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DISCOURS SUR LE PSAUME LXVII.LA PRÉDICATION ÉVANGÉLIQUE.
Ce chant est intitulé : Psaume du Cantique. Selon quelques-uns, Cantique désignerait la part de lintelligence, Psaume lexécution extérieure ; alors cantique serait plus général, et lon devrait dire livre des Cantiques, ce qui na pas lieu toutefois. Le Christ sest levé, les Juifs ses ennemis ont tremblé, puis ont été bannis des lieux où ils croyaient lavoir vaincu; pour les justes, au contraire, ils seront rassasiés. Chantez donc, ô justes, celui qui est ressuscité. Pour lui ouvrir les coeurs par la foi, vous aurez à souffrir, mais le Seigneur va délivrer les uns, ressusciter les autres dentre vous, et habiter en vous quand vous naurez quune seule âme. Quand le Christ traversa les nations qui étaient alors un désert spirituel, les Apôtres qui sont des cieux et des montagnes firent tomber la rosée de la grâce par la volonté du Seigneur. La loi chez les Juifs étau imparfaite ou laissait dans limperfection, mais le Seigneur la perfectionnée par la loi de grâce. Il a donné au peuple ancien la manne, au peuple nouveau lEucharistie. Avec la grâce le bien sest fait par amour et non par crainte. De là ce verbe qui vient aux prédicateurs avec la force du bien-aimé, qui a enchaîné le démon, lui a repris ses dépouilles, distribué ses ministres pour la beauté de lEglise. Dormir entre les héritages serait dormir entre les deux Testaments, avoir lindifférence pour la terre, la patience pour le ciel. Les saints sont les ailes de lEglise, qui portent au loin ses louanges. Chez la colombe argentée, il y a des rois ou plutôt des hommes qui ont un ministère différent, et qui obtiennent la rémission des péchés, Le Christ est la montagne fertile ainsi que la lumière, les Apôtres ne sont lun et lautre que par lui; Dieu réside en eux, ils en sont le char glorieux. Ils accomplissent la charité qui résume tous les préceptes. Le Christ sans ses membres a reçu des dons pour les hommes, comme Dieu il nous fait des dons. La captivité quil captive désigne ceux qui embrassent le joug du Seigneur; béni soit le Dieu du salut qui s voulu mourir afin de nous apprendre la résignation. Il brise la tête de ses ennemis en les amenant à la foi, en précipitant dans labîme les obstinés. En nous tournant vers le Seigneur nous deviendrons ses chiens par la fidélité et la prédication. Les traces du Seigneur ont été vues dans les vertus des vierges, la conversion de Paul, le courage des martyrs. Honte aux hérétiques qui cherchent à séduire les âmes faibles. Les pays lointains comme lEthiopie étendront leu maies vers lui, il nous rendra vainqueurs de la mort.
1. Le titre de ce Psaume ne semble point soulever de pénible discussion, il paraît au contraire simple et facile. Il porte, en effet: « Pour la fin, psaume du cantique, à David lui-même 1 ». Déjà dans plusieurs psaumes nous vous avons donné le sens de cette expression « Pour la fin »; cest que «le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront 2 », la fin qui perfectionne, et non qui termine ou qui détruit. Toutefois, si lon veut sappliquer à rechercher le sens de cette expression, « Psaume du cantique » : pourquoi nest-il pas dit simplement ou Psaume ou Cantique, mais lun et lautre? ou quelle est la différence entre Psaume du cantique, et Cantique du psaume, car nous voyons dans quelques psaumes de semblables titres? on trouvera peut-être cette différence: nous abandonnons ce travail à certains esprits subtils et qui ont plus de loisirs que nous. Quelques-uns 3 avant nous ont assigné cette différence entre le cantique et le psaume, que le cantique est un chant oral, tandis que le psaume sexécute sur un instrument visible qui est le psaltérion, et qualors le cantique
1. Ps. LXVII, 1. 2. Rom. X, 4. 3. Hilaire, prolog, sur les Ps.
serait loeuvre mentale de lintelligence, le psaume loeuvre corporelle. Ainsi dans ce psaume soixante-septième, que nous entreprenons dexposer, nous trouvons cette parole : « Chantez au Seigneur, chantez son nom sur vos instruments 1 » ; ils ont fait cette distinction : « Chantez au Seigneur », désignerait les divers sentiments qui occupent notre coeur et qui sont connus à Dieu, invisibles pour les hommes ; mais les bonnes oeuvres doivent être en évidence pour les hommes, afin quils glorifient notre Père qui est dans les cieux ; cest donc avec raison quil est dit : « Chantez le nom du Seigneur sur vos instruments », cest-à-dire, publiez sa louange, que son nom se redise avec allégresse. Autant quil men souvienne, jai suivi moi-même ailleurs cette distinction. Je me rappelle que nous avons lu aussi : « Bénissez Dieu sur vos instruments 3 », car le bien que nous faisons dune manière visible nest pas agréable aux hommes seulement, mais à Dieu. Or, tout ce qui plaît à Dieu nest pas toujours de nature à plaire aux hommes, qui souvent ne peuvent le voir. Aussi serions-nous
1. Ps. LXVII, 5. 2. Matth. V, 16. 3. Ps. XLVI, 7, 8.
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étonnés que lon trouvât dans quelque autre endroit de lEcriture : « Chantez son nom », comme nous y trouvons ces deux expressions: « Chantez Dieu et bénissez son nom sur vos instruments ». Si lon trouve cette expression, nous avons perdu notre peine en assignant une différence. Ce qui métonne encore, cest que généralement on dise des psaumes plutôt que des cantiques, au point que le Seigneur a dit: « Ce qui est écrit à mon sujet dans la loi, dans les Prophètes et dans les Psaumes 1 ». On dit encore le livre des Psaumes, et non des Cantiques : « Comme il est écrit au livre des Psaumes 2 » , est-il dit; tandis que, daprès notre distinction, il semble quon devrait les appeler des Cantiques, car il peut y avoir cantique sans psaume, et non psaume sans cantique. Il peut y avoir en effet dans notre esprit des pensées dont les actes ne soient pas corporels; mais il nest aucun acte louable dont la pensée nait occupé notre esprit. Dès lors, tout psaume serait un cantique, mais tout cantique ne serait pas un psaume; et pourtant, avons-nous dit, on emploie le nom générique de psaumes, non de cantiques, et lon ne dit point livre des Cantiques, mais des Psaumes. Si lon comprenait et si lon discutait le sens des paroles où ce titre porte seulement « Psaume », et où il y a seulement « Cantique », non plus « Psaume du cantique », ainsi que dans le nôtre, mais « Cantique du psaume » ; je ne sais si lon pourrait justifier cette distinction. Aussi, comme nous lavions déjà fait, laissons-nous ces discussions à ceux qui peuvent sy livrer, qui ont le loisir détablir ces différences, et de les marquer de quelque point certain; nous, et autant quil nous est possible, avec le secours de Dieu, examinons et exposons le texte du psaume. 2. « Que Dieu se lève, et que ses ennemis soient dissipés 3 ». Ainsi a-t-il été fait; le Christ sest levé, lui, le Dieu suprême, béni dans tous les siècles 4, et les Juifs ses ennemis se sont dispersés dans toutes les nations, vaincus quils étaient dans ces mêmes lieux où ils avaient sévi contre lui, et doù ils étaient chassés dans lunivers entier: et maintenant ils haïssent encore, mais ils craignent, et sous le poids de cette crainte ils font ce qui suit : « Et que ceux qui le haïssent fuient devant sa face ». La fuite, pour lâme, cest
1. Luc, XXIV, 41. 2. Act. I, 20. 3. Ps. LXVII. 4. Rom. XX, 5.
la crainte. Car sil sagit dune fuite corporelle, comment pourraient-ils fuir la face de celui qui montre partout leffet de sa présence? « Où irai-je devant votre esprit», a dit le Psalmiste, « et où fuir devant votre face 1? » Cest donc lesprit en eux, et non le corps qui fuit; cest-à-dire quils craignent sans pouvoir se cacher; et sils fuient, ce nest pas celle face quils ne sauraient voir, mais celle quils sont forcés denvisager. Car on appelle sa face, sa présence au moyen de son Eglise. Cest pourquoi quand leur haine fit explosion, il leur dit: « Un jour vous verrez le Fils de lhomme venant sur les nuées du ciel 2». Cest ainsi quil est venu dans son Eglise, la jetant sur tous les confins de la terre où ses ennemis sont dispersés. Or, il est venu sur des nuées semblables à celles dont il a dit : « Je commanderai aux nuées de ne plus vous donner de la pluie 3 ». « Que ceux qui le haïssent, fuient donc en sa présence » : quils craignent la présence de ses saints et de ses fidèles, dont il- a dit: « Ce que vous avez fait au moindre des miens, cest à moi que vous lavez fait 4 ». 3. « Quils disparaissent comme la fumée 5». Des flammes de leur haine, il sest élevé comme une vapeur dorgueil; ils ont opposé leur bouche au ciel 6, en criant : « Crucifiez-le, crucifiez-le 7 » , ils ont insulté leur captif, lont raillé sur la croix : et bientôt ils ont disparu en vaincus de, ces mêmes lieux où ils sétaient enflés de leur victoire. « Comme la cire fond devant la flamme, que les impies disparaissent devant le Seigneur ». Peut-être le Psalmiste a-t-il voulu désigner ici ceux dont lendurcissement se fond dans les larmes de la pénitence: et toutefois on peut y voir encore une menace du jugement à venir; car sils ont péri parce quils se sont élevés comme la fumée, cest-à-dire, enflés dorgueil, ils ne peuvent espérer au dernier jour que la damnation, en sorte quils disparaîtront pour toujours de sa présence, quand il se montrera dans tout son éclat, comme le feu qui est la lumière des justes et le châtiment des pécheurs. 4. Voici la suite: « Que les justes se rassasient, quils tressaillent en la présence du «Seigneur, quils sabreuvent de ses joies 8».
1. Ps. CXXXVIII, 7. 2. Matth. XXVI, 64 3. Isaïe V, 6 4. Matth. XXV, 40 5. Ps. LXVII, 3. 6. Id. LXXII, 9. 7. Jean, XIX, 6. 8. Ps. LXVII, 4.
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Car, alors, ils entendront: « Venez, bénis de mon Père, et recevez le royaume 1. Quils « soient donc dans la joie e ceux qui ont été dans la tristesse, et quils tressaillent en présence du Seigneur ». Cette allégresse ne donnera point une vaine jactance, comme il arrive en présence des hommes, mais elle éclatera en présence de Celui qui voit sans se tromper ses propres dons. « Quils sabreuvent de ses joies »; non pas dans une allégresse mêlée de crainte 2, comme il arrive ici-bas, tant que la vie de lhomme sur la terre est une tentation 3. 5. Enfin il se tourne vers ceux à qui il a inspiré une si grande espérance, et les stimule en cette vie, par ces exhortations : « Chantez au Seigneur, bénissez son nom sur vos instruments 4 ». Nous avons dit à propos du titre ce que nous pensions de cette parole. Chanter à Dieu, cest vivre pour Dieu; bénir son nom sur des instruments, cest travailler pour sa gloire. Cest donc par ces chants, par ces accords, cest-à-dire par cette vie et par ces oeuvres quil vous faut « ouvrir la voie », dit le Prophète, « à Celui qui sélève au-dessus de lOccident ». Ouvrez la route au Christ, afin que les coeurs souvrent à lui par la foi, au moyen de ceux dont les pieds sont beaux, en apportant lEvangile 5. Car cest lui qui sélève au-dessus du couchant; soit que nul ne puisse le recevoir en se tournant à lui par une vie nouvelle, sans avoir abjuré le vieil homme, et renoncé au monde; soit que sélever au-dessus de lOccident, se dise de la résurrection qui triomphe de la mort corporelle. « Car le Seigneur est son nom». Et si les Juifs leussent connu, ils neussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire 6. 6. « Tressaillez en sa présence ». O vous à qui il est dit : « Chantez au Seigneur, bénissez son nom sur vos instruments, ouvrez la route à celui qui sélève au-dessus de lOccident, tressaillez aussi en sa présence 7 », comme des hommes tristes qui sont néanmoins dans la joie 8. Pour lui ouvrir la route, pour lui préparer le moyen de venir et de semparer des nations, vous aurez à souffrir des choses tristes de la part des hommes. Toutefois, loin de vous toute défaillance, tressaillez au contraire, non plus en présence des hommes
1. Matth. XXV, 34. 2. Ps. II, 11. 3. Job, VII, 1. 4. Ps. LXVII, 5. 5. Isaïe LII, 7. 6. I Cor, II, 8. 7. Ps. LXVII, 5. 8. II Cor. VI, 10.
mais devant Dieu. Soyez pleins de joie dans votre espérance, et patients dans la tribulation 1. «Tressaillez en présence de Dieu». Mais ceux qui jettent le trouble en vous devant les hommes, « seront troublés à leur tour, devant la face de Dieu qui est le Père de lorphelin, et rend justice à la veuve 2 ». Ils regardent comme dans la désolation ceux que le glaive de la parole de Dieu vient séparer, les parents des enfants, les époux de leurs épouses 3; mais ceux qui sont ainsi délaissés, et dans le veuvage, reçoivent les consolations « de celui qui est le Père des orphelins, qui rend justice à la veuve »; ils reçoivent ses consolations, ceux qui lui disent: « Voilà que mon père et ma mère mont délaissé, mais le Seigneur ma pris sous sa garde 4 » : qui ont mis leur espoir en Dieu, qui ont persisté nuit et jour dans la prière 5: en présence de Dieu, ils seront dans le trouble, ces méchants qui verront quils nont rien obtenu parce que le monde entier a suivi le Seigneur 6. 7. Cest en effet de ces orphelins et de ces veuves, cest-à-dire de ceux qui se privent de tout commerce avec les espérances dici-bas, que le Seigneur se fait un temple, et cest de ce temple quil dit ensuite : « Dieu habite son sanctuaire ». Le Prophète nous indique, en effet, ce quest ce sanctuaire, quand il dit : « Cest Dieu qui fait habiter ensemble ceux qui ont une même âme 7 »; qui sont unanimes ou qui ont les mêmes sentiments tel est le sanctuaire du Seigneur. Car après avoir dit : « Le Seigneur est dans son sanctuaire », comme si nous lui demandions quel est ce lieu, puisque le Seigneur est partout entièrement, et quil nest aucun espace corporel qui le puisse contenir, le Prophète sexplique aussitôt, afin que nous ne cherchions pas le Seigneur en dehors de nous, mais que plutôt, nayant quune même âme pour habiter la même demeure, nous méritions que le Seigneur daigne habiter avec nous. Le sanctuaire du Seigneur, cest ce que cherchent les hommes quand ils veulent un lieu où leurs prières soient exaucées. Quils soient donc eux-mêmes ce quils cherchent, et quils repassent avec amertume ce quils disent dans leur coeur ou plutôt dans le silence le plus profond 8, quils naient quune
1. Rom. XII, 12. 2. Ps. LXVII, 6. 3. Matth. X, 34, 35. 4. Ps. XXVI, 10. 5. I Tim. V, 5. 6. Jean, XII, 19. 7. Ps. LXVII, 7. 8. Ps. IV, 5.
