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DISCOURS SUR LE PSAUME LXVI.SERMON AU PEUPLE.LA BÉNÉDICTION DE DIEU.
Cest le Seigneur qui nous bénit, parce quil nous cultive et quil habite en nous; parce que, si nous travaillons avec lui par la grâce, cest lui seul qui donne laccroissement. Cest à lui que nous devons demander la bénédiction. Mais pour nous bénir, nous donnera-t-il les biens de la terre ? Cest là une bénédiction qui ne vient que de lui, et toutefois il les donne aux bons et aux méchants ne le servons donc point pour les obtenir, ne pleurons point sils nous sont enlevés, le donateur nous reste. Le chrétien travaille au grand jour comme la fourmi, et comme elle, jouit invisiblement. La bénédiction de Dieu, cest sa lumière qui fera resplendir en nous son image, cest la voie de Dieu ou Jésus-Christ béni chez tous les peuples. Cest 1à le salut. Nous chanterons alors le cantique de lhomme nouveau; il ne restera rien du vieil homme. La terre donnera dheureux fruits, ou des cohéritiers du Christ. Appelons son avènement et son règne.
1. Dans les deux psaumes que nous avons exposés naguère, votre charité sen souvient, nous avons exhorté notre âme à bénir le Seigneur, et nos chants pieux ont répété « O mon âme, bénis le Seigneur 1 ». De même que dans ces psaumes nous avons engagé notre âme à bénir le Seigneur, de même en celui-ci nous devons dire : « Que Dieu nous prenne en pitié et quil nous bénisse 2». Que notre âme bénisse le Seigneur et que le Seigneur nous bénisse. Que nous bénissions le Seigneur, nous grandissons; quil nous bénisse, nous grandissons encore: lun et lautre nous sont utiles. Nos bénédictions najoutent rien à sa majesté, nos malédictions ny dérogent en rien. Maudire le Seigneur, cest se ravaler soi-même ; le bénir, cest sélever soi-même. Cest le Seigneur qui nous bénit le premier, il est juste que nous le bénissions ensuite. Lune de ces bénédictions est la pluie, lautre la récolte. Elle est donc dévolue à Dieu qui nous donne la rosée et la culture, comme la récolte au laboureur. Ainsi chantons ses louanges, non point avec une dévotion stérile, non point dune voix sans portée, mais dans la sincérité du coeur. Dieu est en effet appelé cultivateur 3. LApôtre a dit : « Vous êtes le champ que Dieu cultive, lédifice quil bâtit 4 ». Dans les choses visibles de ce monde, la vigne nest pas un édifice, ni lédifice une vigne; quant à nous, nous sommes la vigne du Seigneur, parce quil nous cultive pour nous faire produire; nous sommes
1. Ps. CII, 1, et CIII, 1. 2. Id. LXVI, 2. 3. Jean, XV, 1. 4. I Cor. III. 9.
lédifice de Dieu, parce quen nous cultivant il habite en nous. Que dit en effet le même apôtre? « Jai planté, Apollo a arrosé, Dieu a donné laccroissement. Donc celui qui plante nest rien, non plus que celui qui arrose, mais Dieu, qui donne laccroissement 1 ». Cest donc lui qui fait croître. Mais les autres sont-ils les agriculteurs? Car on appelle agriculteur celui qui plante, celui qui arrose; or, lApôtre a dit : « Jai planté, Apollo a arrosé ». Demandons comment lApôtre la fait. Il répond: « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi 2 ». Quelque part que tu ailles, soit du côté des anges, cest Dieu qui te cultive; soit du côté des Prophètes, cest Dieu qui te cultive; soit du côté des Apôtres, je vois encore que cest lui qui te cultive. Mais nous, que sommes-nous donc? Peut-être les ouvriers de ce cultivateur, et cela par les forces quil nous a départies, par la grâce dont il nous a fait don. Cest donc lui qui nous cultive, lui qui nous donne laccroissement. Mais tous les soins du vigneron pour sa vigne, se bornent à la bêcher, à la tailler, et aux autres travaux de la culture; quant à faire pleuvoir sur sa vigne, il ne le saurait. Sil peut quelquefois larroser, avec quoi le peut-il? II conduira bien leau dans la rigole, mais cest Dieu qui donne la source deau. Enfin, dans sa vigne, il ne peut faire croître le sarment, il ne peut former du fruit, il ne peut modifier les espèces, il ne peut changer le temps de la germination. Mais Dieu qui peut
