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DISCOURS SUR LE PSAUME XCI.SERMON AU PEUPLE.LE SABBAT DIVIN.
Ici-bas nous sommes dans lattente des promesses divines, nous avons la foi et lespérance qui se transformeront un jour en charité; aimons donc le Seigneur, soit quil nous châtie, soit quil nous console. Le sabbat, qui est pour nous la cessation de bat péché, tel est le titre du psaume. Le méchant na pas ce sabbat qui est la joie dans la paix, le repos dans les promesses de Dieu, et que trouble ce que lon voit parmi les hommes. Si nous faisons le bien, nous en sommes redevables à Dieu; si nous faisons le mal, il ne faut sen prendre ni à Satan qui ne peut nous forcer, ni an destin comme sil était quelque chose en dehors de Dieu ; nos fautes viennent de nous seulement, nos bonnes actions viennent de Dieu; cherchons sou nom ou sa gloire dans la prospérité, ou dans ladversité que nous attirons par nos crimes. Chanter sur le psaltérion, cest faire le bien ordonné par le Décalogue; et cela vient de Dieu, puisque par nature nous sommes menteurs en paroles et en actions. Si limpie est dans la prospérité ici-bas, souvenons-nous que le Christ a souffert sur la terre ; limpie alors est un poisson qui avale avec sa proie lhameçon qui le perdra. Dieu est patient parce quil est éternel, tandis que limpie se fanera comme lherbe. Dieu corrige celui à qui il destine son héritage. Or, les méchants quil laisse en paix, nont rien à attendre de lui, taudis que le juste sera comme le palmier ou le cèdre que le soleil ne dessèche point. Ayons donc le véritable amour de Dieu, et nous ne laccuserons plus, puisquil a léternité.
1. Ecoutons ce psaume avec attention: que lieu nous donne de découvrir les mystères quil renferme, puisque cest pour éviter à notre esprit tout dégoût que les mêmes enseignements nous sont donnés sous des formes différentes. Toutes les instructions en effet que Dieu nous donne, se réduisent à la foi, à lespérance, à la charité: afin que notre foi saffermisse en lui, tant que nous ne le voyons pas encore; quaprès avoir cru en lui sans le voir nous nous réjouissions quand nous le perrons, et quà notre foi succède la vision, alors quon ne nous dira plus : Croyez ce que tous ne voyez point; mais bien: Jouissez de ce que vous voyez ; afin que notre espérance soit immuable, et que, fixée en Dieu, elle ne subisse ni changement, ni fluctuation, ni agitation, comme Dieu qui en est la base, nest assujetti à aucun ébranlement. Cest maintenant une espérance, mais à lespérance un jour succédera la réalité. Elle porte en effet le nom despérance tant que nous ne voyons pas ce qui en est lobjet, comme la dit lApôtre: « Lespérance qui verrait se serait plus une espérance: comment espérer ce que lon voit déjà? Si donc nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous lattendons par la patience 1». Il nous faut donc la patience, jusquà ce que vienne ce qui nous est promis. Mais la patience nexiste point quand on est
1. Rom, VIII, 24, 25.
heureux, et lon ne demande la patience quà lhomme qui souffre: on lui dit: De la patience, souffrez, endurez; cest une peine dans laquelle Dieu vous demande le courage, la force, la résignation, la patience. Mais vous fait-on des promesses mensongères? Un médecin prépare son fer pour tailler des blessures, et il dit à celui quil va tailler: De la patience, de la force, de la constance. Il demande la patience pendant la douleur, et après la douleur il promet la guérison. Si le malade qui gémit sous le fer du médecin ne se proposait la santé quil na pas, il se laisserait abattre par la douleur quil endure. Il est donc beaucoup de douleurs à supporter en cette vie; au dedans, au dehors, partout et sans cesse des scandales: et nul nen est touché, comme celui qui marche dans la voie de Dieu. A chaque page la sainte Ecriture lui prêche la patience: dans les maux présents, lespérance; dans lavenir, lamour de Celui quil ne voit pas, afin de lembrasser quand il le verra. Car la charité, cette troisième vertu, que lon joint à la foi et à lespérance, est plus grande que lune et lautre 1: la foi ayant pour objet les choses que lon ne voit point, ne sera plus quand viendra la vision. De même lespérance a pour objet ce que lon ne possède point encore, et nexistera plus lorsque nous jouirons de cet objet: ce ne
