FAUSTE XXXII
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LIVRE TRENTE-DEUXIÈME. TRIAGES DANS L’ÉVANGILE.

 

Fauste veut trier dans le Nouveau Testament. — Les Evangiles sont supposés, vu qu'ils ne s'accordent pas. — Les catholiques aussi font un choix dans l'Ancien Testament. — Preuves. — Augustin montre la différence, expose ce que les catholiques laissent ou conservent de l'Ancien Testament. — La Pâque. — La Pentecôte. — La chair des animaux. — Le Paraclet.Les Evangiles n'ont pu être falsifiés. — Les Cataphrygiens. — Les Manichéens n'ont point le Paraclet. — Le sens charnel les égare. — L'Evangile et les écrits de Manès. — La doctrine des Apôtres et celle de Manès.

 

CHAPITRE PREMIER. FAUSTE CHOISIT. CE QUI LUI CONVIENT DANS LE NOUVEAU TESTAMENT, COMME LES CATHOLIQUES DANS L'ANCIEN.

CHAPITRE II. LES ÉVANGILES SONT SUPPOSÉS; ILS NE S'ACCORDENT SUR RIEN.

CHAPITRE III. LES CHRÉTIENS PRENNENT UNE PARTIE DE L'ANCIEN TESTAMENT ET LAISSENT LE RESTE.

CHAPITRE IV. QUELQUES EXEMPLES POUR PREUVE.

CHAPITRE V. AUTRES PRINCIPES DE L'ANCIEN TESTAMENT REJETÉS PAR LES CATHOLIQUES.

CHAPITRE VI. FAUSTE DEVANDE A TRIER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT, COMME LES CATHOLIQUES TRIENT DANS L'ANCIEN.

CHAPITRE VII. CE QUE FAUSTE REJETTE ET ADMET DANS LE NOUVEAU TESTAMENT.

CHAPITRE VIII. DIFFÉRENCE ENTRE LES CATHOLIQUES ET LES MANICHÉENS, RELATIVEMENT AU CHOIX À FAIRE DANS LES ÉCRITURES.

CHAPITRE IX. EN QUOI LES CATHOLIQUES REJETTENT L'ANCIEN TESTAMENT.

CHAPITRE X. SENS PROPHÉTIQUE DE L'OBLIGATION D'ÉPOUSER LA  VEUVE D’UN FRÈRE.

CHAPITRE XI. LA PAQUE DES CATHOLIQUES.

CHAPITRE XII. LA PENTECÔTE. RAISON DE LA FÊTE DE PAQUE.

CHAPITRE XIII. LA CHAIR DES ANIMAUX. PRINCIPES DES CATHOLIQUES SUR CE POINT.

CHAPITRE XIV. AUTRES OBJECTIONS DE FAUSTE DÉJÀ RÉFUTÉES. COMPARAISON TIRÉE DE LA MÉDECINE.

CHAPITRE XV. SUR LE PARACLET.

CHAPITRE XVI. IMPOSSIBILITÉ DE FALSIFIER L'ÉVANGILE.

CHAPITRE XVII. LES CATAPHRYGIENS ONT AUSSI LEUR PARACLET. PRÉTENTION COMMUNE A TOUTES LES HÉRÉSIES.

CHAPITRE XVIII. LES MANICHÉENS NE PEUVENT PROUVER QU'ILS ONT LE PARACLET.

CHAPITRE XIX. LA DOCTRINE CATHOLIQUE EST BIEN PLUS CROYABLE QUE LE SYSTÈME MANICHÉEN.

CHAPITRE XX. LE SENS CHARNEL, SOURCE DE L'ERREUR MANICHÉENNE.

CHAPITRE XXI. L'AUTHENTICITÉ DE L'ÉVANGILE SE PROUVE COMME CELLE DES ÉCRITS DE MANÈS.

CHAPITRE XXII. LA DOCTRINE DES APÔTRES ET CELLE DE MANÈS.

 

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CHAPITRE PREMIER. FAUSTE CHOISIT. CE QUI LUI CONVIENT DANS LE NOUVEAU TESTAMENT, COMME LES CATHOLIQUES DANS L'ANCIEN.

 

Fauste. Si tu admets l'Evangile, tu dois croire tout ce qu'il renferme. — Quoi donc ! parce que tu admets l'Ancien Testament, admets-tu indifféremment tout ce qui y est consigné? Vous en extrayez simplement les prophéties qui annoncent un roi futur pour les Juifs, Jésus selon vous; puis quelques axiomes vulgaires de la vie sociale, comme : « Tu ne tueras pas; tu ne commettras pas d'adultère (1) »; après quoi vous passez tout le reste sous silence, et l'estimez à l'égal de ce que Paul regarde comme du fumier (2). Qu'y a-t-il donc d'étrange, qu'y a-t-il d'étonnant à ce que, moi aussi, je prenne dans le Nouveau Testament ce qu'il y a de plus pur, ce qui convient à mon salut, et que je laisse de côté tout ce que vos ancêtres y ont frauduleusement introduit, au grand détriment de sa dignité et de sa beauté ?

 

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CHAPITRE II. LES ÉVANGILES SONT SUPPOSÉS; ILS NE S'ACCORDENT SUR RIEN.

 

Quoi! si le Testament du Père renferme des parties où il est difficile de reconnaître sa voix (car vous prétendez que la loi judaïque a été donnée par le Père, et nous savons combien elle renferme de choses qui vous font horreur, des choses dont vous rougissez, au point que, depuis longtemps, vous la croyez altérée quant à l'esprit, bien qu'une partie ait été écrite pour vous de la main même du Père, et une autre de la main de Moïse), quoi! vous imaginerez-vous que le Testament du Fils seul n'a pu être gâté, seul ne renferme rien qui doive être désapprouvé, surtout quand il est certain que ce n'est point lui qui

 

1. Ex. XX, 13,14. — 2. Phil. III, 8.

 

l'a écrit, ni ses Apôtres, mais je ne sais quels personnages douteux qui, pour rendre croyable ce qu'ils écrivaient sans savoir et longtemps après coup, ont mis en tête de leurs livres soit les noms des Apôtres, soit les noms de ceux qui avaient suivi les Apôtres, en affirmant qu'ils écrivaient d'après eux? En quoi, ce me semble, ils ont fait grande injure aux disciples du Christ; puisqu'ils mettaient sur leur compte leurs propres divergences et leurs contradictions, et affirmaient écrire d'après eux des Evangiles remplis de tant d'erreurs, de tant de récits et de sentences contradictoires, au point de ne s'accorder en aucune façon ni entre eux ni avec eux-mêmes. N'est ce pas là simplement calomnier les gens de bien, et jeter un brandon de discorde dans l'assemblée fraternelle des disciples du Christ? Or, en les lisant, en les étudiant avec 1'œil parfaitement pur de notre coeur, nous avons jugé qu'il était de toute justice d'en prendre ce qu'il y a d'utile, c'est-à-dire ce qui est propre à édifier notre foi et à procurer la gloire du Christ Notre-Seigneur, et de son Père le Dieu tout-puissant; puis de rejeter le reste qui ne s'accorde ni avec la Majesté divine ni avec notre foi.