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même âme, « dans la même demeure », afin quils deviennent de vastes appartements habités par le Seigneur, et quils soient exaucés en eux-mêmes. Il est, en effet, un vaste édifice, meublé non-seulement de vases dor et dargent, mais aussi de vases de bois et dargile. Les uns sont pour lornement, les autres pour lignominie ; mais si quelques-uns purifient en eux ce qui tient au vase dignominie 1, ils seront unanimes « dans une « maison e et deviendront ainsi le sanctuaire de Dieu. De même, en effet, que dans un vaste palais, le maître ne prend- point son repos dans un appartement quelconque, mais dans le lieu le plus honorable et le plus secret ; de même le Seigneur nhabite point chez tous ceux qui sont dans sa demeure, car il nhabite point en ceux qui sont des vases dignominie, mais il a son sanctuaire en ceux qu « il fait habiter par laccord des manières ou des moeurs, dans une seule maison ». Le mot grec, en effet, tropoi se peut traduire en latin par manières ou moeurs. Le grec ne porte pas non plus : « Il fait habiter dans»; mais simplement: « Il fait habiter ». « Le Seigneur est » donc « dans son lieu sacrée. Quel est ce lieu? Car cest Dieu qui se le prépare. Cest Dieu, en effet, « qui fait habiter dans une même demeure les hommes dune même âme » : cest là son sanctuaire. 8. Vois aussi par le verset suivant que cest bien la grâce qui se construit cet édifice, bien que ceux dont elle le construit ne laient prévenue par aucun mérite. « Cest lui qui dans sa force délivre les captifs ». Car il brise les entraves pesantes du péché, qui leur faisaient obstacle pour marcher dans la voie des commandements : il les délivre avec cette force quils navaient pas avant sa grâce. « Il en est de même de ces rebelles qui habitent les sépulcres 2 »; cest-à-dire de ces pécheurs tout à fait morts, qui ne soccupent que doeuvres mortes. Ceux-ci sont rebelles, en effet, en résistant à la justice. Pour ces autres, qui sont captifs, ils voudraient peut-être marcher, mais ils ne le peuvent; ils prient Dieu de leur en donner le pouvoir et lui disent : « Délivrez-moi de mes chaînes 3 »; et lorsque Dieu les exauce, ils lui rendent grâce en disant : « Vous avez brisé mes chaînes 4 ». Quant à ces rebelles qui habitent les sépulcres, ils ressemblent à ceux dont lEcriture a
1. II Tim, II, 20. 2. Ps. LXVII, 7. 3. Id. XXIV, 17. 4. Id. CXV, 17.
dit ailleurs : « Un mort, non plus que sil nexistait pas, ne loue point le Seigneur 1 ». De là cette autre sentence: « Quand le pécheur est descendu au fond de labîme, il dédaigne 2». Il y a une différence entre désirer la justice et la combattre; entre vouloir secouer le joug du mal, et défendre ses fautes plutôt que den faire laveu : or, la grâce du Christ délivre les uns et les autres dans sa force. Quelle force, sinon la force de résister au péché jusquà en mourir? Car les uns et les autres de ces hommes deviennent propres à entrer dans la construction du sanctuaire de Dieu, les uns par la délivrance, les autres par la résurrection. Il ne fallut au Christ quun ordre pour délier cette femme que Satan tenait courbée vers la terre depuis dix-huit ans 3, et quun cri pour triompher de la mort de Lazare 4. Celui qui a opéré ces merveilles sur des corps, peut en produire de bien plus admirables dans nos coeurs, et faire « que nous nayons quune âme pour habiter dans un même palais, en délivrant les captifs dans sa puissance, ainsi que les rebelles qui habitent les sépulcres ». 9. « Seigneur, quand vous sortiez à la vue de votre peuple 5 ». Le Seigneur sort quand il se montre dans ses oeuvres. Or, il ne se montre pas à tous, mais seulement à ceux qui savent discerner loeuvre divine. Car je ne parle point maintenant de toutes ces oeuvres qui sont évidentes pour tous les hommes, des cieux, de la terre, des mers et de tout ce quils renferment; mais de ces oeuvres par lesquelles « il délivre dans sa force les captifs ainsi que les rebelles qui habitent les sépulcres, et fait habiter un même palais à ceux qui ont un même coeur ». Cest ainsi quil marche sous les yeux de son peuple, ou sous les yeux de ceux qui comprennent cette grâce. Enfin, il poursuit : « Quand vous e parcouriez le désert, la terre fut ébranlée», Cétait un désert que ces nations qui ne connaissaient point le Seigneur : un désert que ces lieux où Dieu navait donné aucune loi; où nhabitait nul prophète pour annoncer lavènement du Seigneur. Donc « quand vous parcouriez le désert », ou quand votre nom fut prêché parmi les Gentils, « la terre fut ébranlée », ces hommes terrestres furent poussés à embrasser la foi. Mais pourquoi fut
1 Eccli. XVII, 26. 2. Prov. XVIII, 3. 3. Luc, XIII, 1 . 4. Jean, XI, 43, 44. 5. Ps. LXVII, 8.
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elle ébranlée? « Cest que les cieux répandirent leur influence devant la face du Seigneur». Vous reportez-vous en esprit à ces moments où Dieu traversait le désert en présence de son peuple, sous les yeux des enfants dIsraël, et senvironnait pendant le jour dune colonne de nuées, et dune colonne de feu pendant la nuit 1; alors vous comprendrez que « les cieux « sépanchèrent devant le Seigneur», puisquil fit pleuvoir la manne pour son peuple 2; voilà ce quexprimerait ensuite le Prophète : « La montagne de Sinaï est en présence du Dieu « dIsraël, Dieu laisse tomber sur son héritage une pluie bienfaisante 3»; parce que ce fut sur le mont Sinaï que Dieu sentretint avec Moïse, quand il donna la loi 4. Alors la manne serait cette pluie bienfaisante que Dieu fit tomber sur son héritage, cest-à-dire sur son peuple, car ce fut à eux seuls, et non aux autres peuples, que Dieu donna cette nourriture; et quand il dit ensuite: « Il est épuisé», on doit comprendre que ce même héritage sest affaibli; car ils murmurèrent et conçurent du dégoût pour la manne; ils voulaient pour nourriture des viandes, et tout ce qui constituait leur alimentation ordinaire en Egypte 5. Mais si nous nous en tenons aux termes de la lettre sans recourir au sens spirituel, il nous faudra montrer quels étaient les hommes dont le corps était enchaîné, et quels étaient ceux qui habitaient les sépulcres et qui furent délivrés par la puissance divine. Ensuite, si ce peuple de Dieu, si cet héritage sépuisa, dans son dégoût pour la manne, au lieu de dire après cela: « Mais toi, tu las rendu parfait », il faudrait dire: Mais toi, tu las frappé, car ces murmures et ces dégoûts, outrageants pour le Seigneur, furent suivis dune plaie bien douloureuse 6. Enfin, tout ce peuple mourut au désert, et nul, excepté deux hommes, ne mérita dentrer dans la terre promise 7. Sans doute on pourrait dire que cet héritage devint parfait dans sa postérité; nous devons toutefois nous attacher au sens spirituel pour être plus à laise. « Tout se passait en figure pour ce peuple 8»; jusquà larrivée de la lumière et la disparition des ombres 9. 10. Que Dieu donc ouvre à nos instances; et que ses mystères se découvrent à nos yeux, autant quil daignera nous laccorder. Pour
1. Exod. XIII, 21. 2. Id. XVI, 13. 3. Ps. LXVII, 10. 4. Exod. XIX, 18. 5. Nombres, XI, 5, 6. 6. Id. 33. 7. Id. XIV, 29, 30. 8. Cor. X, 11. 9. Cant. II, 17.
ébranler la terre et lamener à la foi, quand lEvangile parcourait les nations, « les cieux se sont épanchés devant la face du Seigneur »; ces mêmes cieux dont le Psalmiste a chanté ailleurs: « Les cieux racontent la gloire de Dieu ». Car cest deux quil est dit un peu plus bas : « Il nest point de langue, point didiome qui nentende cette voix; son éclat sest répandu dans tout lunivers, il a retenti jusquaux derniers confins de la terre 1 ». Toutefois ce nest pas à ces cieux quil faut attribuer une telle gloire, comme si la grâce qui a fécondé le désert des nations, et mis en mouvement la terre vers la foi, pouvait venir des hommes. Ce nest point par eux-mêmes que les cieux se sont épanchés, mais bien « devant la face du Seigneur », qui habitait en eux, et qui leur faisait habiter la même demeure dans lunion des âmes. Ils sont aussi les montagnes dont il est dit : « Jai levé les yeux vers les montagnes, doù me viendra le secours ». Et toutefois, afin de ne point laisser croire quil met sa confiance dans des hommes, le Psalmiste ajoute aussitôt : « Mon secours me viendra du Seigneur qui a fait le ciel et la terre 2 ». Cest encore à lui quil est dit ailleurs : « Cest vous qui répandez une lumière admirable du haut des montagnes éternelles 3 »; bien quelle vienne des montagnes éternelles, cest vous néanmoins qui la répandez. De même ici : « Les cieux se sont épanchés », mais, « devant la face du Seigneur». Car eux-mêmes ont été sauvés par la foi, et cela ne vient point de leurs mérites, puisque cest un don de Dieu : cela ne vient pas des oeuvres, afin que nul ne se glorifie. Nous sommes, en effet, son ouvrage 4. « Cest lui qui nous fait habiter la même demeure dans lunion des âmes ». 11. Mais que dit ensuite le Prophète : « La montagne de Sinaï, en face du Dieu dIsraël? » Faut- il sous-entendre, sest épanchée; afin dappeler encore montagne de Sinaï ce quil vient dappeler du nom de ciel; de même que nous avons donné aux cieux le nom de montagne? Dans ce sens nous ne devons pas nous étonner quil soit dit: « La montagne », et non les montagnes, comme il avait été dit: Les cieux, et non le ciel; car dans un autre psaume, après avoir dit: « Les cieux
1. Ps. XVIII, 2-5. 2. Id. CXX, 1, 2. 3. Ps. LXXV, 5. 4. Ephés. II, 8-10.
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racontent la gloire de Dieu 1, il répète en dautres termes la même pensée selon la coutume des saintes Ecritures : « Et le firmament nous annonce ses oeuvres». Il a dabord dit : « Les cieux », et non le ciel, et ensuite il dit : Le firmament, et non les firmaments. Or, « Dieu appelle ciel le firmament 2», ainsi quil est dit dans la Genèse. Ainsi donc, les cieux et le ciel, les montagnes et la montagne ont une signification semblable et nullement différente : de même que les nombreuses Eglises, et la seule Eglise, nont pas un sens divers, mais un seul et même sens. Mais pourquoi « cette montagne de Sinaï, qui engendre dans la servitude 3», comme la dit lApôtre? Faut-il entendre par là cette loi donnée sur le mont Sinaï, et que « les cieux auraient épanchée devant la face du Seigneur », afin débranler la terre? Et cet ébranlement de la terre serait-il le trouble des hommes incapables daccomplir cette loi? Mais, sil en est ainsi, cette loi est encore cette pluie bienfaisante, dont le Prophète a dit ensuite : « Vous ménagerez, Seigneur, une pluie désirable à votre héritage »; car il nen a pas agi de la sorte avec aucun peuple, et ne leur a pas manifesté ses jugements 5. Cette pluie que Dieu a réservée à son héritage est donc la loi quil lui a donnée. « Elle sest affaiblie », la loi ou la nation qui est notre héritage. On peut entendre que la loi sest affaiblie, en ce sens quelle ne saccomplissait point, non quen elle-même elle fût faible, mais parce quelle aboutissait à la faiblesse chez les hommes quelle menaçait sans leur donner le secours de la grâce. Cest en effet le terme dont sest servi lApôtre en disant : « Ce qui était impossible à la loi, chez lhomme en qui la chair laffaiblissait 6 », voulant nous montrer que cest dans un sens spirituel quelle doit saccomplir. Il dit néanmoins quelle saffaiblit, parce que les faibles ne peuvent laccomplir. Mais lhéritage qui saffaiblit nous désignerait sans ambiguïté le peuple après que la loi lui fut donnée. « Car la loi est venue, en sorte que le péché a abondé 7». Alors le verset suivant: « Vous lui avez donné la perfection», se rapporte à la loi quia été perfectionnée, selon lApôtre, cest-à-dire accomplie; cest ce que dit le Seigneur dans lEvangile : « Je ne suis point venu pour
1. Ps. XVIII, 2, 2. Gen. I, 8. 3. Gal. IV, 24. 4. Exod. XIX, 18. 5. Ps. CXLVII, 20. 6. Rom. VIII, 3. 7. Rom. V, 20.
détruire, mais pour accomplir la loi 1». De là vient que lApôtre, après avoir dit que la loi était affaiblie par la chair, puisque la chair ne peut accomplir ce qui ne saccomplit que par lesprit, cest-à-dire par une grâce spirituelle, dit encore : « Afin que la justice de la loi soit accomplie en nous qui ne marchons pas selon la chair, mais selon lesprit 2 ». Ainsi donc : « Vous lui avez donné la perfection; parce que lamour est la plénitude de la loi 3, et que lamour de Dieu a été répandu dans nos coeurs», non par nous-mêmes, mais « par lEsprit-Saint qui nous a été donné 4 »; tel serait le sens de : « Vous lui avez donné la perfection », si lon entend que cest la loi qui a été perfectionnée; mais, si cest lhéritage, le sens est plus facile à saisir. Si lon veut, en effet, que lhéritage du Seigneur, ou le peuple de Dieu ait été affaibli à cause de la loi, « parce que la loi est « entrée, de telle manière que le péché a « abondé » ; alors ces paroles : « Vous lavez perfectionné » , sentendraient dans le même sens que ces autres du même saint Paul : « Où le péché a abondé, la grâce a surabondé 5 ». Car le péché se multipliant a multiplié aussi les infirmités, et ensuite ils ont précipité leur marche 6; car ils ont gémi et ont demandé à Dieu daccomplir avec son secours ce quils ne pouvaient accomplir avec un simple précepte. 12. Il y a dans ces paroles un autre sens, qui me paraît plus probable. Cette pluie abondante sentend bien mieux de la grâce, qui nous est donnée sans être appelée par aucune oeuvre méritoire. « Si cest par grâce, ce nest point en vue des oeuvres, autrement la grâce ne serait plus grâce 7. Je ne suis pas digne dêtre appelé Apôtre », est-il dit encore; « puisque jai persécuté lEglise de Dieu; muais cest parla grâce de Dieu que je suis ce que je suis 8». Telle serait la pluie volontaire : « Car il nous a volontairement appelé par la parole de la vérité 9 ». Cest donc une pluie de son amour. De là vient quil est dit ailleurs : « Vous nous couvrez de votre amour, comme dun bouclier 10 ». Or, quand le Seigneur traversait le désert, cest-à-dire quand lEvangile était, annoncé aux nations, « les cieux distillèrent » cette
1. Matth. V, 17. 2. Rom. VIII, 3, 4. 3. Id. XIII, 10. 4. Id. V, 5. 5. Id. 20. 6. Ps. XV, 4. 7. Rom. XI, 6. 8. I Cor. XV, 9, 10. 9. Jacques, I, 18. 10. Ps. V, 13.