1. I Cor. III, 6-9. 2. I Cor. XV, 10.
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tout est notre agriculteur, et nous sommes en sûreté. Quelquun objectera peut-être: Vous dites que cest Dieu qui nous cultive; et moi je soutiens que les Apôtres sont aussi des agriculteurs, eux qui ont dit : «Jai planté, Apollo a arrosé ». Si je parle de moi-même, quon ne me croie point; si cest le Christ, malheur à quiconque refuse de le croire ! Que dit donc Notre-Seigneur Jésus-Christ? « Je suis la vigne, et vous les branches, mon Père est le vigneron 1 ». Que la terre soit donc aride, et quelle crie à la soif; car il est écrit: « Mon âme, sans vous, est comme une terre sans eau 2 ». Que notre terre, qui est nous-mêmes, soupire donc après la pluie, et dise: « Que le Seigneur nous prenne en pitié, et quil nous bénisse ». 2. « Quil fasse resplendir son visage sur nous et quil nous bénisse 3 ». On demandera peut-être ce que cest que « nous bénir». Lhomme souhaite que Dieu le bénisse en bien des manières: celui-ci demande pour bénédiction que le Seigneur comble sa maison des biens nécessaires à cette vie ; celui-là voudrait pour bénédiction lexemption de toute maladie corporelle; cet autre, malade peut-être, demandera que Dieu le bénisse en lui rendant la santé; un autre encore désire des enfants, et dans son chagrin de nen voir point naître, voudrait pour bénédiction une postérité. Qui peut énumérer toutes les manières dont les hommes voudraient obtenir de Dieu ses bénédictions? Et qui de nous peut dire que ce nest point par une bénédiction de Dieu que la campagne donne des récoltes, quune maison regorge de richesses temporelles, que nous possédons une santé corporelle inaltérable, ou que nous la recouvrons après lavoir perdue? La fécondité des épouses, les voeux chastes de ceux qui désirent des enfants, qui en est le maître, sinon le Seigneur notre Dieu? Lui qui a créé quand rien nétait, maintient son oeuvre par les générations successives . Telle est loeuvre de Dieu, le don de Dieu. Cest peu pour nous de dire: Voilà loeuvre de Dieu, le don de Dieu; mais lui seul fait ces oeuvres et ces dons. Peut-on dire, en effet, que Dieu fait ces oeuvres, et quun autre sans être Dieu les fait aussi? Cest Dieu qui les fait, et qui les fait seul. Cest donc vainement quon le demande, soit aux hommes, soit aux démons; tout ce que reçoivent les
1. Jean, XV, 5, 1. 2. Ps. CLXII, 6. 3. Ps. LXVI, 2.
ennemis de Dieu, ils le reçoivent de lui; et quand ils lobtiennent après lavoir demandé à dautres, cest de lui quils lobtiennent sans le savoir, De même que, sils sont châtiés, et quils attribuent à dautres ces châtiments, cest par lui quils sont châtiés à leur insu: de niéme sils se fortifient, sils sont rassasiés, sauvés, délivrés, et que dans leur ignorance ils lattribuent aux hommes, aux démons ou aux anges : ceux-ci ne peuvent rien que par celui qui a tout pouvoir. Si nous parlons ainsi mes frères, cest afin que, si nous désirons parfois les biens de la terre, ou pour subvenir à nos besoins, ou même à cause de notre faiblesse, nous ne les demandions quà celui qui est la source de tout bien, le créateur elle réparateur de toutes choses. 3. Mais il y a certains dons que Dieu fait même à ses ennemis, dautres quil ne réserve quà ses amis. Quels sont les dons quil fait à ses ennemis? Ceux que je viens dénumérer. Les bons, en effet, ne sont point seuls pour avoir des maisons qui regorgent des biens de la terre, ils ne sont point seuls pour avoir la santé, pour sortir de maladie, pour avoir des enfants, ni seuls pour avoir de largent, et tout le reste qui est nécessaire pour cette vie du temps qui doit passer : les méchants possèdent tout cela, souvent même les bons ne lont point; mais souvent encore les méchants en éprouvent la disette, et parfois plus que les bons; parfois les bons plus que les méchants. Dieu a donc voulu que ces biens du temps fussent mêlés; sil ne les donnait quaux bons seulement, les méchants croiraient que cest pour ce motif quil faut adorer Dieu; et sil ne les donnait quaux méchants, ceux des bons qui sont faibles craindraient den être privés. Notre âme est en effet bien faible, et peu disposée au règne de Dieu, et Dieu qui nous cultive doit la nourrir. Tel arbre en effet qui peut braver les tempêtes, nest sorti de terre que comme une herbe chétive. Ce vigneron divin sait donc bien tailler et émonder les arbres robustes j ainsi que donner des tuteurs à ceux qui sont nouvellement nés. Aussi, mes bien-aimés, comme je vous le disais tout à lheure, si les biens nétaient lapanage que des bons seulement, tous se convertiraient à Dieu afin de les posséder; et sils nétaient lapanage que des méchants, les faibles craindraient que leur conversion ne les privât de ce qui serait aux méchants seuls. (71) Dieu les a donc donnés saris distinction aux bons et aux méchants. Au contraire, que les bons seuls soient privés de ces biens, et les faibles craindront alors de se convertir au Seigneur; et sil ny a que les méchants pour en être privés, on ne verrait de peine que dans le châtiment des méchants. Donc, si Dieu les accorde aux bons, cest pour les consoler dans leur pèlerinage; sil les accorde aux méchants, cest pour avertir les bons de désirer dautres biens qui ne leur seraient pas communs avec les méchants. Il les enlève ensuite aux bons quand il lui plaît, afin quils sondent leurs forces; et quils sachent, eux qui lignoraient jusque-là, sils peuvent dire : «Le Seigneur la donné, le Seigneur la ôté : ainsi quil a plu au Seigneur, il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni 1». Voilà une âme qui bénit le Seigneur, qui a produit des fruits, fertilisée quelle était par la rosée des bénédictions : « Le Seigneur la donné, le Seigneur la ôté ». Il a soustrait les dons, mais non le donateur. Toute âme simple et bénie, qui ne sattache pas aux choses de la terre, qui ne se traîne point avec des ailes embarrassées par la glu, mais dont les deux ailes reflètent léclat des vertus dans la double émeraude de la charité, sélève en liberté dans les airs; elle se voit enlever ce quelle foulait, sans sy reposer aucunement, et dit avec sécurité : « Le Seigneur la donné, le Seigneur la ôté : ainsi quil a plu au Seigneur, il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni ». Il a donné, il a ôté: celui qui a donné subsiste, et il ôte ce quil a donné que son nom soit béni. Cest donc pour cela que ces biens sont parfois étés aux bons. Mais quun homme faible ne vienne point nous dire : Quand pourrai-je avoir toute la force du saint homme Job? Tu admires la force de larbre, parce que tu es nouvellement né; et ce grand arbre, dont tu admires la force, ne fut quun roseau, sans celui qui te couvre de ses branches et de son ombre. Craindrais-tu que ces biens ne te soient enlevés, parce que tu es bon? Remarque alors quils sont enlevés aussi bien aux méchants. Pourquoi donc retarder ta conversion? Ce que tu crains de perdre en devenant bon, tu le perdras peut-être en demeurant mauvais. Si tu les perds étant vertueux, tu as pour consolateur celui qui te les a ôtés; ta cassette sera sans or, mais ton coeur plein de foi:
1. Job, I, 21.
pauvre au dehors, tu seras riche à lintérieur; tu porteras avec toi des richesses que nul ne pourra tenlever, dusses-tu échapper nu au naufrage. Si donc, dans ton impiété, tu es exposé à quelque perte, pourquoi celte perte ne te rendrait-elle pas bon, puisque tu vois aussi bien des méchants essuyer des perles? Mais leur désastre alors est bien plus grand; il ny a rien dans la maison, et moins encore dans la conscience. Quun impie vienne à perdre ces biens, il ne possède plus rien à lextérieur, et na rien non plus pour se reposer intérieurement. Il fuit les lieux témoins de son désastre, et où jadis il étalait orgueilleusement ses richesses aux yeux des hom mes; il nose plus affronter les regards des autres, il ne peut rentrer en lui-même, où il ne trouve rien. Loin dimiter la fourmi, il ne sest amassé aucun grain pendant lété 1. Quai-je dit pendant lété? Quand la vie était calme pour lui, quand ce siècle était pour lui souriant de prospérité, quand il avait des loisirs, quand chacun vantait son bonheur, cétait alors lété pour lui. Il eût imité la fourmi, sil eût entendu la parole de Dieu, sil eût amassé du grain, sil fût rentré en lui-même. Mais était venue lépreuve de la tribulation, et survenu lengourdissement de lhiver, la tempête de la crainte, le froid du chagrin, ou quelque dommage, quelque danger pour la vie, la perte des siens, quelque déshonneur, quelque humiliation; voilà lhiver. La fourmi se retire alors vers les approvisionnements quelle a faits pendant lété; là, dans son intérieur le plus secret, où nul ne la voit, elle jouit du fruit de son travail dété. Quand, aux beaux jours, elle faisait ses provisions, chacun la voyait; nul ne la voit quand elle sen nourrit en hiver. Quest-ce que cela, mes Frères? Voyez la fourmi de Dieu : chaque jour, à son lever, elle court à léglise de Dieu, elle prie, elle entend des lectures, chante des hymnes, réfléchit à ce quelle a entendu, rentre en elle-même et fait une secrète provision des grains quelle amasse dans laire. Voilà ce que font ceux qui ont la sagesse découter ce que nous disons ici; chacun les voit venir à léglise, sortir de léglise, écouter le sermon, écouter la lecture, chercher un livre, louvrir, le lire : tout cela se fait visiblement. Cest la fourmi qui voyage, qui porte, qui fait des provisions, sous les yeux de ceux qui la regar
1. Prov. VI, 6, et XXX, 25.
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regardent. Un jour viendra lhiver, et pour qui n vient-il pas? Arrive un accident, la pauvreté, Les autres plaignent cet homme dans sou malheur, et ne connaissent point les provisions de cette fourmi. Malheur, disent-ils, à celui-ci qui a fait cette perte, à celui-là qui en a fait une autre, quel est son courage, pensez-vous? Quel est son accablement? Chacun mesure daprès soi-même, compatit selon ses forces, et se trompe en cela même, quil veut appliquer à celui quil ne connaît poini sa propre mesure. Tu vois un homme qui fuji une perte, ou qui subit une humiliation, ou réduit à lindigence: que crois-tu alors? Quil a commis quelque crime, pour être ainsi accablé. Que telle soit la pensée, le sentiment de nies ennemis. Ne sais-tu donc pas, ô homme, que tu es ton propre ennemi, quand aux jours dété tu namasses point ce quil a amassé? Maintenant cest la fourmi qui se nourrit intérieurement de ses labeurs de lété; tu pouvais la voir amasser, tu ne la vois pas se rassasier. Autant quil a plu à Dieu de nous suggérer ces réflexions, de soutenir notre faiblesse et noire humilité, nous vous expliquions, selon notre pouvoir, pourquoi Dieu dorme indistinctement ses biens aux bons et aux méchants, et les enlève aux méchants comme aux bons. Vous les donne-t-il, nen soyez point orgueilleux; vous les enlève-t-il, nen soyez pas accablé. Tu crains quil ne les retire; il peut les enlever au bon comme au méchant: il est donc préférable que tu sois bon, pour perdre ce qui est de Dieu; car alors Dieu te reste. Quant à ce méchant, je lui dirai pour lexhorter : Tu essuieras quelque perte (qui est exempt de la mort de ses proches?) un malheur viendra fondre sur toi, une calamité imprévue, le monde est plein, les exemples abondent : je tavertis pendant lété, il ne manque pas de grains à ramasser; vois la fourmi, ô paresseux, amasse en été, puisque tu le peux : lhiver ne te permettra pas damasser, mais seulement de manger tes provisions. Combien en est-il dont la tribulation est telle quils ne peuvent ni lire, ni écouter, ni peut-être aborder ceux qui les consoleraient? La fourmi est demeurée dans ses galeries; quelle examine si elle a fait pendant lété une provision qui la garantisse contre lhiver. 4. Maintenant que Dieu nous bénira, pourquoi nous bénira-t-il ? Quelle bénédiction