 

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CHAPITRE III. LES CHRÉTIENS PRENNENT UNE PARTIE DE L'ANCIEN TESTAMENT ET LAISSENT LE RESTE.

 

Ainsi donc, comme je le disais d'abord, malgré l'Ancien Testament, vous n'admettez pas la circoncision de la haïr, quoiqu'elle y soit prescrite (1); ni le repos absolu du sabbat, quoiqu'il y soit exigé (2) ; ni les sacrifices selon le rite de Moïse, ni les immolations destinées à apaiser Dieu a ; mais vous méprisez tout cela comme absolument étranger au culte chrétien et complètement inacceptable. Il est d'autres préceptes que vous avez partagés en deux, pour en prendre une partie et laisser l'autre:

 

1. Gen. XVII, 9-14. — 2. Ex. XXXI,13. — 3. Lev. I.

 

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comme la Pâque, par exemple, qui était la fête anniversaire de l'Ancien Testament et devait se célébrer (comme cela est écrit pour vous) non-seulement en tuant et mangeant un agneau à l'entrée de la nuit, mais encore en s'abstenant de toute pâte fermentée pendant sept jours, et en se contentant d'azymes et de laitues amères (1). Vous adoptez la fête de Paques, mais vous laissez de côté le rite et les cérémonies qui étaient si rigoureusement prescrits. Il en est de même de la fête qui se célébrait sept semaines après la Pâque, c'est-à-dire de la Pentecôte, pour laquelle Moïse exigeait également un certain genre et un certain nombre de sacrifices (2) ; vous l'avez conservée, mais en en rejetant une partie, c'est-à-dire les immolations et les sacrifices qui ne s'accommodent plus avec la foi chrétienne. Pour ce qui concerne l'abstinence des mets profanes, vous jugez et croyez fermement que les chairs de cadavres et les chairs offertes aux idoles sont tout à fait immondes (3): mais vous n'en croyez pas autant de la chair de porc, de lièvre, de hérisson, ni du mulet, du calmar et autres espèces de poissons que vous aimez, bien que Moïse les déclare également immondes (4).

 

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CHAPITRE IV. QUELQUES EXEMPLES POUR PREUVE.

 

Mais voici que vous ne pouvez, ce me semble, pas même entendre, encore moins admettre dans l'Ancien Testament : à savoir qu'un beau-père ait un commerce charnel avec sa belle-fille, comme Juda, par exemple; ou un père avec ses filles, comme Loth; ou un prophète avec une femme de mauvaise vie, comme Osée ; ou qu'un mari livre sa femme à des amants pour un prix convenu, comme Abraham ; qu'un mari épouse les deux soeurs à la fois, comme Jacob ; que des chefs de peuple, des hommes que vous regardez surtout comme inspirés de Dieu, se vautrent dans la fange avec mille et mille concubines, comme David et Salomon; ou encore que, suivant la législation matrimoniale du Deutéronome, la veuve d'un homme mort sans enfants soit obligée d'épouser le frère du défunt, que ce nouvel époux doive former une famille à la place de son frère, et, dans le cas où il s'y refuserait, que la femme ait le droit de déposer une plainte contre une telle iniquité de

 

1. Ex. XII. — 2. Lev. XXIII. — 3. Act. XV, 29. — 4. Lev. XI.

 

devant le tribunal des anciens, à l'effet d'y amener le coupable pour recevoir une sévère réprimande; et, s'il persiste dans son refus, être puni par eux, déchaussé du pied droit, souffleté par la femme, renvoyé couvert de crachats et de malédictions, et flétri, lui et sa race, à perpétuité (1). Voilà, entre bien d'autres, des exemples et des lois pris dans l'Ancien Testament. S'ils sont bons, pourquoi ne les imitez-vous pas ? S'ils sont mauvais, pourquoi n'en condamnez-vous pas l'auteur, c'est-à-dire l'Ancien Testament lui-même ? Que si vous y voyez des falsifications, comme nous en voyons dans le Nouveau, nous voilà de pair. Cessez donc alors d'exiger de nous pour le Nouveau Testament, ce dont vous vous dispensez pour l'Ancien.

 

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CHAPITRE V. AUTRES PRINCIPES DE L'ANCIEN TESTAMENT REJETÉS PAR LES CATHOLIQUES.

 

Autant que je puis voir, il me semble que, puisque vous voulez faire croire que l'Ancien Testament vient aussi de Dieu, il serait plus commode, plus excusable pour vous qui n'observez pas ses prescriptions, de convenir qu'il a été altéré et falsifié, que de le rejeter quoique pur et sans altération. Aussi j'ai toujours pensé, et je pense encore, chaque fois qu'on demande pourquoi vous péchez contre les ordonnances de l'Ancien Testament, ou que vous le dédaignez sagement comme faux, ou que vous l'abandonnez quoique vrai, par un esprit de rébellion et d'impiété. En attendant, puisque tu prétends que si j'admets le Nouveau Testament, je dois croire tout ce qu'on y a introduit ; sache que toi-même rejettes, quant à l'esprit, bien des choses contenues dans l'Ancien Testament, quoique tu fasses profession de l'admettre. Car certainement tu n'avoues pas, tu ne regardes pas comme acceptable ce qu'on y lit : à savoir que tout homme suspendu au bois est maudit (2), puisque cet anathème atteindrait évidemment Jésus; nique quiconque ne laissera pas de postérité en Israël sera également maudit, puisque cette malédiction tomberait sur les vierges et les jeunes gens dévoués à Dieu; ni que celui qui ne portera pas dans sa chair le signe de la circoncision, devra être exterminé du milieu de son peuple (3), puisque la sentence envelopperait tous les chrétiens; ni qu'il faut lapider le violateur

 

1. Deut. XXV, 5, 10. — 2. Id. XXI, 23. — 3. Gen. XVII, 14.

 

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du  sabbat (1); ni qu'il faut punir sans ménagement celui qui aura transgressé lequel que ce soit des commandements de fa loi. Crois-moi, si tu étais bien persuadé de tout cela, si tu étais convaincu que ce sont là des ordres de Dieu, tu aurais été le premier à jeter la main sur le Christ, et tu ne serais pas indigné contre les Juifs qui l'ont persécuté de toute leur âme et de toutes leurs forces, pour exécuter la volonté de leur Dieu.

