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PREMIER DISCOURS SUR LE PSAUME LXX.PREMIÈRE PARTIE DU PSAUME.LA GRÂCE PAR LE CHRIST.
Le chrétien doit savoir quil nest rien que par Dieu. Saint Paul, tout pécheur quil était, fut justifié par la divine miséricorde ; tel est le don qui nous délivre il est gratuit, puisque nous ne méritons que le châtiment. Les fils de Jonadab obéirent aux prescriptions de leur père et Dieu les bénit. Jérémie se sert de leur exemple pour encourager le peuple à subir la captivité. Dailleurs nous devons servir un maître comme nous servirions le Christ, et nous sommes captifs sous la loi dii péché, depuis Adam qui fut le premier et en qui nous mourons tous, mais nous vivrons en Jésus-Christ par la foi. Le Seigneur nous délivre donc par sa justice, et cette justice deviendra la nôtre en demeurant en nous,sans que néanmoins elle nous soit propre. Mais ne nous élevons pas comme le pharisien au-dessus de celui qui ne la point reçue encore, et qui pourra nous surpasser, comme Paul en surpassa tant dautres. Cest la miséricorde de Dieu qui nous abrite contre sa colère. Cet homme qui demande la délivrance, cest lEglise qui demandera Ta patience à ce même Dieu, son protecteur dès sa jeunesse, qui chantera Dieu ici-bas et dans le ciel, qui parait un prodige dans 1a voie que le Christ a suivie avant nous, lui que lon a cru délaissé de Dieu. Honte à ceux qui compromettent notre âme par le découragement ! Dieu les confondra pour leur bien. Ajoutons à sa louange en le remerciant de ses dons invisibles. Renonçons au trafic ou à la gloire que lon tire de ses bonnes oeuvres, et à la lettre de la loi. Comme leau de la piscine, le peuple Juif fut troublé à lavènement du Christ, qui vint sajuster à nous pour nous ressusciter, tandis que la loi nétait que le bâton dElisée.
1. Dans toutes les saintes Ecritures, la grâce de Dieu qui nous délivrer se signale à notre attention afin de nous stimuler davantage. Voilà ce que chante le Prophète, dans le psaume dont nous voulons entretenir votre charité. Le Seigneur maidera, afin que jen conçoive une idée convenable, et que je vous lexplique aussi dune manière qui vous soit utile. Je suis en effet dominé par la crainte et par lamour de Dieu ;par la crainte, car il est juste; par lamour, car il est miséricordieux. « Qui pourrait en effet lui dire : Que faites-vous 1», sil condamnait linjuste? Combien est grande sa miséricorde, pour quil justifie linjuste ? De là vient que lApôtre, dans ce que vous venez dentendre, nous prêche la grâce: et cette prédication lui attirait linimitié des Juifs, qui sappuyaient sur la lettre de la loi, qui séprenaient de leur propre justice, et la vantaient. Cest deux que lApôtre a dit : « Je leur rends ce témoignage, quils ont le zèle de Dieu, mais non selon la science ». Et comme si nous lui demandions : Quest-ce quavoir le zèle de Dieu non point selon la science? il ajoute aussitôt : « Ne connaissant point la justice de Dieu, et voulant établir la leur, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu 2 ». Ils se glorifient de leurs oeuvres, dit-il, et se privent ainsi de la grâce; et comme
1. Sag. XII, 12. 2. Rom, X, 2, 3.
sils étaient pleins de confiance dans leur fausse santé, ils se dérobent au médecin. Cest contre ces présomptueux que le Seigneur avait dit: « Je ne suis point venu inviter les justes, mais les pécheurs à la pénitence. Ce ne sont point ceux qui se portent bien, mais les malades qui ont besoin du médecin 1». Toute la grande science dun homme est donc de savoir que de lui-même il nest rien, et que cest de Dieu et pour Dieu quil est tout ce quil peut être. « Quavez-vous », dit saint Paul, « que vous nayez point reçu; et si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier comme si vous naviez point reçu 2? » Telle est la grâce que nous prêche saint Paul : ce fut ainsi quil sattira linimitié des Juifs qui se glorifiaient de la lettre de la loi et de leur propre justice. Cest donc en nous prêchant cette grâce que lApôtre, dans le passage quon vient de nous lire, nous tient ce langage: « Pour moi, je suis le moindre des Apôtres, indigne même du nom dapôtre, parce que jai persécuté lEglise de Dieu 3. Mais Dieu ma fait miséricorde», ait-il dit ailleurs, « parce que jai agi dans lignorance nayant point la foi ». Et un peu plus loin : « Çest une vérité certaine, et digne dêtre reçue en toute soumission, que Jésus-Christ est venu dans ce monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier.
1. Matth. IX, 12, 13. 2. I Cor. IV, 7. 3. Id. XV, 9.
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Ny avait-il donc point de Pécheurs avant lui? Pourquoi dire alors : « Je suis le premier? » Jai devancé les autres, non par le temps, mais en malice. « Or », poursuit-il, « jai obtenu miséricorde, afin que je fusse le premier en qui Jésus-Christ fît éclater sa longanimité, et que je servisse dexemple à ceux qui croiront en lui, pour la vie éternelle 1 »; cest-à-dire, afin que tout homme inique, tout pécheur désespérant de lui même, sarmant en quelque sorte dun courage de gladiateur, résolu de suivre ses penchants, parce quil se croit damné sans ressource, jette les yeux sur lapôtre saint Paul, à qui Dieu a pardonné une telle cruauté, une si noire malice, et quil abjure son désespoir pour se retourner vers Dieu. Telle est donc la grâce que Dieu nous prêche dans ce psaume: parcourons-le, afin de voir sil en est ainsi, ou si je ne lui donne pas un sens étranger. Je crois en effet que cest là le sentiment qui y règne, et qui résonne dans presque toutes ses syllabes: cest-à-dire quil a pour objet de nous prêcher le don gratuit de la grâce de Dieu, qui nous délivre, malgré notre indignité, non point à cause de nous, mais bien à cause delle-même: et quand même je ne vous tiendrais point ce langage, et que je ne vous aurais point fait ce préambule, tout homme entrerait dans ce sentiment, pour peu quil eût dintelligence, et quil apportât son attention aux paroles de ce psaume. Le texte seul suffirait pour changer son opinion, sil eût été dun autre avis, et lamener à ce qui retentit dans le psaume. Quest-ce à dire? que nous placions en Dieu toute notre espérance, que par nous-mêmes nous ne présumions aucunement de nos forces; de peur quen nous attribuant ce qui vient de Dieu, nous ne perdions ce que nous avons reçu. 2. Le titre de notre psaume est comme dordinaire une inscription placée sur le seuil pour indiquer ce que lon fait dans la maison: « Pour David, psaume des fils de Jonadab, et « de ceux qui furent emmenés les premiers en captivité 2». Jonadab fut un homme dont Jérémie releva les vertus dans ses prophéties, et qui avait prescrit à ses enfants de ne point boire de vin, non plus que dhabiter dans des maisons, mais dans des tentes. Or, les fils demeurèrent dans les prescriptions de leur père, et méritèrent ainsi que le Seigneur les bénît 3.
1. I Tim. I, 13, 15, 16. 2. Ps. LIX, 1. 3. Jérém. XXXV, 6-10.
Ce nétait point le Seigneur, mais bien kur père qui avait fait ces prescriptions. Ils les acceptèrent néanmoins comme si elles émanaient de leur Dieu : car si le Seigneur navait pas enjoint de ne point boire de vin, et dhabiter sous des tentes, il avait toutefois ordonné aux enfants dobéir à leur père. Le fils ne doit donc refuser obéissance à son père, que quand le père lui commande contrairement à son Dieu. Car le père na plus alors le droit de sirriter de la préférence que lon donne à Dieu, sur lui. Mais quand le père commande ce que Dieu ne défend point, on doit lui obéir comme à Dieu, puisque Dieu a ordonné dobéir à un père. Dieu bénit donc les fils de Jonadab à cause de leur obéissance, et les opposa à son peuple rebelle, lui reprochant de nobéir point à son Dieu, tandis que les fils de Jonadab étaient fidèles aux prescriptions de leur père. Or, Jérémie, dans ce rapprochement, avait pour but de les préparer à être emmenés à Babylone, à ne point résister à la volonté de Dieu, et à nattendre de lavenir que la servitude. Telle est donc la couleur que lon a voulu donner au titre du psaume; aussi après avoir dit: « Des fils de Jonadab »,on ajoute: « Et des premiers qui furent emmenés en captivité », non que les fils de Jonadab aient été captifs, mais parce que lexemple de leur obéissance à leur père était proposé àceux qui allaient être emmenés captifs, afin quils comprissent que leur captivité était le châtiment de leur rébellion envers Dieu. Ajoutez à cela que Jonadab signifie le volontaire de Dieu. Quest-ce à dire volontaire de Dieu? Qui sert Dieu de plein gré. Quest-ce à dire volontaire de Dieu? « Seigneur, vos volontés sont dans mon âme, je chanterai vos louanges 1 ». Quest-ce à dire encore le volontaire de Dieu? « Je vous fais le sacrifice de ma volonté 2 ». Car si lenseignement des Apôtres avertit le serviteur dobéir à lhomme quun pour maître, non point comme par nécessité, mais de bon gré, et daffranchir son coeur, par un service volontaire, combien plus votre volonté doit être pleine, entière, affectueuse, quand il sagit du service de Dieu qui voit cette volonté ? Quun serviteur te serve à contre-coeur, tu peux bien voir sa main, son visage, sa présence, mais non découvrir son coeur. Et pourtant lApôtre leur dit : « Ne servez point sous le regard seulement »
1. Ps. LV, 12. 2. Id. LIII, 8.
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Quest-ce à dire, «sous le regard?» Quoi donc! mon maître va-t-il pénétrer la manière dont je le sers, pour me dire de ne point servir « à cause de son oeil? » Il ajoute: « Servez comme si vous serviez le Christ». Cet homme, votre maître, ne voit point, mais le Christ, votre Maître, vous voit. « Servez donc de coeur», dit lApôtre, « et dune pleine volonté 1 ». Tel fut Jonadab, ou plutôt, tel est le sens de son nom. Mais que signifient « ceux qui furent les premiers emmenés captifs? » Les Juifs furent emmenés en captivité une première, une seconde et une troisième fois. Mais le psaume ne parle ni pour ceux, ni de ceux qui furent emmenés les premiers : en discutant le psaume, en le sondant, en scrutant le sens de tous les versets, on voit quil a un tout autre sens, et quil ny est aucunement question de je ne sais quels hommes, qui, à telle invasion de leurs ennemis, furent, je ne sais à quelle époque, emmenés captifs de Jérusalem à Babylone. Mais que nous dit le psau nie, sinon ce que vous avez entendu à la lecture de saint Paul? Il nous prêche la grâce de Dieu; et il nous la prêche, parce que de nous-mêmes nous ne sommes rien : il nous la prêche, parce que tout ce que nous sommes, cest par la divine miséricorde, et que de nous-mêmes nous ne sommes que méchants. Pourquoi donc nous appeler « captifs? » et pourquoi ce mot de captivité doit-il nous signaler la grâce du libérateur ? LApôtre nous fait cette réponse : « Chez moi lhomme intérieur se plaît dans la loi de Dieu : mais je sens dans mes membres une loi contraire à la loi de lesprit, et qui me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres ». Te voilà donc réduit en captivité. Que dit alors le psaume? Ce que dit ensuite lApôtre: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur 2 ». Mais après lexplication du terme « captifs n, pourquoi « les premiers? » Cela devient clair, si je ne me trompe. Cest quauprès des fils de Jonadab toute désobéissance devient coupable. Or, cest la désobéissance qui nous a réduits en captivité, car Adam lui-même fut coupable de désobéissance. Aussi saint Paul a-t-il dit , et cest la vérité, « que tous meurent en Adam, en qui tous ont péché 3 ». Il est donc vrai que « les premiers furent emmenés en
1. Ephés. VI, 6, 7. 2. Rom. VII, 22-15. 3. Id. V, 12.
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captivité » : puisque « le premier homme est lhomme terrestre formé de la terre, le second est lhomme céleste, qui vient du ciel. Comme le premier fut terrestre, ses enfants sont terrestres; comme le second est céleste, ses enfants sont célestes. De même que nous avons porté limage de lhomme terrestre, portons aussi limage de Celui qui est dans le ciel ». Le premier homme nous a rendus captifs, le second nous délivrera de la servitude. « De même en effet que tous meurent en Adam, tous aussi vivront en Jésus-Christ 1 ». Mais ils meurent en Adam à cause de leur naissance charnelle, ils seront délivrés dans le Christ par la foi du coeur. Tu nétais pas libre de ne point naître dAdam, et tu es libre de croire au Christ. Autant donc tu voudras appartenir au premier homme, autant tu feras partie de la captivité. Et quest-ce à dire : Tu voudras appartenir? ou même tu appartiendras? Tu en fais partie déjà : crie donc: « Qui me délivrera de ce corps de mort 2? » Ecoutons ce même cri dans la bouche du Psalmiste 3. « Mon Dieu, jai crié vers vous, que ma confusion ne soit pas éternelle ». Déjà je suis dans la confusion, mais que ce ne soit pas éternellement. Comment serait-il exempt de confusion celui à qui lon dit: « Que vous revient-il de ces actes dont vous rougissez maintenant 3? » Comment donc pourrions nous échapper à la confusion éternelle? « Approchez-vous de lui, recevez sa lumière, et votre face naura point à rougir 4». Vous avez été dans la confusion en Adam ; retirez- vous dAdam, approchez-vous du Christ, et vous naurez plus à rougir. « Seigneur, cest en vous que jai mis mon espoir, je ne serai point confondu éternellement ». Si je suis confondu en moi-même, jamais en vous je ne serai confondu. 4. « Délivrez-moi dans votre justice et rachetez moi 5 ». Non point dans ma justice, mais dans la vôtre: en comptant sur la mienne, je serais au nombre de ceux dont il est dit : « Dans leur ignorance de la loi de Dieu, et leurs efforts pour établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu 6 ». Donc « en votre justice », et non dans la mienne. Quest-ce, en effet, que la mienne? Liniquité la précédée. Et quand je
