t’a conduit dans un endroit secret, dans la chambre où tu couches : mais ce témoin du dépôt, qu’on ne voit point dans l’intérieur d’une chambre à coucher, habite le fond de vos consciences. Ton ami, après t’avoir confié la somme d’argent dont il s’agit, a repris le chemin de sa demeure, gardant à cet égard un silence absolu vis-à-vis des membres de sa famille, espérant d’ailleurs revenir au moment opportun, et rentrer en possession de son bien, car un homme doit-il tromper ceux avec lesquels il est lié d’affection ? Cependant, comme les choses de ce monde sont fragiles, cet homme vient à mourir laissant un fils pour hériter de lui : cet enfant ne sait ce que possédait son père; il ignore le dépôt confié à la garde de ta bonne foi. Homme prévaricateur, rentre; oui, rentre dans ton coeur : une loi s’y trouve écrite ; cette loi, la voici : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse ». Suppose que tu es l’auteur même du dépôt, que tu n’en as rien dit à aucun des tiens, et qu’en mourant tu as laissé un fils : quel procédé aurais-tu le droit d’attendre de la part de ton ami ? Réponds-moi : prononce toi-même la sentence. En ton âme est dressé le tribunal du juge: le Seigneur Dieu y est assis : ta conscience fait l’office d’accusateur : le bourreau, c’est la crainte. Tu vis au milieu d’intérêts humains : tu fais société avec des hommes: vois donc quelle manière d’agir tu exigerais de ton ami à l’égard de ton fils. Je sais bien ta pensée, je connais ta réponse qu’elle te serve donc de guide pour prononcer ton jugement. Prononce la sentence: elle sera juridique. La vérité ne sait pas se taire: ses déclarations viennent de plus loin que les lèvres : elles viennent du coeur ; prêtes-y l’oreille, et conforme à ses décisions la conduite que tu tiendras envers le fils de ton ami. Forcé par le besoin, cet enfant est peut-être devenu un vagabond : il ne sait ce que possédait son père : il ignore quel usage il a fait de son bien: ou ne lui a jamais dit en quelles mains il en a fait le dépôt. Suppose qu’il est ton fils : tu méprises son père, parce qu’il est mort : agis comme si ce père était vivant, et, afin de ne point perdre la vie de l’âme, conduis-toi de la même manière que tu désirerais voir dans les autres, si tu venais à mourir. Mais l’avarice donne des conseils bien différents : elle commande des choses contraires à la loi de Dieu. Autres sont les ordres du Seigneur; autres ceux de l’avarice. Dans le paradis, notre Créateur nous enjoint ses volontés : le serpent séducteur, venant à l’encontre, enjoint le contraire. Rappelle en ta mémoire ta première chute en Adam: c’est à cause d’elle qu’il te faut mourir, souffrir, manger ton pain à la sueur de ton front: c’est à cause d’elle que la terre se couvre pour toi de ronces et d’épines 1. Puisses-tu trouver dans les leçons de l’expérience la sagesse que tu n’as pas voulu puiser dans les préceptes du Seigneur! Néanmoins la cupidité l’emporte : pourquoi la vérité n’est-elle pas la plus puissante? Que sont aussi devenues ces paroles, si conformes à la justice, que tu prononçais tout à l’heure? Je te vois résolu à nier le dépôt confié à tes soins : tu n’as d’autre pensée que celle d’en frustrer l’héritier de ton ami. Il n’y a qu’un instant, je t’avais demandé lequel tu aimais le mieux, lequel tu préférais de l’or ou de la bonne foi : pourquoi parler d’une manière et agir de l’autre? Ce passage du psaume ne t’inspire-t-il aucune crainte? « Si vous parlez vraiment selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Tu m’as dit que la bonne foi est de beaucoup la meilleure, et voilà que dans ton jugement tu donnes la préférence à l’or. Tes paroles ne laissaient pas supposer de ta part une semblable manière d’agir: tes paroles sont justes, tes jugements sont faux. Quand tu parlais ainsi d’après les règles de la justice, tu parlais donc contre ta façon de penser ! « Si vous parlez vraiment selon la justice,

 

1. Gen. III, 17, 18.

 

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enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements». En me répondant d’une manière aussi juste, tu parlais donc par respect humain et sans franchise.

3. Mais il en est temps, mes frères; arrivons, s’il. vous plaît, au sujet de ce psaume. Les paroles qu’il renferme sont pleines de douceur : l’Eglise les connaît parfaitement, parce qu’elles ont souvent retenti à ses oreilles. Ce sont les paroles de Notre-Seigneur Jésus-Christ: ce sont les paroles de tout son corps: ce sont celles de l’Eglise militante, de cette           Eglise qui voyage comme exilée sur la terre, à travers mille écueils, au milieu d’ennemis qui la flattent et la maudissent. Si tu n’aimes point les adulateurs, tu ne craindras pas davantage ceux qui te feront des menaces. Le Psalmiste a examiné tous les hommes, et il s’est aperçu que tous parlent selon la justice. Qui est-ce qui oserait s’exprimer autrement? Ne s’exposerait-il pas à passer pour un homme injuste? Le Prophète semble donc les entendre tous; on dirait qu’il examine les mouvements de leurs lèvres; il leur adresse cet avertissement: « Si vous parlez vraiment selon la justice », si vous parlez sincèrement selon la justice, si votre langage ne dément pas les secrètes pensées de votre coeur, « enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements». Ecoute l’Evangile, il s’exprime de la même manière que le Psalmiste: «Hypocrites » , dit le Sauveur en s’adressant aux Pharisiens, « comment pouvez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes mauvais? Ou bien rendez bons l’arbre et ses fruits: ou bien rendez-les mauvais ». Muraille de boue, pourquoi vouloir te blanchir? Je sais ce que tu es à l’intérieur: tes belles apparences ne me trompent pas. Je sais ce que tu montres : je n’ignore pas davantage ce que tu caches. «Car », suivant le langage de l’Evangile, Jésus-Christ n’avait pas besoin que quelqu’un lui rendît témoignage sur la valeur des hommes, car il savait parfaitement ce qu’il y avait en eux 2 » . « Il n’ignorait pas ce qu’il y avait dans le coeur humain », puisqu’il l’avait créé, qu’il s’était fait homme pour ramener l’homme égaré. Voyez-le donc: n’y a-       t-il pas une liaison surprenante entre toutes ces paroles: « Hypocrites, comment pouvez-vous dire de bonnes choses, puisque vous êtes

 

1. Matt. XII, 34, 35. — Jean II, 25

 

mauvais? Si donc vous parlez selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements». Avez-vous tenu le langage de la droiture, quand vous avez dit: « Maître, nous savons que vous êtes juste et que vous ne faites acception de personne 1? »Pourquoi votre coeur était-il alors plein de ruse méchante? Pourquoi, après avoir détruit en vous l’image de votre Créateur, lui présentiez-vous celle de César? Si l’on a entendu vos paroles, l’expérience a aussi démontré de quelle nature étaient vos jugements ; car, n’avez-vous pas crucifié celui à qui vous donniez le nom de juste? « Si donc vous parlez vraiment selon la justice, que vos jugements soient justes, ô enfants des hommes ». Pourquoi me dites-vous: « Nous savons que vous êtes juste », puisque je prévois d’avance quel sera votre jugement, puisque vous crierez : « Crucifie-le, crucifie-le? » . « Si donc vous parlez vraiment selon la justice, enfants des hommes, soyez justes dans vos jugements ». Qu’avez-vous fait, en effet, lorsque vous avez persécuté le Dieu-Homme, et que vous avez mis à mort votre Roi? De ce que vous l’ayez fait mourir, il ne suivait pas qu’il ne serait pas votre Roi, puisqu’il devait ressusciter. Quand il s’était agi du titre placé sur la croix du Sauveur, et où l’on avait écrit en trois langues différentes, en hébreu, en grec et en latin : « Voici le Roi des Juifs 2», un juge, qui n’était qu’un homme, avait su répondre: « Ce que j’ai écrit est écrit ». Et Dieu n’aurait pas su dire: Ce que j’ai écrit est écrit? Oui, il est votre Roi: vivant, il est votre Roi ; crucifié, il est votre Roi; il est ressuscité, il est remonté au ciel; et, là encore, il est votre Roi : plus tard, il reviendra, et malheur à vous, car alors il n’aura pas cessé d’être votre Roi. Allez maintenant, parlez selon la justice, et toutefois ne vous mettez pas en peine de juger avec droiture, ô enfants des hommes ! Vous ne voulez pas juger avec droiture: la droiture présidera au jugement qu’on rendra contre vous. Car il vit, votre Roi; il ne meurt plus: désormais la mort n’exercera plus sur lui son empire 3. Il vient: « Violateurs de sa loi, rentrez en vous-mêmes 4». Il viendra; corrigez-vous avant sa venue, prévenez son avènement par une humble confession 5. Il

 

1. Matt. XX 1, 16. — 2. Luc, XXIII, 38. — 3. Rom. VI, 7. — 4. Isa. XLVI, 6. — 5. Ps. XCIV, 2.

 

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viendra, et il est votre Roi. Souvenez-vous du titre qui a été attaché à sa croix. Vous avez beau ne pas voir l’inscription, elle y est: quoiqu’on ne la lise pas sur la terre, elle se conserve du moins toujours dans le ciel. Pensez-vous que le texte de cette inscription ait été altéré? Quel est le litre de ce psaume? « Pour la fin; ne corromps rien, à David, sur l’inscription du titre ». Cette inscription du titre n’est donc pas altérée. Le Christ, voilà votre Roi, parce qu’il est le Monarque universel; « parce que la royauté lui appartient et qu’il gouvernera tous les peuples 1 ». Dès lors que vous êtes soumis à sa puissance suprême, il vous avertit avant de venir; il vous dit: Je ne vous juge pas encore, mais je vous exhorte à penser à vous, Si je vous fais aujourd’hui des menaces, c’est afin de n’avoir pas à vous juger plus tard et à vous punir. « Si donc, ô enfants des hommes, vous parlez vraiment selon la justice, soyez justes dans vos jugements ».