 

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CHAPITRE VI. FAUSTE DEVANDE A TRIER DANS LE NOUVEAU TESTAMENT, COMME LES CATHOLIQUES TRIENT DANS L'ANCIEN.

 

Je sais, il est vrai, que vous n'osez pas traiter tout cela de faussetés, mais que vous dites que ces règlements convenaient au temps et devaient subsister pour les Juifs jusqu'à l'avénement de Jésus, lequel, annoncé, selon vous, par l'Ancien Testament, vous a enseigné ce qu'il en fallait prendre et ce qu'il en fallait laisser. Nous verrons plus bas si les Prophètes ont réellement prédit Jésus ; pour le moment, ce que j'ai à répondre, c'est que si Jésus, annoncé par l'Ancien Testament, juge maintenant et détermine le peu qu'il faut en prendre et les choses nombreuses, qu'il faut y laisser; le Paraclet, promis par le Nouveau Testament, nous enseigne également ce que nous, devons en prendre et en laisser ; ce Paraclet dont Jésus a dit au moment où il le promettait : « Il vous enseignera toute vérité, lui-même vous dira toutes choses et vous en fera souvenir (1)». Laissez-nous donc prendre à l'égard du Nouveau Testament, au nom du Paraclet, les licences que vous prenez, au nom de Jésus, à l'égard de l'Ancien Testament : à moins que peut-être vous n'attachiez plus de prix au Testament du Fils qu'à celui du Père, si tant est qu'il soit du Père, en sorte qu'il y ait beaucoup à réprouver dans celui-ci et rien dans celui-là, bien qu'il soit constant que le Nouveau Testament n'a été écrit ni par le Christ ni par ses Apôtres.

 

1. Num. XV, 35. — 2. Jean, XVI,13.

 

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CHAPITRE VII. CE QUE FAUSTE REJETTE ET ADMET DANS LE NOUVEAU TESTAMENT.

 

Par conséquent, comme vous n'admettez, de l'Ancien Testament, que les prophéties, et de plus, ainsi que je l'ai dit, quelques préceptes vulgaires concernant les devoirs de la vie civile, et que vous laissez de côté la circoncision, les sacrifices, le sabbat et son repos, et les azymes : qu'y a-t-il d'étrange à ce que nous ne prenions du Nouveau Testament que ce que nous y trouvons de paroles tournant à l'honneur et à la gloire de la majesté du Fils et prononcées par lui: ou par ses Apôtres, mais par ses Apôtres devenus parfaits et fidèles, et que nous passions sous silence tout le reste, soit ce que ces mêmes mêmes Apôtres, encore novices, ont pu dire dans leur simplicité et dans leur ignorance, soit les allusions méchantes et les objections des ennemis, soit les affirmations imprudentes des écrivains, par eux transmises à la postérité? Et par ces: dernières j'entends ce qu'on nous raconte de Jésus naissant honteusement d'une femme, circoncis à la juive, sacrifiant à là manière des Gentils, recevant un ignoble baptême, promené par le démon dans les déserts, et tenté par lui de la façon la plus misérable. Excepté cela, et encore ce que les auteurs ont cité de l'Ancien Testament sous une attestation mensongère, nous croyons tout le reste, principalement son mystérieux crucifiement, emblème des souffrances et des blessures de notre âme; et aussi nous reconnaissons sans hésiter, comme venant de lui, ses commandements salutaires, ses paraboles, et tout ce divin langage où se fait surtout sentir la distinction des deux natures. Tu n'as donc aucune raison de me croire obligé d'admettre tout ce que renferment les Evangiles, puisque, comme je l'ai- démontré; tu touches à peine du bout des lèvres (passe-moi cette expression populaire) au divin calice de l'Ancien Testament,

 

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CHAPITRE VIII. DIFFÉRENCE ENTRE LES CATHOLIQUES ET LES MANICHÉENS, RELATIVEMENT AU CHOIX À FAIRE DANS LES ÉCRITURES.

 

 Augustin. Nous honorons tous les livres de l'Ancien Testament comme vrais et divins, ainsi que cela doit être, et vous, vous triez ceux du Nouveau Testament comme falsifiés et altérés. Non-seulement nous disons que tout ce que nous n'observons plus dans l'Ancien Testament, à été sagement prescrit eu égard au temps et au peuple juif, et a été pour nous, qui ne l'observons plus, la figure de ce (399) que nous comprenons et possédons spirituellement; mais encore, nous le démontrons et l'enseignons d'après les écrits des Apôtres ; tandis que vous, vous blâmez dans les livres du Nouveau Testament tout ce que vous n'admettez pas, et affirmez que cela n'a été ni dit ni écrit par le Christ ou par ses Apôtres. Vous voyez donc quelle distance il y a entre nous et vous sous ce rapport. Aussi, quand on vous demande pourquoi vous n'acceptez pas tout dans les livres du Nouveau Testament, pourquoi, excepté le peu que vous-y prenez, vous rejetez, critiquez, accusez tout le reste, vous prétendez que ce sont des interpolations de faussaires. Ne vous appuyez donc plus sur les distinctions que nous sommes obligés de faire dans nos croyances et dans nos pratiques, mais rendez compte de votre présomptueuse témérité.

 

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CHAPITRE IX. EN QUOI LES CATHOLIQUES REJETTENT L'ANCIEN TESTAMENT.

 

Car si on nous demande pourquoi nous, nous n'observons pas dans le culte divin les rites que les Hébreux, nos pères, observaient dans le temps de l'Ancien Testament; nous répondons, que Dieu nous a donné d'autres prescriptions par les pères du Nouveau Testament : ce qui ne contredit pas l'Ancien, puisque l'Ancien l'avait prédit. Voici, en effet, ce que disait là-dessus un prophète : « Voilà que les jours viennent », dit le Seigneur, « et j'établirai une nouvelle alliance avec la maison d'Israël et la maison de Juda ; non pas, selon l'alliance que j'ai formée avec leurs pères, au jour où je les pris par la main, pour les faire sortir de la terre d'Egypte (1) ». Il a donc été prophétisé que l'Ancien Testament cesserait un jour, et qu'il yen aurait un nouveau. Si on nous objecte ici que nous ne sommes point de la maison d'Israël ni de la maison de Juda, nous nous couvrons de l'autorité de l'Apôtre : car Paul nous enseigne que le Christ est issu d'Abraham, et il nous dit, a nous qui formons le corps du Christ: « Vous êtes donc la postérité d'Abraham (2) ». Et si on nous demande pourquoi nous maintenons l'autorité d'un Testament dont nous n'observons plus les rites, l'Apôtre nous fournit encore la réponse, quand il dit: « Que personne donc ne vous juge sur le manger

