PSAUME CXLIII
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DISCOURS SUR LE PSAUME CXLIII.

SERMON AU PEUPLE

VICTOIRE DE DAVID SUR GOLIATH.

 

Ce géant, c’est le démon qu’il nous faut combattre, et David, c’est le chrétien aimé de sa foi, ou même le Christ. Les cérémonies symboliques de la loi sont les armes qui embarrassent David. Il les quitte pour prendre cinq pierres, qui figurent la loi de Moïse en cinq livres ; pierres du torrent ou du peuple qui passe, et que la charité fait découvrir. Or, la charité, c’est l’effet de la grâce, qui se donne gratuitement c’est pourquoi David mit ces pierres dans son vase de berger destiné à recueillir le lait du troupeau. Armé de ces pierres ou de la charité, il renverse Goliath et lui tranche la tête avec sa propre épée, comme le Christ tourne contre Satan les hommes dont il se servait. Nos mains dressées au combat et nos doigts à la guerre, n’ont qu’un même sens ; mais les doigts marquent la division de l’action divine qui a divers dons pour les hommes. La guerre pour nous, c’est le combat contre ce monde qui n’a pas connu le Sauveur ; contre la chair qui a des aspirations contraires à celles de l’esprit. Cette chair sera rebelle jusqu’à sa transformation, mais il nous faut la soumettre en nous soumettant nous-mêmes à Dieu, autrement nous combattrons en vain. Disons pendant le combat : Vous êtes ma miséricorde, ou plutôt vous m’accordez d’user de miséricorde en me remettant mes dettes à condition que je remettrai, en me donnant à la condition que je donnerai. Or, la miséricorde éteint les feux du jugement. Le Seigneur est mon soutien, dit l’Eglise qui jouit par avance d’une certaine paix, parce qu’elle a mis sa confiance dans le Seigneur.

Qu’est-ce que l’homme pour que Dieu le rachète par son Fils unique ? s’il l’estime à ce point pendant qu’il combat, que sera-ce après la victoire ? Quant à l’homme pécheur, il n’est qu’un néant : qu’il fasse des oeuvres dignes de la lumière, et recherche Dieu en sa présence, ou Dieu qui veille sur nous. L’Eglise dit à Dieu : Inclinez vos cieux et descendez. Ces cieux sont les Apôtres qui ont converti le monde. Faites briller vos éclairs contre les conspirateurs. Tendez-nous la main, afin que nous puissions surmonter les grandes eaux de la contradiction. Le cantique nouveau du Prophète, n’est le Nouveau Testament, celui de la grâce qui nous fait accomplir la loi par les oeuvres de la charité Dieu a sauvé son Christ du glaive des méchants, glaive qui désigne ce que le Prophète appelait tout à l’heure les grandes eaux, c’est-à-dire les hommes frivoles, et la main des fils de l’étranger qui ont parlé la vanité, c’est-à-dire ambitionné le bien terrestre. Abraham, Isaac et Jacob furent riches, à la vérité ; mais ils ne regardaient les biens de la terre que comme des biens de la gauche, ou biens périssables, leur préférant les biens de la droite, ou Dieu avec l’éternité. C’est là ce que signifie : Sa gauche est sous ma tête, et sa droite m’embrasse ; c’est-à-dire, il ne m’abandonne point en cette vie, et me réserve les biens de l’avenir. Le langage de ces hommes est donc vain, parce qu’ils ont appelé heureux celui qui possède ces biens, tandis que celui-là seul est heureux qui a pour Dieu le Seigneur.

 

1. Le titre de ce psaume ne renferme que peu de paroles, mais beaucoup de mystères. « A David pour Goliath 1». Votre charité se souvient que l’Ecriture nous parle de ce combat qui eut lieu au temps de nos pères. Un peuple étranger faisait la guerre au peuple de Dieu, et Goliath provoqua David à un combat singulier, afin que la victoire de l’un ou de l’autre champion fit voir la décision de Dieu. Mais à quoi bon parler de la victoire quand nous connaissons celui qui provoque et celui qui est provoqué? C’est l’impiété qui provoque la piété, l’orgueil qui s’attaque à l’humilité, le diable qui s’attaque au Christ. Faut-il s’étonner que le diable soit vaincu? Le premier était d’une stature gigantesque, l’autre petit de taille, mais grand par la foi. David, qui était saint, prit des armes guerrières pour marcher contre Goliath. Mais son âge et sa taille trop petite l’empêchèrent de les porter. Il jeta donc ces armes qui le

 

1. Ps. CXLIII, 1.

 

chargeaient sans l’aider, et prit au torrent cinq pierres qu’il mit dans son vase de berger. Ainsi armé à l’extérieur, mais armé intérieurement du nom de son Dieu, il marcha contre le géant et le vainquit 1. Voilà ce que fit David ; mais développons ces figures mystérieuses. Le titre est court, avons-nous dit, à n’en considérer que les paroles ; mais il est très-important à cause des mystères qu’il renferme. Rappelons à notre mémoire cette parole de saint Paul: « Tout cela se passait « pour eux en figure 2» ; afin que l’on ne nous accuse pas de témérité en cherchant des mystères dans des passages sans mystères et écrits très-simplement. Nous avons donc une autorité qui stimule notre attention à rechercher ces mystères, notre vigilance à les développer, notre dévotion à les écouter, notre fidélité à les croire, notre diligence à les pratiquer. En David nous trouvons le Christ; mais comme vous ne sauriez l’ignorer, vous

 

1. I Rois, XVII. — 2. I Cor, X, 11.

 

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tous qui êtes instruits à son école, dans le Christ il y a la tête et le corps ; n’appliquez donc pas ces paroles au Christ de telle manière qu’il n’y ait rien pour vous qui êtes ses membres. Après avoir posé cette base, voyons ce qui suit.

2. Vous savez que le premier peuple fut chargé de nombreux sacrements visibles et corporels, d’une circoncision, d’un sacerdoce laborieux, d’un temple plein de figures, d’un grand nombre d’holocaustes et de sacrifices. Telles sont les armes plus embarrassantes que utiles qu’a dû déposer notre David. « Car si la loi qui a été donnée avait pu donner la vie, il serait vrai de dire que la justice vient de la loi ». A quoi donc a servi la loi? L’Apôtre continue: « Mais l’Ecriture a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse de Dieu s’accomplît par la foi en Jésus-Christ, en ceux qui croiraient 1 ». Aussi qu’a fait ce David, c’est-à-dire Jésus-Christ, la tête et le corps, qu’a-t-il fait quand la nouvelle alliance a été dévoilée, quand la grâce de Dieu a dû être enseignée et appréciée ? Il a quitté les armes et a pris cinq pierres 2 : ces armes qui l’embarrassaient, il les a mises de côté ; il a donc rejeté les sacrements de la loi, sacrements qu’il n’a point imposés aux Gentils, et que nous n’observons point. Vous savez en effet combien sont nombreux ces préceptes de la loi que nous ne pratiquons point, et qui sont néanmoins établis et mis sous nos yeux, pour en figurer d’autres; non que nous devions rejeter la loi de Dieu, mais depuis l’accomplissement des promesses nous n’avons plus à nous arrêter aux symboles qui les annonçaient. Ce qu’ils nous promettaient est arrivé. La grâce du Nouveau Testament, voilée dans la loi, nous est dévoilée dans l’Evangile. Nous avons écarté le voile et reconnu ce qu’il nous dérobait; nous l’avons reconnu dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre chef et Sauveur, qui a été crucifié pour nous, et à la mort de qui le voile du temple se déchira 3. Enfin ce David quitta ces armes, ce fardeau de l’ancienne loi, pour prendre la loi même. Car ces cinq pierres sont la figure des cinq livres de Moïse. Il prit ces cinq pierres dans le torrent, et vous savez ce que signifie ce torrent ; car cette vie mortelle s’écoule, et tout ce qui vient au monde ne fait que passer. Ces pierres étaient donc dans le

