PSAUME XCI
Accueil Remonter Suivante


rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

Accueil
Remonter
PSAUME XCI
PSAUME XCII
PSAUME XCIII
PSAUME XCIV
PSAUME XCV
PSAUME XCVI
PSAUME XCVII
PSAUME XCVIII
PSAUME XCIX
PSAUME C

DISCOURS SUR LE PSAUME XCI.

SERMON AU PEUPLE.

LE SABBAT DIVIN.

 

Ici-bas nous sommes dans l’attente des promesses divines, nous avons la foi et l’espérance qui se transformeront un jour en charité; aimons donc le Seigneur, soit qu’il nous châtie, soit qu’il nous console. Le sabbat, qui est pour nous la cessation de bat péché, tel est le titre du psaume. Le méchant n’a pas ce sabbat qui est la joie dans la paix, le repos dans les promesses de Dieu, et que trouble ce que l’on voit parmi les hommes. Si nous faisons le bien, nous en sommes redevables à Dieu; si nous faisons le mal, il ne faut s’en prendre ni à Satan qui ne peut nous forcer, ni an destin comme s’il était quelque chose en dehors de Dieu ; nos fautes viennent de nous seulement, nos bonnes actions viennent de Dieu; cherchons sou nom ou sa gloire dans la prospérité, ou dans l’adversité que nous attirons par nos crimes. Chanter sur le psaltérion, c’est faire le bien ordonné par le Décalogue; et cela vient de Dieu, puisque par nature nous sommes menteurs en paroles et en actions. Si l’impie est dans la prospérité ici-bas, souvenons-nous que le Christ a souffert sur la terre ; l’impie alors est un poisson qui avale avec sa proie l’hameçon qui le perdra. Dieu est patient parce qu’il est éternel, tandis que l‘impie se fanera comme l’herbe. Dieu corrige celui à qui il destine son héritage. Or, les méchants qu’il laisse en paix, n’ont rien à attendre de lui, taudis que le juste sera comme le palmier ou le cèdre que le soleil ne dessèche point. Ayons donc le véritable amour de Dieu, et nous ne l’accuserons plus, puisqu’il a l’éternité.

 

1. Ecoutons ce psaume avec attention: que lieu nous donne de découvrir les mystères qu’il renferme, puisque c’est pour éviter à notre esprit tout dégoût que les mêmes enseignements nous sont donnés sous des formes différentes. Toutes les instructions en effet’ que Dieu nous donne, se réduisent à la foi, à l’espérance, à la charité: afin que notre foi s’affermisse en lui, tant que nous ne le voyons pas encore; qu’après avoir cru en lui sans le voir nous nous réjouissions quand nous le perrons, et qu’à notre foi succède la vision, alors qu’on ne nous dira plus : Croyez ce que tous ne voyez point; mais bien: Jouissez de ce que vous voyez ; afin que notre espérance soit immuable, et que, fixée en Dieu, elle ne subisse ni changement, ni fluctuation, ni agitation, comme Dieu qui en est la base, n’est assujetti à aucun ébranlement. C’est maintenant une espérance, mais à l’espérance un jour succédera la réalité. Elle porte en effet le nom d’espérance tant que nous ne voyons pas ce qui en est l’objet, comme l’a dit l’Apôtre: « L’espérance qui verrait se serait plus une espérance: comment espérer ce que l’on voit déjà? Si donc nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience 1». Il nous faut donc la patience, jusqu’à ce que vienne ce qui nous est promis. Mais la patience n’existe point quand on est

 

1. Rom, VIII, 24, 25.

 

heureux, et l’on ne demande la patience qu’à l’homme qui souffre: on lui dit: De la patience, souffrez, endurez; c’est une peine dans laquelle Dieu vous demande le courage, la force, la résignation, la patience. Mais vous fait-on des promesses mensongères? Un médecin prépare son fer pour tailler des blessures, et il dit à celui qu’il va tailler: De la patience, de la force, de la constance. Il demande la patience pendant la douleur, et après la douleur il promet la guérison. Si le malade qui gémit sous le fer du médecin ne se proposait la santé qu’il n’a pas, il se laisserait abattre par la douleur qu’il endure. Il est donc beaucoup de douleurs à supporter en cette vie; au dedans, au dehors, partout et sans cesse des scandales: et nul n’en est touché, comme celui qui marche dans la voie de Dieu. A chaque page la sainte Ecriture lui prêche la patience: dans les maux présents, l’espérance; dans l’avenir, l’amour de Celui qu’il ne voit pas, afin de l’embrasser quand il le verra. Car la charité, cette troisième vertu, que l’on joint à la foi et à l’espérance, est plus grande que l’une et l’autre 1: la foi ayant pour objet les choses que l’on ne voit point, ne sera plus quand viendra la vision. De même l’espérance a pour objet ce que l’on ne possède point encore, et n’existera plus lorsque nous jouirons de cet objet: ce ne

 

1. I Cor. XIII, 13.

 

372

 

sera plus une espérance alors, mais une possession. Or, si nous aimons ce que nous ne voyons point encore, que sera-ce quand nous le verrons? Que notre désir s’accroisse dès lors. Nous ne sommes chrétiens que pour la vie future: que nul ne se promette le bien de cette vie et la félicité du monde, parce qu’il est chrétien; qu’il use de la félicité d’ici-bas, comme il pourra, quand il pourra, et autant qu’il pourra. Quand il la possède, qu’il remercie Dieu qui le console; quand il en est privé, qu’il rende grâces à sa justice. Qu’il soit toujours reconnaissant, jamais ingrat; qu’il reçoive avec gratitude les faveurs d’un Père qui le console, et qu’il reçoive avec la même gratitude les châtiments d’un Père qui le soumet au joug de la discipline: car c’est toujours par amour que Dieu nous prodigue ses faveurs ou ses menaces, et que le chrétien rejette cette parole du Psalmiste : « Il est bon de bénir le Seigneur, et de chanter des hymnes en votre nom, ô Dieu Très-Haut 1».