 

1. Jer. XXXI, 31, 32. — 2. Gal. III, 29.

 

et sur le boire, ou à cause des jours de fête, ou des néoménies, ou des sabbats, choses qui ne sont que l'ombre des futures (1) ». Par là donc, il nous fait voir pourquoi il faut lire et accepter ces choses pour ne pas laisser périr les prophéties, vu que ces rites étaient les figures de l'avenir; mais en même temps il nous apprend à ne tenir aucun compte du jugement de ceux qui voudraient nous faire un crime de ne point pratiquer corporellement ces observances. C'est ce qu'il insinue encore ailleurs en disant : « Toutes ces choses leur arrivaient en, figure, et; elles ont été écrites pour nous être un avertissement, à nous pour qui est venue la fin des temps (2) ». Quand donc nous lisons dans l'Ancien Testament quelque chose que le Nouveau ne nous commande pas, ou même qu'il nous défend, nous ne devons point le blâmer, mais en chercher la signification : car par là même qu'on ne l'observe plus, c'est une preuve qu'il est non condamné, mais accompli. Du reste, nous avons déjà traité ce sujet longuement et plus d'une fois.

 

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CHAPITRE X. SENS PROPHÉTIQUE DE L'OBLIGATION D'ÉPOUSER LA  VEUVE D’UN FRÈRE.

 

Quant a ce que Fauste reproche avec si peu d'intelligence aux commandements de l'ancienne loi, à celui par exemple qui obligeait un homme à épouser la veuve de son frère, pour créer une postérité, non à lui, mais au défunt, dont les enfants devaient porter le nom (3) : que signifiait cette prescription, au point de vue prophétique, sinon que tout prédicateur de l'Evangile doit travailler dans l'Eglise pour créer une postérité à son frère défunt, le Christ, qui est mort pour nous, et que cette postérité doit porter le nom du Christ? Aussi l'Apôtre, remplissant en lui-même cette signification, non dans le sens charnel, mais selon la vérité accomplie spirituellement, s'indigne contre ceux qu'il a engendrés en Jésus-Christ par l'Evangile (4), et les reprend vivement parce qu'ils voulaient être à Paul et leur dit : « Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous? Ou est-ce au nom de Paul « que vous avez été baptisés (5) ? » Comme s'il disait : Je vous ai engendrés pour mon frère mort; prenez le nom du Christ et non celui

 

1. Col. II, 16, 17. — 2. I Cor. X, 11. — 3. Deut. XXV, 5-10. — 4. I Cor. IV, 15. — 5. Id. I, 13.

 

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de Paul. Mais celui qui, étant élu par l'Eglise pour la fonction de prédicateur de l'Evangile, refuse de l'exercer, est à juste titre mal vu de l'Eglise elle-même. Voilà pourquoi elle a l'ordre de lui cracher au visage, sans compter cet autre signe d'opprobre, qu'il soit déchaussé d'un pied, pour être exclu du nombre de ceux à qui l'Apôtre dit : « Et chaussant vos pieds pour vous préparer à l'Evangile de la paix (1) » ; et dont le Prophète avait déjà parlé, en disant : « Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent le bonheur (2) ! » En effet, celui qui possède la foi évangélique de manière à en tirer profit pour lui-même et à travailler dans l'intérêt de l'Eglise, peut bien être considéré comme chaussé des deux pieds. Mais celui qui ne cherche dans la foi que son propre avantage et refuse d'en gagner d'autres, ne sera pas seulement figuré par l'homme déchaussé d'un pied : il en reproduira l'opprobre dans la réalité.  

 

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CHAPITRE XI. LA PAQUE DES CATHOLIQUES.

 

Pourquoi Fauste nous objecte-t-il que nous célébrons la pâque, et nous insulte-t-il parce que nous ne la célébrons pas comme les Juifs, alors que nous avons l'Agneau dans la réalité de l'Evangile actuel, et non plus dans les ombres de l'avenir, quand chaque jour et surtout dans le solennel anniversaire, nous faisons mémoire de son immolation, non plus future, mais accomplie? Sans doute, notre fête de Pâques ne tombe point le même jour que la pâque figurative des Hébreux; mais c'est pour qu'elle coïncide avec le dimanche, jour où le Christ est ressuscité. Quant aux azymes, les vrais chrétiens les observent, non avec le levain de la vie ancienne, c'est-à-dire de la malice, mais dans la vérité et la sincérité de la foi même (3) ; non pendant sept jours, mais toujours : ce que figurait l'espace de sept jours, qui se reproduit sans cesse lui-même. Et s'il y a quelque chose de pénible dans ce monde, parce que le chemin qui mène à la vie est étroit et resserré (4), du moins on est sûr de la récompense : et cette peine était figurée par les laitues, qui sont quelque peu amères.

 

1. Eph. VI, 15. — 2. Is. LII, 7. — 3. I Cor. V, 8. — 4. Matt. VIII, 13.

 

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CHAPITRE XII. LA PENTECÔTE. RAISON DE LA FÊTE DE PAQUE.

 

Nous célébrons la Pentecôte, c'est-à-dire le cinquantième jour après la Passion et la résurrection du Seigneur, où il nous a envoyé le Saint-Esprit, le Paraclet qu'il nous avait promis (1) : événement prédit aussi par k Pâque des Juifs, puisque le cinquantième jour après l'immolation de l'agneau, Moïse reçut sur la montagne la loi écrite du doigt de Dieu (2). Lisez l'Evangile, et voyez que l'Esprit-Saint y est appelé le doigt de Dieu (3). On célèbre en effet chaque année dans l'Eglise, à des jours fixes, les principaux événements qui se sont passés, afin d'en perpétuer, par une fête solennelle, le souvenir si nécessaire et si utile. Et si vous voulez savoir pourquoi nous célébrons la Pâque, c'est parce que le Christ a été immole pour nous à cette époque. Si vous voulez savoir pourquoi nous ne la célébrons pas selon le rite des Juifs, c'est parce que la leur était une figure de la réalité à venir, et que la nôtre est le souvenir d'un fait accompli. Or, dans le langage même, le futur et le passé ne s'expriment point de la même manière. Mais nous en avons déjà assez dit là-dessus dans cet ouvrage.

 

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CHAPITRE XIII. LA CHAIR DES ANIMAUX. PRINCIPES DES CATHOLIQUES SUR CE POINT.