 

1. Gal. III, 21, 22.—  2. I Rois, XVII, 39, 40.— 3. Matth. XXVII, 51.

 

torrent, ou dans ce peuple primitif, pierres inutiles, ne rapportant rien, ne produisant rien ; le torrent passait dessus. Que fit David pour que la loi devînt utile? Il prit la grâce. Car on ne saurait accomplir la loi sans la grâce ; puisque « la plénitude de la loi c’est la charité 1». Mais cette charité, d’où vient-elle? Vois si elle ne vient pas de la grâce. « L’amour de Dieu», dit l’Apôtre, «est répandu dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été donné 2 », C’est donc la grâce qui nous fait accomplir la loi, et la grâce est figurée par le lait. Rien dans la chair ne se donne plus gratuitement que le lait, puisque la mère, loin d’attendre du retour, ne cherche qu’à le donner ; elle le donne gratuitement, elle s’attriste quand elle ne peut le donner. Comment donc David a-t-il montré que la loi ne peut agir sans la grâce, si ce n’est qu’en voulant joindre avec la grâce ces cinq pierres qui désignaient la loi renfermée dans les cinq livres, il les mit dans son vase de berger destiné à garder le lait du troupeau ? Armé de ces pierres, c’est-à-dire armé de la grâce, et dès lors loin de présumer de lui-même, plein de confiance en Dieu, il s’avança contre l’orgueilleux Goliath, plein de jactance et de confiance en lui-même. Il prit une de ces pierres, la lança, en frappa le front de son adversaire, qui tomba blessé dans cette partie du corps où n’était pas le signe du Christ, Remarquez aussi que David prit cinq pierres et n’en jeta qu’une seule ; les livres sont au nombre de cinq et n’ont qu’un même objet: car « la plénitude de la loi c’est la charité », comme nous l’avons dit tout à l’heure. Et l’Apôtre a dit : « Supportez-vous les uns les autres dans la charité, vous appliquant à conserver l’unité de l’esprit dans le lieu de la paix 3». Après avoir blessé et renversé Goliath, David lui prit son épée et lui trancha la tête. C’est ce que fit aussi notre David, qui chassa le démon de ceux qui lui appartenaient. C’est ce qui arrive quand les principaux de ceux qui lui appartiennent, et qui étaient au pouvoir du diable qui s’en servait pour lacérer d’autres âmes, quand ces hommes viennent à tourner leurs âmes contre le diable ; alors l’épée de Goliath sert à lui trancher la tête. Voilà, en peu de mots, autant que le temps nous le permet, les figures du titre; voyons ce que renferme le psaume.

 

1. Rom. XIII, 10. — 2. Id. V, 5. — 3. Ephés. IV, 2, 8.

 

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3. « Béni soit le Seigneur mon Dieu, qui as instruit mes mains au combat, et mes doigts à la guerre 1». Ce cri vient de nous, si nous appartenons au Christ. Bénissons le Seigneur notre Dieu, qui instruit nos mains au combat, et nos doigts à la guerre. Il semble qu’il y ait ici une répétition, et que nos mains au combat n’aient d’autre sens que mes doigts à la guerre. Est-il une différence entre la main et les doigts? Car la main n’agit que par les doigts. On pourrait donc sans absurdité prendre les doigts pour la main. Et toutefois, dans les doigts nous trouvons la division de l’action et la racine de l’unité. Vois cet effet de la grâce dans cette parole de l’Apôtre: « L’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler avec sagesse, l’autre reçoit du même Esprit le don de parler selon la science; un autre reçoit le don de la foi fans le même Esprit, un autre reçoit du même Esprit le don de guérir les malades, un autre le don de parler diverses langues, un autre le don de prophéties, un autre les discernement des esprits. Or, c’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses propres dons, comme il lui plaît 2». Mais faire ce don à l’un, cet autre don à l’autre , c’est là une diversité d’opérations. Toutefois, comme « c’est un seul et même esprit qui opère toutes ces choses », nous trouvons ici la racine de l’unité. C’est donc par ces doigts que le Christ combat, qu’il marche à l’ennemi, qu’il s’avance en bataille.

4. Pour ce qui est de ces guerres et de ces combats, il serait long de les exposer, et il est plus facile de les soutenir que de les expliquer. Mais nous avons une guerre dont l’Apôtre nous dit : « Ce n’est plus contre la chair et le sang qu’il nous faut combattre 3», c’est-à-dire contre les hommes qui semblent vous persécuter; ce n’est point contre eux que vous combattez, « mais contre les princes et les puissances, contre les directeurs du monde ». Et de peur que par le monde vous n’entendiez le ciel et la terre, il vous montre ce qu’il entend par là : « De ces ténèbres », nous dit-il. Ce monde n’est donc point celui qu’il a fait et dont l’Evangile nous dit: « Et le monde a été fait par lui » ; mais c’est le monde qui ne l’a point connu, car il est dit aussi: « Et le monde ne l’a point

 

1. Ps. CXLIII, I. — 2. I Cor. XII, 8. — 3. Ephés. VI, 12.

 

connu ». Ces ténèbres aie sont point telles par nature, mais par volonté. L’âme ne s’éclaire point par elle-même. Quand elle est humble, elle chante avec humilité et avec vérité : « C’est vous, Seigneur, qui faites luire mon flambeau; ô Dieu, éclairez nies ténèbres 1». Et encore : « C’est en vous qu’est la source de la vie; et c’est en votre lumière que nous verrons la lumière 2». Non point cri la nôtre, mais en votre lumière. Car on donne aux yeux le nom de lumière, et toutefois, que la lumière extérieure vienne à manquer, fussent-ils sains et ouverts, ils demeureront dans les ténèbres. Donc nous faisons la guerre aux princes de ces ténèbres, c’est-à-dire aux princes des infidèles, au diable et à ses anges, qui dirigent ce glaive dont le diable frappe les fidèles. Mais de même qu’une fois que Goliath est renversé, on lui prend son glaive pour lui en couper la tête 3; de même quand les fidèles embrassent la foi, on leur dit : « Vous étiez autrefois ténèbres, et maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur  4 ». Vous avez combattu avec la main de Goliath, maintenant avec la main du Christ, coupez la tête à Goliath.