2. Voici le titre du psaume : « Psaume du cantique pour le jour du sabbat 2». Aujourd’hui est un jour de sabbat, de ce sabbat que les Juifs honorent maintenant par un repos extérieur, une oisiveté molle et luxurieuse, car ils s’adonnent alors à des bagatelles, et ce sabbat qu’a prescrit le Seigneur 3, ils le passent à des occupations qu’il a défendues. Le sabbat, pour nous, c’est l’abstention de toute oeuvre mauvaise, et pour eux, de toutes bonnes oeuvres. Car labourer la terre serait mieux que danser. Pour eux, ils s’abstiennent de toute bonne oeuvre, mais non de toute oeuvre puérile, Dieu nous a donc prescrit un repos : quel repos? Voyez d’abord où est ce repos. Pour plusieurs le repos est dans les membres, tandis que la conscience est dans un trouble tumultueux. Quiconque est méchant ne saurait avoir ce sabbat : car sa conscience n’est en repos nulle part; il vit nécessairement dans l’agitation. La bonne conscience, au contraire, est toujours tranquille; et cette paix est le sabbat du coeur Il se repose dans les promesses du Seigneur, et s’il éprouve quelque fatigue en cette vie, il s’élève jusqu’à l’espérance de l’avenir, et alors se dissipe tout nuage de tristesse; comme le dit l’Apôtre : « Il jouit par l’espérance 4 ». Or; cette joie pacifique dans l’espérance est notre sabbat.

 

1. Ps. XCI, 2.— 2. Id. 1.— 3. Exod. XX, 8.— 4. Rom, XII, 12,

 

Voilà ce que chante, ce que préconise notre psaume; il apprend au chrétien à demeurer dans le sabbat de son coeur, c’est-à-dire dans le calme et dans la tranquillité, dans la sérénité d’une conscience sans trouble. De là vient qu’il nous parle de ce qui est communément pour les hommes un sujet de trouble, afin de nous apprendre à célébrer le sabbat dans notre coeur.

3. Tout d’abord, si tu as fait quelques progrès dans la piété, tu dois confesser à Dieu que ces progrès viennent de sa grâce et non de tes mérites. C’est ainsi qu’il faut commencer à célébrer ton sabbat; et ne t’attribue point ce qui te vient de Dieu, comme si tu ne l’avais point reçu 1; ne t’excuse point non plus du mal que tu as fait, car il est véritable. nient de toi. Des hommes pervers et dans le trouble, qui ne célèbrent point le sabbat, rejettent sur Dieu le mal qu’ils font, et s’attribuent le bien. Celui-ci fait-il une bonne action? C’est moi qui l’ai faite, s’écrie-t-il. Fait-il du mal ? Il cherche à qui l’attribuer, pour ne point le confesser à Dieu. Qu’est-ce à dire qu’il cherche à qui l’attribuer ? S’il n’est pas tout à fait impie, il a sous la main le diable qu’il accuse: c’est le diable qui en est l’auteur, le conseiller, l’instigateur, comme si Satan avait le pouvoir de te forcer. Il a le pouvoir de te solliciter au mal; que si Satan venait à parler, et Dieu à garder le silence, tu pourrais encore t’excuser; mais maintenant tu es entre Dieu qui t’avertit, elle diable qui te pousse au mal. Pourquoi incliner l’oreille de l’un à l’autre? Satan ne cesse de te pousser au mal, Dieu ne cesse de te porter au bien. Satan ne saurait te forcer; tu as toujours le Pouvoir de consentir ou de résister. Si tu agis mal à son instigation, laisse là le diable, n’accuse que toi-même, afin que ton aveu te mérite le pardon de la part de Dieu. A quoi bon accuser celui qui ne peut obtenir son pardon ? C’est toi qu’il faut accuser, et tu obtiendras ton pardon. D’autres, sans accuser le diable, accusent le destin. C’est le destin, dit l’un, qui m’a poussé. Qu’as-tu fait? diras-tu à l’un, pourquoi un tel crime? C’est mon malheureux destin, répond-il. Pour ne point dire: Voilà ce que j’ai fait, il lève les mains contre Dieu, et sa langue profère des blasphèmes. Il ne le fait pas ouvertement, mais vois s’il ne le dit pas en effet. Demande-lui ce qu’est le destin, et il dira: Sa mauvaise

 

1. I Cor. IV, 7.

 

372

 