1. I Cor. XV, 47-49, 22 2. Rom. VII, 24. 3. Id. VI, 21. 4. Ps. XXXIII, 6. 5. Id. LXX, 1. 6. Rom. X, 3.
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serai juste, ce sera par votre justice t car je ne serai juste que quand vous maurez donné la justice ; et cette justice ne sera la mienne quen demeurant en moi, puisquelle viendra de vous. Je crois, en effet, à celui qui justifie limpie, afin que ma foi me soit imputée à justice 1. Cette justice sera donc à moi, mais non comme si elle métait propre, comme si javais pu me la donner moi-même: ainsi que le croyaient ceux qui se glorifiaient dans la lettre de la loi, et qui dédaignaient la grâce. Car il est dit ailleurs « Jugez-moi, Seigneur, selon ma justice 2 ». Et le Prophète assurément ne se glorifiait point de sa propre justice. Mais rappelons-nous ce mot de lApôtre: « Quavez-vous que vous nayez point reçu 3 ?» Et parlez de votre justice, sans oublier que vous lavez reçue, et sans rien envier à ceux qui lont reçue. Le Pharisien aussi reconnaissait quil était redevable à Dieu, quand il disait : « Je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme le reste des hommes ». « Je vous rends grâces », très-bien; « de ce que je ne suis point comme le reste des hommes » : pourquoi? Te plairait-il dêtre bon, parce que les autres sont mauvais? Que va-t-il ajouter enfin? « Ils sont injustes, voleurs et adultères, tel quest ce Publicain ». Ce nest plus là se réjouir, cest insulter. Quant à lhumble captif, « il nosait lever les yeux au ciel, mais il frappait sa poitrine en disant « Seigneur, soyez-moi propice, car je suis un pécheur 4 ». Cest donc peu de reconnaître que le bien qui est en toi vient de Dieu, si tu ne veilles à ne point télever au-dessus de celui qui ne la point encore, et qui te devancera peut-être quand il laura reçu. Quand Paul lapidait Etienne », de combien de chrétiens nétait-il pas persécuteur? Et néanmoins après une fois converti, il surpassa ceux qui lavaient précédé. Dis donc à Dieu ce que tu entends dans le psaume: « Seigneur, jai mis en vous mon espoir, je ne serai point confondu éternellement. Délivrez-moi, rachetez-moi, dans votre justice », et non dans la mienne. « Inclinez votre oreille vers moi ». Cest là confesser sa bassesse. Dire: « Inclinez-vous vers moi », cest avouer que lon ressemble ami malade qui est couché devant le médecin qui est debout. Vois enfin que cest
1. Rom. IV, 5. 2. Ps. VII, 9. 3. I Cor. IV, 7. 4. Luc, XVIII, 11, 13. 5. Act. VII, 59.
un malade qui parle: « Inclinez votre oreille jusquà moi,et sauvez-moi». 5. « Soyez pour moi un Dieu protecteur». Que les flèches de lennemi ne matteignent point, car je ne puis me défendre. Cest peu que « Dieu soit mon protecteur » ; le Prophète ajoute: « Servez-moi de forteresse, afin de me sauver 1 ». « Soyez pour moi une forteresse », soyez vous-même mon lieu fortifié. Où donc allais-tu, Adam, lorsque tu fuyais Dieu, et que tu te cachais dans les arbres du jardin? Où allais-tu, quand tu fuyais sa face qui avait fait ta joie 2? Tu las fui, et tu es mort; tu es devenu captif, et Dieu te recherche et ne tabandonne point; il laisse sur les montagnes ses quatre-vingt-dix-neuf brebis, et recherche la brebis égarée; et en la retrouvant il sécrie : « Il était mort et il est ressuscité; il était perdu, et il est retrouvé 3 ». Ainsi Dieu devient le lieu de noire refuge, lui qui tout dabord nous faisait craindre et fuir. « Soyez pour moi », dit le Prophète, «un lieu fortifié, afin de me sauver». Je ne puis avoir de salut quen vous; si vous nêtes mon repos, mon mal ne saurait se guérir. Levez-moi de terre, que je me repose en vous, afin que je mélève dans un lieu sûr. Quy a-t-il de plus sûr? Quels adversaires, dis-moi, pourras-tu craindre, quand il sera ton refuge? Qui pourra tatteindre de ses traits cachés? Je ne sais de quel homme on raconte que du sommet dune montagne il cria à lempereur qui passait: Je nai cure de toi, et à qui lempereur répondit: Ni moi de toi. Il navait que le dédain pour un empereur avec des armes éclatantes, et une puissante armée. Où était-il? dans un lieu fortifié. Sil se trouvait en sûreté, sur un terrain élevé, que sera-ce de toi, en celui qui a fait le ciel et la terre? « Soyez donc pour moi un Dieu protecteur, un lieu de sûreté afin de me sauver». Et si je me choisis un autre lieu, il ny a point de salut pour moi. Cherche, ô homme, si tu peux trouver un lieu plus fortifié. Tu ne saurais échapper à Dieu quen fuyant vers Dieu. Si tu veux échapper à sa colère, cherche un refuge dans sa miséricorde. « Cest vous, en effet, qui êtes mon ferme appui, vous qui êtes mon refuge». Quest-ce à dire: « Mon ferme appui ? » Cest par vous que je suis ferme, en vous quest ma force. « Car cest vous qui êtes mon ferme appui, vous qui êtes mon
1. Ps. LXX, 3. 2. Gen. III, 8. 3. Luc, XV, 4, 24.
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refuge » : je me réfugierai donc en vous, afin de trouver en vous la force quand je serai faible par moi-même. Car cest la grâce du Christ qui te donne la force et. te fait Inébranlable contre les efforts de lennemi. Mais il y a là toujours de lhumaine fragilité, toujours de la captivité première, toujours la loi des membres qui résiste à la loi de lesprit, et qui veut me captiver sous cette loi du péché 1; toujours le corps qui se corrompt et appesantit lâme 2. Quelque fermeté que vous donne la grâce de Dieu, tant que vous portez ce vase de terre qui renferme le trésor de Dieu, cette argile vous laisse toujours dans la crainte 3. « Cest donc vous qui êtes mon ferme appui », afin quen cette vie je puisse résister à toutes les tentations. Quel quen soit le nombre, quelque trouble quelles me causent : « cest vous qui êtes mon refuge ». Il me reviendra de laveu de ma faiblesse dêtre timide comme le lièvre, parce que je suis plein dépines comme le hérisson. Mais il est dit dans un autre psaume, que « la pierre est le refuge des hérissons et des lièvres 4 »; or, cette pierre était le Christ 5. 6. « Délivrez-moi, mon Dieu, de la main du pécheur 6». Ils sont pécheurs en général, ces hommes au milieu desquels gémit celui qui va être délivré de la captivité; celui qui sécrie: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps mortel? La grâce de Dieu par Jésus-Christ, Notre-Seigneur ». Au dedans jai pour ennemi cette loi qui est dans nos membres; au dehors encore des ennemis à qui en appeler? A celui que le Prophète implorait : « Purifiez-moi, mon Dieu, de mes fautes cachées, et nimputez pas à votre serviteur les fautes des autres 8 ». Dire donc: « Sauvez-moi », cest lui demander de te guérir de tes maux intérieurs, ou de cette faiblesse qui te rend esclave, de celle qui te rattache au premier homme, et qui te fait gémir avec les premiers captifs. Mais une fois délivré de tes propres iniquités, veille aux iniquités de ceux avec lesquels il te faut vivre jusquà ce que cette vie soit écoutée. Mais quand le sera-t-elle? La voilà qui finit pour toi, mais finira-t-elle pour lEglise avant la fin des temps ? Or , cet homme qui parle ici, cest le Christ dans
1. Rom VII, 23. 2. Sag IX, 15. 3. II Cor IV, 7 4. Ps. CIII, 18. 5. I Cor, X, 4. 6. Ps. LXX, 4. 7. Rom. VII, 24, 25. 8. Ps. XVIII, 13, 14.
son unité. Sans doute il y a beaucoup de fidèles qui ont quitté ce corps, et qui jouissent du repos que Dieu donne aux âmes de ses serviteurs; mais le Christ a des membres aussi dans ceux qui vivent maintenant, et dans ceux qui doivent maître ensuite. Donc, jusquà la fin des siècles subsistera cet homme qui demande à Dieu la délivrance de ses péchés, et de cette loi des membres qui résiste à la loi de lesprit. Il gémira sur les fautes de ceux au milieu desquels il doit vivre jusquà la fin des siècles. Or, ces pécheurs sont de deux sortes : les uns qui ont reçu la loi, les autres qui ne lont pas reçue. Tous les païens nont reçu aucune loi, les Juifs et les Chrétiens ont reçu la loi. Le nom de pécheur est donc un nom générique; il signifie transgresseur de la loi, si on a reçu la loi, ou simplement pécheur sans la loi, si on ne la point reçue. LApôtre fait mention de ces deux catégories, et dit : « Ceux qui ont péché sans la loi, pé« riront sans la loi, et ceux qui ont péché avec la loi, seront jugés par la loi 1». Mais toi, qui gémis entre ces deux pécheurs, dis à Dieu ce que tu entends dans ce psaume : « Mon Dieu, délivrez-moi de la main du pécheur». De quel pécheur? « De la puissance du transgresseur de la loi, et de lhomme inique ». Lhomme qui a violé la loi est inique à la vérité, car on ne peut la violer sans iniquité; mais si tout violateur de la loi est coupable, tout injuste nest point, pour cela, violateur de la loi. « Sans la loi », dit lApôtre, « il ny a pas violation de la loi 2 ». Donc, ceux qui nont pas reçu la loi peuvent être appelés injustes, mais non prévaricateurs. Les uns et les autres sont jugés selon leurs mérites. Mais moi, qui veux être délivré de la servitude par votre grâce, je crie vers- vous: « Délivrez-moi de la main du pécheur ». Quest-ce à dire : « De sa main? » De sa puissance, de peur que éa violence ne marrache un consentement; de peur que ses artifices ne me persuadent liniquité. « Délivrez-moi de la main du prévaricateur de la loi, et de linjuste ». Mais, diras-tu, pourquoi demander que Dieu te délivre de la main du transgresseur de la loi, et de linjuste? Garde-toi dy consentir; et à ses violences, oppose la patience et le calme. Mais quelle patience opposer quand ne nous soutient plus celui qui est une forteresse ? Pourquoi lui dis-je : « Délivrez-moi de la
1. Rom. II, 12. 2. Id. IV, 15.
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main du violateur de la loi, et de linjuste? »Parce quil nest point en moi dêtre patient, mais en vous, qui donnez la patience. 7. De là vient que je dis ensuite : « Cest vous qui êtes ma patience ». Et si vous êtes ma patience, jai raison de dire encore : « Vous êtes, Seigneur, mon espérance dès ma jeunesse 1». Dieu est-il ma patience parce quil est mon espoir, ou mon espoir parce quil est ma patience? « Laffliction », dit lApôtre, « produit la patience, la patience la pureté, la pureté lespérance; or, cette espérance nest pas vaine 2. Je mapplaudis davoir mis en vous mon espoir, ô mon Dieu, je ne serai point confondu éternellement. Seigneur, vous êtes mon espoir dès ma jeunesse ». Est-ce bien dès ta jeunesse que Dieu est ton espoir? Ne lest-il pas dès la mamelle, dès la plus tendre enfance? Oui, dit le Prophète. Car, voyons la suite, de peur que cette parole : « Mon espérance dès ma jeunesse », ne semble dire que Dieu na rien été pour mon enfance, ma naissance même. « Cest en vous que jai été affermi dès le sein de ma mère ». Ecoute encore : « Dès le sein de ma mère vous êtes mon protecteur 3». Pourquoi donc « dès ma jeunesse », sinon depuis que jai commencé à espérer? Car auparavant je nespérais pas en vous, bien que vous fussiez mon protecteur, pour me faire arriver avec bonheur au temps où jai commencé à espérer en vous. Or, jai commencé à mettre en vous mon espoir, dans ma jeunesse, alors que vous mavez armé contre le diable, afin que sous larmure de vos milices, muni de votre foi, de la charité, de lespérance et de tous vos autres dons, je pusse combattre tous vos ennemis invisibles, et entendre ces paroles de lApôtre: « Nous navons plus à combattre contre le sang et la chair, mais contre les principautés, coutre les puissances, contre les princes du monde, et de ces ténèbres, contre les esprits de malice 4 ». Il est donc jeune encore, celui qui livre ces combats; mais nonobstant sa jeunesse, il succombera, sil ne met son espoir en celui quil invoque en disant : « Vous êtes, Seigneur, mon espoir dès ma jeunesse ». 8. « Vous serez toujours le sujet de mes cantiques ». Est-ce dès lorigine de mon espoir jusquà présent ? Non, mais « toujours ». Quest-ce que « toujours? » Non-
1. Ps. LXX, 5. 2. Rom, V, 3, 5. 3. Ps. LXX, 6, 4. Ephés. VI, 12.
seulement tant que dure la foi, mais au temps de la vision. « Car, maintenant que nous sommes en cette vie, nous sommes éloignés du Seigneur; puisque nous allons à lui par la foi, sans le voir à découvert 1». Or, un temps viendra que nous verrons à découvert ce que nous croyons sans le voir: et notre joie sera de voir ce que nous aurons cru; tandis que la vue de ce quils nauront point voulu croire fera la confusion des impies. Alors ce sera la réalité ; maintenant ce nest que lespérance. « Or, lespérance qui verrait ne serait plus lespérance ; si nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous lattendons par la patience 2». Tu gémis donc maintenant, tu cours maintenant au lieu de ton refuge, afin dêtre sauvé; maintenant que tu es malade, tu cherches le médecin; que sera-ce quand tu auras une santé parfaite? Quand tu seras comme les anges de Dieu 3, pourras-tu oublier la grâce qui ta délivré ? Non. « Cest vous que je chanterai toujours». 9. « Beaucoup me regardent comme un prodige 4». Ici-bas, dans cette vie de lespérance, vie de sanglots, vie dhumilité, vie de douleur, vie dinfirmité, vie de gémissements dans nos chaînes; quoi donc en cette vie? « Beaucoup me regardent comme un prodige». Pourquoi « comme un prodige? » Pourquoi minsulter quand ils voient un prodige en moi? Parce que je crois ce que je ne vois pas encore. Eux qui nont de bonheur que dans ce quils voient, mettent leurs délices dans livresse, dans la luxure, dans ladultère, dans lavarice, dans les richesses, dans la rapine, dans les dignités du siècle, dans léclat dune muraille de boue; voilà leurs délices; mais moi je suis une voie bien différente; je méprise les biens présents, je redoute jusquau bonheur de ce monde, et nai de sécurité quo dans les promesses de Dieu. Pour eux: « Mangeons et buvons, et nous mourrons demain ». Que dis-tu ? Répète encore. « Mangeons », dit-il, « et buvons ». Continue; quas-tu dit ensuite? « Car demain nous mourrons ». Tu meffrayes sans me séduire. La raison que tu me donnes me glace deffroi, et mempêche de técouter. « Nous mourrons demain », dis-tu, et tout à lheure : « Mangeons et buvons ». Car, après avoir dit:
1. II Cor. V, 6. 2. Rom. VIII, 24. 3. Matth. XXII, 30. 4. Ps. LXX, 7. 5. I Cor. XV, 32.
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« Mangeons et buvons», tu as ajouté : « Parce que nous mourrons demain ». Ecoute-moi, au contraire : jeûnons et prions, car nous mourrons demain, Cest en marchant dans cette voie étroite et rude, que « je parais à plusieurs une monstruosité; mais vous êtes, ô Dieu, mon puissant appui ». Venez, Seigneur Jésus, venez me dire : Ne te décourage point dans cette voie, jy ai marché le premier, moi-même je suis la voie 1, cest moi qui conduis, je conduis en moi et jusquà moi. Que je sois donc « un prodige pour beaucoup»: je nai rien à redouter, parce que « vous êtes, Seigneur, mon puissant protecteur ». 10. « Que ma bouche soit pleine de vos louanges, afin que tout le jour je chante votre gloire et votre magnificence 2». Quest-ce à dire t «Tout le jour?» sans interruption. Dans la prospérité, car vous me consolez; dans ladversité, parce que vous mépurez; avant ma naissance, parce que vous mavez créé; après ma naissance, parce que vous mavez sauvé; après mon péché, parce que vous mavez pardonné; dans ma conversion, parce que vous mavez aidé; dans ma persévérance, parce que vous la couronnez. Oui, Seigneur, « que ma bouche soit pleine de vos louanges, afin que je chante votre gloire tout le jour, et votre magnificence ». 11. « Ne me rejetez pas au temps de ma vieillesse 3. Vous qui êtes lespérance de mes jeunes années, ne me rejetez pas au temps de ma vieillesse ». Quel est ce temps de la vieillesse? « Au déclin de ma force, ne mabandonnez pas». Le Seigneur te répond au contraire : Que ta force saffaiblisse, afin que la mienne demeure en toi, et que tu puisses dire avec lApôtre : « Quand je suis faible, cest alors que je suis fort 4 ». Ne crains point dêtre abandonné dans cette impuissance, dans cette vieillesse. Quoi donc ! ton Dieu na-t-il pas été infirme sur la croix? Ses ennemis ne le regardaient-ils point comme un homme sans force, comme un captif, un opprimé? Nont-ils pas branlé la tête, comme des taureaux pleins de force et de puissance, en lui disant: « Sil est fils de Dieu, quil descende de la croix 5? » Cette faiblesse lui valut-elle dêtre abandonné, quand il aima mieux ne pas descendre de la croix, afin que lon ne pût voir en cela une concession aux
1. Jean, XIV, 6. 2. Ps. LXX, 8. 3. Id. 9. 4. II Cor. XII, 10. 5. Matth. XXVII, 39, 40.
insolences, plutôt quune manifestation de sa force? Que tapprend-il, en demeurant à la croix, sans vouloir en descendre, sinon à supporter les insultes, sinon à demeurer fort dans ton Dieu? Cest peut-être de lui quil est dit: « Je suis pour beaucoup un prodige, et vous êtes mon ferme appui? » Appui dans son infirmité, mais non dans sa force; en ce sens quil nous a personnifiés en lui-même, et non quil est descendu. Je suis devenu un prodige pour beaucoup. Ce serait là sa vieillesse, puisque le vieil homme désigne bien une vieillesse, et lApôtre a dit : « Notre vieil homme a été crucifié avec Lui 1 ». Si notre vieil homme était en lui, il y avait donc une vieillesse; car la vieillesse vient de vieux. Et pourtant, comme cette parole est vraie : « Ta jeunesse se renouvellera comme celle de laigle 2 » ; il est ressuscité le troisième jour et nous a promis la résurrection pour la fin des siècles. Le chef a précédé, les membres doivent suivre. Pourquoi craindre quil ne tabandonne, quil ne te méprise au temps de la vieillesse, au déclin de tes forces? Cest, au contraire, au déclin de ta propre force que la sienne se fera sentir en toi. 12. Pourquoi parlé-je ainsi? « Parce que mes ennemis on-t parlé contre moi, et ceux qui épiaient ma vie se sont concertés en disant : Voilà quil est abandonné de Dieu; poursuivez-le, saisissez-le, car il nest personne pour le délivrer 3». Voilà ce qui est dit du Christ. Cette puissance de divinité qui le rend égal à son Père, lui avait fait ressusciter les rnorls; et quand il tombe entre les mains de ses ennemis, le voilà faible et saisi comme un homme sans force. Comment leût-on saisi, si ses ennemis neussent dit dabord « Dieu la délaissé? » De là cette plainte quil exhale sur la croix : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné 4? » Mais Dieu avait-il bien abandonné son Christ, lui qui était alors dans le Christ, se réconciliant le monde 5? Et ce Christ, né des Juifs selon la chair, était Dieu, et Dieu par-dessus toutes choses, béni dans tous les siècles 6. Dieu donc lavait-il abandonné? Point du tout. Mais il parle ici en notre nom, au nom de notre vieil homme crucifié avec lui 7; cest encore de ce vieil homme quil avait pris un corps, puisque Marie était fille dAdam. Il sappropriait donc
1. Rom. VI, 6. 2. Ps. CII, 5. 3. Id. LXX, 10, 11. 4. Id. XXI, 2. 5. II Cor. V, 19. 6. Rom. IX, 5. 7. Id. VI, 6.
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la pensée de, ses ennemis, quand il disait sur la croix : « Pourquoi mavez-vous abandonné 1? » Doù leur vient la pensée malheureuse que vous mavez abandonné? « Car sils eussent connu le Seigneur de la gloire, ils ne leussent point crucifié 3. Poursuivez-le et saisissez-le ». Toutefois, mes frères, ces paroles conviennent mieux aux membres du Christ, et nous devons y retrouver nos propres paroles; car cest en notre nom que le Christ les a proférées, et non dans sa puissance et dans sa majesté. Cétait dans lhumanité dont il sétait revêtu pour nous, et non dans cette puissance qui nous a créés. 13. « Seigneur, mon Dieu, ne vous éloignez pas de moi 4». Ainsi en est-il, et il ne séloigne point. Le Seigneur est toujours près de ceux qui ont le coeur contrit 5. « Mon Dieu, soyez attentif à me secourir ». 14. « Quils soient confondus, anéantis, les ennemis de mon âme 6 ». Quel souhait ? « Quils soient confondus et anéantis ». Pourquoi ce souhait? « Parce quils compromettent mon âme » . Quest-ce à dire « quils la compromettent ? » Quils lengagent comme dans une rixe. Car on appelle compromis des hommes que lon engage dans des querelles. Si donc il en est ainsi, évitons ceux qui compromettent notre âme. Quest-ce à dire: qui compromettent notre âme? Qui nous provoquent à résister à Dieu, à le maudire dans nos malheurs. Quand est-ce que tu es assez droit pour goûter la bonté du Dieu dIsraël, qui est bon pour les humbles de coeur 4? Quand est- ce que tu es droit? Veux-tu lentendre? Lorsque Dieu te plait dans le bien que tu fais, et que tu ne le maudis point dans les maux que tu endures. Comprenez bien ces paroles, mes frères , et soyez en garde vis-à-vis de ceux qui compromettent vos âmes. Tous ceux qui ont sur vous une influence de découragement dans le chagrin et dans les épreuves, aboutissent â vous le faire maudire dans vos souffrances, et à tirer de votre bouche ces paroles Quest-ce que cela? quai-je fait? Ainsi donc, tu nas rien fait, tu es juste, et Dieu est injuste? Mais, diras-tu, je suis pécheur, je lavoue, je ne me dis point juste; néanmoins, pour être pécheur, le suis-je autant que tel autre qui est heureux? Autant que Galus-Seïus? Je connais ses crimes, ses iniquités, dont je suis
1. Matth. XXVII, 46. 2. I Cor, II, 8. 3. Ps. LXX, 12, 4. Id. XXXIII, 19. 5. Id. LXX, 13. 6. Id, LXXII, 2.
bien loin, tout pécheur que je suis; et pourtant je le vois dans une prospérité florissante, quand je languis dans une tefle misère. Si donc je dis : Que vous ai-je fait, ô mon Dieu, ce nest pas que je naie fait aucun mal, mais je nen ai pas fait assez pour endurer ce que je souffre. Encore une fois, cest toi qui es juste, et Dieu qui est injuste. Eveille-toi, misérable, ton âme est compromise. Je ne me dis point juste, me répondras-tu. Que dis-tu donc? Je suis pécheur, mais les fautes que jai commises ne méritent pas de si grands maux. A la vérité, tu ne dis point à Dieu : Je suis juste et vous injuste; mais bien : Je suis injuste, et vous plus injuste encore. Voilà comment ton âme est engagée, voilà ton âme qui guerroie. Quelle âme, et contre qui? Ton âme, et contre Dieu; ton âme, qui est créature, en guerre contre son créateur ; âme ingrate, par cela même que tu cries contre lui. Reviens donc à laveu de ta faiblesse; implore le secours du médecin. Nestime pas heureux ceux qui ne fleurissent que pour un temps. Dieu te châtie, et il les épargne; il ne te châtie peut-être, et ne te purifie comme un fils, quafin de te laisser son héritage. Reviens donc, prévaricateur, reviens en ton coeur 1, et nengage point ton âme. Celui que tu veux combattre est beaucoup plus fort que toi. Plus grandes seront les pierres que tu lanceras contre le ciel, et plus elles técraseront par leur chute. Reviens donc et reconnais-toi. Cest à Dieu que tu ten prends; cest à toi de rougir et de ten prendre à toi-même. Tu ne ferais aucun bien sans sa bonté; tu naurais rien à souffrir sans sa justice. Eveille-toi donc à cette voix : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, ainsi a-t-il été fait: que le nom du Seigneur soit béni 2 ». Ils étaient injustes, ces hommes pleins de santé, assis auprès de Job 3; et néanmoins, lui que Dieu devait recevoir dans le ciel, était flagellé, et eux, quil devait punir un jour, étaient alors épargnés. Quelles que soient donc les afflictions qui tarrivent, les outrages que tu essuies, nengage point ton âme; ne lengage pas contre Dieu, ni même contre ceux qui te font subir ces traitements. La moindre haine que tu conçoives contre eux compromettrait ton âme à leur égard. Rends plutôt grâces à Dieu, et prie-le pour eux. Cest peut-être une invocation en leur