1. I Cor. XIII, 13.
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sera plus une espérance alors, mais une possession. Or, si nous aimons ce que nous ne voyons point encore, que sera-ce quand nous le verrons? Que notre désir saccroisse dès lors. Nous ne sommes chrétiens que pour la vie future: que nul ne se promette le bien de cette vie et la félicité du monde, parce quil est chrétien; quil use de la félicité dici-bas, comme il pourra, quand il pourra, et autant quil pourra. Quand il la possède, quil remercie Dieu qui le console; quand il en est privé, quil rende grâces à sa justice. Quil soit toujours reconnaissant, jamais ingrat; quil reçoive avec gratitude les faveurs dun Père qui le console, et quil reçoive avec la même gratitude les châtiments dun Père qui le soumet au joug de la discipline: car cest toujours par amour que Dieu nous prodigue ses faveurs ou ses menaces, et que le chrétien rejette cette parole du Psalmiste : « Il est bon de bénir le Seigneur, et de chanter des hymnes en votre nom, ô Dieu Très-Haut 1». 2. Voici le titre du psaume : « Psaume du cantique pour le jour du sabbat 2». Aujourdhui est un jour de sabbat, de ce sabbat que les Juifs honorent maintenant par un repos extérieur, une oisiveté molle et luxurieuse, car ils sadonnent alors à des bagatelles, et ce sabbat qua prescrit le Seigneur 3, ils le passent à des occupations quil a défendues. Le sabbat, pour nous, cest labstention de toute oeuvre mauvaise, et pour eux, de toutes bonnes oeuvres. Car labourer la terre serait mieux que danser. Pour eux, ils sabstiennent de toute bonne oeuvre, mais non de toute oeuvre puérile, Dieu nous a donc prescrit un repos : quel repos? Voyez dabord où est ce repos. Pour plusieurs le repos est dans les membres, tandis que la conscience est dans un trouble tumultueux. Quiconque est méchant ne saurait avoir ce sabbat : car sa conscience nest en repos nulle part; il vit nécessairement dans lagitation. La bonne conscience, au contraire, est toujours tranquille; et cette paix est le sabbat du coeur Il se repose dans les promesses du Seigneur, et sil éprouve quelque fatigue en cette vie, il sélève jusquà lespérance de lavenir, et alors se dissipe tout nuage de tristesse; comme le dit lApôtre : « Il jouit par lespérance 4 ». Or; cette joie pacifique dans lespérance est notre sabbat.
1. Ps. XCI, 2. 2. Id. 1. 3. Exod. XX, 8. 4. Rom, XII, 12,
Voilà ce que chante, ce que préconise notre psaume; il apprend au chrétien à demeurer dans le sabbat de son coeur, cest-à-dire dans le calme et dans la tranquillité, dans la sérénité dune conscience sans trouble. De là vient quil nous parle de ce qui est communément pour les hommes un sujet de trouble, afin de nous apprendre à célébrer le sabbat dans notre coeur. 3. Tout dabord, si tu as fait quelques progrès dans la piété, tu dois confesser à Dieu que ces progrès viennent de sa grâce et non de tes mérites. Cest ainsi quil faut commencer à célébrer ton sabbat; et ne tattribue point ce qui te vient de Dieu, comme si tu ne lavais point reçu 1; ne texcuse point non plus du mal que tu as fait, car il est véritable. nient de toi. Des hommes pervers et dans le trouble, qui ne célèbrent point le sabbat, rejettent sur Dieu le mal quils font, et sattribuent le bien. Celui-ci fait-il une bonne action? Cest moi qui lai faite, sécrie-t-il. Fait-il du mal ? Il cherche à qui lattribuer, pour ne point le confesser à Dieu. Quest-ce à dire quil cherche à qui lattribuer ? Sil nest pas tout à fait impie, il a sous la main le diable quil accuse: cest le diable qui en est lauteur, le conseiller, linstigateur, comme si Satan avait le pouvoir de te forcer. Il a le pouvoir de te solliciter au mal; que si Satan venait à parler, et Dieu à garder le silence, tu pourrais encore texcuser; mais maintenant tu es entre Dieu qui tavertit, elle diable qui te pousse au mal. Pourquoi incliner loreille de lun à lautre? Satan ne cesse de te pousser au mal, Dieu ne cesse de te porter au bien. Satan ne saurait te forcer; tu as toujours le Pouvoir de consentir ou de résister. Si tu agis mal à son instigation, laisse là le diable, naccuse que toi-même, afin que ton aveu te mérite le pardon de la part de Dieu. A quoi bon accuser celui qui ne peut obtenir son pardon ? Cest toi quil faut accuser, et tu obtiendras ton pardon. Dautres, sans accuser le diable, accusent le destin. Cest le destin, dit lun, qui ma poussé. Quas-tu fait? diras-tu à lun, pourquoi un tel crime? Cest mon malheureux destin, répond-il. Pour ne point dire: Voilà ce que jai fait, il lève les mains contre Dieu, et sa langue profère des blasphèmes. Il ne le fait pas ouvertement, mais vois sil ne le dit pas en effet. Demande-lui ce quest le destin, et il dira: Sa mauvaise