 

Si vous nous demandez pourquoi, de toutes les espèces d'aliments interdits au peuple hébreu en figure de l'avenir, nous ne nous abstenons que des chairs mortes et immolées aux idoles, écoutez ce que je vais dire, et préférez une fois la vérité à de vaines calomnies. L'Apôtre nous 'explique pourquoi il ne convient pas au chrétien de manger des viandes immolées, quand il dit : «Je ne veux pas que vous ayez aucune société avec les démons». Au fond, ce n'est point l'immolation qu'il blâme, puisque nos pères la pratiquaient pour figurer d'avance le sang du sacrifice par lequel le Christ nous a rachetés; « Mais », dit-il, « ce qu'immolent les Gentils, ils l'immolent aux démons et non à Dieu ». Après quoi il ajoute ce que je rapportais tout à l'heure : « Je ne veux pas que vous ayez aucune société avec les démons (4) ». En effet, si

 

1. Act.    II, 1-4. — 2. Ex. XIX-XXIX. — 3. Luc, XI, 20. — 4. I Cor. X, 20.

 

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la chair immolée était immonde par sa nature, elle souillerait même celui qui en mangerait sans le savoir : car elle n'en serait pas moins impure, pour être mangée par ignorance. .Mais il faut s'en abstenir par raison de conscience, pour ne pas avoir l'air d'entrer en société avec les démons. Quant à la chair morte, il me semble qu'elle n'est point en usage parmi les hommes, parce que la chair des animaux qui meurent naturellement, sans être tués, n'est ni saine ni bonne pour la vie du corps, qui est le but de l'alimentation. Pour ce qui concerne l'ordre donné en figure aux anciens, c'est-à-dire à Noé après le déluge, relativement à l'effusion du sang (1), nous en avons déjà expliqué le sens, et la plupart le savent (2). Lis dans les Actes des Apôtres le commandement fait par les Apôtres eux-mêmes aux Gentils, de s'abstenir de la fornication, des viandes immolées aux idoles et du sang, c'est-à-dire de la chair d'animaux dont le sang n'aurait pas été répandu. D'autres expliquent ce passage différemment, et pensent qu'il s'agit ici du sang humain et de la souillure contractée par l'homicide. Il serait long et inutile d'entrer maintenant dans cette discussion. Si les Apôtres ont prescrit alors aux chrétiens de s'abstenir du sang des animaux, de ne pas manger des chairs étouffées, ils ont choisi, ce me semble, une chose facile à observer, en rapport avec le temps, peu onéreuse, que les Gentils pouvaient pratiquer en même temps que les Israélites, à cause de la pierre angulaire qui des deux ne  faisait qu'un (3) ; et aussi propre à leur rappeler qu'au moment où Dieu donnait ce commandement, l'arche de Noé figurait l'Église universelle, prophétie qui commençait déjà à s'accomplir par la conversion des Gentils à la foi. Mais cette époque une fois passée, où les deux murs, celui qui provenait de la circoncision et celui qui provenait de l'incirconcision, quoique réunis dans la pierre angulaire, conservaient cependant plus visiblement encore certaines propriétés particulières, et où l'Église des nations est devenue telle qu'elle ne renferme plus aucun Israélite charnel : quel est le chrétien qui s'abstienne encore de manger des grives ou des oisillons, à moins que leur sang n'ait été répandu, ou qui ne mange pas de lièvre mort, s'il a été assommé sur la tête et sans blessure? Et s'il en est, par hasard, quelques-uns qui n'osent toucher à de tels

 

1. Gen. IX, 6. — 2. Act. XV, 29. — 3. Eph. II, 11-22.

 

aliments, ils sont ridicules aux yeux des autres, tant tout le monde est bien pénétré de cette sentence de la Vérité : « Ce n'est pas ce qui entre dans votre bouche qui vous souille, mais ce qui en sort (1) » : par où le Sauveur condamne, non aucune espèce d'aliment en usage parmi les hommes, mais les péchés commis contre la justice.

 

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CHAPITRE XIV. AUTRES OBJECTIONS DE FAUSTE DÉJÀ RÉFUTÉES. COMPARAISON TIRÉE DE LA MÉDECINE.

 

Pour ce qui regarde les actions des anciens qui passent pour coupables aux yeux des insensés et des ignorants et ne le sont pas, ou celles qui sont réellement coupables, nous avons suffisamment expliqué pourquoi elles ont été mentionnées dans l'Écriture, sans rien ôter à celle-ci du respect que nous lui devons. Nous avons aussi répondu en son lieu à ce que Fauste objecte sur la malédiction lancée contre tout homme suspendu au bois, et contre celui qui ne laisse pas de postérité en Israël (2) : et toutes ces questions, soit celles que nous avons déjà traitées dans les premières parties de cet ouvrage, soit celles de même genre que Fauste à pu soulever dans l'écrit auquel nous répondons maintenant, nous les avons toutes éclaircies, nous avons tout justifié à l'aide de la raison appuyée sur l'inébranlable vérité que nous tenons de l'autorité des saintes Écritures. Nous déclarons que tout ce qui est écrit dans les livres de l'Ancien Testament, l'a été avec une parfaite vérité et une très-grande utilité en vue de la vie éternelle ; nous l'acceptons, nous l'approuvons ; mais les prescriptions qui avaient le corps pour objet, et que nous n'observons plus,  nous savons qu'elles ont été très-sagement établies pour le temps, qu'elles n'étaient que des figures de l'avenir, et que tout ce qu'elles prophétisaient est accompli. Par conséquent, quiconque n'observait point alors ces rites symboliques, subissait par un très juste jugement les peines établies par la Divinité, comme les subirait celui qui aurait la témérité sacrilège de profaner les sacrements du Nouveau Testament, institués pour les besoins du temps. Et comme on préconise à juste titre les anciens justes qui ont souffert la mort pour les sacrements de l'ancienne loi, ainsi exalte-t-on

 

1. Matt. XV, 11. — 2. Voyez ci-dessus, liv. XXII.

 

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avec raison les martyrs qui l'ont subie aussi pour les sacrements de la loi nouvelle. Et comme un malade ne doit point blâmer la médecine qui lui prescrit une chose aujourd'hui, une autre demain, qui lui défend même ce qu'elle lui avait d'abord ordonné, parce que l'état de sa santé l'exige ainsi ; de même le genre humain, malade et blessé depuis Adam jusqu'à la fin des siècles, tant que le corps qui se corrompt appesantit l'âme (1); ne peut blâmer la médecine céleste qui lui prescrit sur certains points la même chose, sur d'autres points, telle chose d'abord et telle autre ensuite, surtout quand elle l'a prévenu de ces changements.

 

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CHAPITRE XV. SUR LE PARACLET.

