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DISCOURS SUR. LE PSAUME LXIX.SERMON POUR UNE FÊTE DE MARTYRS.LE CHANT DES MARTYRS.
Les martyrs ont dû souffrir dans leur corps et dans leur foi; et ceux qui font partie de lEglise ou du corps de Jésus-Christ doivent souffrir de quelque façon. Le démon, qui était lion quand il persécutait, est aujourdhui serpent et nous persécute par les scandales, surtout de la part des chrétiens. Il est enchaîné dans le coeur des impies, il sévit par le scandale. Tous donc doivent subir lépreuve, tous ont besoin du secours de Dieu. Honte à ceux qui recherchent la vie du Christ pour lopprimer, qui nourrissent la haine contre lui. Que tous marchent docilement à sa suite ; quils ne cherchent pas les applaudissements des flatteurs, qui les perdraient. Gloire à Dieu toujours, et à lui seul. Oublions le passé, allons toujours en avant.
1. Béni soit le grain de froment qui a voulu mourir afin de se multiplier 1 : béni soit le Fils de Dieu, Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur, qui na pas dédaigné de subir la mort pour nous rendre dignes de vivre en lui. Il était seul jusquà son passage, ainsi que la chanté le Psalmiste : « Me voilà seul jusquà ce que jaie passé 2 » : car cétait un grain à part, mais qui portait en lui le germe dune grande multitude; et dans combien dautres grains chantons-nous sa louange, quand nous célébrons les fêtes des martyrs qui ont souffert comme lui ? Ses membres si nombreux sont donc unis par les liens de la paix et de la charité à notre Sauveur, qui est notre chef unique, et ne forment quun seul homme, comme vous le savez pour lavoir si souvent entendu : et souvent leur voix retentit dans les psaumes comme la voix dun seul homme, et le cri de lun est comme le cri de tous, parce que tous ne sont quun en un seul. Ecoutons donc les travaux des martyrs, et les dangers quils ont courus en ce monde, dans louragan de toutes les haines; dangers non-seulement pour ce corps quils devaient toujours quitter, mais dangers pour leur foi. Car ils pouvaient céder aux douleurs atroces de la persécution ou à lamour de la vie, et cette défaillance leur eût fait perdre tes promesses de Dieu, qui les avait prémunis contre la crainte par ses paroles et par son exemple par ses paroles, en disant : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, mais qui ne
1. Jean, XII, 25. 2. Ps. CXL, 10.
peuvent tuer lâme 1 »; par ses exemples, en accomplissant lui-même ses prescriptions, alors quil névitait ni ceux qui le frappaient, ni ceux qui lui donnaient des soufflets, ni ceux qui lui crachaient au visage, ni ceux qui le couronnaient dépines, ni ceux qui le faisaient mourir sur la croix. Lui qui ne méritait rien de tout cela, a voulu lendurer pour ceux qui le méritaient; il se donnait comme un remède à leur maladie. Les martyrs ont donc souffert; mais ils eussent défailli, sans le secours de celui qui a dit: « Voilà que je suis avec vous jusquà la consommation des siècles 2». 2. Ce psaume est donc le cri de ceux qui souffrent et par conséquent des martyrs qui sont en danger au milieu de leurs douleurs, mais qui mettent leur confiance dans leur chef. Ecoutons-les, unissons-nous à eux, parlons avec eux, du moins par les sentiments du coeur, sinon en souffrant de la même manière. Pour eux, ils ont reçu la couronne, tandis que nous sommes au milieu dus périls: non que nous ayons à subir les persécutions quils endurèrent, mais les persécutions plus dangereuses peut-être de tous les scandales. Car ils sont plus multipliés de nos jours, que quand le Seigneur sécriait: « Malheur au monde, à cause des scandales, et comme liniquité abonde, la charité se refroidit chez plusieurs 3 ». Personne à Sodome ne faisait subir à Loth une persécution corporelle 4; nul ne lempêchait dy