1. Prov. VI, 6; XXX, 25.
demande cette prière: « Que Dieu nous bénisse? » La bénédiction quil réserve à ses amis, quil naccorde quaux bons. Ne désire pas comme bien précieux ce que les méchants reçoivent aussi : Dieu, dans sa bonté, les accorde, « lui qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes 1 ». Quy a-t-il donc de réservé pour les bons? de réservé pour les justes? « Que les rayons de sa face tombent sur nous ». La lumière de ce soleil, vous la répandez sur les méchants comme sur les bons, répandez sur nous la lumière de votre face. Les bons et les méchants partagent avec les troupeaux la vue de cette lumière. « Mais bienheureux ceux dont le coeur est pur, parce quils verront Dieu 2 ». « Que les rayons de sa face tombent sur nous ». Il y a deux manières dentendre cette parole, expliquons lune et lautre : répandez sur nous les rayons de votre face, montrez. nous votre visage. Car Dieu na pas besoin de faire briller son visage, comme si ce visage était parfois sans lumière; mais, faites-le briller sur nous, afin que nous puissions voir ce qui nous était dérobé, et que ce qui est sans que nous le voyions, nous soit révélé ou brille sur nous. Ou bien, rendez brillante sur nous votre image; comme sil disait : faites briller sur nous votre visage; vous avez gravé en nous votre face, vous nous avez fait à votre image et à votre ressemblance 3; vous avez fait de nous votre monnaie; mais votre image ne doit point demeurer dans lobscurité : envoyez un rayon de votre sagesse, quelle dissipe nos ténèbres, et que votre image brille enfin sur nous; que nous sachions que nous sommes votre image, que nous entendions ce qui est dit au Cantique des cantiques : « A moins que tu ne te connaisses, ô la plus belle des femmes 4 ». Voilà ce qui est dit à lEglise: « Puisses-tu te connaître toi-même». Quest-ce à dire? Puisses-tu connaître que tu es à limage de Dieu. O âme précieuse de lEglise, rachetée par le sang de lAgneau sans tache, vois quelle est ta valeur, examine ce que lon a donné pour toi. Disons donc et désirons surtout « que le Seigneur fasse rayonner son visage sur nous ». Nous portons en nous son image; de même que lon voit la face des empereurs dans leur statue, Dieu a mis aussi dans son image son visage
1. Matth. V, 45. 2. Id. 8. 3. Gen. I, 26. 4. Cant. I, 7.
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sacré; mais les impies ne savent point que cette image de Dieu est en eux. Que doivent-ils dire, afin que Dieu fasse rayonner cette face sur eux-mêmes ? « Cest vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau; ô mon Dieu, éclairez mes ténèbres 1 ». Je suis dans la nuit du péché; mais quun rayon de votre sagesse dissipe ces ténèbres épaisses, que votre face devienne visible; et sil arrive à cause de moi quelque difformité, eh bien ! reformez vous-même ce que vous avez formé. « Que le Seigneur fasse briller en nous son visage ». 5. « Afin que nous connaissions votre voie sur la terre 2» . « Sur la terre», ici-bas, en cette vie « que nous connaissions votre voie». Quest-ce que « votre voie?» Celle qui conduit à vous. Que nous sachions où aller, que nous sachions encore par où aller lun et lautre nous sont impossibles dans nos ténèbres. Vous êtes loin de ceux qui voyagent, vous nous avez tracé la route par laquelle nous devons retourner à vous : « Que nous connaissions votre voie sur la terre ». Quelle est cette voie de Dieu, puisque nous désirons de « connaître votre voie sur la terre? » Cest à nous de la chercher, sans pouvoir la connaître par nous-mêmes. Nous pouvons lapprendre de lEvangile : « Je suis la voie », dit le Seigneur; le Christ a donc dit : «Je suis la voie». Craindrais-tu derrer ? Il ajoute, « et la vérité ». Qui peut errer dans la vérité? On nest dans lerreur que pour avoir dévié de la vérité. Le Christ est la vérité, le Christ est la voie : marche. Crains-tu de mourir avant dy arriver? «Je suis la vie :je suis», a-t-il dit, « la voie, la vérité et la vie 3». Comme sil disait : Que crains-tu ? Tu marches par moi, tu marches vers moi, tu reposes en moi. Que veut dire alors le Prophète : « Que nous connaissions votre voie sur la terre », sinon que nous connaissions ici-bas votre Christ? Mais que le psaume réponde lui-même; de peur que vous ne pensiez quil faut chercher en dautres endroits de lEcriture un témoignage qui manquerait ici, il montre, en reprenant le verset, ce que signifie: « Afin que nous connaissions votre voie sur la terre »; et comme si tu demandais : sur quelle terre et quelle voie ? « Et votre salut », dit-il, « dans toutes les nations ». Tu demandes en quelle terre? Ecoute « Dans toutes les nations. »