4. Mais comment agissez-vous maintenant? Pourquoi vous parlé-je ainsi ? « Pendant que vous êtes sur la terre, vous ne travaillez qu’à former dans votre coeur des desseins injustes 2 ». Mais votre coeur est-il bien seul occupé d’injustices? Ecoute ce qui suit: Car les mains suivent le coeur; elles lui obéissent: l’un réfléchit, les autres agissent: et quand elles n’agissent pas, c’est par impuissance et non par défaut de volonté. Quoique tu ne puisses accomplir tous tes désirs, dès lors que tu les as formés, Dieu t’en tient compte. « Pendant que vous êtes sur la terre, vous ne travaillez qu’à former dans votre coeur des desseins coupables ». Que lis-tu ensuite? « Avec l’iniquité, vos mains font une chaîne ». « Elles font une chaîne », c’est-à-dire, le péché vient du péché, il engendre à son tour le péché ; la cause en est dans le péché. Expliquons-nous. Un homme s’est rendu coupable de vol, c’est un péché: il a été vu, et il cherche à tuer le témoin de sa mauvaise action: voilà un péché enchaîné à un autre. Si, par un secret jugement de Dieu, il réussit à se défaire, par le meurtre, de cet importun témoin, il sent bien qu’il est connu comme assassin, et alors il prend ses mesures pour en finir avec un homme qui peut déposer contre lui: aux deux premières fautes il en

 

1. Ps. XXI, 29 . —  2. Id. LVII, 3

 

enchaîne une troisième. Sur ces entrefaites, et afin de n’être ni surpris ni convaincu d’avoir commis de tels crimes, il consulte un astrologue. Nouveau péché ajouté aux trois autres. Peut-être l’astrologue lui donne-t-il une réponse désagréable et inquiétante. Il a donc recours à un aruspice, et il le prie de faire pour lui des expiations : celui-ci déclare qu’une expiation lui est impossible; il faut donc s’adresser à un sorcier. Comptez, si vous le pouvez, tous les anneaux de cette chaîne de péchés. « Avec l’iniquité vos mains font une chaîne ». Jusques à quand te livreras-tu à ce détestable métier? Jusques à quand ajouteras-tu péché à péché? Dégage-toi donc; brise ces chaînes de péchés. Mais, dis-tu, je ne puis. Elève vers Dieu les cris de ta prière, et dis-lui : « Malheureux que je suis ! qui est-ce qui me délivrera de ce corps de mort 1? » La grâce de Dieu viendra en toi, et alors tu trouveras ton bonheur dans le bien, comme tu le trouvais autrefois dans le mal; et, dégagé de tes chaînes, rendu à la liberté, tu feras monter vers le trône de l’Eternel les accents de ta reconnaissance: « Seigneur, vous avez brisé les liens qui me retenaient captif 2. Vous avez brisé mes liens », c’est-à-dire, vous m’avez pardonné mes péchés. Vois si les péchés ne sont pas de véritables liens. « Chacun, dit l’Ecriture, est embarrassé dans les lacets de ses péchés 3 ». Ce ne sont pas de simples liens, ce sont des lacets: on appelle de ce nom ce qui se fait avec des crins tressés: en d’autres termes, tes péchés s’entrelaçaient les uns dans les autres. « Malheur », dit Isaïe, « malheur à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde 4». Que veulent dire ces paroles: « Malheur à ceux qui traînent leurs péchés comme une longue corde? » Malheur à ceux qui font une chaîne avec l’iniquité. Nos péchés nous punissent autant qu’ils nous embarrassent: le Seigneur Jésus s’arma d’un fouet fait de cordes pour chasser du temple tous ceux qui y faisaient un trafic indécent 5. Mais parce que tu ne sens pas le poids de tes chaînes, tu ne yeux pas encore les voir brisées: elles te plaisent, tu trouves en elles ton bonheur; mais elles te paraîtront bien lourdes, quand le Seigneur dira: «Qu’on lui lie les mains et les pieds, et qu’on le jette

 

1. Rom. VII, 24 2. Ps. CXV, 16  3. Prov. V, 22 4. Isa. V, 18  5. Jean, II, 15.

 

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dans les ténèbres extérieures: il y aura là pleur et grincement de dents 1 ».Tu te sens saisi d’horreur et d’épouvante; tu frappes ta poitrine: à ton avis il est mal de commettre le péché, il est beau de pratiquer la vertu. « Enfants des hommes, si vous parlez vraiment selon la justice, soyez donc justes dans vos jugements ». Faites passer vos paroles dans vos actions, et que votre conduite soit l’expression de votre manière de parler. Ne faites pas de chaînes avec l’iniquité, parce que les liens que vous feriez en cette vie serviraient plus tard à vous ôter• l’usage de vos membres. Il en est qui n’écoutent pas cet avertissement, quoique tous n’y soient pas sourds: ceux qui ne les écoutent pas, Dieu les connaît d’avance.

5. « Les pécheurs se sont éloignés dès le sein de leurs mères; ils se sont égarés avant d’en sortir: ils n’ont dit que des faussetés ». Lorsqu’ils parlent iniquité , ils disent des faussetés, parce que l’iniquité est la fausseté même: et quand ils parlent justice, leur langage est encore aussi peu droit, parce que leur coeur dément en secret les paroles qui sortent de leur bouche. Pourquoi le Prophète dit-il: « Les pécheurs se sont éloignés dès le sein de leurs mères? » Cherchons-en avec soin la raison: car peut-être a-t-il voulu dire que Dieu connaît d’avance, dès le sein de leur mère, ceux qui commettront le péché. D’où vient, en effet, que Rébecca, étant encore enceinte, et portant dans ses entrailles deux jumeaux, le Seigneur dit : « J’aime Jacob et je déteste Esaü 2?» Ne dit-il pas encore: « L’aîné sera assujéti au plus jeune? » C’était là, sans doute, un secret jugement de Dieu, mais un jugement qui s’exerçait dès le sein de la mère; « car les péchés se sont éloignés » dès leur origine. De quoi se sont-ils éloignés? De la vérité. De quoi encore? de la céleste patrie, de la vie bienheureuse. En ont-ils été éloignés dès le sein de leur mère? Quels pécheurs ont été éloignés même avant de naître? Qui est-ce qui pourrait venir au monde, s’il n’était d’abord enfermé dans le sein maternel? Et parmi ceux qui nous écoutent inutilement, y en aurait-il un seul en cette vie, s’il n’était préalablement né? Les pécheurs ont donc peut-être été éloignés d’un autre sein, dans lequel la charité souffrait au point de dire par la bouche de l’apôtre saint Paul : « Mes

 

1. Matt. XXII, 13. — 2. Gen. XXV, 23; Mal. I, 2, 3; Rom. IX, 13.

 

petits enfants, pour qui je ressens de nouveau une sorte de travail de l’enfantement, jusqu’à ce que Jésus-Christ soit formé en vous ». Demeure donc en ce sein; attends que tu y sois formé. N’aie pas la prétention de t’attribuer l’usage du jugement que tu n’as pas encore. Tu es encore charnel: tu es conçu, car dès lors qu’on t’a donné le nom de chrétien, tu as apparu dans les entrailles de ta mère sous l’influence d’un certain sacrement. L’homme, en effet, ne se forme pas seulement des entrailles de sa mère, il se forme aussi dans ses entrailles; il naît d’abord dans les entrailles maternelles; puis il en tire sa substance. Voilà pourquoi il a été dit de Marie: « Ce qui est né en vous est du  Saint-Esprit ». Le Sauveur n’était pas encore né de la sainte Vierge, mais il était déjà né en elle. De petits enfants naissent donc dans les entrailles de l’Eglise, et il est pour eux avantageux de ne naître que parfaitement formés, parce qu’ils tomberaient de son sein, pareils à des avortons. Puisse-t-elle t’engendrer, et ne pas avorter ! Sois patient, jusqu’au moment où ta formation sera complète, jusqu’au jour où tu seras affermi par l’enseignement de la vérité ; reste enfermé dans les entrailles de ta mère. Mais si, par impatience, tu viens à les ébranler, elle te jettera hors de son sein: sa douleur sera grande; mais elle sera moins à plaindre que toi.

6. « Les pécheurs se sont-ils éloignés dès le sein de leurs mères? ils se sont égarés avant d’en sortir: ils n’ont dit que des faussetés ». Se sont-ils égarés dès le sein de leur mère, parce qu’ils ont dit des faussetés? ou plutôt, ont-ils dit des faussetés, parce qu’ils se sont égarés dès le sein de leur mère? En effet, le sein de l’Eglise est le séjour permanent de la vérité; et quiconque s’en éloigne doit infailliblement dire des faussetés. Oui, je le dis, l’erreur et le mensonge se trouvent nécessairement dans la bouche de quiconque n’a pas voulu naître dans ses entrailles, ou s’est vu rejeté par elle comme un avorton, après qu’il a été conçu. C’est pourquoi les hérétiques déclament contre l’Evangile: parlons donc spécialement de ces malheureux, que nous voyons avec douleur rejetés du sein de notre commune mère. Nous leur lisons ce passage de l’Evangile: Voici les paroles du Christ : « Il fallait que le Christ

 

1. Gal. IV, 19. — 2. Matt, I, 20.

 

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souffrît et ressuscitât le troisième jour » . A ces mots, je reconnais, disent-ils, notre chef; c’est bien là l’Epoux. Reconnais donc aussi avec moi l’épouse, car vois ce qui suit: « Et que l’on prêchât en son, nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem ». — Viens ici, viens ici. — Voilà l’Eglise répandue « parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem » : aussi je ne dis pas: Viens ici, puisqu’elle vient elle-même à toi. Mais ils restent sourds et demeurent en opposition avec l’Evangile; ils ne nous permettent pas de leur lire la parole de Dieu ; et, tandis qu’ils se vantent de l’avoir préservée des flammes, ils s’efforcent de l’effacer avec leur langue; ils parlent en leur nom et ils ne disent que des choses vaines. Tel et tel, s’écrient-ils, ont livré les saints livres. Je le dis plus liant qu’eux, et je dis ce qui est: Oui, tel et tel sont des traditeurs. Mais que m’importe? Ceux que tu viens de citer, tu ne peux trouver leurs noms dans l’Evangile : je ne pourrais davantage t’y montrer les noms de ceux dont je parle. Otons nos livres, n’ayons en main que celui de Dieu. Ecoute: c’est Jésus-Christ qui te parle, c’est la vérité qui te dit: « Il fallait qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés parmi toutes les nations, en commençant par Jérusalem ». — Non, répondent-ils, nous n’écouterons pas: c’est plutôt à vous d’écouter ce que nous vous disons: ce que dit l’Evangile, nous ne consentons pas à l’entendre. « Les pécheurs se sont éloignés dès le sein de leur mère: ils se sont égarés avant d’en sortir; ils ont dit des faussetés ». Pour nous, disons la vérité, puisque nous l’avons entendue: c’est Dieu, et non pas un homme qui nous a parlé. Un homme peut mentir; il est impossible que la vérité nous trompe. Si je reconnais le Christ, qui est la vérité même, c’est la vérité qui m’apprend à le connaître: c’est encore elle qui m’aide à connaître l’Eglise, cette Eglise à qui Dieu a donné communication de la vérité. Qu’on ne vienne point me dire des faussetés. Quand on a été formé dans les entrailles de l’Eglise pour s’égarer dès son sein, et qu’on veut me dogmatiser, j’ai le droit de savoir d’abord ce qu’on a l’intention de m’enseigner. Vous vous êtes éloignés dès

 

1. Luc, XXIV, 46, 17.

 

le sein de votre mère, vous vous êtes égarés même avant d’en sortir: je le vois, et j’écouterais vos enseignements? Mais vous ne pouvez me dire que des faussetés! « ils se sont égarés dès le sein de leur mère; ils ont dit des faussetés ».