5. Voilà une guerre. Il en est une autre que chacun soutient au dedans de lui-même. Tout à l’heure on nous parlait de cette guerre dans l’Epître de saint Paul : « La chair conspire contre l’esprit, et l’esprit contre la chair, au point que vous ne faites point ce que vous voulez 5 ». C’est là une guerre pénible, d’autant plus pénible qu’elle est intérieure. Quiconque triomphe dans cette guerre, surmonte des ennemis qu’il ne voit pas. Car le démon et ses anges n’attaquent chez toi que la chair qui domine. Comment pourrions-nous, en effet, vaincre des ennemis que nous ne voyons pas, sinon parce que nous ressentons intérieurement des mouvements charnels? Combattre ces mouvements, c’est ruiner l’empire du diable. Dans l’amour de l’argent, c’est l’avarice qui domine, et comme l’avarice domine en toi, le diable te propose un gain au moyen de la fraude. Car souvent on ne saurait que par la fraude parvenir au gain. Il propose donc au dehors à cette avarice, que tu n’as pas vaincue intérieurement, dont tu n’es pas maître, que tu n’as pas domptée; ce perfide juge des combats

 

1. Ps. XVII, 29. — 2. Id. XXXV, 10. — 3. I Rois, XVII, 51.— 4. Ephés. V, 8. — 5. Gal. V, 17.

 

 

te propose donc, comme à son athlète, la fraude et 1e gain, l’oeuvre et la récompense

Agis et reçois le prix. Mais sj tu es parvenu à fouler aux pieds l’avarice, tu n’es pas intérieurement dominé par cet ennemi que tu sens et peux vaincre; car tu ne sens point le diable qui te tend cette embûche. Si donc tu as dompté l’avarice, tu feras attention à celui qui te propose l’oeuvre et le prix. Qu’est-ce qu’il te propose? L’injustice et le gain. Qu’est-ce que Dieu propose au contraire? L’innocence et la couronne. Agis et prends, te dit l’un aussi bien que l’autre. Toi donc, athlète intérieur, si, loin d’être vaincu par l’avarice, tu en es vainqueur, tu tiens tes regards fixés en Dieu et tu surmontes le démon. Tu fais le discernement de l’un et de l’autre, et tu dis : Je vois ici l’oeuvre et le prix, mais là au contraire l’appât et l’hameçon. Car tu ne dis rien intérieurement, qui ne regarde ton salut. Par le pécha tu es divisé contre toi-même. Tu traînes après toi une source de concupiscence qui va te conduire à la mort; tu as devant toi un ennemi à combattre, et en toi un ennemi à vaincre; mais tu peux recourir à celui qui t’aidera dans le combat, qui te couronnera après la victoire , et qui t’a fait quand tu n’étais l’as encore.

6. Comment pourrai-je vaincre, diras-tu? Voilà que l’Apôtre me propose un combat très-difficile, et lui-même prend soin de me montrer combien il est difficile, sinon impossible, de vaincre, si je n’en comprends l’importance. « La chair »,dit-il, as conspire contre

l’esprit, et l’esprit contre la chair, en sorte « que vous ne faites point ce que vous voulez1». Comment me commander de vaincre, quand lui-même nous dit : as En sorte que vous ne u faites point ce que vous voulez? e Veux-tu savoir comment? Jette les yeux sur la grâce de ce vase pastoral, mets dans ce vase de lait la pierre du fleuve, Eh bien ! je vous le dis, ou plutôt c’est la Vérité qui vous le dit : Tu ne fais point ce que tu veux, parce que la chair combat contre l’esprit. Dans ce combat, si tu présumes de tes forces, je t’en avertis, ne fais pas bon marché de cette parole : « Réjouissez-vous en Dieu notre soutien o. Si tu pouvais tout par toi-même, tu n’aurais pas besoin de soutien; et si tu ne faisais rien par ta propre volonté, II pue te faudrait aucun aide, car on n’a besoin d’aide que quand on

 

1. Gal. V, 17.— 2. Ps. LXXX, 2.

 

agit. Aussi, après avoir dit : « La chair conspire contre l’esprit, l’esprit contre la chair, en sorte que vous ne faites point ce que vous voulez », et après t’avoir mis toi-même sous tes propres yeux, comme dépourvu de force contre toi-même, l’Apôtre te renvoie tout d’un coup à celui qui peut t’aider: «Si vous êtes conduits par l’esprit, vous n’êtes as plus sous la loi ». Celui qui est sous la loi, au lieu d’accomplir la loi, se trouve sous le fardeau de la loi, comme David sous le poids de ses armes. Si donc tu es conduit par l’esprit, vois qui est celui qui t’aidera pour accomplir ce que tu veux; ton aide est pour toi un sauveur, une espérance, c’est lui qui dresse tes mains au combat, tes doigts à la lutte. « Les oeuvres de la chair sont faciles à reconnaître; ce sont la fornication, l’impureté, le luxure, l’idolâtrie, les empoisonnements, les dissensions, les inimitiés, les ivrogneries, les débauches, et autres crimes semblables; car je déclare, et je l’ai déjà dit, que ceux qui les commettent ne posséderont point le royaume de Dieu 1». Non point ceux qui combattent ces crimes, mais ceux qui les commettent. Il est une différence, en effet, entre combattre, vaincre, et jouir de la paix et du repos. Je vais le montrer par quelques exemples : Ecoutez. On te propose un gain à faire, et cela te plaît; il faut user de fraude, mais le gain est considérable; cela te plaît, et toutefois tu résistes : c’est là le combat; mais on te persuade, on fait des instances, on délibère. Combattre, c’est donc être en danger. Après avoir vu le combat, voyons le reste. Au mépris de la justice, tel a commis la fraude : le voilà vaincu; mais il rejette le gain pour demeurer juste, le voilà vainqueur Dans ces trois états je plains le vaincu, je crains pour celui qui combat, j’applaudis au vainqueur. Mais celui là même qui a vaincs a-t-il pu gagner sur lui de n’être point tenté par l’argent, de n’y point goûter un certain attrait, quoiqu’il l’ait surmonté et méprisé, quoique, loin d’y consentir, il n’ait point daigné même le combattre ? Il a ressenti néanmoins quelque vibration de plaisir, et cette vibration, cet ennemi qui déjà ne combat plus, qui ne règne plus, persiste néanmoins en nous: il y a dans cette chair mortelle quelque chose qui n’y sera plus un jour. Tout sera absorbé dans une pleine victoire, mais à l’avenir ;

 

1. Gal V, 17-19.

 