 

La comparaison de Fauste prétendant que le Paraclet, prophétisé par le Nouveau Testament, vous a enseigné ce qu'il faut en prendre et ce qu'il faut en rejeter, comme le Christ l'a fait pour nous par rapport à l'Ancien Testament qui le prophétisait aussi : cette comparaison, dis-je, est absolument nulle. Elle aurait une apparence de vérité, s'il était rien dans les livres de l'Ancien Testament que clous ne reconnaissions comme dit avec raison, ordonné par le ciel, écrit avec véracité. Or, il n'en est pas ainsi: nous acceptons tout, et ce que nous observons pour bien vivre, et ce que nous n'observons plus, mais que nous savons avoir été prescrit et observé dans des vues prophétiques, et qui sont maintenant accomplies. Ensuite, comme nous lisons dans les livres que vous n'acceptez qu'en partie, que le Paraclet a été promis, ainsi lisons-nous dans le livre que vous craignez même de nommer, qu'il a été envoyé. En effet, comme je vous l'ai rappelé bien des fois et tout à l'heure encore, nous lisons de la manière la plus claire, dans les Actes des Apôtres, que le Saint-Esprit a été envoyé le jour de la Pentecôte et qu'il s'est fait connaître par ses oeuvres. Car ceux qui l'ont reçu les premiers ont parlé toutes les langues (2) ; signe exprimant la promesse que l'Eglise, qui devait le prêcher en toute vérité comme le Père et le Fils, embrasserait toutes les langues, c'est-à-dire toutes les nations.

 

1. Sag. IX, 15. — 2. Act. II.

 

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CHAPITRE XVI. IMPOSSIBILITÉ DE FALSIFIER L'ÉVANGILE.

 

Dites-nous donc enfin pourquoi vous n'admettez pas tout dans les livres du Nouveau Testament. Est-ce parce qu'ils ne sont pas des Apôtres du Christ, ou parce que les Apôtre du Christ ont enseigné quelque chose de mauvais? Vous répondez : C'est parce qu'ils ne sont pas des Apôtres du Christ ; car il n'y a que des païens qui pourraient dire que le Apôtres du Christ ont enseigné le mal. Ou dites-vous donc alors, et comment prouvez-vous que ces Ecritures ne viennent pas de Apôtres? Parce que, répondez-vous, sur bien des points ils ne sont d'accord ni les uns avec les autres, ni avec eux-mêmes. Voilà qui est parfaitement faux; vous ne comprenez pas On vous a montré que tout ce que Fauste a pu avancer en ce sens, n'est point ce que vous pensiez; et tout ce que vous pourriez dire vous-mêmes là-dessus, nous nous chargerons de vous l'éclaircir. Mais peut-on supporter qu'un lecteur ou un auditeur ose s'en prendre à l'Ecriture, à un livre d'une autorité si respectable, plutôt qu'à son propre défaut d'intelligence? Direz-vous que le Paraclet vous appris que ces Ecritures ne sont pas des Apôtres, mais fabriquées par d'autres sous leurs noms? Proclamez donc que celui qui vous a appris que ces livres ne sont pas des Apôtres est le Paraclet en personne. Direz-vous que c'est bien celui-là que le Christ a promis et envoyé ? On vous répond: Ce n'est point du tout celui-là que le Christ a promis et envoyé; et en même temps on vous fait voir quand il a envoyé celui qu'il a promis. Prouvez donc que c'est l'autre qu'il a envoyé. Quelle autorité apportez-vous en faveur de votre auteur, ou plutôt de votre imposteur? L'Evangile dites-vous. Quel Evangile? Celui que vous n'admettez pas en entier, que vous prétendez être falsifié? Mais qui donc, avant de produire son témoin, commence par dire qu'il est corrompu? En effet, si nous admettons l'Evangile sur ce qui vous plaît, et le rejetons sur ce qui vous déplaît, ce n'est plus à lui, mais à vous que nous croyons. Or, si nous avions foi en vous, nous ne vous demanderions pas de témoin. Ensuite le Saint-Esprit Paraclet nous a été promis en ces termes : « Il vous enseignera toute vérité (1) ». Mais comment votre

 

1. Jean, XVI, 13.

 

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Paraclet « enseignera-t-il la vérité », lui qui vous enseigne que le Christ est un imposteur?

De plus, quand vous démontreriez que tout ce qu'on lit dans l'Evangile sur la promesse du Paraclet, ne peut s'entendre que de votre Manès, comme on démontre que tout ce qu'ont prédit les Prophètes ne peut s'appliquer qu'au Christ: si, lorsque vous extrairiez de ces livres que vous dites falsifiés, les textes à l'appui de votre assertion, nous vous disions qu'ils sont faux, qu'ils ont été intercalés par vos ancêtres de manière à ce qu'on ne pût les appliquer à un autre que Manès : que feriez-vous, dites-moi, sinon de vous écrier que vous n'avez pu en aucune façon altérer des livres qui étaient déjà entre les mains de tous les chrétiens? En effet, à la- première tentative de ce genre, vous auriez été confondus par la comparaison d'exemplaires plus anciens. Or, la raison qui vous aurait empêchés d'altérer ces livres, en a également empêché tout autre. Car quiconque aurait eu le premier cette audace, aurait été réfuté par le rapprochement d'autres copies plus anciennes; surtout quand l'Ecriture n'est pas en une seule langue, mais en un grand nombre. Car, même aujourd'hui, on y corrige des fautes, soit à la vue de manuscrits plus anciens, soit par comparaison avec la langue d'où ces livres ont été traduits. Vous êtes donc forcés ou de reconnaître qu'ils sont authentiques, et par là même votre hérésie est sapée par la base; ou, si vous les dites encore falsifiés, de ne pouvoir invoquer leur autorité en faveur de votre Paraclet, ce qui détruit également votre hérésie.

 

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CHAPITRE XVII. LES CATAPHRYGIENS ONT AUSSI LEUR PARACLET. PRÉTENTION COMMUNE A TOUTES LES HÉRÉSIES.