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pluie : non deux-mêmes cependant, mais « en présence du Seigneur », car eux-mêmes aussi lui doivent la grâce dêtre ce quils sont. Et sil est parlé du « mont Sinaï », cest que celui qui a travaillé plus que tous les autres, non pas lui, mais la grâce de Dieu avec lui 1, afin quil sépanchât plus abondamment parmi les nations , cest-à-dire dans le désert où le Christ navait pas été annoncé, pour ne point bâtir sur le fondement dun autre 2; celui-là, dis-je, était Israélite, de la race dIsraël, de la tribu de Benjamin 3; il avait été engendré dans la servitude, en cette Jérusalem terrestre, qui est esclave avec ses enfants; et cest pourquoi il persécutait lEglise. Car, selon lavis quil nous en donne : « De même que le Fils engendré selon la chair poursuivait le Fils selon lesprit; ainsi en est-il maintenant 4 ». Mais jai obtenu miséricorde, parce que jai agi dans lignorance , nayant point la foi 5. Admirons donc « les cieux qui sépanchent à la face du Seigneur », admirons plus encore cette « montagne de Sinaï », cest-à-dire celui qui fut tout dabord persécuteur, Hébreu fils dHébreux, et Pharisien en ce qui regarde la loi 6. Que faut-il admirer? Quil nait point agi de lui-même, mais « devant la face du Dieu dIsraël », dIsraël dont il dit: « Et à lIsraël de Dieu 7»; et dont le Seigneur a dit: « Cest là un vrai Israélite, sans déguisement 8 ». Telle est la pluie de grâce que le Seigneur a ménagée à son héritage, et que ne précédaient point les mérites des bonnes oeuvres. « Cet héritage sest affaibli ». Car lApôtre a reconnu quil nest rien par lui-même, ni par ses propres forces, mais quil doit à la grâce de Dieu ce quil est. Il a reconnu ce quil a dit plus tard : « Je me glorifierai dans mes infirmités 9 ». Il a reconnu la vérité de cette parole : « Ne télève point dans ta sagesse, mais crains 10 ». Il a compris, que « Dieu donne la grâce aux humbles 11. Il sest affaibli, mais vous, ô Dieu, lavez conduit à la perfection; parce que la vertu se perfectionne dans la faiblesse 12 ». Dans quelques exemplaires et latins et grecs, on ne trouve pas : « La montagne de Sinaï », mais simplement: « En face du Dieu de Sinaï, en face du Dieu dIsraël ». Cest-à-dire :
1. I Cor. XV, 10. 2. Rom. XV, 20 3. Philip. III, 5. 4. Gal. IV, 25, 29. 5. I Tim. I, 13. 6. Philip. III, 5. 7. Galat. VI, 16. 8. Jean, 1, 47. 9. II Cor. XII, 9. 10. Rom. XI, 20. 11. Jacques, IV, 6. 12. II Cor. VII, 9.
« Les cieux se sont épanchés en face du Dieu dIsraël » ; et comme si lon demandait de quel Dieu : «En face du Dieu de Sinaï»,dirait le Prophète, « du Dieu dIsraël », cest-à-dire en face du Dieu qui a donné sa loi au peuple dIsraël. Pourquoi donc «les cieux sépanchent-ils en face de Dieu »; en face de ce Dieu, sinon pour accomplir ainsi la prophétie: « Celui qui a donné la loi, donnera aussi la bénédiction 1 ? » « La loi », pour effrayer celui qui présume des forces de lhomme; « la bénédiction »,qui délivre celui qui espère en Dieu. Vous donc, ô mon Dieu, avez donné la perfection à votre héritage : parce quen lui-même il sest affaibli, afin de recevoir de vous le perfectionnement. 13. « Les animaux qui sont les vôtres, habiteront en cette terre». « Qui sont les vôtres», non qui sappartiennent; qui vous sont soumis, non abandonnés à eux-mêmes; qui ont besoin de vous, non point qui se suffisent. Enfin, il est dit ensuite: « Vous lavez préparé dans votre bonté, Seigneur, pour celui qui est pauvre 2». « Dans votre bonté», et non dans le droit quil en avait. Il est pauvre, en effet, parce quil est infirme, afin dêtre conduit à la perfection : il reconnaît son indigence, afin dêtre rassasié. Telle est la bonté dont il est dit ailleurs : « Le Seigneur épanchera ses bénédictions, et notre terre donnera son fruit 3 » ; en sorte que le bien se fera, non par crainte, mais par amour; non par leffroi du châtiment, mais par la joie intime de la justice. Telle est, en effet, la vraie et saine liberté, Mais le Seigneur la prépare à celui qui est pauvre, non point à celui qui est dans labondance, et qui rougirait de cette pauvreté: cest de tels hommes quil est dit: « Nous sommes en butte à loutrage du riche, au mépris des superbes 4». Il appelle orgueilleux ceux quil a dabord appelés riches. 14. « Le Seigneur donnera son Verbe » : cest-à-dire, la nourriture à ses animaux qui habiteront cette terre. Mais que feront ces animaux auxquels il donnera le Verbe, sinon ce qui est dit ensuite? « Quils évangéliseront avec une grande force 5 » . Avec quelle force, sinon avec cette force qui lui fait délivrer les captifs? Peut-être appellerait-il ici force, la vertu dopérer des miracles qui éclata dans les prédicateurs de lEvangile.
1. Ps. LXXXIII, 8. 2. Ps. LXVII, 11. 3. Id. LXXXIV, 13. 4. Id. CXXII, 4. 5. Id. LXVII, 12.
15. Quel est donc celui qui « donnera le Verbe à ceux qui prêcheront lEvangile avec une grande force ? Cest, dit le Prophète, le roi des vertus du Bien-Aimé 1». Le Père est donc le roi des vertus du Fils. Car, le bien-aimé, à moins que lon ne précise quel est ce bien-aimé, sentend par antonomase du Fils unique de Dieu. Le Fils est-il le roi des vertus, cest-à-dire des vertus qui lui obéissent? Car « il doit donner la parole à ceux qui évangéliseront avec une grande force, celui qui est roi des vertus», et dont il est dit: « Le Seigneur des vertus est lui-même le roi de gloire 2». Quil nait point dit: Le roi de ses vertus, mais simplement : « Le roi des vertus du bien-aimé », cest une manière de parler très-fréquente dans les Ecritures, pour peu quon y fasse attention: cest ce qui arrive surtout quand le nom propre est exprimé, afin que lon ne puisse douter que cest bien du même personnage quil est question. Voilà ce que lon trouve assez fréquemment dans le Pentateuque: « Et Moïse fit » tel et tel objet «comme le Seigneur lavait commandé à Moïse 3 » en langage ordinaire on aurait dit : Moïse fit ce que lui commanda le Seigneur; le texte sacré porte, au contraire: « Moïse fit ce que le Seigneur commanda à Moïse », comme si Moïse, à qui Dieu avait commandé, nétait pas Moïse qui exécuta, quoique ce fût bien le même cependant. Ces locutions se rencontrent bien difficilement dans le Nouveau-Testament, et toutefois lApôtre sen servait quand il disait: « A propos de son Fils qui lui est né de la race de David selon la chair, qui a été prédestiné Fils de Dieu en puissance, selon lEsprit de sainteté, par la résurrection dentre les morts, de Jésus-Christ Notre-Seigneur 4 » ; comme si autre était le Fils de Dieu qui est né de la race de David selon la chair, et autre Jésus notre Seigneur, tandis que cest bien le même. Dans les anciens livres on rencontre fréquemment cette locution: et cest pourquoi, quand elle amène tant soit peu dobscurité, on doit recourir aux exemples du même genre qui portent leur évidence en eux-mêmes ; ainsi elle est quelque peu obscure dans le passage du Psaume que nous exposons. Si lon disait, en effet, Jésus-Christ roi des puissances de Jésus-Christ, le passage serait aussi clair que celui-ci: « Moïse accomplit ce que Dieu avait
1. Ps. LXVII, 13. 2. Id. XXIII, 10. 3. Nombre, XVII, 11, selon les Septante. 4. Rom. I, 3, 4.
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commandé à Moïse » ; mais comme il est dit : « Roi des vertus du bien-aimé », il ne vient pas facilement à lesprit que celui qui est le bien-aimé soit aussi le Roi des vertus. Cette expression donc: « Roi des puissances du bien-aimé», peut sentendre comme sil était dit, roide ses vertus, puisque le roi des vertus est le Christ, et que le bien-aimé est aussi le même Christ. Ce sens toutefois nest pas si rigoureux, quon nen puisse donner un autre: car on peut entendre que le Père est le roi des vertus de son Fils bien-aimé, et ce même bien-aimé lui dit : « Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce qui est à vous est à moi 1». Mais vient-on à me demander si Dieu le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ peut être aussi appelé roi, je ne sache pas quil y ait un homme pour oser le dépouiller de ce titre, quand lApôtre a dit: « Au roi des siècles, au Dieu immortel, invisible, unique 2 ». Et si lon veut appliquer cette parole à la Trinité, nous y trouvons encore Dieu le Père. Mais à moins dentendre dune manière charnelle, cette expression: «O Dieu! donnez votre jugement au roi, et votre justice au fils du roi 3 » ; je ne sais si lon peut y voir autre chose que « à votre Fils ». Donc le Père est aussi roi. De là vient que « le roi des puissances du bien-aimé », peut sentendre de deux manières. Aussi, après avoir dit : « Le Seigneur donnera son Verbe à ceux qui évangéliseront avec une grande puissance » : comme la puissance vient de celui qui gouverne, et doit servir les desseins de celui qui la donne, le Prophète ajoute: « Le Seigneur qui donnera le Verbe à ceux qui évangéliseront avec une grande puissance, est le roi des puissances du bien-aimé». 16. Voici le verset suivant: « Bien-Aimé, et pour partager les dépouilles de la beauté de la maison 4 ». Il répète, afin de mieux appeler lattention : cette répétition toutefois ne se trouve pas dans tous les exemplaires, et les plus soignés la marquent dune étoile, ou du signe que lon appelle astérisque, et par lequel on veut faire connaître ce qui manque dans le texte des Septante, mais qui est dans lhébreu. Mais que lon admette que cette expression, « bien-aimée » est répétée ou quelle nest exprimée quune fois, voici, je crois, le sens quil faut donner à ce qui suit: « Et pour