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quant à cette vie, « le corps est mort à cause du péché », et de là vient que le péché subsiste dans notre corps sans toutefois y régner : « Mais l’esprit est vivant à cause de la justice. Si donc l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus-Christ habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de son Esprit qui habite en vous 1 ». C’est là qu’il n’y aura plus de combat, plus même de vibration; tout sera dans une paix profonde. Ce n’est point une nature contraire qui combattra une autre nature, mais c’est comme deux époux sous un même toit. Qu’ils viennent à se quereller, c’est un séjour fatigant et plein de périls; que le mari ait le dessous, la femme l’avantage, c’est une paix contre tout ordre; que le mari domine au contraire, que la femme lui soit soumise, la paix est dans l’ordre ; et toutefois ce ne sont point deux natures différentes, puisque la femme a été tirée de l’homme. Ta chair est pour toi une épouse, une servante; donne-lui tel nom qu’il te plaira, il te faut la soumettre; et s’il y a combat, que la victoire te reste. Tel est l’ordre, en effet, que l’inférieur soit soumis au supérieur; afin que celui-là même qui veut s’assujettir ce qui lui est inférieur soit soumis à son tour à celui qui est au-dessus de lui. Reconnais donc l’ordre et cherche la paix toi à Dieu, et la chair à toi. Y a-t-il rien de plus juste, rien de plus beau? Toi soumis au supérieur, l’inférieur à toi. Sois serviteur ,e celui qui t’a créé, afin d’avoir pour serviteur ce qui a été créé pour toi. L’ordre que nous traçons et que nous prêchons n’est point A toi la chair, et toi à Dieu; aimais bien : Toi à Dieu, et la chair à toi ; si tu dédaignes « toi à Dieu », tu n’obtiendras jamais la chair à toi. Rebelle envers ton Seigneur, tu seras sous l’esclave de l’esclave. Si tu n’es d’abord soumis à Dieu, et ensuite la chair soumise à toi-même, pourras-tu dire ces paroles : « Béni soit le Seigneur mon Dieu, qui dresse mes mains au combat et mes doigts à la guerre? » Tu veux combattre sans savoir, tu seras vaincu et condamné. Soumets-toi donc à Dieu tout d’abord, puis avec ses leçons et son secours tu combattras en disant : « C’est lui qui dresse mes mains au combat, mes doigts à la guerre ».

7. Et pendant ce combat, comme il n’est

 

1. Rom, VIII, 10 et seq.

 

pas sans danger, dis alors ce qui suit dans cette lutte périlleuse: « Vous êtes ma miséricorde » Je ne serai pas vaincu dès lors. Que veut dire « ma miséricorde? » Que vous me faites miséricorde, que vous l’exercez envers moi, ou bien que vous m’accordez d’user de miséricorde? Car il n’y a rien pour vaincre plus complètement notre ennemi que la miséricorde que nous avons pour tous. Il se prépare à nous calomnier au jugement de Dieu, mais il ne peut rien objecter de faux, il n’est point devant celui qui écoute la fausseté. S’il plaidait contre nous au tribunal d’un homme, il pourrait alléguer le mensonge, nous accabler de fausses récriminations; mais comme notre procès se plaide au tribunal de ce juge que l’on ne saurait tromper, notre ennemi cherche à nous séduire par le péché, pour avoir de véritables crimes à nous reprocher. Et quand la fragilité humaine vient à succomber sous ses artifices, qu’elle s’humilie par un aveu, et s’exerce par des oeuvres de miséricorde et de piété. Tout s’efface quand, avec sincérité et une pleine confiance, nous disons à celui qui nous voit: «  Remettez-nous, comme as nous remettons à notre tour  2 ». Dis alors de tout ton coeur, dis en toute confiance et en toute sécurité: « Remettez-nous, comme nous remettons nous-mêmes »; ou ne nous pardonnez point, si nous ne savons pardonner. Quand même tu ne dirais pas: Ne nous remettez point si nous ne remettons point nous-mêmes, le Seigneur ne nous pardonne qu’à la condition que nous pardonnions aussi. Pour te laisser impuni dans tes crimes, il ne sera point menteur dans ses promesses. Veux-tu ton pardon, dit-il ? Pardonne toi-même. il est une autre oeuvre de miséricorde, Veux-tu obtenir? donne toi-même. C’est ce qui est marqué au même endroit de l’Evangile: « Remettez et il vous sera remis, donnez et l’on vous donnera  3 ». J’ai sur toi une créance, et loi une créance sur un autre; remets-lui sa dette, et je te remets la tienne. Tu me demandes, celui-là te demande aussi. Donne-lui, et je te donnerai. Or, qui est-ce qui remet? Qui est-ce qui donne? N’est-ce pas la charité? « Et d’où vient la charité, sinon par cet Esprit-Saint qui nous a été donné 4?» Si donc c’est par les oeuvres de miséricorde que notre ennemi peut être vaincu, si nous ne pouvons faire des oeuvres de miséricorde

 

1. Ps. CXLIII, 2.— 2. Matth. VI, 12. — 3. Luc, VI, 37,38. — 4. Rom. V, 5.

 

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sans avoir la charité, et si nous n’avons la charité que par le Saint-Esprit: c’est lui qui dresse nos mains au combat et nos doigts à la guerre: c’est à lui que nous disons avec justice: «ma miséricorde », puisque c’est par lui que nous devenons miséricordieux. « Quiconque n’aura point fait miséricorde sera jugé as sans miséricorde 1».

8. Pensez-vous que des oeuvres de miséricorde soient peu importantes? Il est bon d’en dire quelques mots. Ecoutez d’abord cette sentence tirée des livres saints et que j’ai citée tout à l’heure: « Quiconque n’aura pas fait miséricorde subira un jugement sans miséricorde » ; il sera donc jugé sans miséricorde, celui qui n’aura pas fait miséricorde avant d’être jugé. Qu’est-il dit ensuite? Que dit l’Apôtre? « La miséricorde s’élèvera au-dessus du jugement ». Qu’est-ce à dire, qu’« elle s’élèvera au-dessus du jugement? » C’est-à-dire que Dieu lui donne la préférence sur le jugement, et que, chez l’homme qui aura fait des oeuvres de miséricorde, l’eau de cette miséricorde éteindra le feu du péché, quand même il aurait au jugement des fautes à punir. « La miséricorde est au-dessus du jugement ». Quoi donc? Dieu sera-t-il injuste à nos yeux, en venant au secours de ces âmes, en les délivrant, en leur pardonnant? Nullement, il est juste au contraire: la miséricorde n’efface point en lui la justice, non plus que la justice n’efface la miséricorde. Vois si Dieu n’est point juste: Remets, et je te remettrai; donne et je te donnerai. Vois s’il n’est point juste: « On se servira pour toi de la mesure dont  tu te seras servi 3 ». C’est la mesure elle-même, non point une mesure du même genre, mais la même mesure; pardonne, et je te pardonne. Tu as en toi pour mesure le pardon que tu accorderas, tu trouveras en moi cette même mesure dans le pardon que tu recevras. Tu as en toi la mesure; c’est de donner ce que tu as, et tu trouveras en moi cette mesure; c’est de recevoir ce que tu n’as pas encore.

9. « Vous êtes ma miséricorde, mon refuge, mon soutien, mon libérateur ». Voilà un athlète fort à la peine, parce que sachair conspire contre l’esprit. Tiens ferme néanmoins, tes vœux seront comblés quand la mort sera absorbée dans une entière victoire, quand ce corps mortel sera ressuscité et doué de la vie

 