étoile. Demande-lui qui a fait les étoiles, qui en a réglé le cours : à bout de réponses, il dira que c’est Dieu. Il n’a donc plus de ressource que d’accuser Dieu , soit directement, soit indirectement, soit sans aucun détour; et bien que Dieu punisse les fautes, il attribue néanmoins ses fautes à Dieu. Mais Dieu ne saurait punir ce qu’il a fait. Il châtie ce que tu fais, min de délivrer ce qu’il a fait. Souvent encore ces pécheurs, sans aucun subterfuge, s’en prennent à Dieu même; et quand ils deviennent coupables, ils s’écrient : C’est Dieu qui l’a moulu; si Dieu ne l’eût point voulu, je n’eusse point péché. Il t’avertit, et non content de mépriser cette bonté au point de l’offenser, faut-il encore l’accuser de ta faute? Que nous apprend donc ce psaume? « Il est bon de confesser au Seigneur. Qu’est-ce à dire confesser au Seigneur?» Il faut également confesser au Seigneur, et que la faute vient de toi, et que tes bonnes actions viennent de lui. Alors « tu chanteras un psaume au nom du Très-Haut », cherchant la gloire de Dieu et non la tienne, bénissant son nom et pas le tien. Si tu cherches le nom du Seigneur, il cherche aussi le tien : si au contraire tu négliges la gloire de Dieu, il effacera aussi ton nom. Comment ai-je pu dire qu’il cherche ton nom? Comme il le fit à l’égard de ses disciples, qui revenaient de prêcher l’Evangile où il les avait envoyés. ils avaient fait beaucoup de miracles, chassé les démons au nom du Christ, et ils revenaient en disant : « Seigneur, voilà que les démons nous sont soumis. » Sans doute ils avaient dit : « en votre nom », mais il vit qu’ils se réjouissaient de cette gloire, qu’ils tendaient quelque peu à l’orgueil, parce qu’ils avaient pu chasser les démons. Il vit qu’ils cherchaient leur propre gloire, et il leur dit, cherchant à son tour ou plutôt conservant leurs noms en lui-même : « Ne vous réjouissez point de cela, mais réjouissez-vous de ce que vos noms sont écrits dans le ciel 1». C’est là qu’est ton nom, si tu ne négliges point le nom du Seigneur. Chante alors sur la harpe le nom du Seigneur, afin que ton nom soit affermi en Dieu. Qu’est-ce, mes frères, que chanter sur la harpe? La harpe est un instrument de musique pourvu de cordes, Nos oeuvres, voilà donc notre harpe. C’est chanter le Seigneur que mettre la main aux bonnes oeuvres. Chante-le

 

1. Luc, X, 17, 20.

 

373

de la voix, chante-lui par les oeuvres.

4. « Pour annoncer au matin votre miséricorde, et votre vérité pendant la nuit 1». Que veut dire le Prophète, qu’au matin la miséricorde de Dieu sera annoncée, et sa vérité pendant la nuit? Le matin est pour nous le moment de la prospérité, et la nuit le moment de la tribulation. Que veut dire en un mot le Prophète ? Dans la prospérité, réjouis-toi dans le Seigneur, parce qu’elle est un bienfait de Dieu. Mais, diras-tu; si je me réjouis en Dieu dans la prospérité, parce qu’elle est un bienfait de sa miséricorde, que ferai-je dans l’adversité ? Si le bonheur vient de sa miséricorde, le malheur viendrait-il de sa cruauté? Si, dans la prospérité, je chante sa miséricorde, l’accuserai-je de cruauté dans le malheur? Non, sans doute. Mais dans la prospérité chante sa miséricorde, et dans le malheur chante sa vérité: châtier les péchés. ce n’est pas être injuste. Daniel était dans la nuit, quand il priait. C’était en effet quand Jérusalem était dans la captivité et sous la puissance de ses ennemis. Les saints alors étaient dans de grandes souffrances; Daniel était jeté dans la fosse aux lions, et les trois enfants précipités dans la fournaise 2. Voilà ce qu’endurait le peuple d’Israël dans sa captivité, c’était alors la nuit. Or, pendant la nuit, Daniel chantait la vérité de Dieu, et disait dans sa prière : « Nous avons péché, nous avons été impies, nous avons commis l’iniquité. A vous, Seigneur, la gloire; à nous, la confusion du visage 3». Il chante la vérité de Dieu pendant la nuit. Qu’est-ce que prêcher la vérité de Dieu pendant la nuit ? C’est n’accuser point Dieu du mal dont tu souffres mais en attribuer la cause à tes péchés qu’il veut châtier : « Pour annoncer votre miséricorde, et votre vérité pendant la nuit». Annoncer donc cette miséricorde le matin, et sa vérité pendant la nuit, c’est louer Dieu toujours , confesser Dieu, et chanter son nom.

5. « Sur l’instrument à dix cordes, et avec des chants sur le luth 4 ». Ce n’est point d’aujourd’hui que vous entendez cet instrument à dix cordes. Ces dix cordes du psaltérion désignent les dix commandements de la loi. Mais il ne faut pas seulement le porter, il faut s’en servir pour chanter. Les Juifs ont la loi, ils la portent, mais ne chantent point

 

1. Ps.XCI, 3. — 2. Dan. VI, III.— 3. Id. IX, 5,7. — 4. Ps. XCI, 4.

 

374

 

sur cet instrument. Qu’est-ce que ne point chanter ? Ne point opérer de bonnes oeuvres. Cela ne suffit point; agir avec tristesse n’est point chanter encore. Quand est-ce que l’on chante? Quand on fait le bien avec allégresse. Car l’allégresse est dans le chant. Que dit en effet l’Apôtre? « Que Dieu aime celui qui donne avec joie 1». Quoi que tu fasses, fais-le avec joie, ton action alors sera bonne et bien faite : une oeuvre faite avec tristesse vient de toi; mais tu ne la fais point; tu portes le psaltérion plutôt que tu ne chantes. « Sur le psaltérion à dix cordes, avec des chants sur le luth »; c’est-à-dire, dans tes paroles et dans tes actions. « Avec des chants », c’est la parole; « sur le luth » ,c’est l’action. Te contenter du chant, c’est la parole mais sans luth; agir sans chanter, c’est n’avoir que la guitare. Donc et parle bien, et agis bien, si tu veux avoir des chants avec le luth.