1. Matth. X, 28. 2. Id. XXVIII, 20. 3. Id. XVIII, 7, et XXIV, 12. 4. Gen. XIX, 39.
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habiter. Pour lui toute persécution était dans les moeurs corrompues des Sodomites. Ainsi, depuis que le Christ est assis dans les cieux, depuis quil est glorifié, que les rois ont courbé la tête sous son joug, quils ont incliné leur front devant son signe, et quil ne reste personne qui ose publiquement insulter le Christ, nous nen gémissons pas moins au milieu des symphonies et des mélodies; et les ennemis des martyrs, impuissants à les poursuivre de leurs cris et du glaive, les poursuivent de leurs vices. Plût à Dieu que nous neussions à souffrir que des païens! nous nous consolerions en attendant que la croix du Sauveur vint marquer ces hommes quelle na point touchés encore, et que sa puissance vint enchaîner leur fureur. Mais nous en voyons qui portent sur leur front le signe du Christ, porter sur ce même front limpudence de la luxure, qui insultent plus quils nhonorent les martyrs aux jours de leur solennité. Voilà ce qui nous fait gémir, ce qui est pour nous une persécution, pour peu que nous ayons de cette charité qui sécrie « Qui donc est faible sans que je sois faible avec lui; qui est scandalisé sans que je brûle 1 ? » Nul serviteur de Dieu nest donc sans persécution ? elle est vraie cette parole de lApôtre e Aussi tous ceux qui veulent e vivre avec piété en Jésus-Christ, souffriront « persécution 2». Cherchons-en lorigine, cherchons-en la manière, car le diable a deux formes. Cest un lion qui bondit, un dragon qui tend des embûches. Que ce lion nous menace, il est un ennemi; que ce dragon nous tende tin piége, il est encore un ennemi. Quand serons-nous eu sûreté? Tous auront beau devenir chrétiens, le diable deviendra-t-il chrétien à son tour? une cesse de nous tenter, il est sans cesse- en embuscade. Il est enchaîné,garrotté dans le coeur des impies, de peur quil ne sévisse contre lEglise et ne la tourmente selon ses désirs. Lhonneur rendu à lEglise, la paix des chrétiens, voilà ce qui fait grincer des dents à limpie; impuissant à sévir contre elle, il a recours aux danses, aux blasphèmes, aux impudicités, non pour frapper les corps des chrétiens, mais pour déchirer les âmes. Elevons donc une voix unanime, et répétons ces paroles : « O Dieu, soyez attentif à me secourir 3». Car dans ce monde nous avons besoin dun secours incessant.
1. II Cor. XI, 29. 2. II Tim. III, 12. 3. Ps. LXIX, 2.
Quand ce besoin cessera-t-il? Maintenant toutefois, que nous sommes dans langoisse, disons surtout: « O Dieu, soyez attentif à me secourir ». 3. « Quils soient couverts de honte et de confusion, ceux qui recherchent ma vie 1». Cest le Christ qui parle; quil parle comme chef, quil parle dans son corps mystique, linterlocuteur est le même qui a dit : « Pourquoi me persécutez-vous 2? » Cest lui qui a dit en effet: « Tout ce que vous avez fait au moindre des miens, cest à moi que vous lavez fait 3 ». Vous connaissez donc la voix de cet homme, de lhomme tout entier, du chef et des membres; il est inutile de la signaler bien souvent, puisque vous la connaissez. « Quils soient couverts de honte et de confusion », dit le Christ, « ceux qui en veulent à ma vie ». Il a dit dans un autre psaume: « Je regardais à droite, et je voyais que nul ne me connaissait; la fuite métait fermée, et nul nétait là pour rechercher ma vie 4 ». Ici donc il dit de ses persécuteurs que nul ne cherche sa vie; et dans notre psaume, il appelle la honte et la confusion sur ceux qui recherchent sa vie. Il se plaignait quon ne le cherchât point pour limiter; il gémissait de ce quon le cherchât pour lopprimer. Cest chercher la vie du juste, que penser à limiter; cest chercher encore la vie du juste, que songer à le tuer. Comme donc on peut chercher la vie du juste en deux manières, chacnn de ces psaumes nous exprime lune de ces manières. Dans lun, il se plaint que lon ne recherche point sa vie , pour souffrir comme lui ; mais il dit ici : « Quils soient couverts de honte et de confusion, ceux qui cherchent ma vie ». Sils cherchent cette vie, ce nest point pour en avoir deux; puisquils ne recherchent point cette vie comme le voleur cherche la tunique du voyageur; il ne tue que pour voler et posséder. Mais quiconque poursuit pour tuer, ôte la vie, et ne sen revêt point. ils cherchent donc na vie, parce quils veulent me tuer. Et toi, quappelles-tu sur eux? « Honte et confusion ». Que devient alors cette parole que tu as apprise de la bouche de ton Seigneur : « Auriez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent 5?» Te voilà persécuté, et maudissant