1. Isaïe, XLVI, 8. 2. Job, I, 21. 3. Id. IX, 13.
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faveur, que cette parole que tu as entendue « Quils soient confondus, anéantis, ceux qui engagent mon âme ». « Quils soient confondus, anéantis», car ils présument de leur justice; quils soient confondus, voilà ce qui leur convient, afin quils reconnaissent leurs péchés; quils en soient dans la confusion, dans la défaillance, eux qui avaient tort de présumer de leur justice, quils disent dans leur défaillance : « Quand je suis faible, cest alors que je suis puissant 1 ». Quils disent encore : « Ne me rejetez point aux jours de ma vieillesse 2 ». Cest donc leur bien que souhaitait le Prophète, dans cette confusion de leurs maux, dans cette défaillance de leurs forces pour le mal, afin que, confondus et anéantis, ils cherchent à échanger cette confusion contre la lumière, et cette faiblesse contre la force. Ecoute ce qui vient ensuite: « Quils revêtent la confusion et la honte, ceux qui cherchent ma ruine. La confusion et la honte » : la confusion, à cause de leur conscience criminelle, et la honte pour devenir modestes. Quil en soit ainsi deux, et ils deviendront bons. Naccuse donc plus de violence le prophète; puisse-t-il être exaucé en leur faveur. La parole dEtienne paraissait violente, alors que de sa bouche enflammée sexhalait cette apostrophe : « Hommes à la tête dure, incirconcis de coeur et doreilles, vous résistez toujours au Saint-Esprit 3 ». Quel transport de colère, quelle véhémence contre ses adversaires ! Son âme te paraît engagée? Loin de là, il cherchait leur salut, il enchaînait par ses paroles ces frénétiques à laveugle délire. Vois en effet que son âme nétait engagée ni contre Dieu ni contre eux-mêmes. « Seigneur Jésus », dit-il, « recevez mon esprit 4 ». Il ne semporta point contre Jésus, puisquil endurait dêtre lapidé pour sa parole; son âme nétait donc point compromise vis-à-vis de Dieu. Elle ne létait pas non plus vis-à-vis de ses ennemis, puisquil sécrie : « Seigneur, ne leur imputez pas ce péché 5. Quils revêtent la confusion et la honte, ceux qui méditent ma ruine ». Voilà ce que cherchent tous ceux qui maffligent, ils cherchent à me nuire. Voilà ce que cherchait cette femme, qui donnait ce conseil : «Blasphème ton Dieu, et meurs 6 », et cette autre épouse de Tobie, qui disait à
1. II Cor. XIX, 10. 2. Ps. LXX, 9. 3. Act. VII, 51. 4. Id. 56. 5. Id. 59. 6. Job, II, 9.
son mari : « Où sont toutes vos justices 1? » Elle parlait ainsi pour lanimer contre Dieu, qui lavait rendu aveugle, et compromettre son âme par ce sentiment coupable. 15. Si donc, dans la tentation, nul na pu tindisposer contre Dieu, nul ne ta extorqué une résistance dans le malheur, ou ne ta inspiré laversion contre ceux qui te font souffrir, ton âme nest point engagée. Tu peux dire en toute sûreté ce qui suit : « Pour moi, jespérerai toujours en vous, jajouterai à vos louanges 2». Quest-ce à dire? Voici ce qui doit nous surprendre : « Jajouterai à vos louanges ». Voudrais-tu perfectionner la louange du Seigneur? Peu t-on ajouter à cette louange? Si cette louange est pleine, que pourras-tu y ajouter? On a chanté Dieu dans ses bienfaits, dans toutes ses créatures, dans la création de toutes choses, dans lordre et la disposition des siècles, dans lordre des temps, dans la hauteur des cieux, dans la fécondité de la terre, dans limmensité des mers, dans la beauté des créatures qui naissent de toutes parts, dans les fils mêmes des hommes, dans la loi quil doit donner, dans la délivrance de son peuple de la captivité égyptienne, et dans ses autres merveilles si nombreuses; mais on ne lavait pas encore béni davoir ressuscité notre chair pour la vie éternelle. Que ce soit donc là le surcroît de louange qui lui vient de la résurrection de Notre-Seigneur Jésus-Christ : en sorte que ce soit sa louange qui enchérisse sur toute louange passée; cest ainsi que nous pouvons parfaitement lentendre. Mais toi, homme pécheur peut-être, qui craignais de compromettre ton âme, qui nespérais que de lui seul la délivrance de ta première captivité, qui nespérais plus en ta propre justice, mais en ta grâce de celui que prêche notre psaume, que pourras-tu ajouter à la louange de Dieu? Jy ajouterai, dit-il. Voyons ce quil y ajoutera. Votre louange, ô Dieu, pourrait être parfaite, et nul défaut ne paraîtrait dans cette louange; non, rien ny manquerait, quand mème vous condamneriez tous les injusles. Car ce ne serait pas une moindre louange, pour le Seigneur, que cette justice qui condamne liniquité; ce serait là une grande gloire. Vous avez fait lhomme, vous lui avez donné son libre arbitre, vous lavez placé dans le paradis, en lui donnant un précepte; vous lavez
1. Tobie, II, 22. 2. Ps. LXX, 14.
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menacé dune mort bien juste, sil le violait; vous navez rien négligé, nul nen pouvait exiger plus de vous; il a péché, et le genre humain est devenu une masse de pécheurs naissant dautres pécheurs 1 et si vous condamniez cette masse diniquités, qui pourrait dire : Vous agissez injustement? Vous seriez alors dans la justice, et là serait toute votre gloire; mais comme vous avez délivré le pécheur même et justifié limpie, « jajouterai à vos louanges un surcroît de gloire ». 16. « Ma bouche publiera votre justice 2 », et non la mienne. Cest par là que jenchérirai sur toutes vos louanges; car toute ma justice, si tant est que je sois juste, nest que votre justice en moi, et non la mienne : puisque cest vous qui justifiez limpie 3. « Ma bouche publiera votre justice, et votre salut durant tout le jour ». Quest-ce à dire, « votre salut? » Cest à Dieu quil appartient de nous sauver 4. Que nul ne prétende se sauver lui-même. Cest Dieu qui peut nous sauver. Nul ne se sauvera par ses forces, le salut vient du Seigneur, le salut de lhomme est vanité 5. « Je chanterai votre salut tout le jour » : en tout temps. Es-tu dans ladversité? chante le salut de Dieu; dans la prospérité ? chante encore le salut du Seigneur. Ne chante point dans la prospérité que cest le Seigneur qui sauve pour te taire dans le malheur : ce ne serait plus « durant tout le jour », comme il vient dêtre dit. Car tout le jour comprend aussi la nuit. Ainsi, par exemple, dire que trente jours se sont écoulés; nest-ce point dire autant de nuits? et les nuits ne sont-elles point comprises dans le mot jour ? Quest-il dit en effet dans la Genèse? « Et le soir et le matin formèrent un jour 6 ». Donc le jour entier sentend aussi de la nuit; car la nuit sert au jour, et non le jour à la nuit. Tout ce que tu fais dans ta chair mortelle doit servir à la justice ; agis toujours pour obéir à Dieu et non au stimulant de la chair, de peur dassujettir le jour à la nuit. Donc tout le jour, cest-à-dire dans la prospérité coin me dans le malheur, chante les louanges de Dieu; tout le jour, ou dans la prospérité, toute la nuit ou dans le malheur; et néanmoins chante pendant tout le jour, la louange de Dieu, afin de ne point dire en vain : « Je bénirai le Seigneur en tout
1. Gen. II et III. 2. Ps. LXX, 15. 3. Rom. IV, 5. 4. Ps. III, 9. 5. Id. LIX, 13. 6. Gen. I, 5.
temps, sa louange sera toujours en ma bouche ». Job louait le Seigneur, quand il jouissait heureusement de ses enfants, de ses troupeaux, de ses serviteurs, de tout son bien; cétait le jour alors : vint ensuite le malheur, la pauvreté se rua sur lui; il perdit et ce quil possédait, et ceux auxquels il le réservait; cétait alors la nuit. Vois-le cependant qui loue Dieu tout le jour. Quand séteignit pour lui le jour du bonheur, parce que léclat de la lumière ou de la prospérité disparut, cessa-t-il de bénir Dieu? Le jour ne brillait-il pas dans son coeur, doù séchappaient ces rayons : « Le Seigneur a donné, le Seigneur a ôté; comme il a plu au Seigneur, il a été fait; que le nom du Seigneur soit béni 2 ? » Or, ce nétait encore là que comme les heures du soir: la nuit devint ensuite plus épaisse, les ténèbres plus profondes, cest-à-dire, la maladie du corps, la pourriture et les vers; et dans cette pourriture néanmoins, il ne cessa de louer Dieu durant cette nuit extérieure, lui que faisait tressaillir la lumière de son âme. Et quand sa femme le portait au blasphème, et compromettait son âme, il répondit à cette misérable, qui était comme lombre de la nuit « Vous parlez comme une femme insensée ». Véritable fille des ténèbres, « Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu; comment nen pas recevoir les maux 3 ? » Nous lavons béni pendant le jour, nous tairons-nous pendant la nuit? « Jannoncerai votre salut tout le jour», même avec sa nuit. 17. « Car je nai point connu le trafic». Ce qui me porte à vous «bénir tout le jour», dit le Prophète, «cest que je ne connais point le négoce 4 ». Quel est ce négoce? Que les trafiquants écoutent, et changent de vie; quils ne soient plus ce quils ont été, quils désavouent, quils oublient leur passé; enfin quils naient pour ce passé ni approbation ni louange; quils le blâment et le condamnent, quils se corrigent si le trafic est un péché. Car de là vient ce je ne sais quel besoin dacquérir, qui vous porte au blasphème, ô trafiquants, dès que vous essuyez quelque perte; et dès lors vous ne louez pas Dieu durant tout le jour. Et quand il vous arrive de tromper sur le prix des marchandises, et que non contents de mentir, vous ajoutez le serment au mensonge ; comment la louange de
1. Ps. XXXIII, 2. 2. Job, I, 21. 3. Id. II, 10. 4. Ps. LXX, 15.
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Dieu est-elle dans votre bouche pendant tout le jour, alors que, si vous êtes chrétiens, vos paroles sont une cause de blasphème contre le nom du Seigneur 1? et lon dit : Voilà des chrétiens ! Si donc le Psalmiste chante le Seigneur pendant tout le jour, parce quil ignore le trafic, que les chrétiens se corrigent et ne trafiquent plus. Mais, me dira un négociant: je fais venir de bien loin des marchandises, dans ces lieux où elles ne se trouvent point, et afin de vivre, je cherche le bénéfice de ma peine, en vendant au-dessus du prix dachat. Comment vivre autrement, et nest-il pas écrit : « Louvrier est digne de son salaire 2? » Mais il sagit ici de mensonge et de parjure; ce nest point le défaut du négoce, cest le mien propre : car il ne mest pas impossible, si je le veux, de mexempter de ce défaut. Je ne veux donc pas attribuer au négoce une faute qui mest propre : si je ments, cest moi qui ments, et non le négoce. Je pourrais dire : Jai acheté àtel prix, je revends à tel autre : achetez si cela vous agrée. Une telle franchise néloignerait pas les acheteurs, tous viendraient au contraire, appréciant ma loyauté plus que iries marchandises. Ainsi donc, me dira-t-on, conseillez-nous de ne recourir ni au mensonge ni au parjure, mais non de renoncer au négoce qui me fait vivre. Où irai-je si vous me tirez de là? Deviendrai-je artisan? Cordonnier, ferai-je des chaussures? Les cordonniers ne sont-ils point menteurs ? Ne sont-ils point parjures? Quand ils ont vendu une chaussure et en ont reçu le prix, ne laissent-ils pas louvrage déjà commencé, pour se mettre à un autre, trompant ainsi celui quils avaient promis de satisfaite bientôt? Ne disent-ils pas souvent : Je le fais aujourdhui, je lachève aujourdhui? Et puis, sont-ils exempts de tromperies dans leurs marchandises? Ils font les mêmes parjures, ils font les mêmes mensonges : mais ce nest point à leur profession, cest à leur malice quil faut sen prendre. Tout artisan donc, assez méchant pour ne point craindre Dieu, tombe dans le mensonge, dans le parjure, ou par avidité, du gain, ou par appréhension dune perte et de la pauvreté; ils sont loin de louer Dieu sans cesse. Pourquoi donc me retirer de mon trafic? Pour devenir un laboureur murmurant contre Dieu quand il
1. Rom. II, 24. 2. Luc, X. 7.
tonne, recourant aux sortilèges par crainte de la grêle, cherchant à résister au ciel même, souhaitant la faim aux pauvres, afin de vendre ce que jai gardé? Cest là que vous voulez mamener ? Mais, direz-vous, les bons laboureurs nen sont point là, Les bons trafiquants, non plus, ne font ce que vous leur attribuez. Direz-vous que cest un mal davoir des enfants, parce que pour un mal de tête qui leur arrive, des mères coupables et infidèles ont recours à des ligatures sacrilèges, à des enchantements ? Tout cela est le vice des hommes, et non des conditions. Voilà ce que peut me répondre un négociant. Cherchez donc, ô évêque, la manière dentendre ces négoces, dont il est parlé dans notre psaume; de peur que vous lentendiez mal et ne minterdissiez tout trafic; dites-moi comment je dois vivre : si je suis bien, je men trouverai bien : je sais toutefois que si je suis mauvais, il ne faut pas lattribuer à mon trafic, mais bien à mon injustice. A ne dire que la vérité on ne trouve point de contradicteur. 18. Cherchons donc ce que lon appelle ici négoce, puisque ne point le connaître, cest bénir Dieu tout le jour. Négoce signifie en grec action, et en latin, negatum otium, nul repos: quil vienne de laction. ou de la négation du repos, exposons ce quil est. Un négociant plein dactivité met en quelque sorte sa confiance dans ses actes, loue ses propres oeuvres et narrive point à la grâce de Dieu. Il est donc en opposition avec cette grâce de Dieu, que préconise notre psaume; car il nous entretient de la grâce de Dieu, de manière que nul ne se glorifie de ses oeuvres; de même quil est dit quelque part : « Les médecins u ne rendront point à la vie n, et pourtant les hommes doivent-ils pour cela renoncer à la médecine? Quest-ce que cela signifie? Cette expression désigne les orgueilleux, qui promettent le salut aux hommes, tandis que le salut vient de Dieu 2. De même alors que le Prophète nous met en garde contre les médecins, cest-à-dire contre ces orgueilleux prometteurs de salut, par cette parole : « Je publierai votre salut tout le jour » ; de même il nous met en garde contre les trafiquants qui se confient dans leur industrie et dans leurs affaires : « Ma bouche publiera votre justice », et non la mienne. Quels