1. I Cor. IV, 7.
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étoile. Demande-lui qui a fait les étoiles, qui en a réglé le cours : à bout de réponses, il dira que cest Dieu. Il na donc plus de ressource que daccuser Dieu , soit directement, soit indirectement, soit sans aucun détour; et bien que Dieu punisse les fautes, il attribue néanmoins ses fautes à Dieu. Mais Dieu ne saurait punir ce quil a fait. Il châtie ce que tu fais, min de délivrer ce quil a fait. Souvent encore ces pécheurs, sans aucun subterfuge, sen prennent à Dieu même; et quand ils deviennent coupables, ils sécrient : Cest Dieu qui la moulu; si Dieu ne leût point voulu, je neusse point péché. Il tavertit, et non content de mépriser cette bonté au point de loffenser, faut-il encore laccuser de ta faute? Que nous apprend donc ce psaume? « Il est bon de confesser au Seigneur. Quest-ce à dire confesser au Seigneur?» Il faut également confesser au Seigneur, et que la faute vient de toi, et que tes bonnes actions viennent de lui. Alors « tu chanteras un psaume au nom du Très-Haut », cherchant la gloire de Dieu et non la tienne, bénissant son nom et pas le tien. Si tu cherches le nom du Seigneur, il cherche aussi le tien : si au contraire tu négliges la gloire de Dieu, il effacera aussi ton nom. Comment ai-je pu dire quil cherche ton nom? Comme il le fit à légard de ses disciples, qui revenaient de prêcher lEvangile où il les avait envoyés. ils avaient fait beaucoup de miracles, chassé les démons au nom du Christ, et ils revenaient en disant : « Seigneur, voilà que les démons nous sont soumis. » Sans doute ils avaient dit : « en votre nom », mais il vit quils se réjouissaient de cette gloire, quils tendaient quelque peu à lorgueil, parce quils avaient pu chasser les démons. Il vit quils cherchaient leur propre gloire, et il leur dit, cherchant à son tour ou plutôt conservant leurs noms en lui-même : « Ne vous réjouissez point de cela, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel 1». Cest là quest ton nom, si tu ne négliges point le nom du Seigneur. Chante alors sur la harpe le nom du Seigneur, afin que ton nom soit affermi en Dieu. Quest-ce, mes frères, que chanter sur la harpe? La harpe est un instrument de musique pourvu de cordes, Nos oeuvres, voilà donc notre harpe. Cest chanter le Seigneur que mettre la main aux bonnes oeuvres. Chante-le
1. Luc, X, 17, 20.
373 de la voix, chante-lui par les oeuvres. 4. « Pour annoncer au matin votre miséricorde, et votre vérité pendant la nuit 1». Que veut dire le Prophète, quau matin la miséricorde de Dieu sera annoncée, et sa vérité pendant la nuit? Le matin est pour nous le moment de la prospérité, et la nuit le moment de la tribulation. Que veut dire en un mot le Prophète ? Dans la prospérité, réjouis-toi dans le Seigneur, parce quelle est un bienfait de Dieu. Mais, diras-tu; si je me réjouis en Dieu dans la prospérité, parce quelle est un bienfait de sa miséricorde, que ferai-je dans ladversité ? Si le bonheur vient de sa miséricorde, le malheur viendrait-il de sa cruauté? Si, dans la prospérité, je chante sa miséricorde, laccuserai-je de cruauté dans le malheur? Non, sans doute. Mais dans la prospérité chante sa miséricorde, et dans le malheur chante sa vérité: châtier les péchés. ce nest pas être injuste. Daniel était dans la nuit, quand il priait. Cétait en effet quand Jérusalem était dans la captivité et sous la puissance de ses ennemis. Les saints alors étaient dans de grandes souffrances; Daniel était jeté dans la fosse aux lions, et les trois enfants précipités dans la fournaise 2. Voilà ce quendurait le peuple dIsraël dans sa captivité, cétait alors la nuit. Or, pendant la nuit, Daniel chantait la vérité de Dieu, et disait dans sa prière : « Nous avons péché, nous avons été impies, nous avons commis liniquité. A vous, Seigneur, la gloire; à nous, la confusion du visage 3». Il chante la vérité de Dieu pendant la nuit. Quest-ce que prêcher la vérité de Dieu pendant la nuit ? Cest naccuser point Dieu du mal dont tu souffres mais en attribuer la cause à tes péchés quil veut châtier : « Pour annoncer votre miséricorde, et votre vérité pendant la nuit». Annoncer donc cette miséricorde le matin, et sa vérité pendant la nuit, cest louer Dieu toujours , confesser Dieu, et chanter son nom. 5. « Sur linstrument à dix cordes, et avec des chants sur le luth 4 ». Ce nest point daujourdhui que vous entendez cet instrument à dix cordes. Ces dix cordes du psaltérion désignent les dix commandements de la loi. Mais il ne faut pas seulement le porter, il faut sen servir pour chanter. Les Juifs ont la loi, ils la portent, mais ne chantent point