1. Jean, XVII, 10. 2. I Tim. I, 17. 3. Ps. LXXI, 2. 4. Ps. LXVII, 13.
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partager les dépouilles de la beauté de la maison », comme sil y avait: « Cest au bien-aimé de partager les dépouilles qui embelliront le palais », cest-à-dire, de celui qui est bien-aimé quand il assigne les dépouilles en partage. Cette maison embellie, cest lEglise quenrichit le Christ, quand il lorne de dépouilles comme on corps est beau par la distribution proportionnée des membres. Or, on appelle dépouilles ce que lon enlève à lennemi. LEvangile nous en explique la nature, quand nous lisons: « Nul ne peut entrer dans la maison dun homme fort, pour en enlever les dépouilles, sans avoir auparavant lié le fort 1». Le Christ a donc enchaîné le diable avec des liens spirituels, quand il a triomphé de la mort, et sest élevé de labîme jusque dans les cieux; il la enchaîné par le sacrement de son incarnation, puisquil a été permis au démon de le faire mourir, bien quil ne trouvât en lui rien qui fût digne de mort; et cest après lavoir ainsi enchaîné, que le Christ lui a enlevé ses dépouilles. Il exerçait alors son pouvoir sur les enfants de la rébellion 2, dont linfidélité servait ses desseins. Or, le Seigneur en purifiant ces vases par la rémission des péchés, et en sanctifiant ces dépouilles enlevées à lennemi terrassé et enchaîné, les a distribuées pour lembellissement de son palais; en faisant des uns des Apôtres, des autres des Prophètes, dautres des pasteurs et des docteurs, pour les fonctions du ministère, et lédification du corps du Christ 3. « De même, en effet, que e notre corps est un, bien quil ait plusieurs membres, et que tous ces membres, quoique nombreux, ne composent néanmoins quun seul corps : ainsi en est-il du Christ. Or, tous sont-ils Apôtres?Tous sont-ils Prophètes? Tous sont-ils des puissances ? Tous ont-ils le don de guérir? Tous parlent-ils diverses langues? Tous sont-ils interprètes? Mais cest le seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, selon quil lui plaît ». Telle est la beauté du palais auquel on distribue des dépouilles; en sorte que celui qui laime sexalte de cette beauté et sécrie : « Seigneur, jaime la richesse de votre maison 5 ». 17. Dans les versets qui vont suivre, le Prophète adresse la parole à ces mêmes
1. Matth. XII, 29. 2. Eph. II, 2. 3. Id. IV, 11, 12. 4. I Cor. XII, 11, 12, 29, 30. 5. Ps, XXV, 8.
membres qui font la beauté de lédifice, et sécrie : « Si vous vous endormez au milieu des héritages, ailes de la colombe argentée, et dont le cou est enrichi de reflets dor et démeraude 1 ». Cherchons dabord quel est lordre de ces paroles, et comment se termine la pensée ; car elle nest point définie, puisquil est dit : « Si vous dormez ». Ensuite, quand il parle de ces « ailes argentées de la colombe », faut-il lentendre au singulier, et dire, de cette aile, hujus pennae, ou au pluriel, ces ailes, hae pennae? Mais le grec exclut absolument le singulier et emploie ici le pluriel. Cependant cest encore une question incertaine, sil faut lire, ces ailes, ou bien, ô ailes, comme si on leur adressait la parole. Ainsi donc, les paroles qui ont précédé, ont-elles donné lachèvement à cette pensée, en sorte quelle soit ainsi réglée : « Le Seigneur donnera son Verbe à ceux qui évangéliseront avec une grande puissance, si vous dormez au milieu de lhéritage, ô vous, ailes de la colombe argentée »? Ou bien trouve-t-elle son complément dans les paroles qui suivent, de cette manière : « Si vous dormez au milieu de lhéritage, les ailes de la colombe argentée deviendront blanches comme la neige du Selmon 2 ». Cest-à-dire que ces ailes blanchiront, si vous dormez au milieu de lhéritage; en sorte quil adresserait la parole à ceux qui sont partagés comme des trophées pour lornementation du palais; cest-à-dire : Si vous dormez entre deux héritages, ô vous qui êtes distribués pour lembellissement du palais, par la manifestation de lEsprit, ainsi quil est nécessaire, en sorte quà lun lEsprit-Saint ait donné la parole de la sagesse, à lautre la parole de la science selon le même Esprit, à celui-ci la foi, à cet autre le don de guérir dans le même Esprit, et le reste 3. Si donc vous vous endormez au milieu de lhéritage, alors les ailes de la colombe argentée deviendront blanches comme la neige du Selmon. On peut encore lentendre de cette manière « Si vous, ô ailes de la colombe argentée, dormez au milieu des héritages, ils blanchiront comme la neige du Selmon», cest-à- dire les hommes qui recevront par la grâce la rémission de leurs péchés. Aussi est-il dit à propos de lEglise, au Cantique des cantiques : « Quelle est celle-ci qui sélève dans sa
1. Ps. LXVII, 14. 2. Id. 15. 3. I Cor. XII, 7, 9.
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blancheur 1? » Dieu accomplissant ainsi la promesse quil a faite par le Prophète : « Vos péchés fussent-ils comme le vermillon, je vous rendrai blancs comme la neige 2». On peut donc comprendre ce passage de manière que dans cette expression: « des ailes dune colombe argentée, il faille sous-entendre, vous serez ; et alors le sens deviendrait : O vous qui êtes distribués pour lembellissement du palais, si vous dormez au milieu des héritages, vous serez des ailes, dune colombe argentée : cest-à-dire, vous vous élèverez dans les hauteurs, mais en vous rattachant à lEglise par des liens sacrés. Par cette colombe argentée, je ne vois pas ce quil nous est possible dentendre mieux que celle dont il est dit : « Ma colombe est unique 3 ». Elle est argentée, parce quelle est instruite des divins enseignements; et ces enseignements du Seigneur sont appelés dans un autre endroit: « Un argent qui a passé à lépreuve du feu de la terre, et qui est purifié sept fois 4 ». Il y a donc un grand bien à dormir entre ces deux héritages dans lesquels on prétend voir les deux testaments, en sorte que dormir entre deux héritages, ce serait reposer sur lautorité de ces Testaments, cest-à-dire, sen rapporter à leur autorité, terminer dans la paix et à lamiable toute dispute, dès que lon apporte des témoignages et des preuves de lun ou de lautre. Sil en est ainsi, quelle leçon paraît donnée à ceux qui évangélisent avec une grande puissance, sinon que le Seigneur doit leur donner sa parole, afin quils puissent évangéliser, sils se reposent entre les deux héritages? Alors donc leur sera donnée la parole de vérité, sils ne négligent point lautorité des deux Testaments; en sorte quils seront eux-mêmes des ailes de la colombe argentée, eux dont la prédication porte jusquau ciel la gloire de lEglise. 18. Mais « entre les épaules » : cest là une partie du corps; cette partie tient à la région du coeur, et toutefois en arrière; les plumes de son dos, dit le Prophète, et il ajoute que cette partie de la colombe argentée a des reflets dor, cest-à-dire la force de la sagesse, et je ne crois pas que par cette force on puisse mieux entendre que la charité. Mais pourquoi le dos, et non la poitrine? Je métonne en effet de
1. Cant. III, 6, selon les Septante. 2. Isaïe, I, 8. 3. Cant. VI, 8 4. Ps. XI, 7.
cette parole dun autre psaume, où il est dit: « Il te couvrira de son ombre entre ses épaules, et tu espéreras sous ses ailes 1 » tandis que les ailes ne peuvent abriter que ce qui est sous la poitrine. En latin, inter scapulas, entre les épaules, peut sentendre peut-être de part et dautre, en avant et en arrière, en sorte que par épaules, nous comprenions ces parties du corps au milieu desquelles est placée la tête; il est possible encore que lhébreu se puisse entendre de la même façon; mais dans le grec, metaphrena. ne peut se dire que de la partie postérieure, ce qui est inter scapulas, entre les épaules. Or, est-ce là quest léclat de lor, cest-à-dire la sagesse et la charité, parce que cest là que les ailes sont attachées en quelque sorte, ou bien, parce que cest là que lon porte le fardeau léger? Que sont en effet ces deux ailes, sinon les deux préceptes de la charité, qui renferment toute la loi et les Prophètes 2? Quest-ce que le fardeau léger, sinon la charité que lon accomplit par ces deux préceptes? Tout ce qui est difficile dans ces deux préceptes devient léger pour celui qui aime. Et nous navons pas dautre raison de bien comprendre cette parole : « Mon fardeau est léger 3 », sinon que Dieu nous donne lEsprit-Saint, par qui la charité est répandue dans nos coeurs 4, afin que par amour nous fassions de bon coeur ce que la crainte fait faire à celui qui agit en esclave; car on nest pas ami du bien, quand on préférerait que le bien ne fût point commandé, si cela était possible. 19. On peut demander encore: Pourquoi nest-il pas dit: Si vous dormez parmi les héritages, mais « au milieu des héritages » que veut dire « au milieu des héritages? » Si lon eût traduit le grec dune manière plus expresse, on eût dit : Dans le milieu des héritages, ce que je nai lu chez aucun interprète; cest pourquoi il me semble que la traduction: «Au milieu des héritages», a la même valeur. Je dirai donc ce que jen pense. Cette expression, dans le grec, semploie pour désigner un lien, un pacte, qui devient indissoluble; cest ainsi que lEcriture sen sert pour désigner le testament formé entre le Seigneur et son peuple : car, au lieu que le latin dit : « Entre vous et moi », le grec porte: « Au milieu du mien et du vôtre ». Ainsi encore à propos du signe de la circoncision, alors que
1. Ps. XC, 4. 2. Matth. XXII, 40, 3. Id. XI, 30. 4. Rom. V, 5.
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Dieu, sadressant à Abraham, lui dit : « Il y aura une alliance entre toi et moi, et toute ta postérité 1 » ; le grec porte : « Au milieu du mien et du tien, et au milieu de ta postérité ». De même quand le Seigneur parlait à Noé de cet arc-en-ciel qui sera un signe établi 2, il répète souvent cette expression, ainsi traduite en latin : inter me et vos, « entre vous et moi », ou « entre moi et toute « âme vivante », et chaque fois que lon rencontre ces idées, nous voyons dans le grec « au milieu du mien et du tien », ana meson, David et Jonathan conviennent dun signe pour ne pas se tromper dans leurs conjectures 3; et ce que le latin exprime par « entre eux deux », le grec lexprime par « au milieu deux deux », ou ana meson. Mais nos traducteurs ont eu raison de ne point traduire cet endroit du psaume par « entre les héritages », comme il est dordinaire dans la langue latine, mais de dire « au milieu des u héritages e, comme dans le milieu des héritages, ce que dit le grec avec plus de précision, et ce qui se dit ordinairement des choses qui doivent être en parfait accord, ainsi que je le disais tout à lheure. LEcriture alors commande de dormir entre les héritages, à ceux qui sont les ailes de la colombe argentée, ou qui doivent le devenir par ce moyen. Or, ces héritages sont les deux Testaments, et quelle leçon devons-nous en tirer, sinon de ne point contredire à laccord des deux Testaments, mais de les comprendre et dacquiescer à leur autorité, dêtre tout à la fois le signe et lenseignement de leur accord, puisque nous sentons quils ne disent rien de contraire lun à lautre, et que nous le montrons dans ladmiration de la paix, et comme dans le sommeil de lextase? Mais si nous voyons les Testaments dans les héritages, klerois, puisque cest là un nom grec, et qui ne signifie pas Testaments, cest que ces deux Testaments nous donnent lhéritage, dont le nom en grec est kleronomia, comme celui de lhéritier, kleronomos. Or, kleros, en grec, signifie un lot tiré au sort, et les sorts que nous a promis le Seigneur, se nomment les parties de cet héritage, distribuées au peuple, De là vient que la tribu de Lévi ne dut point avoir de sort, parce quelle devait vivre de la dîme 4. De kleros viennent ces noms de clergé et de
1. Gen. XVII, 2,7. 2. Id. IX, 12. 3. I Rois, XX, 20-23. 4. Nombres, XVIII, 20.
clercs, donnés à ceux qui ont pris un rang dans les divers degrés du ministère ecclésiastique, car ce fut par le sort quon élut Matthias, le premier, disons-nous, qui ait été ordonné par les Apôtres 1. Cest pourquoi à cause de lhéritage qui nous vient par testament comme leffet qui nous vient de la cause, on a désigné les Testaments eux-mêmes sous le nom dhéritages. 20. Toutefois, il me vient à lesprit un autre sens bien préférable, si je ne me trompe, et qui nous fait comprendre par les sorts les héritages eux-mêmes; lhéritage de lAncien Testament, bien quil soit lombre symbolique de lavenir, serait la félicité de la terre; lhéritage du Nouveau Testament serait le bonheur sans fin, et dormir au milieu des héritages signifierait quon ne recherche point celui-là avec ardeur, mais que lon attend celui-ci avec patience. Ceux en effet qui servent Dieu pour ce motif, ou plutôt qui, pour ce motif ne le servent point, en cherchant dans cette vie et sur cette terre la félicité, voient le sommeil les fuir, ils ne dorment point. Agités par la flamme de leurs convoitises, ils se jettent clans les crimes, dans les forfaits; le désir dacquérir, la crainte de perdre leur enlèvent le repos. « Mais celui qui mécoute », a dit la Sagesse, « habitera dans lespérance; libre de crainte, il sabstiendra de tout mal 2 ». Autant que je puis voir, tel est le sens de dormir au milieu des sorts, cest-à-dire au milieu des héritages ; cest habiter lhéritage éternel, non point encore en réalité, mais en espérance, et faire trève avec tout désir de bonheur terrestre. Et quand viendra lobjet de notre espérance, nous ne reposerons plus entre deux héritages, mais nous régnerons dans lhéritage nouveau, lhéritage véritable, dont lancien était la figure. Si donc nous entendons ces paroles: « Si vous dormez au milieu des héritages », comme sil était dit : Si vous mourez au milieu des héritages, comprenant que lEcriture, comme il lui arrive dordinaire, appellerait du nom de sommeil, la mort corporelle ; la plus sainte mort qui vient clore les jours de cette vie, est celle de lhomme qui persévère à réprimer en lui les désirs des biens terrestres, et à nespérer jusquà la fin que lhéritage du ciel. Ceux qui dormiront ainsi au milieu des héritages auront des ailes
1. Act. I, 26. 2. Prov. I, 33.
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comme ta colombe argentée; parce quau jour de la résurrection, ils senvoleront sus les nuées, à travers les airs, au-devant du Christ, afin de vivre toujours avec le Seigneur ; ou bien parce quà loccasion de ceux qui meurent ainsi, la gloire de lEglise éclate et plus haut et plus loin, et sélève comme sur les ailes de la plus sublime louange. Ce nest pas en effet sans raison quil est écrit : « Ne louez aucun homme avant sa mort 2 ». Donc, tous les saints de Dieu, depuis lorigine du genre humain jusquau temps des Apôtres, parce quils ont bien su dire : « Je nai point désiré les jours de lhomme, vous le savez 3»; et encore: « Jai fait une prière au Seigneur et je la renouvellerai 4 »; et depuis le temps des Apôtres, qui a marqué plus clairement la différence entre les deux Testaments, les Apôtres eux-mêmes, les martyrs et les autres justes, comme les chefs du troupeau avec leur postérité, tous se sont endormis au milieu des héritages, méprisant la félicité du règne terrestre, pour mettre leur espérance dans ce royaume des cieux quils ne tenaient pas encore. Et comme ils ont goûté cet heureux sommeil, voilà quils sont comme les ailes de cette Eglise qui est la colombe argentée, et quelle-même sélève par les louanges quon leur donne ainsi la renommée de leur sainteté est pour ceux de lavenir une invitation à les imiter, et ceux-ci, dormant à leur tour ce même sommeil, deviendront des ailes nouvelles, qui porteront jusquaux siècles derniers la sublime renommée de lEglise. 21. « Pendant que celui qui habite au-dessus des cieux partage les rois à cause delle, voilà quelle deviendra plus blanche que la neige du Selmon 5 ». Celui qui habite au-dessus des cieux est le même « qui monte au plus haut des « cieux, pour accomplir toutes choses, tandis quil distribue les rois à cause delle», cest-à-dire à cause de cette colombe argentée. Car lApôtre continue en disant : « Cest lui aussi qui a fait les uns Apôtres, les autres Prophètes, ceux-ci évangélistes, ceux-là pasteurs et docteurs ». Quest-ce autre chose que partager les rois à cause delle, sinon « pour loeuvre du ministère, pour lédification du corps du Christ 6 »; puisque ce corps du Christ, cest elle-même? Ils sont