1. Ps. XVII, 29. 2. Id. LXVI, 3. 3. Jean, XIV, 6.
Tu demandes quelle voie? Ecoute encore: « Votre salut». Est-ce pour lui-même que le Christ est le salut? Et que disait donc dans lEvangile ce vieillard Siméon, ce vieillard dont les années se prolongent jusquà lenfance du Verbe? Voilà que ce vieillard prit dans ses mains le Verbe de Dieu enfant. Pourquoi celui qui a daigné habiter les entrailles dune vierge aurait-il dédaigné dêtre dans les bras dun vieillard ? Il est donc dans les bras du vieillard tel quil fut dans le sein de la Vierge; faible enfant dans les entrailles maternelles et dans les mains séniles, pour nous donner la force, lui par qui tout a été fait (si tout est par lui, sa mère est aussi par lui) : il est venu humble, infirme, et toutefois dune infirmité qui doit changer : « Car sil a été crucifié dans linfirmité de la chair, il vit néanmoins dans la force de Dieu 1 », dit lApôtre. Il était donc dans les mains du vieillard. Et que lui dit ce vieillard ? Que dit-il, en se félicitant dêtre bientôt délivré, en voyant quil tient dans ses bras celui par qui et en qui doit lui venir le salut ? « Seigneur », dit-il, « laissez maintenant votre serviteur allez en paix, puisque mes yeux ont vu votre salut 2. Que « Dieu donc nous bénisse, quil ait pitié de nous, quil fasse briller sur nous les rayons de sa face, afin que nous connaissions votre voie en cette vie». Sur quelle terre? «Dans toutes les nations ». Quelle voie? « Votre « salut ». 6. Quand la terre connaîtra ta voie de Dieu, quand toutes les nations connaîtront le salut de Dieu, quarrivera-t-il? « Que tous les peuples vous bénissent, ô mon Dieu; que tous les peuples», dit le Prophète, « publient vos louanges 3 ». Voici lhérétique : Jai, dit-il, des populations dans lAfrique; un autre à telle autre partie : Moi, jai des populations en Galatie. Fort bien; tu as des peuples en Afrique, celui-ci en Galatie; et moi je cherche celui qui a des sectateurs partout. Vous avez bien osé tressaillir à ces paroles : « Que les peuples vous bénissent, ô mon Dieu ». Remarquez, dans le verset suivant, que le Prophète ne parle point dune partie quelconque: « Que tous les peuples publient vos louanges ». Marchez dans la voie avec toutes les nations, marchez dans la voie avec tous les peuples, ô fils de la paix, fils de lEglise, qui
1. II Cor. XIII, 4. 2. Luc, II, 29, 30. 3. Ps. LXVI, 4.
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est seule catholique ; marchez dans la voie, marchez en chantant des hymnes. Voilà ce que font les voyageurs pour alléger leur fatigue. O vous donc, chantez dans cette voie, je vous en supplie par la voie elle-même, chantez dans cette soie: chantez un cantique nouveau; que nul ne chante rien du vieil homme; chantez les hymnes de la patrie, rien de vieux. Nouvelle voie, nouveau voyageur, nouveau cantique. Ecoute lApôtre qui texhorte à chanter un cantique nouveau : « Si donc quelquun est à Jésus-Christ, cest une nouvelle créature : le passé nest plus, tout est devenu nouveau 1 ». Chantez un cantique nouveau dans la voie que vous connaissez sur la terres En quelle terre? « Dans toutes les nations ». Donc le cantique nouveau nappartient point à telle partie. Chanter dans une partie, cest chanter le passé : quoi quil puisse chanter, cest le passé quil chante, cest le vieil homme qui chante, il est divisé, il est charnel. Il est certainement charnel, autant quil est le vieil homme; autant il est lhomme nouveau, autant il est lhomme spirituel. Voilà ce que dit lApôtre : « Je nai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais seulement comme à des hommes charnels ». Comment leur prouvera-t-il quils sont charnels? « Quand lun dit : Je suis à Paul; et lautre : Je suis à Apollo, nêtes-vous pas»,dit saint Paul, « des hommes charnels 2?» Chantez donc en esprit un cantique nouveau dans la voie sûre. Ainsi chante le voyageur, souvent même il chante pendant la nuit. Autour de nous se font entendre des ennemis redoutables, ou plutôt sans se faire entendre ils gardent le silence, dautant plus redoutable que leur silence est plus profond; et toutefois on chante bien quon redoute les voleurs. Combien est-il plus sûr pour toi de chanter dans le Christ ? Il ny a dans cette voie aucun voleur, à moins que tu nailles te jeter chez les voleurs, en quittant cette voie. Chante, je le répète, chante en sûreté un cantique nouveau dans le chemin que tu connais « sur la terre », cest-à-dire « dans toutes les nations». Remarque bien quil ne chante pas avec toi le cantique nouveau, celui qui ne veut être que dans une partie du monde. « Chantez »,dit le Prophète, « un cantique nouveau »; et il continue : « Que toute la terre chante le Seigneur 3. Que les peuples