1. Ps.XCI, 3. 2. Dan. VI, III. 3. Id. IX, 5,7. 4. Ps. XCI, 4.
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sur cet instrument. Quest-ce que ne point chanter ? Ne point opérer de bonnes oeuvres. Cela ne suffit point; agir avec tristesse nest point chanter encore. Quand est-ce que lon chante? Quand on fait le bien avec allégresse. Car lallégresse est dans le chant. Que dit en effet lApôtre? « Que Dieu aime celui qui donne avec joie 1». Quoi que tu fasses, fais-le avec joie, ton action alors sera bonne et bien faite : une oeuvre faite avec tristesse vient de toi; mais tu ne la fais point; tu portes le psaltérion plutôt que tu ne chantes. « Sur le psaltérion à dix cordes, avec des chants sur le luth »; cest-à-dire, dans tes paroles et dans tes actions. « Avec des chants », cest la parole; « sur le luth » ,cest laction. Te contenter du chant, cest la parole mais sans luth; agir sans chanter, cest navoir que la guitare. Donc et parle bien, et agis bien, si tu veux avoir des chants avec le luth. 6. « Vous mavez comblé de joie, Seigneur, à la vue de vos merveilles; loeuvre de vos mains ma fait tressaillir 2 », Vous comprenez ce que dit le Prophète. Si je mène une vie pure, cest à vous que je le dois, cest vous qui mavez formé: si je fais quelque bonne action, loeuvre de vos mains me fera tressaillir. Ainsi la dit lApôtre : « Nous sommes son ouvrage, créés dans les bonnes oeuvres 3 ». Si Dieu ne te formait au bien, tu ne connaîtrais que le mal dans tes oeuvres. « Dire le mensonge, en effet, cest parler de soi-même 4 ». Ainsi dit lEvangile. Or, tout péché est un mensonge, car nous appelons mensonge tout ce qui est contre la loi et contre la vérité. Que dit donc lEvangéliste? « Quiconque dit le mensonge, dit ce qui lui est propre », cest-à-dire que le péché est loeuvre qui vient de nous. Ecoutez maintenant le contraire de cette parole. Si lhomme qui dit le mensonge parle de lui-même, il suit de là que celui qui dit la vérité la dit par lesprit de Dieu. Aussi est-il écrit ailleurs « Dieu seul est véridique, et tout homme est faillible ». Toutefois ce passage ne veut point dire: Va , mens à loisir, parce que tu es un homme; cela signifie au contraire: Comprends que tu es homme et sujet à lerreur: pour être véridique, bois la vérité au sein de Dieu, afin de la répandre au dehors, et dêtre véridique toi-même. Comme tu ne saurais
1. II. Cor. IX, 7. 3. Ps. XCI, 5. 4. Ephés. II, 10. 5. Jean, VIII, 4, 6. Rom. III, 4.
avoir la vérité de toi-même, il te faut la boire à sa source. Téloigner de la lumière, cest te jeter dans les ténèbres: il en est de même de la pierre qui na en elle-même aucune chaleur, qui la tire du soleil ou du feu, et qui se refroidit quand on len éloigne; ce qui prouve quelle na aucune chaleur naturelle, quelle empruntait sa chaleur au soleil ou au feu: de même téloigner de Dieu, cest le froid pour toi, comme tapprocher de Dieu cest la ferveur : ainsi dit lApôtre : « Soyez fervents en esprit 1 ». Que dit-il encore, à propos de la lumière? Si tu approches de Dieu, tu seras dans la lumière . aussi le Psalmiste a-t-il dit : « Approchez de lui, et vous serez dans la lumière, et votre face naura point à rougir 2». Comme donc tu ne saurais faire aucun bien sans la lumière de Dieu, et la ferveur de lEsprit-Saint, lorsque ta vie est régulière, bénis le Seigneur, et afin de ne point tenorgueillir, tiens en toi le langage de lApôtre: « Quas-tu que tu naies reçu ; et si tu as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu navais point reçu 3? » Ainsi donc le Prophète nous apprend à faire au Seigneur une confession digne, quand il nous dit: « Seigneur, vous mavez rempli de joie dans vos créatures, et loeuvre de vos mains me fait tressaillir». 7. Que dire de ceux qui vivent dans limpiété et qui sont florissants? Ces pensées troublent lesprit dun homme qui perd le repos. Il voit quil a passé tous les jours de sa vie dans les bonnes oeuvres, et que néanmoins il est dans la misère, quil est dans la pauvreté, que peut-être il a faim, il a soif, il est dans la nudité, peut-être en prison, nonobstant le bien quil fait, tandis que celui qui la condamné à la prison est un homme diniquité, et néanmoins dans la joie; alors dans son coeur se glisse une pensée détestable contre Dieu; et il dit: O Dieu, à quoi bon vous servir, à quoi bon obéir à vos paroles? Je nai point ravi le bien dautrui, je nai commis ni larcin ni homicide, je nai convoité le bien de personne, je nai porté aucun faux témoignage, je nai outragé ni mon père ni ma mère; jamais je nai adoré les idoles, ni pris en vain le nom du Seigneur, mon Dieu ; je me suis abstenu de tout péché. Il énumère ainsi les dix codes, ou les dix commandements de la loi 4; il sonde sa conscience
