FAUSTE XXIX
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LIVRE VINGT-NEUVIÈME. RÉALITÉ DE LA NAISSANCE DU CHRIST.

 

La naissance du Christ n'a été qu'apparente et un effet de magie, selon Fauste. — Réfutation de cette erreur. — Accord impossible proposé par Fauste. — Il n'y a rien d'impur dans le corps des Saints, surtout dans celui de Marie. Le Christ est né comme il l'a voulu. 

 

CHAPITRE PREMIER. FRUSTE OBJECTE QUE LA NAISSANCE DU CHRIST N'A ÉTÉ QU'APPARENTE ET EFFET DE MAGIE.

CHAPITRE II. IL N'Y A POINT EU DE MAGIE DANS LA VIE, NI DANS LA MORT, NI DANS LES MIRACLES DU CHRIST.

CHAPITRE III. SUR L'ACCORD PROPOSÉ PAR FAUSTE.

CHAPITRE IV. LES MEMBRES DU CORPS. PURETÉ DE LA VIERGE. LE CHRIST AURAIT PU NAÎTRE AUTREMENT ET NE L'A PAS VOULU.

 

 

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CHAPITRE PREMIER. FRUSTE OBJECTE QUE LA NAISSANCE DU CHRIST N'A ÉTÉ QU'APPARENTE ET EFFET DE MAGIE.

 

Fauste. S'il a été vu et s'il a souffert sans être né, c'était donc magie. — On te rétorque l'argument: S'il a été dans le sein d'une femme et qu'il ait été mis au monde, sans avoir un homme pour père, c'était donc magie. Il est certain qu'il est en dehors des lois de la nature qu'une vierge enfante, et bien plus encore qu'elle reste vierge après avoir enfanté. Pourquoi donc ne veux-tu pas que, en dehors des lois de la nature, il ait pu souffrir volontairement sans être né ? Crois-moi : au fond, nous admettons, les uns et les autres, des faits contraires à la nature ; avec cette différence que les nôtres sont honnêtes, et les vôtres honteux ; que nous trouvons une raison à la passion du Christ, et une raison probable, tandis que vous n'en présentez qu'une fausse, ou même aucune, pour sa naissance; enfin que nous professons qu'il n'a souffert qu'en apparence et qu'il n'est point vraiment mort, tandis que vous tenez pour certain qu'il a été enfanté et porté dans le sein d'une femme. Si cela n'est pas, convenez donc aussi que, là, tout a été imaginaire, qu'il n'est né qu'en apparence, et il n'y aura plus de débat entre nous. Car ce que vous répétez sans cesse, qu'il a nécessairement dû naître, puisqu'autrement il n'aurait pu être vu ni parler avec les hommes, est une chose ridicule, quand il est constant, comme les nôtres l'ont démontré, que bien des fois les anges se sont montrés aux hommes et se sont entretenus avec eux.

 

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CHAPITRE II. IL N'Y A POINT EU DE MAGIE DANS LA VIE, NI DANS LA MORT, NI DANS LES MIRACLES DU CHRIST.

 

Augustin. On ne vous dit point qu'il y ait magie à ce qu'un homme meure sans être né,

puisque cela est arrivé pour Adam, comme nous l'avons déjà dit plus haut ; mais quand même cela n'aurait jamais eu lieu, si le Christ Notre-Seigneur eût jugé à propos de venir sur la terre de manière à paraître revêtu d'une vraie chair, quoique non prise dans le sein d'une vierge, et à nous racheter par une mort réelle, qui donc oserait dire qu'il ne l'aurait pas pu ? Mais il était meilleur de faire ce qu'il a fait, de naître d'une vierge, et, en naissant homme d'une femme, de relever ainsi les deux sexes qu'il devait délivrer par sa mort ; vous condamnant, vous surtout, par ce seul fait, renversant par la base votre doctrine qui enseigne que le sexe masculin et le sexe féminin ne sont pas l'oeuvre de Dieu, mais du démon. Ce qui ressemble à la magie, c'est ce que vous affirmez : que la passion et la mort du Christ n'ont existé qu'en apparence, qu'il n'y a eu, là, que mensonge et chimère, qu'il a paru mourir et n'est point mort. D'où il suit que vous déclarez aussi sa résurrection apparente, imaginaire, trompeuse : car, après tout, celui qui n'est pas vraiment mort ne peut ressusciter réellement. D'où il suit encore qu'il n'a montré à ses disciples hésitants que de fausses cicatrices; que Thomas n'était point affermi dans la vérité, mais trompé par une supercherie, quand il s'écriait : « Mon Seigneur et mon Dieu (1) » ; et néanmoins vous cherchez à faire croire que votre langue est l'organe de la vérité, tout en affirmant que le Christ a menti de tout son corps. Voilà ce qu'on vous objecte, à vous qui vous forgez un Christ dont vous ne pouvez être les vrais disciples, à moins d'être aussi des menteurs. Il n'y a point du tout de magie à ce qu'une chair d'homme soit sortie du sein d'une vierge, parce que celle du Christ est la seule qui ait été ainsi formée; pas plus qu'il n'y en a à ce, que la chair du Christ soit seule ressuscitée le troisième jour, pour ne plus jamais mourir. Autrement, tous les miracles de Dieu auraient

 

1. Jean, XX, 28.

 

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été de la magie, puisqu'ils sont uniques; mais ils ont été vrais, réellement opérés ; ils ont servi à prouver la vérité, et non à tromper les regards des hommes par de vains prestiges ; et si on dit ordinairement qu'ils sont contre nature, ce n'est point parce qu'ils lui sont contraires, mais parce qu'ils sont au-dessus de son cours ordinaire. Que le Seigneur écarte donc de l'esprit de ses enfants, l'idée que Fauste cherche à leur insinuer par forme d'avis : à savoir que nous ne reconnaissions dans le Christ qu'une naissance imaginaire et non réelle, et que nous mettions, par là, fin au débat. Non, non ; luttons contre nos adversaires pour les droits de la vérité, plutôt que de tomber d'accord avec eux pour le mensonge.