1. I Thess. IV, 16. 2. Eccli. XI, 30. 3. Jérém. XVII, 16. 4. Ps. XXVI, 4. 5. Ps. LXVII, 15. 6. Ephés. IV, 10-12.
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appelés « rois e, du mot régir: et que doivent-ils régir principalement, sinon les convoitises de la chair, de peur que le péché ne règne dans leur corps mortel, quils nabandonnent leurs membres au péché comme des instruments diniquité; et afin quils se donnent à Dieu, comme devenus vivants de morts quils étaient, et que leurs membres soient des instruments de justice 1 ? Cest ainsi quils seront des rois, séparés dabord des étrangers, parce quils ne porteront point le joug avec les infidèles, séparés entre eux, par leur propre ministère, mais dans la concorde. « Tous, en effet, ne sont point Apôtres, ni tous Prophètes, ni tous docteurs; tous également nont point le don de guérison, ni tous le don des langues, ni tous le dort de les interpréter. « Or, cest le seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons selon quil lui plaît 2 »; et cest en donnant cet Esprit que celui qui habite les cieux, établit une distinction parmi les rois à cause de la colombe argentée. Cest de ce même Esprit-Saint que lange parlait à la Mère, pleine de grâce, de celui qui habite les cieux, quand elle demandait comment elle pourrait enfanter, elle qui ne connaissait point dhomme , et quil lui répondait : « LEsprit-Saint descendra en vous , et la vertu du Tout-Puissant vous couvrira de son ombre 3 ». Quest-ce à dire, « vous couvrira de son ombre », sinon sera pour vous un ombrage? De là vient que ces rois, que la grâce de lEsprit-Saint en Jésus-Christ a partagés à cause de la colombe argentée, « deviendront blancs comme la neige de Selmon ». Car Selmon signifie ombre. Or, ce nest point par leurs mérites ou par leur propre vertu quils ont leurs attributs. « Qui est-ce, en effet, qui met de la différence entre vous », dit saint Paul? « et quavez-vous que vous nayez point reçu 4? » Donc, pour être discernés des impies, ils reçoivent la rémission des péchés, de celui qui a dit : « Vos péchés fussent-ils comme le vermillon, je vous rendrai blancs commue la neige 5». Voilà comment « ils deviendront blancs comme la neige du Selmon », cest par la grâce de lEsprit du Christ, par qui leur sont assignés même leurs dons propres : cest de lui quil est dit, comme je lai rappelé plus haut
1. Rom. VI,12, 13. 2. I Cor. XII, 11, 29, 30. 3. Luc. I, 35, 4. I Cor. IV, 7. 5. Isaïe, I, 18.
« LEsprit-Saint descendra en vous, la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre; cest pourquoi le Saint qui naîtra de vous sappellera le Fils de Dieu 1 ». Or, cette ombre sentend dun abri contre la flamme des convoitises charnelles ; de là vient que cette vierge na point conçu le Christ par les désirs de la chair, mais par la foi de lesprit. Or, lombre tient du corps et de la lumière; cest pourquoi ce Verbe qui était au commencement cette lumière véritable, afin de nous offrir un ombrage au milieu du jour, « sest fait chair, et a demeuré parmi nous 2 » cest-à-dire que lhomme sest uni à Dieu, comme le corps à la lumière, et a couvert dune ombre protectrice ceux qui croient en lui. Ce nest point, en effet, dune ombre de cette nature quil est dit : « Tout cela sest évanoui comme une ombre 3 » ; ni dune ombre semblable que lApôtre a dit: « Que personne donc ne vous condamne au sujet du manger ou du boire, ou à cause des jours de fêtes, des nouvelles lunes, des jours de sabbat : tout cela est lombre de lavenir 4 ». Mais cest dune ombre pareille quil est dit : « Protégez-moi à lombre de vos ailes 5». Ainsi, quand celui qui habite les cieux fait le discernement des rois à cause de la colombe argentée, quils ne vantent point leurs mérites, quils ne se confient point dans leur propre vertu : « Ils deviendront blancs comme la neige du Selmon»; ils seront purifiés par la grâce à lombre du Christ. 22. Cest cette montagne de Selmon que le Prophète appelle ensuite « Montagne de Dieu, montagne fertile , montagne laiteuse 6, ou grasse ». Quel autre sens que celui de la fertilité peut-on donner à une montagne grasse? Car cette montagne, cest-à-dire « Selmon » est encore appelée de ce même nom. Mais nous, quelle montagne devons-nous entendre par cette « montagne de Dieu, cette montagne fertile, cette montagne grasse », sinon ce même Christ, Notre-Seigneur, dont un autre Prophète a dit : « Voilà que dans les derniers jours, la montagne du Seigneur se manifestera au-dessus du sommet des montagnes 7? » Voilà cette montagne qui est laiteuse à cause des enfants qui ont besoin de lait pour nourriture 8, montagne fertile, qui fortifie, qui
1. Luc, I, 35. 2. Jean, I, 1, 14. 3. Sag. V, 9. 4. Co1oss II, 16, 17. 5. Ps. XVI, 8. 6. Id. LXVII, 16. 7. Isaïe, II, 2 8. I Cor, III, 1.
enrichit de ses dons excellents; car le lait qui se coagule en fromage devient une admirable figure de la grâce : il est le produit de la surabondance du coeur maternel, et il est donné, avec une délicieuse miséricorde, gratuitement aux enfants. Dans le grec il y a doute si ce terme laiteux est à laccusatif ou au nominatif; parce que dans cette langue le mot montagne est du genre neutre; cest pourquoi plusieurs latins ont traduit, non pas Montem Dei, mais Mons Dei. Je crois quil est mieux de dire, à laccusatif : « En Selmon, montagne de Dieu », cest-à-dire en cette montagne de Dieu, qui est appelée Selmon, dans le sens que nous avons donné plus haut selon nos forces. 23. Il dit ensuite que « la montagne de Dieu est une montagne laiteuse, une montagne fertile » , afin que nul nose désormais comparer Notre-Seigneur Jésus-Christ aux autres montagnes, appelées aussi montagnes de Dieu ; on lit en effet : « Votre justice est comme les montagnes de Dieu 1»; de là vient que lApôtre a dit : « Afin que nous aussi, nous soyons en lui la justice de Dieu 2 ». Cest de ces montagnes quil est dit ailleurs : « Vous projetez du haut de vos montagnes éternelles une lumière admirable 3 » : parce que la vie éternelle leur a été donnée, que par elle léminente autorité des livres saints a été consolidée; mais elles empruntaient leur lumière à celui à qui il est dit : « Cest vous qui éclairez. Jai levé les yeux vers la montagne, doù me viendra le secours » : et cependant ce nest point par elles-mêmes que ces montagnes me donneront du secours; mais « mon secours me viendra du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre 4 ». Une de ces montagnes, quoique supérieure, après avoir dit quelle avait travaillé plus que toutes les autres ajoutait « Non pas moi, mais la grâce de Dieu avec moi 5 ». Afin donc que nul nait laudace de comparer cette montagne qui désigne le plus beau des fils des hommes 6, à ces autres montagnes, qui sont les fils des hommes: car il y en eut qui dirent que ce Fils était Jean-Baptiste, dautres Elie, dautres Jérémie, ou quelquun des Prophètes 7; voilà que David les apostrophe en disant : « Pourquoi vous imaginer que les montagnes fertiles, sont la
1. Ps. XXXV, 7. 2. II Cor. V, 21. 3. Ps. LXXV, 5. 4. Id, CXX, 1, 2. 5. I Cor. XV, 10. 6. Ps. XLIV, 3 7. Matth. XVI, 14.
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montagne sur laquelle il a plu au Seigneur dhabiter? Pourquoi le soupçonner 1? » Ils sont à la vérité des lumières, puisquil leur a été dit: « Vous êtes la lumière du monde 2 » ; mais voici encore une autre parole: « Lumière véritable, qui éclaire tout homme 3» ; de même ces Apôtres sont des montagnes, et néanmoins il est une montagne bien supérieure, établie sur le sommet des autres montagnes 4. Ces montagnes tirent donc leur gloire de celle quelles portent ; et lune delles a dit: « A Dieu ne plaise que je me glorifie, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi et moi tour le monde 5 : afin que celui qui se glorifie, ne se glorifie point en lui-même, mais en Dieu 6. Pourquoi vous « imaginer que les montagnes fertiles sont cette montagne, en laquelle il plaît au Seigneur dhabiter? » Non pas quil nhabite point dans les autres; mais parce quil y habite par lui-même. « Car cest en lui que réside la plénitude de la divinité 7 »; non pas dune manière figurative comme dans le temple construit par Salomon 8, mais dune manière corporelle, ou solide et réelle. « Car Dieu était en lui se réconciliant le monde 9», Soit que nous entendions ceci du Père, puisque le Christ a dit : « Cest le Père, qui demeure en moi, qui accomplit les oeuvres. Je suis en mon Père, et mon Père est en moi 10 »; soit que lon entende par là que « Dieu était dans le Christ », le Verbe dans lhomme; le Verbe nen était pas moins dans la chair, de manière que lui seulement être appelé spécialement le Verbe fait chair 11, cest-à-dire lhomme ne formant avec le Verbe quune seule personne qui est le Christ. « Pourquoi donc vous imaginer que les montagnes fertiles sont cette même montagne en laquelle il a plu à Dieu dhabiter » ; et bien autrement quen ces autres montagnes dont lune vous paraît être lui-même? Bien quils soient enfants de Dieu par la grâce de ladoption, il nen faut pas conclure que lun deux est le Fils unique de Dieu, à qui son Père disait: « Asseyez-vous à ma droite jusquà ce que je vous aie fait de vos ennemis un marchepied 12 . Car le Seigneur habitera jusquà la fin » ; cest-à-dire, le Seigneur
1. Ps. LXVII, 17. 2. Matth. V, 14. 3. Jean, I, 9. 4. Isaïe, II, 2. 5. Gal. VI, 14, 6. I Cor. I, 31. 7. Coloss, II, 9. 8. III Rois, VI, 1. 9. II Cor. V, 19. 10 .Jean, XIV, 10. 11. Id. I, 14. 12. Ps. CIX,1.
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habitera ces montagnes quil ne faut point comparer à cette autre montagne, élevée sur le point culminant des montagnes 1, pour les diriger à leur terme, lequel est lui-même contemplé dans sa divinité; « car, le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croiront 2 ». Il a donc plu à Dieu dhabiter cette hauteur élevée sur le sommet des montagnes, et à qui il dit : « Vous êtes mon Fils bien-aimé, en qui jai mis mes complaisances 3 ». Or, le Seigneur est lui-même une montagne qui habitera, pour les mener à leur fin, ces autres montagnes sur lesquelles il est élevé. « Il ny a quun seul Dieu et un médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme 4 » , qui est la montagne des montagnes, comme le Saint des saints. De là cette parole : « Moi en eux, et vous en moi 5. Pourquoi donc vous imaginer que les montagnes fertiles sont la montagne quil a plu au Seigneur dhabiter? » Car le Seigneur, montagne fertile, habitera les autres montagnes fertiles pour les conduire à leur fin, de sorte quelles feront partie de celles auxquelles il a dit : « Sans moi vous ne pouvez rien faire 6». 24. Ainsi saccomplit encore ce qui suit « Les chars de Dieu sont des myriades » : ou « ils se multiplient de dizaines de mille », ou de dix fois mille. Il ny a ici quun mot grec, murioplasion, que les traducteurs latins ont rendu, chacun comme il a pu. Il était difficile, en effet, de le rendre en latin; car, chez les Grecs, mille sexprime par Xilia tandis que muriades ou myriades, signifie plusieurs dizaines de milliers: car une myriade signifie dix mille. Le Prophète a donc voulu désigner par ce nombre cette grande foule de saints et de fidèles qui, en portant Dieu, deviennent en quelque sorte les chars de Dieu. Cest en demeurant dans cette foule, et en la gouvernant, quil la mène à sa fin, comme qui conduit un char vers un lieu marqué. Car « cest Jésus-Christ tout dabord, ensuite ceux qui sont à Jésus-Christ, ensuite la fin 7 ». Telle est la sainte Eglise : elle se compose de ceux dont il est dit ensuite : « Ils tressaillent par milliers. Car ils sépanouissent dans lespérance», jusquà ce quils arrivent à la fin, quils attendent dans la patience 8. Cest bien
1. Isaïe, II, 2. 2. Rom. X, 4. 3. Matth. III, 17. 4. I Tim. II, 5. 5. Jean, XVII, 23. 6. Id. XV, 5. 7. I Cor. XV, 23, 24. 8. Rom. VIII, 25.