1. Jacques, II, 13. — 2. Luc, VI, 37. — 3. Matth. VII, 2.

 

des anges et de qualités célestes. « Ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers, ensuite nous qui vivons, qui sommes demeurés jusqu’alors, nous serons enlevés avec eux dans les airs au-devant du Christ, et ainsi nous serons éternellement avec le Seigneur 1». C’est là que la mort sera absorbée dans sa victoire. C’est là que l’on dira: «O mort, où est ton combat; ô mort, où est ton aiguillon 2? » Il n’y aura en effet de rébellion contre Dieu, ni dans notre corps, ni dans notre âme. La victoire sera complète, la paix complète. Telle est cette paix dont on nous dit ici-bas, au milieu de nos combats: « Venez, mes enfants, écoutez-moi, je vous enseignerai la crainte de Dieu 3 ». Vous êtes dans le combat, engagés au fort de la mêlée, et néanmoins vous désirez un certain repos. « Quel est l’homme qui aime la vie, qui souhaite de voir des jours heureux 4 ? » Qui ne répondra aussitôt: C’est moi? La vie, les jours heureux sont dans ces lieux où la chair ne conspire plus contre l’esprit, et où l’on ne dit plus : Combattez, mais: Réjouissez-vous. Or, quel est l’homme qui désire ces jours? Tout homme dira certainement: C’est moi. Ecoute ce qui suit: Je vois que tues dans la peine, dans le combat, dans les périls, écoute ce que le psaume ajoute pour dresser tes mains au combat, tes doigts à la guerre: « Détourne ta langue du mal, et que tes lèvres n’usent point de fourberie; détourne-toi du mal et fais le bien 5». Comment pourrais-tu faire le bien, sans te détourner du mal? Comment t’engager à vêtir l’homme nu, si tu es encore spoliateur? Comment t’engager à donner, si tu es ravisseur? « Détourne-toi donc du mal, d’abord, et fais le bien ». Que le pauvre d’abord ne pleure point à ton sujet, si tu veux qu’un pauvre se réjouisse. « Détourne-toi du mal et fais le bien ». Quelle sera ta récompense? Car maintenant tu es encore dans le combat : « Cherche la paix, et poursuis-la ». Apprends à dire: « Vous êtes ma miséricorde et mon refuge, mon soutien, mou libérateur, mon protecteur ». « Mon appui », de peur que je ne tombe; « mon libérateur», de peur que je ne reste dans le piège; « mon protecteur», de peur que je ne sois blessé. « Oui, mon protecteur, en qui j’ai mis mon espoir ». Dans tous

 

1. I Thess. IV, 15, 16.— 2. I Cor. XV, 51, 53.— 3. Ps. XXXIII, 12.— 4. Id. 13.— 5. Id. 14, 15.

 

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ces embarras, dans mes fatigues, dans mes combats, dans toutes ces difficultés, j’ai mis en lui mon espoir. « C’est lui qui m’assujettit mon peuple ». Ce langage est de notre chef.

10. « Seigneur qu’est-ce que l’homme, pour vous faire connaître à lui 1? » Il est

tout ce qu’il est, précisément parce que vous « vous êtes fait connaître à lui » . « Qu’est-ce que l’homme, pour vous révéler à lui, ou le fils de l’homme, pour que vous songiez à lui?» Vous songez à lui,vous l’aimez, vous lui assignez son prix, vous le mettez en son rang, vous savez au-dessous de qui vous le placez, au-dessus de qui vous l’élevez. Car estimer c’est assigner un prix. Quel prix a donc assigné à l’homme Celui qui a donné pour l’homme le sang de son Fils unique? « Qu’est-ce que l’homme, pour vous révéler à lui ?» A qui vous faire connaître, et qui êtes-vous ? « Qu’est-ce que le fils de l’homme, pour l’estimer à ce prix? » Vous l’estimez, vous en faites cas, comme s’il était d’un grand prix. Car aux yeux de Dieu l’homme n’est point tel qu’aux yeux d’un autre homme; qu’il trouve un esclave à acheter, et il mettra plus de prix à un cheval qu’à un homme. Vois, au contraire, combien un Dieu t’a estimé, dès lors que tu peux dire: « Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » A quel prix t’a évalué « Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous? Comment ne nous a-t-il pas tout donné avec lui 2? » S’il nourrit ainsi les combattants, quel sera le prix du vainqueur? Je suis», dit-il, «le pain vivant descendu du ciel 3 ». C’est là le pain qu’il donne aux combattants, pain qu’il fait venir des greniers célestes, et dont il nourrit les anges; « car l’homme a mangé le pain des anges 4». Mais après les combats et après ce pain que donnera-t-il? Quel prix réserve-t-il aux vainqueurs, sinon ce qui est marqué dans un autre psaume : « J’ai fait une demande au Seigneur, et je la ferai encore: c’est d’habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, afin de contempler ses délices et d’être à l’abri dans son temple 5? Qu’est-ce que l’homme pour vous révéler à lui, ou le fils de l’homme pour l’estimer à ce point? »

11. « L’homme est semblable au néant 6», et néanmoins vous vous révélez à lui, vous

 

1. Ps. CXLIII, 3. — 2. Rom. VIII, 31, 32. — 3. Jean, VI, 41.— 4. Ps. LXXVII, 25. — 5. Id. XXVI, 4. — 6. Id. CXLIII, 4.

 

l’appréciez. « L’homme est devenu semblable au néant ». A quel néant ? Au temps qui passe et qui s’écoule. Voilà ce que l’on appelle vanité dès qu’on le compare à la vérité, qui demeure toujours, qui est toujours stable. Toute créature visible n’est bonne qu’en son lieu. « Car c’est Dieu », dit l’Ecriture, «qui a as rempli la terre de ses biens 1 ». Qu’est-ce à dire de ses biens? De ceux qui lui conviennent. Mais tous ces biens terrestres, volages, passagers, comparés à cette vérité dont il est dit : « Je suis celui qui suis 2», tout ce bien qui passe est appelé vanité. Car il s’évanouit avec le temps, comme la fumée dans les airs. Que dirai-je de plus fort que l’Apôtre saint Jacques, lorsqu’il veut contraindre les superbes à s’humilier? « Qu’est-ce que notre vie », dit-il? « Une vapeur qui apparaît un instant pour se dissiper ensuite 3 ». Donc l’homme est semblable au néant. Le péché l’a rendu semblable au néant, car au moment de sa création il était semblable à la vérité; mais le péché qu’il a commis, le châtiment qui lui a été infligé, l’ont rendu semblable au néant. « Vous avez châtié l’homme à cause de son iniquité », dit un autre psaume, « et vous avez fait sécher son âme comme l’araignée 4». De là aussi : « L’homme est devenu semblable à la vanité ». Qu’ajoute le Prophète dans l’autre psaume? « Vous avez as fait vieillir mes jours 5 ». Et ici : « Ses jours passent comme l’ombre ». Que l’homme donc veille sur lui-même dans ces jours qui passent comme l’ombre, afin qu’en soupirant après sa lumière, il fasse des oeuvres qui en soient dignes ; et s’il est dans l’ombre de la nuit, qu’il cherche le jour. Pour l’homme qui comprend son état, les jours de cette vanité sont des jours de tribulation. Soit que les misères et les chagrins nous viennent accabler, soit que les prospérités du monde nous sourient, nous n’en devons pas moins craindre et gémir : « Parce que la vie de l’homme sur la terre est une tentation 6». De là cette parole : « Tout le jour je marchais dans l’affliction 7 ». Nous avons besoin de consolations, et tout ce que Dieu nous montre en fait de prospérités n’est point pour réjouir les heureux du monde, suais bien pour soulager les malheureux. Que l’homme donc, je le répète, dans ces jours qui sont une ombre,

 

1. Eccli. XVI, 30.— 2. Exod. III, 14.— 3. Jacques, IV, 15.— 4. Ps. XXXVIII, 12. — 5. Id. 6. — 6. Job, VII, 1 — 7. Ps. XXXVII, 7.