1. Ps. LXXXVII, 11. 2. Id. III, 9.
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sont ces trafiquants, cest-à-dire ceux qui mettent leur confiance dans leurs affaires? Ceux qui, dans leur ignorance de la justice de Dieu, veulent établir leur propre justice, et se soustraire à celle qui vient de Dieu 1, Cest donc là un vrai négoce, parce quil ne laisse aucun repos, negatotium. Quel mal y a-t-il à refuser tout repos? Le Seigneur eut raison de chasser du temple ceux dont il disait : « Il est écrit : Ma maison est une maison de prière; et vous en faites une maison de négoce 2 » : cest-à-dire, en vous glorifiant de vos oeuvres, sans chercher le repos, sans écouler cette parole de lEcriture qui condamne votre agitation et votre empressement: « Faites trêve, et voyez que je suis le Seigneur 3 ». Quest-ce à dire : « Faites trêve, et voyez que je suis le Seigneur », sinon que cest Dieu qui agit en vous, afin de ne point vous glorifier de vos oeuvres? Nentendras-tu point la voix de celui qui dit : « Venez à moi, vous tous qui ployez sous le fardeau du labeur, et je vous soulagerai. « Prenez sur vous mon joug et apprenez que je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos pour vos âmes 4? » Voilà le repos que lon nous prêche à lencontre du négoce : voilà le repos à lencontre de ceux qui naiment point le repos, qui travaillent, qui se glorifient de leurs oeuvres, qui ne cherchent pas en Dieu le repos, et qui séloignent dautant plus de la grâce, quils senorgueillissent plus de leurs oeuvres. 19. Mais dans quelques exemplaires on lit « Parce que je ne connais point la littérature ». Au lieu de « négoce » dans certains exemplaires, dautres portent : « la littérature ». Il nest pas facile de trouver un accord entre ces deux expressions; et néanmoins la différence des interprétations sert plutôt à nous montrer le véritable sens quà nous induire en erreur. Cherchons donc aussi le sens de littérature, et nallons pas heurter les grammairiens, comme nous avons heurté les négociants; car un grammairien peut vivre honnêtement dans son art sans parjure, comme sans mensonge. Cherchons quelle est cette littérature que ne connaît point celui qui a dans la bouche, pendant tout le jour, la louange de Dieu. Il y a chez les Juifs une certaine littérature, car cest à eux que nous
1. Rom. X, 3. 2. Matth. XXI, 13. 3. Ps. XLV, 11. 4. Matth. II, 28, 29.
rapportons ces paroles, et cest là que nous en comprendrons le sens. Tout à lheure, à propos des trafiquants, leurs actes et leurs oeuvres nous ont montré que lon appelle négoce, lart détestable stigmatisé par ces paroles de lApôtre : « Dans leur ignorance de la justice de Dieu, et leur volonté détablir leur propre justice, ils ont refusé toute soumission à la justice de Dieu 1 »; et que le même Apôtre condamne encore: « Cela ne vient pas de nos oeuvres, afin que nul ne se puisse applaudir 2 ». Comment donc? Ne ferons-nous aucun bien? Nous en ferons; mais Dieu lui-même agira en nous : « Car nous sommes son ouvrage, étant créés en Jésus-Christ par les bonnes oeuvres 3 ». De même que nous avons trouvé, dans ces paroles, la condamnation des trafiquants, cest-à-dire de ceux qui se glorifient de leurs oeuvres, qui sélèvent dans ce négoce ennemi du repos, qui sagitent plutôt quils nagissent, en bien, puisque ceux-là font le bien en qui Dieu lui-même agit : ainsi nous trouverons chez les Juifs, je ne sais quelle littérature. Dieu veuille maider à vous exprimer en paroles, ce quil fait entrevoir à mon esprit. Les Juifs, pleins de présomption dans leurs vertus, et dans la justice de leurs oeuvres, se glorifiaient avec orgueil de la loi, de ce quils avaient reçu la loi, que navaient pas reçue les autres nations; et dans cette loi, ils sapplaudissaient, non plus de la grâce, mais de la lettre, car la loi sans la grâce nest plus quune lettre; elle demeure pour nous convaincre diniquité, et non pour nous donner le salut. Que dit en effet lApôtre? « Si la loi qui a été donnée avait pu produire la vie, il serait vrai de dire que la justice vient de la loi ; mais la loi écrite a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse de Dieu fût donnée par la foi en Jésus-Christ, chez ceux qui croiront 4 ». Cest de cette loi quil a dit ailleurs : « La lettre tue, mais lesprit vivifie 5». Tu nas que la lettre, si tu es prévaricateur de la loi. « Toi qui avec la lettre de la loi et la circoncision,», dit-il encore, « es transgresseur de la loi 6». Na-t-on pas raison de chanter et de dire : « Délivrez-moi de la main du violateur de la loi, et de linjuste 7?» Tu as donc une lettre, mais tu naccomplis pas cette lettre. Comment ne
1. Rom. X, 3. 2. Ephés. II, 9. 3. Id. 10. 4. Gal. III, 21,22. 5. II Cor. III, 6. 6. Rom, II, 27. 7. Ps. LXX, 4.
141
laccomplis-tu point? « Parce que tu dérobes, tout en prêchant quil ne faut point dérober; tu es adultère tout en prohibant ladultère; tu es sacrilège malgré ton horreur pour les idoles. Vous êtes cause que le nom du Seigneur est blasphémé parmi les nations, ainsi que cela est écrit 1». De quoi donc peut te servir mine lettre que tu naccomplis pas? Et pourquoi ne point laccomplir? Parce que tu présumes de toi-même. Pourquoi ne pas laccomplir? Parce que tu es un trafiquant plein de confiance dans tes oeuvres : tu ne sais point quil le faut le secours de la gràce pour accomplir le précepte de la loi. Voilà que Dieu commande; fais ce quil prescrit. Tu veux agir comme de toi-même, et te voilà tombé; alors pèse sur toi cette lettre qui te punira sans te sauver. Il est donc vrai, de dire que « la loi vient de Moïse, et la grâce de Jésus-Christ 2 ». Moïse a écrit cinq livres; et dans les cinq galeries qui environnaient la piscine, il y avait des malades qui étaient couchés, mais sans pouvoir être guéris 3. Voilà comment pèse sur toi cette lettre, qui peut convaincre un coupable, mais non sauver un homme injuste. Dans ces galeries, qui figuraient les cinq livres de Moïse, on exposait les malades plutôt quon ne les guérissait. Quest-ce donc qui guérissait alors la maladie? le mouvement de leau. Dans la piscine ainsi agitée descendaient les malades, et un seul était guéri, comme symbole de lunité : tout malade qui descendait alors nétait point guéri pour cela. Admirable symbole de lunité dans ce corps qui crie vers Dieu de tous les confins de la terre! Nul autre nétait guéri, si leau nétait troublée de nouveau. Lagitation de la piscine figurait donc la perturbation du peuple juif, à lavènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car on croyait que leau était troublée dans la piscine par larrivée de lange. Cette eau donc, environnée de cinq galeries, cétait le peuple Juif environné de la loi : il y avait des malades dans chacune des galeries, et ils nétaient guéris que quand leau était troublée et agitée. Le Christ est venu, leau a été troublée, il a été crucifié, que le malade descende afin dêtre guéri. Comment descendre? quil shumilie. Vous tous alors, qui aimez la lettre sans la grâce, vous demeurerez sous les galeries, vous serez malades, couchés à terre, sans
1. Rom. II, 21-27. 2. Jean, 1, 17. 3. Id. V, 2.
guérison: car vous avez présumé de la lettre. « Si la loi donnée eût pu produire la vie, la justice alors viendrait de la loi 1 ». Mais la loi a été donnée afin que vous devinssiez coupables, que coupables vous fussiez saisis ,de crainte, que la crainte vous fît implorer le pardon, et quainsi vous neussiez plus de confiance dans vos forces, ni de présomption dans la lettre. Voilà ce que nous figurait encore le prophète Elisée qui envoya par son serviteur son bâton, afin de ressusciter un mort. Le fils de la veuve qui lhébergeait venait de mourir; dès quil lapprit, il donna son bâton à son serviteur : « Va », lui dit-il, « et pose-le sur le cadavre 2 ». Le Prophète ne savait-il point ce quil faisait? Le serviteur alla donc, mit le bâton sur le cadavre, etIe mort ne ressuscita point. « Si la loi qui a été donnée, pouvait produire la vie, la justice « viendrait de la loi n. Mais cette loi envoyée par le serviteur ne donne point la vie et toutefois celui qui avait envoyé son bâton par son serviteur, vint ensuite donner la vie. Comme lenfant nétait pas en effet ressuscité, Elisée vint lui-même, figurant Notre-Seigneur, qui sétait fait précéder de son serviteur avec sa loi, comme avec un bâton. Il vint auprès de ce mort étendu par terre, et mit ses membres sur ses membres. Cétait un enfant, un tout jeune homme : le Prophète contracta sa taille naturelle, et se raccourcit dans la proportion de lenfant qui était mort, Ce mort ressuscita, quand le Prophète vivant se fût proportionné à lui, et le maître fit ce que navait point fait le bâton; la grâce produisit leffet que la lettre navait point produit. Ceux donc qui sont demeurés avec le bâton du Prophète se glorifient dans la lettre aussi nont-ils point la vie. Pour moi, je veux me glorifier dans votre grâce. « Dieu me garde», a dit saint Paul, « de me glorifier, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ 3 », sinon en ce Dieu vivant qui sest proportionné à mon cadavre, afin de me ressusciter, afin que de la sorte, je neusse plus la vie, mais que Jésus-Christ vécût en moi 4. Je me glorifie donc de la grâce, et ne « connais point la littérature » ; cest-à-dire que je réprouve de tout mon coeur ces hommes qui mettent leur confiance dans la lettre pour séloigner de la grâce. 20. Le Prophète a donc raison dajouter:
1. Gal, III, 21 2. IV Rois, IV, 29. 3. Gal. VI, 14. 4. Id. II, 20
142
« Jentrerai dans la puissance du Seigneur 1 »; non point dans la mienne, mais dans celle du Seigneur. Pour eux, en effet, ils se glorifient dans la lettre, et dès lors nont point connu la grâce jointe à la lettre. « Car cest Moïse qui a donné la loi, et Jésus-Christ la grâce et la vérité 2 ». Cest lui qui est venu pour accomplir la loi, quand il nous a fait don de la charité, par laquelle on peut laccomplir; « puisque la loi dans sa plénitude, cest la charité 3 ». Mais les Juifs nayant point la charité, cest-à-dire, nayant point lesprit de la grâce : « Car la charité de Dieu est répandue dans nos coeurs par lEsprit-Saint qui nous a été donné 4 » ; en sont restés à se glorifier dans la lettre. Et comme « la lettre tue, et que lesprit vivifie 5; moi qui nai point connu la lettre, jentrerai dans la puissance du Seigneur ». Tel est le sens que vient confirmer et achever déclaircir le verset suivant, de manière à le fixer dans le coeur des hommes, et à ne laisser notre intelligence dans aucun doute. « Seigneur »,
1. Ps. LXX, 16. 2. Jean, I, 17. 3. Rom. XIII, 10. 4. Id V, 5. 5. II Cor. III, 6.
dit le Prophète, « je ne me souviendrai uniquement que de votre justice ». Uniquement ! Pourquoi donc, mes frères, ajouter uniquement? Il suffirait de dire : Je me souviendrai de votre justice. «Uniquement », dit le Prophète, et non de la mienne. « Quavez-vous, en effet, que vous nayez point reçu? Et si vous avez reçu, pourquoi vous glorifier, comme si vous naviez point reçu 1? » Cest uniquement votre justice qui me délivre, il ny a de moi que le péché seulement. Que je ne mapplaudisse donc point de mes propres forces, que je ne demeure point dans la lettre: que je répudie toute littérature, cest-à-dire tous les hommes qui se glorifient de la lettre, qui semblables à des frénétiques sappuient sur leurs forces pour leur malheur: que je répudie ces hommes, afin que je vive dans la puissance du Seigneur, que je sois fort alors même que je serai faible, et que vous, ô Dieu, soyez puissant en moi, parce que « je me souviendrai uniquement de votre justice ».
1. I Cor. IV, 7.
DEUXIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME LXX.DEUXIÈME PARTIE DU PSAUME.LA GRÂCE PAR LE CHRIST (SUITE).
Lorgueil nous a éloignés de Dieu, la fatigue nous y ramènera par la grêce, qui est un dors gratuit et que na précédée en nous aucun mérite, car cest de lhomme animal créé le premier, que nous vient la captivité, et dis second homme, ou de lhomme spirituel, la délivrance. Ecoutons le Seigneur, et ne tuons point lhéritier. Dès notre jeunesse il nous a montré que nous sommes des déserteurs, que la grâce seule nous ramène comme le Prodigue, que depuis notre conversion, cest encore lui qui est notre guide, car il est la voie, en dehors de laquelle nous uie pouvons marcher sans trouver la mort, puisquil est la vie. Et lEglise publiera jusquà la fin du monde la grâce du Christ, la délivrance par le Christ, les merveilles qui sont loeuvre du Christ. Lhomme a voulu être comme Dieu, et séloigner de Dieu, tandis quil ne peut être comme Dieu quen demeurant en lui. La défense de toucher à larbre de la science du bien et du mal était le moyen de maintenir lhomme dans une soumission quil voulut secouer, et en dehors de Dieu qui est le bien, il ne trouva quune profonde misère. Il ne revient à Dieu quen disant : « Qui est semblable à Dieu? » Le Christ alors nous tire de labîme, une première fois en ressuscitant dans cette chair quil tient de nous; une seconde fois, en nous donnant lespérance de la résurrection; une troisième fois, quand nous ressusciterons réellement. Chantons, et des lèvres et du coeur, sa justice qui se multiplie. Bénissons-le avec lEglise jusquà la fin des temps.