7. « Leur fureur est pareille à la fureur d’un serpent » . Vous allez entendre quelque chose d’important. « Leur fureur est pareille à celle d’un serpent ». Comme si nous l’avions interrogé sur le sens de ces paroles, le Prophète ajoute: « D’un aspic qui est sourd »; pourquoi est-il sourd? « Et qui se bouche les oreilles ». Sa surdité vient donc de ce qu’il se bouche les oreilles. « Il se bouche donc les oreilles, et n’écoute ni la voix de l’enchanteur, ni celle du remède que lui prépare le sage ». Ce que nous disons ici, nous l’avons entendu dire à d’autres; nous disons ce que les hommes, appliqués à l’étude de ces choses, ont pu y comprendre, ce que l’Esprit-Saint connaît bien mieux que personne. Le Prophète s’est exprimé ainsi, sans doute, parce qu’il peut se faire que ce que nous avons entendu dire soit l’exacte vérité. Lorsqu’un marse enchanteur a commencé à exercer son influence sur l’aspic, par la récitation de quelques formules particulières, comme en emploient les magiciens, savez-vous ce que fait ce reptile? Veuillez avant tout, mes frères, faire une remarque; je vous préviens d’avance, afin qu’aucun d’entre vous n’éprouve de scrupule à écouter ce que je vais dire; quelles que soient les comparaisons dont elle se sert, jamais la sainte Ecriture ne donne d’importance et d’estime à l’objet même de la comparaison; elle ne fait qu’en tirer une similitude. Ainsi, le Sauveur n’a pas donné son approbation à ce juge inique, dépourvu de toute crainte de Dieu et des hommes, qui ne voulait point écouter la veuve de l’Evangile; il ne s’est servi de son exemple que pour faire une comparaison 2. Jésus-Christ n’a pas non plus prétendu louanger l’homme indolent, qui a donné trois pains à son ami, plutôt pour échapper à ses importunités que pour lui témoigner son affection; néanmoins, il a utilisé son exemple et en a fait le sujet d’une comparaison. Des objets très-peu dignes de louanges servent donc parfois à établir, dans certaines limites, d’utiles similitudes. Parce que les divines Ecritures vous

 

Ps. LVII, 5, 6. — Luc, XVIII, 2

 

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parlent d’enchanteurs, êtes-vous en droit de croire que vous devez vous rendre au milieu des Marses? S’il en était ainsi, vous devriez aussi fréquenter les spectacles et les théâtres, puisque l’Apôtre a dit: « Je ne lutte pas, comme si je battais l’air 1 ». Car lutter, c’est donner le spectacle des cinq combats. Saint Paul a parlé de la lutte par simple comparaison; voulait-il nous inspirer du goût pour ces sortes de spectacles? Il a dit encore : « Celui qui combat dans la lice s’abstient de tout 2 ». Un chrétien doit-il, en conséquence de ces paroles, affecter de courir au théâtre, et de s’occuper de vanités pareilles? Quand on se sert devant toi d’une comparaison, remarque donc attentivement ce qu’on veut t’apprendre et te défendre. Ainsi a-t-on voulu tirer une similitude du fait d’un Marse, qui enchante un aspic, pour le faire sortir de sa ténébreuse demeure? il veut l’amener au jour; l’aspic se plaît dans l’obscurité, au sein de laquelle il s’enveloppe et se cache; et, comme il ne veut pas en sortir, il refuse d’écouter la voix fascinatrice à laquelle il se sent porté à obéir malgré lui; pour cela, que fait-il? Il presse contre terre l’une de ses oreilles, tandis qu’à l’aide de sa queue il ferme l’autre; voilà comment il agit pour éviter de son mieux le piége du charmeur, et ne point sortir de son repaire. Le Saint-Esprit compare à ce reptile certains pécheurs, sourds à la voix de Dieu, et qui, loin de mettre en pratique la parole du Seigneur, font tout leur possible pour ne pas même l’entendre.

8. Chose pareille s’est vue aux premiers jours du Christianisme. Le martyr Etienne prêchait la vérité, il voulait comme charmer des âmes plongées dans les ténèbres, et les amener à la lumière; arrivé au point de leur parler du Christ, il ne put se faire entendre de ces âmes volontairement endurcies. Aussi que nous dit d’elles la sainte Ecriture? Que nous rapporte-t-elle à leur endroit? Voici ce qu’elle nous raconte : « Ils bouchèrent leurs oreilles ». Ce qu’ils firent ensuite, l’histoire de la passion d’Etienne nous l’apprend. lls n’étaient pas sourds, mais ils se sont rendus tels. Les oreilles de leur coeur étaient fermées; toutefois la vérité fut si forte que, traversant les oreilles de leur corps, elle vint frapper violemment celles de leur coeur; alors ils bouchèrent même les oreilles de leur corps, et en vinrent à lapider

 

1. I Cor. IX, 26, 28. —  2. Ibid.

 

 

le saint 1. C’étaient bien des aspics, frappés de surdité et plus durs que les pierres dont ils accablèrent leur enchanteur; ils n’écoutèrent ni la voix du charmeur, ni celle « du remède « que leur mélangeait le sage ». Qu’est-ce que ce remède mélangé par le sage? Un remède mélangé veut dire, sans doute, un remède préparé. Demandons-nous comment un remède peut être tel sans être préparé? Les prophéties, la loi, tous les commandements étaient des remèdes, mais des remèdes non encore préparés; leur préparation a été opérée par la venue du Sauveur. Les Juifs n’ayant pu les supporter, à cause de leur simplicité native, ces remèdes ne guérissaient pas. Le Christ est venu leur donner toute leur perfection. Etienne s’efforçait de les charmer et de leur insinuer ce remède préparé; ils ne voulurent pas seulement l’entendre; ils bouchèrent leurs oreilles par opposition à celui-là même qui avait donné au médicament toute sa vertu, car à peine avaient-ils entendu prononcer le nom du Sauveur, qu’ils avaient déjà pris cette précaution d’une surdité volontaire. Leur fureur était devenue pareille à celle d’un serpent. Pourquoi fermer vos oreilles? Attendez, écoutez; puis, si vous le pouvez, vous vous emporterez. Ce qu’ils voulaient, c’était non pas écouter, mais s’irriter. S’ils avaient prêté l’oreille aux paroles du saint, ils auraient bien pu se calmer et bien faire. « Leur fureur est semblable à celle d’un serpent».

9. Tels sont encore aujourd’hui ceux qui nous font souffrir. Dès le premier abord, ils se croyaient en possession de la vérité: mais Dieu n’a pas cessé de soutenir son Eglise; il n’a pas différé de les confondre. On a prêché la vérité dans cette Eglise; dans le sein de cette bonne mère on a étalé au grand jour tous leurs mensonges. La lumière s’est montrée à tous; tous les yeux ont pu contempler cette ville, placée sur la montagne, et qui ne peut demeurer cachée, ce flambeau élevé sur le chandelier, et qui brille aux regards de tous ceux qui habitent la maison 2. Où l’Eglise de Dieu est-elle encore inconnue? En quels endroits n’ont pas encore pénétré les rayons de la vérité chrétienne? Le Sauveur n’est-il pas cette montagne immense, qui s’est formée d’une petite pierre, et qui s’étend sur toute la face de l’univers »? Voilà ce qui les

 

1. Act. VII, 56, 57. — 2. Matt. V, 14, 15.— 3. Dan, II, 35.

 

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convainc d’erreur; ils n’ont rien à dire contre l’Eglise. A quoi sont-ils réduits? A nous dire:

Pourquoi nous chercher? Que nous voulez-vous? Retirez-vous de nous. A dire à leurs partisans: Que personne d’entre vous n’engage de conversation avec eux ! Ne les fréquentez pas, ne les écoutez pas. Leur fureur est pareille à celle des serpents, « à la fureur d’un aspic sourd, qui se bouche les oreilles, et qui n’entend ni la voix de l’enchanteur, ni la voix du médicament que lui prépare le sage». D’après ce passage, n’est-il pas facile d’imaginer de quel remède veut parler le Prophète, puisqu’il y est question de la voix? Est-ce qu’un médicament aune voix? Oui, il est un remède qui peut parler; ce remède, nous vous l’apportons; écoutez donc ce qu’il vous dit, mais non à la manière d’un aspic sourd. « Enfants des hommes, si vous parlez « vraiment selon la justice, que vos jugements soient justes». C’est la parole «du remède», mais « du remède préparé par le sage ». Car Jésus-Christ est venu pour accomplir la loi et les Prophètes 1, pour affermir la vérité elle-même, pour établir enfin les deux commandements, qui renferment toute la loi et tous les Prophètes 2.

10. On dit que, pour boucher parfaitement ses oreilles, l’aspic presse l’une contre terre, et qu’à l’aide de sa queue, il ferme l’autre. Voulons-nous voir encore en cela un autre mystère? Demandons-nous quel est le sens de ce fait? Dans la queue, il faut voir le symbole des choses passées, qui sont derrière nous; nous devons donc tourner le dos au passé, pour porter notre attention vers ce qu’on nous promet; ne nous attachons donc d’affection ni à notre vie passée, ni à la vie présente; c’est l’avis que nous donne l’Apôtre: « Quel fruit », nous dit-il, « avez-vous retiré de ce qui vous fait maintenant rougir 3? » Il nous défend par là de nous rappeler avec plaisir le passé; par là, aussi, il arrête le désir secret d’en jouir encore, et ainsi nous empêche-t-il de reporter nos affections dans la terre d’Egypte. Pour le présent, en quels termes nous commande-t-il de le mépriser? « Nous ne regardons point les choses visibles; nous ne considérons que les choses invisibles. Les choses visibles appartiennent au temps et passent vite; mais les choses invisibles sont éternelles 4». Il raisonne de la même

 

1. Matt. V, 1,7 2. Id. XXII, 40 3. Rom. VI, 21. — 4. II Cor. IV, 18.

 

manière au sujet de la vie présente : « Si nous espérons en Jésus-Christ seulement en ce qui regarde la vie présente, nous sommes les plus misérables de tous les hommes ». Oublie donc le passé; car, pendant son cours, tu as mal vécu ; méprise le présent, parce qu’il s’écoule avec rapidité, et qu’en y attachant tes affections, tu trouverais en lui l’obstacle le plus sérieux à l’acquisition des biens à venir. Si la vie présente fait ton bonheur, tu appliques une oreille contre terre; et, si le passé te charme encore, malgré la vitesse avec laquelle il s’éloigne de toi, tu fermes avec la queue ton autre oreille. Va donc au jour, c’est ton devoir; écoute la voix du remède que t’a préparé le sage; sors des ténèbres; ainsi marcheras-tu à la lumière, et pourras-tu dire, dans le sentiment de la joie: « J’oublie ce qui est derrière moi, et je m’avance vers ce qui est devant moi 2 ». L’Apôtre ne dit pas : J’oublie ce qui est passé, pour mettre mon bonheur dans le présent. En affirmant qu’il oublie le passé, il montre qu’il ne se sert pas de la queue pour fermer l’une de ses oreilles; et, en ajoutant qu’il s’avance vers les choses de l’avenir, il fait preuve de n’être point assourdi par les affaires du moment. Puisqu’il entend, il est juste qu’il prêche ensuite, qu’il se livre aux transports de la joie, et que, sous l’influence de ce sentiment d’allégresse, il se dépouille de son premier vêtement et vienne au grand jour annoncer la vérité.