6. « Vous m’avez comblé de joie, Seigneur,  à la vue de vos merveilles; l’oeuvre de vos mains m’a fait tressaillir 2 », Vous comprenez ce que dit le Prophète. Si je mène une vie pure, c’est à vous que je le dois, c’est vous qui m’avez formé: si je fais quelque bonne action, l’oeuvre de vos mains me fera tressaillir. Ainsi l’a dit l’Apôtre : « Nous sommes son ouvrage, créés dans les bonnes oeuvres 3 ». Si Dieu ne te formait au bien, tu ne connaîtrais que le mal dans tes oeuvres. « Dire le mensonge, en effet, c’est parler de soi-même 4 ». Ainsi dit l’Evangile. Or, tout péché est un mensonge, car nous appelons mensonge tout ce qui est contre la loi et contre la vérité. Que dit donc l’Evangéliste? « Quiconque dit le mensonge, dit ce qui lui est propre », c’est-à-dire que le péché est l’oeuvre qui vient de nous. Ecoutez maintenant le contraire de cette parole. Si l’homme qui dit le mensonge parle de lui-même, il suit de là que celui qui dit la vérité la dit par l’esprit de Dieu. Aussi est-il écrit ailleurs

« Dieu seul est véridique, et tout homme est faillible ». Toutefois ce passage ne veut point dire: Va , mens à loisir, parce que tu es un homme; cela signifie au contraire: Comprends que tu es homme et sujet à l’erreur: pour être véridique, bois la vérité au sein de Dieu, afin de la répandre au dehors, et d’être véridique toi-même. Comme tu ne saurais

 

1. II. Cor. IX, 7. — 3. Ps. XCI, 5. — 4. Ephés. II, 10. — 5. Jean, VIII, 4, — 6. Rom. III, 4.

 

avoir la vérité de toi-même, il te faut la boire à sa source. T’éloigner de la lumière, c’est te jeter dans les ténèbres: il en est de même de la pierre qui n’a en elle-même aucune chaleur, qui la tire du soleil ou du feu, et qui se refroidit quand on l’en éloigne; ce qui prouve qu’elle n’a aucune chaleur naturelle, qu’elle empruntait sa chaleur au soleil ou au feu: de même t’éloigner de Dieu, c’est le froid pour toi, comme t’approcher de Dieu c’est la ferveur : ainsi dit l’Apôtre : « Soyez fervents en esprit 1 ». Que dit-il encore, à propos de la lumière? Si tu approches de Dieu, tu seras dans la lumière . aussi le Psalmiste a-t-il dit : « Approchez de lui, et vous serez dans la lumière, et votre face n’aura point à rougir 2». Comme donc tu ne saurais faire aucun bien sans la lumière de Dieu, et la ferveur de l’Esprit-Saint, lorsque ta vie est régulière, bénis le Seigneur, et afin de ne point t’enorgueillir, tiens en toi le langage de l’Apôtre: « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ; et si tu as reçu, pourquoi te glorifier comme si tu n’avais point reçu 3? » Ainsi donc le Prophète nous apprend à faire au Seigneur une confession digne, quand il nous dit: « Seigneur, vous m’avez rempli de joie dans vos créatures, et l’oeuvre de vos mains me fait tressaillir».

7. Que dire de ceux qui vivent dans l’impiété et qui sont florissants? Ces pensées troublent l’esprit d’un homme qui perd le repos. Il voit qu’il a passé tous les jours de sa vie dans les bonnes oeuvres, et que néanmoins il est dans la misère, qu’il est dans la pauvreté, que peut-être il a faim, il a soif, il est dans la nudité, peut-être en prison, nonobstant le bien qu’il fait, tandis que celui qui l’a condamné à la prison est un homme d’iniquité, et néanmoins dans la joie; alors dans son coeur se glisse une pensée détestable contre Dieu; et il dit: O Dieu, à quoi bon vous servir, à quoi bon obéir à vos paroles? Je n’ai point ravi le bien d’autrui, je n’ai commis ni larcin ni homicide, je n’ai convoité le bien de personne, je n’ai porté aucun faux témoignage, je n’ai outragé ni mon père ni ma mère; jamais je n’ai adoré les idoles, ni pris en vain le nom du Seigneur, mon Dieu ; je me suis abstenu de tout péché. Il énumère ainsi les dix codes, ou les dix commandements de la loi 4; il sonde sa conscience

 