 

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fasse des oeuvres dignes de cette lumière qu’il désire, et dans cette nuit qu’il cherche Dieu, ainsi qu’il est écrit : « Pendant la nuit mes mains ont cherché Dieu en sa présence, et je n’ai pas été déçu 1 ». Quel est ce jour qu’il appelle un jour de tribulation, sinon celui qu’il appelle encore la nuit? « Je l’ai as cherché de mes mains pendant la nuit en sa présence ». Nous sommes encore dans la nuit, et nous veillons à la lumière de cette prophétie. Ce que l’on nous a promis, nous l’attendons encore ; mais que dit l’apôtre saint Pierre? « Nous avons d’ailleurs une preuve as plus frappante encore dans les oracles des Prophètes, sur lesquels vous faites bien d’arrêter vos regards comme sur un flambeau qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs 2 ». C’est là le jour, c’est là notre jour. « Au matin vous entendrez ma voix, au matin je me tiendrai debout et je vous contemplerai ». Donc, travaille, bien que ce soit la nuit, et cherche Dieu de tes mains, ou par de bonnes oeuvres, avant que ce jour vienne combler ta joie, de peur qu’il n’en vienne un autre pour t’affliger. Vois quelle sécurité dans ton labeur; vois comment ne t’abandonne pas celui que tu cherches : « De mes mains j’ai cherché le Seigneur pendant la nuit en sa présence ». « Afin que ton Père qui voit dans le secret te donne ta récompense 3».De là cette expression « en sa présence ». Que la miséricorde et la charité soient dans ton coeur, de peur que tu n’agisses dans l’intention de plaire aux hommes. J’ai cherché Dieu de mes mains, dit le Prophète, par mes oeuvres; le chercher dans l’ombre, ou dans cette vie; où lui-même voit, et non où je chercherais à plaire aux hommes. Qu’ajoute le Prophète ? « Et je n’ai pas été déçu. L’homme est semblable à la vanité, ses jours ont passé comme une ombre», et pourtant vous vous êtes fait connaître à lui, et vous l’estimez.

12. « Seigneur, inclinez vos cieux et descendez : touchez les montagnes, elles seront embrasées. Faites briller vos éclairs, et dispersez-les; lancez vos flèches, et ils seront dans l’effroi. Tendez la main d’en haut, et délivrez-moi, sauvez-moi des grandes eaux 4». Le corps en Christ, l’humble David,

 

1. Ps. LXXVII, 6. — 2. II Pierre, I, 19. — 3. Matth. VI , 4. — 4. Ps. CXLIII, 5-7.

 

plein de grâce et de confiance en Dieu, et combattant ici-bas, implore le secours de Dieu. « Inclinez vos cieux et descendez. » Quels sont les cieux à incliner ? Les Apôtres dans leur humilité. Tels sont en effet «les cieux qui annoncent la gloire de Dieu»; et de ces cieux qui racontent la gloire de Dieu, le Prophète va nous dire : « Il n’est as point de discours, point de langage dans lequel on n’entende cette voix; leur parole a retenti dans toute la terre, et leur voix jusqu’aux extrémités du monde 1». Quand la voix de ces cieux retentissait dans le monde entier, alors qu’ils opéraient des merveilles, et que le Seigneur faisait briller en eux les éclairs de ses miracles, et retentir le tonnerre de ses préceptes, on crut que des dieux étaient venus du ciel vers les hommes. Quelques païens dans cette pensée leur voulurent offrir des sacrifices. A la vue de ces honneurs qui ne leur étaient point dus, ces hommes saisis d’effroi et d’une vive horreur, afin de ramener ceux qui s’égaraient de la sorte, et leur montrer ce qu’ils ressentaient intérieurement, déchirèrent leurs vêtements et s’écrièrent: « Que faites-vous? nous sommes des mortels comme vous 2». Et ils prirent de là occasion de leur prêcher la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, s’humiliant ainsi pour relever la gloire de Dieu : parce que les cieux s’inclinaient pour que Dieu descendît. « Inclinez donc vos cieux, et descendez, Seigneur », dit le Prophète ; et cela s’est fait. « Touchez les montagnes, elles s’embraseront » ; les montagnes orgueilleuses, les sommités de la terre, les grandeurs qui s’enflent; touchez-les, dit le Prophète, touchez ces montagnes, donnez-leur de votre grâce; « elles seront embrasées» parce qu’elles confesseront leurs fautes. La fumée de ces pécheurs avouant leurs péchés arrachera les larmes de ces superbes humiliés. « Touchez les montagnes,et elles s’évanouiront en fumée ». Tant que vous ne les toucherez point, elles croiront à leur grandeur. Une fois touchées, elles diront : « Vous seul êtes grand, ô mon Dieu 3 ». Voilà ce que diront les montagnes, et encore: « Vous êtes le Très-Haut, au-dessus de toute la terre  4».

13. Mais il est des conspirateurs; il en est qui s’unissent contre le Seigneur et contre son Christ  5. Ils s’unissent et ils conspirent.

 

1. Ps. XVIII, 2,4, 5 — 2. Act. IV, 13.— 3. Ps. XLVII, 2.— 4. Id. LXXXII, 19.—        5. Id. II, 2; Act. IV, 26, 27.

 

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« Faites briller vos éclairs, et dispersez-les ». Multipliez vos miracles et leur conspiration se dissipera comme la fumée. « Lancez vos éclairs et dispersez-les 1». Une fois effrayés par vos miracles, ils n’oseront rien contre vous, l’effroi de vos prodiges les arrêtera. Quel est ce Dieu dont le pouvoir est si grand? Quel est ce Dieu qui s’élève, et dont le nom a tant de puissance ? Mais dire quel il est, c’est pour eux déjà croire; vos miracles ont brillé et dissipé leur funeste coalition. « Lancez vos flèches, et vous les troublerez. Que les flèches acérées du puissant 2 », que vos préceptes frappent leurs cœurs. « Lancez vos flèches, et vous les troublerez ». Ruinez leur fausse santé, afin que de bienheureuses plaies les guérissent; et qu’ayant place dans l’Eglise et dans le corps du Christ, ils disent enfin avec l’Eglise ; « Je suis blessée par d’amour 3. Lancez vos flèches et vous les troublerez ».

14. « Tendez la main d’en haut 4 ». Qu’en résultera-t-il? Quelle en sera la fin? Comment le corps du Christ pourra-t-il vaincre, sinon par le secours du ciel ? « Car le Seigneur viendra lui-même, à la voix de l’archange, descendra du ciel au son de la trompette

de Dieu 5 », lui qui est le Sauveur de son corps et la main de Dieu. « Tendez votre main d’en haut, et délivrez-moi, sauvez,moi des grandes eaux ». Qu’est-ce à dire, «des grandes eaux ? » Des peuples nombreux. De quels peuples? Des étrangers, des infidèles, soit qu’ils m’attaquent au dehors, soit qu’ils me tendent des embûches à l’intérieur. « Délivrez-moi de ces grandes eaux, dans lesquelles vous m’exerciez, et dans lesquelles vous me plongiez pour me laver de mes souillures ». C’est encore l’eau de la contradiction 6. « Délivrez-moi, et sauvez-moi des  grandes eaux ».