1. Ps. LXIX, 3. 2. Act. IX, 4. 3. Matth. XXV, 40. 4. Ps. CXLI, 5. 5. Matth. V, 44.
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ceux qui te persécutent, comment prends-tu pour modèle ton Seigneur qui a tant souffert et qui, sur la croix, sécriait : « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce quils font 1? » A ce langage le martyr peut répondre et dire : Tu me proposes un modèle dans le Seigneur qui dit-: « Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce quils font » ; reconnais ma voix, afin quelle soit aussi la tienne. Quai-je dit de mes ennemis? « Honte et confusion sur eux ». Telle est la vengeance que Dieu a exercée sur les persécuteurs des martyrs. Ce même Saul qui persécutait Etienne a été couvert de honte et de confusion. Il respirait le carnage, il cherchait ceux quil pouvait saisir pour les livrer à la mort; il entend cette parole den haut « Saul, Saul, pourquoi me persécuter? » Il est renversé, couvert de honte, et ce persécuteur acharné se relève pour obéir 2. Voilà ce que les martyrs appellent sur leurs persécuteurs : « Honte et confusion ». En effet, sils ne sont sous le poids de la honte et de la confusion, ils défendront inévitablement leurs actions : ils se font en eux-mêmes une gloire de saisir, de garrotter, de frapper, de tuer, de danser, dinsulter : quils rougissent donc une fois de tels actes, quils en soient confus. Sils rougissaient, ils se convertiraient; car ils ne peuvent se convertir que sous le poids de leur confusion et de leur honte. Faisons ces voeux pour nos ennemis; faisons-les en toute sûreté. Pour moi, je lai dit, et je le dis avec vous : oui, « honte et confusion » à ceux qui dansent, qui chantent, qui insultent aux martyrs : quun jour, dans ces murs, ils frappent leur poitrine avec confusion. 4. « Quils soient repoussés en arrière et quils rougissent, ceux qui cherchent à me nuire 3 ». Dabord cétait la violence des persécuteurs, maintenant cest la haine de ceux qui méditent le mal. Après les temps de persécution, lEglise a vu naître des temps bien différents. Ce fut dabord un choc violent contre cette Eglise, quand les rois la persécutèrent ; et comme ces attaques de la part des rois étaient prédites et quon devait y croire, une fois ce temps écoulé, un autre devait suivre. Ce temps qui devait suivre est donc arrivé; les rois ont embrassé la foi, la paix a été donnée à lEglise; cette Eglise a été comblée de dignités même sur la terre,
1. Luc, XXIII, 34. 2. Act. VII, 57; IX, 1, 4, 6. 3. Ps. LXIX, 4.
même en cette vie, et toutefois les persécuteurs ne laissent pas de frémir, ils roulent dans leurs pensées leurs projets dattaque. Cest dans ces pensées que le diable est enchaîné comme dans labîme : il frémit sans briser ses chaînes. Car le Prophète a dit de ces temps : « Le pécheur verra et frémira de colère ». Et que fera-t-il ? ce quil fit dabord? Saisis, enchaîne, frappe. Il ne le fait point. Que fera-t-il donc? « Il grincera des dents et séchera de rage 1». Cest contre ceux-là que sirrite le martyr, et néanmoins ce martyr prie pour eux. De même en effet quil appelait le bien sur ceux dont il disait : « Honte et confusion à ceux qui cherchent ma vie » ; de même encore : « Quils soient rejetés en arrière et quils rougissent, ceux qui méditent le mal contre moi ». Pourquoi? Afin quils ne marchent pas en avant, suais quils suivent avec docilité. Blâmer la religion chrétienne, et prétendre vivre selon ses propres lumières, cest vouloir marcher avant le Christ : comme si ce Christ eût été dans lerreur, ou quil eût été assez faible, assez impuissant pour vouloir mourir, ou pour être réduit à mourir entre les mains des Juifs : comme sil était bien courageux pour un homme déviter tout cela, de se détourner de la mort, de feindre la mort afin dy échapper, de tuer son âme, afin de vivre selon le corps; voilà ce que lon regarde comme les conseils de la force et de la prudence. Quiconque blâme ainsi le Christ, le précède, prend en quelque sorte le pas sur lui ; quil croie au Christ et le suive avec docilité. Car le Seigneur tint lui-même à Pierre le langage que tenait le Prophète dans ses souhaits contre les persécuteurs qui méditent le mal contre lui. Pierre en un certain endroit voulut précéder le Seigneur. Le Sauveur alors parlait de sa passion, et sil ne leût subie, nous ne serions point sauvés; et Pierre qui, un peu auparavant, avait proclamé le Fils de Dieu, dans cette confession fameuse qui lui valut le nom de Pierre, sur laquelle dut être bâtie lEglise, sécria quand le Seigneur parla de sa passion prochaine : « Point du tout, Seigneur, veillez sur vous, cela narrivera point ». Un peu auparavant: « Tu es bienheureux, Simon, fils de Jean », avait dit le Seigneur, « parce que ce nest ni le sang ni la chair qui tont révélé ceci, mais mon