1. Rom. XII, 11.— 2. Ps. XXXIII, 5.— 3. I Cor. IV, 7.— 4. Exod. XX, 1-17.

 

sur chacun d’eux, et il voit qu’il n’en a point violé, pas même un seul, et il s’attriste de passer par tant d’afflictions. Quant à d’autres cependant, je ne dis point qu’ils touchent à quelques-unes de ces cordes; ils ne touchent pas même le psaltérion: ils ne font aucune bonne oeuvre, ils consultent les idoles; ils paraissent être bons chrétiens, parce que leur maison ne souffre aucun dommage; leur survient-il quelque affliction, ils ont recours aux pythonisses, aux magiciens, aux sortilèges. On leur parle du nom du Christ, ils s’en raillent, ils grimacent. On leur dit Vous avez la foi, et vous consultez les sorts? Arrière, vous disent-ils; ce sont eux qui m’ont conservé mon bien, sans eux je perdais tout; je serais demeuré dans l’affliction. Homme naïf, ne marques-tu pas ton front du signe du Christ? Et sa loi vous défend tout cela. Tu te réjouis de tes biens que tu as conservés, et tu n’es pas triste d’être perdu toi-même? Combien vaudrait-il mieux avoir perdu ton vêtement, qu’avoir perdu ton âme? Néanmoins il se rit de tout; il outrage ses parents, il hait ses ennemis, les poursuit à mort; il dérobe, s’il en trouve l’occasion; il n’évite point le faux témoignage; il tend des pièges au mariage des autres; il convoite le bien d’autrui; il fait tout cela : et néanmoins il est dans l’abondance, dans les honneurs, dans les dignités du siècle. Ainsi le voit ce pauvre qui fait le bien, qtai souffre, et qui dès lors se trouble en disant : O Dieu, les méchants sans doute vous plaisent, et vous haïssez les bons, pour aimer ainsi les hommes d’iniquité. S’il oient à se troubler et à se laisser entraîner à cette pensée, il bannira la paix de son coeur. Dès lors, il ne comprend plus ces beaux cantiques, il s’en éloigne, et il répète sans sujet : « Il est bon de chanter le Seigneur, et de chanter des hymnes à votre nom, ô Très-Haut ». Et cet homme n’ayant plus le sabbat intérieur, ni le coeur en repos, et bannissant de son coeur toute bonne pensée, cherche à imiter celui qu’il voit fleurir au milieu des désordres , et il se laisse aller aux désordres qu’il voit commettre. Mais Dieu est patient parce qu’il est éternel, et il connaît le jour du jugement où il examinera toutes choses.

8. Comment le Prophète nous apprend-il ces vérités? « Combien, Seigneur, vos oeuvres minuit admirables, et combien sont profondes vos pensées 1 ! » A la vérité, mes frères, nulle mer n’est aussi profonde que cette pensée de Dieu, qui laisse fleurir les méchants, et qui laisse les bons dans la douleur. Rien n’est plus profond que cet abîme; c’est dans ce gouffre, dans cette profondeur que tout infidèle fait naufrage. Veux-tu franchir cet abîme? Attache-toi au bois du Christ, et pour ne pas sombrer, tiens fortement au Christ. Qu’ai-je dit : Tiens-toi au Christ? C’est pour cela qu’il a voulu souffrir sur la terre. Vous l’avez entendu à la lecture de cette prophétie: il ne détournait ni ses épaules du fouet, ni son visage des crachats de la soldatesque, ni sa joue de leurs soufflets 2. Pourquoi donc vouloir souffrir ainsi, sinon pour consoler ceux qui souffrent? Il pouvait ne ressusciter sa chair qu’à la fin des temps : mais toi qui n’aurais rien vu, quelle espérance aurais-tu pu concevoir? Il n’a donc point différé sa résurrection, afin d’écarter de toi tous tes doutes, C’est dans l’espoir de cette résurrection qu’il te faut endurer ici-bas les tribulations que le Christ a su endurer : sans t’émouvoir de ceux qui font le mal, et qui jouissent néanmoins ici-bas du bonheur. « Que vos pensées sont profondes, ô mon Dieu ! » Où est la pensée de Dieu? Attacher à présent les rênes qu’il doit resserrer ensuite. Loin de toi cette joie du poisson qui tressaille en dévorant l’amorce; le pécheur n’a pas encore retiré l’hameçon qui est dans la gorge de cet infortuné. Ce qui te paraît long est de courte durée, et tout cela passe rapidement. En face de l’éternité de Dieu, qu’est donc la plus longue vie humaine? Veux-tu être patient? envisage l’éternité de Dieu. Tu vois les jours peu nombreux, et dans ces jours tu veux que Dieu accomplisse tout. Qu’est-ce à dire tout? Qu’il damne les impies et couronne les justes. Voilà ce que tu voudrais voir en tes jours. Dieu l’accomplira en son temps. Pourquoi t’ennuyer et ennuyer les autres? Dieu est éternel; il diffère, il est patient, et tu viens dire : Je ne puis attendre, je ne suis que pour un temps. Cela dépend de toi; unis ton coeur au Dieu qui est éternel, et tu seras éternel avec lui. Qu’a dit le Prophète à propos de ce qui passe avec le temps? « Toute chair est une herbe, et toute gloire de la chair est la fleur d’une herbe; l’herbe s’est desséchée et la fleur est

 

1. Ps. XCI, 6. —  2. Ps. L, 6.

 