1. Rom. XII, 11. 2. Ps. XXXIII, 5. 3. I Cor. IV, 7. 4. Exod. XX, 1-17.
sur chacun deux, et il voit quil nen a point violé, pas même un seul, et il sattriste de passer par tant dafflictions. Quant à dautres cependant, je ne dis point quils touchent à quelques-unes de ces cordes; ils ne touchent pas même le psaltérion: ils ne font aucune bonne oeuvre, ils consultent les idoles; ils paraissent être bons chrétiens, parce que leur maison ne souffre aucun dommage; leur survient-il quelque affliction, ils ont recours aux pythonisses, aux magiciens, aux sortilèges. On leur parle du nom du Christ, ils sen raillent, ils grimacent. On leur dit Vous avez la foi, et vous consultez les sorts? Arrière, vous disent-ils; ce sont eux qui mont conservé mon bien, sans eux je perdais tout; je serais demeuré dans laffliction. Homme naïf, ne marques-tu pas ton front du signe du Christ? Et sa loi vous défend tout cela. Tu te réjouis de tes biens que tu as conservés, et tu nes pas triste dêtre perdu toi-même? Combien vaudrait-il mieux avoir perdu ton vêtement, quavoir perdu ton âme? Néanmoins il se rit de tout; il outrage ses parents, il hait ses ennemis, les poursuit à mort; il dérobe, sil en trouve loccasion; il névite point le faux témoignage; il tend des pièges au mariage des autres; il convoite le bien dautrui; il fait tout cela : et néanmoins il est dans labondance, dans les honneurs, dans les dignités du siècle. Ainsi le voit ce pauvre qui fait le bien, qtai souffre, et qui dès lors se trouble en disant : O Dieu, les méchants sans doute vous plaisent, et vous haïssez les bons, pour aimer ainsi les hommes diniquité. Sil oient à se troubler et à se laisser entraîner à cette pensée, il bannira la paix de son coeur. Dès lors, il ne comprend plus ces beaux cantiques, il sen éloigne, et il répète sans sujet : « Il est bon de chanter le Seigneur, et de chanter des hymnes à votre nom, ô Très-Haut ». Et cet homme nayant plus le sabbat intérieur, ni le coeur en repos, et bannissant de son coeur toute bonne pensée, cherche à imiter celui quil voit fleurir au milieu des désordres , et il se laisse aller aux désordres quil voit commettre. Mais Dieu est patient parce quil est éternel, et il connaît le jour du jugement où il examinera toutes choses. 8. Comment le Prophète nous apprend-il ces vérités? « Combien, Seigneur, vos oeuvres minuit admirables, et combien sont profondes vos pensées 1 ! » A la vérité, mes frères, nulle mer nest aussi profonde que cette pensée de Dieu, qui laisse fleurir les méchants, et qui laisse les bons dans la douleur. Rien nest plus profond que cet abîme; cest dans ce gouffre, dans cette profondeur que tout infidèle fait naufrage. Veux-tu franchir cet abîme? Attache-toi au bois du Christ, et pour ne pas sombrer, tiens fortement au Christ. Quai-je dit : Tiens-toi au Christ? Cest pour cela quil a voulu souffrir sur la terre. Vous lavez entendu à la lecture de cette prophétie: il ne détournait ni ses épaules du fouet, ni son visage des crachats de la soldatesque, ni sa joue de leurs soufflets 2. Pourquoi donc vouloir souffrir ainsi, sinon pour consoler ceux qui souffrent? Il pouvait ne ressusciter sa chair quà la fin des temps : mais toi qui naurais rien vu, quelle espérance aurais-tu pu concevoir? Il na donc point différé sa résurrection, afin décarter de toi tous tes doutes, Cest dans lespoir de cette résurrection quil te faut endurer ici-bas les tribulations que le Christ a su endurer : sans témouvoir de ceux qui font le mal, et qui jouissent néanmoins ici-bas du bonheur. « Que vos pensées sont profondes, ô mon Dieu ! » Où est la pensée de Dieu? Attacher à présent les rênes quil doit resserrer ensuite. Loin de toi cette joie du poisson qui tressaille en dévorant lamorce; le pécheur na pas encore retiré lhameçon qui est dans la gorge de cet infortuné. Ce qui te paraît long est de courte durée, et tout cela passe rapidement. En face de léternité de Dieu, quest donc la plus longue vie humaine? Veux-tu être patient? envisage léternité de Dieu. Tu vois les jours peu nombreux, et dans ces jours tu veux que Dieu accomplisse tout. Quest-ce à dire tout? Quil damne les impies et couronne les justes. Voilà ce que tu voudrais voir en tes jours. Dieu laccomplira en son temps. Pourquoi tennuyer et ennuyer les autres? Dieu est éternel; il diffère, il est patient, et tu viens dire : Je ne puis attendre, je ne suis que pour un temps. Cela dépend de toi; unis ton coeur au Dieu qui est éternel, et tu seras éternel avec lui. Qua dit le Prophète à propos de ce qui passe avec le temps? « Toute chair est une herbe, et toute gloire de la chair est la fleur dune herbe; lherbe sest desséchée et la fleur est