1. Ps. CXI, 10.
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Père qui est dans le ciel » ; et tout à coup : « Va derrière moi, Satan ». Quest-ce à dire: « Derrière moi? » Suis-moi. Tu veux aller devant moi, tu veux me donner des conseils ; cest à loi plutôt de suivre les miens : voilà le sens de Va derrière moi, marche après moi. Il modère celui qui le précédait, et te replace en arrière; il lappelle Satan, parce quil a voulu prendre le pas sur le Seigneur. Tout à lheure il était « bienheureux», maintenant cest « Satan ». Pourquoi tout à lheure était il « bienheureux? » « Parce que ce nest « ni le sang ni la chair qui tont révélé ceci », dit le Sauveur, « mais mon Père qui est dans le ciel ». Pourquoi Satan maintenant ? « Parce que tu ne comprends pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est des hommes 1». Nous donc, qui voulons célébrer dignement les fêtes des martyrs, souhaitons dimiter les martyrs; ne cherchons point à précéder les martyrs, et nallons pas nous croire plus de prudence quils nen avaient, parce que rions avons évité les tourments quils endurèrent pour la justice et pour la foi, tourments quils furent loin déviter. « Quils soient donc rejetés en arrière et quils rougissent », ceux qui méditent le mal et nourrissent leurs coeurs de luxure. Quils entendent cette parole de lApôtre : « Quel fruit avez-vous jamais recueilli de ces actes qui vous font rougir maintenant 2? » 5. Quelle est la suite? « Quils fuient avec ignominie ceux qui me disent : Courage ! courage 3 ! » Il y a deux sortes de persécuteurs, ceux qui blâment et ceux qui flattent. La langue du flatteur est plus funeste que la main de lassassin; et lEcriture lappelle une fournaise. En parlant de la persécution, 1Ecriture a dit, à propos des martyrs mis à mort: « Elle les a éprouvés comme lor dans la fournaise, et les a reçus comme la victime de lholocauste 4». Or, écoutez cette ressemblance avec la langue des flatteurs. « Cest au feu que lon éprouve lor et largent; mais pour lhomme, lépreuve est la langue des flatteurs 5 ». Il y a donc feu dune part, et feu dautre part, et il te faut sortir victorieux de lun et de lautre. La réprimande ta brisé, et lu as été brisé dans la fournaise comme un vase dargile. La parole ta formé, et puis est venue lépreuve de la