Le serpent fait encore un autre emploi de sa malice, et, sous ce rapport, le Seigneur nous engage à l’imiter: «Soyez», nous dit-il, « soyez malins comme des serpents 3 ». Qu’est-ce à dire, « malins comme des serpents? » Pour mettre sa tête à l’abri des coups de son adversaire, le serpent lui présente le reste de son corps. Agis de même, car la tête de l’homme, c’est le Christ 4. Mais tu es appesanti par le poids de ta première peau, si j’ose parler ainsi, et par la lourdeur du vieil homme; aussi l’Apôtre nous adresse-t-il cet avertissement : « Dépouillez-vous du vieil homme, et revêtez-vous de l’homme nouveau 5 ». — Comment, diras-tu, comment me dépouiller du vieil homme? — Imite la malice du serpent. Que fait-il pour se dépouiller de sa vieille peau? Il se force à passer par

 

1. I Cor. XV, 19. — 2. Phil. III, 13. — 3. Matt. X , 16. — 4. I Cor. XI, 3. —  5. Colos. III, 9, 10.

 

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un trou étroit. — Mais où trouverai-je ce trou étroit par où je passerai? — Le voici; le Sauveur te l’indique. « La voie qui mène à la « vie est étroite; il y en a peu qui y marchent 1 ». Parce qu’il y en a peu pour oser la suivre, tu crains de t’y engager; tu ne veux pas y marcher? C’est là qu’il faut se dépouiller de son vieux vêtement; il est impossible de s’en dépouiller ailleurs. Si tu consens à être toujours chargé des dépouilles du vieil homme, à les voir embarrasser tes mouvements et t’étouffer, ne prends point ce chemin étroit, car tu ne pourras y passer avec le fardeau de tes péchés et de ta première vie. Puisque ce corps, qui se corrompt, appesantit l’âme 2, ou bien ne te laisse accabler par aucun désir charnel, ou bien dépouille-toi de la concupiscence du vieil homme. Et comment t’en dépouiller, si tu ne passes par la voie étroite, si tu n’es rusé comme un serpent?

11. « Dieu a brisé leurs dents dans leur bouche 3 ». A qui le Seigneur a-t-il brisé les dents? A ceux dont la fureur est pareille à la fureur du serpent et de l’aspic qui ferme ses oreilles pour n’entendre, ni la voix de l’enchanteur, ni celle du remède préparé par le sage. Qu’est-ce que Dieu leur a fait? « Il a brisé leurs dents dans leur bouche ». Dieu l’a fait, et, non-seulement il l’a fait autrefois, mais il le fait encore aujourd’hui. Cependant, mes frères, pourquoi ne pas se contenter de dire que « Dieu a brisé leurs dents », sans ajouter qu’il les a brisées « dans leur bouche? » Pareils au serpent et à l’aspic, dont nous parlions tout à l’heure, les Pharisiens ne voulaient entendre ni la loi, ni les préceptes que Jésus-Christ, la vérité même, leur apportait: leurs péchés passés étaient, pour eux, un objet de complaisance, ils ne voulaient point renoncer à la vie présente, c’est-à-dire qu’ils préféraient les joies passagères de ce monde aux joies durables de l’éternité. Ils ne voulaient rien écouter, car leurs oreilles étaient fermées, l’une par le plaisir que leur causait la mémoire du passé, l’autre par le plaisir que leur procuraient les biens présents. Pourquoi, en effet, ont-ils dit : « Si nous le laissons agir de la sorte, les Romains viendront et nous enlèveront notre ville et notre pays 4? » C’est qu’ils ne voulaient point perdre leur ville. Par conséquent, ils avaient appliqué

 

1. Matt. VII, 14. — 2. Sag. IX, 15. — 3. Ps. LVII, 7. — 4.  Jean, XI, 48.

 

contre terre une de leurs oreilles; aussi ne voulurent-ils pas recevoir les paroles salutaires que leur adressait le sage, et y restèrent-ils sourds. Il est dit encore qu’ils étaient avares et aimaient l’argent, et nous trouvons dans l’Evangile l’histoire de toute leur vie, même de leur vie passée, faite par Jésus-Christ. Il suffit de lire ce livre divin pour comprendre ce qui leur fermait les deux oreilles.

Que votre charité veuille bien remarquer la conduite de Dieu à leur égard. « Il a brisé  leurs dents dans leur bouche ». Que veulent dire ces mots : « Dans leur bouche ? » Ils signifient qu’il les a forcés de prononcer eux-mêmes leur condamnation, et que la sentence est sortie de leur propre bouche. Leur but était de pouvoir décrier le Sauveur, à l’occasion du tribut à payer à César. En réponse à leur question, Jésus ne leur dit ni qu’il était permis, ni qu’il était défendu de le payer. S’il avait dit : Payez le tribut à César, ils l’auraient accusé de manquer de respect à la nation Juive en la déclarant tributaire, car, la prédiction en avait été faite dans la loi: c’était en raison de leurs péchés qu’ils subissaient l’humiliante nécessité de payer un tribut. S’il nous oblige, disaient-ils, à remplir ce devoir à l’égard de l’empereur, nous aurons une preuve contre lui, nous l’accuserons d’outrager la nation. Si, au contraire, il nous dit: Ne payez pas, vous n’y êtes pas tenus, nous aurons toute facilité de prouver qu’il s’est déclaré contre César et nous a empêchés de lui rendre nos devoirs. Tel fut le double piége qu’ils tendirent au Sauveur , comme s’ils avaient pi,i espérer l’y prendre. Mais à qui s’adressaient-ils? A celui qui savait briser les dents de ses adversaires dans leur bouche. « Montrez-moi une pièce de monnaie », leur dit-il : « Hypocrites, pourquoi me tentez-vous? » Pensez-vous à payer le tribut? Voulez-vous observer la justice? Me demandez-vous un conseil pour devenir justes? « Si vous parlez sincèrement selon la justice, soyez donc justes dans vos jugements, ô enfants des hommes ». Mais puisque votre langage est tout opposé à vos jugements, vous n’êtes que des hypocrites : « Pourquoi me tentez-vous ? » Je vais briser vos dents dans votre bouche. « Montrez-moi une pièce de monnaie ». Et ils en mirent une sous ses yeux. Et au lieu de leur dire: Voilà l’image de César, il leur adresse cette question: « De qui

 

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est cette image ? » Par là il brisait leurs dents dans leur bouche; car, Jésus leur demandant quelles étaient l’image et l’inscription gravées sur cette pièce de monnaie, ils furent obligés de répondre que c’étaient celles de César. Le Sauveur avait, dès lors, toute facilité de briser leurs dents dans leur bouche. Vous avez répondu : aussi vos dents sont-elles brisées dans votre bouche. « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu 1 ». César vous demande son image: rendez-la-lui. Dieu vous demande la sienne: faites de même. Vous n’avez pas le droit de faire perdre à César sa monnaie: vous n’avez pas davantage le droit d’enlever à Dieu ce qui lui appartient. A cela qu’avaient-ils à répondre? Rien. Ils avaient été envoyés vers Jésus pour trouver en lui un motif de le décrier : ils revinrent en disant qu’il était impossible de lui répondre. Pourquoi cela ? Parce que leurs dents avaient été brisées dans leur bouche.

12. Autre fait semblable. Les Pharisiens dirent à Jésus : « Par quelle puissance faites-vous tous ces prodiges ? » Et il leur répondit : « Je vais, à mon tour, vous faire une question: «  répondez-moi».Et il les interrogea au sujet de Jean, et leur demanda d’où venait le baptême de Jean, de Dieu ou des hommes? par là, il les mettait dans l’impossibilité de répondre, à moins de se condamner eux-mêmes. Ils ne voulurent pas dire que ce baptême venait des hommes, dans la crainte d’être lapidés par ceux qui les entendraient, parce qu’on regardait Jean comme un prophète. Dire qu’il venait de Dieu était pour eux bien plus difficile, car c’était avouer que lui-même était le Christ, puisque Jean l’avait annoncé comme tel. Restés entre ces deux impossibilités, incapables de répondre de façon ou d’autre, ces malheureux, qui voulaient embarrasser le Sauveur, en appelèrent à l’ignorance et lui dirent: «Nous ne savons pas 2 ». Quand ils lui disaient : « Par quelle puissance faites-vous ces prodiges ? » ils avaient l’intention de le mettre en défaut et de l’attaquer. S’il avait dit : Je suis le Christ, ils se seraient jetés sur lui, prétextant de sa part l’arrogance, l’orgueil, des paroles sacrilèges : il ne voulut point faire cette déclaration, muais il posa une question sur le compte de Jean, qui, lui, avait publiquement reconnu le caractère du Christ.

 

1. Matt. XXII, 17, 21 2. Marc, XI, 28, 33.

 

Ses ennemis ne se sentirent pas l’audace d’attaquer le témoignage de Jean, parce qu’ils avaient à craindre de se voir assassinés par le peuple : le courage leur manqua aussi pour avouer que Jean avait dit vrai, parce que c’était donner à Jésus le droit de leur dire Ajoutez donc foi à ses paroles. Dans cette alternative ils gardèrent le silence, sous prétexte d’ignorance : preuve évidente qu’ils étaient dans l’impossibilité de mordre : d’où venait cette impossibilité? Elle venait, vous le comprenez aisément, de ce que leurs dents étaient brisées dans leur bouche.