1. Ps. XCI, 6. 2. Ps. L, 6.
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tombée 1». Tout se dessèche donc, et tout séteint, mais non la parole de Dieu : « Cette parole demeure éternellement ». Lherbe passe, la fleur de lherbe passe; mais il te reste un appui, cest « la parole de Dieu qui demeure éternellement ». Dis-lui donc alors : « Que vos pensées sont insondables, ô mon Dieu ! » Cest alors quen tenant le bois de la croix, tu peux traverser cet abîme. Y vois-tu quelque chose? Y comprends-tu quelque chose? Jentends, me réponds-tu. Si tu es chrétien, si tu es instruit à lécole du Christ, tu réponds que Dieu réserve tout à son jugement. Les bons souffrent, parce que Dieu les flagelle comme des enfants; les méchants sont dans la joie, parce quils sont damnés comme des étrangers. Un homme a deux fils, il corrige lun, et abandonne lautre, lun fait mal, et nest aucunement réprimé par son père, lautre au moindre mouvement est souffleté, châtié. Pourquoi lun est-il négligé, lautre frappé, sinon parce que lon réserve lhéritage à ce dernier, et que lautre est abandonné comme lenfant que lon déshérite? On ne voit aucune espérance en lui, et on le laisse vivre à son gré. Mais si lenfant que lon corrige nétait point sage, sil était assez imprudent pour envier le sort de son frère que lon ne corrige point; sil gémit intérieurement, sil dit en son coeur : Mon frère fait tous les crimes, il saffranchit des ordres de mon père, et il ne reçoit aucune réprimande, tandis quà la moindre faute, je suis châtié sans pitié; il serait alors un insensé, un imprudent sarrêtant à ce quil souffre, et non à ce quon lui réserve. 9. Aussi après avoir dit : « Combien profondes sont vos pensées», le Prophète ajoute: « Lhomme imprudent ne les connaîtra point, linsensé ne les comprendra point 2 ». Quest-ce que linsensé ne comprendra pas, que limprudent ne connaîtra pas? « Que les pécheurs se lèvent comme lherbe 3». Quest-ce à dire « comme lherbe? » Quils sont verdoyants en hiver, et se dessèchent pendant lété. Vois la fleur de lherbe. Y a-t-il rien pour passer plus vite? Quoi de plus brillant? quoi de plus vert ? sans tarrêter à cet éclat, redoute le desséchement. Tu as entendu que « les pécheurs sèchent comme lherbe » ; écoute les justes. « Car voici ». En attendant, vois les méchants qui sépanouissent
1. Isa. XL, 6-8. 2. Ps. XCI, 7. 3. Id. 8.
comme la fleur : cest bien ; mais que sont ceux qui ne comprennent point ce mystère? des insensés, des imprudents. « Quand « les pécheurs viennent à paraître comme « lherbe, et quils regardent tous ceux qui « commettent liniquité», Tous ceux qui ont dans le coeur une fausse idée de Dieu, ont regardé les pécheurs qui sont comme lherbe, cest-à-dire qui fleurissent pour un temps. Pourquoi les regarder ? « Afin de mourir pour le siècle du siècle ». En considérant cet éclat passager, ils les imitent, et dans leur volonté de fleurir avec eux pour un temps, ils périssent pour léternité : voilà ce que signifie: « Ils périssent pour le siècle du siècle ». 10. « Mais vous, Seigneur, vous êtes le Très-Haut pour léternité 1 ». Des hauteurs du ciel et de votre éternité, vous attendez que le temps des méchants sécoule, et que vienne le temps des justes. « Car voici». Redoublez dattention , mes frères, puisque Celui qui parle ici déjà sest uni à léternité de Dieu, et il parle en notre nom, au nom du corps du Christ, et le Christ parle au nom de son corps ou de son Eglise. Ainsi que je vous le disais tout à lheure, Dieu a la longanimité, la patience ; il tolère tous ces maux quil voit commettre aux méchants. Pourquoi? Parce quil est éternel, et quil voit ce quil leur réserve. A ton tour, veux-tu être patient? Unis-toi à léternité de Dieu, et attends avec lui ce qui est au-dessous de toi : et dès lors que ton coeur sera uni au Très-Haut, tu seras au-dessus de tout ce qui est mortel; et tu diras alors : « Voila que vos ennemis périront 2 ». Ils fleurissent aujourdhui, ils périront demain. Quels sont les ennemis de Dieu? Mes frères, peut-être ne regardez-vous comme ennemis de Dieu que les blasphémateurs de son nom? Ils le sont en effet, et des ennemis outrageux, puisque ni leurs langues, ni leurs pensées népargnent à Dieu aucune injure. Mais que peuvent-ils faire à ce Dieu très-haut et éternel? Frappe du poing une colonne, tu te blesseras. Et tu crois quen frappant Dieu de tes blasphèmes, ce nest point toi qui es meurtri? Car Dieu nest pas atteint. Mais les blasphémateurs sont ouvertement ennemis de Dieu, et chaque jour on trouve des ennemis cachés. Craignez dêtre de ce nombre. LEcriture nous montre