1. Matth. XVI, 16-23. 2. Rom. VI, 21. 3. Ps. LXIX, 4. 4. Sag. III, 6. 5. Prov. XXVII, 21.
tribulation; ce qui a été formé a dû passer par la cuisson, et si la forme était irréprochable, le feu devait la consolider. Aussi le Christ a-t-il dit dans sa douleur : « Ma force sest desséchée comme largile 1». Car la douleur et la fournaise de la tribulation mont rendu plus fort. Mais si tu es assailli par les louanges et par les applaudissements des flatteurs, et que tu leur souries, achetant de lhuile et ne la portant pas avec toi, non plus que les cinq vierges folles 2; la bouche des flatteurs sera une fournaise qui te brisera. Mas nous ne pouvons rien sans cela; il nous faut et y entrer et en sortir; il nous faut encourir un certain blâme de la part des méchants, des hommes sans pudeur, et recevoir aussi les applaudissements des flatteurs : muais il faut également en sortir. Prions donc celui dont il est dit : « Que le Seigneur veille sur ton entrée et sur ta sortie 3 », afin que tu puisses y entrer tans déshonneur, et sans déshonneur en sortir. Car lApôtre a dit: « Dieu est fidèle, et il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces 4 ». Telle est pour toi lentrée. Il nest pas dit : Vous ne serez point tentés. Sans tentation il ny a pas dépreuves, et sans épreuve il ny a nul progrès. Que désire donc lApôtre? « Dieu est fidèle, et il ne permettra point que vous soyez tentés au-dessus de vos forces 4». Tu as entendu lentrée, écoute aussi la sortie : « Mais il ménagera dans la tentation une issue, afin que vous la puissiez supporter 5. « Quils fuient avec ignominie ceux qui me disent : Courage! courage ! » Pourquoi me louer? Quils louent le Seigneur. Qui suis-je pour être loué moi-même? Quai-je fait? Quy a-t-il en moi que je naie reçu? « Si tu las reçu », dit lApôtre, « pourquoi te glorifier comme si tu ne lavais pas reçu 6? Quils fuient donc avec ignominie ceux qui me disent: Courage ! courage ! » Cest une huile semblable qui a parfumé la tête des hérétiques 7, et ils nous disent : Cest moi, cest moi; on leur répond: Cest vous, Seigneur. Ils ont accueilli ces acclamations: « Courage! courage! » «Ce courage! courage!»les a entraînés, et ils sont devenus les guides aveugles des aveugles qui les suivaient 8. Cest à pleins poumons que lon crie à Donat ce que nous venons de chanter: «Courage ! couragel» guide
1. Ps. XXI, 16. 2. Matth. XXV, 3. 3. Ps. CXX, 8. 4. I Cor. X, 13. 5. Id. 6. Id. IV, 7. 7. Ps. CXL, 5 8. Matth. XV, 14.
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fidèle, guide illustre, Mais lui ne répond pas: « Quils fuient avec confusion ceux qui me disent: Courage! courage! » et il na point voulut les redresser, et leur faire dire au Christ: Guide fidèle, chef illustre. Et pourtant lApôtre, craignant les applaudissements des hommes qui le louaient véritablement dans le Christ, ne voulut point être loué à la place du Christ; et quand plusieurs disaient: « Moi je suis Paul» . « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous? » leur dit-il avec la liberté du Seigneur, « ou seriez-vous baptisés au nom de Paul 1? » Que ce soit donc là le refrain des martyrs même dans la persécution des flatteurs. « Quils fuient avec confusion, ceux qui me disent: Courage ! courage ! » 6. Et quarrivera-t-il quand ils seront repoussés, quand ils seront tous dans la confusion, soit ceux qui cherchent ma vie, soit ceux qui méditent le mal contre moi, soit ceux qui ont des desseins pervers, et dont une feinte bienveillance veut adoucir les coups que portera leur langue ? quand ils seront repoussés et couverts de confusion, quarrivera-t-il ? « Quils soient dans lallégresse, quils tressaillent en vous 2 » : non pas en moi, non plus en tel ou tel, mais bien en Celui qui les a faits lumière, alors quils étaient ténèbres. « Quils tressaillent en vous, quils soient dans lallégresse, tous ceux qui vous cherchent ». Autre est rechercher Dieu, et autre est rechercher les hommes. « Quils soient dans la joie ceux qui vous cherchent ». Donc ils ne seront pas dans la joie ceux qui se recherchent eux-mêmes, et que vous avez recherchés le premier, avant quils aient songé à vous rechercher. Cette brebis ne cherchait point encore son pasteur, elle errait loin du troupeau, quand le Christ est descendu pour elle, la recherchée, la reportée sur ses épaules 3. Pourrait-il, ô brebis, te mépriser quand tu le cherches. Celui qui le premier ta recherchée, alors que tu le méprisais et que tu ne le cherchais point? Comment donc enfin la rechercher Celui qui le premier ta recherchée, et ta reportée sur ses épaules? Fais ce quil a dit: « Celles qui sont mes brebis entendent ma voix et me suivent 4». Si donc tu cherches Celui qui ta cherché le premier, tu deviens sa brebis, tu entends la voix de ton pasteur et tu le suis ; vois ce quil ta montré