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justement, quaprès avoir dit : « Ils tressaillent par milliers », lécrivain sacré ajoute aussitôt: « Le Seigneur est en eux ». Et ne « nous étonnons pas quils se réjouissent, puisque le Seigneur est en eux ». Car « cest par de nombreuses tribulations quil nous faut entrer dans le royaume de Dieu 1 »; mais « le Seigneur est en eux ». Dès lors, sils sont « comme dans la tristesse , néanmoins ils sont toujours dans la joie 2 » ; non pas dans la joie que donne la possession de la fin, mais dans la joie que donne lespérance; « ils sont aussi patients dans la tribulation 3 », parce que « le Seigneur est en eux, en Sina, la montagne sainte». En interprétant les noms hébreux, nous trouvons que Sina signifie préceptes: il a dautres sens encore, mais cest là, je crois, le plus convenable pour le moment. Car en nous expliquant doù vient la joie de ces myriades qui composent le char de Dieu, « Le Seigneur est avec eux », dit le Prophète, « en Sina, sur la montagne sainte »; cest-à-dire, le Seigneur est avec eux dans ses préceptes ; et le précepte est saint, comme la dit lApôtre : « Donc la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon 4». Mais de quoi nous servirait un précepte, si nous ne trouvions en lui le Seigneur, dont il est dit : « Cest Dieu qui, par sa bonne volonté, opère en nous le vouloir et le faire 5?» Car un commandement sans le secours de Dieu, nest quune lettre qui tue 6. « Puisque la loi est entrée pour faire abonder le péché 7 ». Mais comme la plénitude de la loi, cest la charité 8», voilà que la loi saccomplit par la charité, et non par la crainte. « La charité de Dieu est en effet répandue dans nos coeurs par lEsprit-Saint qui nous a été donné 9». Ces milliers sont donc dans la joie, parce quils accomplissent la justice de la loi, autant que lEsprit de grâce leur vient en aide, parce que « le Seigneur est en eux, en Sina, dans son sanctuaire». 25. Sadressant maintenant au Seigneur: « Vous êtes monté au plus haut des cieux », lui dit le Prophète, « entraînant captive la captivité même; vous avez reçu des dons pour les hommes 10 ». Voilà ce que lApôtre nous rappelle, quand il parle ainsi du Christ Notre-Seigneur: « La grâce », nous dit-il, « a été donnée à chacun de nous selon la mesure
1. Act. XIV, 21. 2. II Cor. VI, 10. 3. Rom. XII, 12. 4. Id. VII, 12. 5. Philip. II, 13. 6. II Cor. III, 6. 7. Rom. V, 20. 8. Id. XIII, 10. 9. Id. V, 5. 10. Ps. LXVII, 19.
du don de Jésus-Christ: cest pourquoi « il est dit quen montant au ciel il a emmené captive la captivité elle-même, et a répandu ses dons sur les hommes. Quest-ce à dire quil est monté, sinon quil était descendu auparavant dans les lieux inférieurs de la terre? Celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses 1 ». Il est donc hors de doute que cest au Christ quil est dit : « Vous êtes monté en haut, emmenant captive la captivité; vous avez reçu des dons pour les hommes ». Ne soyez pas étonnés que lApôtre, citant ce même passage, ne dise point: « Vous avez reçu des dons pour les hommes » ; mais bien : « Il a répandu ses dons sur les hommes ». Il a parlé daprès son autorité apostolique, en ce sens que le Fils est Dieu avec son Père. Dans ce sens, le Christ a répandu ses dons sur les hommes, en leur envoyant lEsprit-Saint, lequel Esprit vient du Père et du Fils. Mais dans ce sens que ce même Christ a un corps, qui est lEglise, et des membres qui sont les fidèles (doù vient cette parole : « Vous êtes le corps du Christ, ainsi que ses membres 2 »), assurément il a lui-même reçu des dons pour les hommes. Car le Christ sest élevé au ciel, où il est assis à la droite de son Père 3 ; mais sil nétait pas aussi sur la terre, il neût point crié : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 4? » Comme donc ce même Christ nous dit: « Ce que vous aurez fait au moindre des miens, cest à moi que vous laurez fait 5 »; pourquoi douterions-nous que dans ses membres il reçoit lui-même les dons que ses membres reçoivent? 26. Mais que signifie : « Il a fait captive la captivité? » Est-ce quil a vaincu la mort qui tenait captifs ceux qui étaient sous son empire? Ou bien le Prophète appellerait-il captivité les hommes qui étaient sous le joug du démon? Alors nous aurions une allusion à cette captivité dans le titre dun autre psaume: « Quand lédifice était construit après la captivité 6 » ; cest-à-dire lEglise après lidolâtrie. Par captivité, il désigne alors les hommes qui étaient retenus captifs, comme lexpression milice nous laisse entendre ceux qui portent les armes, et cette captivité fut, dit-il, captivée par le Christ. Pourquoi ny
1. Ephés. IV, 7-10. 2. I Cor. XII, 27. 3. Marc, XVI, 19. 4. Act. IX, 4. 5. Matth. XXV, 40. 6. Ps. XCV, I.
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aurait-il pas une captivité heureuse, si les hommes peuvent être en captivité pour leur bonheur? Aussi fut-il dit à Pierre : « A lavenir tu seras preneur, capiens, dhommes 1 ». Ils sont donc captifs, parce quils sont pris, et pris, parce quils sont sous le joug; oui, sous ce joug qui est doux 2, et ils sont délivrés du péché dont ils étaient esclaves, pour servir la justice dont ils étaient affranchis 3. Il est donc en eux celui qui « a répandu ses dons sur les hommes, et a reçu les dons pour les hommes ». De là vient que cette captivité, cet esclavage, ce char, ce joug ne pèsent point sur des hommes qui gémissent, mais bien sur des hommes « qui tressaillent par milliers. Car le « Seigneur est en eux, sur le Sinaï, dans son sanctuaire 4 ». Il est une autre interprétation qui donne à Sina le sens de mesure, et qui revient à la nôtre; car lApôtre, en nous parlant de ces dons dune joie toute spirituelle, dans ce que nous avons cité plus haut, ajoute: «A chacun de nous a été donnée la grâce, selon la mesure du don de Jésus-Christ ». Puis vient alors ce qui suit ici « Cest pourquoi il est dit quen montant au ciel, il a emmené captive la captivité, et a répandu ses dons sur les hommes 5 »; ce quexprime ici : « Vous avez reçu des dons pour les hommes ». Quoi de plus évident que laccord entre ces vérités? 27. Quajoute ensuite le Prophète? « Même ceux qui ne croient pas pour habiter 6» ; ou, comme portent certains manuscrits : « Refusant de croire à toute habitation ». Refuser la foi, quest-ce autre chose que ne pas croire? Mais il nest pas facile de comprendre ceux dont il parle ici. Comme sil donnait raison de ce quil a dit plus haut, après avoir écrit : « Vous avez emmené captive la captivité, et reçu des dons pour les hommes ». le Prophète ajoute : « Ceux-là même qui ne croient point pour habiter », cest-à-dire, dont la foi est insuffisante pour habiter. Que veut dire le Prophète, et de qui parle-t-il? Cette captivité voudrait-elle nous expliquer ce qui la rendait une captivité mauvaise avant quelle devînt bonne? Son incrédulité la mettait sous le joug de son ennemi, « qui agit sur les enfants de rébellion, parmi lesquels vous avez été autrefois, quand vous viviez parmi eux 7 ». Cest donc par les
1. Luc, V, 30. 2. Matth. XI, 30. 3. Rom. VI, 18. 4. Ps. LXVII, 18. 5. Ephés. IV, 7, 8. Ps. LXVII, 19. 9. Ephés. II, 2, 3.
dons de la grâce, que celui qui a reçu des dons pour les hommes, a emmené captive cette captivité. Ils navaient pas, en effet, la foi pour habiter. Cest de là que les a délivrés la foi, afin que devenus croyants, ils pussent habiter dans la maison du Seigneur, quils devinssent nième la maison de Dieu, et ce chai de Dieu où des milliers tressaillent dallégresse. 28. De là vient lenthousiasme du Prophète, qui voyait dans lavenir ce quil chantait alors, et sécriait à son tour dans une sainte allégresse : « Le Seigneur Dieu est béni, béni soit le Seigneur, de jour en jour 1 ». Quelques manuscrits grecs portent « chaque jour ». Car il y a dans le grec, emeran kathemeran, ce qui peut se rendre dune manière plus vraie, par « chaque jour »; expression qui a le même sens que de jour en « jour ». Tous les jours, en effet, jusquà la fin, il emmène captive la captivité, recevant des dons pour les hommes. 29. Et comme il dirige ce char vers la fin, voilà que le Prophète continue en disant : « Le Dieu de notre salut nous assure une course heureuse, il est notre Dieu, le Dieu qui nous sauve 2 ». Il nous montre ici le prix de la grâce. Qui pourrait vivre, si Dieu ne nous guérissait? Mais de peur quon ne savise de dire : Pourquoi donc mourons-nous, si la grâce de Dieu nous donne le salut? aussitôt le Prophète ajoute : « Lassujettissement à la mort est la part du Seigneur-Dieu » ; comme sil disait : Pourquoi donc, ô homme, tindigner davoir une condition mortelle? Ton Dieu na pas eu dautre issue que la mort. Cest donc à toi de te consoler plutôt que de tindigner, car « le Seigneur aussi est assujetti à la mort. Or, cest par lespérance que nous avons le salut; et si nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous lattendons par la patience 3 ». Supportons donc aussi la mort avec patience, à lexemple de celui que nul péché ne rendait tributaire de la mort, et qui, tout Dieu quil était, bien que nul ne pût lui ôter la vie, quil ne la donnât de lui-même, a voulu passer par la mort. 30. « Toutefois le Seigneur brisera la tête de ses ennemis, il abattra le front superbe de ceux qui marchent dans leurs forfaits 4 » ; cest-à-dire, qui sélèvent avec jactance, qui senorgueillissent dans leurs
1. Ps. LXVII, 20. 2. Id. 21. 3. Rom. VIII, 24. 4. Ps. LXVII, 22,
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crimes, alors quils devraient shumilier et dire : « Seigneur, ayez pitié de moi, qui suis un pécheur ». Mais il brisera leur tête, « car celui qui sélève sera humilié 1 ». Ainsi, bien que la mort soit aussi le partage du Seigneur, cependant ce même Seigneur, parce quil est Dieu, est mort selon la chair, volontairement et non par nécessité. « Il brisera la tête de ses ennemis »; non-seulement de ceux qui insultaient au crucifié, et lui disaient en branlant la tête : « Sil est le Fils de Dieu, quil descende de la croix »; mais la tête de tous ceux qui sélèvent contre sa doctrine, et qui raillent sa mort comme celle dun homme. Car celui-là même dont il a été dit : « Il a sauvé les autres et ne peut se sauver lui-même 2, est le Dieu de notre vie, le Dieu qui peut nous sauver » ; mais afin de nous donner une leçon dhumilité et de patience, et deffacer de son sang la cédule de nos péchés, il a voulu être lui-même assujetti à la mort, afin que cette mort ne fût plus pour nous une cause deffroi, mais bien celle dont il nous délivre eu mourant de la sorte. Toutefois celui-là qui meurt au milieu des insultes « brisera la tête de ses ennemis» dont il a dit : « Ressuscitez-moi, et je me vengerai deux 3 »; soit en leur rendant le bien pour le mal, quand il sassujettit nos têtes par la foi; soit en rendant la justice pour linjustice, quand il abat la tête des orgueilleux. Chacune de ces manières, en effet, brise la tête de ses ennemis, qui doivent secouer leur orgueil, soit en se corrigeant par lhumilité, soit en roulant dans les profondeurs de labîme. 34. « Le Seigneur dit: Je sortirai de Basan 4»; ou, comme on lit dans quelques manuscrits : « Je ferai sortir de Basan ». Or, cest lui qui nous change pour nous sauver, lui dont il est dit : « Il est le Dieu de notre salut, le Dieu qui nous sauve ». Cest à lui que lon dit ailleurs : « Changez-nous, ô Dieu des vertus, montrez-nous votre face et nous serons sauvés 5 » ; et ailleurs encore : « Changez-nous, ô Dieu de notre salut 6 ». Je sortirai de Basan, dit le Prophète. Or, Basan signifie confusion. Quest-ce donc que sortir de la confusion, sinon rougir de nos fautes et demander à Dieu quil nous les pardonne dans sa miséricorde? De là vient que le publicain nosait lever les yeux au ciel; il était
1. Luc, XVIII, 13, 14. 2. Matth, XXVII, 40, 42. 3. Ps. XL, 11. 4. Id. LXVII, 23. 5. Id. LXXIX, 20. 6. LXXXIV, 5.
dans la confusion en jetant les yeux sur lui-même; aussi descendit-il justifié 1, car le Seigneur a dit : « Je ferai sortir de Basan ». Basan signifie encore sécheresse, et il est bien de comprendre que cest le Seigneur qui nous délivre de la sécheresse ou de la disette. Tout pauvre, en effet, qui se croit dans labondance, qui croit regorger quand il est dans la disette, ne se convertit point. « Bienheureux, en effet, ceux qui omit faim et soif de la justice, parce quils seront rassasiés 2». Cest de cette pauvreté que le Seigneur nous délivre; car cest dans la sécheresse de lâme quon lui a dit : « Jai levé les mains vers vous, mon âme sans vous est comme une terre sans eau 3». Mais on peut dire avec raison, comme on lit dans certains manuscrits : « Je reviendrai de Basan ». Car il se tourne en effet vers nous, celui qui a dit: « Revenez à moi, et je reviendrai à vous 4» mais il ny revient que quand la confusion remet incessamment sous nos yeux notre péché 5, et que quand la sécheresse nous fait soupirer après la rosée de celui qui réserve une pluie fertile à son héritage. Car la sécheresse affaiblit cet héritage, qui est rétabli quand se retourne vers lui celui à qui il est dit : « En vous tournant vers moi, vous mavez rendu la vie 6 ». «Le Seigneur dit: « Je sortirai de Basan, je ferai sortir pour le fond de labîme ». Si « je les fais sortir », comment est-ce «pour le fond de labîme? » Car cest pour lui-même que le Seigneur nous fait sortir, ou opère notre conversion, quand il nous convertit dune manière salutaire, et ce nest point pour nous jeter dans les abîmes. Peut-être lexpression latine est-elle fautive, et aurait-elle dit le fond de labîme au lieu de profondément? Car ce nest point lui qui se tourne vers nous, mais il fait revenir à lui ceux que le poids de leurs péchés a plongés dans labîme de ce siècle; cest de là que revenait David quand il disait : « Du fond de labîme, jai crié vers vous, ô mon Dieu 7 ». Si lon ne traduit pas : « Je ferai sortir »; mais, « je sortirai pour les profondeurs de labîme », il faut comprendre en ce sens que le Seigneur promet de pénétrer par sa miséricorde les profondeurs de labîme, pour en délivrer les pécheurs les plus désespérés. Dans quelques manuscrits grecs, jai trouvé