376

 

tombée 1». Tout se dessèche donc, et tout s’éteint, mais non la parole de Dieu : « Cette parole demeure éternellement ». L’herbe passe, la fleur de l’herbe passe; mais il te reste un appui, c’est « la parole de Dieu qui demeure éternellement ». Dis-lui donc alors : « Que vos pensées sont insondables, ô mon Dieu ! » C’est alors qu’en tenant le bois de la croix, tu peux traverser cet abîme. Y vois-tu quelque chose? Y comprends-tu quelque chose? J’entends, me réponds-tu. Si tu es chrétien, si tu es instruit à l’école du Christ, tu réponds que Dieu réserve tout à son jugement. Les bons souffrent, parce que Dieu les flagelle comme des enfants; les méchants sont dans la joie, parce qu’ils sont damnés comme des étrangers. Un homme a deux fils, il corrige l’un, et abandonne l’autre, l’un fait mal, et n’est aucunement réprimé par son père, l’autre au moindre mouvement est souffleté, châtié. Pourquoi l’un est-il négligé, l’autre frappé, sinon parce que l’on réserve l’héritage à ce dernier, et que l’autre est abandonné comme l’enfant que l’on déshérite? On ne voit aucune espérance en lui, et on le laisse vivre à son gré. Mais si l’enfant que l’on corrige n’était point sage, s’il était assez imprudent pour envier le sort de son frère que l’on ne corrige point; s’il gémit intérieurement, s’il dit en son coeur : Mon frère fait tous les crimes, il s’affranchit des ordres de mon père, et il ne reçoit aucune réprimande, tandis qu’à la moindre faute, je suis châtié sans pitié; il serait alors un insensé, un imprudent s’arrêtant à ce qu’il souffre, et non à ce qu’on lui réserve.

9. Aussi après avoir dit : « Combien profondes sont vos pensées», le Prophète ajoute:

« L’homme imprudent ne les connaîtra point,  l’insensé ne les comprendra point 2 ». Qu’est-ce que l’insensé ne comprendra pas, que l’imprudent ne connaîtra pas? « Que les pécheurs se lèvent comme l’herbe 3». Qu’est-ce à dire « comme l’herbe? » Qu’ils sont verdoyants en hiver, et se dessèchent pendant l’été. Vois la fleur de l’herbe. Y a-t-il rien pour passer plus vite? Quoi de plus brillant? quoi de plus vert ? sans t’arrêter à cet éclat, redoute le desséchement. Tu as entendu que « les pécheurs sèchent comme l’herbe » ; écoute les justes. « Car voici ». En attendant, vois les méchants qui s’épanouissent

 

1. Isa. XL, 6-8. — 2. Ps. XCI, 7. — 3. Id. 8.

 

comme la fleur : c’est bien ; mais que sont ceux qui ne comprennent point ce mystère? des insensés, des imprudents. « Quand « les pécheurs viennent à paraître comme « l’herbe, et qu’ils regardent tous ceux qui « commettent l’iniquité», Tous ceux qui ont dans le coeur une fausse idée de Dieu, ont regardé les pécheurs qui sont comme l’herbe, c’est-à-dire qui fleurissent pour un temps. Pourquoi les regarder ? « Afin de mourir pour le siècle du siècle ». En considérant cet éclat passager, ils les imitent, et dans leur volonté de fleurir avec eux pour un temps, ils périssent pour l’éternité : voilà ce que signifie: « Ils périssent pour le siècle du siècle ».

10. « Mais vous, Seigneur, vous êtes le Très-Haut pour l’éternité 1 ». Des hauteurs du ciel et de votre éternité, vous attendez que le temps des méchants s’écoule, et que vienne le temps des justes. « Car voici». Redoublez d’attention , mes frères, puisque Celui qui parle ici déjà s’est uni à l’éternité de Dieu, et il parle en notre nom, au nom du corps du Christ, et le Christ parle au nom de son corps ou de son Eglise. Ainsi que je vous le disais tout à l’heure, Dieu a la longanimité, la patience ; il tolère tous ces maux qu’il voit commettre aux méchants. Pourquoi? Parce qu’il est éternel, et qu’il voit ce qu’il leur réserve. A ton tour, veux-tu être patient? Unis-toi à l’éternité de Dieu, et attends avec lui ce qui est au-dessous de toi : et dès lors que ton coeur sera uni au Très-Haut, tu seras au-dessus de tout ce qui est mortel; et tu diras alors : « Voila que vos ennemis périront 2 ». Ils fleurissent aujourd’hui, ils périront demain. Quels sont les ennemis de Dieu? Mes frères, peut-être ne regardez-vous comme ennemis de Dieu que les blasphémateurs de son nom? Ils le sont en effet, et des ennemis outrageux, puisque ni leurs langues, ni leurs pensées n’épargnent à Dieu aucune injure. Mais que peuvent-ils faire à ce Dieu très-haut et éternel? Frappe du poing une colonne, tu te blesseras. Et tu crois qu’en frappant Dieu de tes blasphèmes, ce n’est point toi qui es meurtri? Car Dieu n’est pas atteint. Mais les blasphémateurs sont ouvertement ennemis de Dieu, et chaque jour on trouve des ennemis cachés. Craignez d’être de ce nombre. L’Ecriture nous montre

 

1. Ps. XCI, 9. — 2. Id. 10.

 