1. I Cor. I, 12,13. 2. Ps. LXIX, 5. 3. Luc, XV, 4, 5. 4. Jean, X, 3.
de lui-même, ce quil ta montré de son corps, afin que tu ne sois point trompé sur lui ni trompé sur lEglise, afin que nul ne te dise : Celui-ci est le Christ, quand ce ne serait point lui; ou bien: Voici lEglise, quand ce ne serait point lEglise. Il en est beaucoup en effet qui ont dit que le Christ navait point de chair, ou que le Christ nest point ressuscité dans son corps: garde-toi de suivre leurs voix. Ecoute la voix du véritable pasteur, qui se revêtit dune chair, pour courir après la chair qui était perdue. Il ressuscita et dit « Touchez et voyez, car un esprit na ni chair ni os, comme vous voyez que jen ai ». Cest devant toi quil se montre, suis sa voix. Il te montre aussi lEglise, afin que nul ne te puisse tromper en sappelant lEglise : « Il fallait», dit-il, « que le Christ souffrît et ressuscitât dentre les morts le troisième jour, et que lon prêchât en son nom la pénitence dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem 2 ». Telle est la voix du pasteur, garde-toi de suivre la voix des étrangers 3; le voleur nest pas à craindre pour toi, si tu suis la voix du pasteur. Mais comment la suivras-tu? Si tu ne dis à aucun homme, en applaudissant à ses propres mérites: « Courage, courage! » et si tu ne lentends point pour lapplaudir, de peur que lhuile des pécheurs ne parfume ta tête 4. « Quils tressaillent en vous, quils soient dans lallégresse, tous ceux qui vous cherchent, et quils disent ». Que diront-ils dans leurs jubilations ? « Gloire à Dieu à jamais ». Quils disent aussi, tous ceux qui sont dans lallégresse et qui vous cherchent. Que dire? Quils disent : « Gloire à Dieu à jamais, ceux qui aiment votre salut». Non-seulement, « gloire à Dieu », mais « gloire à jamais! » Tu étais égaré, tu errais loin de lui : il ta appelé: « gloire à Dieu ». Il ta soufflé la pensée de confesser tes fautes, tu les a confessées, il ten accorde le pardon: « gloire à Dieu». Voilà que tu commences à vivre dans la justice; et il me paraît juste quà ton tour tu sois glorifié. Il fallait bénir le Seigneur quand il te rappelait de tes égarements; il fallait le bénir encore quand il ta pardonné les fautes que tu confessais ; maintenant que tu as entendu sa parole et fait des progrès, que tu es justifié, que tu as atteint les suprêmes degrés de la vertu, il est bien juste pour toi de recueillir
1. Luc, XXIV, 39. 2. Id. 46. 3. Jean, X, 5. 4. Ps. CXI, 5.
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quelque gloire. « Quils disent: Gloire à Dieu à jamais ». Tu es pécheur, bénis-le, afin quil tappelle; tu confesses tes fautes, bénis-le, afin quil te lardonne; tu marches déjà dans la justice, bénis-le, afin quil te dirige; tu persévères jusquà la fin, bénis-le, afin quil te glorifie. « Gloire donc au Seigneur, toujours gloire ». Que tel soit le refrain des justes, le refrain de ceux qui cherchent le Seigneur. Quiconque ne tient pas ce langage ne le cherche point. Voilà: « Gloire à Dieu. Quils tressaillent en vous, quils soient dans lallégresse,ceux qui le cherchent, et quils disent: « Gloire au Seigneur à jamais, tous ceux qui aiment votre salut » : non pas leur salut, comme sils pouvaient se sauver eux-mêmes; non comme si le salut venait de lhomme et que lon pût être sauvé par lui : « Gardez-vous», est-il dit, « de mettre votre confiance dans les princes, dans les fils des hommes, en qui le salut nest pas 1». Pourquoi? « Le salut est loeuvre du Seigneur, et votre bénédiction est sur votre peuple 2 ». Donc « gloire à Dieu à jamais ». Quels hommes parlent ainsi ? « Ceux qui aiment votre salut ». 7. « Voilà que le Seigneur sera glorifié et toi ne le seras-tu jamais nulle part? Quelque peu en lui, nullement en moi-même; mais si toute ma gloire est en lui, cest lui qui sera glorifié, et pas moi. Mais ques-tu donc? « Pour moi je suis un pauvre, un indigent 3 ». Pour Dieu, il est riche, il nage dans labondance, il na besoin de rien. Voilà ma lumière; ce qui méclaire, cest que je mécrie : « Cest vous, Seigneur, qui allumerez mon flambeau; ô mon Dieu, vous éclairerez mes ténèbres 4. Cest Dieu qui délie les captifs; Dieu qui relève les blessés Dieu qui rend aveugles les sages; Dieu qui veille sur les prosélytes 5 ». Et toi donc ? « Moi je suis pauvre et indigent e. Je suis comme lorphelin ; et mon âme est comme une veuve dans la désolation et dans lisolement : je cherche du secours; et je confesse toujours mon infirmité. « Pour moi je suis pauvre et indigent ». Mes péchés mont été pardonnés, jai commencé à suivre les préceptes du Seigneur : et pourtant je suis encore pauvre et indigent. Pourquoi pauvre et indigent? « Parce que je ressens dans mes membres une autre loi qui résiste à la loi de mon esprit 6».