1. II Cor. V, 17. 2. I Cor. III, 1, 4. 3. Ps. XCV, 1.
vous bénissent, ô mon Dieu». Ils ont trouvé votre voie, quils vous confessent. Chanter cest confesser, confesser tes fautes et la vertu de Dieu. Confesse ton iniquité, confesse la grâce de Dieu : accuse-toi, glorifie le Seigneur; réprime-toi, et bénis-le, afin que quand il viendra il trouve que tu tes châtié, et se donne à toi pour Sauveur. Pourquoi craindre de le confesser, vous qui avez trouvé cette voie dans tous les peuples ? Pourquoi craindre de le confesser, et dans cette confession de chanter un cantique nouveau avec toute la terre, dans toute la terre, et dans la paix catholique? Craindrais-tu davouer tes fautes à Dieu, de peur quil ne te condamne à cause de tes aveux? Si tu te caches par défaut daveu, tu te confesseras pour être condamné. Tu crains de faire des aveux, toi que le défaut daveu ne saurait cacher; tu seras condamné par ton silence, tandis que laveu pourrait te sauver. « Que les peuples vous confessent, ô mon Dieu, que tous les peuples chantent vos louanges 1». 7. Et parce que cet aveu ne nous conduit pas au supplice, le Prophète continue : « Que les nations tressaillent et soient dans lallégresse ! » Si laveu devant un homme arrache des pleurs aux fripons, que laveu devant Dieu donne la joie aux fidèles. Au tribunal dun homme, on force un voleur à laveu par la crainte et la torture : souvent même la crainte étouffe cet aveu quarracherait la douleur : et tel qui gémit dans les tourments, mais qui craint la mort après son aveu, supporte la torture autant quil est possible; mais sil est vaincu par la douleur, son aveu fait son arrêt de mort. Pour lui donc il ny a nulle joie, nulle allégresse; avant laveu, il est déchiré par les ongles de fer, après laveu, il est condamné, livré au bourreau; partout il est malheureux. Mais « que les nations tressaillent et soient dans lallégresse ! » Quelle en sera la cause ? la confession. Pourquoi ? Parce que cest au Dieu de bonté quelles font des aveux; sil exige la confession, cest pour délivrer les humbles; sil damne celui qui refuse laveu, cest pour châtier son orgueil. Sois donc dans la tristesse avant laveu, et après laveu dans la joie, car tu seras guéri. Le pus sétait amassé dans ta conscience, labcès était formé, la douleur ne te laissait aucun repos: le médecin
1. Ps. LXVI, 5.
applique le lénitif des paroles, souvent il tranche, il attaque lendroit douloureux avec le fer de la chirurgie; reconnais alors la mains du médecin; fais un aveu, et que cet aveu fasse écouler tout le pus de la plaie; tressaille ensuite et sois dans la joie; le reste sera bientôt guéri. « Que les peuples vous confessent, ô mon Dieu, que tous les peuples « vous bénissent ! » Et à cause de leur confession, « que les nations soient dans la joie et dans lallégresse, parce que vous jugez les peuples dans léquité ». Nul ne saurait vous tromper; quil se réjouisse dêtre jugé, celui qui a craint son juge. Dans sa prévoyance, il a prévenu sa face par laveu 1; et quand ce juge viendra, il jugera les peuples dans léquité. De quoi servira la ruse de laccusateur dès que la conscience est témoin, alors que tu seras là en présence de ta cause, et que le juge ne requiert aucun témoin? Il ta envoyé un avocat: à cause de lui et par lui fais ion aveu; prends en main ta cause, il est un défenseur pour le pénitent, un intercesseur pour celui qui avoue, et pour linnocent un juge. Peux-tu craindre avec raison, quand cest ton avocat qui est ton juge? « Que les nations donc soient dans la joie, quelles tressaillent, parce que vous jugez les peuples avec justice ». Mais ils pourront redouter dêtre mal jugés; quils se laissent redresser et diriger par celui qui voit ce quils ont à juger. Quils soient redressés ici-bas, et quils ne craignent plus le jugement. Voyez ce qui est dit dans un autre Psaume: « Sauvez-moi, Seigneur, par votre nom, et jugez-moi dans votre puissance 2». Que dit-il ? Si vous ne me sauvez pas dabord en votre nom, jai tout à craindre quand vous me jugerez dans votre puissance; mais si votre nom est pour moi un nom de salut, comment craindre celui qui me jugera dans sa puissance et dont le nom ma dabord sauvé ? Ainsi encore dans cet endroit: « Que tous les peuples vous confessent! » Et de peur que vous nen veniez à redouter cette confession, « que les nations », dit-il, « soient dans la joie et dans lallégresse ! » Pourquoi « cette joie et cette allégresse? Parce que vous jugez les peuples dans léquité ». Nul contre nous ne vous fait des présents, nul ne peut vous corrompre, nul vous tromper. Sois donc en sûreté, ô mon frère. Mais quas-tu
1. Ps. XCIV, 2. 2. Ps. LIII, 3.
pour ta défense ? Nul ne peut corrompre Dieu, cest évident. Mais na-t-il pas dautant plus à craindre quil est plus corruptible? Quelle est donc la garantie de sûreté ? Cette parole déjà émise : « O Dieu, sauvez-moi par votre nom, et jugez-moi dans votre puissance ». De même ici encore: « Que les nations soient dans la joie et dans lallégresse, parce que vous jugez les peuples dans léquité ». Et pour ôter la crainte aux pécheurs, il ajoute : « Et vous dirigez les nations sur cette terre ». Les nations étaient dépravées, elles étaient dans la voie de perdition, elles étaient corrompues; leur dépravation, leur perdition, leur corruption leur faisait redouter lavènement du souverain Juge : sa main sest montrée, elle sest étendue miséricordieuse sue les peuples, ils sont dirigés dans la voie droite; comment craindre pour juge celui quelles ont vu les redresser? Quelles sabandonnent à sa main miséricordieuse, puisquil dirige les nations sur la terre. Sous sa direction, les peuples ont marché dans la foi, ont tressailli en lui, ont fait de bonnes oeuvres; et si dans leur navigation sur la mer, leau entre parfois par les moindres fissures, si par quelque fente elle arrive dans la sentine, en lépuisant chaque jour au moyen des bonnes oeuvres, de peur quelle nentre davantage, et quarrivant au comble elle ne fasse sombrer le navire, en lépuisant chaque jour par la prière, le jeûne, laumône, et surtout en disant avec un coeur pur : « Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés 1»; en parlant ainsi, marche en toute sûreté, tressaille dans ton chemin, chante sur ta route. Ne crains point ton juge; il a été ton Sauveur avant que tu fusses fidèle. Tu étais impie, quand il ta cherché pour te racheter: tabandonnera-t-il pour te perdre, maintenant que tu es racheté, « lui qui dirige les peuples en cette terre? » 8. Le Prophète est dans la joie, il tressaille, il répète pour nous exhorter les mêmes versets. « Que les peuples vous confessent, ô mon Dieu, que tous les peuples vous confessent: la terre a donné son fruit 2 » . Quel fruit? « Que tons les peuples vous confessent ! » La terre existait, elle était couverte dépines alors est venue la main de celui qui les