377

 

quelques-uns de ces ennemis, afin que tu les con naisses du moins par l’Esprit de Dieu puisque tu ne peux les connaître par toi-même, et que tu craignes d’être de leur nombre. Saint Jacques dit clairement dans son épître : « Ne savez-vous pas que l’ami du monde est devenu l’ennemi de Dieu 1?» Tu l’entends. Veux-tu n’être pas ennemi de Dieu? Ne sois point l’ami du monde. Car, être l’ami du monde, c’est être l’ennemi de Dieu. De même qu’une épouse ne saurait devenu adultère qu’elle ne soit en inimitié avec son mari; ainsi toute âme qui est adultère par amour des choses du monde, ne peut être que l’ennemie de Dieu. Elle craint, mais elle n’aime pas. Elle craint la peine, elle n’aime pas la justice. Ils sont donc ennemis de Dieu, tous ceux qui aiment le monde, tous ceux qui recherchent ses vanités, tous ceux qui consultent les sorts, les astrologues et les devins. Qu’ils entrent ou non dans les églises, ils sont ennemis de Dieu. Ils peuvent, comme l’herbe, fleurir pour un temps; mais ils périront lorsque Dieu jettera les yeux sur eux, et qu’il entrera en jugement avec toute chair. joins ta voix à celle des Ecritures, et dis avec le Psalmiste : « Voilà que vos ennemis périront». Qu’on ne te trouve point où ils périront. « Et alors seront dispersés tous ceux qui font l’iniquité ».

11. Mais si les ennemis de Dieu doivent périr,si tous ceux qui opèrent l’iniquité doivent être dissipés, que deviendras-tu, toi qui gémis aujourd’hui, qui es dans l’affliction, qui as à endurer les scandales et les iniquités du monde, qui souffres dans ta chair, mais qui as la joie dans le coeur, que deviendras-tu? Quelle est ton espérance, ô corps du Christ? O Christ, qui êtes assis dans les cieux à la droite de votre Père, et dont les pieds et les membres sont meurtris ici-bas, vous qui dites: « Saul, pourquoi me persécuter 1? » quelle sera votre espérance, si les ennemis de Dieu doivent périr, si tous ceux qui font l’iniquité doivent être dispersés? Que deviendrez-vous? «Ma corne s’élèvera comme celle de la licorne 2 ». Pourquoi « comme celle de la licorne?» Quelquefois la licorne signifie l’orgueil, quelquefois elle désigne l’élévation de l’unité. Elever l’unité en gloire, c’est tuer les hérésies avec les ennemis de Dieu. « Ma corne sera élevée comme celle de la licorne».

 

1. Act. IX, 4.— 2. Ps. XCI, II.

 

Quand cela doit-il arriver? « Ma vieillesse sera dans une miséricorde abondante».Comment dit-il « ma vieillesse ?»Mes derniers moments, de même que dans nos âges différents la vieillesse est le dernier : ainsi tout ce qu’endure aujourd’hui le corps du Christ, dans les travaux, dans les veilles, dans la faim, dans la soif, dans les scandales, dans les iniquités, dans les angoisses, c’est le temps de sa jeunesse: sa vieillesse ou ses derniers moments seront dans la joie. Que votre charité veuille bien entendre qu’il a dit vieillesse, et ne vous figurez pas la mort ; l’homme ne vieillit que pour mourir. Or, pour l’Eglise, sa vieillesse sera blanche par ses actions saintes, mais elle ne verra point ha corruption de la mort. Telle on voit la tête d’un vieillard, telles seront nos oeuvres. Vous voyez la tête grisonner d’abord, puis blanchir totalement, à mesure qu’elle avance en âge. Qu’un homme vieillisse en son temps, et vous chercherez sur sa tête un cheveu noir sans pouvoir le trouver : ainsi quand notre vie sera telle que l’on cherchera en vain chez nous quelque noirceur du péché, cette vieillesse sera une véritable jeunesse, une vieillesse pleine de sève et qui doit fleurir à jamais. Vous avez entendu l’herbe fleurie des pécheurs, écoutez la vieillesse des justes : « Ma vieillesse sera dans une miséricorde abondante ».

12. « Mes yeux ont fixé mes ennemis ». Qui appelle-t-il ennemis? Tous ceux qui commettent l’iniquité. Ne t’arrête pas à considérer que tu as pour ami un homme injuste; vienne une affaire, et tu le connaîtras. Dès que tu seras un obstacle à ses injustices, tu pourras voir qu’il était ton ennemi, quand il te flattait : c’est qu’alors tu n’avais pas encore frappé, non pour faire entrer dans son coeur ce qui n’y était pas, mais pour en expulser ce qui y était. « Et mon oeil s’est fixé sur mes ennemis; et mon oreille entendra les malédictions de mes ennemis contre moi 1». Quand? dans ma vieillesse. Qu’est-ce à dire ma vieillesse? mes derniers moments. Et qu’entendra notre oreille? De notre place, à la droite, nous entendrons ce qui sera dit à ceux de gauche. « Allez, maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges 2». Cette parole terrible n’aura rien d’effrayant pour le juste. Vous savez ce qui est dit dans un psaume. « La mémoire du juste sera

 

1. Ps. XCI, 12. — 2. Matth. XXV, 41.

 

378

 

éternelle, il ne craindra point la parole fâcheuse 1 ». Quelle parole fâcheuse? Allez au feu éternel qui a été préparé au diable et à ses anges. « Et mon oreille entendra les malédictions de ceux qui s’élèvent contre moi ».