1. Ps. CXLV, 2, 3. 2. Id. III, 9. 3. Id. LXIX, 6. 4. Id. XVII, 29. 5. Id. CXLV, 7. 6. Rom. VII, 23.
Pourquoi pauvre et indigent ? Parce que, « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice 1 ». Jai encore faim, encore soit : Dieu diffère, mais ne refuse point de me rassasier. « Je suis pauvre et indigent : Seigneur, secourez-moi ». Cest par là quil a commencé : « O Dieu, soyez attentif à me secourir. Seigneur, secourez-moi ». On peut très-bien dire de Lazare quil fut secouru : ce pauvre, cet indigent, qui fut porté dans le sein dAbraham 2. Il est le symbole de lEglise de Dieu, qui doit sans cesse confesser quelle a besoin de secours. Voilà ce qui est vrai, ce qui est pieux. « Jai dit au Seigneur : Vous êtes mon Dieu ». Pourquoi? « Parce que vous navez pas besoin de mes biens 3 » . Il na nul besoin de nous, mais nous avons besoin de lui, cest pour cela quil est véritablement notre Seigneur. Car toi, tu nes pas pleinement le maître de ton serviteur: tous deux vous êtes hommes, tous deux vous avez besoin de Dieu. Si tu crois que ton serviteur a besoin de toi pour lui donner du pain, toi aussi tu as besoin de ton serviteur pour taider dans ton travail. Vous avez lun de lautre un besoin réciproque. Nul dentre vous nest donc complètement maître, nul complètement serviteur. Ecoute le vrai maître dont tu es le vrai serviteur : « Jai dit au Seigneur « Vous êtes mon Dieu». Pourquoi êtes-vous mon Seigneur? « Parce que vous navez nul besoin de mes biens ». Ques-tu donc, toi? « Moi je suis pauvre et indigent ». Voilà le pauvre, lindigent: que Dieu le nourrisse, que Dieu le soulage, que Dieu lui vienne en aide : « Seigneur», dit le Psalmiste, « secourez-moi». 8. «Vous êtes mon secours, mon Sauveur, ô mon Dieu; ne tardez point ». Vous êtes mon aide, mon libérateur : jai besoin de secours, aidez-moi; je suis dans lembarras, délivrez-moi. Nul autre que vous ne peut me tirer de cet embarras. Nous sommes enlacés dans les noeuds de soins divers ; de part et dautre nous sommes déchirés comme par des aiguillons et des épines, nous marchons dans létroit sentier; nous sommes arrêtés par les buissons: disons alors à Dieu: « Cest vous mon libérateur ». Celui qui nous a montré la voie étroite 4, me la fait suivre. Que cette parole, mes frères, soit toujours la nôtre. Si longtemps que nous ayons vécu ainsi, quels