1. Luc, XVIII, 13. 2. Matth. V, 6. 3. Ps. CXLII, 6. 4. Zach. I, 3. 5. Ps. L, 5. 6. Id, LXX, 20. 7. Id. CXXIX, 1.
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non plus, « dans le fond de labîme », mais, « dans les profondeurs », en buthois, ce qui confirme notre premier sens, cest-à-dire que le Seigneur ramène à lui ceux qui linvoquent du fond des abîmes. Et toutefois, il nest point contre la vérité dentendre par là que le Seigneur se tourne vers ces âmes pour les délivrer ; et il les ramène à lui, ou il se tourne pour les délivrer, de manière à teindre son pied dans le sang. Cest ce que dit le Prophète au Seigneur : « De manière que votre pied sera teint de sang 1»; cest-à-dire, que ceux qui se tournent vers vous, ou vers lesquels vous vous tournez pour opérer leur délivrance, fussent-ils au fond de la mer submergés sous le poids de leurs péchés, feront de tels progrès dans la grâce, puisque « cette grâce aura abondé où avait abondé le péché 2»; que parmi vos membres, ils deviendront votre pied pour aller prêcher lEvangile, et que, pour votre nom, endurant un long martyre, ils combattront jusquau sang. Cest là, je crois, la meilleure manière de comprendre ce pied teint de sang. 32. Il ajoute : « La langue de vos chiens le sera aussi du sang de vos ennemis 3 » : il appelle chiens ceux-là mêmes qui doivent combattre jusquau sang pour la foi en lEvangile, aboyant en quelque sorte pour leur Dieu. Il nentend pas ces autres chiens dont lApôtre a dit : « Evitez les chiens 4 », mais bien « ceux qui se nourrissent des miettes qui tombent de la table de leur maître ». La chananéenne, qui faisait cet aveu, mérita dentendre : « O femme, votre foi est grande, quil vous soit fait selon votre désir 5». Voilà des chiens à louer, et non à détester; ils sont fidèles à leur maître, et défendent sa maison en aboyant contre les voleurs. Le Prophète ne dit pas seulement « des chiens », mais « de vos chiens » ; et ce nest point leurs dents, mais leur langue quil trouve louable : car ce nest point sans raison, ni sans un grand mystère, que Gédéon reçut lordre de ne conduire avec lui que les soldats qui lécheraient leau du fleuve, à la manière des chiens; et que dans une si grande multitude il ne sen trouva que trois cents de semblables 6. Dans ce nombre, en effet, nous retrouvons le signe de la croix, à cause de la lettre grecque qui, dans les nombrés,
1. Ps. LXVII, 21. 2. Rom. V, 20. 3. Ps. LXVII, 24. 4. Philip. III, 2. 5. Matth. XV, 28. 6. Juges, VII, 5, 6.
signifie trois cents. Cest de semblables chiens quil est dit dans un autre psaume: « Ils se changeront vers le soir, et souffriront de la faim comme des chiens 1». Si quelques chiens, en effet, ont encouru le blâme dIsaïe, ce nest point parce quils étaient chiens, mais parce quils aimaient à dormir, et ne savaient plus aboyer 2. Il nous montre par là que si ces chiens veillaient et aboyaient dans lintérêt de leur maître, ils seraient des chiens dignes déloges, comme le seront ceux dont il est dit: « Il en est de même de la langue de vos chiens ». Toutefois le Prophète a prédit que dennemis ils deviendraient tels par cette admirable conversion dont il a déjà parlé. Aussi le psaume dit-il que « vers le soir ils « se convertiront, et souffriront de la faim comme des chiens ». Et comme si nous lui demandions doù leur viendra cet avantage, de devenir les chiens de celui dont ils étaient auparavant les ennemis, il nous répond : « Cest de lui-même ». Voici, en effet, ce que nous lisons: « La langue de ceux qui, dennemis, sont par vous, vos chiens ». Cest-à-dire par votre amour, par votre miséricorde, par votre grâce. Comment, en effet, lauraient-ils pu par eux-mêmes? Quand nous étions ennemis, nous avons été réconciliés à Dieu par la mort de son Fils 3 : cest pour cela que le Seigneur prit la mort pour son partage. 33. « O Dieu, vos traces ont été vues ». Vos pas, quand vous veniez dans le monde, comme pour parcourir lunivers entier, sur ce char de triomphe; ces mêmes pas qui sont les fidèles et les saints, et quil appelle nuées dans lEvangile, quand il dit: « Un jour vous verrez le Fils de lhomme venant sur les nuées 4 ». Or, à lexception de cet avènement où il paraîtra juge des vivants et des morts 5, et qui lui fait dire : « Vous verrez un jour le Fils de lhomme venant sur les nuées; vos démarches ont été vues », cest-à-dire ont été manifestées, et la grâce du Nouveau Testament a été révélée. De là vient quil est dit: « Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent les biens 6! » Cette grâce, en effet, et ces démarches étaient cachées dans lAncien Testament: mais quand les jours ont été accomplis, et quil a plu à Dieu de révéler son
1. Ps. LVIII, 15. 2. Isaïe, LXVI, 10. 3. Rom. V, 10. 4. Matth, XXVI, 64; Marc, XIII, 26. 5. II Tim. IV, 1. 6. Rom. X, 15
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Fils, et de le faire prêcher aux nations 1, « vos pas ont été vus, ô Dieu : les pas de mon Dieu, du roi qui est dans son sanctuaire ». Dans quel «sanctuaire», sinon dans son temple? « Or, le temple de Dieu est saint», dit lApôtre, « et vous êtes ce temples ». 34. Mais afin que ces démarches fussent plus visibles , « voilà que les princes marchaient les premiers, accompagnés des symphonistes, et au milieu des jeunes filles frappant des tambours 3 ». Ces princes sont les Apôtres, ce sont eux qui ont marché en avant, appelant les peuples à leur suite. « Ils ont marché les premiers », prêchant la nouvelle alliance, « unis aux symphonistes », ou à ceux dont les bonnes oeuvres, devenant invisibles, étaient pour Dieu une louange semblable à une symphonie. Ces mêmes princes étaient « au milieu de jeunes filles qui frappaient des tambours», ou qui faisaient honneur à leur ministère; car les ministres qui gouvernent les nouvelles Eglises sont ainsi au milieu delles : ce sont en effet de jeunes filles qui bénissent Dieu dans une chair domptée ; et tel serait le sens de ces tambours, qui se forment dune peau sèche et étirée. 35. Aussi, de peur quon ne donne à tout cela un sens charnel, et quon ne voie dans ces paroles des choeurs érotiques, le Prophète ajoute: « Bénissez le Seigneur au milieu des Eglises ». Comme sil nous disait: Pourquoi ces jeunes filles qui frappent des tambours vous feraient-elles croire à des divertissements lascifs ? « Bénissez le Seigneur dans ses Eglises »; car ce sont des Eglises que nous désignent ces expressions symboliques; les églises sont de jeunes filles embellies dune grâce nouvelle; les églises frappent des tambours, et la chair châtiée est une spirituelle symphonie. « Bénissez donc Dieu dans vos assemblées, et le Seigneur aux sources dIsraël 4 ». Cest en effet de là quil a choisi ceux dont il a fait des sources. Car cest de là quil a choisi les Apôtres, ceux qui ont entendu tout dabord: « Celui qui boira de leau que je lui donnerai, naura jamais soif, mais elle deviendra en lui une fontaine deau jaillissante jusquà la vie éternelle 5 ». 36. « Là était le jeune Benjamin ravi en
1. Gal. IV, 4. 2. I Cor. III, 7. 3. Ps. LXVII, 26. 4. Id. 27. 5. Jean, IV, 13, 14.
extase 1». Là était Paul, le dernier des Apôtres, qui dit : « Pour moi, je suis enfant dIsraël, de la race dAbraham, de la tribu de Benjamins 2»; et tout à fait en extase, alors que le miracle si éclatant de sa vocation tenait les assistants dans la stupeur. Car lextase est le ravissement de lesprit : ce qui arrive quelquefois par une crainte excessive; parfois encore, par une révélation, alors que lesprit abandonne les sens corporels, afin de voir tout ce qui doit lui être démontré. Tel est le sens que lon pourrait donner à cette expression,en extase; parce quà cette parole, adressée du haut du ciel au persécuteur : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 3? » les yeux du corps furent privés de la lumière, et il répondait à Dieu, quil voyait des yeux de lesprit; quant à ceux qui étaient avec lui, ils lentendaient répondre sans voir à qui il sadressait. On peut encore dans cette extase entendre celle dont il parle, quand il dit quil connaît un homme élevé jusquau troisième ciel, sans savoir néanmoins si ce fut avec son corps ou sans son corps; mais quenfin il fut ravi au paradis et quil entendit des paroles ineffables, quil nest pas permis à lhomme de rapporter 4. « Les princes de Juda, les premiers entre tous, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali ». Comme il désigne les Apôtres sous le nom de princes, parmi lesquels se trouve « le jeune Benjamin dans son extase », paroles que chacun, sans hésitation, applique à saint Paul; ou bien comme sous ce nom de princes, il désigne tous ceux des différentes Eglises qui se distinguent et peuvent servir de modèles, on se demande pourquoi ces noms des tribus dIsraël? Sil nétait fait mention que de Juda, comme cest dans cette tribu que sont nés les rois, et même Jésus-Christ selon la chaire, nous serions portés à croire que cette tribu nous désigne les princes du Nouveau Testament : mais comme le Prophète ajoute: « Les princes de Zabulon, les princes de Nephtali », on est porté à croire quil y eut des Apôtres dans ces tribus, et non dans les autres. A la vérité, je ne vois point comment on prouverait cette opinion; mais comme je ne vois pas non plus comment on la réfuterait, et quil est question là des princes de lEglise, des chefs de ceux qui bénissent Dieu dans les
1. Ps. LXVII, 28. 2. Philip. III, 5. 3. Act. LX, 4-7. 4. II Cor. XII, 2-4. 5. Ps. LXVII, 28. 6. Rom. IX, 9.
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églises, je ne vois dans ce sens aucune absurdité; mais je préfère celui qui ressort de létymologie de ces noms. Ce sont en effet des noms hébreux, et Juda veut dire confession; Zabulon, la maison du courage; Nephtali, ma dilatation. Tous ces noms nous désignent les véritables princes des Eglises, dignes de nous conduire, dignes dêtre nos modèles, dignes de nos hommages. Dans lEglise, en effet, les martyrs tiennent le premier rang, et sont au faîte des honneurs. Or, dans le martyre, il y a dabord une confession, et la force dendurer tout ce quil faudra pour la soutenir; viennent ensuite les tourments, et après les tourments, la dilatation de lallégresse qui en est la récompense. On peut encore lentendre dans le sens des trois vertus que recommande lApôtre, la foi, lespérance et la charité 1 ; la confession est loeuvre de la foi, la force loeuvre de lespérance, et la dilatation loeuvre de la charité. Cest en effet par la foi que lon croit de coeur pour obtenir la justice, et que lon professe de bouche pour obtenir le salut 2. Or, pour celui qui est dans les tourments, la réalité est triste, mais lespérance donne des forces. Car, « si nous espérons ce que nous ne voyons point, nous lattendons par la patience 3 ». Quant à lallégresse, elle est le fruit de la charité répandue dans nos coeurs; car « la charité parfaite bannit la crainte 4 » : et cette crainte serait un tourment pour notre âme quelle jetterait dans linquiétude. Donc, « les princes de Juda marchent les premiers » de ceux qui bénissent le Seigneur dans tes assemblées. « Les princes de Zabulon, les « princes de Nephtali », les princes de la confession, de la force, de lallégresse; les princes de la foi, de lespérance et de la charité. 37. « Seigneur, déployez votre force ». Il ny a quun seul Jésus-Christ Notre-Seigneur, par qui toutes choses ont été faites , et nous sommes en lui 5 ; nous lisons quil est la Vertu de Dieu, la sagesse de Dieu 6. Or, comment Dieu peut-il déployer son Christ, sinon en le faisant connaître? « Dieu manifeste sa charité envers nous. Puisque cest quand nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous 7. Que ne nous « donnera-t-il point après nous lavoir donné 8? Déployez votre force, ô mon Dieu;
1. II Cor. XIII, 13. 2. Rom, X, 10. 3. Id. VIII,25. 4. I Jean, IV, 18. 5. I Cor. VIII, 6. 6. Id. I, 21. 7. Rom. V, 8. 8. Id. VIII, 32.
confirmez ce que vous avez fait en nous 1 ». Déployez en nous enseignant, confirmez en nous aidant. 38. « Dans votre temple qui est à Jérusalem, les rois vous offriront des présents 2 ». Dans votre temple et dans cette Jérusalem libre, qui est notre mère 3, et qui est aussi votre temple saint; dans ce temple donc « les rois vous offriront des présents ». Quels que soient ces rois, ou les rois de la terre, ou ces rois à qui le roi des cieux assigne un rang chez la colombe argentée, « ces rois vous offriront des présents ». Et quels présents vous seront plus agréables, que les sacrifices de louanges? Mais ces louanges éprouvent une dissonance de la part de ceux qui se nomment chrétiens, et ont une foi différente. Faites alors ce qui suit : « Réprimez les bêtes des roseaux 4 ». Car ce sont des bêtes, et leur inintelligence les rend nuisibles : ils sont les bêtes des roseaux, parce quils pervertissent le sens des Ecritures au profit de leurs erreurs. De même que par la langue on désigne souvent la parole, de même par roseaux on peut fort bien entendre les Ecritures; cest ainsi que dans lhébreu, le grec ou le latin, ou dans toute autre langue, on désigne leffet par le nom de linstrument. Il est dusage en latin de donner à lécriture le nom de style, parce que lon écrit avec le style; on peut donc appeler aussi roseau, ce que lon écrit avec le roseau. Lapôtre saint Pierre dit que ces hommes ignorants et légers détournent les Ecritures à des sens pervers, et pour leur propre ruine 5 : voilà ces bêtes des roseaux, dont il est dit ici : « Réprimez ces bêtes féroces des roseaux ». 39. Cest deux encore que le Prophète a dit: « Cest une troupe de taureaux parmi les génisses des peuples, afin que soient tirés dehors ceux qui sont éprouvés comme largent 6». Il les appelle taureaux à cause de leur orgueil, de leur cou raide et indocile; il désigne ainsi les hérétiques. « Ces génisses des peuples » doivent sentendre, selon moi, des âmes faciles à séduire, et qui suivent ces taureaux sans résistance. Ils ne séduisent point les peuples entiers, qui renferment des hommes stables et graves; de là ce mot des Ecritures : « Cest au milieu dune grave assemblée que je vous bénirai 7 »; mais ils séduisent
1. Ps. LXVII, 29. 2. Id. 30. 3. Gal. IV, 26. 4. Ps. LXVII, 31. 5. II Pierre, III, 16. 6. Ps. LXVII, 31. 7. Id. XXXIV, 18.