1. Hier nous avons démontré à votre charité que ce psaume nous prêche la grâce de Dieu, qui nous sauve gratuitement, sans que nous ayons auparavant mérité autre chose que la damnation ; mais comme nous ne pouvions lexpliquer entièrement hier, nous avons réservé pour aujourdhui la seconde partie, vous promettant dacquitter notre dette (143) avec le secours de Dieu. Et maintenant quil nous faut lacquitter, soyez attentifs et ouvre; vos coeurs comme des champs fertiles qui rendent la semence au centuple, et ne sont point rebelles à la céleste rosée. Nous avons parlé hier du titre du psaume, et toutefois pour le rappeler à votre mémoire et le faire connaître à ceux qui étaient absents hier, nous en disons rapidement un mot, que doivent se rappeler ceux qui ont entendu, et écouter ceux qui ne le savent point. Ce psaume est pour les enfants de Jonadab, nom qui signifie volontaire de Dieu, et nous enseigne quil faut servir Dieu avec une volonté spontanée, cest-à-dire une volonté bonne, pure, sincère et parfaite, et non avec déguisement: cest ce quindiquent encore ces paroles dun autre psaume: « Je vous offrirai des sacrifices volontaires 1». Cest donc pour les fils de Jonadab, ou pour les fils de lobéissance, que lon chante ce psaume, et pour ceux qui les premiers furent conduits en captivité, afin que nous reconnaissions aussi notre gémissement, et quà chaque jour suffise sa malice 2. Si lorgueil nous a éloignés de Dieu, que la fatigue nous ramène à lui. Et comme nous ne pouvons retourner à lui que par la grâce, cette grâce nous est donnée gratuitement; car si elle nétait gratuite, elle ne serait plus une grâce. Or, si elle est grâce, parce quelle est gratuite, nul mérite en vous ne la précédée, pour vous la faire accorder. Car si vos bonnes oeuvres lavaient précédée, ce serait une récompense, et non un don gratuit: or, le salaire que nous méritions, cest lenfer, Notre délivrance nest donc point due à nos mérites, mais bien à la grâce de Dieu. Bénissons-le donc, et reconnaissons que nous lui sommes redevables de tout ce qui est en nous, et de notre salut. Cest ainsi que le Prophète conclut tout ce quil a déjà dit: « Seigneur, je me souviendrai uniquement de « votre justice 3 ». Cest là que nous avons terminé hier notre instruction. Ces premiers captifs sont donc ceux qui appartiennent au premier homme: car cest à cause du premier homme, en qui nous mourons tous, que nous sommes captifs. « En effet, ce nest point lhomme spirituel qui fut formé le premier, mais bien lhomme animal dabord, ensuite lhomme spirituel 4». Le premier homme a donc lait les premiers captifs, et le second
1. Ps. LIII, 8. 2. Matth. VI, 34. 3. Ps. LXX, 16. 4. I Cor. XV, 46.
homme les seconds rachetés. Car ce nom de rachetés dit hautement que nous étions captifs. Doù nous eût-on rachetés, si auparavant nous neussions été eu servitude? Pour exprimer plus clairement cette captivité que nous insinuait lépître de saint Paul, nous avons emprunté ses paroles, afin de la prêcher en répétant avec lui: « Je vois dans mes membres une loi qui résiste à la loi de mon esprit, et qui me rend captif sous la loi du péché qui règne dans mes membres 1 ». Telle est notre première captivité qui fait conspirer la chair contre lesprit 2. Cest là le châtiment du péché, de diviser contre lui-même lhomme qui na pas voulu avoir un seul maître. Car rien nest aussi avantageux pour lâme que lobéissance. Et si cet assujétissement est si avantageux à lâme, dans un serviteur pour obéir à son maître, dans un fils pour obéir à son père, dans une épouse pour obéir à son mari; combien le sera-t-il plus dans lhomme pour obéir à Dieu? Adam fit lexpérience du mal, et tout homme est Adam, de même que tout homme est Christ en ceux qui croient, parce que tous sont membres du Christ: Adam fit donc lexpérience du mal, quil neût jamais ressenti sil fût demeuré fidèle à cette parole: « Ny touche point 3 ». Après cette expérience du mal, quil obéisse au médecin qui veut le relever, lui qui na point voulu croire au médecin pour nêtre point malade. Car un bon, un fidèle médecin donne à ceux qui sont en santé le moyen de ne point leur devenir nécessaire. Car ce nest point lhomme en santé, mais bien le malade qui a besoin du médecin 4. Or, un médecin habile qui vous aime assez pour ne point chercher à vendre son art, qui a plus de joie de vous voir en santé que de vous voir malade, donne aux hommes qui se portent bien des conseils quils doivent observer pour ne point tomber malades. Mais quon néglige Ces conseils, et quon arrive à la maladie, on a recours au médecin. On invoque, sous lempire du mal, celui que lon méprisait en santé. Quon le supplie du moins, et que dans le délire de la fièvre on ne semporte pas jusquà le frapper. Vous avez entendu tout à lheure, dans la lecture de lEvangile, une parabole contre ces frénétiques. Etaient-ils sains desprit ceux qui disaient: « Voici lhéritier, venez, tuons-le, et lhéritage sera pour
1. Rom, VII, 23. 2. Gal. V, 17. 3. Gen. II, 17. 4. Matth, IX, 12.
144
nous 1? » Assurément non: car après avoir tué le fils, ils eussent tué le père; est-ce là de la sagesse? Enfin les voilà qui ont tué le fils: mais le fils est ressuscité, et la pierre quont repoussée ceux qui bâtissaient, est devenue la pierre angulaire 2. Ils se sont heurtés contre elle, et se sont meurtris; elle tombera sur eux pour les écraser. Mais il nen est pasde même de celui qui chante dans notre psaume, et qui dit: « Jentrerai dans la puissance du Seigneur » : non pas dans la mienne; mais dans celle «du Seigneur » . « Seigneur, je me souviendrai uniquement de votre justice ». Je ne reconnais en moi aucune justice, je me souviendrai uniquement de la vôtre. Cest de vous que je tiens tout le bien qui est en moi; et tout le mal qui est en moi vient de moi. Au lieu du supplice que je méritais, vous mavez donné la grâce que je ne méritais point. Cest donc uniquement de votre justice que je veux me souvenir. 2. « O Dieu, vous mavez instruit dès ma jeunesse 3 ». Que mavez-vous enseigné? Que je dois me souvenir uniquement de votre justice. Si je considère en effet ma vie passée, je comprends ce que je méritais, et ce qui ma été accordé au lieu de ce que je méritais. Je méritais la peine, jai reçu la grâce; je méritais lenfer, jai reçu la vie éternelle. « O Dieu, vous mavez instruit dès ma jeunesse ». A la première lueur de cette foi qui ma renouvelé, vous mavez appris quil ny avait en moi rien qui pût me faire croire que vos dons étaient mérités. Qui peut se tourner vers Dieu, sil nest dans liniquité? Qui est racheté, sinon le captif? Qui peut dire que sa captivité était injuste, quand il a quitté son général pour suivre un déserteur? Cest Dieu qui est le général, et le déserteur, cest le diable : le général a intimé un ordre, le déserteur a insinué la révolte 4 ; est-ce an commandement ou à la fourberie que tu as prêté loreille? Le diable te paraît-il préférable à Dieu? Celui qui fait défaut, à celui qui ta créé? Tu as cru à la promesse du diable, et tu as rencontré la menace de Dieu. Maintenant donc, délivré de sa servitude, heureux en espérance, mais pas encore en réalité, marchant dans la foi, et non dans la claire vue, notre interlocuteur sécrie : « O Dieu, vous mavez instruit dès ma jeunesse ». De-
1. Matth. XXI, 38. 2. Ps. CXVII, 22. 3. Id. LXI, 17. 4. Gen. II, 17, et III, 1.
puis que je me suis tourné vers vous, que vous avez renouvelé en moi ce que vous aviez fait, créé de nouveau ce que vous aviez créé, réformé ce que vous aviez formé; depuis que je me suis tourné vers vous, jai compris quil ny avait dabord en moi aucun mérite, mais que votre grâce ma été donnée gratuitement, afin que je me souvinsse uniquement de votre justice. 3. Mais après la jeunesse? Car « vous mavez instruit», dit le Prophète, «dès mes jeunes années » ; quest-il arrivé après la jeunesse? Dès labord de ta conversion, tu as compris quavant ton retour à Dieu, il ny avait rien de juste en toi, et que liniquité a précédé tout dabord, afin que, à liniquité une fois bannie, pût succéder la charité; ayant revêtu lhomme nouveau, seulement par lespérance, et pas encore dans la réalité, tu as compris quen toi nul bien navait précédé, que la grâce de Dieu ta seule tourné vers Dieu. Mais depuis ta conversion, as-tu du moins quelque mérite qui tappartienne, et dois-tu compter sur tes forces? Les hommes disent quelquefois : Laissez maintenant, javais besoin dêtre mis sur le bon chemin; il suffit, je suivrai ma route. Le guide qui ta montré le chemin reprend : Ne veux-tu point que je te conduise? Mais toi, dans ta présomption : Non, non, cest assez, je suivrai ma route. On te laisse, et ton ignorance tégare de nouveau. Il eût été bien pour toi quil te conduisît toujours, celui qui tavait mis dabord sur la voie. Sil rie le fait, tu vas tégarer encore; dis-lui donc : « Seigneur, conduisez-moi dans voire voie, et je marcherai dans votre vérité ». Mais prendre une voie nouvelle, cest la jeunesse pour toi; cest un renouvellement, le commencement de la foi. Car auparavant tu errais dans tes propres voies, tu tégarais dans les sentiers âpres et épineux ; meurtri dans tous tes membres, tu cherchais ta patrie, ou cette stabilité desprit qui te fît dire : Cest bien, et le le fît dire avec une pleine confiance, libre de toute épreuve, et enfin de toute captivité; or, cest là ce que tu ne trouvais point. Que dirai-je? Quun guide est venu te montrer la voie? Cest la voie elle-même qui est venue vers toi, et tu as été remis dans cette voie, sans que tu laies aucunement mérité, puisque tu étais dans lerreur. Mais depuis
1. Ps. LXXXV, 11.
145
que tu y marches, es-tu ton propre guide Celui qui ta enseigné la voie ta-t-il délaissé ? Non, dit le Psalmiste:, « Vous mavez enseigné dès ma jeunesse; et jusquà ce jour, je publierai vos merveilles ». Car il y a du merveilleux dans ce que vous faites pour moi, pour me diriger et me mettre sur la route; et ce sont là vos merveilles. Quelles sont, crois-tu, les merveilles de Dieu ? et de toutes ces merveilles, quy a-t-il de plus admirable que de ressusciter les morts? Mais suis-le donc un mort, diras-tu? Si tu étais mort, on ne te dirait point: « Lève-toi, ô toi o qui dors, sors dentre les morts, et le Christ « tilluminera 1 ». Tous les infidèles sont morts, comme tous les pécheurs, ils ont la vie corporelle, mais lâme est morte. Or, rendre la vie à celui dont le corps est mort, cest le mettre en état de voir encore cette lumière, et de respirer lair; mais ce nest pas être pour lui lair et la lumière; il commence à revoir ce quil voyait auparavant. Ce nest pas ainsi que lon ressuscite une âme. Dieu seul ressuscite une âme, comme il est vrai de dire que seul il rend la vie au corps; mais pour Dieu, ressusciter un corps, cest le rendre au monde; tandis que ressusciter une âme, cest la ramener à lui-même. Supprimez lair de ce monde, et le corps meurt aussitôt; que Dieu se retire, et notre âme est morte. Pour Dieu, ressusciter une âme, cest la mettre en lui-même; en dehors de lui, elle meurt de nouveau. Or, il ne la ressuscite point pour labandonner à elle-même, comme il ressuscita Lazare, mort depuis quatre jours, et rendu à la vie du corps par la présence corporelle du Sauveur. Il approcha son corps du sépulcre et cria : « Lazare, sortez, dehors » : Lazare se leva et sortit du sépulcre, tout lié quil était, puis on le délia et il sen alla 2. La présence du Seigneur le rendit à la vie, mais il vécut en labsence du Seigneur. Et toutefois, en le ressuscitant par sa présence corporelle et visible, il le ressuscita encore par cette invisible majesté dont aucun lieu nest privé. Or, bien que le Seigneur fût présent, dune manière visible, pour ressusciter Lazare; quand le Seigneur séloigna de celte ville ou de ce lieu, Lazare cessa-t-il de vivre? Ce nest pas ainsi que notre âme revient à la vie. Dieu la ressuscite, et voilà quelle meurt de nouveau, si Dieu labandonne.
1. Ephés. V, 14. 2. Jean, XI, 41-44,
donne. Je vais vous dire une chose hardie, et vraie néanmoins : nous avons deux vies, la vie de lâme et la vie du corps, De même que lâme est la vie du corps, ainsi Dieu est la vie de isotte âme; et comme le corps meurt quand il perd son âme, lesprit meurt quand il perd son Dieu. Cest donc une grâce de la part de Dieu de nous ressusciter et de demeurer avec nous. Aussi, parce quil nous délivre de notre mort, et quil renouvelle en quelque sorte notre vie, nous lui disons: « O Dieu, vous mavez instruit dès mes jeunes années ». Et parce quil ne séloigne point de ceux quil ressuscite, de peur que son éloignement ne leur donne la mort, nous lui disons : « Et jusquà présent jannoncerai vos merveilles», car je ne vis quen union avec vous; cest vous qui êtes la vie de mon âme; elle meurt si vous labandonnez à elle-même. « Cest donc jusquà présent », cest-à-dire, tandis que ma vie, ou plutôt mon Dieu est en moi. Mais après? 4. « Et jusquà ma vieillesse, et mes derniers jours 1». Voilà deux expressions pour désigner la vieillesse, et dont le sens est distinct du grec. Lâge mûr qui succède à la jeunesse, a chez les Grecs un nom particulier, et il en est un autre pour la vieillesse qui vient après lâge mûr : on appelle presbutes, lhomme de lâge mûr, et geron le vieillard. Mais comme ces deux noms sont confondus en latin, on a désigné la vieillesse par deux expressions, vieillesse et derniers jours; vous savez que ce sont là deux âges différents. « Vous mavez instruit de votre grâce, dès u ma jeunesse; et jusquà présent », après ma jeunesse, « jannoncerai vos merveilles », car vous êtes avec moi pour me garantir de la mort, vous qui êtes venu me ressusciter : « Et jusquà ma vieillesse, et le déclin de ma vie»; cest-à-dire, jusquà mon dernier moment, si vous nêtes avec moi, je naurai aucun mérite; que votre grâce demeure donc en moi. Ainsi parlerait un homme seul, toi, lui ou moi; mais comme cest la parole dun noble interlocuteur, cest-à-dire de lunité même, cest la parole de lEglise; cherchons la jeunesse de lEglise. A son avènement, le Christ est crucifié, il meurt, il ressuscite, il appelle les nations, les voilà qui se convertissent, de généreux martyrs se présentent pour le Christ, le sang des fidèles est répandu,