15. Ecoutons encore de quelles grandes eaux Dieu délivrera le corps du Christ, Dieu délivrera l’humilité de David. Qu’est-ce à dire, « des grandes eaux ? » Qu’avez-vous dit, ô Prophète, afin qu’on ne leur donnât pas un autre sens, qu’avez-vous dit de ces grandes eaux? Ecoute ce que j’en ai dit: « De la main des enfants étrangers » Ecoutez, mes frères, au milieu de quel peuple nous vivons, et dont nous voulons être délivrés. « Leur bouche parle la

 

1. Ps. CXLIII, 6.— 2. Id. CXIX, 4.— 3. Cant. II, 5, suiv. les Sept. — 4. Ps, CXLIII, 7.— 5. I Thess. IV, 15. — 6. Nombres, XX, 13.

 

vanité ». Combien de vanités n’entendriez-vous pas aujourd’hui même, si vous n’étiez point rassemblés pour ces divines pompes. de la parole de Dieu ? « Leur bouche parle la vanité ». Comment ces diseurs de vanités pourraient-ils vous entendre dire la vérité? « Leur bouche parle la vanité, leur droite est  la droite de l’iniquité 1».

16. Que ferais-tu parmi eux, avec ton vase pastoral et tes cinq pierres ? Dis-le-moi autrement, ô Prophète, et montre-moi d’une autre manière la loi que tu as figurée dans tes cinq pierres. « Seigneur, je vous as chanterai un cantique nouveau ». Ce cantique nouveau, c’est le chant de l’action de grâces ; le cantique nouveau est celui de l’homme nouveau ; le cantique nouveau, c’est le cantique du Nouveau Testament. « Je vous chanterai », dit le Prophète, « un cantique nouveau ». Et de peur qu’on ne croie que la grâce diffère de la loi, tandis au contraire que c’est par la grâce que la loi s’accomplit : « Je vous chanterai », dit-il, « sur le psaltérion à dix cordes 2». «Sur le psaltérion à dix cordes », ou par les dix préceptes de la loi. C’est ainsi que je vous chanterai: puissé-je trouver en vous ma joie, puissé-je vous chanter dans la loi, ce nouveau cantique; « parce que la charité est la plénitude de la loi 3 ». Du reste, quiconque n’a point la charité, peut porter le psaltérion; mais il ne saurait chanter. Pour moi donc, dit l’interlocuteur, au milieu des eaux de la contradiction, je vous chanterai un cantique nouveau : et jamais le bruit des eaux de la contradiction ne fera taire mon psaltérion : « Je vous chanterai sur le psaltérion à dix cordes ».

17. «C’est lui qui donne le salut aux rois»; aux montagnes s’évanouissant en fumée, «  Qui délivre David son serviteur ». Ce David, vous le connaissez, soyez donc David. De quoi Dieu a-t-il délivré David son serviteur? De quoi a-t-il délivré le Christ? De quoi le corps du Christ ? « Délivrez-moi du glaive des méchants 4 ». « Du glaive » ne suffirait pas ; il ajoute : « du méchant ». Assurément il est un glaive de faveur. Quel est ce glaive de faveur? Celui dont le Seigneur a dit : « Je ne suis point venu apporter la paix sur la terre, mais le glaive 5 ». Il devait alors séparer les fidèles des infidèles, les fils des pères, il devait

 

1. Ps. CXLIII, 8.— 2. Id. 9.— 3. Rom. XIII, 10.— 4. Ps. CXLIII, 10, 11. — 5. Matth. X, 31

 

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trancher de ce même glaive d’autres engagements, enlever toute chair corrompue, et guérir en tranchant ainsi les membres du Christ. Il est donc un glaive de bonté, ce glaive à deux tranchants, puissant de part et d’autre, par l’Ancien et par le Nouveau Testament, par le récit du passé et par les promesses de l’avenir. Tel est donc le glaive de la bonté; l’autre est celui des méchants, et leur fait parler vanité, comme c’est par le glaive de la faveur que Dieu nous dit la vérité. Donc « délivrez-moi du glaive des méchants. Quant aux enfants des hommes, leurs dents sont pour eux des armes et des flèches, leur langue est un glaive tranchant ». Délivrez-moi de ce glaive des méchants. Ce que le Prophète vient d’appeler « glaive », il l’appelait tout à l’heure « grandes eaux ». « Délivrez-moi des grandes eaux ». Ce que j’ai nommé grandes eaux, je l’appelle maintenant glaive des méchants. Enfin, après avoir parlé des grandes eaux, il continue : « De la main des étrangers, dont la bouche parle la vanité ».Et pour nous faire comprendre qu’il parle d’eux encore, quand il dit ici : « Du glaive des méchants délivrez-moi », il ajoute : « Délivrez-moi de la main des fils de l’étranger, dont la bouche parle la vanité », comme il l’avait dit plus haut. Et quand il nous dit que leur droite est la droite de l’iniquité , il avait déjà exprimé cette pensée, en nous parlant des grandes eaux. Et de peur que tu ne prennes ces grandes eaux dans un sens favorable, il nous l’exprime de nouveau dans le glaive des méchants. Qu’il vous explique maintenant cette expression : « Leur bouche parle la vanité, leur droite est la droite de l’iniquité ». De quelle vanité a parlé leur bouche? et comment leur droite peut-elle être la droite de l’iniquité?

18. « Leurs enfants sont dans leur jeunesse, comme des plants nouveaux 2». Il veut montrer ici leur félicité. Ecoutez donc, enfants de la lumière, enfants de la paix, écoutez, enfants de l’Eglise, membres du Christ; écoutez ce que le Prophète nomme étrangers, fils de l’étranger, eaux de contradiction, glaive du méchant. Ecoutez, je vous en supplie vous qui, chaque jour, courez des dangers au milieu d’eux; qui, au milieu de leurs discours, combattez contre les désirs de votre chair, qui avez à lutter au milieu de ces langues, de

 

1. Ps. LVI, 5. — 2. Id. CXLIII, 12.

 

ces suppôts de Satan, et dont il se sert contre vous. « Car vous ne combattez plus contre la chair et le sang, mais contre les princes et les puissances, contre ceux qui gouvernent ce monde de ténèbres 1 », c’est-à-dire des méchants, Ecoutez, afin de vous en séparer; écoutez, afin de ne point regarder comme la vraie félicité celle que convoitent les hommes faibles ou corrompus. Ce sont bien là, mes frères, les fils de l’étranger, ce sont bien les grandes eaux, c’est bien là le glaive des méchants. Voyez quelle est cette vanité dont ils parlent, et gardez-vous de tenir leur langage, gardez-vous de parler comme eux, de peur de vivre comme eux. « Leur bouche parle la vanité, leur droite est la droite de l’iniquité ». De quelle vanité a donc parlé leur bouche, et comment leur droite peut-elle être la droite de l’iniquité? Ecoute : « Leurs enfants sont dans la jeunesse, comme des plants nouveaux; leurs filles sont parées, elles sont ornées comme des temples; leurs celliers sont pleins, et regorgent deçà et delà; leurs brebis sont fécondes, on les voit sortir en foule de leurs étables; leurs boeufs sont gras; il n’y a ni ruine ni ouverture dans leurs clôtures, ni cri dans leurs places publiques 2 ». N’est-ce donc point là le bonheur? J’interroge les enfants du royaume des cieux, j’interroge cette race de ceux que Dieu ressuscités pour l’éternité, j’interroge le corps du Christ, les membres du Christ, le temple de Dieu, N’est-ce donc point une félicité que d’avoir des enfants en santé, des filles bien parées, des celliers bien remplis, de nombreux troupeaux, de n’avoir aucune ruine non-seulement dans ses maisons, mais jusque dans ses clôtures, de n’entendre dans les places publiques aucun bruit, aucune clameur, mais le repos, la paix, l’abondance, la richesse dans les maisons et dans les villes? N’est-ce donc point là le bonheur? Les justes doivent-ils le fuir? Aucun juste n’a-t-il donc possédé une maison regorgeant de biens, comblée d’un semblable bonheur? La maison d’Abraham n’était-elle donc point riche en or, en argent, en enfants, en domestiques, en troupeaux 1? Jacob, ce saint Patriarche fuyant la face d’Esaü son frère, en Mésopotamie, ne s’enrichit-il point par ses services, et en retournant dans son pays ne rendit-il point grâces à Dieu, parce qu’ayant passé le fleuve avec son bâton,