13. Un pharisien avait invité le Sauveur àun repas; alors une femme pécheresse entra dans la salle du festin, et se jeta aux pieds de Jésus : le pharisien en fut scandalisé; et, dans le sentiment de la mauvaise humeur qu’il éprouva contre lui, il s’écria : « Si cet homme était un véritable prophète, il connaîtrait cette femme qui le touche ». O toi, pharisien, qui n’es certainement pas un prophète, comment sais-tu que Jésus ignore quelle est cette femme qu’il voit prosternée devant lui ? A son avis le Sauveur n’observait pas la pureté judaïque, pureté néanmoins tout extérieure, et à laquelle le coeur restait complètement étranger. Mais les pensées de son hôte étaient aussi peu ignorées du Christ que les péchés de cette femme; aussi lui fit-il la réponse que vous savez. J’abrége : il voulut lui briser les dents dans la bouche. Voici la question qu’il lui adressa: « Deux débiteurs étaient redevables à un homme: l’un devait cinq cents deniers, l’autre cinquante. Comme ils n’avaient ni l’un ni l’autre de quoi s’acquitter de leurs dettes, leur créancier leur fit remise du tout. Lequel des deux l’a aimé davantage ? » Jésus interroge le pharisien et le force à répondre : celui-ci répond de manière à se briser les dents dans la bouche; il répond, mais confus ; et tandis que la miséricorde divine lui est refusée, la femme pécheresse est admise à en recueillir le bénéfice ; par là tous peuvent s’apercevoir que si elle est entrée avec une sorte de violence, dans une maison étrangère, elle ne s’est pas approchée d’un Dieu étranger 1.

14. « Le Seigneur a brisé leurs dents dans leur bouche. Le Seigneur a brisé les mâchoires des lions »,aussi bien que les dents des aspics. Que font les aspics? Ils sont insidieux ; ils

 

1.  Luc, VII, 39-50.

 

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se glissent secrètement pour lancer plus sûrement leur dard : leur venin se répand et empoisonne pour ainsi dire, avant qu’on s’en aperçoive. Pour les nations, elles se sont ouvertement déclarées contre l’Eglise; elles ont rugi comme des lions, « Pourquoi les nations  ont-elles frémi? Pourquoi les peuples ont-ils formé de vains complots 1?» Quand les adversaires du Sauveur lui tendaient des piéges, et lui demandaient, par exemple, « s’il est permis ou défendu de payer le tribut u à César », ils agissaient à la manière des aspics et des serpents, et, alors, leurs dents se sont brisées dans leur bouche. Plus tard, ils ont crié: « Crucifie-le ! Crucifie-le 2! » Ce n’était plus là le langage de l’aspic : c’était le rugissement du lion ; « mais Dieu a aussi broyé les mâchoires des lions ». Ce n’est pas sans motif, peut-être, qu’il n’est pas dit ici « dans leur bouche ». Quand les pharisiens cherchaient par de captieuses questions àprendre Jésus dans ses paroles, ils se trouvaient forcément condamnés par leur propre réponse; mais lorsqu’ils l’attaquaient brutalement, pouvait-il, lui, les réduire à l’impuissance en les interrogeant à leur tour? Toutefois, leur mâchoire a été aussi brisée. Après avoir été attaché à la croix, le Sauveur est ressuscité, il est monté au ciel, il est couronné de gloire et adoré de toutes les nations et de tous les rois. Que les Juifs l’attaquent, s’ils le peuvent: ils en sont désormais incapables, car « le Seigneur a broyé les mâchoires des  lions».

15. Les hérétiques nous donnent, comme les Juifs, une preuve et un exemple de ce qu’ils sont. Il nous est impossible d’en douter, ce sont des serpents: assourdis par la fureur, ils ne veulent rien entendre de ce que leur dit le remède préparé par le sage; aussi le Seigneur a-t-il brisé leurs dents dans leur bouche. Comme ils s’emportent contre nous ! Ne nous accusent-ils pas d’être en quelque sorte des persécuteurs, parce que nous les chassons des églises? Demande-leur maintenant si l’on doit en exclure les hérétiques, ou leur laisser le droit d’y entrer. Qu’ils répondent! S’ils disent qu’on ne doit pas les en bannir, les Maximianistes y rentreront aussitôt. Mais pour ne pas y voir revenir les Maximianistes, ils disent qu’il faut en éloigner les hérétiques. Pourquoi alors nous accuser et crier contre nous?

 

1. Ps. I, 1. — 2. Matt. XXVII, 23; Jean, XIX, 6.

 

Vos dents seraient-elles brisées dans votre bouche Qu’y a-t-il de commun entre les rois et nous,disent-ils? Qu’y a-t-il de commun entre les empereurs et nous? Pour vous, vous avez mis en eux votre confiance. — Et moi, je leur demande à mon tour: Qu’avez-vous de commun avec les proconsuls qui sont les envoyés des empereurs? Qu’y a-t-il de commun entre vous et les lois portées par eux coutre vous? Les empereurs de notre communion ont édicté des lois contre tous les hérétiques, et ceux qu’ils désignent sous le nom d’hérétiques sont apparemment ceux qui n’appartiennent pas à leur communion; on ne se tromperait pas, sans doute, en vous rangeant parmi eux. Si ce sont de vraies lois, elles doivent vous être appliquées, puisque vous êtes hérétiques; si elles sont fausses, pourquoi en requérez-vous l’application à ceux qui se sont séparés de vous ? Veuillez y faire attention, mes frères, et prenez garde à ce que nous venons de dire. Toutes les fois qu’ils ont lutté coutre les Maximianistes pour les chasser, comme schismatiques condamnés par eux, d’églises dont ils étaient maîtres depuis longtemps, puisqu’ils avaient reçu leurs siéges de ceux qui les y avaient précédés, les Donatistes ont eu recours aux lois de l’empire; ils se sont présentés devant les juges et se sont déélarés catholiques, afin de mieux réussir à déposséder les hérétiques. Pourquoi te dire catholique, pour exclure des hérétiques? Pour ne pas être chassé toi-même comme ennemi de la foi, ne vaudrait-il pas mieux devenir franchement catholique? Tu es catholique pour le moment, afin de chasser les hérétiques au moyen de ton nom, car le juge ne peut agir que suivant la teneur de ses lois. Parce qu’ils se sont dits catholiques, on les a admis à plaider. Ils ont accusé d’hérésie les Maximianistes, on leur a demandé leurs preuves : alors ils ont lu les actes du concile de Bagaï, où leurs adversaires avaient été condamnés; on inséra ces actes dans les registres du proconsul; il fut prouvé que ces hérétiques ne devaient rester en possession d’aucune église, puisqu’une condamnation avait été prononcée contre eux; aussi, le proconsul rendit-il une sentence conformément aux lois. Quelles étaient ces lois? C’étaient celles qui avaient été édictées contre les hérétiques. Dès lors qu’elles frappaient les hérétiques, ou les avait donc aussi portées contre toi, ô Donatiste. — Pourquoi cela? Je

 

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ne suis aucune hérésie. — S’il en est ainsi, les lois précitées sont fausses, puisqu’elles émanent d’empereurs qui n’appartiennent pas àta communion, et qu’elles désignent sous le nom d’hérétiques tous ceux qui ne sont pas de la même communion qu’eux. Mais je ne m’inquiète pas de savoir si ces lois sont vraies ou si elles sont ‘fausses; mettons de côté cette question, si tant est que c’en soit encore une: je me borne pour le moment à te demander ton opinion à ce sujet : Ces lois sont-elles vraies? sont-elles fausses? Si elles sont vraies, qu’on les regarde comme telles; si elles sont fausses, pourquoi t’en servir? Tu as fait au proconsul cette déclaration : Je suis catholique : chasse les hérétiques. Celui-ci a exigé de toi les preuves de ton assertion : tu as alors produit les actes de ton concile, et fait voir que les Maximianistes y ont été condamnés. Soit connivence, soit ignorance des choses, le proconsul a, comme juge, appliqué la loi, et tu lui as fait faire ce que tu ne veux pas faire toi-même; car s’il a appliqué, par suite de tes sollicitations, les lois impériales, pourquoi ne pas t’en servir personnellement pour te corriger? Il a dépossédé de son église un hérétique, et cela en vertu des lois impériales pourquoine pas vouloir qu’on agisse de même envers toi, d’après les mêmes lois? Nous nous résumons: Quelle a été votre conduite en toute cette affaire? Les Maximianistes étaient en possession de certaines églises : aujourd’hui, vous en êtes les maîtres, parce que vous en avez chassé les Maximianistes: on a fait paraître les édits des proconsuls, on a cité les actes, on a employé des huissiers, des villes ont été soulevées, et les gens chassés de leurs sièges. Pourquoi? Parce qu’ils étaient hérétiques. En vertu de quelles lois les a-t-on dépossédés? Réponds. En vérité, vos dents ont été brisées dans votre bouche. Si la loi est fausse, elle n’a aucune force contre ceux qui se séparent de ta croyance. Si elle est vraie, elle doit s’appliquer à toi comme à eux. Que peuvent-ils répliquer? « Le Seigneur a brisé leurs dents dans leur bouche ». Lorsqu’ils ne peuvent, par leurs subtilités trompeuses, se glisser comme des aspics, ils emploient la violence ouverte et rugissent comme des lions. Les circoncellions se forment en bandes armées pour courir de tous côtés et commettre le crime : nul ne saurait dire ni le nombre ni la scélératesse de leurs sanglants forfaits, car ils y emploient toutes leurs forces : mais « le Seigneur a brisé aussi les mâchoires des lions».

16. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent 1 ». Ne vous épouvantez pas à la vue de ces cours d’eau auxquels on donne le nom de torrents ; ne tremblez pas, si vous les voyez gonflés par les pluies d’hiver : leurs eaux, en s’écoulant, ne font que passer : par la violence et la rapidité de leurs flots, ils font grand bruit pour un moment ; mais bientôt ce bruit s’apaise, car ils ne sauraient longtemps garder le même niveau. C’en est déjà fini d’un grand nombre d’hérésies : pareilles à des torrents que contiennent avec peine leurs rives, elles se sont précipitées avec toute la violence dont elles se sentaient capables: elles ont eu leurs cours; leur lit s’est dèsséché, et c’est tout au plus si l’on se sou-vient d’elles : à peine sait-on qu’elles ont existé. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent ».