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les génisses quils rencontrent parmi ces peuples. « Il en est en effet parmi eux qui sinsinuent dans les maisons, qui emmènent après eux comme captives des femmes chargées de péchés, et entraînées par toutes sortes de désirs; qui apprennent toujours, sans parvenir à connaître la vérité 1». Cette autre parole de lApôtre : « Il faut des hérésies, afin quon reconnaisse ceux dentre vous qui ont une vertu éprouvée 2 », nous la retrouvons encore dans ce qui suit: « Afin que soient mis dehors ceux qui sont éprouvés par largent », cest-à-dire éprouvés par la parole du Seigneur. Car « la parole du Seigneur est une parole chaste, cest un argent éprouvé par le feu terrestre 3 ». Quils soient tirés dehors, est-il dit, quils soient visibles, quils apparaissent; ou, comme dit saint Paul, « quon les reconnaisse ». De là vient que dans largenterie, on appelle exclusores, ou tireurs dehors, ceux qui donnent la forme aux objets quils tirent dune masse en fusion. Il est en effet dans lEcriture bien des sens cachés, connus seulement de quelques esprits supérieurs; et lon ne sen sert jamais dune manière plus efficace et plus convenable que pour répondre aux hérétiques. Alors en effet ceux-là même que touche peu la doctrine, secouent leur sommeil, écoutent avec ardeur, et les hérétiques sont réfutés. Combien de sens na-t-on pas découverts dans les saintes Ecritures pour prouver contre Photius que le Christ est Dieu ! Combien pour prouver quil est un homme, contre Manès! Combien en faveur de la Trinité, contre Sabellius! Combien en faveur de lunité dans la Trinité, contre les Ariens, les Eunomiens, les Macédoniens! Combien en faveur de lEglise répandue dans lunivers entier, du mélange des bons et des méchants jusquà la fin des siècles, de leur impuissance à nuire aux bons en partageant les mêmes sacrements, contre les Donatistes, les Lucifériens et autres, sil en est encore, qui partagent leurs erreurs et séloignent de la vérité! Combien encore, contre tant dautres hérétiques, dont il serait trop long détablir ici la nomenclature, ou de faire mention, ce qui nest point nécessaire dans cet ouvrage! Les auteurs approuvés qui ont mis en relief tous ces sens, seraient demeurés inconnus, ou auraient moins de célébrité que ne leur en ont donné les contradictions de ces orgueilleux
1. II Tim. III, 6, 7. 2. I Cor. XI, 19. 3. Ps. XI, 7.
que lApôtre compare à des taureaux, cest-à-dire à des hommes rebelles et indociles au joug pacifique et doux de la discipline, quand il dit quil faut élire pour évêque, un homme « capable dexhorter par la saine doctrine, et de convaincre ceux qui la contredisent 1». Il en est beaucoup en effet dinsoumis; ce sont là ces taureaux dont le cou ne saurait supporter le joug, la charrue, lattelage : des hommes aux paroles vaines et qui séduisent les âmes; les âmes, le Prophète les appelle des génisses. Telle est donc lutilité que se propose la Providence divine quand elle permet que des taureaux sassemblent parmi les génisses des peuples, afin que soient tirés dehors, ou mis en évidence, ceux qui sont éprouvés comme largent. Car Dieu ne permet les hérésies, que pour manifester ceux qui sont éprouvés. Toutefois on pourrait comprendre encore : « Des taureaux se réunissent parmi les génisses des peuples, afin déloigner de ces génisses, ceux qui sont éprouvés comme largent ». Le but des docteurs hérétiques est en effet dexclure de la portée des âmes quils cherchent à séduire, cest-à-dire den éloigner, ceux qui sont éprouvés comme largent, et dès lors capables denseigner la parole de Dieu. Peu importe lun ou lautre sens que lon donne à cette expression; voici la suite: « Dispersez les nations qui veulent la guerre ». Car elles ne cherchent point à se corriger, mais bien à contredire. Le Prophète annonce donc quils seront plutôt dispersés eux-mêmes, ceux qui, loin de se corriger, sétudient à disperser le troupeau du Christ. Sil les appelle des nations, ce nest point que les familles sy reproduisent, mais cest à cause des sectes qui se perpétuent pour confirmer lerreur. 40. « Des envoyés viendront de lEgypte. LEthiopie préviendra sa main 2 ». Ces dénominations dEgypte et dEthiopie désignent les nations converties à la foi, cest la partie pour le tout; il appelle envoyés les prédicateurs de la réconciliation. « Nous sommes donc», dit saint Paul, « des ambassadeurs au nom du Christ, comme si Dieu vous exhortait par notre bouche; nous vous conjurons au nom du Christ de vous réconcilier à Dieu 3 ». Ce nest donc plus dIsraël seulement, où furent choisis les Apôtres, mais des autres nations quil sélèvera des prédicateurs
1. Tit. I, 9. 2. Ps. LXVII, 32. 3. II Cor. V, 20.
de la paix chrétienne: voilà ce qui est prédit en figure. Mais dire : « LEthiopie préviendra sa main », signifie, elle préviendra sa vengeance : cest-à-dire, en se tournant vers lui, afin dobtenir la rémission des fautes, et de nencourir point lobstination, en demeurant dans le péché. Cest ce qui est dit dans un autre psaume : « Prévenons sa face par des hymnes dallégresse 1 ». De même que « sa main » signifie sa vengeance, « sa face » désigne sa présence et son apparition, qui aura lieu au jugement. Comme donc il a entendu par lEgypte et lEthiopie, les peuples de lunivers entier; voilà quil ajoute: « A Dieu les royaumes de la terre ». Ce nest donc point à Arius, ni à Sabellius, ni à Donat, ni aux autres taureaux à la tête haute, mais « à Dieu, quappartiennent les royaumes de la terre 2 ». 41. Plusieurs manuscrits latins, et principalement les grecs, séparent ces versets de manière à ne pas dire dans le même verset : « A Dieu les royaumes de la terre »; mais « à Dieu » est à la fin dun verset. Il faut lire : « LEthiopie préviendra la main pour Dieu», et dans le verset suivant : « Royaumes de la terre, chantez le Seigneur, faites résonner vos harpes en lhonneur de Dieu ». Cette distinction, daccord avec un plus grand nombre de manuscrits et plus recommandable par lautorité, est sans doute préférable, et me semble prêcher la foi qui précède les bonnes oeuvres; car limpie est justifié par la foi sans aucun mérite de bonnes oeuvres , comme le dit lApôtre: « A lhomme qui croit en celui qui justifie limpie, la foi est imputée à justice 3 », en sorte que la foi commence, ensuite les oeuvres de la charité. Car on ne peut appeler bonnes oeuvres que celles qui viennent de lamour de Dieu. Mais il faut que la foi les précède, afin que les oeuvres viennent de la foi, et non pas que la foi vienne des oeuvres, car nul homme ne peut agir par amour de Dieu, si dabord il ne croit en Dieu. Telle est la foi dont il est dit : « En Jésus-Christ, ni la circoncision, ni lincirconcision ne servent de rien, mais la foi qui agit par la charité 4 ». Telle est la foi dont il est dit à lEglise elle-même dans les cantiques « Tu viendras, tu passeras outre par linitiative de la foi 5 ». Elle est venue comme le char de Dieu, environnée de myriades qui applaudissaient, suivant
1. Ps. XCIV, 2. 2. Id. LXVII, 33. 3. Rom. IV, 5. 4. Gal. V, 6. 5. Cant. IV, 8, suiv. les Septante.
une route favorable, et passant de ce monde à son Père 1, afin que saccomplit en elle cette parole de lEpoux lui-même, qui passa de ce monde au Père : « Je désire que « là où je suis, eux-mêmes soient avec moi 2 », mais par linitiative de la foi. Comme la foi doit donc précéder, afin que les bonnes oeuvres viennent ensuite, et quil ny a de bonnes oeuvres que celles qui suivent la foi; ces paroles : « LEthiopie préviendra la main pour Dieu », ne paraissent avoir dautre sens que celui-ci : LEthiopie croira en Dieu. Cest ainsi quelle préviendra sa main, ou ses oeuvres. La main de qui, sinon de lEthiopie? Il ny a dans le grec aucune ambiguïté à cet égard; car le mot « sa», qui est du féminin, ne laisse aucun doute. Ainsi ces paroles nauraient dautre sens que celui-ci : « LEthiopie étendra dabord ses mains vers Dieu», cest-à-dire fera précéder ses uvres par sa croyance en Dieu. « Jestime», dit lApôtre, «que lhomme est justifié par sa croyance en Dieu sans les oeuvres de la loi. Dieu nest-il que le Dieu des Juifs? Nest-il pas aussi le Dieu des nations 3? » Ainsi donc lEthiopie, qui parait être la dernière des nations, sera justifiée par la foi sans les oeuvres de la loi. Car elle ne se glorifie point des oeuvres de la loi pour être justifiée; elle ne met pas ses mérites avant sa foi, mais sa foi avant ses mérites. Dans plusieurs manuscrits, on ne lit point « ses mains», mais « sa main», ce qui a la même valeur, car cela sentend toujours des oeuvres. Jaimerais mieux que lon eût traduit en latin : « LEthiopie étendra dabord ses mains, suas, ou sa main, suam, vers le Seigneur », cela serait plus clair quavec ejus, et cela serait possible sans blesser la vérité, puisque dans le grec le pronom autes, delle, ne signifie pas seulement ejus , mais encore suam ou suas; suam si cest la main, suas si lon dit les mains. Cette expression du grec Xeira autes, que nous lisons dans plusieurs manuscrits, peut se dire de sa main; cette autre, qui est rare dans les manuscrits grecs, Xeiras peut se rendre en latin par les mains delle, manus ejus, ou par manus suas, ses mains. 42. Après avoir parcouru dans sa prophétie, tout ce que nous voyons accompli déjà, le Prophète nous exhorte à bénir le Christ, dont il nous prédit le futur avènement.
1. Jean, XIII, 2. Id. XVII, 21 3. Rom. III, 18, 29.
400
« Royaumes de la terre, chantez le Seigneur, bénissez-le sur vos instruments, chantez le Seigneur qui sélève par-dessus le ciel des cieux, à lOrient 1 » ; ou, comme on lit dans quelques manuscrits : « Qui sélève sur le ciel du ciel à lOrient ». Ces paroles ne désignent point le Christ pour celui qui ne croit ni à sa résurrection, ni à son ascension. Et quand le Seigneur ajoute: « A lOrient », nest-ce point pour désigner le lieu même de cette résurrection et de cette ascension, qui seffectuèrent dans les pays orientaux? Il est donc assis par-dessus le ciel du ciel, à la droite de son Père. Voilà ce qua dit lApôtre: « Cest lui qui est monté par-dessus tous les cieux 2 ». Que peut-il y avoir encore des cieux, après le ciel du ciel? Nous pouvons aussi dire les cieux des cieux, comme le firmament fut appelé ciel 3 : et cependant au lieu de ciel, nous lisons les cieux, dans ces paroles: «Et que les eaux qui sont par-dessus les cieux bénissent le Seigneur 4 ». Et comme cest de là que le Christ doit venir pour juger les vivants et les morts, voyez ce qui suit: « Voici quil fera entendre sa voix, la voix de la force ». Celui qui sera « sans voix comme lagneau devant celui qui le tond 5,voilà quil fera retentir sa voix» : non pas la voix de la faiblesse, comme sil devait être mis en jugement; mais « la voix de la force », comme il convient à un juge. Il ne sera plus comme auparavant un Dieu caché, qui nouvre point la bouche devant le tribunal des hommes; mais « Dieu, notre Dieu viendra dune manière visible, et ne se taira point 6», Pourquoi perdre lespoir, ô infidèles? pourquoi vos sarcasmes? Que dit le mauvais serviteur: « Voilà que mon maître tarde à venir 7? Voilà «que le Seigneur fera entendre sa voix, la voix de la force». 43. « Rendez gloire au Dieu dont la magnificence éclate en Israël 8 ». Ce qui a fait dire à lApôtre: « Et à lIsraël de Dieu 9. Car
1. Ps. LXVII, 33, 31. 2. Ephés. IV, 10. 3. Gen; 1, 8. 4. Ps. CXLVIII, 4. 5. Isaïe, LIII, 7. 6. Ps. XL1X, 3. 7. Luc, XII, 45. 8. Ps. LXVII, 35. 9. Gal. VI, 16.
tous ceux qui viennent dIsraël ne sont point pour cela israélites 1 »; puisquil y a aussi un Israël selon la chair. De là cette parole de lApôtre : « Voyez Israël selon la chair 2. Ceux qui sont enfants dAbraham selon la chair, ne sont point pour cela enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont réputés enfants dAbraham 3 ». Ainsi donc « la gloire se montrera en Israël » dans son plus vif éclat, quand il ny aura plus dans son peuple aucun mélange de méchants, quand il sera comme une masse de froment purifiée par la ventilation 4, comme cet Israël qui est sans déguisement 5, « et sa vertu sera sur les nuages». Car il ne viendra point seul pour juger, mais il viendra « avec les anciens de son peuple 6 », à qui il a promis quils sassiéront sur des trônes pour juger 7, et qui doivent juger les Anges eux-mêmes 8. Voilà ces nuages. 44. Enfin, de peur quon ne donne à ces nuages une autre signification, le Prophète ajoute: « Le Seigneur est admirable dans ses saints, le Dieu dIsraël 9 ». Cest alors, en effet, que se vérifiera dans sa plénitude cette expression dIsraël, ou qui voit Dieu: « Car nous le verrons tel quil est 10 » . « Béni soit le Seigneur; cest lui qui donnera la vertu et la force à son peuple » aujou1dhui faible et fragile. « Car aujourdhui nous portons notre trésor dans des vases de terre 11». Alors, par une heureuse transformation dans notre corps: « Il donnera la force et le courage à son peuple. Et ce corps qui est semé dans linfirmité, se relèvera dans la force 12». Il nous donnera donc la force quil nous a promise dans sa chair, et que lApôtre appelle : « La vertu de la résurrection 13 », une force capable de détruire la mort, notre ennemie 14 ». Nous aussi, en finissant, avec le secours de Dieu, ce psaume long et difficile à comprendre, écrions-nous: « Dieu soit béni». Ainsi soit-il.
1. Rom. IX, 6. 2. I Cor. X, 18. 3. Rom. IX, 8. 4. Matth. III, 12. 5. Jean, I, 47. 6. Isaïe, III, 14. 7. Matth. XIX, 28. 8. I Cor. VI, 3. 9. Ps. LXVII, 36. 10. I Jean, III, 2. 11. II Cor. IV, 8. 12. I Cor. XV, 43. 13. Philip. III, 10. 14. I Cor. XV, 26.
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