 

Ajoutons que tout ce qui a rapport à la promesse du Paraclet, a été dit pour exclure complètement d'une telle prétention votre Manès venu tant d'années après. En effet, Jean dit de la manière la plus claire que l'Esprit-Saint devait venir aussitôt après la résurrection et l'ascension du Christ : « Car l'Esprit n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié (1) ». Or, si la raison pour laquelle il n'avait pas été donné, était que Jésus n'était pas encore glorifié ; sans aucun doute, dès que Jésus eut été glorifié, c'était une

 

1. Jean, VII, 39.

 

raison pour qu'il fût donné. Les Cataphrygiens aussi ont prétendu avoir reçu le Paraclet promis, et ils ont ainsi dévié de la foi catholique en cherchant à défendre ce que Paul a permis, et en condamnant les secondes noces qu'il a autorisées. Ils cachaient leurs piéges sous ces paroles écrites du Paraclet : « Il vous enseignera toute vérité » ; comme si Paul et les autres Apôtres n'avaient pas enseigné toute vérité, et qu'ils eussent réservé la place au Paraclet des Cataphrygiens. Ils tiraillaient aussi dans ce sens ce texte de Paul : « Car c'est imparfaitement que nous connaissons, et imparfaitement que nous prophétisons ; mais quand viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait (1) » ; en sorte que c'eût été en ne connaissant et en ne prophétisant qu'imparfaitement que l'Apôtre aurait dit : « Qu'il fasse ce qu'il voudra; il ne péchera point si elle se marie (2)», et que le parfait du Paraclet de Phrygie eût anéanti cette concession. Et quand on leur dit qu'ils sont condamnés par l'autorité de l'Eglise promise si longtemps avant eux et répandue dans le monde entier, ils répondent que c'est précisément en eux que s'est accompli ce qui a été dit du Paraclet, que le monde ne peut pas le recevoir. Ne dites-vous pas aussi que c'est de votre Manès qu'il a été prédit : « Il vous enseignera toute vérité; quand viendra ce qui est parfait, alors s'anéantira ce qui est imparfait ; le monde ne peut le recevoir (3) ? » Et quelle hérésie qui ne puisse se produire sous le nom du Paraclet, et s'emparer de ces textes aussi insolemment et avec autant de vraisemblance ? Y a-t-il, en effet, une seule hérésie qui ne s'appelle la vérité, et ne se dise même fa vérité parfaite, avec d'autant plus d'assurance qu'elle est plus orgueilleuse, jusqu'à promettre d'enseigner toute vérité et tâcher d'anéantir tout ce qui contrarie ses erreurs dans la doctrine des Apôtres, comme si ce qui est parfait devait venir par elle ? Et tandis que l'Eglise tient à ce que l'Apôtre recommande si vivement, quand il dit : « Si quelqu'un vous annonce un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème (4) », y a-t-il une hérésie anathématisée par le monde entier, qui ne s'empresse de s'appuyer sur ce texte : « Le monde ne peut le recevoir? »

 

1. I Cor. XIII, 9, 10. — 2. Id. VII, 36. — 3. Jean, XIV, 17. — 2. Gal. I, 9.

 

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CHAPITRE XVIII. LES MANICHÉENS NE PEUVENT PROUVER QU'ILS ONT LE PARACLET.

 

Comment donc donnez-vous la preuve qu'on vous demande : que le Paraclet lui-même vous a appris que les livres évangéliques ne sont pas des Apôtres, puisque nous prouvons, nous, qu'il n'y a pas d'autre Paraclet Esprit-Saint, que celui qui est venu après que Jésus a été glorifié ? Car, « il n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié». Nous prouvons également qu'il enseigne toute vérité, parce qu'on ne parvient à la vérité que par la charité; or, nous dit l'Apôtre, « La charité de Dieu est répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (1) ». Nous enseignons aussi que ces paroles de Paul : « Quand viendra ce qui est parfait », ne doivent s'entendre que de la perfection qui s'obtiendra au sein de la vie éternelle. C'est ce qu'il exprime lui-même quand il dit : « Nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme; mais alors nous verrons face à face (2)». Certes, à moins d'être évidemment fous, vous avouerez qu'ici-bas vous ne voyez pas Dieu face à face. Donc ce qui est parfait n'est pas encore en votre possession. Par ces expressions l'Apôtre a suffisamment expliqué sa pensée là-dessus; et les saints ne parviendront à cette perfection que quand ce que dit Jean sera aussi réalisé : « Nous sommes enfants de Dieu, mais on ne voit pas encore ce que nous serons. Nous savons que lorsqu'il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est (3) ». L'Esprit-Saint, dont nous avons reçu le gage, nous introduira alors dans la connaissance de toute vérité. Quant à ces paroles : « Le monde ne peut le recevoir », elles s'appliquent à ceux que l'Ecriture désigne ordinairement sous le nom de monde, d'amateurs du monde, d'impies, de charnels, comme ceux dont l'Apôtre dit : « L'homme animal ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu (4)». En effet, on dit qu'ils sont de ce monde, tant qu'ils ne peuvent s'élever au-dessus des objets matériels qu'ils ont vus dans ce monde; comme vous, par exemple, qui pleins d'admiration pour la lumière du soleil et de la lune, vous êtes imaginé que de tels corps

 

1. Rom. V, 5. — 2. II Cor. XIII, 10, 12. — 3. I Jean, III, 2.  — 4. I Cor. II, 14.

 

sont divins, séduits en cela par le verbiage d'un auteur que tous, trompés et trompeurs, vous appelez Paraclet. Or, comme vous ne pouvez en aucune façon prouver qu'il est le Paraclet, vous n'avez aucune autorité solide pour démontrer que les écrits évangéliques, dont vous rejetez certaines parties, ne sont pas des Apôtres du Christ. Il ne vous reste donc qu'à dire qu'il s'y trouve des choses qui déshonorent le Christ : à savoir qu'il est né d'une Vierge, qu'il a été circoncis, qu'on a fait pour lui l'offrande en usage alors, qu'il a été baptisé, qu'il a été tenté par le démon.

 

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CHAPITRE XIX. LA DOCTRINE CATHOLIQUE EST BIEN PLUS CROYABLE QUE LE SYSTÈME MANICHÉEN.

 