Les hérétiques ne sont pas seuls à faire du bruit pour un moment, et à vouloir nous entraîner à leur suite : ce monde tout entier en est là. Tous les impies, tous les orgueilleux font grand bruit en frappant le rocher de leur orgueil, comme les flots rapides et pressés d’une rivière retentissent en se brisant contre leurs rives : ce sont des eaux d’hiver; elles ne peuvent rester en place ; il faut qu’elles se rendent où les dirige leur cours; elles doivent parvenir à leur destination c’est à ce torrent du siècle que le Seigneur s’est abreuvé, car il a souffert ici-bas, il a bu de l’eau du torrent, mais seulement en passant, parce qu’il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs 2. Voici comme l’Ecriture s’exprime à son sujet: « Dans son chemin il boira de l’eau du torrent: c’est pourquoi il lèvera la tête 3 ». C’est-à-dire : il est mort, aussi est-il couronné de gloire ; il a souffert, aussi est-il ressuscité. Si,. dans son chemin, il n’avait pas consenti à boire de l’eau du torrent, il ne serait pas mort; sa mort a été le prélude de sa résurrection; et, parce qu’il est sorti vivant d’entre les morts, il est entré dans le séjour de la gloire. Donc, « il boira dans son chemin de l’eau du torrent, et à cause de cela, il lèvera la tête ». Notre chef est aujourd’hui exalté; puissions-nous, puisque nous sommes

 

1. Ps. LVII, 8. —  2. Id. I, 1 3. Id. CIX, 7.

 

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ses membres, arriver à la même gloire. « Ils seront anéantis comme l’eau qui court dans le lit d’un torrent. Le Seigneur a bandé son arc, jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la défaillance ». Le Seigneur ne cesse de nous faire entendre ses menaces : ses menaces, voilà son arc ; il tend son arc, il ne frappe pas encore. « Il a bandé son arc jusqu’à ce qu’ils soient réduits à la défaillance » Il en est beaucoup qui sont tombés en défaillance; car, en le voyant bander son arc, ils ont eu peur. Voilà le motif qui a fait défaillir Saul, et lui a fait dire : « Seigneur, que dois-je faire pour me montrer soumis à vos ordres? Je suis », répondit le Sauveur, « je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes ». En lui parlant ainsi du haut du ciel, Dieu bandait son arc, Après avoir été ses ennemis, plusieurs se sont sentis faiblir et se sont convertis, n’osant point lever longtemps la tête contre Dieu, qui ne cessait de tendre contre eux son arc. Ne craignons pas de défaillir: saint Paul l’a tait avant nous: « C’est », dit-il, « quand je tombe en défaillance, que je suis plus fort ». Aussi, quand il priait Dieu de lui ôter l’aiguillon de la chair, lui fut-il répondu : « La force se perfectionne dans la faiblesse 2 ». « Il a  bandé son arc jusqu’à ce qu’ils tombent en défaillance ».

17. « Ils disparaîtront comme de la cire qui se fond 3 ».Tu diras peut-être: Tous ne me ressemblent pas; tous ne tombent pas en défaillance pour puiser la foi dans leur faiblesse, car on en voit un grand nombre persévérer dans le péché et dans la malice. Ne crains rien de leur part; « ils disparaîtront comme de la cire qui se fond ». Ils ne tiendront pas longtemps contre toi; leur résistance ne sera pas de longue durée; ils seront consumés par les ardeurs mêmes de leur concupiscence. Il y a, pour ces pécheurs endurcis, une sorte de peine cachée; à partir de ce. verset jusqu’à la fin du psaume, le Prophète nous en parlera: il     nous reste peu de versets à expliquer; veuillez me prêter toute votre attention.

L’avenir réserve aux pécheurs une peine d’une certaine nature; c’est la géhenne du feu, c’est le feu éternel. Elle est de deux sortes. La peine de l’enfer, d’abord : le mauvais riche en souffrait ; après avoir relégué en dehors de sa porte le pauvre Lazare, objet de ses mépris, il eût désiré qu’une goutte

 

1. Act. IX, 6, 5. — 2. II Cor. XII, 10, 9. — 3. Ps. LVII, 9.

 

d’eau, tombée du bout du doigt de ce malheureux, vînt rafraîchir ses lèvres desséchées par le feu; et il s’écriait : « Que je souffre dans ces flammes 1 ! » Ensuite, la peine finale à laquelle seront condamnés ceux que le Seigneur placera à sa gauche en leur disant: « Allez au feu éternel, qui a été préparé au démon et à ses anges 2». Ces punitions seront visibles à tous les yeux, soit au moment où nous sortirons de cette vie, soit à la fin des temps, lorsque sera venu le jour de la résurrection des morts. Mais pour aujourd’hui, n’y a-t-il aucune peine réservée aux pécheurs, et le Seigneur laissera-t-il leurs iniquités impunies jusqu’à ce dernier jour? Non, il est pour eux ici-bas une peine secrète; nous allons vous en entretenir. L’Esprit de Dieu veut nous la faire connaître; puissions-nous en concevoir une idée juste, y prendre garde et l’éviter ! Par là, nous nous préserverons de ces punitions terribles que je vous signalais tout à l’heure. Quelqu’un me dira peut-être : Pendant cette vie mortelle, l’homme est exposé à des peines de plus d’une sorte, à la prison, à l’exil, aux tourments, à la mort, à des douleurs et à des tribulations de tout genre. Oui, l’existence humaine est traversée de ces peines diverses, et Dieu nous en afflige, par un juste jugement de sa Providence; elles servent à éprouver les uns et à punir les autres. Parfois il arrive que les justes se voient soumis à de pareilles épreuves et que les pécheurs en sont exempts. Le Prophète s’en était aperçu; il avait alors senti une sorte de faiblesse dans sa démarche; mais enfin, il s’était écrié : « Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux qui ont le coeur droit ! Mes pieds se sont ébranlés, parce que j’ai été saisi d’indignation en u voyant la paix dont ils jouissent». Il avait été témoin de la félicité des méchants; il aurait presque désiré de leur ressembler, car il les voyait placés au faîte des honneurs, réussissant à merveille, nageant, en quelque sorte, dans l’abondance des biens de ce monde; pareil à un enfant encore faible, il souhaitait recevoir de la main de Dieu tous ces avantages temporels; ses pas devinrent donc chancelants, jusqu’au moment où il réfléchit à ce qu’il y avait à craindre ou à espérer pour l’avenir. Aussi dit-il dans le même psaume: « Je ne vois, que difficultés devant moi, jusqu’à ce que j’entre dans le

 

1. Luc, XVI, 24. — 2. Matt. XXV, 41.

 

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sanctuaire de Dieu, et que je comprenne leur fin 1 ». Le Saint-Esprit veut fixer notre attention sur les peines réservées aux pécheurs, mais il ne veut nous parler ni des peines de l’enfer, ni du feu éternel, qui brûlera les méchants après la résurrection; ni des épreuves de cette vie, qui sont communes aux justes et aux pécheurs, et qui, le plus souvent, affligent d’une manière plus sensible les amis de Dieu que ses ennemis; ce qu’il a en vue, ce sont certaines peines de la vie présente. Faites-y bien attention, écoutez-moi; ce que je vais vous dire, vous le savez déjà; mais vous éprouverez un véritable plaisir à entendre le Psalmiste vous le répéter ici, et à comprendre un passage qui vous a paru difficile à saisir avant toute explication. Vous connaissez déjà les vérités dont je vais vous entretenir; néanmoins, elles vous seront aussi agréables que si elles avaient pour vous le charme de la nouveauté, parce que je vous aiderai à les découvrir là où vous ne supposiez pas les voir renfermées. Voici donc en quoi consiste la punition des impies. « Ils disparaîtront comme de la cire qui se fond ». Je vous l’ai déjà dit : la cause d’un pareil effet se trouve être dans leurs passions. La concupiscence coupable est comme un feu; c’est une flamme ardente. Le feu réduit en cendres un vêtement, et une âme, dévorée par l’ardeur d’une passion adultère, demeurerait intacte? La sainte Ecriture nous parle du dessein de commettre l’adultère, et nous dit: « Où est l’homme capable de porter du feu dans le pan de sa robe, sans qu’elle en soit brûlée? » Place des charbons ardents sur le pan de ta robe, elle sera bientôt percée; et quand tu auras mis dans ton coeur le désir de l’adultère, il n’en sera pas atteint?

18. Ce genre de punition, très-peu d’hommes le remarquent; c’est pourquoi l’Esprit de Dieu s’applique tout particulièrement à nous le faire connaître. Ecoute la parole de l’Apôtre : « Dieu les a livrés aux désirs dépravés de leur cœur ». Voilà le feu en présence duquel ils fondent comme la cire, car ils perdent en quelque sorte la consistance de la chasteté; aussi appelle-t-on mous et dissolus ceux qui se laissent aller à de telles passions. Qu’est-ce qui les amollit? Qu’est-ce qui les rend dissolus? C’est le feu des passions. « Dieu les a livrés aux désirs désordonnés de leur

 

1. Ps. LXVII, 1, 2, 3, 16, 17. — 2. Prov. VI, 27, 29.

 

coeur, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme; ils ont été remplis de toutes sortes d’injustices ». Saint Paul énumère un grand nombre de péchés, et il ajoute qu’ils sont la punition du péché; il dit, en effet, que l’orgueil est la première de ces punitions, et, pourtant, il est bien plutôt le premier de tous les péchés. Le premier péché de l’homme est l’orgueil, comme la dernière de ses peines sera le feu éternel, ou le feu de l’enfer, qui tourmente dès maintenant les damnés. Ce qui se trouve entre ce premier péché et cette dernière peine est, en même temps, péché et punition du péché. Car l’Apôtre rapporte une foule d’actions détestables, qui sont chez les pécheurs la conséquence et la punition d’autres fautes. « Dieu », dit-il, « les a livrés aux désirs corrompus de leurs coeurs, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme ». Et afin que personne ne pût croire que les méchants n’ont à redouter aucune peine, autre que celle où ils trouvent maintenant leur bonheur, et pour inspirer à tous la crainte de ce qui arrivera plus tard, il parle de la dernière peine. « Après avoir connu la justice de Dieu , ils n’ont pas compris que les auteurs de pareils désordres sont dignes de mort, non-seulement ceux qui s’y abandonnent, mais encore ceux qui les approuvent ». Les auteurs de pareils désordres. Quels désordres ? Ceux qu’il a désignés plus haut comme étant la punition du péché; car « Dieu les a livrés aux désirs corrompus de leur coeur, et leur corruption les a portés à des actions indignes de l’homme ». Qu’un homme soit adultère, c’est déjà une punition pour lui; n’en est-il pas de même s’il est menteur, avare, trompeur, assassin? De quelle faute ces nouvelles prévarications peuvent-elles être la peine? De leur première apostasie, de leur orgueil. « Le commencement de tout péché est de s’éloigner de Dieu par l’apostasie; et le commencement de tout péché est l’orgueil 1». C’est pourquoi il donne le nom de premier au péché de ceux « qui, ayant connu Dieu, ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâces, mais se sont égarés dans leurs vains raisonnements; aussi leur coeur, dépourvu d’intelligence, a-t-il été rempli de ténèbres ». Cet obscurcissement du coeur

 

1. Eccli. X, 14, 15,

 

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est déjà une grande peine. Mais quelle en a été la cause? « Ils disaient qu’ils étaient sages, et ils sont devenus fous  1 ». Ils disaient tenir d’eux-mêmes ce qu’ils avaient reçu de Dieu; et s’ils .ont reconnu la source divine où ifs l’ont puisé, ils n’ont pas glorifié celui qu’ils avaient reconnu comme l’auteur de leurs lumières; c’est-à-dire, « ils disaient qu’ils étaient sages ». Le Prophète indique immédiatement après quelle a été leur punition. « Ils sont devenus fous, et leur coeur dépourvu d’intelligence a été rempli de ténèbres. Ils disaient qu’ils étaient sages, et ils « sont devenus fous ». Est-ce là une punition de minime importance? Pour ne parler que de celle-là, peut-on dire que l’obscurcissement du coeur, l’aveuglement de l’esprit doivent être considérés comme peu de chose? Si un homme avait perdu un oeil au moment même où il se rendait coupable d’un vol, tous seraient unanimes à dire que Dieu était là pour le punir. Le pécheur a perdu l’oeil de son coeur, et l’on s’imaginerait que Dieu l’a épargné? « Ils disparaîtront comme la cire qui se fond ».