1. Ps. LXX, 18.
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voilà que sélève dans lEglise une abondante moisson : cest sa jeunesse. Mais, à mesure que le temps marche, que lEglise confesse toujours et dise : « Jusquà ce jour jannoncerai vos merveilles ». Non-seulement dans ma jeunesse, alors que Paul et Pierre, que les premiers Apôtres les annonçaient; mais dans le cours des âges, moi ou plutôt lunité des membres qui composent votre corps, « jannoncerai vos merveilles ». Et après? « Jusque dans la vieillesse et mes derniers jours, je publierai vos merveilles »; car lEglise sera ici-bas jusquà la fin des temps. Eh! Si elle ne devait subsister ici-bas jusquà la fin des siècles, à qui le Seigneur aurait-il dit : « Je suis avec vous, jusquà la consommation des temps 1? » Pourquoi fallait-il nous tenir ce langage dans les saintes Ecritures? Cest quon devait rencontrer des ennemis de la foi chrétienne qui diraient: Les chrétiens ne sont que pour un instant, ils disparaîtront, le culte des idoles reviendra, tout sera rétabli comme auparavant 2. Combien de temps subsisteront les chrétiens? «Jusquà la vieillesse, et les dernières années » ; cest-à-dire jusquà la fin des siècles. Et toi, misérable infidèle, tu attends que le Christianisme passe, et tu passeras sans être chrétien : tandis que les chrétiens doivent demeurer jusquà la fin des temps; et toi, dans ton infidélité, à la fin dune vie si courte, de quel front te présenteras-tu devant un juge que tu auras blasphémé pendant ton existence? Donc, « depuis ma jeunesse jusquaujourdhui, et jusquà ma vieillesse et mes derniers jours, Seigneur, ne mabandonnez pas ». Et cela ne sera point pour un temps, comme le disent nos ennemis. « Ne mabandonnez point, que je naie publié votre puissance devant toute génération à venir ». A qui le bras du Seigneur a-t-il été montré 3? Le bras du Seigneur, cest le Christ. Ne mabandonnez donc point: quils ne soient point dans la joie, ceux qui disent : Les chrétiens ne sont que pour un temps. Quil y ait toujours des hommes pour annoncer votre bras. A qui? « A toutes les races futures ». Si donc cest à toutes les races futures, cest jusquà la fin des siècles; car à la fin du monde, il ny aura plus de génération à venir. 5. « Je publierai votre puissance et votre
1. Matth. XXVIII, 20. 2. Voir Discours sur le Ps. XL, n. 1. 3. Ps. LIII, 1.
justice 1». Cest là montrer votre bras à toutes les générations à venir. Et quelle est loeuvre de votre bras? notre délivrance gratuite. Voilà ce que je dois publier, votre grâce à toute génération à venir; je dirai à tout homme qui doit naître : Tu nes rien par toi-même, invoque le Seigneur; le péché vient de toi, le mérite vient de Dieu : ce qui test dû, cest le châtiment, et si tu reçois une récompense, Dieu couronnera ses dons, et non pas tes mérites. Je dirai à toute génération à venir : Tu es venu de la captivité, tu appartenais à Adam. A toute génération à venir, je montrerai non mes forces, non ma justice, mais « votre puissance et votre justice, ô Dieu, jusquaux plus hautes merveilles qui sont votre ouvrage ». Jusquà quel point « votre justice et votre puissance? » jusquà la chair et au sang? Bien plus « jusquaux merveilles les plus élevées qui sont votre ouvrage». Les cieux sont en haut, les Anges sont en haut, ainsi que les Trônes, les Dominations, les Principautés, les Puissances; ils vous doivent ce quils sont, ils vous doivent la vie, et surtout la vie de justice, et la vie heureuse. Jusquoù donc « publierai-je votre justice et votre puissance? » « Jusquaux plus hautes merveilles qui sont votre ouvrage ». Ne croyez pas que lhomme seul ait part à la grâce de Dieu. Quétait lange avant dêtre créé? Que serait-il sil était délaissé de son Créateur? Donc « je publierai votre justice et votre puissance, jusquaux plus hautes merveilles qui sont votre ouvrage». 6. Toutefois lhomme se glorifie : et pour être de la première captivité, il écoute la suggestion du serpent : « Goûtez, et vous serez comme des dieux 2 ». Des hommes comme des dieux ! « O Dieu, qui est semblable à vous? » Rien, ni dans labîme, ni dans lenfer, ni sur la terre, ni dans les cieux; car cest vous qui avez tout créé. Comment loeuvre entre-t-elle en lice avec louvrier? « O Dieu, qui est semblable à vous? » Pour moi, dit ce misérable Adam, et tout homme est en Adam, lorsque, cédant à la perversité, je veux être semblable à vous, je me vois réduit à en appeler à vous, de ma triste captivité; heureux jadis sous un roi plein de bonté, je suis devenu lesclave de mon séducteur; et maintenant je crie vers vous, parce que je suis tombé en me séparant de vous. Et pourquoi
1. Ps. LXX, 19. 2. Gen. III, 5.
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suis-je tombé loin devons? Parce que jai cédé à la malice, et voulu être semblable à vous. Quoi donc? Nest-ce pas à devenir semblable à lui, que le Seigneur nous appelle? Nest-ce point lui qui nous dit : « Aimez vos ennemis; priez pour ceux qui vous persécutent: faites du bien à ceux qui vous haïssent? » Cest là nous inviter à lui devenir semblables. Et puis, que dit-il ensuite? « Afin que vous soyez les enfants de votre Père qui est dans les cieux ». Or, que fait ce Père? Le voici assurément: « Il fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les justes et sur les injustes 1». Donc vouloir du bien à ses ennemis, cest ressembler à Dieu ; et ce nest point là de lorgueil, mais de lobéissance. Pourquoi? Parce que nous sommes faits à limage de Dieu. « Faisons lhomme », dit-il, « à notre image et à notre ressemblance 2 ». Il ny a donc point usurpation à garder,en nous limage de Dieu, et puissions-nous ne point la perdre par notre orgueil. Mais quest-ce que cette prétention orgueilleuse dêtre semblable à Dieu? Quel motif, pensez-vous, fait dire à cette âme captive : « Seigneur, qui est semblable à vous?» Quelle malice y a-t-il dans cette ressemblance? Ecoutez et comprenez, si vous le pouvez; nous espérons que celui qui nous met lui-même ces paroles dans la bouche, nous donnera aussi le pouvoir de les comprendre. Dieu na besoin daucun bien, il est le bien suprême, et tout bien vient de lui. Pour être bons, nous avons besoin de Dieu; mais lui, pour être bon, na nul besoin de nous, et non-seulement de nous, mais pas même « de ces merveilles si hautes qui sont son ouvrage»; il na besoin ni des esprits célestes, ni des esprits supérieurs encore, ni de ce que lon nomme le ciel des cieux, pour être supérieur en bonté, en puissance, en félicité. Que serait tout ce qui nest point lui, si lui-même ne leût créé? Quel besoin peut avoir de toi celui qui était avant toi, et qui est si puissant, quil ta créé lorsque tu nétais pas? Mais cette oeuvre, est-ce loeuvre des parents à légard des enfants? Cette génération est plutôt loeuvre dune convoitise charnelle, quune création : Dieu crée alors quils engendrent. Mais si tu crées aussi bien que Dieu, dis-moi ce que ta femme doit mettre au monde. Pourquoi te demander de me le dire? Que ta femme le
1. Matth. V, 44, 45. 2. Gen. I, 26.
dise, elle qui ne sait ce quelle porte. Et toutefois les hommes engendrent des fils, pour être la consolation et le soutien de leur vieillesse. Or, Dieu na-t-il créé tout ce qui existe que pour avoir un soutien dans ses vieux jours? Dieu connaît ce quil crée, et ses desseins de bonté sur sa créature, et ce quelle deviendra par sa propre volonté : Dieu connaît tout cela, et le coordonne avec sagesse, Mais lhomme, pour être quelque chose, se tourne vers celui qui la créé. Pour lui, sen éloigner, cest se glacer; sen rapprocher, cest se réchauffer; sen éloigner, cest la nuit; sen rapprocher, cest la lumière. Celui qui lui a donné lêtre lui donne encore le bien-être. Enfin ce fils le plus jeune qui voulut avoir en main la part de cet héritage que son père lui gardait si avantageusement, devint maître de lui-même et sen alla dans un pays éloigné, où il servit un maître méchant et garda les pourceaux. Mais la faim corrigea cet orgueilleux, que labondance avait éloigné 1. Donc tout homme qui aspire à être semblable à Dieu, qui veut se tenir auprès de lui, qui lui garde toute sa force 2, comme a dit le Prophète, ne doit point sen éloigner; quil sattache à lui, afin den recevoir lempreinte, comme la cire reçoit lempreinte dun anneau; quen sattachant à lui, il en reçoive limage, et dise avec le Prophète : « Il mest bon de mattacher à Dieu 3 », alors il gardera cette image, cette ressemblance à laquelle il a été fait. Mais si vouloir imiter Dieu nest quun acte pervers, et de même que Dieu na besoin de personne pour le gouverner et le conduire, si lhomme veut user de sa puissance pour se diriger et se conduire comme Dieu, sans aucune main étrangère, que lui restera-t-il alors, mes frères, sinon de languir loin de ce feu divin, de sévanouir loin de cette vérité, de changer toujours et daboutir au néant, loin de celui qui est souverainement, qui est immuable? 7. Voilà ce qua fait le diable: il a voulu imiter Dieu, mais dune manière criminelle. Loin dêtre soumis à la puissance divine, il a voulu une puissance à lencontre de Dieu même. Quant à lhomme, il entendit le Seigneur Dieu qui lui intimait ce précepte « Ne touchez point 4». A quoi? A cet arbre. Et quétait-ce que cet arbre? Sil est bon.
1. Luc, XV, 12-16. 2. Ps. LVIII, 10. 3. Id. LXXII, 28. 4. Gen. II, 17.
pourquoi ny pas toucher? Sil est mauvais, que fait-il dans le paradis? Cest au contraire parce quil est un bon arbre quil est dans le paradis : mais je te défends dy toucher. Pourquoi ny pas toucher? Parce que je veux ton obéissance et non tes contradictions. Voilà ton service, ô serviteur; mais ne sers point dune manière perverse. Serviteur, écoute avant tout lordre du Maître, et tu comprendras le sens du précepte. Cet arbre est bon, et je te défends dy toucher. Pourquoi? Parce que je suis maître, et toi serviteur. Cest là toute la raison. Te paraît-elle faible, et dédaignerais-tu de me servir? Quel est ton avantage, sinon dêtre soumis à ton maître? Or, sil est avantageux pour toi dêtre sous un maître, et dobéir, que devait-il te commander? Pouvait-il exiger quelque chose de toi? Devait-il te dire: Offre-moi un sacrifice? Na-t-il pas fait toutes les créatures, et toi-même entre ces créatures? Devait-il te dire: Sois à mon service, ou près de ma couche, quand je prends mon repos, ou à table quand je répare mes forces, ou dans le bain quand je me lave? Eh quoi! parce que Dieu navait nul besoin de tes services, ne devait-il rien te commander? Mais sil fallait tintimer un ordre, afin de te faire sentir, pour ton avantage, que tu es sous la dépendance dun maître, il devait faire quelque défense, non pas que larbre fût mauvais, mais parce que tu avais besoin dobéir. Or, le Seigneur ne pouvait te faire mieux sentir lavantage de lobéissance, quen prohibant pour toi ce qui nétait point mauvais. Il ny a que lobéissance quon puisse rémunérer, il ny a que la désobéissance que lon châtie. Larbre est bon, mais je te défends dy toucher. Tu ne mourras point, si tu ny touches point. Interdire cet arbre, était-ce donc interdire tous les autres? Le jardin nest-il pas plein darbres fruitiers? Te manquerait-il quelque chose? Je tinterdis celui-là, je te défends den goûter. Il est bon, mais lobéissance est meilleure encore. Si tu viens à y toucher, cet arbre deviendra-t-il un poison, qui te fera mourir? Non: mais toucher au fruit défendu est une désobéissance qui tassujétit à la mort. Aussi cet arbre est-il appelé larbre de la science du bien et du mal 1, non que ses fruits la pussent donner; mais peu importe la nature de larbre, et la nature de ses fruits, il était ainsi appelé parce que lhomme qui ne voudrait
1. Gen. II, 7.
point faire le discernement du bien et du mal, daprès le précepte de Dieu, le devait faire par sa propre expérience, et nenfreindre la défense que pour trouver la mort. Mais doù vient, mes frères, quAdam y toucha? Que lui manquait-il? Oui, dites-le-moi, que lui manquait-il dans le paradis, au milieu de ces richesses, au milieu des délices, alors que ses délices étaient de voir la face de Dieu, cette face quil craignait après le péché comme la face dun ennemi? Que lui manquait-il pour toucher à cet arbre? Nest-ce pas quil voulut user de sa puissance, et mit son bonheur à violer une défense, afin de nêtre sous aucune domination, et dêtre comme Dieu, puisque Dieu na aucun maître? Funeste liberté! criminelle présomption ! Le voilà qui mourra parce quil sest éloigné de la justice! Voilà quil a violé le précepte, quil a secoué de ses épaules le joug de la discipline, et brisé dans sa fureur le frein qui le dirigeait; où est-il maintenant? Le voici captif, et il sécrie; « Seigneur, qui est semblable à vous? » Jai voulu follement devenir semblable à vous, et me voilà semblable aux bêtes. Sous votre empire, assujéti à vos lois, jétais véritablement semblable à vous : mais lhomme était en honneur, et il ne la pas compris, il sest comparé aux animaux sans raison, et leur est devenu semblable Dans cette malheureuse ressemblance avec lanimal, crie donc enfin, et dis au Seigneur : « O Dieu, qui est semblable à vous? » 8. « Que dangoisses, et nombreuses et accablantes, vous mavez fait éprouver 2 !» Tout cela est bien juste , esclave orgueilleux; car tu as voulu, dans ton insolence, être semblable à ton Seigneur, toi qui étais fait à son image. Et tu voudrais trouver le bonheur en téloignant du bien suprême? Dieu te dit alors : Si tu trouves la félicité en téloignant de moi, je ne suis pas le bien pour toi. Mais si Dieu est bon, souverainement bon, dune bonté qui lui soit propre et ne lui vienne point dailleurs; sil est pour nous le souverain bien,que serais-tu loin de lui, sinon mauvais? Et sil est notre bonheur, que peux-tu espérer en téloignant de lui, sinon le malheur? Reviens donc, instruit par le malheur, et dis: « Seigneur, qui est semblable à vous? Que dangoisses, et nombreuses et accablantes, mavez-vous fait éprouver ! »