1. Matth. VI, 12. 2. Ps. LXVI, 6.
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arrache, est venu lappel de sa majesté et de sa miséricorde; la terre a confessé Dieu, la terre a donné son fruit. Mais eût-elle donné son fruit, si déjà elle navait reçu la rosée? La terre eût-elle donné son fruit, si la divine miséricorde nétait venue den haut? Lisez-moi, di. ras-tu, quand la terre a reçu la rosée avant de produire ses fruits. Ecoutez cette pluie du Seigneur: « Faites pénitence; car le royaume de Dieu approche 1 ». Il a fait pleuvoir, et cette pluie est un tonnerre qui épouvante: craignez-le quand il tonne, et recevez sa pluie. Après cette voix de Dieu qui est tonnerre et pluie, après cette voix examinons ce passage de lEvangile. Voilà une femme de mauvaises moeurs, mal famée dans la cité, qui se précipite dans une maison étrangère , où elle nétait point conviée, mais où lappelait un convié, non par la parole, mais par la grâce. Cette malade savait quelle avait une place dans la maison où venait sasseoir le médecin. Elle entre donc, cette pécheresse, mais elle nose aller quà ses pieds; elle pleure , donc à ses pieds, les arrose de ses larmes, les essuie de ses cheveux, les oint dun parfum 2. Quy a-t-il détonnant pour toi? « La terre a donné son fruit». Voilà ce qui sest accompli, sous la pluie qui tombait de la bouche du Seigneur: voilà des faits que nous lisons dans lEvangile ; en tous les lieux où il a fait pleuvoir par ses nuées, en envoyant les Apôtres qui ont prêché la vérité. « La terre a produit des fruits abondants », et cette maison a rempli toute la terre. 9. Vois ce que dit ensuite le Prophète: «Que Dieu nous bénisse, le Seigneur notre Dieu; que notre Dieu nous bénisse 3 » . « Quil nous bénisse », ainsi que je lai dit; quil nous bénisse, et nous bénisse encore, que sa bénédiction soit un accroissement. Que votre charité veuille bien le voir : déjà la terre a produit son fruit en Jérusalem. Cest là le berceau de lEglise : cest là quest venu lEsprit-Saint, quil a rempli ceux qui habitaient en un même lieu ; là quont éclaté les miracles, quon a parlé toutes les langues 4. Ceux qui étaient là furent remplis de lEsprit de Dieu et se convertirent; en recevant avec crainte la pluie divine, ils ont donné par la confession un fruit si précieux, quils mettaient leurs biens en commun, les distribuaient aux pauvres, eu sorte que nul ne revendiquait rien en
1. Matth. III, 2. 2. Luc, VII, 37,38. 3. Ps. LXVI, 7. 4. Act. 1-4.
propre, que tous les biens étaient communs, et quils navaient quun coeur et quune âme en Dieu 1. Le Seigneur leur avait donné, en effet, le sang quils avaient répandu, il le leur avait donné avec son pardon, afin quils apprissent à boire ce sang répandu par eux. Admirable fruit ! Oui, « la terre donna là son fruit», un fruit très-beau, un fruit excellent. Ny a-t-il que cette terre pour avoir donné son fruit? « Que le Seigneur nous bénisse, le Seigneur notre Dieu; que Dieu nous bénisse». Quil nous bénisse encore; car le sens dune bénédiction est surtout laccroissement. Prouvons-le par la Genèse; vois les oeuvres de Dieu. Le Seigneur fit la lumière, et il sépara la lumière des ténèbres; il appela jour la lumière, et nuit les ténèbres. Il nest pas dit: Il bénit la lumière; car cest la même lumière qui reparaît dans lalternative des jours et des nuits. Il appela ciel le firmament entre les eaux et les eaux ; il nest pas dit quil bénit le ciel. Il sépara les eaux de laride, il donna le nom de terre à laride, et celui de mer aux eaux rassemblées ; il nest pas dit non plus que Dieu les bénit. Il en vint ensuite aux êtres qui devaient avoir la fécondité de la reproduction et vivre dans les eaux. Ceux-ci, en effet, se multiplient dune manière étonnante, et Dieu les bénit en disant : « Croissez et multipliez, remplissez les eaux de la mer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre ». De même, quand il eut tout soumis à lempire de lhomme, quil avait créé à son image, il est écrit: « Dieu les bénit en disant: « Croissez et multipliez, couvrez la face de la terre 2 ». Donc, leffet propre de la bénédiction, est cette fécondité qui parvient à couvrir la surface de la terre. Ecoute encore dans ce psaume : « Que Dieu nous bénisse, le Seigneur notre Dieu; que Dieu nous bénisse». Et quelle sera la force de cette bénédiction ? « Et quil soit révéré sur tous les confins de la terre ». Telle est donc, mes frères, la bénédiction féconde qui nous vient de Dieu, au nom de Jésus-Christ , quil a rempli de ses enfants la face de la terre, après les avoir adoptés pour son royaume comme les cohéritiers de son Fils unique. Il na engendré quun Fils unique, mais il na point voulu quil fût seul ; oui, dis-je, il na point voulu quil demeurât seul, ce Fils unique engendré par lui. Il lui a fait des frères, et lui a préparé des