19. « Un feu est tombé sur eux, et ils n’ont point vu le soleil ». Vous voyez comment le Prophète explique la peine de l’aveuglement de l’esprit. « Un feu est tombé », c’est le feu de l’orgueil terni par la fumée; c’est le feu de la concupiscence, c’est le feu de la colère. Quel feu! celai qui en est atteint ne voit pas le soleil. C’est pourquoi il a été dit: « Que le soleil ne se couche point sur votre colère 2». Aussi, mes frères, redoutez les ardeurs d’une coupable concupiscence, si vous voulez ne pas fondre comme de la cire et disparaître de devant la face de Dieu, Car si ce feu des passions vient à tomber sur vous, il vous sera désormais impossible de voir le soleil. Quel est ce soleil? Ce n’est point celui dont les rayons frappent les regards des bêtes et des mouches aussi bien que les vôtres; ce n’est pas celui que contemplent également les bons et les méchants, et que Dieu fait lever sur les hommes vertueux et sur les pécheurs  3. Il est un autre soleil, et c’est de lui que les pécheurs parleront quand ils diront: « Le soleil ne s’est point levé sur nous; toutes ces choses ont passé comme l’ombre. Nous nous sommes donc écartés de la voie de la vérité; la lumière de la justice n’a pas lui sur nous,

 

1. Rom.. I, 21,29 2. Eph. IV, 26. — 3. Matt. V, 45.

 

et le soleil ne s’est point levé sur nous ». Pourquoi? « Parce qu’un feu est tombé sur eux et qu’ils n’ont pas vu le soleil 1 ». La concupiscence de la chair les a vaincus; mais d’où leur est venue cette concupiscence? Remarquez-le bien. Tu es venu en ce monde, apportant avec toi, comme un héritage, l’ennemi que tu dois vaincre; c’est déjà assez pour toi d’en triompher, sans que tu lui en adjoignes d’autres. La lice de cette vie s’est ouverte pour toi et pour lui en même temps; engage donc le combat avec cet ennemi qui t’accompagnait à ton entrée dans le champ de bataille. Tu n’as pas encore remporté sur lui la victoire; pourquoi donc provoquer au combat une multitude de passions? De fait, mes frères, l’homme naît avec la concupiscence de la chair; mais s’il est bien formé à la lutte, il distingue bien vite son ennemi, il fond sur lui et l’attaque, et son triomphe ne se fait pas longtemps attendre; avant l’arrivée d’autres adversaires, il peut aisément vaincre. Mais si l’on néglige d’en finir avec cette concupiscence qu’on a apportée avec soi en ce monde comme perpétuel effet du péché, si l’on fait naître et qu’on excite beaucoup d’autres passions, il est sûr qu’on éprouvera à les surmonter d’énormes difficultés, et qu’on sera consumé par elles comme par un feu intérieur, parce que les forces, se trouvant partagées, ne peuvent plus être d’aucune utilité. Ne t’imagine donc pas que les peines de l’avenir soient les seules que tu aies à redouter; vois celles qui t’attendent pour le présent. « Un feu est tombé sur eux, et ils n’ont pas vu le soleil ».

20. « Avant que le nerprun produise ses u épines, Dieu les dévorera comme s’ils étaient  vivants, comme dans sa colère 2 ». Qu’est-ce que le nerprun? C’est une espèce d’épines toute particulière : ce sont des épines très-épaisses. Le nerprun n’est d’abord que de l’herbe: alors il est tendre et beau; mais plus tard il se transforme en épines. Les péchés ne semblent maintenant procurer que des plaisirs, ils ne font pas encore sentir d’épines. Le nerprun n’est que de l’herbe, on n’y trouve rien qui blesse. « Avant que le nerprun produise des épines »; avant que ces malheureux plaisirs et ces voluptés déplorables donnent lieu à des tourments certains. Vous qui aimez ardemment une chose et qui ne parvenez point à en

 

1. Sag. V, 6, 9. — 2. Ps. LVII, 10

 

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jouir, interrogez-vous vous-mêmes ; voyez si vos désirs ne sont pas pour vous la source des plus cuisantes douleurs; et, si un jour vous pouvez atteindre à votre coupable but, soyez en sûrs, la crainte vous tourmentera cruellement. Considérez donc à quelles peines vous êtes ici-bas condamnés, avant que vienne la résurrection des morts, avant que votre corps sorte du tombeau pour ne pas être changé ; « car nous ressusciterons tous, mais nous ne serons pas tous changés 1 » .Les méchants auront une chair de corruption pour souffrir et non pour mourir, parce que, s'ils mouraient, leurs douleurs auraient un terme ; alors ils sentiront toutes les épines du nerprun, c'est-à-dire toutes les douleurs et la poignante vivacité de leurs tourments. Quelles épines feront souffrir ces malheureux quand ils s'écrieront: « Voilà ceux dont nous nous sommes autrefois moqués 2 » Epines de regret et de repentir ! Mais pénitence trop tardive ! Repentir infructueux et stérile comme les épines! La pénitence d'aujourd'hui est une peine salutaire; celle du dernier jour ne sera qu'une punition infligée par la vengeance divine. Veux-tu n'être point transpercé par ces épines de la fin des temps ? Laisse-toi blesser aujourd'hui par celles d'un repentir utile; mets en pratique ces paroles du Psalmiste : « Je me suis converti dans le chagrin que l'épine m'a causé en me transperçant. J'ai reconnu mon péché; je n'ai point caché mon injustice. J'ai dit: Je déclarerai moi-même mon iniquité en face du Seigneur ; et vous m'avez pardonné l'impiété de mon coeur 3 » .Commence dès maintenant; que ton âme soit brisée par la componction; puisses-tu ne jamais mériter qu'on dise de toi ce que l'Ecriture a dit de certaines personnes vraiment dignes de mépris: « Ils ont été déchirés, et néanmoins ils n'ont pas été touchés de componction 4 ». Remarquez bien, je vous prie, quels sont ces hommes Il déchirés sans être touchés de componction ». Vous les voyez blessés, vous ne les voyez pas contrits et repentants. Ils sont hors de l'Eglise et n'en ressentent aucune peine; aussi ne cherchent-ils pas à rentrer dans le giron de celle dont ils ont été violemment arrachés. Leur nerprun produira plus tard pour eux des épines; ils ne veulent pas aujourd'hui de

 

1. I Cor. XV, 51. — 2. Sag. V, 3. — 3. Ps. XXXI, 4-6. —  4. Id. XXXIV,16.

 

blessures qui lcs guérissent; un jour viendra où ils seront blessés pour leur malheur. Aujourd'hui déjà, et quoique le nerprun ne se soit point encore transformé en un buisson épineux, une flamme est tombée sur eux, qui ne leur permet pas de voir le soleil, et qui sert d'instrument à la colère de Dieu pour les dévorer tout vivants: c'est la flamme des passions désordonnées, du désir des vains honneurs, de l'orgueil, de leur avarice; elle les enveloppe de toutes parts, et, par suite, ils ignorent la vérité, ils ne s'aperçoivent nulle. ment de leur défaite, et la vérité elle-même est incapable de les assujétir à son joug. Qu'y a-t-il pourtant de plus glorieux, mes frères, que de se laisser vaincre et assujétir par la vérité ? Soumets-toi volontairement à elle, parce qu'elle te dominerait plus tard malgré toi. Toutefois ce feu des mauvais désirs qui tombe sur les pécheurs, afin de les empêcher d'apercevoir le soleil, dévore le nerprun avant qu'il montre ses épines, c'est-à-dire qu'il enveloppe comme d'un nuage leur mauvaise vie, avant que se fassent sentir les douleurs éternelles dont elle sera manifestement punie; c'est par un effet de la colère divine que ce feu cache le nerprun. Ne voyez-vous pas déjà pour eux une punition effrayante en ce qu'ils ne voient pas le soleil, et en ce qu'ils s'imaginent n'avoir pour jamais à redouter les douloureuses conséquences de léur vie de péché? Vous êtes, nous dit le Prophète, un nerprun ; la flamme de vos passions mauvaises vous dévorera tout vivants, c'est-à-dire, pendant que vous êtes en ce monde; ainsi sera-t-elle déjà l'instrument de la vengeance de votre Dieu; elle vous dévorera avant que vos fautes produisent pour vous au dernier jugement les épines visibles de votre éternelle punition ; ou, pour m'exprimer autrement, elle semblera vous dévorer, car elle vous déguisera vos égarements. Voici donc, à mon avis, la meilleure manière de coordonner le sens de cette phrase: « Un feu est tombé sur eux, et ils n'ont pas vu le soleil; ce feu, instrument de la colère divine, vous dévorera comme si vous étiez vivants, comme si vous étiez un nerprun qui n'a pas encore formé ses épines » ; c'est-à-dire : Vous êtes un nerprun; le feu de la colère de Dieu vous consumera avant votre mort, avant que vous produisiez les épines qui vous feront souffrir après la mort, au jour de votre résurrection.