 

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CHAPITRE III. SUR L'ACCORD PROPOSÉ PAR FAUSTE.

 

Toutefois je leur pose une question : Si une seule parole de notre part terminait le débat, pourquoi eux-mêmes ne la prononcent-ils pas ? Pourquoi affirment-ils que la mort du Christ n'a pas été réelle, mais imaginaire, et, d'un autre côté, lui refusent-ils une naissance, même imaginaire? S'ils ont eu peur d'être écrasés sous le poids de l'autorité évangélique, et que, pour cela, ils n'aient pas osé nier que le Christ ait souffert, au moins en apparence, est-ce que la même autorité n'atteste pas aussi sa naissance ? S'il n'y a que deux évangélistes qui aient raconté l'enfantement de Marie (1), au moins aucun d'eux n'a manqué de dire que Jésus avait une mère (2). Aurait-on dédaigné d'accorder au Christ une naissance même simulée, parce que Matthieu mentionne certaines générations, et Luc d'autres, en sorte qu'ils semblent n'être pas d'accord ? Mais donne-moi un homme sans intelligence, il trouvera aussi que les évangélistes ne s'accordent pas sur les circonstances de la passion du Christ; donne-moi un homme qui sache comprendre, et l'accord des évangélistes sera parfait. Serait-ce qu'une mort simulée est honnête et une naissance simulée honteuse ? Pourquoi Fauste nous invite-t-il à faire l'aveu qui mettrait fin au débat ? Nous allons prouver, en répondant à l'autre question, que Fauste a eu intention de déclarer que la naissance du Christ n'a pas

 

1. Matt. I, 25; Luc, II, 7. — 2. Matt. II, 11; Marc, III, 32 ; Luc, II, 33; Jean, II, 1.

 

même été simulée comme sa mort, mais absolument fausse.

 

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CHAPITRE IV. LES MEMBRES DU CORPS. PURETÉ DE LA VIERGE. LE CHRIST AURAIT PU NAÎTRE AUTREMENT ET NE L'A PAS VOULU.

 

A Dieu ne plaise qu'il y ait rien de honteux dans le corps des saints, même dans les parties sexuelles ! Il est vrai qu'on les appelle déshonnêtes, parce qu'elles n'ont pas le même degré de beauté que les autres parties qui sont en évidence (1). Mais voyez ce qu'en dit l'Apôtre, quand il présente à l'Eglise le type de la charité dans une comparaison prise de l'assemblage et de l'unité des membres de notre corps. « Mais au contraire », dit-il, « les membres du corps qui paraissent les plus faibles, sont les plus nécessaires ; et les membres du corps que nous regardons comme plus vils, nous les revêtons avec plus de soin; et ceux qui sont honteux, nous les traitons avec plus de respect ; nos parties honnêtes n'en ont pas besoin ; mais Dieu a réglé le corps de manière à accorder plus d'honneur à celle qui n'en avait pas en elle-même, afin qu'il n'y ait point de scission dans le corps (2) ». Ainsi l'usage illicite, désordonné, de ces membres, est honteux; mais- non ces membres eux-mêmes, qui ne restent pas seulement parfaitement purs chez les célibataires et les vierges, mais chez les saints patriarches eux-mêmes, hommes et femmes, qui n'en usaient que selon les vues de la Providence, en sorte que le penchant de la nature n'avait rien de coupable, puisqu'il était guidé par la raison, et non inspiré par le libertinage. A combien plus forte raison donc ces membres n'ont-ils rien eu de honteux dans la sainte Vierge Marie, qui a conçu la chair du Christ par la foi, puisqu'ils n'ont pas même été les instruments d'un acte humain et permis, mais d'un enfantement tout divin ? Vierge tellement honorée que, sans perdre sa parfaite intégrité, elle nous a donné corporellement le Christ, pour que nous pussions le concevoir par la foi en des cours purs, et l'enfanter, en quelque sorte, en le confessant de bouche. Car le Christ n'a rien ôté à sa mère en naissant; en lui faisant don de la fécondité, il ne lui a point enlevé la fleur

 

1. Rétract., liv. II, ch. VII, n. 3. — 2. I Cor. XII, 22-25.

 

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de sa virginité. Tout cela s'est fait en toute vérité et non par tromperie : mais cela est nouveau, cela est insolite, cela est contraire au cours ordinaire de la nature, parce que cela est grand, parce que cela est merveilleux, parce que cela est divin, et conséquemment, d'autant plus vrai, d'autant plus certain, d'autant plus indubitable.

Les anges aussi, nous dit-on, ont été vus, ont parlé, quoiqu'ils ne fussent pas nés. Comme si nous prétendions que le Christ n'aurait pu ni être vu, ni parler, s'il ne fût pas né d'une femme ! Il l'aurait pu, mais il ne l'a pas voulu; et cela est mieux, puisqu'il l'a voulu. Et il est certain qu'il l'a voulu, parce qu'il l'a fait, lui qui agit toujours librement, et non par nécessité, comme votre dieu. Et nous ne doutons nullement qu'il l'ait fait, parce que nous croyons à l'Evangile et non au premier hérétique venu.

 

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