1. Ps. XLVIII, 13. 2. Id. XX, 20.
149
9. Toutefois ce nétait point un abandon, mais bien un châtiment, une épreuve. Ecoutons cette action de grâce du Prophète: « Vous êtes revenu, et vous mavez rendu à la vie et retiré une seconde fois des entrailles de la terre 1». Quelle fut donc la première fois ? Pourquoi « une seconde fois? » O homme, tu es tombé de bien haut, esclave rebelle, orgueilleux contre Dieu, tu es tombé de bien haut! Cette parole sest accomplie en toi: « Quiconque sélève sera humilié »; que cette autre saccomplisse de même: « Quiconque sabaisse sera élevé 2 ». Sors enfin de labîme. Me voici, dit-il, je reviens et je le reconnais: « O Dieu, qui est semblable à vous? Quelles tribulations, et nombreuses et accablantes, vous mavez fait éprouver! Mais vous êtes revenu, vous mavez rendu à la vie, et mavez une seconde fois retiré des entrailles de la terre ». Je comprends. Vous mavez retiré des abîmes de la terre: vous mavez retiré des profondeurs et de labîme du péché. Mais comment une seconde fois? » Quelle fut la première? Voyons la suite du psaume. Elle vous expliquera peut-être ce que nous ne comprenons pas encore, ce que signifie « une seconde fois ». Ecoutons donc. « Combien dangoisses, et nombreuses et accablantes, mavez-vous fait éprouver! Et vous êtes revenu, et mavez rendu à la vie, vous mavez retiré une seconde fois des entrailles de la terre 3». Mais ensuite? « Vous avez multiplié votre justice , vous vous êtes tourné vers moi pour me consoler, et me retirer de nouveau des entrailles de la terre 4 » Voici encore une fois « de nouveau ». Sil nous paraissait difficile den préciser le sens une première fois, que sera-ce maintenant quil est répété? « De nouveau », signifie dabord deux fois, et le voici encore une fois. Puisse maider celui de qui vient la grâce; puisse maider ce bras que nous annonçons à toute créature à venir; puisse-t-il maider lui-même, et que sa croix soit une clef qui mouvre ce mystère sacré. Ce nest pas sans raison en effet quà sa mon sur la croix, le voile du temple 4 fut déchiré en deux parties, parce que la passion de Jésus-Christ mettait à découvert les mystères les plus cachés. Puisse-t-il assister ceux qui retournent à lui; que le voile soit enlevé 5; et que Jésus-Christ
1. Ps. LXX, 20. 2. Luc, XIV, 11. 3. Ps. LIX, 21. 4. Matth. XXVII, 51. 5. II Cor, III, 16.
notre Seigneur et Sauveur nous dise pourquoi le Prophète parle ainsi: « Vous mavez fait éprouver des peines sans nombre et accablantes; et revenant à nous, vous nous avez vivifié, et retiré de nouveau des entrailles de la terre ». Voilà une première fois « de nouveau ». Cherchons ce quil signifie et nous trouverons pourquoi il est répété une seconde fois. 10. Quest-ce que le Christ? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était Dieu, et le Verbe était en Dieu. Il était au commencement avec Dieu. Toutes choses ont été faites par lui, et rien na été fait sans lui ». Prodigieuse élévation! Incommensurable élévation! Et toi captif, où es-tu? Dans la chair, dans la mort. Qui est donc ce Verbe? Et toi qui es-tu? Qua fait ensuite ce Verbe? Et pour qui? Qui est-il, sinon le Verbe, comme on lappelle? Quel Verbe? Est-ce une parole qui résonne et qui passe? Cest le Verbe qui est Dieu et en Dieu, le Verbe par qui tout a été fait. Quest-il pour toi? « Le Verbe qui sest fait chair, pour habiter parmi nous 1. Celui qui na pas épargné son propre Fils, mais qui la livré pour nous, que ne nous donnera-t-il pas avec lui 2? » Voilà ce quil est, ce quil devient, et pour qui. Le Fils de Dieu prend une chair à cause du pécheur, de lhomme inique, du déserteur, de lorgueilleux, de ce misérable qui voulait être semblable à son Dieu. Il est devenu ce que tu es, ô fils de lhomme, afin que nous devinssions fils de Dieu. Il sest fait chair; doù est venue cette chair? De la vierge Marie 3. Doù venait la vierge Marie? DAdam. Cétait donc de ce premier captif, et la chair du Christ venait de cette niasse de servitude. A quoi bon? Pour te servir de modèle. Il à pris en toi le moyen de mourir pour toi; il a pris en toi de quoi offrir pour toi, afin de tinstruire par son exemple. Que devait-il tapprendre? Que tu dois ressusciter. Comment pourrais tu le croire, si tu ne voyais la résurrection dans une chair tirée de la masse de ta mortalité? Cest donc en lui que nous sommes ressuscités tout dabord , et nous sommes ressuscités, parce que le Christ est ressuscité; car ce nest point le Verbe qui est mort, puis ressuscité: mais cest la chair qui, dans le Verbe, est morte, puis ressuscitée. Le Christ est mort dans cette chair qui doit mourir en toi, et ressuscité dans cette
1. Jean, I, 13-14. 2. Rom. VIII, 32. 3. Luc, II, 7.
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même chair comme tu dois ressusciter. Son exemple tapprend à ne rien craindre, mais à espérer. Tu redoutais la mort, et le voilà qui meurt; tu désespérais de ressusciter, le voilà qui ressuscite. Mais, diras-tu, le Christ est ressuscité; et moi, ressusciterai-je? Il est ressuscité dans cette chair quil a prise de toi et pour toi. Cest donc ta nature qui ta précédé en lui : cest ce quil tenait de toi qui est monté au ciel avant toi; tu y es donc monté aussi toi-même. Le Christ y est monté le premier, et nous en lui : parce que sa chair était de nature humaine. Donc, à sa résurrection nous avons été retirés des entrailles de la terre. Alors cette parole: « Vous mavez retiré des entrailles de la terre », se justifie à la résurrection de Jésus-Christ. Et quand nous avons cru en lui, « il nous a tirés de nouveau des entrailles de la terre ». Voilà encore « de nouveau ». Ecoute lApôtre qui nous en prêche laccomplissement: « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, cherchez ce qui est den haut, goûtez ce qui est den haut, où le Christ est assis à la droite de Dieu; goûtez ce qui est du ciel, non ce qui est sur la terre 1 ». Le Christ est donc ressuscité le premier; nous aussi nous sommes ressuscités, mais seulement par lespérance. Ecoute le même apôtre saint Paul qui nous dit : « Nous gémissons intérieurement dans lattente de ladoption, qui sera la délivrance de notre corps ». Tu es encore dans les gémissements, encore dans lattente. Quas-tu donc reçu du Christ ? Ecoute ce qui suit: « Nous sommes sauvés par lespérance; or, lespérance qui verrait, ne serait plus une espérance. Car, comment espérer ce que lon voit déjà? Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous lattendons par la patience 2 ». Ainsi donc, cest par lespérance que nous sommes tirés de labîme une seconde fois. Pourquoi une « seconde fois? » Parce que le Christ nous avait déjà précédés; et comme nous ressusciterons en réalité ; puisque nous vivons dans lespérance, et que maintenant nous marchons dans la foi; nous avons été retirés des entrailles de la terre, par la foi en celui qui est ressuscité avant nous des entrailles de la terre; notre âme est sortie de linfidélité, de lincrédulité, Ainsi sest accomplie en nous une première résurrection par la foi. Mais si elle doit être la seule, que devient cette parole de saint
1. Coloss. III, 1, 2. 2. Rom. VIII, 23-25.
Paul : « Nous attendons ladoption qui délivrera notre corps?» et cette autre du même endroit : « Le corps est mort à cause du péché, mais lesprit vit à cause de la justice? Or, si lesprit qui a ressuscité le Christ dentre les morts, vit en nous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ dentre les morts, vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son esprit qui habite en vous ». Donc, nous sommes déjà ressuscités en esprit par la foi, lespérance et la charité. Mais il nous reste à ressusciter dans notre corps. Te voilà donc une première fois et une seconde fois tiré des entrailles de la terre. Une première fois, dans le Christ qui nous à précédés; une seconde fois, en espérance, et cette espérance deviendra une réalité. « Vous avez multiplié votre justice », dans ceux qui ont embrassé la foi, et qui sont ressuscités dabord en espérance : « Vous avez multiplié votre justice ». Car le châtiment vient de cette justice: « Et le temps est venu», dit saint Pierre, « de commencer le jugement par la maison de Dieu 2 », ou par les saints. « Or, Dieu châtie tout homme quil adopte pour fils 3». Vous avez multiplié votre justice » : puisque vous navez pas épargné vos fils eux-mêmes, et que vous ne préservez pas du châtiment ceux à qui vous réservez lhéritage éternel. « Vous avez multiplié votre justice et vous vous êtes retourné pour me consoler » : et comme vous ressusciterez mon corps à la fin des temps, « vous mavez tiré de la terre encore une fois ». 11. « Pour moi, je chanterai toujours votre vérité sur les instruments du psaume 4». Linstrument du psaume est le psaltérion. Mais quest-ce que le psaltérion? Un instrument de bois avec des cordes. Que signifie-t-il? Il diffère quelque peu de la harpe: ceux qui le connaissent prétendent quil y a cette différence, que dans le psaltérion, ce bois creux auquel sont ajustées ces cordes qui doivent résonner, est à la partie supérieure, tandis quil est à la partie inférieure dans la harpe. Et comme lesprit vient du ciel, tandis que la chair vient de la terre, le psaltérion paraît être un instrument céleste, tandis que la harpe serait terrestre. Or, comme le Prophète avait parlé de nous tirer deux fois des entrailles de la terre, une fois selon lesprit et par lespérance, une seconde fois, dune
1. Rom VIII, 10, 11. 2. I Pierre, IV, 17. 3. Prov. III, 12; Hébr. XII, 6. 4. Ps. LXX, 22.
151
manière corporelle et en réalité ; écoutez ces deux résurrections: « Pour moi, je chanterai, en votre honneur, votre vérité sur linstrument du psaume ». Voilà pour lesprit: et que sera-ce du corps? « Je vous chanterai sur la harpe, ô saint dIsraël ». 12. Ecoutez encore cette résurrection, une première fois et une seconde fois. « Mes lèvres tressailliront quand je chanterai votre gloire 1». Comme les lèvres peuvent se dire de lhomme intérieur aussi bien que de lhomme extérieur, et que le sens quelles ont ici peut être incertain; le Prophète ajoute: « Ainsi que mon âme que vous avez rachetée». Donc, avec ces lèvres intérieures, sauvés en espérance, retirés des abîmes de la terre par la foi et la charité, et attendant néanmoins la délivrance de notre corps 2, que disons-nous à Dieu? Le Prophète a déjà parlé « de notre âme que Dieu a rachetée» .Mais pour ne point nous laisser croire que notre âme seule est rachetée par la délivrance dont il a parlé, «et encore», dit-il. Quest-ce à dire encore? « Mais encore ma langue », cest bien la langue du corps, « publiera tout le jour votre justice 3 » ; cest-à-dire éternellement, à jamais. Mais quand est-ce quil en sera ainsi? A la fin des siècles, lorsque notre corps sera ressuscité et semblable aux anges. Comment savons-nous que cest de la fin du siècle quil est dit: « Et mon âme chantera votre justice pendant tout le jour? » Cest qualors « seront couverts de honte et de confusion ceux
1. Ps. LXX, 23. 2. Rom. VIII, 23. 3. Ps. LXX, 24.
qui cherchent à me nuire ». Or, quand seront-ils dans la honte et dans la confusion, sinon à la fin des siècles? Ils ne peuvent être confondus quen deux manières, ou quand ils croiront au Christ, ou quand le Christ viendra les juger. Tant que lEglise, en effet, sera sur la terre, tant que le froment gémit au milieu de la paille, tant que gémissent les épis mêlés à livraie 1, les vases de miséricorde parmi les vases de colère destinés à lignominie 2, tant que gémit le lys au milieu des épines, il ne manquera pas dennemis pour dire : « Quand mourra-t-il? quand périra sa mémoire et n son nom 3? » Cest-à-dire : A bientôt, et il ny aura plus de chrétiens; ils ne sont que depuis un temps, et un temps viendra quils disparaîtront. Mais en parlant de la sorte, ces ennemis meurent pour léternité et lEglise demeure, montrant le bras de Dieu à toute génération à venir. Mais à la fin des temps le Christ viendra dans sa gloire, et les morts ressusciteront tous, chacun portant ses oeuvres: les bons seront séparés et mis à la droite, et les méchants à la gauche 4; et nos insulteurs dautrefois seront confondus, et nos railleurs couverts de honte ; et cest ainsi quaprès la résurrection, ma langue publiera votre justice et chantera votre louange pendant tout le jour, pendant que la honte et lignominie feront le partage de ceux qui cherchent à me nuire.
1. Matth. III, 12; XIII, 30. 2. II Tim. II, 20. 3. Ps. XL, 6. 4. Matth. XXV, 33.
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