 

1. Ephés. VI, 12.— 2. Ps. CXLIII, 12-14.— 3. Gen. XII, 5; XIII, 2-6.

 

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il revenait avec tant d’enfants, et des troupeaux si nombreux 1? Que dirai-je encore ? N’est-ce donc point là le bonheur? Soit; mais le bonheur de la gauche. Qu’est-ce que la gauche? Ce qui est du temps, périssable, corporel. Sans vous dire de le fuir, gardez-vous de le regarder comme de la droite. Car les hommes du Psalmiste n’étaient point vains et méchants, parce qu’ils les possédaient, mais parce qu’ils prenaient pour biens de la droite, ce qui ne devait être que de la gauche. Que devaient-ils mettre à droite ? Dieu, l’éternité, les années de Dieu qui ne finiront point et dont il est dit : « Et vos années ne passeront point 2 ». Telle est la droite où doivent tendre nos désirs. Servons-nous de la gauche pour un temps, mais soupirons après la droite pour l’éternité. Si les richesses coulent chiez vous en abondance, n’y attachez point votre coeur 3. Car si vous attachez vos coeurs aux richesses qui coulent, de -votre gauche vous ferez votre droite. Corrigez-vous, admirez ces chastes baisers que vous donne la Sagesse

«Sa gauche est sous ma tête, et il m’embrasse de sa droite 4 ». Voyez ces admirables chants d’amour, ces Cantiques des cantiques, ce chant des saintes épousailles du Christ et de l’Eglise. Que dit l’Epouse à propos de l’Epoux? « Sa gauche est sous ma tête, et il m’embrasse de sa droite ». La gauche est sous la tête, la droite sur la tête. C’est ce que l’on fait quand on embrasse, on met la droite sur la tête, et la gauche au-dessous. as Sa gauche; dit l’Epouse, «est sous ma tête».Car il ne m’abandonnera point en ce qui est nécessaire à la vie; et toutefois cette main gauche sera sous ma tête; non point sur ma tête, mais au dessous, ahi qu’il m’embrasse de cette même droite qui promet la vie éternelle. Car sa gauchie ne sera sous ma tête que quand il m’embrassera de sa droite; et ainsi s’accomplira ce que saint Paul écrit à Timothée : « Il a les promesses de la vie présente et de la vie future  5». Qu’avons-nous dans cette vie? La gauche sous notre tête. Qu’avons-nous pour l’avenir? Sa droite m’embrasse. Cherchez-vous ce qui est nécessaire en cette vie? « Cherchez d’abord le royaume de Dieu», c’est-à-dire sa droite, et tout cela vous sera donné par surcroît 6 ». Vous aurez ici-bas les richesses et la gloire, et dans le siècle à venir la vie éternelle; ma

 

1. Gen. XXXI, 18; XXXII, 7- 10. — 2. Ps. CI, 28. — 3. Id. LXI, 11.—  4. Cant. II, 6. — 5. I Tim. IV, 8. — 6. Matth. VI, 33.

 

gauche soutiendra votre faiblesse, et ma droite couronnera vos vertus. Mais les Apôtres, qui avaient tout quitté et distribué leurs biens aux pauvres, ont-ils vécu ici-bas sans aucune richesse? Que serait alors devenue cette promesse relative à la gauche : « Il recevra sept fois autant dans ce monde ? » Le Sauveur nous promet la multiplication des biens. Et, en effet, qu’est-ce qui manque au serviteur de Dieu? Un infidèle a une maison, quelques maisons peut-être ; « mais le fidèle a pour richesses le monde entier 2 ». Vois comme elle est sous la tête, cette gauche pleine de tous ces biens : « Il recevra en ce monde sept fois autant ». Vois la droite qui nous embrasse : « Et dans le siècle à venir la vie éternelle ». C’est bien avec raison que la Sagesse a dit ailleurs : « Les années de la vie sont dans sa droite, et dans sa gauche les richesses et les honneurs 3 ».

19. Comment donc ces hommes disent-ils des choses vaines? comment leur bouche a-t-elle dit la vanité? Parce que « leur droite est celle de l’iniquité ». Je ne leur fais pas un crime d’avoir des enfants qui sont dans leur jeunesse comme des jeunes plants, ni des filles ornées comme des temples, ni des biens en abondance et une félicité terrestre. Où est donc leur crime ? « D’avoir appelé heureux le peuple qui a de tels biens 4». O futiles discoureurs ! Appeler bienheureux un peuple qui a de tels biens! Ils ont perdu la véritable droite, et se sont vêtus au rebours des dons de Dieu. Hommes pervers, hommes futiles, fils de l’étranger, ils ont appelé heureux le peuple qui possède ces biens. « Ils ont mis à droite ce qui était à gauche, et ont appelé heureux le peuple qui possède ces biens ». Mais vous, ô David? Mais vous, ô corps du Christ? Mais vous, ô membres du Christ? Mais vous, fils de Dieu, et non fils de l’étranger, que dites-vous? Les hommes vains dans leurs paroles, les fils de l’étranger ont appelé heureux le peuple qui possède ces biens. Mais vous, que dites-vous? « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur 5 ». Ayez donc la gauche, si vous le voulez, mais dans votre main gauche; ambitionnez la droite, afin d’être placés à la droite. C’est ainsi qu’ils ont placé à gauche la gauche elle-même, auprès de qui le Christ a eu faim,

 

1. Matth. XIX, 29— 2. Prov. XVII, 6, suiv. les Sept. — 3. Id. III, 16. — 4. Ps. CXLIII, 15. — 5. Ibid.

 

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et ils lui ont donné à manger; a eu soif, et ils lui ont donné à boire; a été étranger, et ils l’ont reçu ; a été nu, et ils l’ont revêtu 1. Ce sont des avantages qu’ils ont tirés de la gauche, dont ils ont fait des oeuvres de la droite, afin d’être eux-mêmes placés à la droite. Donc ces hommes vains, ces fils de l’étranger ont dit: « Bienheureux le peuple qui a de tels biens »; mais vous, dites avec nous : « Bienheureux le peuple qui a pour Dieu le Seigneur ».

 

1.Matth., XXV, 35, 36,

 

 

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