 

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Pourquoi, au lieu de dire que ce feu les dévorera tout vivants, le Prophète dit-il qu’il les consumera « comme s’ils étaient vivants? » C’est que la vie des impies n’est pas une véritable vie. A vrai dire, ils ne vivent pas, seulement ils se croient vivants. Pourquoi encore, au lieu de dire: Dans la colère de Dieu, le Psalmiste dit-il: « Comme dans la colère de Dieu? » C’est qu’en les punissant, Dieu ne perd rien de sa tranquillité. Il est, en effet, écrit: « Pour vous, Seigneur des armées, vous nous jugez avec tranquillité 1 ». Même au moment où il fait des menaces, il n’est pas irrité ; et, quand il se venge et punit ses créatures rebelles, il ne se trouble pas, il semble seulement s’irriter. De même ceux qui ne veulent point se convertir paraissent vivants, quoiqu’ils ne le soient pas en réalité. Ils sentent toujours peser sur eux la punition infligée par Dieu à la prévarication de notre premier père et à celles dont ils se sont eux-mêmes rendus coupables; à cette punition on donne le nom de colère de Dieu, parce qu’elle est l’effet de ses jugements. Aussi, en parlant des hommes rebelles à la foi, Dieu dit-il: « Mais la colère du u Seigneur demeure sur lui 2». Nous naissons sujets à la mort par un effet de la colère divine; voilà pourquoi l’Apôtre s’exprime ainsi: « Nous avons aussi été autrefois enfants de colère, comme les autres, par notre nature 3 ». Pourquoi enfants de colère par nature? Parce que nous portons en nous-mêmes la peine du péché originel. Mais si nous nous convertissons, la colère disparaît pour faire place à la grâce. Tu refuses de te convertir? Tu ajoutes à l’iniquité que tu as apportée avec toi en naissant, et dès cette vie tu seras comme noyé dans la colère divine.

21 . Remarquez donc à quelle peine effrayante sont condamnés les méchants. Réjouissez-vous de n’en être pas accablés, ô vous tous qui avancez dans le chemin du bien, vous tous qui saisissez et aimez la vérité, vous tous qui aimez mieux la voir triompher de vous que vous voir triompher d’elle, vous tous qui, pour entendre plus parfaitement sa voix, fermez votre âme aux tentations du présent et aux souvenirs du passé, et ne voulez ressembler j en rien à ces chiens qui retournent à leurs vomissements 4. Encore une fois, vous tous

qui vous montrez tels que je viens de le dire, voyez les peines de ceux qui ne vous sont

 

1. Sag. XI, 18. — 2. Jean, III, 36. — 3. Eph. II, 3. — 4. II Pier. II, 22.

 

point pareils, et réjouissez-vous. Les tourments de l’enfer ne sont pas encore devenus leur partage; ils ne sont pas encore devenus la proie du feu éternel, et .pourtant, que le chrétien fidèle à Dieu se compare pour le présent avec l’impie; que l’on mette en présence le coeur aveugle de l’un et le coeur illuminé de l’autre; comparez deux hommes, dont l’un jouit de la vue, dont l’autre en est privé. A vrai dire, l’usage de la vue du corps est-il un si grand avantage? Est-ce que le saint homme Tobie n’en était pas privé? Son fils en jouissait; il en était lui-même dépourvu, et toutefois, malgré sa cécité, n’indiquait-il pas le chemin de la vie à ce fils qui marchait en possession de ses yeux 1? En présence des peines infligées aux méchants, réjouissez-vous d’en être préservés; car, dit l’Ecriture, « le juste se réjouira lorsqu’il verra la punition, non pas la punition à venir. Ecoute en effet ce qui suit: « Il lavera ses mains dans le sang du pécheur ». Quel sens donner àce passage? Que votre charité veuille bien y faire attention. Est-ce qu’au moment où la hache du bourreau frappe un assassin, les personnes qui ne sont point coupables de pareil crime doivent se rendre au lieu du supplice pour laver leurs mains dans le sang du supplicié ? Alors que signifient ces paroles « Il lavera ses mains dans le sang du pécheur? » A la vue des punitions dont le pécheur est accablé, le juste devient meilleur; la mort de l’un communique la vie à l’autre. Si ceux qui meurent spirituellement répandent leur sang de la même manière, c’est à toi, quand tu en es témoin, de laver tes mains dans ce sang invisible, et, à l’aide de ce remède étranger, de vivre avec plus de pureté. Mais si un homme est juste, quel besoin peut-il avoir de laver ses mains? quelles taches pourrait-il y avoir à faire disparaître ? Le juste vit de la foi .Apôtre donne le nom de justes aux fidèles, et dès lors que tu as commencé à croire, tu as aussi, par là même, commencé à devenir juste, puisque tu as obtenu le pardon de tes péchés. Sans doute, de ta vie antérieure resteront toujours certaines fautes qui feront passer dans ton âme un germe de corruption, comme l’eau de la mer pénètre dans les navires et y dépose des sédiments boueux; cependant, parce que tu t’es soumis au joug de la foi, cette foi te fait voir

 

1. Tob. IV, 1  2. Rom. I, 17.

 

aujourd’hui en énigme le Christ que tu verras un jour face à face, car le juste vit de la foi; lors donc que devant toi ceux qui se détournent tout à fait de Dieu deviendront les victimes de leur aveuglement, quand le feu de la colère de Dieu sera tombé sur eux et les aura empêchés de voir le soleil, fais attention à la mort dont mourront les impies, et purifie-toi de tes péchés. Ainsi laveras-tu d’une certaine façon tes mains dans le sang du pécheur. « Il lavera donc ses mains dans le sang du pécheur ».

22. « Et l’homme dira : Il y a donc une récompense pour le juste 1 ». Avant que s’accomplissent les promesses divines, avant que commence pour lui la vie éternelle, avant que les impies soient précipités dans le feu qui ne s’éteindra jamais, il y aura donc une récompense pour le juste. Quelle sera cette récompense? « Réjouissons-nous dans l’espérance

« soyons patients au sein de la tribulation 2». Quelle sera la récompense du juste? « Nous nous glorifions dans nos afflictions, car nous savons que l’affliction produit la patience, que la patience produit la pureté, que la pureté produit l’espérance. Or, l’espérance ne confond point, car l’amour de Dieu est répandu dans nos coeurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné 3 ». L’ivrogne trouve la joie dans son ivresse, et le juste ne saurait se réjouir f La charité, voilà sa récompense. Celui-là est malheureux, même quand il se jette dans son vice brutal; celui-ci est au comble du bonheur, même quand la faim et la soif le tourmentent; l’un se plonge dans les excès de l’intempérance et y trouve son aliment; l’espérance est la nourriture de l’autre. Que le juste examine donc les chagrins du méchant etsa propre joie, et que par la pensée il s’élève jusqu’à Dieu. Si le Seigneur fait trouver aux fidèles une telle félicité dans la foi, l’espérance, la charité et la vérité des Ecritures, quel bonheur leur prépare-t-il pour l’éternité? Et s’il les nourrit ainsi pendant la route, de quelles délices les comblera-t-il quand ils seront entrés dans la patrie! « Et l’homme dira : Il y a donc une récompense pour le juste ». Que ceux qui le voient, le croient, qu’ils le voient et le comprennent. «Le juste se réjouira lorsqu’il verra la punition ». Quiconque n’a pas d’yeux pour voir cette punition, sera plongé dans la

 

1. Ps. LVII, 12. — 2. Rom. XII, 12. —  3. Id. V, 3, 5.

 

tristesse et ne se corrigera pas. Mais, dès lors qu’on la voit, on aperçoit la distance qui sépare un coeur aveugle d’un coeur illuminé, la fraîcheur de la chasteté, de la brû!ante ardeur des passions charnelles, la sécurité que donne l’espérance, de la crainte qu’inspire le crime. L’homme témoin du supplice des méchants n’a plus qu’à se juger lui-même et à laver ses mains dans son propre sang. Que cette comparaison l’aide à s’avancer dans la vertu, et qu’il se dise : «Le juste aura donc sa récompense; il y a donc un Dieu pour juger les hommes sur la terre. » Non, pas encore dans la vie future, ni par le feu éternel, ni dans les enfers, mais dès maintenant, sur la terre. Le mauvais riche est encore revêtu de pourpre et de fin lin; il se nourrit encore somptueusement tous les jours; le nerprun n’a pas encore donné d’épines; il n’a pas encore dit : « Je suis cruellement tourmenté dans cette flamme 1 ».  Mais déjà son coeur est frappé d’aveuglement, et l’oeil de son âme est éteint. S’il était assis à une table splendide et qu’il fût privé de la vue corporelle, tu le proclamerais bien malheureux; il est frappé de cécité spirituelle; il ne voit pas le Christ qui est sa véritable nourriture, et il serait heureux? Il n’y aurait qu’un aveugle pour oser le prétendre. « Il y a donc une récompense pour le juste! il y a donc un Dieu pour juger les hommes sur la terre! »

23. Si nous nous sommes un peu trop étendu, pardonnez-nous-le, mes frères; nous vous y exhortons au nom du Christ: pensez àmettre en pratique ce que vous nous avez entendu dire. Ce serait chose inutile de proclamer la vérité, si le coeur n’était d’accord avec les paroles; et, pour la même raison, à quoi bon l’entendre, si l’on n’a soin en même temps de bâtir sur la pierre ferme? Celui qui écoute et met en pratique ce qu’il entend, élève son édifice sur la pierre; écouter et ne pas se conduire en conséquence, c’est bâtir sur le sable 2; enfin, ne rien écouter, ne rien faire, c’est ne point bâtir. Mais, de même qu’un homme ne prépare qu’un édifice de ruine en bâtissant sur le sable, ainsi est-il emporté avec sa maison par l’impétuosité du torrent, quand il ne bâtit pas sur la pierre. Il n’y a donc qu’une chose à faire, c’est de bâtir et de bâtir sur la pierre, ou, en d’autres termes, c’est d’écouter et d’agir. Et que personne ne dise: Pourquoi

 

1.  Luc, XVI, 19, 21. — 2. Matt. VII, 24, 26.

 

 

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aller à l’église? Tel et tel y vont tous les jours et ne mettent en pratique rien de ce qu’ils y entendent. Au moins écoutent-ils déjà; et, puisqu’ils écoutent, prennent-ils le moyen de bien agir ensuite. Mais toi, combien tu es loin d’agir, puisque tu t’écartes si vite et si loin pour ne pas même entendre! Mais, diras-tu encore, je ne bâtis pas sur le sable. Lorsque le torrent viendra fondre sur toi, il te trouvera exposé sans défense à l’impétuosité de ses flots : crois-tu qu’à cause de cela il ne t’emportera pas ? penses-tu que l’abondance de l’eau du ciel t’en épargnera davantage? est-ce que la violence de la tempête te laissera debout? — Je viendrai donc et j’écouterai. — Oui, tu viendras, et quand tu auras écouté, tu agiras. Car si tu écoutes sans agir, c’est comme si tu bâtissais sur le sable. Ne point élever d’édifice, c’est demeurer sans abri contre les éléments du dehors; en élever un sur le sable, c’est s’exposer à une ruine certaine ; reste donc le devoir de bâtir sur la pierre et de se conduire suivant les leçons qu’on a reçues.

 

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