1. Ps. XCI, 9. 2. Id. 10.
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quelques-uns de ces ennemis, afin que tu les con naisses du moins par lEsprit de Dieu puisque tu ne peux les connaître par toi-même, et que tu craignes dêtre de leur nombre. Saint Jacques dit clairement dans son épître : « Ne savez-vous pas que lami du monde est devenu lennemi de Dieu 1?» Tu lentends. Veux-tu nêtre pas ennemi de Dieu? Ne sois point lami du monde. Car, être lami du monde, cest être lennemi de Dieu. De même quune épouse ne saurait devenu adultère quelle ne soit en inimitié avec son mari; ainsi toute âme qui est adultère par amour des choses du monde, ne peut être que lennemie de Dieu. Elle craint, mais elle naime pas. Elle craint la peine, elle naime pas la justice. Ils sont donc ennemis de Dieu, tous ceux qui aiment le monde, tous ceux qui recherchent ses vanités, tous ceux qui consultent les sorts, les astrologues et les devins. Quils entrent ou non dans les églises, ils sont ennemis de Dieu. Ils peuvent, comme lherbe, fleurir pour un temps; mais ils périront lorsque Dieu jettera les yeux sur eux, et quil entrera en jugement avec toute chair. joins ta voix à celle des Ecritures, et dis avec le Psalmiste : « Voilà que vos ennemis périront». Quon ne te trouve point où ils périront. « Et alors seront dispersés tous ceux qui font liniquité ». 11. Mais si les ennemis de Dieu doivent périr,si tous ceux qui opèrent liniquité doivent être dissipés, que deviendras-tu, toi qui gémis aujourdhui, qui es dans laffliction, qui as à endurer les scandales et les iniquités du monde, qui souffres dans ta chair, mais qui as la joie dans le coeur, que deviendras-tu? Quelle est ton espérance, ô corps du Christ? O Christ, qui êtes assis dans les cieux à la droite de votre Père, et dont les pieds et les membres sont meurtris ici-bas, vous qui dites: « Saul, pourquoi me persécuter 1? » quelle sera votre espérance, si les ennemis de Dieu doivent périr, si tous ceux qui font liniquité doivent être dispersés? Que deviendrez-vous? «Ma corne sélèvera comme celle de la licorne 2 ». Pourquoi « comme celle de la licorne?» Quelquefois la licorne signifie lorgueil, quelquefois elle désigne lélévation de lunité. Elever lunité en gloire, cest tuer les hérésies avec les ennemis de Dieu. « Ma corne sera élevée comme celle de la licorne».
1. Act. IX, 4. 2. Ps. XCI, II.
Quand cela doit-il arriver? « Ma vieillesse sera dans une miséricorde abondante».Comment dit-il « ma vieillesse ?»Mes derniers moments, de même que dans nos âges différents la vieillesse est le dernier : ainsi tout ce quendure aujourdhui le corps du Christ, dans les travaux, dans les veilles, dans la faim, dans la soif, dans les scandales, dans les iniquités, dans les angoisses, cest le temps de sa jeunesse: sa vieillesse ou ses derniers moments seront dans la joie. Que votre charité veuille bien entendre quil a dit vieillesse, et ne vous figurez pas la mort ; lhomme ne vieillit que pour mourir. Or, pour lEglise, sa vieillesse sera blanche par ses actions saintes, mais elle ne verra point ha corruption de la mort. Telle on voit la tête dun vieillard, telles seront nos oeuvres. Vous voyez la tête grisonner dabord, puis blanchir totalement, à mesure quelle avance en âge. Quun homme vieillisse en son temps, et vous chercherez sur sa tête un cheveu noir sans pouvoir le trouver : ainsi quand notre vie sera telle que lon cherchera en vain chez nous quelque noirceur du péché, cette vieillesse sera une véritable jeunesse, une vieillesse pleine de sève et qui doit fleurir à jamais. Vous avez entendu lherbe fleurie des pécheurs, écoutez la vieillesse des justes : « Ma vieillesse sera dans une miséricorde abondante ». 12. « Mes yeux ont fixé mes ennemis ». Qui appelle-t-il ennemis? Tous ceux qui commettent liniquité. Ne tarrête pas à considérer que tu as pour ami un homme injuste; vienne une affaire, et tu le connaîtras. Dès que tu seras un obstacle à ses injustices, tu pourras voir quil était ton ennemi, quand il te flattait : cest qualors tu navais pas encore frappé, non pour faire entrer dans son coeur ce qui ny était pas, mais pour en expulser ce qui y était. « Et mon oeil sest fixé sur mes ennemis; et mon oreille entendra les malédictions de mes ennemis contre moi 1». Quand? dans ma vieillesse. Quest-ce à dire ma vieillesse? mes derniers moments. Et quentendra notre oreille? De notre place, à la droite, nous entendrons ce qui sera dit à ceux de gauche. « Allez, maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges 2». Cette parole terrible naura rien deffrayant pour le juste. Vous savez ce qui est dit dans un psaume. « La mémoire du juste sera