1. Matth. V, 6. 2. Luc, XVI, 22. 3. Ps. XV, 2. 4. Matth. VII, 14.
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que soient nos progrès, que nul ne dise : Il me suffit, me voilà juste. Cest le langage de celui qui est resté en chemin, et qui ne sait point arriver. Il sarrête à lendroit où il dit : cela suffit. Ecoute lApôtre, à qui rien ne suffit ; vois comment il veut du secours jusquà ce quil arrive : « Mes frères », dit-il, «je ne pense pas avoir encore atteint mon but 1». De peur quils ne se croient arrivés, il leur dit encore : « Celui qui se flatte de savoir quelque chose ne sait pas même encore comment il faut le savoir 2». Que dit-il donc? « Mes frères, je ne pense pas avoir atteint mon but ». Il avait dit dabord : « Non que jaie déjà recueilli, ou que je sois parfait » ; et il continue : « Mes frères, je ne pense pas avoir atteint mon but ». Sil na rien recueilli, il est pauvre et indigent; sil nest pas encore parfait, il est pauvre et indigent. Il a raison de dire : « Seigneur, aidez-moi ». Mais il a une pensée, et une pensée plus élevée. Voyons toutefois ce quil dit : « Que celui qui a la puissance de faire infiniment plus que tout ce que nous demandons et tout ce que nous pensons 3». Voyez quil nest point arrivé, quil na pas atteint son but. Que dit-il donc? «Mes frères, je ne pense pas avoir atteint mon but; je sais uniquement que joublie ce qui est derrière moi, et pour mavancer vers ce qui est devant moi, je mefforce datteindre le prix auquel Dieu ma appelé den haut 4». Il court donc, et toi tu tarrêtes. Il dit quil nest point encore parfait, et tu te glorifies de ta perfection ! Honte à ceux qui te disent: « Courage ! courage ! » Honte à toi entre tous, puisque en toi-même tu te dis : « Courage ! courage! » Car se louer, cest se dire : « Allons ! courage ! » Quiconque sentend louer par les autres et accueille ces louanges, ne porte point son huile avec soi : son flambeau séteint, lEpoux lui fermera la porte 5. 9. Voilà brièvement, mes bien-aimés, les instructions du psaume, dans cette solennité des martyrs ; ainsi comprenons que les martyrs ont enduré une douleur corporelle; mais nous, de quelque paix que nous jouissions, il nous est nécessaire de subir une tribulation spirituelle ; il faut que parmi les scandales, et livraie, et la paille, cette masse
1. Philip. III, 13. 2. I Cor. VIII, 2. 3. Ephés. III, 20. 4. Philip. III, 12-14. 5. Matt. XXV, 3, 10. 6. Id, XIII, 20.
qui est lEglise exhale les gémissements, jusquà ce que vienne la moisson, jusquà ce que vienne le vanneur, jusquau jour où tout sera vanné une dernière fois, afin que le froment soit séparé de la paille, et placé dans les greniers 1. Mais en attendant, crions vers le Seigneur : « Je suis pauvre, indigent;ô Dieu, secourez-moi. Seigneur, vous êtes mon soutien, ne tardez pas ». Quest-ce à dire: «Ne tardez point ? » Beaucoup disent: Le Christ ne viendra de longtemps. Eh quoi donc! parce que nous lui disons : Ne tardez point, viendra-t-il avant le moment quil a fixé? Quel est le sens de ce voeu : « Ne tardez point? » Que son avènement ne me paraisse point trop tardif, Il vous paraît bien éloigné, mais il ne paraît pas éloigné à Dieu pour qui un millier dannées nest quun jour, ou trois heures de veille 2. Si tu nas la patience, ce temps te paraîtra long, et sil te paraît long, tu te détacheras de Dieu, tu ressembleras à ceux qui se fatiguèrent dans la solitude, et qui sempressèrent de demander à Dieu ces délices quil leur réservait dans la patrie ; et comme ils ne trouvaient point dans le voyage ces jouissances qui les eussent peut-être corrompus, ils murmurèrent contre Dieu, et retournèrent de coeur en Egypte 3: le corps en était sorti, le coeur y retournait, Loin de toi, ah ! loin de toi ces sentiments. Crains la parole du Seigneur qui dit : « Souvenez-vous de lépouse de Luth 4 ». Elle était en chemin, délivrée de Sodome, elle regarde en arrière ; elle demeura à lendroit où elle avait regardé : elle fut changée en statue de sel 5, afin de te donner la sagesse. Cest une leçon qui test donnée, afin que tu aies plus de courage, et que tu ne demeures pas follement en chemin. Considère celui qui y demeure, et va plus loin; considère celui qui regarde en arrière, et avec Paul, avance. toi vers celui qui est devant toi. Que signifie, ne pas regarder en arrière ? « Joublie », répond-il. « Ce qui est derrière moi ». Alors tu poursuivras la palme à laquelle tu es appelé den haut, et dont tu te glorifieras plus tard. Car le même Apôtre nous dit : « Il ne me reste quà attendre la couronne de justice, que le Seigneur, comme un juste juge, me donnera en ce grand jour 6 » .
1. Matth. III, 12. 2. Ps. LXXXIX, 4. 3. Exod. XVI, 2, et Act, VII, 39. 4. Luc, XVII, 32 5. Gen. XIX, 29. 6. II Tim. IV, 8.
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