13. L’herbe passe; la fleur des pécheurs passe aussi. Que deviendront les justes? « Le juste fleurira comme le palmier ». Les premiers s’élèvent comme l’herbe; « le juste fleurira comme le palmier ». Le palmier marque l’élévation. Peut-être le Prophète at-il voulu nous parler du sommet du palmier qui est très-beau; à partir de la terre, sa fin sera son sommet, où est toute sa beauté; sa racine est âpre sur la terre, mais sa tête est belle dans les cieux. Telle sera donc ta beauté à la fin du monde. Que ta racine soit fortement fixée. Mais pour nous, la racine est en haut, car cette racine est le Christ qui est monté aux cieux. Il a été humilié, et il est élevé. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ». Voyez quels arbres choisit le Prophète : « C’est le juste qui fleurit comme le palmier, qui se multiplie comme le cèdre sur le Liban 2». Le palmier sèche-t-il sous les feux du soleil? Le cèdre sèche-t-il? Et pourtant les ardeurs du soleil font sécher l’herbe. Viendra donc le jugement, qui fera sécher les pécheurs, et verdir les fidèles. « Il se multipliera comme le cèdre sur le Liban ».

14. « Plantés dans la maison du Seigneur, ils fleuriront à l’entrée de la demeure de Dieu. Ils se multiplieront dans une féconde vieillesse, et ils seront tranquilles pour annoncer » . Tel est le sabbat dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui fait le titre du psaume. « Ils seront tranquilles pour annoncer». Pourquoi ce calme en annonçant? L’herbe des pécheurs ne pourra les ébranler. Ni le cèdre ni le palmier, ne se courbent dans la tempête. Qu’ils soient donc tranquilles pour annoncer; puisqu’il faut Prêcher au milieu du persiflage des hommes. Infortunés, qui êtes épris du monde, les justes plantés dans la maison du Seigneur, vous prêchent la vérité; eux qui confessent le Seigneur dans leurs cantiques et sur la harpe, dans la parole et dans les oeuvres, vous prêchent et vous disent : Ne vous laissez point séduire par la félicité des méchants, ne vous arrêtez point à la fleur d’une herbe; ne portez pas envie à ces heureux d’un moment, qui seront malheureux

 

1. Ps. CXI, 7. — 2. Id. 13.— 3. Id. 14 - 16.

 

dans l’éternité. Cette félicité qui paraît maintenant au dehors, n’est point réelle; ils n’ont point la paix du coeur, eux qu’aiguillonne une mauvaise conscience. Pour toi, demeure en paix, comptant sur les promesses de ton Dieu. Qu’auras-tu à prêcher dans le calme? «Que le Seigneur est droit, qu’il n’y a en lui aucune iniquité ». Voyez, mes frères, si vous voulez être plantés dans la maison du Seigneur, si vous voulez fleurir comme le palmier, vous multiplier comme le cèdre du Liban, afin de ne point vous dessécher sous les feux du soleil, comme ceux qui périssent avec éclat quand le soleil est loin de nous. Si donc vous ne voulez point être une herbe, mais bien des palmiers et des cèdres, qu’annoncerez-vous? « Que le Seigneur Dieu est juste; et qu’en lui il n’y a point d’iniquité». Comment n’y a-t-il en lui aucune iniquité? Voilà un homme si criminel, et pourtant il a ta santé, il a des enfants, il a la gloire, il a des honneurs, il se venge de ses ennemis, il commet toutes sortes de crimes: cet autre au contraire est intègre dans ses affaires; il ne ravit point le bien d’autrui, il n’agit contre personne, il souffre dans les chaînes, dans les prisons, il souffre et soupire dans la misère. Comment donc n’y a-t-il en Dieu aucune injustice? Du calme, et tu le comprendras. Car tu es dans le trouble, et tu obscurcis la lumière dans ton intérieur. Dieu, qui est éternel, veut laisser tomber sur toi ses rayons; garde-toi de les obscurcir par aucun trouble; demeure dans le calme, et écoute ma parole. Parce que Dieu est éternel et qu’il pardonne aux méchants pour les amener à la pénitence, parce qu’il flagelle les bons, pour les amener au royaume des cieux, « il n’y a point en lui d’injustice », sois sans crainte. Mais, diras-tu, j’ai subi tant de châtiments, chacun le sait, je suis pécheur, je l’avoue, je suis loin de me croire juste. Voilà ce que disent la plu part des hommes. Qu’un homme soit dans l’affliction, dans la douleur, tu vas le consoler, et il te répond: J’ai péché, je l’avoue, mes fautes sont grandes, je le reconnais; mais suis-je aussi coupable que cet autre? Je sais ce qu’il a fait, je connais ses fautes : j’ai péché, j’en conviens devant Dieu; mais je suis moins coupable que cet autre qui souffre moins que moi. Sois sans trouble et dans le calme, afin de savoir « que le Seigneur est juste, et qu’en lui il n’y a point d’iniquité ». Que dirais-tu, (379) s’il ne te flagellait ici-bas que pour t’épargner les flammes éternelles? s’il n’épargnait cet autre ici-bas, qu’afin de lui dire: « Va au feu éternel?» Mais quand, me diras-tu? Quand tu seras placé à la droite, et que l’on dira à ceux de gauche: « Allez au feu éternel, préparé au diable et à ses anges ». Sois donc sans trouble dans tout cela, sois calme, garde le repos, et prêche « que le Seigneur est droit, qu’il n’y a en lui aucune injustice ».

 

 

Haut du document

 

 

 

Accueil Suivante