Excepté cela et les témoignages de l'Ancien Testament qui y sont cités, vous convenez que vous acceptez tout le reste, selon le langage de Fauste, « et principalement son mystérieux crucifiement, emblème des souffrances et des blessures de notre âme. Ensuite », ajoute. t-il, « nous reconnaissons sans hésiter comme venant de lui ses commandements salutaires, ses paraboles, et tout ce divin langage où se fait surtout sentir la distinction des deux natures ». Vous voyez donc que vous faites tout ce qu'il faut pour ôter aux Ecritures toute leur autorité, et laisser chacun libre d'y approuver ou d'y rejeter ce que bon lui semblera, c'est-à-dire de ne point soumettre sa foi à l'autorité des Ecritures, mais de soumettre les Ecritures à son propre jugement; de ne pas approuver un texte parce qu'il repose sur la sublime autorité de ces livres, mais de n'approuver ce texte que parce qu'il lui convient. Où vas-tu, âme misérable, faible, enveloppée des ténèbres de la chair, où vas-tu ? Voyons cependant : écarte cette autorité, écarte-la; écoute ta raison : ta raison en est-elle à ce point qu'à moins d'admettre que la nature divine est sujette à la profanation et à la corruption, votre longue comédie ne puisse avoir de dénouement ? En somme, comment sais-tu qu'il y a huit terres et dix cieux, portés par Atlas et suspendus par le porte-lumière? Com. ment sais-tu une foule d'autres choses de ce genre ? de qui les tiens-tu ? — C'est Manès, me diras-tu, qui m'a enseigné tout cela. — Mais, malheureux, tu as cru sur parole; tu n'as pas vu. Or, si tu admets par milliers des (405) contes fantastiques dont le poids honteux t'accable, par soumission à l'autorité d'un homme entièrement inconnu et vrai fou furieux, parce que ces rêveries sont consignées dans des livres auxquels, par une misérable erreur, tu as cru devoir ajouter foi, bien qu'on te démontre que ce sont de pures chimères pourquoi ne te soumets-tu pas plutôt à l'autorité évangélique, si solide, si bien établie, propagée avec tant d'éclat, et transmise depuis les temps des Apôtres jusqu'à nos jours par des traditions non interrompues; de manière à croire, à voir, à apprendre que tout ce qui te choque dans les saints Livres, ne heurte en toi que de vains et coupables préjugés; qu'il est bien plus vrai que l'immuable nature de Dieu a pris quelque chose de la nature humaine, pour y faire et y souffrir, non fictivement, mais réellement et sans rien perdre de son immutabilité, tout ce qu'il convenait à cette même nature de faire et de souffrir pour le salut du genre humain, de qui elle était empruntée: que cela est plutôt vrai, dis je, qu'un système où il faut croire que la nature divine est sujette à la profanation et à la corruption ; que, souillée et opprimée, elle ne peut être entièrement affranchie ni purifiée, mais qu'elle est condamnée, par la loi divine de la nécessité, à la peine éternelle du globe ?

 

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CHAPITRE XX. LE SENS CHARNEL, SOURCE DE L'ERREUR MANICHÉENNE.

 

Mais, dis-tu, j'ai cru ce qu'on ne me démontrait pas, parce qu'on m'a fait voir clairement en ce monde deux natures, celle du bien et celle du mal. Et voilà précisément, malheureux, la source de ton erreur: tu n'as pu imaginer dans ce monde, pas plus que dans les écrits évangéliques, d'autre mal que ce qui blesse ton sens charnel, le serpent, par exemple, le feu, le poison et autres choses de ce genre; ni d'autre bien que ce qui chatouille en quelque manière ce même sens charnel, comme l'agrément des saveurs, le parfum des odeurs, l'aspect de la lumière et tout ce qui peut flatter l'ouïe, la vue, l'odorat, le goût ou le toucher. Mais si, lisant pour ainsi dire dans le grand livre de la nature, tu embrassais d'abord l'ensemble de la création pour reconnaître que Dieu en est l'auteur; si, dans le cas où quelque chose t'y blesserait, tu préférais croire que tu n'en sais pas la raison parce que tu n'es qu'un homme, plutôt que de te hasarder insolemment à critiquer les oeuvres de Dieu : jamais tu ne te serais laissé aller aux sacrilèges niaiseries, aux inventions blasphématoires par lesquelles, dans ton ignorance de la source du mal, tu t'efforces de charger Dieu lui-même de toute espèce de maux.

 

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CHAPITRE XXI. L'AUTHENTICITÉ DE L'ÉVANGILE SE PROUVE COMME CELLE DES ÉCRITS DE MANÈS.

 

Que si vous nous demandez comment nous savons que ces écrits sont des Apôtres, nous vous répondrons en peu de mots que nous le savons, comme vous savez vous-mêmes que les écrits que vous préférez misérablement à une telle autorité sont de Manès. En effet, si quelqu'un élevait un doute sur ce point et vous contredisait par scrupule, en vous disant que les livres que vous attribuez à Manès ne sont point de lui : que feriez-vous? Ne ririez-vous pas comme d'un fou, de l'homme qui émettrait un doute aussi insolent contre un fait établi sur une telle succession de témoignages, sur une chaîne de traditions aussi fortement serrée? Or, de même qu'il est certain que ces livres sont de Manès, et que quiconque viendrait, si longtemps après, vous susciter une querelle là-dessus, passerait pour un être ridicule; ainsi est-il certain que Manès ou les Manichéens sont ridicules, ou plutôt dignes de compassion, d'oser soulever des objections de ce genre contre une autorité si solide, maintenue et transmise par des successions indubitables, depuis le temps des Apôtres jusqu'à nos jours.

 

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CHAPITRE XXII. LA DOCTRINE DES APÔTRES ET CELLE DE MANÈS.

 

Maintenant il est temps de comparer l'autorité de Manès à celle des Apôtres, car il est certain que, des deux côtés, les écrits sont authentiques. Or, qui donc comparera Manès aux Apôtres, sinon celui qui se sépare du Christ qui a envoyé les Apôtres? Ou encore, qui a jamais trouvé, dans les paroles du Christ, la moindre trace de deux natures radicalement opposées, sinon celui qui ne comprend point les paroles du Christ? Ainsi donc les Apôtres, en qualité de disciples de la vérité, prêchent la naissance réelle, la passion réelle (406) du Christ; et Manès qui se vante d'enseigner toute vérité, nous prêche un Christ dont il déclare la passion fictive. Les Apôtres enseignent que le Christ a été circoncis dans la chair qu'il tenait de la race d'Abraham; Manès prêche un Dieu mutilé dans sa nature par le peuple des ténèbres. Ceux-là parlent d'une offrande faite pour racheter la chair du Christ enfant, selon la pieuse coutume de ce temps-là; celui-ci parle d'un membre, non de la chair, mais de la substance même de Dieu, qui doit être immolé à tous les démons et livré à la nature du peuple ennemi. Ceux-là racontent que le Christ a été baptisé dans le Jourdain, pour donner l'exemple; celui-ci nous conte que Dieu est plongé lui-même et par lui-même dans la souillure des ténèbres, qu'il ne saurait en sortir entièrement, et que la partie qui n'aura pu être purifiée, sera punie d'une damnation éternelle. Suivant les uns, la chair du Christ a été tentée par le chef des démons; selon l'autre, une partie de Dieu est en la possession des démons ; mais, là, la chair du Christ a été tentée pour nous apprendre à résister au tentateur; ici, une partie de la substance divine est si bien au pouvoir des démons, qu'elle ne peut être rendue ni à son Père, ni à son vainqueur. Enfin Manès, d'après la doctrine des démons, annonce un autre Evangile, comme pour s'élever au-dessus des autres; et les Apôtres, d'après la doctrine du Christ, recommandent de dire anathème à quiconque prêche un autre Evangile (1).

 

1. Gal. I, 8, 9.

 

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