1. Ps. XCI, 12. 2. Matth. XXV, 41.
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éternelle, il ne craindra point la parole fâcheuse 1 ». Quelle parole fâcheuse? Allez au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. « Et mon oreille entendra les malédictions de ceux qui sélèvent contre moi ». 13. Lherbe passe; la fleur des pécheurs passe aussi. Que deviendront les justes? « Le juste fleurira comme le palmier ». Les premiers sélèvent comme lherbe; « le juste fleurira comme le palmier ». Le palmier marque lélévation. Peut-être le Prophète at-il voulu nous parler du sommet du palmier qui est très-beau; à partir de la terre, sa fin sera son sommet, où est toute sa beauté; sa racine est âpre sur la terre, mais sa tête est belle dans les cieux. Telle sera donc ta beauté à la fin du monde. Que ta racine soit fortement fixée. Mais pour nous, la racine est en haut, car cette racine est le Christ qui est monté aux cieux. Il a été humilié, et il est élevé. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ». Voyez quels arbres choisit le Prophète : « Cest le juste qui fleurit comme le palmier, qui se multiplie comme le cèdre sur le Liban 2». Le palmier sèche-t-il sous les feux du soleil? Le cèdre sèche-t-il? Et pourtant les ardeurs du soleil font sécher lherbe. Viendra donc le jugement, qui fera sécher les pécheurs, et verdir les fidèles. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ». 14. « Plantés dans la maison du Seigneur, ils fleuriront à lentrée de la demeure de Dieu. Ils se multiplieront dans une féconde vieillesse, et ils seront tranquilles pour annoncer » . Tel est le sabbat dont nous avons parlé tout à lheure, et qui fait le titre du psaume. « Ils seront tranquilles pour annoncer». Pourquoi ce calme en annonçant? Lherbe des pécheurs ne pourra les ébranler. Ni le cèdre ni le palmier, ne se courbent dans la tempête. Quils soient donc tranquilles pour annoncer; puisquil faut Prêcher au milieu du persiflage des hommes. Infortunés, qui êtes épris du monde, les justes plantés dans la maison du Seigneur, vous prêchent la vérité; eux qui confessent le Seigneur dans leurs cantiques et sur la harpe, dans la parole et dans les oeuvres, vous prêchent et vous disent : Ne vous laissez point séduire par la félicité des méchants, ne vous arrêtez point à la fleur dune herbe; ne portez pas envie à ces heureux dun moment, qui seront malheureux
1. Ps. CXI, 7. 2. Id. 13. 3. Id. 14 - 16.
dans léternité. Cette félicité qui paraît maintenant au dehors, nest point réelle; ils nont point la paix du coeur, eux quaiguillonne une mauvaise conscience. Pour toi, demeure en paix, comptant sur les promesses de ton Dieu. Quauras-tu à prêcher dans le calme? «Que le Seigneur est droit, quil ny a en lui aucune iniquité ». Voyez, mes frères, si vous voulez être plantés dans la maison du Seigneur, si vous voulez fleurir comme le palmier, vous multiplier comme le cèdre du Liban, afin de ne point vous dessécher sous les feux du soleil, comme ceux qui périssent avec éclat quand le soleil est loin de nous. Si donc vous ne voulez point être une herbe, mais bien des palmiers et des cèdres, quannoncerez-vous? « Que le Seigneur Dieu est juste; et quen lui il ny a point diniquité». Comment ny a-t-il en lui aucune iniquité? Voilà un homme si criminel, et pourtant il a ta santé, il a des enfants, il a la gloire, il a des honneurs, il se venge de ses ennemis, il commet toutes sortes de crimes: cet autre au contraire est intègre dans ses affaires; il ne ravit point le bien dautrui, il nagit contre personne, il souffre dans les chaînes, dans les prisons, il souffre et soupire dans la misère. Comment donc ny a-t-il en Dieu aucune injustice? Du calme, et tu le comprendras. Car tu es dans le trouble, et tu obscurcis la lumière dans ton intérieur. Dieu, qui est éternel, veut laisser tomber sur toi ses rayons; garde-toi de les obscurcir par aucun trouble; demeure dans le calme, et écoute ma parole. Parce que Dieu est éternel et quil pardonne aux méchants pour les amener à la pénitence, parce quil flagelle les bons, pour les amener au royaume des cieux, « il ny a point en lui dinjustice », sois sans crainte. Mais, diras-tu, jai subi tant de châtiments, chacun le sait, je suis pécheur, je lavoue, je suis loin de me croire juste. Voilà ce que disent la plu part des hommes. Quun homme soit dans laffliction, dans la douleur, tu vas le consoler, et il te répond: Jai péché, je lavoue, mes fautes sont grandes, je le reconnais; mais suis-je aussi coupable que cet autre? Je sais ce quil a fait, je connais ses fautes : jai péché, jen conviens devant Dieu; mais je suis moins coupable que cet autre qui souffre moins que moi. Sois sans trouble et dans le calme, afin de savoir « que le Seigneur est juste, et quen lui il ny a point diniquité ». Que dirais-tu, (379) sil ne te flagellait ici-bas que pour tépargner les flammes éternelles? sil népargnait cet autre ici-bas, quafin de lui dire: « Va au feu éternel?» Mais quand, me diras-tu? Quand tu seras placé à la droite, et que lon dira à ceux de gauche: « Allez au feu éternel, préparé au diable et à ses anges ». Sois donc sans trouble dans tout cela, sois calme, garde le repos, et prêche « que le Seigneur est droit, quil ny a en lui aucune injustice ».
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