1. Act. IV, 32. 2. Gen. I, 1-28.
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cohéritiers, sinon par la génération, du moins par ladoption. Il lui a fait dabord partager notre nature mortelle, afin que nous crussions que nous pouvons être participants de sa divinité. 10. Voyons donc, mes frères, quel est notre prix. Tout est prédit, tout est en évidence, 1Evangile parcourt lunivers entier; le travail qui sopère aujourdhui dans le genre humain, est un témoignage formel, tout ce qui est prédit dans les Ecritures saccomplit. De même que tout ce qui est prédit jusquaujourdhui est arrivé, ainsi le reste saccomplira. Craignons le jour du jugement, car le Seigneur viendra. Il est venu dans lhumilité, il viendra dans la gloire; il est venu pour être jugé, il viendra pour juger. Reconnaissons-le dans son humilité, afin de ne point redouter sa gloire; embrassons-le quand il est humble, afin de désirer sa grandeur. Car il viendra dans sa bonté, si nous soupirons après lui. Or, ceux-là soupirent après lui, qui croient en lui, qui gardent ses commandements. Dussions-nous ne point le vouloir, il viendra. Désirons donc son avènement, puisquil viendra toujours malgré nous. Comment désirer son avènement? Par une vie sainte, et des actions pures. Que le passé nait pour nous aucun attrait, et le présent aucun charme ! Nimitons point le serpent qui se bouche loreille de sa queue, ou qui appuie son oreille sur la terre 1; que le passé ne nous empêche point découter, que le présent ne nous détourne point de penser à lavenir; oublions le passé pour nous jeter vers ce qui est en avant 2. Ce qui nous occupe aujourdhui, nous fait gémir aujourdhui, soupirer aujourdhui, parler aujourdhui; ce que nous sentons quelque peu, sans pouvoir latteindre, nous latteindrons, et nous en jouirons à la résurrection des justes. Notre jeunesse sera renouvelée comme celle de laigle 3, seulement brisons contre la pierre qui est le Christ 4, ce que nous tenons du vieil homme. Quil y ait vérité, mes frères, dans ce que lon raconte du serpent ou de laigle, que ce soit un adage répandu chez les hommes plutôt quune vérité; les saintes Ecritures nen sont pas moins vraies, et nont point sans motif parlé de la sorte; mettons en pratique la
1. Ps. LVII, 5. 2. Philip. III, 13. 3. Ps. CIII, 5. 4. Id. CXXXVI, 9, et I Cor X, 4.
leçon quelles nous donnent, sans nous inquiéter si le fait est réel. Sois donc tel que ta jeunesse se puisse renouveler comme celle de laigle; et sache bien quelle ne peut être renouvelée, quà la condition que le vieil homme qui est en toi sera brisé contre la pierre; cest-à-dire que sans le secours de la pierre, sans le secours du Christ, tu ne peux arriver au renouvellement. Que la douceur de ta vie passée ne te rende point sourd à la voix de Dieu; que les biens présents ne te retiennent pas, ne tenlacent pas, ne te fassent point dire: Je nai pas le temps de lire, le loisir dentendre. Cest là mettre son oreille contre la terre. Quil nen soit pas ainsi de toi, mais deviens ce qui est le contraire selon toi, cest-à-dire, oublie le passé, avance-toi vers lavenir, et brise le vieil homme contre la pierre. Et si lon te propose des paraboles que tu retrouves dans les saintes Ecritures, accepte-les avec foi; si tu ny vois quun adage, tu peux ny point croire. Peut-être en est-il ainsi, peut-être non. Mais toi, fais-en ton profit, et que cette parabole te conduise au salut. Tu ne veux point de cette parabole, fais ton salut par une autre, mais fais-le toutefois; et attends avec sécurité le royaume de Dieu, afin que ta prière ne soit pas en opposition avec toi. Car toi, ô chrétien, quand tu dis : « Que votre règne arrive», comment peux-tu bien dire: « Que votre règne arrive 1? » Examine ton coeur et vois bien: « Que votre règne arrive ». Me voici, répondit; ne crains-tu rien? Nous lavons dit souvent à votre charité; mais prêcher la vérité nest rien, si le coeur est en désaccord avec la langue, et entendre la vérité nest rien, si cette audition ne produit aucun fruit. Nous vous parlons de cette chaire, comme dun lieu plus élevé; mais nous sommes à vos pieds attérés par la crainte, il le sait ce Dieu qui se rend propice aux humbles; car la voix de la louange a moins de charmes pour nous que la piété des pénitents, que les oeuvres des coeurs droits. Combien encore vos progrès seuls font notre seule joie; combien les louanges nous paraissent dangereuses, il le sait celui qui doit nous tirer de tout danger; quil nous délivre ainsi que vous de toute tentation, et daigne enfin nous reconnaître, et nous couronner dans son royaume.
1. Matth. VI, 10.
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